Téléchargez le fichier (format PDF - 113,34 Ko )

Transcription

Téléchargez le fichier (format PDF - 113,34 Ko )
Mission du CSA au Canada
sur la diversité dans les médias
MM. Rachid Arhab et Alain Méar, membres du Conseil et coprésidents du groupe de travail
« diversité », et M. Gil Moureaux, chargé de mission à la direction des affaires européennes
et internationales, se sont rendus à Ottawa et à Montréal du 5 au 9 juin derniers.
L’objet de la mission était d’étudier les initiatives, règles et modes de régulation applicables
aux services audiovisuels en matière de diversité au Canada. À cette fin, la délégation du CSA
a rencontré des représentants du ministère de la culture et de la communication (Patrimoine
Canada), de l’autorité de régulation audiovisuelle (le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes (CRTC)), de l’Office national du film (ONC), de l’Association
des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ), de l’audiovisuel public (CBCRadio Canada), du Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN), d’une radio
communautaire (CPAM Radio Union), de groupes audiovisuels privés (Quebecor Media Inc.
et Astral Media Inc.) et de l’ambassade de France au Canada.
La régulation de la diversité culturelle dans les médias au Canada
La population du Canada est caractérisée par sa diversité. Selon le dernier
recensement officiel de 2006, sur les 32 millions de Canadiens, 16 % appartiennent à
des minorités visibles (africaine, arabe, asiatique, latino-américaine, etc.) et 3,9 %
revendiquent une identité autochtone (premières nations - Amérindiens, Métis et
Inuits). 20,1 % de la population est allophone - et a une langue maternelle autre que
les deux langues officielles du Canada depuis 1969 : l’anglais et le français. Selon les
projections statistiques officielles, 25 à 28% de la population devrait être née hors du
territoire canadien en 2031. À cette diversité s’ajoute la distinction constitutive de
l’identité canadienne moderne entre Canadiens d’origine britannique ou française.
Le Canada a adopté une politique officielle de multiculturalisme dès 1971, avec
obligation pour le gouvernement fédéral de prendre en compte la réalité de la société
canadienne, notamment par la mise en place progressive de politiques visant à
promouvoir la diversité, à l’exemple du programme d’équité en matière d’emploi.
Un objectif de la loi sur la communication audiovisuelle
La représentation de la diversité culturelle à la télévision et à la radio est l’un des
23 objectifs posés par la loi sur la radiodiffusion du 1er février 1991.
La loi indique que le secteur audiovisuel canadien doit « servir à sauvegarder, enrichir
et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada ». Il doit
ainsi, « par sa programmation et les possibilités d’emploi, répondre aux besoins et aux
1/7
intérêts, et refléter les conditions et les aspirations : (…) de la dualité linguistique et de
la nature multiculturelle et multiraciale de la société canadienne ; de la place
particulière qu’occupent les autochtones dans notre société ».
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications (CRTC) est chargé de mettre
en œuvre cette politique, qui englobe les minorités ethniques, les peuples autochtones
et les personnes handicapées. Deux modes d’action sont utilisés : la promotion de la
diversité par les autorisations ; la promotion de la diversité par les programmes.
La promotion de la diversité par les autorisations
La promotion de la diversité par les autorisations est assurée par l’autorisation de
services audiovisuels autochtones, à caractère ethnique, et la distribution de services
étrangers de langues tierces.
S’agissant de la radiotélédiffusion autochtone, le CRTC a énoncé les critères
applicables à un service autochtone dans un avis public du 20 septembre 1990 (avis
CRTC 1990-89). Pour bénéficier de ce statut, un service doit être contrôlé par et
s’adresser à une population autochtone ; sa programmation doit en outre encourager
la préservation des langues et cultures autochtones.
Le CRTC favorise la réception des services autochtones dans l’ensemble du Canada.
Autorisé nationalement en 1999, l’Aboriginal People Television Network (APTN), établi
à Winnipeg et comprenant 11 bureaux dans l’ensemble du pays, est le premier réseau
national de télévision amérindien au monde. La délégation du CSA a rencontré le
directeur général d’APTN, M. Jean Larose, et évoqué les origines (la politique des
années 70 et 80 sur la radiotélédiffusion dans le Nord) et les projets du réseau
autochtone. Les émissions d'APTN, dont 75 % du contenu est d’origine canadienne,
sont diffusées à 56 % en anglais, 16 % en français et 28 % en langues autochtones. Les
distributeurs ont obligation (must-carry) de proposer APTN dans leur service de base
(comme de lui verser la redevance afférente), afin qu’il soit accessible à tous sur
l’ensemble du territoire. Plus de 45 stations de radio locales amérindiennes sont
autorisées au Canada.
