l`e-réputation - Les Infostratèges
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Livre blanc sur l’e-réputation Septembre 2008 L’ensemble de ce livre blanc est sous licence Creative commons : reproduction possible – respect de la paternité – pas de modification – pas de commercialisation. Comment utiliser ce document pdf "dynamique" Tous les liens de ce document sont actifs, donc cliquables : liens du sommaire ci-dessus, liens aménagés dans le corps du document pour des renvois d'une partie à l'autre, et liens vers les pages web citées. Pour naviguer plus aisément dans le document, il est possible d'afficher le plan détaillé du document : cliquer sur le volet Signets, à gauche dans votre lecteur Adobe Acrobat. Tous nos documents PDF sont optimisés pour une lecture sous Acrobat Reader (version 6.0 et ultérieures). 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Dire publiquement du mal d'autrui a toujours existé, mais tombait vite dans l'oubli : les journaux et périodiques passent rapidement en archives où seuls quelques historiens leur redonnent vie ; les émissions de TV ou de radio s'oublient encore plus vite. Au contraire, la nature même du Web fait que tout reste accessible gratuitement avec les moteurs de recherche. Il en est de même pour les archives de presse en ligne, à ceci près que l'accès en est payant. Une mémoire persistante Sans doute est-ce pour ces raisons que la notion d'e-réputation prend aujourd'hui un essor fulgurant. L'e-réputation, encore appelée cyber-réputation, web-réputation ou réputation numérique, est un phénomène que nous connaissons bien et sur lequel nous intervenons depuis plusieurs années déjà. En effet, dès 2004, quelques-uns de nos clients se sont trouvés démunis face à des informations qu'ils croyaient oubliées des médias mais qui se retrouvaient facilement sur le Net via les moteurs de recherche. Voir Notre plaquette de présentation (pdf — 2,7 Mo) et Notre offre en la matière 8 octobre 2008 : voir l'entretien de Didier Frochot avec l'Atelier BNP Paribas La calomnie et la désinformation ne sont pas choses nouvelles en ce monde. Dans le cadre de ce dossier spécial, nous nous penchons sur l'ancienneté du phénomène : De Beaumarchais à Internet : de la calomnie à l'e-réputation négative tente de poser quelques jalons historiques, remontant au cheval de Troie, toute première opération de désinformation, et passant par l'émergence de l'e-réputation sur les réseaux télématiques des années 1980. Confucius considérait que pour aborder une question, il fallait commencer par faire un dictionnaire. Sans pousser l'ambition aussi loin, nous proposons un lexique dans notre article De la rumeur à la contrefaçon : questions de terminologie. Le plus vaste fonds d'archives au monde Il importe de comprendre que le Web est aujourd'hui le plus vaste fonds d'archives au monde. Mais on pourrait qualifier ces archives de vivantes en ce sens qu'il suffit de taper le nom d'une personne, d'une marque ou d'une entreprise pour faire resurgir tout à leur sujet sans qu'il soit besoin de procéder à des démarches administratives de consultation de fonds protégés par les lois d'accès aux archives. 2 Livre blanc sur l'e-réputation : Introduction |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Précisément, la plupart des pays du monde se sont dotés de règles et notamment de délais de communicabilité des archives, pour éviter, non seulement la divulgation de secrets d'État, mais aussi pour garantir la préservation de la vie privée des citoyens. Sur le Net, tout est archivé, mais surtout tout est disponible et peut être retrouvé en quelques clics. Pour compléter le dispositif, des législations telles que notre loi Informatique fichiers et libertés posent des règles fondées sur le droit à l'oubli. Précaution paradoxale, cependant qu'Internet devient le plus fabuleux mouchard qui soit au monde… Le Web 2.0 rend les choses encore plus sensibles, plus fragiles et plus redoutables que naguère. L'internaute, désormais acteur du réseau, devient un média potentiel à part entière, soutien ou danger en puissance, relais ou faiseur de réputation. Les formidables techniques de maillage de l'information (flux RSS, blogs, réseaux sociaux…) deviennent des caisses de résonance directement planétaires, d'une puissance et d'une réactivité jamais égalée. L'e-réputation ou la langue d'Ésope Tout comme la langue d'Ésope, l'e-réputation peut être la meilleure comme la pire des choses. On privilégie assez souvent le côté négatif de l'e-réputation. Mais celle-ci peut au contraire contribuer à la gloire d'une personne, d'une marque ou d'une entreprise. Et dans un cas comme dans l'autre, il est toujours possible d'agir en communication d'influence ou au contraire de contre-influence. Une multiplicité de vecteurs d'e-réputation sur le Net Pour bien maîtriser le phénomène de l'e-réputation, aussi bien dans son aspect positif que négatif, il convient d'en connaître les vecteurs. C'est l'objet de notre article sur Les vecteurs de l'e-réputation. De l'e-réputation positive Une réputation numérique positive se surveille et se gère. Il s'agit de maîtriser une identité numérique, partie intégrante de l'image d'une entreprise ou d'une personne. Celle-ci doit être surveillée avec d'autant plus de vigilance qu'il est facile de basculer en quelques heures d'une réputation positive à une réputation négative. Mais en mode actif, cette identité se forge par des méthodes et des voies spécifiques, qui logiquement doivent s'intégrer dans la stratégie de communication globale d'une entreprise ou d'une personne, partie prenante du plan média de celle-ci. 3 Livre blanc sur l'e-réputation : Introduction |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Notre article Soignez votre image chaque jour sur le Net présente les principales pistes d'intervention active auxquelles nous recourons dans nos missions. Mais l'identité numérique participe aussi de missions aux confins de l'e-réputation. Il en est ainsi du référencement du site d'une entreprise (naturel ou payant) qui participe de sa visibilité la plus efficace sur le Web (apparaître en tête des recherches à partir des motsclés les plus porteurs). De même, à titre de prévention, une stratégie de noms de domaine bien conduite consacre l'occupation du terrain sur le Web pour éviter l'apparition de sites voisins qui singeraient ou dénigreraient l'entreprise, ses produits et ses marques. Elle permet de se passer de coûteuses procédures pour faire déguerpir du Net ce genre de site indésirable. De l'e-réputation négative Celle-ci surgit dès lors que quelqu'un sur le Net commence à proférer des propos qui portent atteinte d'une manière ou d'une autre à l'image de l'entreprise ou à une personne. Pour bien gérer ces situations de crise, nous avons mis au point une Typologie des actions préjudiciables sur Internet. Elle nous aide à calibrer le type de stratégie de riposte mise en œuvre pour le compte du client. Loin des solutions automatisées miracles, Les Infostratèges s'appuient sur une expérience humaine qui allie dans une même synergie un savoir-faire technique (traçage des auteurs de propos douteux, identification des responsables de sites anonymes…) et une expertise juridique étendue (propriété intellectuelle, droit d'auteur, droit des marques et des noms de domaine, concurrence déloyale, dénigrement, délits d'information, responsabilité éditoriale, droit de l’Internet, prise en compte de l'aspect transnational…). Sur ce terrain, notre article sur L'e-réputation à l'épreuve des opinions hostiles brosse un tableau des moyens d'actions contre une e-réputation négative. Il faut savoir que la liberté d'expression est de principe et qu'il est impossible d'empêcher un client mécontent de dire qu'il l'est, voire d'expliquer pourquoi. Tant que ce qu'il dit est vrai, il ne peut y avoir diffamation. Écorner l'image d'une entreprise dont les prestations sont de mauvaise qualité relève donc avant tout de la liberté d'expression. Un article est spécialement consacré à ce Droit fondamental : la liberté d'expression... et ses limites. Il en va différemment lorsque l'usage de cette liberté est dédié à des manœuvres volontaires pour nuire. Il s'agit alors d'abus de droit et tout un arsenal juridique peut être mis en œuvre. 4 Livre blanc sur l'e-réputation : Introduction |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières C'est l'objet du panorama de l'Arsenal juridique au service de l'e-réputation proposé pour clore ce dossier. Pour aller au-delà de ce dossier spécial, nous proposons quelques Repères bibliographiques. Sans être exhaustifs, ces repères signalent les principales ressources en ligne ou sur papier. Bonnes lectures ! 5 E-réputation : De Beaumarchais à Internet... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières DE BEAUMARCHAIS À INTERNET : DE LA CALOMNIE À L'ERÉPUTATION NÉGATIVE Par Didier Frochot La calomnie et la désinformation ne sont pas choses nouvelles en ce monde. Dans le cadre de ce dossier spécial, nous nous penchons sur cette ancienneté du phénomène : De Beaumarchais à Internet : de la calomnie à la e-réputation négative qui tente de poser quelques jalons historiques, remontant au cheval de Troie, toute première opération de désinformation, et passant par l'émergence de l'e-réputation sur les réseaux télématiques des années 1980. "La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville, en s'y prenant bien ; et nous avons ici des gens d'une adresse !... D'abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l'orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez Calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'œil ; elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?" Chacun connaît sans doute cette savoureuse tirade de Basile dans le Barbier de Séville de Beaumarchais — devenu le célèbre "air de la calomnie" sous la plume de Rossini dans l'opéra du même nom. Tout y est exposé, y compris la méthode pour réussir à souiller la réputation et l'honneur d'un individu. Aperçu de la calomnie Nous pourrions prendre des exemples encore plus lointains sur l'art et la manière de flétrir une réputation. La question de la réputation publique d'une personne ne date bien sûr pas d'hier. Elle constitue un lieu de conflit très fréquent. Pour être efficace, la calomnie prend pour vecteur de propagation ce qu'on nommerait aujourd'hui le réseau social de la cible visée : ses relations, son milieu, la société dans laquelle il évolue ou qu'il fréquente. Pour ne pas être démasquée et donc rendue inoffensive sous le qualificatif de médisance, elle doit se camoufler sous les traits d'une possible vérité, s'insinuer par petites doses. Selon Basile, il suffit de lancer une rumeur, infime au départ, pour qu'elle s'enfle d'elle-même et prendre 6 E-réputation : De Beaumarchais à Internet... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières peu à peu des proportions telles qu'elle écrase la victime. Nous croisons là les techniques de la désinformation selon Vladimir Volkoff : lancer une information fausse et laisser agir les caisses de résonance qui se chargeront elles-mêmes de l'amplifier et de lui donner du crédit, d'autant plus de crédit que ces caisses de résonance sont convaincues du bien fondé de l'information de départ. Calomnie, rumeur, désinformation, guerre de l'information (voir notre glossaire)… On le voit, tout cela n'est pas nouveau. Dans son ouvrage de base, "Petite histoire de la désinformation" (voir bibliographie), Vladimir Volkoff prend comme tout premier exemple de désinformation l'histoire du Cheval de Troie. Ce décor étant planté, nous nous attacherons ici à rappeler que l'e-réputation n'est pas nouvelle et qu'elle a connu ses premières affaires dans les années 1980, du temps de Télétel. E-réputation sur Télétel En juin 1981, la télématique française est définitivement lancée. Télétel se développe et c'est pour les Français la première révolution électronique avec l'objet domestique fétiche : le Minitel. Il devient possible de consulter des pages d'information, et même de communiquer en ligne avec l'essor des messageries dont la mémoire collective a principalement retenu celles dont la couleur était rose, rappelons-nous, 3615 Ulla… Dans ce contexte, un magazine boursier lance le service Winner (3615 WIN) sur lequel une rubrique permet aux lecteurs de publier des tuyaux boursiers. À l'été 1987, une information est diffusée selon laquelle la société La Commande électronique, distributeur exclusif des logiciels bureautiques de l'éditeur américain Aston Tate, très réputés à l'époque, viendrait de voir son contrat de distribution rompu. L'action de la société française aurait, a-t-on dit, chuté de 50% dans les jours suivants. Nous tenons là sans doute la première affaire française de cyber-réputation. Le tribunal saisi reconnut le caractère public du service d'information boursière en cause, étant accessible aux usagers du Minitel qui pouvaient, dans le cadre de la rubrique "tuyaux", dialoguer entre eux. Il admit aussi l'élément matériel du délit, reposant sur la fausseté des informations répandues anonymement sur le service et tendant vers une spéculation boursière. Selon les juges, l'élément moral de l'infraction était fondé sur la connaissance du caractère faux ou trompeur des messages erronés en dépit des différents démentis publiés. Mais le service de "tuyaux" ne fut pas assimilé à une publication de presse, relevant des délits d'information de la loi du 1881 entraînant la responsabilité automatique du directeur de la publication, en raison du caractère effaçable du message. Le tribunal décida donc que la responsabilité pénale de l'éditeur du service relevait du droit pénal commun. L'éditeur n'étant ni coauteur ni complice de l'auteur inconnu, ne fut pas condamné. La COB (Commission des opérations de bourse, devenue aujourd'hui Autorité des marchés financiers – AMF) vola au secours des investisseurs boursiers, inquiets de l'incertitude qui pouvait régner sur l'information financière, et publia une première recommandation (n°877 E-réputation : De Beaumarchais à Internet... