FONDEMENTS INITIATIQUES DE LA NON MIXITE

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FONDEMENTS INITIATIQUES DE LA NON MIXITE
FONDEMENTS INITIATIQUES DE LA NON MIXITE
DANS LA PRATIQUE DU R∴
∴E∴
∴A∴
∴A∴
∴ A LA G∴
∴L∴
∴D∴
∴F∴
∴
Paradoxalement, alors que la question de l'entrée des femmes en franc-maçonnerie est un sujet de
controverses aujourd'hui, la franc-maçonnerie française a très tôt accueilli les femmes dans les
loges, en fait dès le début du XVIIIe siècle, au sein de loges dites «d’adoption», se structurant au
sein d’une Grande Loge féminine au XXème siècle.
En effet c'est grâce à la G∴L∴D∴F∴ qui a voté en 1946 le fait d'avoir une loge d'adoption, que les
SS∴ ont pu ensuite créer l'Union Maçonnique des Femmes Françaises puis en 1952 la
G∴L∴F∴F∴. C’est la G∴L∴D∴F∴ qui leur a transmis les rituels des 3 premiers degrés.
La question de la mixité a été réglée dès la fin du XIXème siècle. C’est dans le cadre de la Grande
Loge Symbolique Ecossaise de 1880, scission du Suprême Conseil de France (élaborée par 10 loges
parisiennes) que la première femme a été initiée (Maria Desraime) au R∴E∴A∴A∴ au sein de la
Loge les Libre penseurs à l'Orient du Pecq, par le Frère Georges Martin ... et que les deux frère et
sœur en question ont créé ensuite l’obédience mixte le Droit Humain (le 4 avril 1893) pour
travailler en parfaite indépendance du reste de la F∴M∴.
Le combat pour la femme et son entrée en F∴M∴ a donc déjà eut lieu et il a été victorieux… la
femme a toute sa place en F∴M∴.
Mais néanmoins, une remarque s'impose à la lumière des débats sur la mixité qui ont agité et agitent
régulièrement le monde maçonnique. A aucun moment la spécificité initiatique de la femme, la
spécificité initiatique de l'homme, comme d'ailleurs la finalité de l'initiation, ni même les
fondements de ce qu’est l’ordre maçonnique, n'ont présidé aux débats.
1- Une résurgence de la querelle des anciens et des modernes… !
La question de la mixité en Franc-maçonnerie est posée par certains uniquement sur les plans du
politique ou du sociétal, et du social. Ceux-ci pensent qu’il y a là une forme de sexisme éhonté,
d’anachronisme indéfendable dans une structure qui se réclame des Lumières, qui prétend vouloir
améliorer l’humanité et refaire le monde, d’exclure les femmes des membres “cotisants” (terme
employé dans une récente chronique parue dans le Monde par un ancien président du conseil de
l’ordre du Grand Orient de France) ….
On peut admettre qu’une obédience à vocation humaniste, républicaine, laïque, veuille s’inscrire
dans une situation d’osmose complète avec la société, et qu’alors elle puisse vouloir devenir mixte.
Mais cela voudrait dire que cette obédience n’est pas prioritairement une société initiatique, mais
bien une association à vocation politique, sociale, humaniste….
D’ailleurs les arguments avancés pour appuyer la revendication à la mixité de la F∴M∴ en portent
la marque : «une F∴M∴ républicaine, égalitaire, laïque, ne peut exclure la moitié de l’humanité».
Le recours au vocable du monde profane est d’ailleurs significatif : c’est le «sens de l’histoire»,
«c’est la loi»…. «une association» (terme employé également dans la chronique citée plus haut)
…etc., autrement dit la maçonnerie ne peut pas être en décalage avec la société profane et ses lois.
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Effectivement, ils ont raison…, je pense que le fait de vouloir peser sur le monde de façon
immédiate conduit presque inévitablement, aujourd’hui, à défendre la mixité….
Car on ne peut s’imaginer avoir un impact positif immédiat sur la société sans prendre ce que cette
dernière possède de meilleur. En l’occurrence, la mixité (les mixités d’ailleurs) est une des grandes
avancées sociales. La promouvoir, la défendre, la renforcer, l’étendre (d’où l’importance des luttes
contres les discriminations) est un devoir citoyen.
Mais il me semble que le franc-maçon traditionnel dans sa démarche initiatique est ailleurs.
Ce qui fait l’originalité propre de la Maçonnerie traditionnelle (les anciens), c’est sa dimension
initiatique, ses rituels et ses symboles.