Le CRTC a précisé sa politique relative à la radiodiffusion à caractère ethnique, et
énoncé les critères applicables à de tels services, dans un avis du 16 juillet 1999 (avis
1999-117). Les services à caractère ethnique doivent consacrer au moins 60 % de leur
programmation à des programmes à caractère ethnique (c’est-à-dire s’adressant à une
population autre qu’autochtone ou d’origine française ou britannique) et au moins
50 % en langues tierces (les langues autres que l’anglais, le français et les langues
amérindiennes). Six stations de télévision multilingues, 54 services de télévisions
spécialisés (ciblant les auditoires chinois, espagnol, italien, grec, etc.) et 23 services de
radio multilingues détiennent une licence d’exploitation sur le territoire canadien. La
2/7
délégation du CSA a rencontré M. Jean-Ernest Pierre, président de la radio CPAM,
créée il y a 9 ans et diffusée sur la bande AM à Montréal et dans sa région. Cette radio,
principalement destinée à la communauté haïtienne (également aux communautés
latino-américaines et africaines), a pour particularité d’avoir une autorisation
permettant une programmation à 90 % en français.
Le CRTC a enfin développé une politique visant à faciliter la distribution d’un nombre
accru de services de télévision étrangers par satellite de langues tierces (avis 2004-96),
inclus dans la récente Liste de services de programmation non canadiens approuvés
pour distribution (texte portant politique réglementaire de radiodiffusion -CRTC 2011399). 86 services par satellite de langues tierces sont ainsi autorisés à être distribués
au Canada, selon le rapport 2010 de surveillance du CRTC sur les communications.
La promotion de la diversité par les programmes
La politique du CRTC en matière de diversité ne se limite pas à la seule autorisation de
médias spécialisés. L’autorité de régulation veille en outre à ce que l’ensemble de la
population, quels que soient son origine, son orientation sexuelle ou son handicap, soit
en mesure de se reconnaître dans la programmation des chaînes de télévision et de
radios privées généralistes. Le service public, en particulier CBC/Radio Canada, est
soumis à des propres obligations en matière de diversité.
RADIO CANADA ET LA DIVERSITÉ
Le service public, en particulier CBC/Radio Canada, est soumis à ses propres obligations en
matière de diversité. Son rôle est défini par la loi sur la radiodiffusion de 1991 et
CBC/Radio Canada doit refléter dans ses programmes, tant « la globalité canadienne et la
diversité régionale » que « le caractère multiculturel et multiracial du pays ». En 2009,
CBC/Radio Canada s’est dotée d’un comité directeur national sur la diversité qui
coordonne les actions en la matière au sein du groupe, avec comme objectif de
promouvoir la diversité dans ses antennes et ses effectifs.
me
La délégation du CSA a rencontré M Nicole Goyer, directrice de la diversité à l’antenne
des services français (Radio Canada). Radio Canada a organisé un « casting de la
diversité » en 2009 afin de promouvoir la représentation de la diversité dans ses
productions. Une banque d’experts issus de la diversité (« Mosaïca ») a également été
développée par la rédaction. Parmi les pistes explorées par Radio Canada pour se doter
d’indicateurs de représentation de la diversité à l’antenne, figure celle du Baromètre sur
la diversité à la télévision mis en place par le CSA en 2009.
