FONDEMENTS INITIATIQUES DE LA NON MIXITE
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FONDEMENTS INITIATIQUES DE LA NON MIXITE
FONDEMENTS INITIATIQUES DE LA NON MIXITE DANS LA PRATIQUE DU R∴ ∴E∴ ∴A∴ ∴A∴ ∴ A LA G∴ ∴L∴ ∴D∴ ∴F∴ ∴ Paradoxalement, alors que la question de l'entrée des femmes en franc-maçonnerie est un sujet de controverses aujourd'hui, la franc-maçonnerie française a très tôt accueilli les femmes dans les loges, en fait dès le début du XVIIIe siècle, au sein de loges dites «d’adoption», se structurant au sein d’une Grande Loge féminine au XXème siècle. En effet c'est grâce à la G∴L∴D∴F∴ qui a voté en 1946 le fait d'avoir une loge d'adoption, que les SS∴ ont pu ensuite créer l'Union Maçonnique des Femmes Françaises puis en 1952 la G∴L∴F∴F∴. C’est la G∴L∴D∴F∴ qui leur a transmis les rituels des 3 premiers degrés. La question de la mixité a été réglée dès la fin du XIXème siècle. C’est dans le cadre de la Grande Loge Symbolique Ecossaise de 1880, scission du Suprême Conseil de France (élaborée par 10 loges parisiennes) que la première femme a été initiée (Maria Desraime) au R∴E∴A∴A∴ au sein de la Loge les Libre penseurs à l'Orient du Pecq, par le Frère Georges Martin ... et que les deux frère et sœur en question ont créé ensuite l’obédience mixte le Droit Humain (le 4 avril 1893) pour travailler en parfaite indépendance du reste de la F∴M∴. Le combat pour la femme et son entrée en F∴M∴ a donc déjà eut lieu et il a été victorieux… la femme a toute sa place en F∴M∴. Mais néanmoins, une remarque s'impose à la lumière des débats sur la mixité qui ont agité et agitent régulièrement le monde maçonnique. A aucun moment la spécificité initiatique de la femme, la spécificité initiatique de l'homme, comme d'ailleurs la finalité de l'initiation, ni même les fondements de ce qu’est l’ordre maçonnique, n'ont présidé aux débats. 1- Une résurgence de la querelle des anciens et des modernes… ! La question de la mixité en Franc-maçonnerie est posée par certains uniquement sur les plans du politique ou du sociétal, et du social. Ceux-ci pensent qu’il y a là une forme de sexisme éhonté, d’anachronisme indéfendable dans une structure qui se réclame des Lumières, qui prétend vouloir améliorer l’humanité et refaire le monde, d’exclure les femmes des membres “cotisants” (terme employé dans une récente chronique parue dans le Monde par un ancien président du conseil de l’ordre du Grand Orient de France) …. On peut admettre qu’une obédience à vocation humaniste, républicaine, laïque, veuille s’inscrire dans une situation d’osmose complète avec la société, et qu’alors elle puisse vouloir devenir mixte. Mais cela voudrait dire que cette obédience n’est pas prioritairement une société initiatique, mais bien une association à vocation politique, sociale, humaniste…. D’ailleurs les arguments avancés pour appuyer la revendication à la mixité de la F∴M∴ en portent la marque : «une F∴M∴ républicaine, égalitaire, laïque, ne peut exclure la moitié de l’humanité». Le recours au vocable du monde profane est d’ailleurs significatif : c’est le «sens de l’histoire», «c’est la loi»…. «une association» (terme employé également dans la chronique citée plus haut) …etc., autrement dit la maçonnerie ne peut pas être en décalage avec la société profane et ses lois. Version 2 du 01.10.09 1 Effectivement, ils ont raison…, je pense que le fait de vouloir peser sur le monde de façon immédiate conduit presque inévitablement, aujourd’hui, à défendre la mixité…. Car on ne peut s’imaginer avoir un impact positif immédiat sur la société sans prendre ce que cette dernière possède de meilleur. En l’occurrence, la mixité (les mixités d’ailleurs) est une des grandes avancées sociales. La promouvoir, la défendre, la renforcer, l’étendre (d’où l’importance des luttes contres les discriminations) est un devoir citoyen. Mais il me semble que le franc-maçon traditionnel dans sa démarche initiatique est ailleurs. Ce qui fait l’originalité propre de la Maçonnerie traditionnelle (les anciens), c’est sa dimension initiatique, ses rituels et ses symboles. Et donc voyons pourquoi, à notre sens, certaines obédiences, comme la G∴L∴D∴F∴ n’initientelles pas de femmes ou n’acceptent t’elles pas de visites de sœurs durant leurs travaux….? Ce refus du changement, de la modernité, qui effectivement peut paraître quelque peu archaïque en apparence, s’explique particulièrement par le caractère hautement traditionnel, voir «traditionaliste», sinon régulier, au sens monastique du terme, de la Franc-maçonnerie de Rite Ecossais Ancien et Accepté qui fonde notre démarche initiatique. Toute la démarche maçonnique, au niveau des moyens et de la méthode, est basée sur le symbolisme, son langage et son efficacité. L’initiation en tant que rituel est elle-même un ensemble dynamique de symboles. Comprendre la place et l’importance des symboles et des rituels initiatiques permet de mieux discerner les objectifs principaux du travail maçonnique et la finalité de l’initiation. Le vécu des passages initiatiques, la participation aux rituels et l’étude des symboles ont pour but d’agir sur le Franc-maçon, de façon à induire une transformation de son être. Cette action se situe sur deux plans. D’une part, les symboles le font réfléchir, d’autre part ils agissent de manière intuitive ou inconsciente. L’objectif premier du travail maçonnique est donc le développement personnel, l’épanouissement moral de l’être. Son objectif collectif vient en second, car l’élévation des individus est la condition sine qua non du progrès de l’humanité. La Franc-maçonnerie traditionnelle étant initiatique, elle est par essence morale et spirituelle, dans ses fondements et dans ses buts. L’initiation, vécue comme un processus intérieur, est un cheminement vers la réalisation de soi, vers l’unité de l’être (nous y reviendrons plus loin). Notre Tradition est la transmission d’une méthode symbolique et d’une approche initiatique personnelle qui ne sont pas basées sur des considérations humaines. Pour nous l’initiation relève du sacré et non du profane ou de ce qui concerne la vie sociale. Nous n’avons donc pas à nous préoccuper de contingences sociale, sociétale, moderniste, progressiste. Alors demander à la G∴L∴D∴F∴ de devenir