Et donc voyons pourquoi, à notre sens, certaines obédiences, comme la G∴L∴D∴F∴ n’initientelles pas de femmes ou n’acceptent t’elles pas de visites de sœurs durant leurs travaux….?
Ce refus du changement, de la modernité, qui effectivement peut paraître quelque peu archaïque en
apparence, s’explique particulièrement par le caractère hautement traditionnel, voir
«traditionaliste», sinon régulier, au sens monastique du terme, de la Franc-maçonnerie de Rite
Ecossais Ancien et Accepté qui fonde notre démarche initiatique.
Toute la démarche maçonnique, au niveau des moyens et de la méthode, est basée sur le
symbolisme, son langage et son efficacité. L’initiation en tant que rituel est elle-même un ensemble
dynamique de symboles. Comprendre la place et l’importance des symboles et des rituels
initiatiques permet de mieux discerner les objectifs principaux du travail maçonnique et la finalité
de l’initiation.
Le vécu des passages initiatiques, la participation aux rituels et l’étude des symboles ont pour but
d’agir sur le Franc-maçon, de façon à induire une transformation de son être. Cette action se situe
sur deux plans. D’une part, les symboles le font réfléchir, d’autre part ils agissent de manière
intuitive ou inconsciente.
L’objectif premier du travail maçonnique est donc le développement personnel, l’épanouissement
moral de l’être. Son objectif collectif vient en second, car l’élévation des individus est la condition
sine qua non du progrès de l’humanité.
La Franc-maçonnerie traditionnelle étant initiatique, elle est par essence morale et spirituelle, dans
ses fondements et dans ses buts. L’initiation, vécue comme un processus intérieur, est un
cheminement vers la réalisation de soi, vers l’unité de l’être (nous y reviendrons plus loin).
Notre Tradition est la transmission d’une méthode symbolique et d’une approche initiatique
personnelle qui ne sont pas basées sur des considérations humaines. Pour nous l’initiation relève du
sacré et non du profane ou de ce qui concerne la vie sociale. Nous n’avons donc pas à nous
préoccuper de contingences sociale, sociétale, moderniste, progressiste.
Alors demander à la G∴L∴D∴F∴ de devenir mixte ou d’accepter des visites de sœurs, c’est en
gros, et pour me faire comprendre, un peu comme si l’on demandait à un ordre monastique
masculin d’accepter des femmes parce qu’il s’agit qu’il soit enfin dans la modernité, qu’il soit le
reflet de la société humaine. Alors que la modernité et la vie humaine ne sont pas de son monde !
Il me semble que ce débat est emblématique des questions que soulève la distinction rhétorique de
la séparation entre sphère publique et sphère privée.
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Sans nous prendre pour des dévots réactionnaires, moines laïques de ce monde moderne…, nous
considérons, que, sous couvert de modernité, les enjeux de société (sphère publique) ne doivent pas
prendre le pas sur la voie initiatique (sphère privée).
Nous ne nous situons pas sur le même plan. Nous ne sommes pas dans le plan de l’homme social,
du sociétal, du politique mais dans celui de l’initiation traditionnelle et de ses valeurs
fondamentales, sur le plan d’une recherche spirituelle, d’une sacralité, d’une quête initiatique, de la
quête de la parole perdue, qui permet justement à chacun d’entre nous de prendre un peu de distance
par rapport au monde profane. Sans doute pour mieux le servir après.
Assistant un jour à une conférence du cycle Condorcet – Brossolette, à une profane qui demandait à
quoi servait la G∴L∴D∴F∴ dans la vie de tous les jours, j’ai répondu d’une manière un peu
provocatrice : «La G∴L∴D∴F∴ ne sert à rien...., les maçons de la G∴L∴D∴F∴ peuvent servir
à la société (ou dans la société), s’ils le désirent, en poursuivant au dehors l’œuvre commencée
dans le temple, et il est pour ma part souhaitable qu’ils s’y investissent mais nous ne jouons pas
dans la même catégorie»
Nous soutenons que, s’agissant d’une appartenance ésotérique (sphère privée), les principes
généraux de non-discrimination (sphère publique) ne trouvent pas à s’appliquer. Eternel partage
entre maçons «anciens» et «modernes».
La plupart de nos modernes qui s’attaquent au sujet de la mixité oublient donc toujours de
s’appuyer sur quelques points qui me semblent primordiaux.