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières 01). Celle-ci appliquait le régime de responsabilité en cascade de la presse papier prévu par la loi du 29 juillet 1881 et étendu à la télématique par la loi du 30 septembre 1986. Signalons que la COB a également émis une recommandation similaire (n°2000-02) dans le contexte des forums de discussion et des sites Internet dédiés à l'information et au conseil financier (recommandations toutes deux disponibles sur le site de l'AMF : www.amf-france.org/affiche_plan.asp?IdSec=4&IdRub=62&IdPlan=120&Id_Tab=0). Les listes de discussion professionnelles éclaboussées Internet s'étant implanté en Europe, les listes de discussion, notamment professionnelles, n'ont bien sûr pas été épargnées par quelques incidents juridiques. Nous citerons celui qui agita le Landernau documentaire sur la liste ADBS-Infos (liste de l'Association des professionnels de l'information et de la documentation) en 1997, auquel nous avons été directement mêlés. La liste ADBS-Infos est née le 27 juillet 1994. Ses responsables croyant à l'autodiscipline des professionnels, cette liste était non-modérée à l'origine, publique (archives consultables de tous) et ouverte (toute personne pouvant s'y inscrire, même non membre de l'ADBS). En janvier 1997, une documentaliste publia les résultats d'une demande d'avis à ses collègues, sur un choix entre deux prestataires de services, sous une forme de pseudo statistique, soulignant que sur 26 avis reçus, 18 étaient favorables à tel prestataire. Les choses prenaient un tour plus délicat lorsque l'avis sur l'autre entreprise était qualifiée de "désordre, voire “chaos”, manque d'efficacité pour les réclamations, temps de réaction très long, nombreuses relances nécessaires, mauvaises prestations, le service n'a cessé de se dégrader depuis 10 ans et en particulier depuis l'informatisation". Une intervention du secrétaire général de l'ADBS et notre rappel à la liste de quelques règles de déontologie et de prudence élémentaires ont provoqué un débat animé. Peu de jours après l'envoi du premier message, l'entreprise attaquée appela l'auteur des propos innocemment postés et la menaça de faire un procès à son employeur. Le message fut alors retiré des archives publiques de la liste. La liste devint modérée dans le même temps. L'affaire en resta à un débat professionnel et à une menace de contentieux, mais la question de l'e-réputation d'un prestataire de service était posée. Un phénomène inévitable Puisqu'elle n'est pas nouvelle, pourquoi déployer tant d'énergie lorsqu'une réputation négative investit le Web ? Pour les mêmes raisons que pour les autres phénomènes apparus sur le Net depuis les années 1990. Certes, le mythe du Web, double virtuel du monde réel, devrait faire qu'on ne soit pas étonnés toutes les fois où une pratique du monde réel s'invite sur Internet, mais c'est précisément parce que beaucoup ne l'attendaient peut-être pas là, 8 E-réputation : De Beaumarchais à Internet... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières en raison d'une vision un peu trop angéliste du Web. Cependant, le phénomène de l'eréputation négative ne s'est pas implanté d'un seul coup sur le Net. C'est aujourd'hui qu'il est plus dangereux que jamais. Un phénomène redoutable par sa puissance d'impact Le Web est un réseau directement mondial, sans frontière, sorte de Village planétaire (autre slogan des années 90) où tout le monde parle de tout le monde. Mais en réalité les choses sont venues progressivement. De la netiquette des temps héroïques… Les premiers internautes étaient des gens relativement responsables, qui avaient le souci du respect de l'autre. C'est pourquoi s'était forgée la fameuse netiquette, règles de politesse et de comportement sur le réseau, relativement bien respectée des pionniers du Net. Mais à mesure que de nouveaux internautes de moins en moins formés et de moins en moins avertis investissaient la toile, le principe élémentaire de respect de l'autre s'est estompé, sans parler de certains responsables de communication ou de marketing sans scrupules. Mais le saut qualitatif se fait avec le Web 2.0. …À l'internaute-auteur du Web 2.0 Rappelons que le Web 2.0 a pour vocation de mettre l'internaute au centre du réseau : de consommateur d'informations soigneusement présentées par des éditeurs de sites web plutôt responsables, il a le pouvoir de devenir auteur. Auteur indirect, sur les sites des autres en y déposant des commentaires ; auteur audiovisuel en déposant ses œuvres (photos, vidéos) sur des sites de partage ; auteur masqué (sous pseudo) rédigeant, modifiant ou annotant des notices d'une encyclopédie en ligne comme Wikipedia ; auteur principal en créant en quelques clics son blog pour raconter sa vie et clamer ses opinions à la face du monde. Comme l'a très bien remarqué un commentateur de notre dossier Web 2.0 sur une liste professionnelle : "Ce n'est pas parce qu'on a un porte-voix qu'on a quelque chose à dire"… L'énorme apport de la démocratisation et de la mondialisation de la liberté d'expression présente là son revers : une quantité d'informations sans intérêt. Allons plus loin : une part non négligeable d'informations et de propos tenus par des personnes plus ou moins responsables, plus ou moins au fait des limites de la liberté d'expression. C'est une des raisons pour lesquelles l'e-réputation prend depuis peu des aspects plus dangereux que toute publication encadrée réalisée par des professionnels. 9 E-réputation : De Beaumarchais à Internet... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Une production d'information en expansion constante L'autre risque est celui de l'inflation informationnelle et l'accélération du rythme des publications. Aujourd'hui si une entreprise veut surveiller son image sur Internet, il lui faut suivre les choses au jour le jour et bien s'assurer que rien ne lui échappe. Le dernier risque majeur, inhérent aux techniques du Web 2.0, est la rapidité de propagation d'un bruit, d'une rumeur, d'un propos négatif, par le biais de la syndication de sites, des flux RSS. De sorte qu'une information lancée à un instant "t" peut se propager et être relayée sur des dizaines de sites en quelques dizaines de minutes, et sur des milliers de sites en quelques heures. Nous sommes loin du travail d'artisan de Basile, imaginé par Beaumarchais. Aujourd'hui, le moindre propos hostiles peut faire le tour du monde en quelques instants. 10 E-réputation : De la rumeur à la contrefaçon... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières DE LA RUMEUR À LA CONTREFAÇON : QUESTIONS DE TERMINOLOGIE Par Didier Frochot et Fabrice Molinaro Nous proposons ici quelques définitions des termes les plus couramment rencontrés autour de l'e-réputation. Blog : Voir la définition proposée dans notre Dossier spécial Web 2.0 — Les blogs contribuent très largement à l'amplification, parfois à la création de réputation numérique, bonne ou mauvaise. Blogosphère : Voir la définition proposée dans notre Dossier spécial Web 2.0 — De plus en plus, les courants d'opinion sur le Net se font à partir de la blogosphère, au détriment de médias plus officiels tels que les sites institutionnels ou les sites des organes de presse, de radio ou de télévision. Buzz : Expression américaine évoquant une rumeur sur le Net. Le mot est quasiment l'allitération du bourdonnement d'information. Ce terme est passé directement dans le jargon français (ou franglais…) des professionnels de la communication. Caisse de résonance : Ce terme a été mis à l'honneur par Vladinir Volkoff comme une des composantes du mécanisme de la désinformation : l'information erronée est lancée par le désinformateur, mais elle est répercutée et amplifiée par les caisses de résonnance qui lui donnent tout son impact et toute sa faculté de nuire. Il s'agit des acteurs qui vont amplifier l'information en laquelle ils donnent foi en la relayant, en la commentant, en y ajoutant des détails, voire en l'enjolivant. Cible (synonyme : Victime) : personne ou organisme visé par des propos qui permettent de construire sa réputation. Concurrence déloyale ou parasitaire : Dans une économie de marché la concurrence est libre et de principe. La jurisprudence, s'appuyant sur la théorie générale de l'abus de droit, a considéré que cette liberté de concurrence devait connaître des limites lorsque celle-ci devient déloyale. Pour être poursuivi pour concurrence déloyale, il faut déjà être en situation de concurrence vis-à-vis de la victime. À défaut, ce peut être du dénigrement de produit ou de service. 11 E-réputation : De la rumeur à la contrefaçon... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières La concurrence parasitaire consiste à détourner l'image d'un produit, d'un service ou d'une marque prestigieuse à son profit, en reprenant par exemple un logo qui y ressemble, ou reprendre le même nom pour un service concurrent. L'exemple de la Tour d'argent, restaurant ouvert au pied des marches de l'Opéra Bastille à Paris est emblématique : les tenanciers ont laissé croire qu'il s'agissait d'une annexe du prestigieux restaurant des bords de Seine. Ces deux armes peuvent être utilisées dans certains cas pour combattre une eréputation problématique. Contrefaçon : Atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle quel qu'il soit (droit d'auteur, marque, brevets, création de la mode…) La contrefaçon est un délit civil et pénal. Dénigrement : Action consistant de dire du mal d'un produit ou d'un service en vue de nuire à celui-ci. Désinformation (nous empruntons ici les deux définitions retenues par Vladimir Volkoff) : 1. Technique permettant de fournir à des tiers des informations générales erronées les conduisant à commettre des actes collectifs ou à diffuser des jugements souhaités par les désinformateurs. 2. Manipulation de l'opinion publique, à des fins politiques, avec une information traitée par des moyens détournés. NB : les deux définitions sont complémentaires. On pourra regretter que la seconde circonscrive la désinformation aux fins politiques. Ou alors il faut prendre le mot politique dans son sens le plus large, quasiment synonyme de stratégie, comme on parle de la politique commerciale d'une entreprise. Diffamation : La diffamation consiste à alléguer des faits qui sont faux et qui portent atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne (physique ou morale). Droit de réponse : Droit dont dispose une personne (physique ou morale) pour répondre à des propos le concernant. Contrairement à une opinion trop répandue, le droit de réponse naît pour la presse papier et – depuis 2004 – sur Internet, dès qu'une personne est nommée ou désignée, même en termes louangeurs. C'est seulement sur les médias audiovisuels (radio et TV) que le droit de réponse ne naît que si des imputations sont susceptibles de porter atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne. 12 E-réputation : De la rumeur à la contrefaçon... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières E-réputation (synonymes : cyber-réputation, web-réputation, réputation numérique) : Néologisme cristallisant une réalité déjà existante depuis quelques années. Selon les usagers, on dit "l'e-réputation" ou (de moins en moins) "la e-réputation" (prononcer iréputation). Réputation d'une personne ou d'une organisation constituée par l'ensemble des avis diffusés sur les réseaux numériques, notamment Internet (le phénomène existait déjà sur Télétel et les autres réseaux télématiques nationaux). Sur Internet, le phénomène de l'eréputation est essentiellement lié à la recherche d'informations ciblées grâce aux moteurs de recherche. De sorte que les avis les mieux référencés sont ceux qui portent le plus en vertu du fait que l'internaute moyen s'aventure rarement au-delà des 10 à 30 premiers résultats. Guerre de l'information : Conflit armé dans lequel les armes sont les informations ellesmêmes. La circulation de l'information étant à la base un instrument d'enrichissement des connaissances dont personne ne peut se passer, il est d'autant plus difficile de distinguer en quoi une information est une arme de guerre, d'où le danger de ce type de guerre particulièrement insidieuse. Guerre économique : Conflit armé dans lequel les armes sont les moyens économiques des protagonistes. Information négative : Une information est considérée comme négative lorsqu'elle met en doute la qualité ou la bonne opinion d'une cible, personne ou organisation. Une information négative n'est pas forcément répréhensible. Dès lors qu'elle est fondée la critique doit être admise, au nom de la liberté d'information et de la liberté d'expression, deux faces d'une même réalité. L'information négative devient répréhensible dès lors qu'elle est malveillante, destinée à nuire à une personne au-delà de la réalité des faits. On entre alors sur le terrain que le droit peut prendre en compte au travers d'un arsenal qui peut varier d'un pays à l'autre. Injure : L'injure consiste à tenir des propos tels qu'ils portent atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne (physique ou morale) sans alléguer aucun fait. Intoxication (synonymes : intox ou intoxe) : Très proche de la désinformation, consiste à délivrer des informations erronées directement à des cibles, en vue de les induire en erreur et de les faire agir contre leurs intérêts. L'intoxication est directe, alors que la désinformation recourt à des caisses de résonnance. 