mixte ou d’accepter des visites de sœurs, c’est en gros, et pour me faire comprendre, un peu comme si l’on demandait à un ordre monastique masculin d’accepter des femmes parce qu’il s’agit qu’il soit enfin dans la modernité, qu’il soit le reflet de la société humaine. Alors que la modernité et la vie humaine ne sont pas de son monde ! Il me semble que ce débat est emblématique des questions que soulève la distinction rhétorique de la séparation entre sphère publique et sphère privée. Version 2 du 01.10.09 2 Sans nous prendre pour des dévots réactionnaires, moines laïques de ce monde moderne…, nous considérons, que, sous couvert de modernité, les enjeux de société (sphère publique) ne doivent pas prendre le pas sur la voie initiatique (sphère privée). Nous ne nous situons pas sur le même plan. Nous ne sommes pas dans le plan de l’homme social, du sociétal, du politique mais dans celui de l’initiation traditionnelle et de ses valeurs fondamentales, sur le plan d’une recherche spirituelle, d’une sacralité, d’une quête initiatique, de la quête de la parole perdue, qui permet justement à chacun d’entre nous de prendre un peu de distance par rapport au monde profane. Sans doute pour mieux le servir après. Assistant un jour à une conférence du cycle Condorcet – Brossolette, à une profane qui demandait à quoi servait la G∴L∴D∴F∴ dans la vie de tous les jours, j’ai répondu d’une manière un peu provocatrice : «La G∴L∴D∴F∴ ne sert à rien...., les maçons de la G∴L∴D∴F∴ peuvent servir à la société (ou dans la société), s’ils le désirent, en poursuivant au dehors l’œuvre commencée dans le temple, et il est pour ma part souhaitable qu’ils s’y investissent mais nous ne jouons pas dans la même catégorie» Nous soutenons que, s’agissant d’une appartenance ésotérique (sphère privée), les principes généraux de non-discrimination (sphère publique) ne trouvent pas à s’appliquer. Eternel partage entre maçons «anciens» et «modernes». La plupart de nos modernes qui s’attaquent au sujet de la mixité oublient donc toujours de s’appuyer sur quelques points qui me semblent primordiaux. 2- L’ordre des principes Au premier rang de ces questions essentielles je placerai l’Ordre des Principes et en particulier la différence de Nature entre l’homme et la femme, sujet “épineux” car on touche à cette notion d’égalitarisme des sexes si chère à tous les modernes. La femme est l’égale de l’homme, oui bien sûr au point de vue de nos lois sociales laïques, et non au point de vue de sa Nature, qui est différente. A ce sujet la philosophe Sylviane Agacinsky, qui a consacré une partie importante de ses travaux à analyser les relations politiques sous l’angle de la domination masculine, est partisane d’un partage équitable des fonctions politiques entre hommes et femmes. Elle n’en soutient pas moins, à la base de son analyse, la nécessaire reconnaissance des différences. Dans une « mise au point sur la mixité » qui précède les développements de son ouvrage « Politique des sexes » (Edition du Seuil, 2001), elle écrit : « […] Car il faut se demander –et je crois que c’est l’intuition principale de ce livre- si l’homme et la femme parlent de la même chose lorsqu’ils parlent du sexe ou des sexes. Si ce soupçon pouvait être vérifié, cela signifierait qu’il n’y a pas de commune mesure entre le masculin et le féminin et que ce que l’on appelle la différence sexuelle est à penser comme une différence ontologique irréductible, sans réconciliation ni synthèse possible ». (Page 20) Cette thèse suffirait pour fonder (s’il en était besoin) la légitimité d’une démarche initiatique qui se vit, au sein d’une obédience masculine telle la G∴L∴D∴F∴, au sein du R∴E∴A∴A∴, en se séparant, un peu, et pour le temps de nos Tenues, de la femme. Version 2 du 01.10.09 3 A ce titre, disons très rapidement que le fait de rejeter la mixité parce que l’on ne veut pas être « dérangé » au niveau de sa libido pendant les travaux ne semble pas être une « excuse valable »… et donc a fortiori une question primordiale ! Et ceci même si ce problème peut jouer pour certains de nos frères bien évidemment. Ce point signifie que chacun de nous, frères comme sœurs, chacun dans sa propre démarche et son propre support, peut explorer les recoins de son être en donnant une valeur à la différence pour mieux la dépasser lorsqu’il s’agira « de répandre au dehors du temple l’œuvre commencée dans le temple… », sans pour autant « qu’elle soit exposée au regard des profanes ». Fondée sur une vraie fraternité initiatique profonde, la F∴.M∴ est une alliance d’hommes et de femmes, de toute condition sociale, de toute croyance, de toute religion et de toute nation. Mais la richesse de cette diversité, cet idéal d’ouverture et de tolérance, en un mot cet «humanisme», suffisent-ils à définir la F∴M∴ universelle ou l’ordre initiatique ? Si l’on s’arrête à la perception humaine d’une société de pensée ou d’une société philosophique peut-être et même certainement …! Or d’un point de vue initiatique, un principe universel n’est pas « universaliste », en tant que qu’addition de différences. Le caractère universel n’est pas plus lié à l’universalisme, que « le monde » au « mondialisme ». Par l’étude de ces principes universels, éternels et immuables, on aborde le domaine de la science la plus élevée qui soit : celui de la métaphysique ou de la spiritualité, car elles sont synonymes. Cette Science des principes s’identifie à la Connaissance elle-même, ésotérique par définition, et va faire appel au domaine de l’intuition, c’est-à-dire un domaine situé au-delà de la raison, et des fonctions de notre mental. Toute voie initiatique qui devrait nous conduire à une réalisation effective ne peut s’appuyer que sur ses Lois…et d’Extrême-Orient jusqu’en Occident, dans la diversité des formes traditionnelles, adaptées aux contingences de lieu et d’époque, c'est toujours une base identique (La Tradition primordiale) ou une racine commune, qui se retrouve partout, et cela pour la simple raison que, l’origine est une, et que toute voie initiatique peut nous y conduire. Tels les rayons d’une roue qui sont rattachés à un axe identique, ces principes d’ordre ou principes universels unissent toutes les voies traditionnelles au-delà de leur forme