2- L’ordre des principes
Au premier rang de ces questions essentielles je placerai l’Ordre des Principes et en particulier la
différence de Nature entre l’homme et la femme, sujet “épineux” car on touche à cette notion
d’égalitarisme des sexes si chère à tous les modernes. La femme est l’égale de l’homme, oui bien
sûr au point de vue de nos lois sociales laïques, et non au point de vue de sa Nature, qui est
différente.
A ce sujet la philosophe Sylviane Agacinsky, qui a consacré une partie importante de ses travaux à
analyser les relations politiques sous l’angle de la domination masculine, est partisane d’un partage
équitable des fonctions politiques entre hommes et femmes. Elle n’en soutient pas moins, à la base
de son analyse, la nécessaire reconnaissance des différences.
Dans une « mise au point sur la mixité » qui précède les développements de son ouvrage
« Politique des sexes » (Edition du Seuil, 2001), elle écrit :
« […] Car il faut se demander –et je crois que c’est l’intuition principale de ce livre- si l’homme et
la femme parlent de la même chose lorsqu’ils parlent du sexe ou des sexes. Si ce soupçon pouvait
être vérifié, cela signifierait qu’il n’y a pas de commune mesure entre le masculin et le féminin et
que ce que l’on appelle la différence sexuelle est à penser comme une différence ontologique
irréductible, sans réconciliation ni synthèse possible ». (Page 20)
Cette thèse suffirait pour fonder (s’il en était besoin) la légitimité d’une démarche initiatique qui se
vit, au sein d’une obédience masculine telle la G∴L∴D∴F∴, au sein du R∴E∴A∴A∴, en se
séparant, un peu, et pour le temps de nos Tenues, de la femme.
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A ce titre, disons très rapidement que le fait de rejeter la mixité parce que l’on ne veut pas être
« dérangé » au niveau de sa libido pendant les travaux ne semble pas être une « excuse valable »…
et donc a fortiori une question primordiale ! Et ceci même si ce problème peut jouer pour certains
de nos frères bien évidemment.
Ce point signifie que chacun de nous, frères comme sœurs, chacun dans sa propre démarche et son
propre support, peut explorer les recoins de son être en donnant une valeur à la différence pour
mieux la dépasser lorsqu’il s’agira « de répandre au dehors du temple l’œuvre commencée dans le
temple… », sans pour autant « qu’elle soit exposée au regard des profanes ».
Fondée sur une vraie fraternité initiatique profonde, la F∴.M∴ est une alliance d’hommes et de
femmes, de toute condition sociale, de toute croyance, de toute religion et de toute nation.
Mais la richesse de cette diversité, cet idéal d’ouverture et de tolérance, en un mot cet
«humanisme», suffisent-ils à définir la F∴M∴ universelle ou l’ordre initiatique ? Si l’on s’arrête à
la perception humaine d’une société de pensée ou d’une société philosophique peut-être et même
certainement …!
Or d’un point de vue initiatique, un principe universel n’est pas « universaliste », en tant que
qu’addition de différences. Le caractère universel n’est pas plus lié à l’universalisme, que « le
monde » au « mondialisme ».
Par l’étude de ces principes universels, éternels et immuables, on aborde le domaine de la science la
plus élevée qui soit : celui de la métaphysique ou de la spiritualité, car elles sont synonymes.
Cette Science des principes s’identifie à la Connaissance elle-même, ésotérique par définition, et va
faire appel au domaine de l’intuition, c’est-à-dire un domaine situé au-delà de la raison, et des
fonctions de notre mental.
Toute voie initiatique qui devrait nous conduire à une réalisation effective ne peut s’appuyer que sur
ses Lois…et d’Extrême-Orient jusqu’en Occident, dans la diversité des formes traditionnelles,
adaptées aux contingences de lieu et d’époque, c'est toujours une base identique (La Tradition
primordiale) ou une racine commune, qui se retrouve partout, et cela pour la simple raison que,
l’origine est une, et que toute voie initiatique peut nous y conduire.