S’agissant des télévisions privées, le CRTC a indiqué dans un avis du 16 juillet 1999 (avis
1999-117), que « le système de radiodiffusion doit donner un portrait précis, honnête
3/7
et non stéréotypé de tous les Canadiens, et qu’il doit encourager les producteurs, les
auteurs, les techniciens et les artistes de différents contextes culturels et sociaux. »
Les télévisions privées généralistes ont ainsi pour obligation d’élaborer des plans
d’entreprise visant à améliorer la représentation des minorités visibles dans les
programmes, depuis 2001, et des personnes handicapées, depuis 2004. Elles doivent
en outre remettre chaque année au CRTC un rapport présentant leurs actions et leurs
progrès réalisés en matière de diversité
LES PRATIQUES DE GROUPES AUDIOVISUELS PRIVÉS
Astral et Quebecor (ATV) participent depuis 2005 à un forum fondé en commun : le Forum
Télédiversité. À la fois forum d’échanges et foire à l’emploi, cette manifestation annuelle
avait pour objet de promouvoir des jeunes issus de la diversité dans les métiers de
l’audiovisuel, elle est en cours d’évolution sous l’intitulé Médiasdiversité, et prendra
désormais la forme d’un site internet permanent.
(http://www.mediasdiversite.ca/ ).
Les deux groupes ont également une action analogue en matière d’accès à l’emploi,
pratiquant tous deux, pour reprendre l’expression d’un interlocuteur, une forme de
« discrimination positive à talent égal ». Ils ont également développé un système de
bourses d’études attribuées chaque année à des étudiants issus de la diversité et se
préparant aux métiers de l’audiovisuel.
La délégation du CSA a en particulier rencontré M. Pierre Rodrigue, vice-président d’Astral
me
Media Inc et M Peggy Tabet, directrice des affaires réglementaires de la radiodiffusion
de Quebecor Media Inc.
De 2001 à 2010, l’autorité de régulation a agi de concert avec l’Association canadienne
des radiodiffuseurs (ACR), réunissant les professionnels du secteur, qui a notamment
animé le groupe de travail sur la représentation de la diversité à la télévision, avec
pour mandat d’examiner la situation de celle-ci, d’identifier des « pratiques
exemplaires » et de proposer des voies d’amélioration. Elle remettait chaque année
un rapport au CRTC durant cette période.
L’ACR a élaboré en 2007 un code sur la représentation équitable. Son objectif était
d’assurer une représentation équitable de la diversité à la télévision, et d’éliminer,
dans les émissions de programme comme dans les messages publicitaires, les
représentations et les stéréotypes « indûment négatifs » concernant la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état
matrimonial ou le handicap physique ou mental. Ce code invitait également à éviter
toute stigmatisation et victimisation, toute dérision concernant les mythes, traditions
ou pratiques, ainsi que tout contenu dégradant concernant un groupe donné. Il
demandait enfin d'éviter toute connotation sexiste dans le langage utilisé. Le CRTC
4/7
impose depuis 2008 le respect de ce code aux télévisions privées lors de l’autorisation
ou du conventionnement des chaînes.
Les recommandations de l’ACR concernent également les producteurs. Au cours de sa
mission, la délégation du CSA a rencontré Mme Claire Samson, présidente de
l’Association des producteurs de films et de télévision du Québec (APFTQ). Parmi les
producteurs, l’Office national du film est aussi au cœur des actions en matière de
diversité.
L’ONF ET LA DIVERSITE
Crée en 1939, l’Office national du film du Canada (ONF) a pour mission de produire et de
distribuer des œuvres audiovisuelles destinées à « faire connaître et comprendre les
intérêts, valeurs et point de vue des Canadiens ». Il compte aujourd’hui un catalogue de
plus de 13 000 œuvres. Il est en particulier très actif dans les domaines du documentaire,
de l’animation et des productions interactives, comme dans ceux de la diffusion et de la
production de contenu numérique (http://www.onf.ca/).
Avec l’affirmation du caractère pluriculturel du Canada en 1971, l’ONF a progressivement
intégré la promotion de la diversité dans son action.
(http://www.onf.ca/selections/marc_st-pierre/la-diversit-culturelle-un-regard-en-quatretemps/).
Conformément à la politique d’équité en matière d’emploi, l’Office veille à ce que son
recrutement soit représentatif des différentes composantes de la société canadienne.
L’ONF s’inscrit aujourd’hui dans le programme du gouvernement fédéral sur la
discrimination au travail et a produit La tête de l’emploi, une série de 11 courts métrages
diffusés à la télévision ou sur le Web (http://latetedelemploi.onf.ca/).
Les productions de l’ONF prennent en compte l’objectif de diversité : 50 % de ses
productions cinématographiques et 69 % de celles destinées au Web ont été réalisées par
des Canadiens « de diverses communautés ethnoculturelles, de différentes régions et de
différentes communautés linguistiques en situation minoritaire ». Ces catégories
englobant, outre les immigrants récents, les autochtones, les anglophones au Québec et
les francophones dans le reste du Canada.