13 E-réputation : De la rumeur à la contrefaçon... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Liberté de l'information : Dans tout pays libre, le citoyen peut accéder librement à l'information, sauf dans certains cas bien déterminés (secret défense, sûreté nationale, secret de l'instruction…) C'est une des libertés publiques. Cette liberté de l'information tombera sous le coup de la loi si leurs bénéficiaires en abusent pour nuire à une personne ou une organisation. Liberté d'expression : Dans tout pays libre, la liberté d'expression est garantie. C'est une des libertés publiques dont jouit le citoyen. Des propos tomberont sous le coup de la loi si leurs auteurs abusent de cette liberté pour nuire sciemment à une personne ou une organisation. RSS : Voir la définition proposée dans notre Dossier spécial Web 2.0— Les flux RSS contribuent à la démultiplication vertigineuse d'une même information. Lancée sur un site ou un blog, elle est instantanément publiée sur tous les sites ou blogs qui la syndiquent. Rumeur (synonymes : bruit, potin) : La rumeur est en général une information qui circule au conditionnel sans possibilité d'être vérifiée. Dans le monde journalistique on distingue classiquement la rumeur – non vérifiable – et l'information – vérifiée. Social Networking : Voir la définition proposée dans notre Dossier spécial Web 2.0 — Transposition numérique des réseaux de relations et d'influence, il est inévitable que cette pratique se retrouve au cœur des questions d'e-réputation, positive ou négative. Source d'information : Comme son nom l'indique, une source est une origine. Dans notre contexte, on définit comme source l'information première dont découlent les autres. La source n'est donc pas la référence d'un document qui peut ne constituer que la énième reproduction d'une information. Syndication de contenu : Voir la définition proposée dans notre Dossier spécial Web 2.0 — Signalé à l'entrée RSS de ce lexique, la syndication de sites amplifie la propagation d'une information sur le Net. Sur les dangers éditoriaux de cette pratique, voir notre article sur Les questions de responsabilité dans la syndication de sites. Vecteur de l'e-réputation : Canaux qui permettent de propager l'e-réputation sur les réseaux numériques. Voir notre article dans ce Dossier à ce sujet. Victime (synonyme: cible) : voir Cible. Wiki : Voir la définition proposée dans notre Dossier spécial Web 2.0 — On sait les dangers que présentent les Wikis, de par l'absence de contrôle du sérieux de leurs auteurs. Wikipedia, par exemple est le siège de nombreuses guerres d'édition d'articles sur lesquels 14 E-réputation : De la rumeur à la contrefaçon... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières s'opposent les internautes (autour du mot Colonisation, par exemple). Sur ce risque de nuisance des Wikis, voir De la connaissance à la guerre de l'information, dans notre article Regards sur le Web 2.0 dans le Dossier spécial Web 2.0. 15 E-réputation : Les principaux vecteurs... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières LES PRINCIPAUX VECTEURS DE L'E-RÉPUTATION Par Fabrice Molinaro Sans prétendre établir une typologie exhaustive, il importe de distinguer les principaux supports qui constituent les vecteurs essentiels de l'e-réputation. Les répliques n'étant pas forcément les mêmes selon les vecteurs, cet essai de typologie est utile dans le cadre de nos missions professionnelles. Lorsqu’on s’intéresse aux questions d'e-réputation, il est indispensable de prendre en compte certaines difficultés liées à la nature même du Web. En effet, une mission d'intervention sur l'e-réputation d'un client peut s’avérer rapidement périlleuse étant entendu qu’il faut faire face à la fois à une grande diversité de supports – qui sont par ailleurs de plus en plus interconnectés entre eux –, à un volume d’informations en augmentation constante et à des internautes qui sont tous les relais potentiels d’une information qui peut être positive mais aussi négative. Sans prétendre établir une typologie exhaustive, il importe de distinguer les principaux supports qui constituent les vecteurs essentiels de l'e-réputation. Les répliques n'étant pas forcément les mêmes selon les vecteurs, cet essai de typologie est utile dans le cadre de nos missions professionnelles. Les sites institutionnels Par définition, le site d’une institution telle qu’un ministère, une collectivité locale ou encore un organisme de recherche inspire confiance. En fonction de son domaine d’activité, et pour soigner son e-réputation, il est toujours bon d’être référencé sur un site institutionnel. Cela permet de crédibiliser fortement son savoir-faire tout en favorisant une meilleure visibilité sur les moteurs de recherche comme Google qui mettent l’accent sur la qualité des liens entrants pour déterminer la pertinence et la popularité d’un site web. Mais un site institutionnel peut également commettre des erreurs qui ne sont pas sans conséquences pour certains professionnels. L’information étant considérée comme officielle, donc vraie, celle-ci peut alors être reprise très rapidement par une multitude de supports. Dans ce cas, il est nécessaire de réussir à trouver rapidement le bon interlocuteur – au sein de structures parfois lourdes et peu communicantes – et de disposer d’un argumentaire juridique solide. L’objectif reste de faire supprimer l’information litigieuse au plus vite, avant que celle-ci ne soit se répande comme une traînée de poudre. Il faudra malgré tout entreprendre ensuite des démarches en direction des supports qui se sont fait le relais de l’information. Mais celle-ci seront grandement simplifiées si l'on peut établir que le site 16 E-réputation : Les principaux vecteurs... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières source officiel a supprimé l'information litigieuse, sauf à tomber sur un responsable récalcitrant. Les sites des grands médias Les sites de la grande presse – télé, radio, presse écrite – disposent d’une bonne visibilité sur le réseau. Il vaut donc mieux bénéficier d’un bon traitement, d’une « bonne feuille » écrite par un journaliste travaillant dans ces médias. Dans le cas contraire, il peut s’avérer difficile de faire retirer une information qui nuit à l’image d’une personne ou d’une entreprise, pour des raisons de volonté d'indépendance de la presse, ou des raisons juridiques. À défaut, il faut essayer de contrebalancer cet article par des contributions positives afin de faire disparaître l'article des premières pages de résultats des moteurs. Cette politique de noyade peut s’avérer efficace mais rien n’est jamais définitif et l’article en question peut toujours réapparaître plus tard à la faveur d’une actualité. L’idéal reste tout de même d’obtenir la suppression de l’information du site web. Nous avons ainsi été amenés à traiter d'un problème d'e-réputation avec un grand média radiophonique dont l’un des sites diffusait une information négative sur un client. Après certaines démarches quelque peu fastidieuses, le contact a été établi avec la responsable du service juridique de cette radio qui a ensuite fait le lien avec le service technique pour prendre toutes les mesures nécessaires. Mais là encore, cela demande de la patience, de la diplomatie et une bonne dose de compétences en matière juridique. Les forums et listes de discussion Les forums et listes de discussion apparaissent comme des vecteurs importants de l'eréputation. Dans le cadre d’une liste de discussion professionnelle, il est toujours intéressant d’apparaître comme un référent et donc de jouir d’une bonne image dans son domaine d’activité. Mais les listes peuvent parfois constituer un piège pour certains professionnels qui se montrent trop bavards et, commettant certaines erreurs d’appréciation, risquent de perdre de leur crédibilité auprès de leurs pairs. Quant aux forums de discussion, ceux-ci peuvent s’avérer stratégiques surtout quand ces derniers bénéficient d’une bonne visibilité dans les moteurs de recherche. Nous avons ainsi souvent eu affaire à des problèmes dus à des contributions d’internautes postées dans des forums financiers et qui mettaient en cause le sérieux d’une entreprise. Il importe d'agir vite afin que ces contributions ne restent pas trop longtemps sur la première page de résultats d’un moteur comme Google… Les Blogs Certains blogs peuvent aujourd’hui jouir d’une très grande notoriété jusqu’à rivaliser avec certains grands médias qui, de plus en plus, reprennent des informations en provenance de 17 E-réputation : Les principaux vecteurs... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières la blogosphère. Des articles publiés sur des blogs très lus peuvent avoir des conséquences sur l’image – et les finances – d’une entreprise. L’affaire Engadget/Apple qui s’est déroulée au mois de mai 2007 en est un exemple. Il a suffi que le site Engadget annonce un retard pour l’iPhone et pour la prochaine version du système d’exploitation MacOS pour que, quelques minutes plus tard, le cours de l’action Apple chute de 107,89 à 104,63 dollars. L’information étant finalement fausse, Engadget rectifie le tir dans la journée mais le cours de l’action ne retrouvera jamais sa valeur d’ouverture. Les Wikis Les Wikis sont des plateformes collaboratives très prisées par les internautes. Le plus connu reste l’encyclopédie gratuite Wikipédia qui reste le 10ème site internet le plus fréquenté au monde et le lieu où se mène une véritable guerre de l'information. On sait aussi que certaines sociétés n'hésitent pas à agir directement sur leurs fiches pour éliminer ce qui ne les satisfait pas. On peut aussi citer, pour exemple, l'équipe du cabinet du Premier ministre australien qui a été accusée de soigner son image sur Wikipedia en supprimant des informations susceptibles de porter atteinte à l'image du gouvernement. Prenant conscience de ce type d’abus, Virgil Griffith, un étudiant américain en informatique, a eu l’idée de mettre au point un outil permettant de tracer les personnes ou organismes qui écrivent et/ou modifient des articles dans Wikipedia. Son site nommé WikiScanner identifie ainsi l'auteur d'une contribution grâce à son adresse IP. Ce qui lui a permis de découvrir la présence de contributeurs très actifs de l'encyclopédie en ligne tels que l'église de Scientologie, le Vatican ou encore la CIA. Les Réseaux sociaux Les réseaux sociaux font partie des applications emblématiques du Web 2.0. Les internautes peuvent se retrouver en fonction de leurs affinités sur une grande variété de plateformes qui leur proposent des outils et services propices au partage et à l’échange d’informations. Les réseaux sociaux peuvent alors se transformer en puissant outil de lobbying en fonction de circonstances particulières. Fin juin 2007, la banque HSBC décide subitement de suspendre une offre spéciale dédiée aux étudiants britanniques. Ces derniers devront alors finalement payer des intérêts de près de 10% sur leur emprunt alors que l’offre initiale ne prévoyait aucun frais de ce type jusqu’à trois ans après la fin de leurs études universitaires. La réponse des étudiants ne se fait pas attendre. Regroupés au sein du réseau social Facebook, ils engagent un bras de fer avec la banque : commentaires assassins, appels au boycott… les groupes Facebook réussissent à fédérer rapidement plus de 4500 étudiants et cela en plein été. Devant l’ampleur de la mobilisation, la banque HSBC fait machine arrière pour tenter de limiter les dégâts de sa e-réputation. 18 E-réputation : Les principaux vecteurs... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Les plateformes de vidéos ou de photos Les plateformes de partage de vidéos comme YouTube ou Dailymotion apparaissent également comme de puissants vecteurs de l'e-réputation. Certaines entreprises parviennent ainsi à soigner leur image grâce à une bonne politique de communication qui parvient à séduire les internautes. Ces derniers peuvent alors se transformer en ambassadeurs d’une marque en dupliquant un clip de campagne publicitaire qui sera ensuite posté, et donc visualisé, sur diverses plateformes vidéo. Mais ce système peut également s’avérer destructeur pour une entreprise. L’on pense alors à la société Kryptonite qui a dû faire face à une vidéo montrant l’ouverture facile de son antivol pour 2 roues grâce à un simple stylo. Cette vidéo aurait été téléchargée plus de 250 000 fois en 3 jours, et plus de 2 millions en 10 jours… Résultat : les ventes de la société ont subi une chute sévère. Les agrégateurs d’actualités En combinant des technologies d’agrégation et d’analyse, les services d'actualité offrent une véritable revue de presse en ligne, mise à jour en continu. Les sources d’informations exploitées par ces outils varient selon les services, des dépêches d'agences aux nouvelles issues de la presse écrite et de la presse électronique, des blogs, sans oublier la TV et la radio. Parmi les principaux agrégateurs d’actualités, l’on trouve Google News et sa versions francophone Google Actualités ou encore l'agrégateur français Wikio. Ce dernier a adopté une démarche plus collaborative que son concurrent en proposant aux internautes de poster leurs propres articles mais aussi de noter et de commenter les articles de la grande presse et des blogs référencés sur la plateforme. Étant donné que l'internaute peut cibler ses recherches comme sur un moteur de recherche, il est possible de faire apparaître sur ces plateformes toute l'actualité et donc toute l'eréputation actuelle autour d'une personne, d'une marque ou d'une entreprise en quelques clics. Elles sont donc de redoutables outils pour concentrer l'e-réputation, mais aussi d'excellents outils de suivi d'image. Les libres commentaires sur les sites communautaires L’une des caractéristiques essentielles du Web 2.0 reste la possibilité offerte aux internautes de réagir et de commenter les contenus postés sur les diverses plateformes : blogs, agrégateurs d’actualités, sites de partage de vidéos et de photos… autant de services qui peuvent, à tout moment, mettre à l’épreuve une e-réputation. Dans une polémique qui opposa en 2005 un blogueur américain très influent (Jeff Favis du blog BuzzMachine) à la société Dell, cette dernière a dû faire face à une réaction importante de la part des internautes. Ainsi, sur les divers billets écrits sur cette affaire, ce sont plusieurs milliers de commentaires qui ont été postés, plus de 650 sur le billet retranscrivant la lettre 19 E-réputation : Les principaux vecteurs... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières ouverte au PDG de Dell. Autant dire que la société informatique, devant l’ampleur du phénomène, a été obligée de travailler à une nouvelle politique de communication pour tenter de rectifier le tir et améliorer son e-réputation. 20 E-réputation : Soignez votre image chaque jour... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières SOIGNEZ VOTRE IMAGE CHAQUE JOUR SUR LE NET Par Fabrice Molinaro - 30 juillet 2008 Soigner son image sur le Net devient aujourd'hui indispensable. Cela passe notamment par une bonne gestion de son identité numérique, le suivi d’image, une communication bien ciblée ainsi que par le recours au baronnage, une pratique consistant à favoriser la diffusion d’une information positive et favorable sur des supports qualitatifs et ciblés. À l’heure où le numérique prend une place de plus en plus importante dans nos vies, l'eréputation apparaît comme un élément essentiel dans la gestion de son image. Une étude publiée sur le blog 97thFloor (voir nos Repères bibliographiques) a montré que sur les 100 entreprises du classement Fortune 100, 29 étaient gratifiées de résultats au contenu “négatif” dès la première page de Google, lorsque l’on tape leur nom sur le moteur. Le défi est donc très important. L’accumulation de ce type de messages est susceptible de nuire à la notoriété d’une marque et donc entraîner la perte de clients. Il est donc fortement conseillé, pour une entreprise, de veiller à soigner son image sur le Net. Cela passe notamment par une bonne gestion de son identité numérique, le suivi d’image, une communication bien ciblée ainsi que par le recours au baronnage, une pratique consistant à favoriser la diffusion d’une information positive et favorable sur des supports qualitatifs et ciblés. La question de l’identité numérique Avec le développement du Web 2.0, l’utilisateur passe du statut de simple consommateur à celui d’acteur à part entière du réseau. En produisant son propre contenu qui pourra disposer d’une large diffusion, chaque internaute peut aujourd’hui devenir un véritable média. Les outils ne manquent pas pour s’exprimer : les blogs, les forums de discussion, les plateformes de partage multimédia, les réseaux sociaux… Si le Web 2.0 ouvre de nouveaux espaces pour s’exprimer (voir notre article Un droit fondamental : la liberté d'expression… et ses limites), il amène également les utilisateurs du réseau à laisser des traces sur l’ensemble des services utilisés. Et celles-ci peuvent parfois donner des informations très personnelles. Qu’il s’agisse d’un individu ou d’une entreprise, il convient donc de faire très attention lorsqu’on s’exprime sur Internet. L’on parle d’ailleurs de plus en plus du concept d’identité numérique. Selon le consultant Fred Cavazza, « L’identité numérique d’un individu est composée de données formelles (coordonnées, certificats…) et informelles (commentaires, notes, billets, photos…). Toutes ces bribes d’information composent une identité numérique plus globale qui caractérise un 21 E-réputation : Soignez votre image chaque jour... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières individu, sa personnalité, son entourage et ses habitudes. Ces petits bouts d’identité fonctionnent comme des gènes : ils composent l’ADN numérique d’un individu. ». Celui-ci a eu l’idée de modéliser cette identité numérique sous la forme d’un puzzle (www.fredcavazza.net/2006/10/22/qu-est-ce-que-l-identite-numerique/) qui fait apparaître les divers aspects de cette identité numérique : de l’expression à la connaissance en passant par la profession et la réputation. Avec la multiplication des plateformes communicationnelles sur Internet, il semble important de prendre en compte cette question de l’identité numérique. S’agissant d’un individu, il est conseillé de ne pas multiplier les identités virtuelles (pseudos) et de marquer une séparation nette entre son identité professionnelle et son double virtuel sur le réseau. Quant aux entreprises, celles-ci doivent absolument maîtriser leur communication tout en exploitant les immenses possibilités offertes par Internet. Mais celles-ci doivent aussi prendre garde à d’éventuels dérapages de salariés qui pourraient s’exprimer sur le réseau et nuire ainsi à l’image de la société. Le suivi d’image Aujourd’hui, se pose avec de plus en plus d’acuité la question de l’image d’une personne et/ou d’une entreprise véhiculée sur le réseau. Bien gérer sa e-réputation nécessite donc la mise en place d’un véritable suivi d’image. Certaines solutions techniques proposent d’analyser précisément l’image de n’importe quel organisme, entreprise, personne ou produit sur le Web. La technologie peut être, certes, d’un grand secours mais il importe de laisser la place prépondérante à l’intelligence humaine, indispensable notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer la visibilité et l’image d’une entreprise sur Internet. Le suivi d’image permet notamment de surveiller – à partir d’une sélection de mots-clés – la notoriété d’une société dans son domaine d’activité. Il est ainsi possible d’en savoir plus sur son positionnement dans les résultats des moteurs de recherche et la place que celle-ci occupe par rapport à ses concurrents. Ce suivi d’image peut s’appuyer sur un certain nombre d’outils tels que les flux RSS, les alertes par courriel ou encore des profils de recherche enregistrés sur divers moteurs. Centralisés sur un tableau de bord, les résultats sont épluchés, analysés et des solutions peuvent alors être formulées pour protéger et/ou développer la notoriété de la société. Enfin, n’oublions pas que le suivi d’image permet aussi de repérer rapidement toute agression contre une personne, une marque ou une entreprise (voir notre article L'eréputation à l’épreuve des opinions hostiles) et ainsi d’anticiper une crise médiatique. 22 E-réputation : Soignez votre image chaque jour... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Une communication bien ciblée Gérer son e-réputation, c’est aussi savoir maîtriser sa stratégie de communication en direction de relais d’informations considérés comme pertinents dans un domaine donné (blogs, forums, listes de discussions, etc.). Il s’agit alors d’identifier les supports exerçant une certaine influence et capables de relayer une bonne image de l’entreprise. Des sociétés comme le fournisseur d'accès Internet Free ont réussi à s’appuyer sur le potentiel du réseau pour se créer une communauté de fans inconditionnels. En restant proche des attentes de ses utilisateurs tout en créant des outils (forums de discussion, etc.) destinés à faciliter l’échange d’informations, Free a suscité le développement de microcommunautés qui peuvent se mobiliser rapidement pour défendre la marque. La société Apple a, elle aussi, toujours bénéficié d’une certaine aura chez les accrocs aux technologies. Ainsi, le lancement de l’iPhone est devenu un événement mondial et un formidable succès sans qu’Apple soit obligé d’investir massivement dans sa campagne publicitaire. Les internautes ont ainsi pu se transformer en ambassadeurs d’une marque qu’ils apprécient. D’autres entreprises ont compris l’intérêt qu’elles pouvaient tirer du réseau pour faire de substantielles économies en utilisant notamment les plateformes de partage vidéo. Un spot publicitaire bien conçu et apprécié des internautes peut alors bénéficier d’une très large diffusion sur des sites tels que YouTube. Alors qu’une campagne de publicité axée sur la télévision est forcément limitée dans le temps, celle-ci peut se prolonger très longtemps – et gratuitement – sur le réseau. Bien évidemment, la stratégie de communication d’une entreprise est souvent étroitement associée à son domaine d’activité et à son public. Mais une chose est sure : une bonne communication qui s’appuie intelligemment sur les outils du Web peut aider à accroître la notoriété d’une entreprise. Le Baronnage Une autre pratique pour améliorer son image sur le Net consiste à organiser des opérations de baronnage. L’objectif consiste à favoriser la diffusion d’une information positive et favorable sur des supports qualitatifs et ciblés. Dans le cas d’Apple, nous avons vu que les responsables de la société ont pu s’appuyer sur un important réseau de fans pour faire du lancement de l’iPhone un événement à portée mondiale. En distillant régulièrement quelques informations au compte-goutte, Apple a suscité la curiosité de son public sur son nouveau produit. Les internautes ont lancé euxmêmes des débats sur des blogs et des forums de discussion. Indirectement, ils se sont donc engagés dans des opérations de baronnage au profit d’Apple. 23 E-réputation : Typologie des actions préjudiciables... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières ESSAI DE TYPOLOGIE DES ACTIONS PRÉJUDICIABLES SUR INTERNET Par Didier Frochot Nous tentons dans cette courte étude de cerner les divers types d'agissements rencontrés sur Internet. Nous insistons ici sur le terme Internet car il se peut que des informations soient diffusées sur d'autres vecteurs que sur le Web : le réseau Usenet (forums de discussion classiques) ; les liste de discussion… Cette typologie n'a pas qu'un intérêt de catalogue ; elle nous permet de caractériser la source, face à une attaque susceptible de nuire à la réputation d'un client sur le Net, et de soupeser rapidement les chances de la neutraliser, le degré et les moyens d'intervention pour y parvenir. Nous procéderons par gradation, partant de l'action la plus insignifiante, pour arriver un mode opératoire délibéré et orchestré. Notion de source Nous appellerons source dans le cadre de cet exposé le message premier à caractère négatif qui sera diffusé sur le Net. Plusieurs sources peuvent apparaître simultanément ou à quelques jours de distances, ce qui est souvent le signe d'une opération délibérée. À ne pas confondre avec la répercussion d'une source, sa démultiplication et son amplification, phénomènes qui sont issus de cette source. Typologie des agissements rencontrés sur Internet La source est toujours une information négative (voir ce terme dans notre glossaire), dans un sens ou dans un autre, c'est-à-dire qu'elle risque de causer un préjudice à la cible visée. Notre typologie d'agissements se fond sur la différence des mobiles d'action. Médisance, pour le plaisir de causer Une faiblesse naturellement humaine… On connaît le proverbe populaire qui affirme que "Si l'on ne pouvait pas dire du mal de son voisin, mais de quoi parlerait-on ?". La nature humaine est ainsi faite qu'on constate parfois une certaine propension à dire n'importe quoi pour le plaisir de parler ou de se rendre intéressant. Ce comportement était relativement peu courant sur le Net tant que celui-ci était animé ou fréquenté par un petit nombre d'habitués, pénétrés de la netiquette qui précisément invitait à une certaine autocensure. 25 E-réputation : Typologie des actions préjudiciables... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières … Encouragée par les jeux de masque du Net Aujourd'hui, avec le Web 2.0, tout internaute devient acteur et peut prendre part au débat démocratiquement, soit en créant son blog, soit en déposant simplement des commentaires sur un site. L'autocensure disparaît, d'autant plus facilement que, tout comme lors du Carnaval, les jeux de masques sont possibles sur le Net et libèrent les tentations de toutes natures. Là où le Carnaval n'était qu'un jeu de société délimité dans le temps et l'espace, sur le Net, ce peut être Carnaval tous les jours… En clair, toute personne peut se créer un ou plusieurs pseudos ou avatars, une ou plusieurs identités de remplacement pour agir en tout anonymat, et le cas échéant nuire en toute impunité. Notons que le phénomène est beaucoup plus insidieux que dans le cadre de la presse papier et de l'édition de livre dans lesquels il a toujours été possible de publier sous anonyme ou sous pseudonyme. Mais la différence est que l'éditeur de presse ou de livre connaît, par définition, l'identité de l'anonyme ou du pseudonyme et doit pouvoir le communiquer aux autorités judiciaires. Sur Internet, il existe de moyens techniques pour être anonyme tels que seul l'individu concerné soit au courant de ses identités d'emprunt. Bien sûr, le droit a posé un certain nombre de règles et de relais de responsabilité qui tendent à limiter les dégâts. Et la technologie est telle qu'on n'est jamais totalement anonyme sur le Net. Mais une fois que l'information préjudiciable est lancée par un irresponsable, même si l'on parvient à le démasquer, le mal aura été fait. Des moyens d'action plutôt indirects Des tels agissements sont parfois difficiles à juguler, du moins du côté de l'auteur. Le sentiment d'impunité pourra le rendre arrogant ou à tout le moins irresponsable, au sens premier du terme. C'est donc en général vers les responsables qui relaient les propos que nous agissons : le site qui a laissé passer un commentaire douteux ; le responsable du forum sur lequel un message litigieux est posté ; le gestionnaire d'une plateforme de blog qui peut, sans même connaître l'identité du blogueur, suspendre l'accès au propos litigieux… Information préjudiciable lancée ou relayée de bonne foi Un enfer pavé de bonnes intentions Une autre hypothèse est celle de l'auteur qui transmet ou relaie de bonne foi une information inexacte et partant préjudiciable. Tel blogueur a lu quelque part une information fausse — qui sera parfois rectifiée ou officiellement démentie ultérieurement — et s'empresse de la relayer sur son blog sans prendre la peine de vérifier l'information ou de la recouper. 