Tels les rayons d’une roue qui sont rattachés à un axe identique, ces principes d’ordre ou principes
universels unissent toutes les voies traditionnelles au-delà de leur forme spécifique, comme cela est
rappelé dans cette sentence du Taôisme :
« Ne demandez pas si le Principe est dans ceci ou dans cela; Il est dans tous les êtres et toutes les
formes. C'
est pour cela qu'
on Lui donne les épithètes de grand, de suprême, d'
entier, de total,
d'
universel... »
Richesse et diversité, union et non pas unité car pour autant chaque organisation initiatique
développe sa « technique » particulière, et elle ne peut naturellement admettre que ceux qui sont
capables de s'y conformer et d'en retirer un bénéfice effectif. Ce qui suppose, quant aux
qualifications, l'application de tout un ensemble de règles spéciales, valables seulement pour
l'organisation considérée, et n'excluant aucunement, pour ceux qui seront écartés, la possibilité de
trouver ailleurs une initiation équivalente, pourvu qu'ils possèdent les qualifications générales
qui sont strictement indispensables dans tous les cas.
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Il n’est pas évident pour tous les maçons que la femme soit initiable... cela peut choquer
évidemment nos esprits modernes.
Leur position tient au fait que, la femme étant la matrice de l'humanité sans qui rien ne pourrait
exister, elle est déjà initiée et initiatrice, car elle a subconsciemment la réponse aux questions que
nous nous posons sur l'origine de la vie et sur les interrogations qui forment le noyau central de
notre quête initiatique et spirituelle.
Je pense pour ma part que la femme est initiable ...mais pas toutes les femmes. (Pas plus que
tous les hommes d’ailleurs… d’où le processus de sélection à l’entrée dans nos loges, processus
qui malheureusement me semble mal compris de la plupart des frères, y compris malheureusement
de maîtres qui oublient la nécessité de la part du sacré de notre démarche au profit de notions
comme celle de fraternité, de tolérance, voire de confrérie, et par là même de complaisance.)
Les femmes qui possèdent des qualifications nécessaires, trouveront matière à réalisation dans une
forme d’initiation symbolique. Pour autant est-ce que nos symboles maçonniques, nos mythes,
notre histoire basée sur les légendes de métiers, correspondent à leur nature ? Ceci pour une
réalisation effective et non pas uniquement pour une pseudo culture initiatico-sentimentale !
Ne faudrait-il pas qu’elles inventent, ou reprennent (car cela a existé par le passé) une forme
d’initiation correspondant à cette nature différente ?
Sans dévoiler outre mesure le chemin proposé ne serait-il pas un non-sens de vouloir envisager la
mixité au sein d’une institution qui se revendique comme héritière des bâtisseurs du Temple de
Salomon, qui emploie une symbolique de métiers.
Un des exemples que l'on puisse donner à cet égard, c'est le fait qu'il existe des formes
d'initiation qui sont exclusivement masculines, tandis qu'il en est d'autres où les femmes
peuvent être admises au même titre que les hommes comme par exemple le soufisme, avec
l’ordre des fidèles d’Amour.
C’est aussi le cas des femmes africaines. Le continent noir a vu naitre et se développer quantité
de sociétés initiatiques tant pour et par de hommes que pour et par des femmes. Ces sociétés sont
parfaitement hermétiques entre elles et les femmes veillent jalousement à ce que les hommes ne
puissent pas percer leurs mystères. Nul besoin, pour elles, d'accéder à l'initiation masculine car
elles ont su inventer une démarche spirituelle propre à leur nature.
Il y eut même dans l'antiquité, des formes d'initiation exclusivement féminines, et même au moyen
âge par exemple existaient les épinglières – ordre basé sur tous les métiers dits d’aiguille (tissage,
broderie, tapis…). On dit même que Jeanne d’Arc (d’où son nom Arc= Arch) aurait eut une
initiation d’Archers.
Il est bien sûr évident que certaines formes initiatiques seraient peut être plus en rapport avec la
nature féminine (épinglières, tapisserie; tissage ...), notons d’ailleurs qu’il existe des rites purement
féminins comme celui élaboré par Constant Chevillon en 1936 ou d’autres plus anciens encore qui
datent du XVIIème siècle.
Encore faudrait il que les femmes ne s'inscrivent pas, dans ce domaine, dans cette lutte des classes
qu'on nomme le féminisme qui consiste à vouloir imiter les hommes même dans leurs excès les
plus vils…!
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Pour cela ont-elles une aspiration suffisante pour l'initiation et une réalisation intérieure effective ?
Plutôt que pour une lutte anti-masculine ! La Franc-maçonnerie n'est pas un syndicat corporatif ...Il
est vrai que la plupart des hommes ont été très machistes et ceci peut expliciter cela… !