spécifique, comme cela est rappelé dans cette sentence du Taôisme : « Ne demandez pas si le Principe est dans ceci ou dans cela; Il est dans tous les êtres et toutes les formes. C' est pour cela qu' on Lui donne les épithètes de grand, de suprême, d' entier, de total, d' universel... » Richesse et diversité, union et non pas unité car pour autant chaque organisation initiatique développe sa « technique » particulière, et elle ne peut naturellement admettre que ceux qui sont capables de s'y conformer et d'en retirer un bénéfice effectif. Ce qui suppose, quant aux qualifications, l'application de tout un ensemble de règles spéciales, valables seulement pour l'organisation considérée, et n'excluant aucunement, pour ceux qui seront écartés, la possibilité de trouver ailleurs une initiation équivalente, pourvu qu'ils possèdent les qualifications générales qui sont strictement indispensables dans tous les cas. Version 2 du 01.10.09 4 Il n’est pas évident pour tous les maçons que la femme soit initiable... cela peut choquer évidemment nos esprits modernes. Leur position tient au fait que, la femme étant la matrice de l'humanité sans qui rien ne pourrait exister, elle est déjà initiée et initiatrice, car elle a subconsciemment la réponse aux questions que nous nous posons sur l'origine de la vie et sur les interrogations qui forment le noyau central de notre quête initiatique et spirituelle. Je pense pour ma part que la femme est initiable ...mais pas toutes les femmes. (Pas plus que tous les hommes d’ailleurs… d’où le processus de sélection à l’entrée dans nos loges, processus qui malheureusement me semble mal compris de la plupart des frères, y compris malheureusement de maîtres qui oublient la nécessité de la part du sacré de notre démarche au profit de notions comme celle de fraternité, de tolérance, voire de confrérie, et par là même de complaisance.) Les femmes qui possèdent des qualifications nécessaires, trouveront matière à réalisation dans une forme d’initiation symbolique. Pour autant est-ce que nos symboles maçonniques, nos mythes, notre histoire basée sur les légendes de métiers, correspondent à leur nature ? Ceci pour une réalisation effective et non pas uniquement pour une pseudo culture initiatico-sentimentale ! Ne faudrait-il pas qu’elles inventent, ou reprennent (car cela a existé par le passé) une forme d’initiation correspondant à cette nature différente ? Sans dévoiler outre mesure le chemin proposé ne serait-il pas un non-sens de vouloir envisager la mixité au sein d’une institution qui se revendique comme héritière des bâtisseurs du Temple de Salomon, qui emploie une symbolique de métiers. Un des exemples que l'on puisse donner à cet égard, c'est le fait qu'il existe des formes d'initiation qui sont exclusivement masculines, tandis qu'il en est d'autres où les femmes peuvent être admises au même titre que les hommes comme par exemple le soufisme, avec l’ordre des fidèles d’Amour. C’est aussi le cas des femmes africaines. Le continent noir a vu naitre et se développer quantité de sociétés initiatiques tant pour et par de hommes que pour et par des femmes. Ces sociétés sont parfaitement hermétiques entre elles et les femmes veillent jalousement à ce que les hommes ne puissent pas percer leurs mystères. Nul besoin, pour elles, d'accéder à l'initiation masculine car elles ont su inventer une démarche spirituelle propre à leur nature. Il y eut même dans l'antiquité, des formes d'initiation exclusivement féminines, et même au moyen âge par exemple existaient les épinglières – ordre basé sur tous les métiers dits d’aiguille (tissage, broderie, tapis…). On dit même que Jeanne d’Arc (d’où son nom Arc= Arch) aurait eut une initiation d’Archers. Il est bien sûr évident que certaines formes initiatiques seraient peut être plus en rapport avec la nature féminine (épinglières, tapisserie; tissage ...), notons d’ailleurs qu’il existe des rites purement féminins comme celui élaboré par Constant Chevillon en 1936 ou d’autres plus anciens encore qui datent du XVIIème siècle. Encore faudrait il que les femmes ne s'inscrivent pas, dans ce domaine, dans cette lutte des classes qu'on nomme le féminisme qui consiste à vouloir imiter les hommes même dans leurs excès les plus vils…! Version 2 du 01.10.09 5 Pour cela ont-elles une aspiration suffisante pour l'initiation et une réalisation intérieure effective ? Plutôt que pour une lutte anti-masculine ! La Franc-maçonnerie n'est pas un syndicat corporatif ...Il est vrai que la plupart des hommes ont été très machistes et ceci peut expliciter cela… ! Il y a tous ceux qui s'imaginent que l'Occident a accordé à la femme une place privilégiée qu'elle n'a jamais eue dans aucune autre civilisation ; c'est peut-être vrai à certains égards. A d'autres points de vue, au contraire, la femme y est en réalité beaucoup plus désavantagée que dans les civilisations orientales, où il lui a toujours été possible, notamment, de trouver une initiation qui lui convienne dès lors qu'elle possède les qualifications requises. Tout se passe comme si les femmes d’occident avaient adopté une démarche spirituelle inventée par les hommes pour tenter de combler leur déficit biologique sur elles, sans qu'elles aient très bien compris ce qu'elles recherchaient, sinon qu'à imiter les hommes pour combler leurs inégalités de droits, réelles par ailleurs. Les femmes, longtemps tenues dans l'ignorance de tout, n'on pas su (ou pas pu) développer une doctrine initiatique propre et se sont donc tournées vers quelque chose qui existait déjà, sans se rendre compte qu'elle y perdait leur originalité et leur initiation naturelle intrinsèque. C'est sans doute ce qui manque à l'occident. Notre approche n’est en aucun cas l’expression d’une misogynie sociale. Elle n’est pas non plus le rejet d’une forme d’initiation féminine. Aujourd’hui la spécificité de la maçonnerie française est telle que chacun et chacune peut trouver chaussure à son pied que demander plus ? A chacun sa chapelle dans une reconnaissance tolérante des spécificités de chacun. Il existe donc des espaces tout à fait respectables, pouvant répondre aux aspirations de ceux qui sont tentés par une expérience plus humaniste ancrée dans le siècle et par une volonté de progrès