26 E-réputation : Typologie des actions préjudiciables... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Une action relativement légère auprès de l'auteur De tels cas sont les plus simples à gérer. Il suffit souvent de contacter l'auteur du propos douteux et de lui expliquer qu'il cause préjudice à un tiers pour qu'aussitôt l'information soit retirée ou rectifiée, avec parfois même des excuses. Des difficultés surgissent parfois, liées à la complexité technique du web, pour identifier la personne à contacter et/ou trouver un moyen pour entrer en contact avec elle. Une autre difficulté s'est posée à nous avec le blog d'un avocat qui a cru qu'on cherchait à l'intimider et à limiter sa sacro-sainte liberté d'expression. Peu au fait du droit de la responsabilité éditoriale, il fallut plusieurs échanges un peu tendus et qu'il consulte un confrère pour qu'il comprenne qu'il était sur le point d'engager sa responsabilité civile et pénale et pour qu'il accepte enfin de retirer de son blog les propos qui nuisaient à l'un de nos clients. Volonté de nuire par dépit Humain, très humain… Un autre grand classique de la nature humaine est le dépit ou sa forme plus élaborée, la vengeance. Ce ressort psychologique peut amener une personne à proférer des contrevérités, avec plus ou moins d'adresse et d'hypocrisie, lesquelles vont se propager par contamination sur le réseau. Des moyens d'action proportionnés au degré de l'attaque La réplique ne peut être dans ce cas que proportionnée au degré de violence de l'attaque. Si les propos sont seulement peu aimables mais n'allèguent aucune contre-vérité flagrante, il est impossible de mettre en œuvre la menace d'action en diffamation, en injures publiques ou en dénigrement. Il convient donc d'approcher l'auteur et de lui faire comprendre que son action n'est pas très élégante, voire pas très morale, et de mettre en avant l'allégation d'un préjudice pour notre client en espérant qu'il comprendra qu'il a mal agi. Cette démarche réussit plus souvent qu'on ne le pense ; dès que l'auteur – qui souvent se croit intouchable – est contacté avec quelques arguments juridiques crédibles, dans des formes certes informelles mais fermes, il peut tout de suite prendre peur et rendre les armes. Bien entendu, il existe les habituels récalcitrants pour lesquels il faut souvent passer à des manœuvres plus élaborées sur le plan juridique. Action de déstabilisation orchestrée Un autre degré d'action préjudiciable est l'action délibérée, sciemment conduite et soigneusement orchestrée, parfois même instrumentée par des officines spécialisées. On 27 E-réputation : Typologie des actions préjudiciables... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières s'aperçoit très vite que l'action est dirigée par "the man behind" : comme dans les incendies volontaires : il y a plusieurs départs de feu… Nous touchons ici à l'une des formes de la guerre économique, qui relève aussi de la guerre de l'information. C'est souvent une guerre masquée et c'est surtout celle-là que redoutent les entreprises, d'autant qu'elles ne sont ni préparées ni armées contre de tels risques. 28 L'e-réputation à l'épreuve des opinions hostiles |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières L'E-RÉPUTATION À L'ÉPREUVE DES OPINIONS HOSTILES Par Fabrice Molinaro Nombreux sont ceux qui se sentent démunis face à leur réputation numérique notamment lorsqu’il s’agit de circonscrire et de faire disparaître une information négative. Pourtant, rien n’est jamais définitif ; il existe des solutions et des méthodes pour neutraliser un article diffamatoire ou une information préjudiciable. Aujourd’hui, un article négatif publié sur internet, fût-ce sur un simple blog, peut avoir de graves conséquences pour une entreprise qui devra gérer le déficit d’image ainsi engendré pour ne pas risquer de perdre des clients. Le Net apparaît ainsi comme une arme à double tranchant qui peut tout à la fois accroître la notoriété d’une marque ou d’une entreprise ou d'un dirigeant et se transformer en canal propice aux rumeurs et à la désinformation. La mauvaise e-réputation n'est pas une fatalité De nombreux entrepreneurs se sentent démunis face à leur réputation numérique (voir ce mot dans notre glossaire), notamment lorsqu’il s’agit de circonscrire et de faire disparaître une information négative. Pourtant, rien n’est jamais définitif ; il existe des solutions et des méthodes pour neutraliser un article diffamatoire ou une information préjudiciable. Mais il importe d'agir aussi vite que possible avant que l’information ne se diffuse comme une traînée de poudre. C'est une des principales difficultés liée à la nature même du Net : n’importe quelle contribution peut être reprise rapidement par une multitude de supports qui apparaissent comme étroitement interconnectés entre eux : sites web, blogs, forums de discussion, réseaux sociaux… Et dans ce cas, il n’est pas rare de voir resurgir l’information quelques mois plus tard dans les résultats d’un moteur de recherche alors même que l'information d'origine a disparue. Par exemple, une vidéo apparue sur Dailymotion peut réapparaître quelques temps plus tard sur une autre plateforme comme YouTube si un internaute a eu la bonne idée de faire une copie de la version originale pour la diffuser à son tour. Au-delà de l’aspect technique, il faut bien comprendre que l’élément humain joue un rôle considérable dans ces problématiques de réputation numérique. En effet, le réseau permet aux internautes de devenir de véritables vecteurs d’information. Ces derniers peuvent aujourd’hui gérer leur blog, leur plateforme vidéo ou bien encore leur propre forum de discussion. En cas de crise, une entreprise ne doit plus se contenter de gérer les relations avec de grands médias ou des journalistes spécialisés. Il faut aussi prendre en compte la capacité de nuisance de l’internaute qui peut disposer d’un véritable pouvoir médiatique, 29 L'e-réputation à l'épreuve des opinions hostiles |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières d’autant plus que le Net lui permet de manipuler du contenu à forte valeur ajoutée (vidéo, photo, etc.). Auparavant, les internautes se contentaient d’être de simples consommateurs de l’information fournie par les grands médias. Désormais, les flux s'inversent : il n’est plus rare de voir ces derniers reprendre et amplifier une information divulguée par l'auteur d’un blog. Choisir la bonne stratégie de riposte En cas de crise, l’entreprise se doit de bien analyser la situation avant de mettre au point sa stratégie de riposte. Il est donc fortement déconseillé de réagir de manière épidermique à chaud car les effets directs ou indirects pourraient être encore plus négatifs pour l’image de l’entreprise. En général, il est déconseillé de se contenter d’un simple démenti qui pourrait prendre la forme d’un communiqué de presse complètement détaché des attentes du lectorat. Les internautes sont exigeants et ne pourront que difficilement se satisfaire de vérités officielles édictées par une entreprise en proie à un scandale. Il vaut mieux souvent opter pour la discussion et la transparence : prise de contact directe avec les internautes, choix du dialogue sur le site de la société mais également activation des relais d’opinion favorable, associée à des interventions ciblées sur des supports jugés influents (certains forums, certains réseaux sociaux, etc.). Parfois, si une grave erreur a été commise, l’entreprise a plutôt intérêt à assumer et à présenter des excuses officielles afin de couper court aux attaques qui ne manqueraient pas de se développer sur le réseau. Il vaut mieux un bon mea culpa qu’une position hautaine et distante pour désamorcer une crise médiatique. Dans certains cas, pour combattre une rumeur, le recours à l’humour peut être envisagé. Mais il faut alors manipuler cette communication avec une grande prudence. Mal maîtrisée, celle-ci pourrait rapidement se retourner contre l’entreprise. Enfin, en cas d’agression caractérisée, la victime dispose de moyens pour contre-attaquer. Toutefois, il convient de les mettre en œuvre avec un certain doigté afin d’éviter une maladresse qui pourrait aggraver la situation et entraîner la propagation plus importante d’une information diffamatoire. Des rumeurs, même infondées, peuvent malheureusement entacher – pendant longtemps – l’image et la notoriété d’une personne, d’une marque ou d’une entreprise. 30 L'e-réputation à l'épreuve des opinions hostiles |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Neutraliser l'information négative et ses retombées Il convient d'abord de rassembler des informations sur l’auteur d'un propos négatif. Les contributions ne sont pas toujours signées, et certains peuvent utiliser des outils gratuits qui leur offrent un certain anonymat (utilisation de webmails, création d’adresses e-mail temporaires et auto-destructibles, anonymiseurs d’adresses IP, etc.), ce qui ne facilite pas le travail d’identification. Même lorsque l’information négative est publiée sur un site, il n’est pas toujours aisé de trouver des informations sur l’auteur de la contribution ainsi que sur le propriétaire du nom de domaine. En effet, certains prestataires proposent d’enregistrer des noms de domaine en assurant un certain anonymat. Une recherche dans une base Whois peut ainsi s’avérer infructueuse. Reste alors à remonter jusqu'à l’hébergeur, ce qui requiert parfois certains outils pour détecter le serveur sur lequel l’information litigieuse est stockée. Intervient alors la phase qualifiée d’approche amiable, souvent rentable. Il faut là aussi un certain doigté pour la mener à bien en se basant sur un argumentaire juridique qui puisse porter d'emblée. D’où l’importance fondamentale du couple technique-juridique pour ce type de missions. La connaissance du droit de l’Internet et du droit de l'information demeurent évidemment très précieuses pour appréhender au mieux les problématiques liées à la réputation numérique. Si l’approche amiable n'aboutit pas, il convient de passer à la phase contentieuse à l’aide d’un argumentaire plus musclé. Les choses peuvent se compliquer lorsque le site est hébergé à l’étranger. Mais notre expérience professionnelle nous a prouvé que l’obstacle n’était pas insurmontable. Bien entendu, de solides compétences en matière juridique sont nécessaires pour être capable de maîtriser le droit d’un autre pays (et dans une langue non-francophone) afin de détecter la faille qui permettra de neutraliser l’information litigieuse. Une fois la contribution neutralisée à la source, il importe de se retourner rapidement vers les supports qui ont relayé l’information litigieuse, afin d’éviter que celle-ci ne soit reprise par des dizaines voire des centaines d’autres supports. Cette phase s’apparente souvent à une véritable course contre la montre. L’objectif reste alors surtout de faire disparaître toute référence à l’information négative des premières pages de résultats des moteurs de recherche (voir aussi notre Typologie des actions préjudiciables sur Internet). 31 L'e-réputation à l'épreuve des opinions hostiles |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Contrebalancer une information négative L’une des caractéristiques du Web reste sa formidable capacité d’archivage des données. Ainsi, une information qui aura été supprimée d’un site web pourra continuer à apparaître – pendant plusieurs mois – dans les résultats de recherche d’un moteur comme Google. L’internaute qui cliquera sur le résultat sera redirigé vers une page d’erreur. Mais il reste toujours le lien « En cache » qui permet d’accéder pendant une certaine durée aux données stockées sur les serveurs du moteur de recherche. L’information litigieuse n’a donc pas totalement disparue… Il convient alors de se retourner vers les responsables des principaux moteurs de recherche pour demander la suppression définitive de l’information litigieuse de l’index du robot. L’acceptation de cette demande est bien sûr soumise à certaines conditions très strictes qu’il vaut mieux maîtriser avant d’entreprendre une telle démarche. Dans le même temps, et en attendant que les données posant problème disparaissent des résultats des moteurs, il faut tenter de contrebalancer les informations négatives par des contributions positives. En ayant sélectionné des supports (blogs, forums de discussion, etc.) disposant d’une certaine influence, en prenant soin de réfléchir – en rédigeant les contributions – aux mots-clés importants qui devront apparaître lors des requêtes tapées par les internautes, il est possible d’éloigner des premières pages de résultats, les informations hostiles. Pour mettre toutes les chances de son côté, il convient aussi de développer un vrai réseau de liens pointant vers les contributions positives. Grâce à ce maillage de liens entrants – et de préférence issus de sites de référence –, l’entreprise peut espérer voir s’éloigner les nuages qui avaient terni sa réputation numérique. Rien n'est jamais figé Mais attention, rien n’est jamais figé sur le Net. Il pourra suffire d’une nouvelle tempête mettant en cause une réputation pour que tout le travail de nettoyage soit remis en cause. D’où l’importance de mettre en place des stratégies destinées à assurer un suivi d’image de l’entreprise, voire de communication positive de celle-ci, afin d’anticiper tout risque de nouvelle crise médiatique. 