Il y a tous ceux qui s'imaginent que l'Occident a accordé à la femme une place privilégiée qu'elle n'a
jamais eue dans aucune autre civilisation ; c'est peut-être vrai à certains égards. A d'autres points de
vue, au contraire, la femme y est en réalité beaucoup plus désavantagée que dans les civilisations
orientales, où il lui a toujours été possible, notamment, de trouver une initiation qui lui convienne
dès lors qu'elle possède les qualifications requises.
Tout se passe comme si les femmes d’occident avaient adopté une démarche spirituelle inventée par
les hommes pour tenter de combler leur déficit biologique sur elles, sans qu'elles aient très bien
compris ce qu'elles recherchaient, sinon qu'à imiter les hommes pour combler leurs inégalités de
droits, réelles par ailleurs.
Les femmes, longtemps tenues dans l'ignorance de tout, n'on pas su (ou pas pu) développer une
doctrine initiatique propre et se sont donc tournées vers quelque chose qui existait déjà, sans se
rendre compte qu'elle y perdait leur originalité et leur initiation naturelle intrinsèque. C'est sans
doute ce qui manque à l'occident.
Notre approche n’est en aucun cas l’expression d’une misogynie sociale. Elle n’est pas non plus le
rejet d’une forme d’initiation féminine.
Aujourd’hui la spécificité de la maçonnerie française est telle que chacun et chacune peut trouver
chaussure à son pied que demander plus ? A chacun sa chapelle dans une reconnaissance tolérante
des spécificités de chacun.
Il existe donc des espaces tout à fait respectables, pouvant répondre aux aspirations de ceux qui
sont tentés par une expérience plus humaniste ancrée dans le siècle et par une volonté de progrès
social. Ce n’est pas notre propos, ni notre point de vue.
Nous reconnaissons comme sœurs les femmes qui ont été initiées dans des loges mixtes, ou
uniquement féminines, et nous respectons leurs pratiques. Nous leur demandons donc de
respecter les nôtres, ce qu’elles font bien évidemment dans leur grande majorité.
Quel est le cadre de travail de notre Franc-maçonnerie ?
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4- Le cadre d’évolution du maçon : l’Ordre maçonnique
Même si ses structures administratives répondent aux règles de l’association loi 1901 et qu’elle
appelle ses membres à s’impliquer pleinement dans la vie de la Cité, la Franc-maçonnerie
traditionnelle que nous vivons à la G∴L∴D∴F∴, au sein du R∴E∴A∴A∴, dans son essence
même, se définit comme une expérience à la fois intime et intemporelle, plus proche des fraternités
médiévales et des initiations antiques que de nos partis et syndicats contemporains.
La constitution de la Grande Loge de France indique, dans son 1er chapitre, que :
«La F∴M∴ est un ordre initiatique, traditionnel et symbolique fondé sur la fraternité, elle
constitue une alliance d’homme libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et
de toutes croyances qui travaille à l’amélioration de la condition humaine sur un plan spirituel,
moral, intellectuel et matériel».
Et il est précisé :
« La F∴M∴ proclame, comme elle l’a proclamé depuis son origine, l’existence d’un principe
créateur sous le nom de grand architecte de l’univers. Elle n’impose aucune limite à la recherche
de la vérité et c’est pour garantir à tous, cette liberté, qu’elle exige de tous la tolérance…. ».
Manifeste du convent de Lausanne qui réunit le 22 septembre 1875 les suprêmes conseils de Rite
Ecossais Ancien et Accepté et qui fixe, en révisant les grandes constitutions de 1786, la structure du
rite jusqu’à ce jour.
La méthode initiatique que nous pratiquons est celle que nous propose le R∴E∴A∴A∴, et il faut
donc tout d’abord se référer aux textes et aux principes qui le fondent depuis sa création.
Du 1er au 33ème degré, ceux ci sont définis comme suit :
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Invocation et glorification du G∴A∴D∴L∴U∴, principe créateur, symbole transcendant,
dont l’interprétation est du seul ressort de la liberté de conscience de chacun
présence du volume de la loi sacrée, ce volume étant la bible (par référence aux différents
rituels et aux différents mythes fondateurs du rite), du compas et de l’équerre ouverts sur
l’autel des serments,
respect strict de la non-mixité
respect de la lente progressivité de la démarche initiatique de degré en degré
préservation des rituels fixant la spécificité du rite et référence aux textes fondateurs adoptés
par tous les suprêmes conseils du monde
usage des devises «Ordo Ab Chaos», «Deus Meumque Jus», pour la juridiction et «Liberté
Egalité Fraternité» pour l’obédience
Une étude complète du Rite nécessiterait l’examen de ces règles point par point, le cadre de mon
travail m’amène à traiter uniquement de la non-mixité.