social. Ce n’est pas notre propos, ni notre point de vue. Nous reconnaissons comme sœurs les femmes qui ont été initiées dans des loges mixtes, ou uniquement féminines, et nous respectons leurs pratiques. Nous leur demandons donc de respecter les nôtres, ce qu’elles font bien évidemment dans leur grande majorité. Quel est le cadre de travail de notre Franc-maçonnerie ? Version 2 du 01.10.09 6 4- Le cadre d’évolution du maçon : l’Ordre maçonnique Même si ses structures administratives répondent aux règles de l’association loi 1901 et qu’elle appelle ses membres à s’impliquer pleinement dans la vie de la Cité, la Franc-maçonnerie traditionnelle que nous vivons à la G∴L∴D∴F∴, au sein du R∴E∴A∴A∴, dans son essence même, se définit comme une expérience à la fois intime et intemporelle, plus proche des fraternités médiévales et des initiations antiques que de nos partis et syndicats contemporains. La constitution de la Grande Loge de France indique, dans son 1er chapitre, que : «La F∴M∴ est un ordre initiatique, traditionnel et symbolique fondé sur la fraternité, elle constitue une alliance d’homme libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et de toutes croyances qui travaille à l’amélioration de la condition humaine sur un plan spirituel, moral, intellectuel et matériel». Et il est précisé : « La F∴M∴ proclame, comme elle l’a proclamé depuis son origine, l’existence d’un principe créateur sous le nom de grand architecte de l’univers. Elle n’impose aucune limite à la recherche de la vérité et c’est pour garantir à tous, cette liberté, qu’elle exige de tous la tolérance…. ». Manifeste du convent de Lausanne qui réunit le 22 septembre 1875 les suprêmes conseils de Rite Ecossais Ancien et Accepté et qui fixe, en révisant les grandes constitutions de 1786, la structure du rite jusqu’à ce jour. La méthode initiatique que nous pratiquons est celle que nous propose le R∴E∴A∴A∴, et il faut donc tout d’abord se référer aux textes et aux principes qui le fondent depuis sa création. Du 1er au 33ème degré, ceux ci sont définis comme suit : • • • • • • Invocation et glorification du G∴A∴D∴L∴U∴, principe créateur, symbole transcendant, dont l’interprétation est du seul ressort de la liberté de conscience de chacun présence du volume de la loi sacrée, ce volume étant la bible (par référence aux différents rituels et aux différents mythes fondateurs du rite), du compas et de l’équerre ouverts sur l’autel des serments, respect strict de la non-mixité respect de la lente progressivité de la démarche initiatique de degré en degré préservation des rituels fixant la spécificité du rite et référence aux textes fondateurs adoptés par tous les suprêmes conseils du monde usage des devises «Ordo Ab Chaos», «Deus Meumque Jus», pour la juridiction et «Liberté Egalité Fraternité» pour l’obédience Une étude complète du Rite nécessiterait l’examen de ces règles point par point, le cadre de mon travail m’amène à traiter uniquement de la non-mixité. Le cadre dans lequel va évoluer, et surtout travailler, le franc-maçon, c’est celui d’un Ordre basé sur une méthode initiatique traditionnelle codifiée par des règles. « L’ordre maçonnique dans lequel vous aspirez à entrer …. » dit-on au postulant avant qu’il ne prète serment et qu’il ne soit adoubé par le V∴M∴ de sa Loge. Version 2 du 01.10.09 7 La Franc-maçonnerie traditionnelle est un ordre et une fraternité. La maçonnerie de Rite Ecossais Ancien et Accepté n’est pas un club service, que cette maçonnerie là n’est pas une association où le Franc-maçon devrait d’abord se sentir bien et où la fraternité humaine, sympathique au demeurant, devrait nous servir d’alibi… Notre Fraternité n'est pas une fraternité de comptoir ; elle est une Fraternité de combat. Combat contre soi, contre sa paresse, contre la bêtise et la barbarie, contre l'orgueil et la suffisance. La Fraternité initiatique appelle chaque Maçon à vivre sa vie en étroite connivence avec ses Frères comme l'on vit en famille sans plus ni moins. Elle convie à sortir des schémas mercantiles du donné et du rendu, de la comptabilité des plaisirs et des douleurs : " laissons nos métaux à la porte de la Loge" dit-on en Maçonnerie, ce qui signifie que le Maçon doit s'efforcer de fonctionner avec ses Frères en communauté d'esprit et en rabotant son ego. Au "Connais-toi toi-même" socratique, répond un "Oublie-toi toi-même" maçonnique. Seule l'œuvre importe. Seul le chantier et le travail qui s'y fait importent, et les individualités qui y évoluent s'effacent devant le Temple qui s'érige peu à peu. Le travail est anonyme ! Ce qui unit les Franc-maçon, bien au-delà des sympathies et amitiés interpersonnelles, c'est le processus d'accomplissement que chacun expérimente à chaque heure de sa vie d'homme en quête de perfectionnement et de création de soi. Si l’on pense que la loge est tout simplement un groupe de bons frères qui se réunit pour passer un bon moment pour parler des affaires humaines, de la cité, de sa famille, de la vie politique… alors brisons là immédiatement, car le reste de mon propos n’a pas de sens…, ou alors il n’en a que trop, pour permettre à tout un chacun de s’y retrouver, notamment lorsque nous constatons les dérives et déboires qui surgissent de temps à autres, tant au niveau central que dans nos loges. La loge n’est pas une association lambda, de type loi 1901, et nombres de règles et de références nous le montrent… Si nous nous complaisons dans ces acceptions, ou si nous laissons faire des dérives de telle sorte, alors nous ne pouvons tôt ou tard que dérégler le fonctionnement d’une loge et l’amener à la rupture car introduisant dans sa vie les ferments du désordre social, sociétal, des conflits de personnes, etc. Si nous pensons, par contre, que la Franc-maçonnerie est un Ordre initiatique, traditionnel et symbolique, si nous sommes persuadés que le R∴E∴A∴A∴ est un rite dont la vocation première est d’aider à l’élévation spirituelle de ses membres, alors tout ce que nous faisons en loge participe donc d’une certaine sacralité. Car le rituel d’ouverture de nos travaux sacralise, en soi-même, l’espace et le temps. Il sacralise la totalité de la L∴, FF∴ compris. Le F∴M∴, ouvert, éveillé est alors sujet et objet du Rituel. Celui ci