Chronique littéraire Les ailes brisées, de Khalil Gibran Après vous

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Chronique littéraire Les ailes brisées, de Khalil Gibran Après vous
Chronique littéraire
Les ailes brisées, de Khalil Gibran
Après vous avoir parlé du « Prophète » son plus grand chef d’œuvre voici Les
ailes brisées, son seul roman. On peut lire la quatrième de couverture : le
narrateur et Salma Karamé, deux jeunes Beyrouthins, s’aiment d’un amour
tendre et projettent de s’unir prochainement. Mais la grande fortune du père de
la jeune fille suscite la cupidité d’un évêque, qui use de tous les moyens pour
marier Salma avec son neveu… En publiant en 1912 Les Ailes brisées, tragique
histoire d’amour qui dénonce les préjugés sociaux et confessionnels régissant la
société libanaise, Khalil Gibran est conscient de la secousse que va provoquer
cette œuvre dont il dira plus tard qu’elle « constitue, dans la littérature arabe, un
tournant semblable à celui que représente Coleridge dans la littérature
anglaise ». Car il s’agit tout simplement de l’un des premiers romans de langue
arabe.
Gibran dira de ce roman :
« La première Ève avait entraîné Adam hors du Paradis de sa propre volonté.
Par sa douceur et son amour, Salma me fit entrer avec empressement dans un
paradis de vertu et de pure affection. Mais ce qui est arrivé au premier homme
m’est arrivé aussi, et l’épée ardente qui le chassa de l’Éden ressemblait à celle
dont le tranchant éclatant m’épouvanta et me força à renoncer à mon amour
sans que j’aie désobéi à aucun ordre ni goûté le fruit de l’arbre défendu.
Aujourd’hui, alors que tant d’années se sont écoulées, il ne me reste de ce beau
rêve que de pénibles souvenirs qui battent autour de moi comme des ailes
invisibles, qui emplissent de tristesse le tréfonds de mon cœur et qui me font
monter les larmes aux yeux. Et ma belle Salma bien-aimée est morte. Et rien ne
demeure pour m’en souvenir que mon cœur brisé et une tombe entourée de
cyprès. Cette tombe et ce cœur, c’est tout ce qui reste pour porter témoignage
de Salma. »
Les ailes brisées est un roman autobiographique, celui d’un amour tragique
entre Gibran et Salma, sa bien-aimée, sur un long chemin de douleurs
semblables à celui de Dante et Béatrice, d’Abélard et Héloïse, ou de Tristan et
Iseult. Mais, il est aussi un hommage à la nature et celle du Liban et ses cyprès
séculaires, une accusation de l’Église, qu’elle soit régie par l’Évêque ou l’Imam,
un long poème d’amour fait de dialogues amoureux, de réflexions, d’intelligence,
de philosophie, de joies profondes, de déchirements et d’une prière peu
commune avec Dieu. Les ailes brisées est avant tout le roman d’un chagrin
d’amour qui prend une dimension philosophique à travers la prose de Gibran.
Trente années se sont écoulées entre mes deux lectures de ce roman.
Toujours, je suis séduite par les images poétiques, la profondeur, la justesse du
propos et la puissance des mots choisis et de l’œuvre tout entière de Gibran.
Cette fois-ci, mon regard nouveau empli de différentes intentions fut ravi par
l’universalité, par les lieux communs et l’intemporalité et toute cette poésie
entrelacée de métaphores, d’allégories, d’analogies.
À plusieurs reprises, tel un coup de fouet, je n’ai pu que m’identifier à ces âmes
solitaires, tourmentées entre faim et jeûne, toute cette dualité et ces paradoxes
qui nous meublent l’intérieur, qui nous hantent malgré nos prières, nous
poursuivent et nous tuent.
J’ai presque tout lu de Gibran et chacun de ses livres reflète sa pensée mythique
et philosophique tout en étant enrobé de poésie. Il faut connaître et lire ce grand
auteur, il change nos vies.
Je n’ai pu m’empêcher de recueillir quelques belles citations illustrant mon
propos.