Le cadre dans lequel va évoluer, et surtout travailler, le franc-maçon, c’est celui d’un Ordre
basé sur une méthode initiatique traditionnelle codifiée par des règles.
« L’ordre maçonnique dans lequel vous aspirez à entrer …. » dit-on au postulant avant qu’il ne
prète serment et qu’il ne soit adoubé par le V∴M∴ de sa Loge.
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La Franc-maçonnerie traditionnelle est un ordre et une fraternité. La maçonnerie de Rite Ecossais
Ancien et Accepté n’est pas un club service, que cette maçonnerie là n’est pas une association où le
Franc-maçon devrait d’abord se sentir bien et où la fraternité humaine, sympathique au demeurant,
devrait nous servir d’alibi…
Notre Fraternité n'est pas une fraternité de comptoir ; elle est une Fraternité de combat. Combat
contre soi, contre sa paresse, contre la bêtise et la barbarie, contre l'orgueil et la suffisance.
La Fraternité initiatique appelle chaque Maçon à vivre sa vie en étroite connivence avec ses Frères
comme l'on vit en famille sans plus ni moins. Elle convie à sortir des schémas mercantiles du donné
et du rendu, de la comptabilité des plaisirs et des douleurs : " laissons nos métaux à la porte de la
Loge" dit-on en Maçonnerie, ce qui signifie que le Maçon doit s'efforcer de fonctionner avec ses
Frères en communauté d'esprit et en rabotant son ego.
Au "Connais-toi toi-même" socratique, répond un "Oublie-toi toi-même" maçonnique. Seule
l'œuvre importe. Seul le chantier et le travail qui s'y fait importent, et les individualités qui y
évoluent s'effacent devant le Temple qui s'érige peu à peu. Le travail est anonyme !
Ce qui unit les Franc-maçon, bien au-delà des sympathies et amitiés interpersonnelles, c'est le
processus d'accomplissement que chacun expérimente à chaque heure de sa vie d'homme en quête
de perfectionnement et de création de soi.
Si l’on pense que la loge est tout simplement un groupe de bons frères qui se réunit pour passer un
bon moment pour parler des affaires humaines, de la cité, de sa famille, de la vie politique… alors
brisons là immédiatement, car le reste de mon propos n’a pas de sens…, ou alors il n’en a que trop,
pour permettre à tout un chacun de s’y retrouver, notamment lorsque nous constatons les dérives et
déboires qui surgissent de temps à autres, tant au niveau central que dans nos loges.
La loge n’est pas une association lambda, de type loi 1901, et nombres de règles et de références
nous le montrent…
Si nous nous complaisons dans ces acceptions, ou si nous laissons faire des dérives de telle sorte,
alors nous ne pouvons tôt ou tard que dérégler le fonctionnement d’une loge et l’amener à la rupture
car introduisant dans sa vie les ferments du désordre social, sociétal, des conflits de personnes, etc.
Si nous pensons, par contre, que la Franc-maçonnerie est un Ordre initiatique, traditionnel et
symbolique, si nous sommes persuadés que le R∴E∴A∴A∴ est un rite dont la vocation première
est d’aider à l’élévation spirituelle de ses membres, alors tout ce que nous faisons en loge participe
donc d’une certaine sacralité.
Car le rituel d’ouverture de nos travaux sacralise, en soi-même, l’espace et le temps. Il sacralise la
totalité de la L∴, FF∴ compris. Le F∴M∴, ouvert, éveillé est alors sujet et objet du Rituel. Celui
ci permet d’avoir conscience du sacré, consubstantiel à la démarche initiatique. Le rituel est en
quelque sorte le fil d’Ariane du rite, il en est le déroulement alors que le rite est en lui-même, un
cheminement.
Pour cela, il y a, nous le savons bien, une rupture avec le monde profane : «Nous ne sommes plus
dans le monde profane» nous dit le V∴M∴ à l’ouverture des travaux au 1er degré. Un nouvel Ordre
est installé par le rituel. Cet ordre et donc cette rigueur instaurée ne devraient donc tolérer aucun
signe profane, aucune déviation. «Nous avons laissé nos métaux à la porte du Temple».
