le monde selon kapoor

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le monde selon kapoor
 LE MONDE SELON KAPOOR 2011
Magicien pluriculturel, esthète perfectionniste et ingénieur de l'impossible - le
sculpteur Anish Kapoor aime les défis artistiques et techniques inédits, telle l'énorme
structure gonflable avec laquelle il a investi le Grand Palais lors de l'exposition Monumenta
de 2011. Kapoor, né en Inde mais vivant depuis les années 70 en Angleterre, est un artiste
enchanteur : ses énormes miroirs capturent les nuages, ses miniatures en pigments sculptent
la couleur monochrome et ses œuvres murales nous attirent dans le vide du sublime. Notre
film raconte le monde selon Kapoor, un voyage de ses ateliers de Londres aux installations
permanentes de Chicago ou Naples ou aux expositions de Bilbao, Mumbai et Delhi, et invite
l'artiste à parler en toute intimité de sa quête perpétuelle de formes nouvelles, toujours
bouleversantes…
Quelques mots sur Kapoor…
Né à Bombay en 1954 mais vivant depuis 1973 à Londres, Anish Kapoor incarne à la fois la
globalisation et l’individualisme, le progrès et l’héritage culturel, le succès d’un pays qui s’est
libéré du colonialisme et la tradition d’avant-garde purement occidentale. Elevé en Inde,
éveillé dans un kibboutz israélien, éduqué par un maître roumain dans le pur esprit formel de
l’art conceptuel des années 70, découvert à l’occasion de la renaissance de la sculpture
anglaise des années 80, Kapoor expose aujourd’hui autour du monde, de Vienne à São Paolo,
de Berlin à Chicago, de New York à Londres, et de Tokyo à Helsinki. Il est célébré et
controversé pour son monumentalisme décoratif et son refus de tout compromis
technologique, ce qui rend certaines de ses réalisations extrêmement coûteuses.
Qui est ce bel homme secret, mais charismatique qui adore les défis monumentaux ? Notre
film accompagne Kapoor pendant la préparation de sa première grande exposition dans son
pays natal, l’Inde. Dans les anciens studios de cinéma de sa ville, Mumbaï, c’est un retour aux
sources, et pourrait être la reconnaissance définitive d’une puissance émergeante qui a besoin
de vedettes internationales. Suivent l’inauguration d’une autre exposition à Delhi et les visites
de l’atelier de Kapoor dans un des centres du monde de l’art, à Londres, une véritable usine
d’idées où travaillent des dizaines de collaborateurs. Et où sont visibles les trois maquettes
dont naîtra lentement la pièce placée au centre de notre film : le « Léviathan » », œuvre
unique par sa taille, son coût et ses caractéristiques techniques, commanditée par l’Etat
français pour d’édition 2011 de Monumenta.
Après quinze ans de psychanalyse, Kapoor considère sa sculpture comme une exploration de
l’inconscient grâce à l’art – mais sa métaphysique se veut corporelle et sa spiritualité
physique. L’œuvre de Kapoor, bien que directement déduite de la réalité, reste non-figurative.
La figure humaine qui s’y imprègne, c’est nous, le public.
Kapoor vit dans le présent, il traite de l’importance de l’espace du quotidien dans un monde
défini non pas par le virtuel et les médias, mais par notre expérience physique quotidienne,
par notre vie de tous les jours. En envahissant l’espace avec ses pièges visuels, avec des trous
noirs, des cabanes en textile aux formes indéfinies ou avec des miroirs géants et déformants, il
nous emmène dans un monde étrange et familier à la fois, un monde qui n’est que la réflexion
artistique de nous-mêmes.
Quelques mots de Kapoor…
L’ART
« Le véritable but de l’art abstrait, c’est de passer sous la peau pour aller dans des endroits qui
posent des questions fondamentales sur l’être, la conscience…
Des questions philosophiques sur la nature du monde, après tout !
Et des questions poétiques sur la nature de l’être.
L’une des caractéristiques formidables de ce que l’on appelle « l’art abstrait », c’est qu’il est
dégagé du fardeau de la représentation. Il clame : « Je ne représente pas. »
Seulement, pour remplacer cet aspect, il doit trouver d’autres langues.
Moi, je pense que toutes ces autres langues sont philosophiques. Ce sont toutes des
propositions sur les choses telles qu’elles sont, qu’elles pourraient être, ou que l’on
souhaiterait qu’elles fussent. En fait, au cœur de cela, il y a trois propositions différentes.
La première, c’est l’idée d’échelle de grandeur. …Il faut se réadapter en permanence au
concept réel d’échelle.
La deuxième, qui est également très importante, c’est l’espace. L’espace est à la fois réel et
imaginaire, comme dans un espace rêvé : même s’il est imaginé, il est parfaitement réel, ou il
joue avec le réel.