permet d’avoir conscience du sacré, consubstantiel à la démarche initiatique. Le rituel est en quelque sorte le fil d’Ariane du rite, il en est le déroulement alors que le rite est en lui-même, un cheminement. Pour cela, il y a, nous le savons bien, une rupture avec le monde profane : «Nous ne sommes plus dans le monde profane» nous dit le V∴M∴ à l’ouverture des travaux au 1er degré. Un nouvel Ordre est installé par le rituel. Cet ordre et donc cette rigueur instaurée ne devraient donc tolérer aucun signe profane, aucune déviation. «Nous avons laissé nos métaux à la porte du Temple». Version 2 du 01.10.09 8 Le respect rigoureux du rituel, du Rite et de ses fondements, est donc un des éléments fort de cette transmission initiatique. Les travaux de nos Loges s’ouvrent à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et devant le volume de la Loi sacrée. Cela implique que nos travaux soient empreints de dignité et marqués par un certain degré de sacralité initiatique. Le rituel d’ouverture ajoute quelques mots plus loin : «Elevons nos cœurs en fraternité, et que nos regard se tournent vers la Lumière». Nous sommes donc bien dans une démarche avant tout initiatique, hors de l’espace et hors du temps. Oui, notre cadre c’est celui d’un Ordre initiatique traditionnel, dans lequel nous recréons un espace sacré, où il nous faut chercher, encore et toujours, en nous même, la lumière, la vraie fraternité spirituelle, l’Amour, pour retrouver, peut-être, la Parole perdue. Mais si la Loge fait indubitablement partie de l’intime de chacun de ses membres, il ne faut pas oublier que le travail de chaque Maçon, ne se fait pas en Loge, mais en lui-même, à tout moment. La Loge n'est pas le Chantier. La Loge n'est qu'un lieu de transmission et de ressourcement. Le travail est ailleurs. Le travail maçonnique est dans l'accomplissement de soi, au service du Grand Architecte de l'Univers, sur le chantier du monde. Cela relève de l’approche que nous avons de la notion de travail maçonnique. Travail qui n’est pas, pour moi, l’adjonction de travaux sur tel ou tel sujet d’ordre sociétal, (surtout celle du type «planche google» sur les questions « sociales » qui n’amènent en général bien moins que les apports des cours de l’Université du Temps Libre…), et même d’ailleurs les travaux sur des sujets symboliques mais bien l’humble travail sur et en soi que doit effectuer tout maçon, à l’aide des outils, des symboles, de l’ascèse initiatique proposée par le Rite. La Loge, au travers du déroulement du rituel, nourrit ce processus et ce travail, mais elle ne s'identifie jamais à lui. La loge, ce n’est pas la reproduction en réduction du monde profane et de son fonctionnement. La démarche doit être le fait de l’individu qui vient chercher ce qu’il ne trouve justement pas dans le monde tel qu’il est, alors qu’il est en perte de repères, de sens sur sa vie. Comment trouve-t-il ou essaye t’il de chercher… ? Version 2 du 01.10.09 9 4- Une pratique, une méthode Nous sommes bien évidemment soucieux en tant qu’Etre participant à la vie de la cité d’exprimer et de vivre pleinement nos aspirations tant au plan professionnel, social, politique, qu’à tout autre niveau. Simplement, ce qui est vécu intérieurement sacralise notre regard sur la vie. Mais notre démarche s’entend comme le prolongement d’une réalisation personnelle spirituelle : «Achevons au dehors l’œuvre commencée dans le temple…». Et non pas l’inverse. De plus force est de constater que l’énergie provenant des pratiques initiatiques est vécue différemment suivant le sexe. Egalité ne veut pas dire similitude, hommes et femmes sont très différents à de multiples niveaux : dans la manière d’aborder les choses, la sensibilité... Comme s’il y avait une coloration féminine et une coloration masculine. Jean-Pierre Bayard indique : « L’homme porte en son esprit le germe ; il doit se recueillir. Tout comme l’enfant nait dans le ventre de la mère, que la régénération se fait dans la grotte, la caverne, le travail de l’homme se fait idéalement dans la Loge, l’athanor ; la Loge qui succède au cabinet de réflexion est la matrice où s’équilibrent toutes les énergies, elle est l’œuf du monde. C’est donc dans le recueillement (la méditation) que l’on peut travailler sur soi, en dehors de l’esprit qui a fécondé…. … le travail le plus productif doit s’accomplir dans la solitude, ou dans un groupe de même potentialité. Je penche ainsi pour des loges différenciées…. avec des possibilités de rencontres qui ne doivent pas être trop fréquentes pour pouvoir bénéficier d’un initiation foncière ». (in la spiritualité de la Franc-maçonnerie – Ed Dangles 1991). Il ajoute dans une note en bas de page que la Loge suisse Sub Rosa aboutit à la même conclusion dans son opuscule «L’initiation féminine». Rencontres peu fréquentes…, ce que, en ce qui me concerne, je suis scrupuleusement, n’ayant par exemple jamais visité une loge purement féminine par respect de cette démarche. Faut il alors stopper le monde, se retirer de toutes ces influences, de toutes les passions présentes en nous pour pouvoir s’orienter vers un début de sérénité, de sagesse et éprouver avec plus de justesse, simplement le bonheur de vivre l’harmonie ? C’est sans doute une partie de la réponse proposée par le cheminement qu’offre la G∴L∴D∴F∴ et son cadre de travail non-mixte dans ses loges. L’instruction initiatique devrait nous conduire à une compréhension de ce qui nous fait participer à ce caractère essentiel ou Universel, à condition de nous affranchir, intérieurement comme extérieurement, du monde illusoire des formes, « de tout ce qui brille d’un éclat trompeur » ; et ainsi réaliser en nous un nécessaire détachement. Autrement dit, pour se mettre à nu, pour faire réellement tomber le masque, pour atteindre non pas ce moi actuel mais ce «moi» ou plutôt ces «moi» profonds, ou encore le Soi primordial, supérieur, qui est en nous, il faut s’aider soi-même à s’isoler intérieurement en se donnant un cadre isolé du temps et de l’espace, un espace sacré qui est le Temple, le Rituel, le Rite. Version 2 du 01.10.09 10 Ce but induit la notion d’Ordre, au sens personnel cette fois ci, car c’est par une mise en ordre de nous-mêmes (« Ordo ab Chao » est la devise du rite) que