32 E-réputation : La liberté d'expression et ses limites... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières UN DROIT FONDAMENTAL : LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET SES LIMITES Par Didier Frochot En France comme dans beaucoup de pays libres, la liberté d'expression est un principe intangible, c'est sur cette base que toute personne peut librement émettre une opinion, positive ou négative, sur un sujet mais aussi sur une personne physique ou morale, une institution… Il s'agit donc d'un droit, mais comme tout droit, son abus peut être sanctionné, au terme de la théorie de l'abus de droit. Nous nous penchons ici successivement sur les grands fondements juridiques de la liberté d'expression dans le monde, en Europe et en France, sur la théorie de l'abus de droit et sur ses illustrations pratiques, à l'aide d'exemples de jurisprudence. La liberté d'expression, principe démocratique fondamental L'exploration de droits extérieurs à la France et à l'Union européenne est devenue indispensable, notamment pour connaître le contexte et la culture juridique lorsqu'il faut intervenir, par exemple, auprès d'un site américain ou hébergé aux États-Unis. D'où cette petite excursion dans les textes nationaux et internationaux. La liberté d'expression, l'une des plus importantes libertés publiques, connaît des fondements plus ou moins élevés, selon les systèmes juridiques des pays du monde. Nous citons les textes dans l'ordre historique. Le Premier amendement de la Constitution américaine Aux États-Unis, c'est le Premier amendement de la Constitution qui garantit la liberté d'expression : "Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances" (Constitution américaine du 17 septembre 1787 – Premier amendement de 1791 : www.usconstitution.net/const.html#Am1). Version française proposée par la Documentation française : "Le Congrès ne fera aucune loi accordant une préférence à une religion ou en interdisant le libre exercice, restreignant la liberté d'expression, la liberté de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement et d'adresser à l'État des pétitions pour obtenir réparation de torts subis" — www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/electionsusa/constitution.shtml#amendement1. C'est au nom de cette liberté constitutionnelle qu'aucune loi ne peut interdire l'expression de quelque opinion que ce soit. Ainsi, aux USA, les propos et les sites d'opinions extrêmes ne 33 E-réputation : La liberté d'expression et ses limites... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières peuvent être interdits, mais rien n'empêche que ces propos soient contestés par les mêmes voies et que des contre-sites démontent les arguments d'un site aux opinions douteuses. À chacun ensuite de se faire librement son opinion. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen française En France, c'est dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 qui consacre la liberté d'expression. L'article 11 dispose : "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi" — www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais.... On notera que dans l'édifice français apparaît dès 1789, la notion d'abus de droit, cependant soigneusement balisés : dans les cas déterminés par la Loi. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 Le 10 décembre 1948, les 58 États Membres qui constituaient alors l’Assemblée générale de l'Organisation des nations unies (ONU) ont adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme à Paris, au Palais de Chaillot. Les articles 18 et 19 consacrent eux aussi la liberté d'expression, conjointement à la liberté de conviction et de religion : Art. 18 : "Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites" ; Art. 19 : "Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit" — Version française officielle de l'ONU : www.un.org/french/aboutun/dudh.htm#a18. La Convention européenne des droits de l'homme du Conseil de l'Europe Le Conseil de l'Europe (qui groupe 47 États membres, à ne pas confondre avec l'Union européenne) a ouvert à la signature à Rome, le 4 novembre 1950 sa Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, entrée en vigueur le 3 septembre 1953. C'est l'article 10 de cette Convention qui garantit la liberté d'expression : "Article 10 – Liberté d'expression 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. 34 E-réputation : La liberté d'expression et ses limites... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire". On remarquera le deuxième alinéa qui envisage que la liberté d'expression puisse être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi pour diverses raisons telles que la raison d'État, mais aussi — c'est significatif dans l'optique de ce dossier —, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui… (Voir le texte complet de la Convention : http://conventions.coe.int/treaty/fr/Treaties/Html/005.htm). Un des plus beaux piliers de la liberté et de la démocratie Avant d'en étudier les limitations, il nous plait de rappeler ici que la liberté d'expression, corollaire de la circulation des idées, plus généralement de l'information et de la connaissance, est l'une des plus précieuse qui soient. Dans un monde où certain politiquement correct, mais aussi scientifiquement ou juridiquement correct, pour ne citer que certaines restrictions, exerce une pression et suscite une autocensure de certains médias, le Web, et aujourd'hui le Web 2.0, peuvent être regardés avant tout comme cet espace de liberté dans lequel toute personne peut s'exprimer et oser dire que le roi est nu… pour reprendre l'image du conte d'Andersen, Les habits neufs de l'empereur. Le Web 2.0 est donc, mieux qu'avant, mais dans la droite ligne du premier Web, un vaste espace sur lequel le débat démocratique gagne en transparence ; on y trouve tous les arguments possibles, à charge pour l'internaute de se forger ses grilles d'analyse et son appareil critique. C'est déjà ce que notait Philippe Quéau, aux temps des pionniers : "Comme il ne s'agit plus de se faire imposer l'information mais d'aller la chercher, elle devient interactive. Sans information prémâchée, vous vous prenez en main, vous êtes responsabilisé parce que vous devez mettre en pratique votre sens critique et votre esprit de recherche. D'avachi du divan, vous devenez chercheur actif. Certes, l'abondance d'infos n'est pas suffisante, mais le simple fait que vous deveniez actif veut dire que vous êtes obligé de vous fixer des buts, des visions du monde, en vous dotant de grilles d'analyse" — Cyberspace ou le Jeu Vertigineux du Virtuel — Les humains associés, n°7 — 1994-95 — www.humainsassocies.org/No7/HA.No7.Queau.1.html. C'est pourquoi nous présentons la liberté d'expression à part de l'arsenal juridique pour lutter contre la mauvaise e-réputation : La liberté d'expression doit toujours se tenir debout face à nous et il ne faut jamais la perdre de vue. Il faut toujours s'attendre à ce qu'elle soit 35 E-réputation : La liberté d'expression et ses limites... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières défendue en justice pour contrecarrer des velléités de muselage. Autant dire que le travail du juge relève parfois de l'exercice de corde raide avec le délicat équilibre à tenir entre liberté d'un côté et pouvoir de nuisance de l'autre. La notion d'abus de droit La théorie de l'abus de droit Sans verser dans un cours sur les fondements du droit, il importe de savoir qu'un droit n'est pas absolu. Rappelons que notre Déclaration de 1789, de pour ne citer que celle-ci, précise dans son article 4 : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi". Ce qui constitue une autre formulation de l'adage qui veut que la liberté de chacun s'arrête où finit celle des autres. La théorie de l'abus de droit s'est surtout développée au cours du XIXème siècle, notamment autour du droit de propriété. Un propriétaire immobilier ne peut faire subir à ses voisins des troubles qui résultent non plus de l'exercice de son droit de propriété paisible, mais outrepasse ce droit et en use avec l'intention de nuire. Ainsi en serait-il d'un propriétaire, certes libre de faire du feu dans son jardin, mais qui l'alimenterait de telle manière qu'il enfume et intoxique tout le voisinage. Liberté d'expression et abus de droit C'est la même théorie de l'abus de droit qui pourra être mise en œuvre dans le cas où une personne outrepasserait sa liberté d'expression et nuirait ainsi à un tiers. On verra donc souvent, dans des affaires d'e-réputation, l'auteur de propos litigieux se défendre au nom de sa liberté d'expression et la victime tenter d'établir l'abus de ce droit. La longue affaire Areva / Greenpeace a largement tourné autour de ce point central : liberté d'expression licite ou abus de ce droit ? Le dernier arrêt de cassation a récemment tranché en faveur d'une absence d'abus de la liberté d'expression de l'association Greenpeace à l'encontre d'Areva (Civ 1ère, 8 avril 2008 : SPCEA Areva / GreenPeace France — www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000018644039). 36 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières L'ARSENAL JURIDIQUE AU SERVICE DE L'E-RÉPUTATION Par Didier Frochot Surveiller le Web en permanence est l'étape préliminaire essentielle pour dénicher au plus vite des propos négatifs qui pourraient à tout le moins ternir une réputation, et au pire affecter la santé économique d'une entreprise. Mais une fois que la nuisance est constatée, il faut encore la combattre. D'où la nécessaire alliance, dans une même prestation de service de la technique pour tracer et identifier les responsables de propos douteux et les armes juridiques pour les combattre et les neutraliser. Nous dressons ici un inventaire de l'arsenal juridique que nous sommes souvent amenés à mettre en œuvre dans nos missions d'intervention contre l'e-réputation négative. Certaines de ces armes sont transposables dans d'autres pays et c'est là que la connaissance des législations des principaux autres pays alimentant l'Internet est utile (États-Unis, Union européenne, jusqu'à certains pays du Commonwealth…) I. ASPECTS JURIDIQUES GÉNÉRAUX Rappelons que le droit ne distingue pas les supports de l'information. Il s'applique donc aussi bien pour les médias papier, audiovisuel ou en ligne. Il existe cependant des aménagements spécifiques pour chaque régime. A. LE PRINCIPE DE LIBERTÉ D'EXPRESSION Rappelons que dans beaucoup de pays, la liberté d'expression constitue un principe intangible. Si elle est théoriquement garantie par la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU de 1948, elle est concrètement respectée dans une majorité de pays (voir notre article consacré à Un droit fondamental : la liberté d'expression... et ses limites). On ne peut donc empêcher quelqu'un de dire ce qu'il pense ou ce qu'il sait, sauf dans les cas où cette liberté empiète sur d'autres droits : • • • • Protection intellectuelle : contrefaçon de marque ou d'œuvre d'auteur ; Atteinte à la personne : respect de sa vie privée, diffamation et injures ; Secret ou confidentialité de l'information – ce qui ne nous concerne que très peu ici ; Plus généralement atteinte aux droits d'autrui, puisque la liberté de chacun s'arrête où commence celle des autres. Devant les juridictions françaises, le principe de la liberté d'expression et les strictes limites de son abus a été rappelé par 2 arrêts "jumeaux" de l'Assemblée plénière de la Cour de 37 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières cassation du 12 juillet 2000, principe qu'on retrouve également dans d'autres jurisprudences. Le droit encadre donc la liberté d'expression par un certain nombre de limites qui relèvent globalement des cas énumérés ci-dessus. B. ACTION JUDICIAIRE OU APPROCHE AMIABLE ? L'adage romain "Si vis pacem, para bellum" (Si tu veux la paix, prépare la guerre) peut aisément se transposer à notre sujet, d'autant qu'une récente jurisprudence apporte un peu plus d'eau à notre moulin (Ordonnance de référé du tribunal de commerce de Brest du 6 août 2008). Nous redisons plus bas l'intérêt qu'il convient de porter, en pratique, à la voie amiable. Mais il est bien évident que cette approche amiable de l'auteur de propos litigieux et préjudiciables se fonde non seulement sur les lois, mais aussi sur la jurisprudence. Si celle-ci n'existait pas, si donc des actions judiciaires ne nous alimentaient pas en solutions juridiques pour étayer ou confirmer les analyses du juriste d'entreprise, l'approche amiable aurait moins d'efficacité. Sur un plan macro-juridique, donc, les deux voies se complètent et s'équilibrent. Sur un plan micro-juridique, en revanche, il importe de savoir que dans bien des cas, la voie amiable est la plus rapide, la plus efficace, et parfois concrètement la seule qui soit envisageable. Nous y revenons plus loin, après avoir présenté les armes juridiques le plus souvent mises en œuvre dans une affaire d'e-réputation négative. C. LE DROIT DE RÉPONSE Nous abordons le droit de réponse avant toute présentation d'autres armes juridique car c'est un préliminaire à toute autre action : il faut se poser la question, avec le client attaqué, dans la stratégie de riposte : doit-on utiliser ce fameux droit de réponse ? Le droit de réponse en ligne a été réaménagé par la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN — art. 6-IV). C'est une arme que les victimes hésitent souvent à utiliser. Bien employée, elle peut se révéler utile. 