La troisième proposition, c’est le temps, qui affecte à la fois l’espace et l’échelle.
L’art a cette capacité insolite d’allonger légèrement le temps. Il permet, pendant un bref
instant, d’entrer dans une sorte de rêverie où le temps semble s’arrêter, ou bien être plus long,
différent… C’est encore quelque chose de profondément mystérieux, qui peut se produire
volontairement ou non dans une œuvre… »
LA PLACE DE L’ARTISTE…
« Je répète souvent que je n’ai rien à dire en tant qu’artiste.
Je ne m’intéresse pas tellement à ce que j’ai à dire. Ce n’est pas le problème. Peu importe ce
que j’ai envie d’exprimer ! Les autres ne le sauront jamais. »
…ET LE PROCESSUS DE CREATION
« Cela dit, je pense que le processus de création est très important. La pratique de l’atelier est
importante, parce que c’est un lieu où se déroule un processus de pensée expérimentale, qui
s’incarne dans des objets de toutes sortes, ou des images de toutes sortes. C’est le moment où
l’on commence à réfléchir à ce qui se passe dans ces objets ou ces images.
Un certain processus s’établit entre l’objet et moi. Ce n’est d’ailleurs pas très différent d’une
relation psychanalytique. Dans la psychanalyse, pour schématiser, il y a le psychanalyste, le
« patient » et une « entité imaginée », si vous voulez. Sa présence résulte d’une sorte de
contact entre les deux autres personnes. Cette troisième entité est toujours là, d’une façon ou
d’autre. Dans un atelier, on retrouve ces fantômes, ces esprits, cette « entité imaginée ».
Le processus de création d’une œuvre consiste souvent à donner une forme à cette entité
inconnue : soit la laisser inconnue, dotée d’une présence invisible, ou bien lui donner une
sorte de réalité. C’est une forme de dialogue qui obéit à des critères assez objectifs. Ce n’est
pas mon genre de monde psychique intérieur, peu importe ! Ça ne m’intéresse pas ! Cela ne
devrait pas intéresser non plus le spectateur. C’est lorsque l’artiste convoque ce « troisième
objet » qu’il devient également visible et reconnaissable au spectateur. C’est une
identification subtile et compliquée… Alors qu’au final, il s’agit d’un objet poétique. C’est un
objet poétique que vous connaissez et que je connais… Que nous connaissons tous, en fait ! »
NOUVELLES FORMES
« Pour créer, en art, il faut convoquer de nouvelles formes, de nouveaux espaces, de nouvelles
temporalités. Cela me semble absolument indiscutable. Pourtant, la nouveauté ne vient pas
forcément de l’innovation, elle peut venir du passé. »
L’ATELIER ET LA NECESSITE D’ECHOUER
« Pour moi, c’est évident que l’atelier est un lieu d’expérimentation. Ce que j’ai envie d’y
faire, c’est d’échouer, et d’échouer souvent… Échouer rapidement. Le pire, c’est de passer
des mois ou des années avant d’échouer. Il vaut mieux essayer des idées aussi vite que
possible et échouer, si tel est le cas. Il faut échouer rapidement. Je pense qu’un processus
continuel d’excavation est à l’œuvre : c’est une démarche complètement archéologique. »
ORIENT/OCCIDENT
« C’est un lieu commun de penser qu’il y a une différence fondamentale de points de vue
entre l’Occident et l’Orient. Je ne suis pas certain que cela soit réellement le cas. À divers
égards, il faut se rendre compte de la nécessité de dé-compartimenter notre façon d’envisager
les peuples et les cultures. Il faut briser ce compartimentage : il a pour seul effet de rendre
exotique l’Autre. Cela pose un lieu « exotique » d’où l’Autre est originaire, et c’est une vision
trop touristique, trop simpliste.
Depuis de nombreuses années, mon travail en tant qu’artiste a consisté à dire : « Je vous en
prie, arrêtez de me considérer comme un artiste indien. Cela n’apporte rien. » Ce qui compte,
c’est de dire que les artistes s’expriment avec toutes sortes de langues, « orientales » comme
« occidentales », pour arriver à s’exprimer en tant qu’individus. »
Le réalisateur
Heinz Peter Schwerfel, critique d'art et cinéaste, réalise depuis 1985 des portraits filmés
d'artistes qui ont été primés à de nombreux festivals. Entre autres, il a travaillé avec Georg
Baselitz, Jochen Gerz, Rebecca Horn, Alex Katz, Jannis Kounellis, Annette Messager, ou
Bruce Nauman.
Générique :
Documentaire réalisé par Heinz Peter Schwerfel
Produit par Anne Schuchman
Arte France
Sortie d’un DVD pour l’exposition de l’artiste dans le cadre de Monumenta
http://www.arte-boutique.fr/
http://www.arte.tv/fr/Echappees-culturelles/Le-monde-selon-Kapoor/3891176.html