Alfonse à Molère : L`addiction aux jeux vidéos

Transcription

Alfonse à Molère : L`addiction aux jeux vidéos
D’Alfonse à Molière : L’addiction aux jeux
vidéos
Cher Jean-Baptiste Poquelin,
À notre époque, les pièces de théâtre sont remplacées par les consoles de jeu (comme PS2, PS3, PSP) et les pièces
sont de plus en plus inintéressantes. Toutes les pièces de théâtre seront bientôt remplacées par la télévision et plus
encore. Ici, le théâtre sur tréteaux ne se fait plus, les comédies et autres sont rediffusées à la télévision.
Comment toutes ces idées vous sont-elles venues, et quelle fut la plus grande réussite de votre carrière?
De notre temps, il n'y a plus de roi; les musiques de votre époque sont remplacées par du rock, du hip, qui ont du
mouvement et qui donnent envie de danser. La télévision diffuse des séries (policières, amusantes et encore
beaucoup plus), des émissions sur la vie des gens du monde (comme les informations du monde). Les enfants sont
souvent devant les ordinateurs qui servent à faire plein de choses ou bien sur les consoles Les adolescents fument et
font les intéressants pour montrer qu'ils sont matures. Les jeunes adolescents et enfants n'ont plus de manières
pour se tenir à table, parler, manger. Les adolescents insultent des personnes à cause de leurs différences.
Comment sont les personnes de votre temps? Et vous, comment êtes-vous?
Au XXIe siècle, les chanteurs ne deviennent populaires que si la musique a un sens. Les jeunes regardent beaucoup
de DVD sur leurs lecteurs DVD. Ici, les jeunes aiment beaucoup leur famille. Comment pensez-vous vous que les gens
puissent être aussi fragiles et idiots à notre époque? Comment les jeunes de votre temps s'amusent-ils? Les adultes
jouent beaucoup aux jeux d'argent mais perdent tout le temps.
Maintenant, les voitures de luxe sont achetées par des célébrités ou des personnes qui les achètent pour la frime.
Les jeunes adolescents se coiffent comme un chanteur mais ressemblent plus à un champignon. Certaines personnes
se font la couleur de cheveux de leur équipe préférée (par exemple, bleu, blanc et rouge). Quels étaient les caprices
des personnes de votre siècle? Ici les gens portent le pantalon en bas des fesses, tellement que leur pantalon est bas
qu'on a l'impression qu'ils se sont lâchés.
Dans l'attente de votre réponse, je vous prie de croire en mes respectueuses salutations.
Alfonse
Monsieur,
Je demeure fort étonné à la lecture de tout ce dont vous m'entretenez dans votre lettre. Mais il me semble
toutefois qu'au fond, l'humain ne change guère: ainsi, vous déplorez la faible qualité des pièces de votre
temps. Savez-vous combien, dans mon siècle, se plaignent de la même manière que vous et disent que le
Théâtre est perdu et croule sous la somme de méchantes pièces qu'on y joue et qu'on aurait honte de faire
imprimer? Pour un seul génie, combien de médiocres auteurs? Pour un seul Corneille, combien de
Boursault et de Brécourt? Qui sait d'ailleurs si leurs noms resteront? Voulez-vous mon avis? Je crois que
nous sommes toujours mauvais juges en ce qui concerne notre temps et que seule la postérité peut juger du
mérite des hommes.
J'avoue tout à fait ignorer quels sont ces «DVD» et cette «télévision» dont vous me parlez mais il semble, à
vous lire, que le jeu soit un vice répandu dans votre temps. Il en est de même à notre époque, et l'on a vu de
colossales fortunes se détruire sur un coup de dés. Pour moi, je ne prise guère ce divertissement et ne me
sers des cartes à jouer que comme de petits papiers pour y noter mes pensées.
Mais je lis un trait que vous m'écrivez et qui m'inspire les plus vives alarmes: vous dites qu'il n'y a point de
Roi en France? L'anarchie y règne-t-elle donc? Ou bien la France est-elle tombée sous la coupe d'un état
étranger? Instruisez-moi, je vous en prie, sur cet étrange malheur.
Je répondrai enfin à vos questions sur notre temps: que les jeunes suivent les caprices de la mode, c'est là
un trait commun à tous les siècles. Mon époque a ainsi vu de ces jeunes élégants si poudrés qu'ils
ressemblaient à un acteur de farce ou à un boulanger qui serait tombé dans sa farine et qui s'attifaient de
perruques si grandes qu’elles balayaient la place à chaque fois qu’ils faisaient la révérence. Vous
voyez, Monsieur, que le ridicule est de tous les temps et que la jeunesse, toujours prompte à suivre la mode,
ira où la folie ira. Et comme dans votre siècle, les jeunes gens parlent haut et fument la pipe. Mais vous
m'écrivez encore que, dans votre siècle, «les jeunes aiment beaucoup leur famille», ce qui est bien
réconfortant.
Vous me demandez encore quelle fut ma plus grande réussite au théâtre: au point de vue du succès et de
l’estime du public, c'est sans doute mon «école des femmes» qui m'attira de nombreux honneurs et de
nombreuses jalousies. Toutefois, pour moi, je préfère de beaucoup mon «Misanthrope», qui est, je crois, la
pièce la plus fine que j'écrivis jamais. Hélas, le public ne l'a point trop appréciée, car il la trouvait trop
sérieuse.
Votre serviteur,
J.-B. P. de Molière

Documents pareils