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Le respect rigoureux du rituel, du Rite et de ses fondements, est donc un des éléments fort de cette
transmission initiatique.
Les travaux de nos Loges s’ouvrent à la gloire du Grand Architecte de l’Univers et devant le
volume de la Loi sacrée. Cela implique que nos travaux soient empreints de dignité et marqués par
un certain degré de sacralité initiatique.
Le rituel d’ouverture ajoute quelques mots plus loin : «Elevons nos cœurs en fraternité, et que nos
regard se tournent vers la Lumière».
Nous sommes donc bien dans une démarche avant tout initiatique, hors de l’espace et hors du
temps.
Oui, notre cadre c’est celui d’un Ordre initiatique traditionnel, dans lequel nous recréons un espace
sacré, où il nous faut chercher, encore et toujours, en nous même, la lumière, la vraie fraternité
spirituelle, l’Amour, pour retrouver, peut-être, la Parole perdue.
Mais si la Loge fait indubitablement partie de l’intime de chacun de ses membres, il ne faut pas
oublier que le travail de chaque Maçon, ne se fait pas en Loge, mais en lui-même, à tout moment.
La Loge n'est pas le Chantier. La Loge n'est qu'un lieu de transmission et de ressourcement. Le
travail est ailleurs. Le travail maçonnique est dans l'accomplissement de soi, au service du Grand
Architecte de l'Univers, sur le chantier du monde.
Cela relève de l’approche que nous avons de la notion de travail maçonnique. Travail qui n’est pas,
pour moi, l’adjonction de travaux sur tel ou tel sujet d’ordre sociétal, (surtout celle du type «planche
google» sur les questions « sociales » qui n’amènent en général bien moins que les apports des
cours de l’Université du Temps Libre…), et même d’ailleurs les travaux sur des sujets symboliques
mais bien l’humble travail sur et en soi que doit effectuer tout maçon, à l’aide des outils, des
symboles, de l’ascèse initiatique proposée par le Rite.
La Loge, au travers du déroulement du rituel, nourrit ce processus et ce travail, mais elle ne
s'identifie jamais à lui.
La loge, ce n’est pas la reproduction en réduction du monde profane et de son fonctionnement. La
démarche doit être le fait de l’individu qui vient chercher ce qu’il ne trouve justement pas dans le
monde tel qu’il est, alors qu’il est en perte de repères, de sens sur sa vie.
Comment trouve-t-il ou essaye t’il de chercher… ?
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4- Une pratique, une méthode
Nous sommes bien évidemment soucieux en tant qu’Etre participant à la vie de la cité d’exprimer
et de vivre pleinement nos aspirations tant au plan professionnel, social, politique, qu’à tout autre
niveau. Simplement, ce qui est vécu intérieurement sacralise notre regard sur la vie.
Mais notre démarche s’entend comme le prolongement d’une réalisation personnelle spirituelle :
«Achevons au dehors l’œuvre commencée dans le temple…». Et non pas l’inverse.
De plus force est de constater que l’énergie provenant des pratiques initiatiques est vécue
différemment suivant le sexe. Egalité ne veut pas dire similitude, hommes et femmes sont très
différents à de multiples niveaux : dans la manière d’aborder les choses, la sensibilité... Comme s’il
y avait une coloration féminine et une coloration masculine.
Jean-Pierre Bayard indique :
« L’homme porte en son esprit le germe ; il doit se recueillir. Tout comme l’enfant nait dans le
ventre de la mère, que la régénération se fait dans la grotte, la caverne, le travail de l’homme se
fait idéalement dans la Loge, l’athanor ; la Loge qui succède au cabinet de réflexion est la matrice
où s’équilibrent toutes les énergies, elle est l’œuf du monde.
C’est donc dans le recueillement (la méditation) que l’on peut travailler sur soi, en dehors de
l’esprit qui a fécondé…. … le travail le plus productif doit s’accomplir dans la solitude, ou dans un
groupe de même potentialité.
Je penche ainsi pour des loges différenciées…. avec des possibilités de rencontres qui ne doivent
pas être trop fréquentes pour pouvoir bénéficier d’un initiation foncière ». (in la spiritualité de la
Franc-maçonnerie – Ed Dangles 1991).
Il ajoute dans une note en bas de page que la Loge suisse Sub Rosa aboutit à la même conclusion
dans son opuscule «L’initiation féminine».
Rencontres peu fréquentes…, ce que, en ce qui me concerne, je suis scrupuleusement, n’ayant par
exemple jamais visité une loge purement féminine par respect de cette démarche.