Citations
Les pommiers comme les amandiers émergent à travers les maisons tels des
nymphes et des épousées, en robe blanche et parfumée, envoyées par la Nature
pour inspirer les poètes.
Une simple pensée bâtit les pyramides, fonda la gloire de l’Islam. Une seule
passion détruisit Troie et causa l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie.
Un seul mot provenant des lèvres d’un être peut vous rendre fortuné ou
malheureux.
Je t’aimerai comme les graines aiment le printemps, je vivrai en toi comme les
fleurs vivent aux rayons du soleil.
Les montagnes, les arbres, les rivières changent d’aspect avec le changement
du temps. Ainsi se modifient les traits d’un homme selon la réaction de ses
pensées et de ses sentiments.
La lune se leva et parut à travers les nuages, telle une face blême d’un cadavre
dans son cercueil, entouré de coussins noirs et de cierges livides...
Ainsi s’anéantissent les peuples entre les voleurs et les profiteurs comme les
troupeaux disparaissent entre les crocs des loups et les couteaux des bouchers.
L’esprit affligé ne trouve de paix que dans la solitude. Il fuit le monde, comme la
gazelle, blessée, déserte le troupeau et se cache dans une grotte jusqu’à sa
guérison ou sa mort.
Tu exiges de moi la patience et la fermeté alors que tes yeux révèlent la détresse
et la souffrance! Un pauvre affamé donne-t-il son pain à un autre pauvre
affamé? Un malade prescrit-il son remède à un autre malade lorsque lui-même
en a grand besoin?
Biographie
Gibran Khalil Gibran figure en bonne place parmi les poètes et peintres issus du
Moyen-Orient, grâce notamment à son recueil : Le Prophète.
Gibran est né dans le nord du Liban de la fille d’un prêtre de rite maronite. Les
prêtres qui rendent visite régulièrement à sa famille lui apprennent la langue
arabe et ainsi que la langue syriaque aussi bien que l’étude de la Bible.
Le père de Gibran travaille d’abord comme apothicaire, mais, avec la dette de
jeu qu’il est incapable de payer, il se met au service d’un administrateur ottoman.
Il est incarcéré sur des allégations de détournement de fonds, et les biens de sa
famille sont confisqués par les autorités. Privée de logement, Kamlé, la mère de
Gibran, décide de rejoindre son frère aux États-Unis.
La famille Gibran s’installe dans le South End de Boston, à l’époque la deuxième
plus grande communauté Syrie/Liban-Américaine aux États-Unis. Gibran est
placé dans une classe spéciale pour les immigrants par l’administration de son
école pour mieux apprendre l’anglais. Gibran est aussi inscrit dans une école
d’art.
Mais la mère de Gibran, ainsi que son frère aîné, Boutros, veulent l’imprégner de
son patrimoine culturel d’origine, ainsi, à quinze ans, Gibran est renvoyé dans
son pays natal pour étudier à l’école préparatoire et à l’institut d’enseignement
supérieur à Beyrouth gérés par les maronites. Il y reste pendant plusieurs
années avant de retourner à Boston en 1902, arrivant sur Ellis Islande.
Gibran tient sa première exposition de ses dessins en 1904 à Boston. En 1908,
Gibran va étudier l’art avec Auguste Rodin à Paris pour deux ans.
L’ouvrage le plus connu de GIbran s’intitule Le Prophète, un livre composé de
vingt-six textes poétiques. Le livre est devenu particulièrement populaire
pendant les années 1960 dans le courant de la contre-culture et les mouvements
New Age.
Bibliographie
1905 La musique
1906 Nymphes des vallées
1908 Les Esprits Rebelles Jugé hérétique, ce livre a été brûlé en place publique par le
pouvoir ottoman en 1910
1912 Les ailes brisées
1914 Larmes et sourires
1918 Le fou
1919 Livre des processions
1919 Vingt dessins
1920 Les tempêtes
1920 Le précurseur
1923 Le prophète), Albin Michel 1990, 1996
1926 Sable et écume, Albin Michel 1990
1928 Jésus, fils de l’homme, Albin Michel 1995
1931 Dieu de la terre
Lynn Bérubé, membre du club de lecture de la Bibliothèque municipale