1. Fait générateur du droit de réponse Le droit de réponse peut être mis en œuvre beaucoup plus souvent qu'on ne croit. L'article 6-IV précité précise que "Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d'un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu'elle peut adresser au service" (alinéa 1er). 38 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Contrairement à une opinion répandue, le droit de réponse — du moins celui prévu pour la presse papier et pour la communication au public en ligne (Internet) — ne suppose pas forcément des propos négatifs, même si c'en est la cause le plus courante. 2. Personne bénéficiant du droit de réponse La loi vise toute personne. Il s'agit donc autant des personnes physiques que des personnes morales. De sorte que dès lors qu'une société est attaquée (ou encensée…) elle dispose elle aussi d'un droit de réponse. 3. Opportunité d'user du droit de réponse Certes, le droit de répondre publiquement à des attaques n'efface pas celles-ci. Pourtant, un argumentaire habilement construit peut confondre le médisant et même retourner l'affaire contre lui. C'est une question de communication de crise, à manier avec doigté et professionnalisme. Mais le plus souvent, la victime cherche avant tout à obtenir la suppression des propos litigieux. II. LES ARMES JURIDIQUES DE FOND Le droit de réponse est une arme purement formelle qui donne, dans notre perspective, le droit d'argumenter publiquement en défense. Les armes juridiques présentées ci-dessous touchent au fond des propos, dès lors que ceux-ci tombent sous le coup de la loi, c'est-à-dire dès qu'ils s'analysent en l'une des situations protégées par la loi. A. LA DIFFAMATION, LES INJURES ET LES AUTRES DÉLITS D'INFORMATION 1. La diffamation et les injures La diffamation et les injures sont incriminées par l'art. 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La diffamation et les injures sont certainement un excellent terrain, sur lequel l'avocat peut agir en procédure d'urgence (référé). La diffamation consiste à alléguer des faits qui portent atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne (physique ou morale). L'injure consiste en l'expression outrageante, termes de mépris ou invective sans aucun fait allégué. 39 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Il importe de choisir ce terrain d'action avec discernement, à défaut de quoi les plaignants peuvent perdre un procès qu'ils auraient pu gagner sur un autre terrain. La Cour de cassation a rappelé que "l’action qui vise l’atteinte à la réputation d’une société aérienne par l’utilisation de son image" relève exclusivement de la diffamation, et a exclu l'action en responsabilité civile (Civ. 1ère, 30 mai 2006). La diffamation ne vise que les personnes. Elle ne sera pas retenue si les propos visent un produit et non une personne physique ou morale (Civ. 2ème 8 avril 2004). Mais la Cour de cassation a retenu dans ce cas la responsabilité civile de l'éditeur pour manquement à son devoir de prudence et d'objectivité. Dans l'affaire Areva le terrain de la diffamation est rejeté ; la Cour de cassation considère que les agissements litigieux attaquent non la société mais ses marques, qui plus est dans le cadre strict de la liberté d'expression (Civ 1ère 8 avril 2008). Mais il peut y avoir diffamation dès lors que les éléments du délit sont réunis "même si l'allégation est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation" (Civ. 1ère, 27 septembre 2005). Sur le blog d'un salarié, la présentation publique tendancieuse des pratiques sociales de la société Nissan a été condamnée pour diffamation et injures publiques contre la société et contre certains salariés nommément désignés, avec obligation de retrait des propos et publication d'un extrait de la décision sur le blog fautif (TGI Paris 17ème Ch. 16 octobre 2006). 2. Les autres délits d'information Les juristes classent sous ce terme générique tous les délits incriminés par la loi du 29 juillet 1881, modifiée et complétée de nombreuses fois depuis sa création, ainsi que quelques autres délits tels que la provocation au suicide, directement incriminé par le code pénal (articles 223-13 à 15-1). Dans le cadre de cette étude, nous pouvons également citer le délit de fausse nouvelle (art.27 de la loi de 1881) qui peut être mis en œuvre dans des cas limites, ainsi que, le cas échéant, celui de discrimination raciale (art.32). 40 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières 3. Un délai de prescription très court La grande faiblesse actuelle des délits d'information, y compris la diffamation et les injures, est qu'ils sont prescrits civilement et pénalement au bout de trois mois (il en est de même du droit de réponse). C'est l'art.65 de la loi qui le prévoit. Il peut paraître logique qu'au bout de 3 mois l'information n'étant plus disponible pour la presse papier ou audiovisuelle, l'action soit éteinte (le délai se rouvre s'il y a rediffusion audiovisuelle). Mais pour Internet, il se trouve que tout est disponible, en permanence, et facilement repérable avec un moteur de recherche. Les premiers magistrats à s'être penchés sur cette question considéraient assez logiquement que le délai de 3 mois commençait à partir du retrait de l'information litigieuse. L'art.6-V de la LCEN (voir plus loin) aurait dû prévoir ce même point de départ du délai, l'amendement d'un député dans ce sens ayant été voté. Par souci d'harmonisation des trois régimes de médias (papier, audiovisuel et en ligne) le Conseil constitutionnel épingla cette disposition. C'est ainsi qu'au bout de 3 mois, quand bien même on retrouverait des propos diffamatoires sur le Net, il serait impossible de les faire condamner. Les entreprises ont donc intérêt à commanditer des missions de surveillance de leur image sur le Net… Au cours de l'été 2008, un groupe de sénateurs a déposé une proposition de loi visant à allonger le délai de prescription des délits d'information sur Internet à un an. Certes, rares sont les propositions de loi (émanant de parlementaires, contrairement aux projets de loi, émanant du Gouvernement) qui aboutissent à un texte voté, mais l'initiative est intéressante (voir sur le site notre actualité du 24 août 2008) et pourrait être reprise dans les projets de révision de la LCEN, proposés en début d'année par un rapport parlementaire remis au Gouvernement (voir sur le site notre actualité du 9 mai 2008). B. LA RESPONSABILITÉ ÉDITORIALE SUR INTERNET Ce type de responsabilité doit être bien maîtrisé, dans le contexte d'une action amiable ou judiciaire. L'ensemble du régime de cette responsabilité éditoriale est consigné dans l'art.6 de la loi du 21 juin 2004 (LCEN – pour en savoir plus sur ce sujet, voir sur le site notre Dossier spécial Droit de l'Internet). Nous en avons déjà vu l'intérêt ci-dessus à propos du droit de réponse. Subsidiairement, certains autres éléments peuvent constituer des armes de contreattaque. 41 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières 1. La responsabilité du Directeur de la publication Sur tout site web soumis au droit français, y compris les blogs, le directeur de la publication, désigné par la loi (articles 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 : propriétaire personne physique du site ou du blog ; représentant légal si c'est une personne morale) est pénalement responsable de tout ce qui est diffusé sur le site. C'est également à lui que la demande de publication d'un droit de réponse doit être adressée. 2. Le défaut de cyber-ours Toute publication, qu'elle soit sur papier, audiovisuelle ou en ligne, doit obligatoirement diffuser certaines mentions d'information au public, nommée ours dans les publications de presse papier, et cyber-ours ou ours numérique sur le Net. L'art.6-III LCEN en précise le contenu. Nombreux sont les sites qui ne possèdent pas ces mentions obligatoires, par ignorance de leurs responsables, ou — ce qui est pire — celle des agences de développement web qui conçoivent les sites, parfois à grand frais, mais sans mettre leur client à l'abri les rigueurs de la loi. On pourrait penser que le défaut de cyberours constitue une faute bénigne. Il n'est est rien : l'art.6-VI, 2 LCEN prévoit une peine d'un an de prison et/ou de 75000 euros d'amende, ce qui n'est pas négligeable. Un site qui s'amuserait par exemple à diffamer ou dénigrer autrui aurait intérêt à être, lui, irréprochable sur ce terrain s'il ne veut pas se voir à son tour attaqué. Notons que depuis environ un an, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes (DGCCRF) du ministère des finances contrôle assez systématiquement les sites et les verbalise… 3. La responsabilité de l'hébergeur La responsabilité de l'hébergeur, prévue par l'art.6-I, 2 LCEN constitue une arme assez puissante contre les sites hébergés en France. En effet, les hébergeurs ne sont par principe pas responsables des contenus qu'ils hébergent, ce qui est la contrepartie de la liberté de l'hébergé. Mais leur responsabilité commence dès lors qu'ils acquièrent "effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible" (art.6-I, 2 al.1er in fine). Ainsi, en cas de refus d'obtempérer de la part des responsables d'un site, il reste la possibilité de s'adresser à l'hébergeur du site qui se trouvera dans l'obligation de bloquer l'accès litigieux. Bien sûr cette procédure est soigneusement encadrée par la loi. Par ailleurs, il faut parfois un certain doigté technique pour parvenir à identifier l'hébergeur d'un site, nouvelle illustration de la nécessaire synergie technique-juridique. 42 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières C. LA CONTREFAÇON DE MARQUE ET L'ACTION CONTRE LE CYBERSQUATTING Cette arme de défense est limitée aux seules marques, à l'exclusion des attaques contre des personnes ou des entreprises. 1. La contrefaçon La contrefaçon de marque est réglementée par l'art. L.716-1 code de la propriété intellectuelle. L'atteinte à l'image d'une entreprise peut aussi être sanctionnée sur ce terrain, dès lors qu'une marque est altérée ou imitée. À condition que tous les éléments de la contrefaçon soient réunis, notamment et surtout le risque de confusion avec la marque originale. À l'occasion d'une campagne contre le tabagisme, la cour d'appel de Paris n'a pas retenu la contrefaçon de la marque Camel en l'absence de confusion possible : "si les affiches et supports litigieux reprennent la disposition d'ensemble et certains des éléments caractéristiques de la marque "CAMEL", telle qu'elle apparaît notamment sur ses paquets de cigarettes, leur traitement particulier exclut tout risque de confusion dans l'esprit des consommateurs" (Paris, 22 mai 2002). 2. Le cybersquatting d'une marque Les manœuvres de nuisance contre une entreprise sur le Net peuvent aussi passer par le dépôt d'un ou plusieurs noms de domaine identiques ou fortement similaires à une des marques de cette entreprise. Là encore, le critère sera le risque de confusion avec la marque protégée. Si les juges ou les arbitres retiennent ce risque de confusion, la partie est gagnée et le déposant sera contraint de transférer sans frais le nom de domaine en question. Sur ce terrain trois voies sont envisageables : • La voie judiciaire, seule à pouvoir octroyer des dommages-intérêts à la victime, mais pas forcément la plus rapide et surement pas la plus efficace lorsque le squatteur se trouve à l'autre bout de la planète ; • Les procédures d'arbitrage international ont été créées pour pallier l'impuissance des juridictions nationales. Trois séries existent : Les UDRP (Uniform dispute resolution policiy), devant le centre d'arbitrage de l'OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) pour les noms de domaine génériques (sur ce sujet, voir notre article sur L'arbitrage de l'OMPI – lien externe) ; o Les procédures ADR (Alternative dispute résolution), devant la cour arbitrale de Prague pour les noms de domaine sous .eu ; o 43 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges o • Retour à la table des matières Les 3 séries de PARL (Procédures alternatives de résolution de litiges) pour les noms de domaine sous .fr ; L'approche amiable simple, avant toute escalade par l'une des deux procédures précédentes. Cette dernière approche amiable, bien argumentée, porte le plus souvent ses fruits : le squatteur se fait parfois tirer l'oreille pour restituer le nom de domaine sans frais, mais l'expérience montre qu'on arrive très souvent à se mettre d'accord sur un geste financier sans commune mesure avec le coût d'un procès, voire d'un des arbitrages visés ci-dessus. D. LE RESPECT DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL Dès lors que des propos négatifs sont tenus à l'encontre d'une personne physique, la loi Informatique, fichiers et libertés s'applique. Cette arme est donc réservée aux seules attaques ad hominen ; elle est donc exclue pour les sociétés ou les marques. 