nous pourrons effectuer ce passage du moi individuel au Soi universel, en prenant conscience progressivement «de ce qui ‘est‘, permanent et immuable, en dehors de toute succession temporelle ou autre ». On n’a pas compris, me semble t’il, le long et difficile travail maçonnique tant que l’on n’a pas compris la nécessité de la posture, de l’attitude extérieure mais aussi intérieure, de la conversion du regard vers l’intérieur de soi et de la nécessaire métamorphose rendue possible par le passage du profane au sacré. Notre expérience spirituelle transforme notre manière d’être, notre relation aux autres. Cette perception nous amène à reconsidérer notre vie, à remettre les choses à leur véritable place, qui n’est pas forcément la même pour tous d’ailleurs, chacun étant libre de la forme de ses réflexions intimes. Au sein d’une institution à vocation spirituelle dont la progression initiatique, les différents degrés et grades se déploient au sein du Rite et s’offrent progressivement. Les mots sacrés de chacun de ces degrés ouvrent des fonctions, royale, sacerdotale et prophétique, qui n’ont rien de profane : Maître Secret (en fait «Lévite», gardien de l’arche d’alliance dans le Saint des Saints), Chevalier de Royale Arche, Chevalier Rose-Croix, qui repose sur l’ésotérisme chrétien, Chevalier Kadosh (c'està-dire «saint»)….! Le R∴E∴A∴A∴ peut être défini comme un rite traditionnel initiatique, à vocation ésotérique, basé sur la transmission, proposant une démarche initiatique permettant une recherche et une réalisation spirituelles. La Tradition véhiculée par le R∴E∴A∴A∴ est du domaine de la transmission de certains éléments d’ordre historique, culturel et symbolique ; grâce à la tradition nous nous communiquons de générations en générations non seulement une Histoire, c’est à dire une culture, un Mythe et un Rite et surtout des moyens de l’interpréter par le discours et l’enseignement mutuel. Toute cette symbolique voire cette mystique, tout ce cheminement balisé, renforcent encore le caractère sacré, et donc non profane, non humaine, de la démarche. L’adhésion à nos symboles est indispensable à tout parcours initiatique véritable… Sinon, comment expliquer tout ce qui peut, pour un profane, ressembler à un «théâtre baroque» auquel nous nous prêtons d’une manière régulière …? C’est malheureusement parce qu’ils n’ont plus au cœur cette notion fondamentale de démarche sacrée, que certains épurent leurs rituels jusqu’à vouloir ouvrir les travaux au coup de maillet sans plus de cérémonie…. Dès lors que le parcours maçonnique se situe dans le registre de l’ésotérique, de la recherche philosophique ou spirituelle personnelle, de l’intime, un tel refus de la modernité n’a plus à se justifier…! C’est sur cette base : Appartenance à un Ordre initiatique traditionnel, quête spirituelle, recherche ésotérique, que repose notre volonté de n’être pas mixte. Version 2 du 01.10.09 11 La connaissance de notre filiation Traditionnelle, et de ce que recouvre exactement l’initiation, sont indispensables pour que chacun d’entre les maçons écossais puisse comprendre ce qui fonde notre démarche initiatique et sa spécificité. Version 2 du 01.10.09 12 5- L’initiation, un retour sur soi, un départ vers une élévation spirituelle Notre forme d’initiation appartient à ce que Patrick Négrier appelle « le monde ésotérique des initiations (qui suit d’abord la voie de la gnose, c' est-à-dire de l’étude) » (in La tradition initiatique – Ed Ivoire-clair 2001) Lors du rituel d’initiation, le V∴ M∴ dit au récipiendaire : " C' est pour mettre un frein salutaire à nos passions, pour nous élever au-dessus des intérêts mesquins qui tourmentent les profanes, que nous nous assemblons dans nos temples. Nous travaillons sans relâche à notre amélioration, nous accoutumons notre esprit à ne concevoir que des idées d' honneur et de vertu par l' ascèse initiatique, qui s' effectue à l' aide de l' outillage rationnel que vous trouverez dans le temple. C' est en réglant ainsi ses inclinations et ses mœurs que l' on parvient à donner à son âme ce juste équilibre qui constitue la Sagesse, c' est à dire l' Art de la vie." Le but spirituel de cette ascèse initiatique est clairement affiché dans notre démarche : atteindre la Sagesse, c'est à dire l'Art de la Vie. L'ascèse, à travers "la mort du vieil homme" et la re-naissance, est le sacrifice conscient du "moi" pour réaliser pleinement le "soi" métaphysique. En reprenant René Guénon, je dirais que c'est atteindre la réalisation de "l'Homme primordial", puis par un travail constant, atteindre peut-être un jour la réalisation de "l'Homme Universel", ou "l’Homme véritable", médiateur ou pont entre le ciel et la terre. L'initiation maçonnique traditionnelle suggère que l’Homme est en lui-même, à l'image de l'Univers, une totalité cohérente. Cette aspiration confuse à ce qui le dépasse et le transcende ne se sépare pas de l'ensemble qu'il constitue. L'Homme est Matière et Esprit. Au travers de l’ascèse initiatique, cette aspiration à une réalisation spirituelle me semble être le fondement de notre démarche. Elle est, en effet le but, la destination finale de l’initié. Nous nous engageons, lors de notre initiation, et sans connaître notre destination finale, dans une voie initiatique, qui nous conduit vers la Lumière, c'est-à-dire une forme de transcendance. Selon René Guenon, le but de tout homme est de parvenir à la réalisation spirituelle (ou réalisation métaphysique), laquelle consiste à s'identifier avec sa propre essence, ou, en d'autres termes, à devenir réellement ce que l'on est (étant entendu que l'homme actuel se tient "en dehors" de son essence, ce que signifie très précisément le mot existence - du latin ex-sistere : se tenir hors de). Cette réalisation, qui s'opère suite à une série de morts symbolique et de renaissance par la prise de conscience de la réalité de l'Esprit, transforme radicalement l'être humain et n'est possible que par la grâce d'une recherche spirituelle. La mort initiatique rappelle la nécessité de la mort aux préjugés vulgaires, de la mort de la conscience ordinaire, pour accéder à un autre niveau de conscience. Sortant du ventre imaginaire de la caverne-mère, du creuset initial (épreuve de la terre) le nouvel