L’ONF a enfin développé une politique en faveur d’un cinéma autochtone canadien
(http://www.onf.ca/chaines/peuples_autochtones), dont l’une des figures les plus
marquantes est la réalisatrice abénaquise Alanis Obomsawin.
La délégation du CSA a été reçue par M. Claude Joli-Cœur, commissaire-adjoint
de l’ONF, et François Tremblay, directeur général des ressources humaines.
La politique du CRTC en matière de diversité est élargie aux services de radio
privés en 2007 (avis 2007-122 du 2 novembre 2007). Ces derniers doivent
dorénavant respecter des pratiques analogues à celles des télévisions privées.
Dans un avis du 22 décembre 2010 (avis 2010-952), formulé à l’occasion du
renouvellement d’autorisations de groupes de télévisions privées de langue
anglaise, le CRTC a récemment affirmé son intention de procéder à une
évaluation de sa politique en matière de diversité.
5/7
La représentation et l’accessibilité de personnes handicapées
Le CRTC veille à ce que les personnes handicapées, en particulier les personnes
malentendantes et malvoyantes, soient « représentées et valorisées » (avis 2004-2 du
17 mars 2004 et 2006-77 du 19 juin 2006). Il veille également à ce qu’elles puissent
accéder aux programmes de télévision.
Il s’assure de l’accès à la télévision des personnes malentendantes en imposant le
sous-titrage dans la totalité des émissions diffusées la journée, à l’exception des
messages publicitaires (avis 2007-54 du 17 mai 2007). Le CRTC encourage par ailleurs
les chaînes à sous-titrer les émissions mises en ligne sur le Web.
Dans son texte portant politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom adopté
en 2009 (CRTC 2009-430), le CRTC indique son objectif d’étendre l’obligation de soustitrage à l’ensemble des émissions de programme. Il demande ainsi aux chaînes de
« veiller à ce que la publicité, les messages de commanditaires et la promo (sic) soient
sous-titrés avant la fin de la prochaine période de leur licence, auquel moment le
Conseil déterminera s'il y a lieu d'imposer des conditions de licence en ce sens ».
Le CRTC veille à ce que les personnes malvoyantes puissent accéder à la télévision par
le biais de la description sonore et de la vidéodescription (VD). Les services de
télévision ont ainsi pour obligation d’offrir une description sonore ; ils doivent offrir au
moins quatre heures par semaine de vidéodescription. Les programmes qui ne se
prêtent pas à la vidéodescription, comme les émissions d’information et sportive, sont
exemptées.
Depuis le 1er septembre 2009, tous les distributeurs (câble, satellite ou autres) ont
obligation d’offrir la VD pour tous les services de télévision numérique. Certains
distributeurs offrant des services de télévision analogique ont pour obligation de
fournir gratuitement un boîtier de décodage numérique aux abonnées malvoyants afin
qu’ils puissent accéder à la programmation décrite dans un format numérique.
Des services de télévision sont enfin spécifiquement consacrés aux malvoyants et
malentendants.
The Accessible Channel est un service numérique de langue anglaise, offert 24 heures
sur 24, qui présente différentes émissions en vidéodescription. Il est accessible sans
procédure additionnelle ni matériel spécial. Tous les distributeurs comptant plus de
2 000 abonnés sont tenus d’offrir The Accessible Channel dans leur forfait de services
de base.
6/7
VoicePrint (anglais) et La Magnétothèque (français) sont des services de lecture de
journaux offerts 24 heures sur 24 aux personnes malvoyantes. Ces services ont
également leur programmation propre. La majorité des distributeurs sont tenus
d’offrir ces services.
Le CSA remercie vivement le CRTC, en particulier M. Tom Pentefountas, vice-président
de la Radiodiffusion, Mme Louise Poirier et M. Michel Morin, conseillers, ainsi que
l’ambassade de France au Canada, en particulier Mme Erika Denis, attachée
audiovisuelle, pour leur accueil et leur soutien. Il remercie en outre l’ensemble des
interlocuteurs de la délégation, à Ottawa et à Montréal, pour les précieux éclairages
apportés à ses travaux.
7/7