1. Un traitement de données à part entière La loi n°78-17 du 6 janvier 1978, réformée par la loi du 6 août 2004, prévoit la protection des personnes physiques à l'égard de tout traitement de données à caractère personnel les concernant, que ce traitement soi automatisé ou non. Il en résulte — au passage — que la loi peut aussi s'appliquer pour la presse papier, ce qui n'est pas notre sujet. Dans la réforme de 2004, la notion de traitement de données a été définie de manière extensive et permet d'y inclure la publication du nom d'une personne sur Internet. Dès lors, l'intéressé dispose de tous les droits que lui confèrent la loi, notamment la possibilité de demander la rectification ou la suppression des données le concernant (art. 40 de la loi). L'inconvénient est que cet article — avec quelques autres — ne s'applique pas aux activités journalistiques qui en sont exonérées par la loi elle-même (art. 67). Il faut ainsi savoir qu'en France, un organe de presse peut salir la réputation d'une personne sans aucune obligation de rectifier ou de supprimer l'information médisante… Fort heureusement, tous les sites Internet ne relèvent pas de l'activité journalistique. Mais les sites de presse – disposant notamment d'un numéro de commission paritaire de presse – sont eux, intouchables sur cette base. Dans une affaire de ce type, nous avons malgré tout réussi à faire disparaître une information litigieuse sur un site protégé par un numéro de commission paritaire, sur le terrain d'une faille de cette loi. 44 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières E. LES DIVERSES RESPONSABILITÉS Indépendamment de tout l'arsenal jusque là présenté, il reste les grands principes de la responsabilité civile non contractuelle, et ses dérivés jurisprudentiels : concurrence déloyale ou parasitaire, dénigrement. Il reste également les principes généraux d'atteinte à la vie privée et au secret professionnel. 1. La responsabilité civile Le principe de la responsabilité civile est le suivant : tout préjudice causé par quelqu'un doit être réparé (art. 1382 du code civil). En conséquence, dès lors que des propos tenus sur le Net causent un préjudice à une personne, physique ou morale, les possibilités d'en demander réparation sur ce terrain existent. Là encore il faut un certain doigté pour se placer sur le bon terrain. Par exemple l'abus de la liberté d'expression relève strictement de la loi du 29 juillet 1881, précitée et non de la responsabilité civile, selon la Cour de cassation (voir notamment Civ. 1ère, 30 mai 2006, précité). Par ailleurs, si le terrain de la responsabilité civile est justifié, il faut encore pouvoir rapporter la preuve d'un préjudice réel et celle d'un lien de causalité directe entre le préjudice et les propos litigieux. Ce qui n'est pas toujours le plus simple. 2. La concurrence déloyale ou parasitaire et le dénigrement Sur la base de la responsabilité civile, ont été forgés par la jurisprudence les concepts de concurrence déloyale ou parasitaire, ou encore celle de dénigrement. Pour qu'il y ait concurrence déloyale, il faut que l'auteur de propos négatifs soit le concurrent de la personne ou de l'entreprise visée. En revanche la concurrence parasitaire consiste à attraire le prestige d'une marque ou d'une entreprise par confusion avec ses propres produits. L'exemple de la Tour d'argent, restaurant ouvert au pied des marches de l'Opéra Bastille à Paris est emblématique : les tenanciers ont laissé croire qu'il s'agissait d'une annexe du prestigieux restaurant des bords de Seine. L'image ainsi phagocytée de l'entreprise peut s'en trouver ternie, dès l'instant que des produits ou services de moindre qualité sont associés ou confondus aux siens. Le dénigrement consiste à critiquer de manière délibérée et injustifiée des produits. La nuance avec la concurrence déloyale est qu'il n'est pas nécessaire d'être en concurrence pour dénigrer un produit, un service, une marque, ou une entreprise. 3. L'atteinte au respect de la vie privée L'atteinte au respect de la vie privée, protégée par l'art. 9 du code civil, ainsi que par quelques articles du code pénal (articles 226-1 à 226-32), peuvent constituer dans certains cas des armes utiles pour faire cesser des propos nuisibles, par exemple dès l'instant qu'ils 45 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières révèlent des éléments de la vie privée d'une personne. Il s'agit donc essentiellement d'une arme pour défendre les personnes physiques. 4. L'atteinte au secret professionnel Certains propos négatifs peuvent relever du secret professionnel. Non seulement leurs auteurs nuisent à la réputation d'une entreprise ou d'une personne, mais en plus ils enfreignent les lois protégeant le secret professionnel. Il est impossible d'entrer dans le détail des règles garantissant le secret professionnel qui varient d'une profession à l'autre. Notons seulement, avec regret que le secret de l'instruction, pour ne citer que celui-ci, est devenu aujourd'hui un secret de Polichinelle, source de bien des lynchages médiatiques hors de proportion avec la réelle culpabilité des individus. Le principe de la présomption d'innocence (art.9-1 du code civil) s'en trouve malmené. C'est un des cas où l'e-réputation est la plus nuisible sur le long terme : même si les médias ont fait amende honorable, il va rester des traces sur le Net pendant des mois si l'on n'intervient pas pour nettoyer ces traces rémanentes. III. LA VOIE AMIABLE Nous l'avons signalé rapidement plus haut, la voie amiable est souvent la plus efficace. A. LE PREMIER RÉFLEXE Même en référé, la voie judiciaire peut s'avérer trop longue quand on sait qu'un propos litigieux sur le net peut se propager en quelques heures. Par ailleurs, la plupart des diffuseurs ou relayeurs d'informations litigieuses ne sont pas de mauvaise foi. Il suffit de les approcher par mail pour qu'ils retirent sans discuter, parfois avec des excuses, les propos douteux. Une autre approche amiable efficace est celle de l'hébergeur, responsable, nous avons dit, dès qu'il apprend qu'il héberge un contenu illicite ou litigieux. Non seulement il importe de toujours commencer par une approche amiable, mais c'est parfois la seule voie. B. AGIR AU-DELÀ DE DÉLAIS DE PRESCRIPTION TROP COURTS Nous l'avons souligné plus haut, le droit de réponse et les délits de diffamation et d'injures sont prescrits en France au bout de 3 mois. En conséquence, alors même que les informations continuent de nuire, l'action judiciaire est éteinte au bout de 3 mois. Dans ce cas, il ne reste plus que l'approche amiable, à l'aide d'autres arguments juridiques. 46 E-réputation : L'arsenal juridique... |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières C. AGIR CONTRE DES DIFFUSEURS ÉTRANGERS Les justices nationales sont démunies contre les prédateurs résidant à l'étranger. L'effet d'une condamnation en France d'un Australien sera limité : il est très difficile de faire exécuter un jugement français dans beaucoup de pays, même au sein de l'Union européenne. C'est alors que l'association de savoir-faire technique sur le réseau, pour tracer les auteurs, mais aussi leur lieu d'hébergement et de connaissances juridiques s'avère très efficace. Dans une affaire de ce type, le diffuseur, australien, approché informellement, demandait 1000 euros pour retirer l'information qu'il savait préjudiciable… Après traçage de son site, il a été possible de retrouver et de contacter son hébergeur avec l'argumentaire juridique qui convenait, ce qui a suffi pour voir disparaître le contenu litigieux sans frais. 47 E-réputation : Repères bibliographiques |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières L'E-RÉPUTATION : REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES Quelques repères bibliographiques, classés par type de publication et par ordre chronologique inverse dans chaque catégorie. Avant tout... Consulter régulièrement, poser une alerte par courriel ou un flux RSS (via l'Infosphère) sur le tag E-réputation sur le site Les Infostratèges : www.les-infostrateges.com/tag/e-reputation Entretien de Didier Frochot avec l'Atelier BNP Paribas - 8 octobre 2008 : www.atelier.fr/e-marketing/10/08102008/e-reputation-infostrateges-gestion-de-linformation-37266-.html Dossiers – Études Réputation internet : Écoutez et analysez le buzz digital – Christophe Asselin et Philippe Duhot (Société Digimind) – Juin 2008 www.digimind.fr/publications/white-papers/501-reputation-internet-ecoutez-et-analysezle-buzz-digital.htm Gérer sa réputation sur les moteurs – Emmeline Ratier – 3 avril 2008 (Journal du Net). www.journaldunet.com/solutions/moteur-referencement/analyses/08/0403reputation/1.shtml Comment surveiller votre e-réputation – 28 septembre 2007 (Journal du Net). www.journaldunet.com/ebusiness/marques-sites/conseil/070928-e-reputation/1.shtml Rumeurs et désinformation : quand Internet devient trouble – Sociétés de l’information (numéro 31) – Octobre 2006. www.societesdelinformation.net/sommaire.php?id=19 Le site : www.societesdelinformation.net Articles Construire une e-réputation : dialoguer, veiller, rassembler – 4 décembre 2008 (Culture Buzz). www.culture-buzz.fr/blog/Construire-une-e-reputation-dialoguer-veiller-rassembler2550.html 48 E-réputation : Repères bibliographiques |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Facebook, nudité et gestion de la réputation – Alain McKenna – 27 août 2008 (QuebecTech). http://quebectech.branchez-vous.com/2008/08/facebook_nudit_et_gestion_de_l.html Entreprises, soignez votre « e-réputation » ! – Capucine Cousin – 25 août 2008 (Les Échos). www.lesechos.fr/management/actu/4763598-entreprises-soignez-votre-e-reputation-.htm Gérer sa e-réputation en pratique – Fabrice Molinaro (Les Infostratèges) – juin 2008 (Archimag). http://archimag.com/fr/accueil-archimag/magazines/archimag-n215/outils/gerer-sa-ereputation-en-pratique.html Droit : armes légales pour défendre sa e-réputation – Didier Frochot (Les Infostratèges) – juin 2008 (Archimag). http://archimag.com/fr/accueil-archimag/magazines/archimag-n215/outils/droit-defendresa-e-reputation.html Entreprises et réputation en ligne : menace ou opportunité ? – 9 mai 2008 (Palpitt Metablog). www.palpitt.fr/blog/index.php?post/2008/05/09/Entreprises-et-reputation-en-ligne-%3Ade-la-necessite-detre-radicalement-transparent Des nettoyeurs du Web pour redorer votre blason numérique – Augustin Scalbert – 30 avril 2008 (Rue89). www.rue89.com/2008/04/30/des-nettoyeurs-du-web-pour-redorer-votre-blasonnumerique Des pistes pour contrôler l'e-reputation de son entreprise – Laure Deschamps – 30 janvier 2008 (01 net). www.01net.com/editorial/370780/des-pistes-pour-controler-l-e-reputation-de-sonentreprise/ Surveillez et optimisez votre e-réputation – Claude P. – 5 novembre 2007 (ONG Online). www.ong-online.org/2007/10/surveillez-et-optimisez-votre-e.html Bichonner sa réputation sur Internet – J.-B. L. – 15 octobre 2007 (Le Figaro) www.lefigaro.fr/emploiact/20061106.WWW000000435_bichonner_sa_reputation_sur_inter net.html E-Réputation, quand la toile ne se contente plus d’écouter – Christophe Asselin – 7 septembre 2007 (Journal du Net). 49 E-réputation : Repères bibliographiques |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières www.journaldunet.com/expert/15914/e-reputation-quand-la-toile-ne-se-contente-plus-decouter.shtml HSBC goûte au pouvoir des réseaux sociaux – Sophie Lachapelle – 4 septembre 2007 (Infopresse). www2.infopresse.com/blogs/actualites/archive/2007/09/04/article-23368.aspx What price Reputation ? – 9 juillet 2007 (Business Week). www.businessweek.com/magazine/content/07_28/b4042050.htm?chan=search Votre vie privée est sous les projecteurs – Christian Bensi – 22 mai 2007 (Agoravox) www.agoravox.fr/article.php3?id_article=24660 De l'influence des (blogs) sites web sur les cours de bourse ? – Christophe Asselin – 20 mai 2007 (InFLUX). http://influx.joueb.com/news/de-l-influence-des-sites-web-sur-les-cours-de-bourse 29 Fortune 100’s are letting Google Tarnish their Reputation – Chris Bennett – 29 mars 2007 97th Floor). www.97thfloor.com/blog/29-fortune-100s-are-letting-google-tarnish-their-reputation/ S’exprime-t-on pour influencer, ou pour informer ? – Jean-Marc Manach – 8 janvier 2007 Internet Actu). www.internetactu.net/2007/01/08/sexprime-t-on-pour-influencer-ou-pour-informer/ Internet ne vous oubliera pas – Frédérique Roussel – 5 décembre 2006 (Écrans) www.ecrans.fr/Internet-ne-vous-oubliera-pas.html Qu’est-ce que l’identité numérique ? – Fred Cavazza – 22 octobre 2006 (Fredcavazza.net). www.fredcavazza.net/2006/10/22/qu-est-ce-que-l-identite-numerique/ La cyber-réputation – Mélodie Proust – 20 octobre 2006 (L’Express) www.lexpress.fr/emploi-carriere/la-cyber-r-eacute-putation_479770.html L'indispensable gestion de la réputation numérique – Christophe Deschamps – 6 février 2006 (Zdnet). www.zdnet.fr/blogs/2006/02/06/lindispensable-gestion-de-la-reputation-numerique/ 50 E-réputation : Repères bibliographiques |cc| Les Infostratèges Retour à la table des matières Autour de l'e-réputation Vladimir Volkoff : Petite histoire de la désinformation. – Monaco : Éditions du Rocher. – 1999. – 291 p. Cyberspace ou le Jeu Vertigineux du Virtuel – Philippe Quéau (Les humains associés, n°7 – 1994-95). www.humains-associes.org/No7/HA.No7.Queau.1.html COB – AMF Recommandation n°2000-02 relative à la diffusion d'informations financières sur les forums de discussion et les sites internet dédiés à l'information ou au conseil financier du 1er décembre 2000 Recommandation n°87-01 concernant les informations boursières diffusées par minitel du 15 septembre 1987 www.amf-france.org/affiche_plan.asp?IdSec=4&IdRub=62&IdPlan=120&Id_Tab=0 51