initié renait à une nouvelle vie. Version 2 du 01.10.09 13 C’est dans cette démarche qu’il entreprend après son initiation que « l’homme lui-même en tant qu’individu, découvre dans sa liberté ce qu’est l’être en soi et ce qui fonde ses propres décisions » (Karl Jaspers). La spiritualité que nous tentons de mettre en œuvre n'est pas le fait d'une révélation venue d'en haut, mais au contraire une recherche de la vérité, révélation progressive dans une démarche ascendante vers la Lumière. Au long d’un cheminement initiatique continu, même si celui ci ne se déroule pas de la même façon pour tous, et même s’il se déroule parfois d’une manière chaotique…, par une progression graduelle, nous passons de l’état d’A∴, relié, par référence aux 3 mondes, au corps, au grade de C∴, qui lui est relié à l’âme (position intermédiaire), pour arriver à la Maîtrise, reliée à l’esprit. Il ne suffit pas d’avoir été « créé, constitué et reçu » au cours d’une cérémonie d’initiation, il faut aussi s’engager sur un chemin qui nous fera passer d’un état à un autre. J'ai pour ma part conscience qu'il existe une ascèse initiatique, permettant ce passage et donc une réalisation spirituelle, et que la méthode maçonnique que nous pratiquons, dans un cadre extrait du temps et de l’espace, fournit les éléments de celle ci. Peut-on pour autant considérer que cette ascèse soit réellement mise en application ? Cela est propre à chacun d'entre nous, puisque notre tradition ne peut que montrer la voie, proposer des outils mais en aucun cas obliger, ou même faire le travail à notre place. Mais à tout le moins, le cadre, le Rite, nous mettent en condition positive et propice pour marcher sur ce chemin. C'est là, toute la nuance entre l'initiation qui peut rester virtuelle, et la réalisation spirituelle véritable. C'est là où réside toute la difficulté de rendre effective la double dimension théorique et pratique de l’initiation, toute « la difficulté que représentent pour tout être humain la traversée du voile des apparences et l’accès à l’intelligence des réalités invisibles » comme l’indique Patrick Négrier (in La tradition initiatique – Ed Ivoire-clair 2001). Notre tache est immense. L’initiation et sa méthode nous aide. C’est la quête de notre unité intérieure et la quête de la Parole perdue. L’initié de R∴E∴A∴A∴ est un cherchant, un passant. Il cherche le sens du sacré en son cœur profond, son Arche d’alliance au centre de son Saint des Saints. Il cherche la trace du divin en soi. Il passe, et cherche, jusqu’au jour où il entre dans le Royaume, en ayant retrouvé son unité, son être intérieur, et où il refait son deux en Un. Version 2 du 01.10.09 14 6- Le 2 en Un, l’union du masculin et du féminin. L’initiation présuppose une seconde naissance. Et cette naissance est virginale, parthénogenèse, (Christ, Bouddha, Jean-Baptiste, Dyonisos…), androgynique. Dieu fit l'homme à son image, il le fit homme et femme à la fois. C'est seulement lorsque le monde fut fini qu'il distingua Eve de Adam. Par analogie avec la manifestation du Un, le fœtus, aussi, commence par l'androgynie, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de caractère de sexualisation en lui, la différenciation n'intervenant qu'à partir de quelques semaines. La femme n’est pas dans ce cas « la moitié de l’humanité » que l’on oublierait au passage, en ne l’acceptant pas dans nos Temple, mais une force, une figure, un archétype symbolique qui présuppose qu’il faille trouver en soi son propre côté féminin, ce qui présuppose l’éloignement physique de la femme « humaine » pour se consacrer à la recherche de la femme sublimée. La sublimation de la femme (comme archétype), en tant que recherche de la transcendance, passe par la mixité intérieure, au sens donné dans la définition ci-dessus. La dénomination « femme de la sublimation » est un terme de la psychologie analytique désignant des processus psychiques inconscients ayant une importance dans la vie psychique du sujet. Ces processus se nomment archétypes. La femme de la sublimation est par exemple Kali, la Vierge des chrétiens, Isis …etc. Cet archétype présent dans les individus, s'exprime aussi dans la culture humaine, et dans toutes es traditions spirituelles sous des formes différentes : Déesse-Mère - Aphrodite - Vierge Marie Brigit - Déméter - Devî - Durg - Freyja - Frigg - Gaïa - Ishtar - Isis - Béatrice… etc. Sans elles pas de passage vers la connaissance… La femme, figure archétypale, est mon passage vers l’éternité. Sans la vierge, le Christ ne serait jamais né Homme-Dieu, présente à sa naissance, mais aussi au pied de la croix pour accomplir sa mort symbolique avant son retour au cœur de la terre-mère dans la caverne, le tombeau, l’œuf primordial, duquel il s’élève à nouveau pour une autre naissance. La crucifixion quaternaire est indispensable à la renaissance de l’initié dans le sein de la veuve (vierge) pour nous faire fils de la veuve, fils de Dieu, fils du conscient. C’est grâce à la vierge que le principe créateur est devenu Amour. Dans la Divine comédie, une œuvre maîtresse de la littérature, Dante perdu au milieu du chemin de sa vie dans la forêt obscure du péché est sauvé du péril par l’intercession de la bienheureuse Béatrice. Il accomplit un pèlerinage salvateur dans l’autre monde, guidé d’abord par Virgile (le grand poète romain qui symbolise la raison humaine) en Enfer et dans le Purgatoire puis par Béatrice au Paradis (qui symbolise la science divine) qui l’amène finalement jusqu’à l’être divin. Ce voyage effectué par Dante a une signification allégorique et représente l’itinéraire que l’homme doit parcourir afin d’échapper aux passions terriennes pour aboutir à l’illumination des libertés morales et de la foi, un chemin qui va de l’instinct et de l’ignorance vers la conscience de la vérité et du salut. Version 2 du 01.10.09 15 La Femme sublimée c’est bien sûr aussi notre « veuve » qui fait passer Hiram vers l’être unifié. C’est elle qui est au cœur, au centre, réunissant bas et haut, humanité et divinité, mal et bien. Sans cette notion des enfants de la veuve (veuve puisque le père, celui qui possède la connaissance, qui détient le pouvoir a été tué par, nous, ses enfants…), la maçonnerie passe à coté du mythe. La femme de sublimation est l'une des figures féminines de l'Anima, qui se révèle en général, aux hommes. C’est pourquoi on la nomme la part féminine de l’homme. Ce personnage féminin, que l'homme a en lui, influence le masculin réel de l’homme qui peut se mettre à se développer. Le travail sur les archétypes se fait par un processus d'individuation. Il permet à l'individu de grandir, de maturer. La méthode Alchimique à laquelle nous empruntons beaucoup apporte aussi sa contribution en indiquant que le féminin est indispensable à la réalisation de l’œuvre. Rassembler ce qui est épars, ce n’est pas s’unir en fraternité avec les autres, c’est recréer en soi l’androgyne en réunissant le Ying et le Yang, le haut et le bas, l’inconscient et le conscient, le féminin et le masculin, le cercle et le carré. La mixité en soi peut se définir comme la réintégration dans l'Unité de la dualité. Il est clair que sans le féminin l’initié ne peut refaire son unité. Retrouver l’Unité en soi c’est associer son facteur masculin et son facteur féminin en soi, et non pas le retrouver sur la colonne d’en face, associant l’autre moitié de l’Humanité à ses travaux en loge. Il faut donc que le maçon ait pleinement conscience de cette force en devenir. De cette complémentarité en lui. Et il me semble qu’il ne peut atteindre cette pleine conscience qu’en travaillant au sein d’une obédience traditionnelle non-mixte. Il est évident que ce travail d’unification aura moins de chance de réussir dans un cadre que je considère comme moins propice à ce développement là, puisqu’il est humainement plus facile de se dire que son complément est visiblement à côté de soi, et que c’est cela qui compte, alors qu’en fait il est tellement plus difficile, mais ô combien plus vrai d’un point de vue initiatique d’aller le chercher au fond de soi ! Incontestablement la Franc-maçonnerie est une sublimation. On a bien compris me semble t’il, la complémentarité «masculin – féminin» que propose le R∴E∴A∴A∴ pratiqué à la G∴L∴D∴F∴ n’est pas une complémentarité sociale. Ce n’est pas une égalité des 2 pôles de la société, elle est une recherche intime en l’homme luimême de cette égalité, de cette complémentarité essentielle à sa quête de vérité et de sens spirituel (voir à ce titre Durkheim qui indique que la réconciliation avec le féminin est indispensable à la redécouverte spirituelle). Le dépassement de la dualité humaine, que les tenants de la mixité voudraient réaliser sur un plan social, n’est possible, de notre point de vue, dans notre recherche spirituelle, que si l’on dépasse intimement l’ordre de la nature pour accéder à celui de la personne, c’est-à-dire à l’union avec l’UN. Mais c’est là un long cheminement intime qui ne s’effectue que dans l’humilité, la discrétion, et la patience de la quête. Version 2 du 01.10.09 16 C’est ainsi pouvoir dépasser les simples querelles d’amour-propre froissé pour aller vers la plénitude de la pensée traditionnelle. Le maçon de R∴E∴A∴A∴ est un homme en devenir d’unité, et cette unité est placée dans l’âme et dans le cœur de l’homme lui-même. En devenant unité il unifie le monde en lui, et par voie de conséquence il s’unifie avec le principe créateur. Version 2 du 01.10.09 17 En guise de conclusion (provisoire sans doute) Séparation entre sphère publique et sphère privée, principes intangibles d’un Rite initiatique traditionnel, appartenance à un ordre «régulier» et non «séculier», sacralité du rituel qui nous place hors de l’espace et du temps, démarche initiatique de retour vers l’Homme universel et enfin nécessaire union de notre part masculine et de notre part féminine en nous-mêmes… Voici mes frères ce que je crois être les fondements initiatiques de notre non-mixité. Par cette tentative d’explication, j’espère avoir pu vous ouvrir des pistes de réflexions supplémentaires. Je conclurai en reprenant les propos de Jean-Claude Mondet : « Si la progression individuelle est sexuée, donc différente pour les hommes et pour les femmes, cela ne les empêchera nullement de se retrouver dans le domaine de la progression de l’humanité. Il est tout à fait normal que le Droit Humain, préoccupé de progrès social, soit mixte, et que certaines loges du Grand Orient acceptent la visite des femmes » (in La première lettre – Ed du Rocher – 2005) Jean-François Rebiffé Septembre 6009 Remerciements pour leurs apports indispensables dans nos échanges à nos TT∴CC∴FF∴ Ber∴Ger∴, Ger∴ Mil∴ , Pie∴Dru∴ et à notre T∴C∴S∴ Cat∴Thé∴ Version 2 du 01.10.09 18 ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE BARON Michel – Hiram et les enfants de la veuve – Dervy 2006 BAYARD Jean-Pierre – la spiritualité de la Franc-maçonnerie – Dangles 1982 BEHAEGHEL Julien – Hiram et la reine de Saba – Maison de vie 2005 BENZIMRA André – Exploration du Temple maçonnique à la lumière de la Kabbale – Dervy 2007 BERTEAUX Raoul – La voie symbolique – Edimaf 1999 COLLIN Claude – Les anciens, les modernes et les REAA – Ordo Ab Chao N°48-49 – SCDF 2003 DAVIDENKO Dimitri – La Grande Loge de France, une Obédience masculine – PVI N° 136 – GLDF 2005 GUENON René – Aperçu sur l’initiation – Ed Traditionnelles 1986 GUENON René – Initiation et réalisation spirituelle – Ed Traditionnelles 1990 GUENON René – Le règne de la quantité et les signes du temps – Gallimard 1950 GUENON René – La métaphysique orientale – Ed Traditionnelles GUERILLOT Claude – De la porte basse à la porte étroite – Dervy 1998 LANGLET Philippe – La Planche comme exercice spirituel – Ordo Ab Chao N°57 – SCDF 2008 LANGLET Philippe – les textes fondateurs de la Franc-Maçonnerie – Dervy 2006 MERIAS Jules – La voie du franc-maçon – Dervy 2000 MONDET Jean-Claude – La première lettre – Ed du Rocher – 2005 NEGRIER Patrick – La tradition initiatique – Ivoire-clair 2001 POZARNIK Alain – Pourquoi le REAA ne peut pas être mixte ? – Journal de la GLDF N° 32 - Mars 2002, en réponse à des interventions de FF∴ dans le N° 31 ETIENNE Bruno / SOLIS Jean – Les 15 sujets qui fâchent les francs-maçons – Ed de la Hutte – 2008 Collectif – Le couple intérieur – Nouvelles Clés N° 13 – Printemps 1997 Collectif – Les raisons initiatiques de la non-mixité – Cahiers de l’UVRE 1983 Divers travaux de frères et de sœurs rencontrés ici ou là… Version 2 du 01.10.09 19