Faut il alors stopper le monde, se retirer de toutes ces influences, de toutes les passions présentes en
nous pour pouvoir s’orienter vers un début de sérénité, de sagesse et éprouver avec plus de justesse,
simplement le bonheur de vivre l’harmonie ?
C’est sans doute une partie de la réponse proposée par le cheminement qu’offre la G∴L∴D∴F∴ et
son cadre de travail non-mixte dans ses loges.
L’instruction initiatique devrait nous conduire à une compréhension de ce qui nous fait participer à
ce caractère essentiel ou Universel, à condition de nous affranchir, intérieurement comme
extérieurement, du monde illusoire des formes, « de tout ce qui brille d’un éclat trompeur » ; et
ainsi réaliser en nous un nécessaire détachement.
Autrement dit, pour se mettre à nu, pour faire réellement tomber le masque, pour atteindre non pas
ce moi actuel mais ce «moi» ou plutôt ces «moi» profonds, ou encore le Soi primordial, supérieur,
qui est en nous, il faut s’aider soi-même à s’isoler intérieurement en se donnant un cadre isolé du
temps et de l’espace, un espace sacré qui est le Temple, le Rituel, le Rite.
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Ce but induit la notion d’Ordre, au sens personnel cette fois ci, car c’est par une mise en ordre de
nous-mêmes (« Ordo ab Chao » est la devise du rite) que nous pourrons effectuer ce passage du moi
individuel au Soi universel, en prenant conscience progressivement «de ce qui ‘est‘, permanent et
immuable, en dehors de toute succession temporelle ou autre ».
On n’a pas compris, me semble t’il, le long et difficile travail maçonnique tant que l’on n’a pas
compris la nécessité de la posture, de l’attitude extérieure mais aussi intérieure, de la conversion du
regard vers l’intérieur de soi et de la nécessaire métamorphose rendue possible par le passage du
profane au sacré.
Notre expérience spirituelle transforme notre manière d’être, notre relation aux autres. Cette
perception nous amène à reconsidérer notre vie, à remettre les choses à leur véritable place, qui
n’est pas forcément la même pour tous d’ailleurs, chacun étant libre de la forme de ses réflexions
intimes.
Au sein d’une institution à vocation spirituelle dont la progression initiatique, les différents degrés
et grades se déploient au sein du Rite et s’offrent progressivement. Les mots sacrés de chacun de
ces degrés ouvrent des fonctions, royale, sacerdotale et prophétique, qui n’ont rien de profane :
Maître Secret (en fait «Lévite», gardien de l’arche d’alliance dans le Saint des Saints), Chevalier de
Royale Arche, Chevalier Rose-Croix, qui repose sur l’ésotérisme chrétien, Chevalier Kadosh (c'està-dire «saint»)….!
Le R∴E∴A∴A∴ peut être défini comme un rite traditionnel initiatique, à vocation ésotérique,
basé sur la transmission, proposant une démarche initiatique permettant une recherche et une
réalisation spirituelles.
La Tradition véhiculée par le R∴E∴A∴A∴ est du domaine de la transmission de certains
éléments d’ordre historique, culturel et symbolique ; grâce à la tradition nous nous communiquons
de générations en générations non seulement une Histoire, c’est à dire une culture, un Mythe et un
Rite et surtout des moyens de l’interpréter par le discours et l’enseignement mutuel.
Toute cette symbolique voire cette mystique, tout ce cheminement balisé, renforcent encore le
caractère sacré, et donc non profane, non humaine, de la démarche.
L’adhésion à nos symboles est indispensable à tout parcours initiatique véritable… Sinon,
comment expliquer tout ce qui peut, pour un profane, ressembler à un «théâtre baroque» auquel
nous nous prêtons d’une manière régulière …?
C’est malheureusement parce qu’ils n’ont plus au cœur cette notion fondamentale de démarche
sacrée, que certains épurent leurs rituels jusqu’à vouloir ouvrir les travaux au coup de maillet sans
plus de cérémonie….
Dès lors que le parcours maçonnique se situe dans le registre de l’ésotérique, de la recherche
philosophique ou spirituelle personnelle, de l’intime, un tel refus de la modernité n’a plus à se
justifier…!
C’est sur cette base : Appartenance à un Ordre initiatique traditionnel, quête spirituelle, recherche
ésotérique, que repose notre volonté de n’être pas mixte.
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La connaissance de notre filiation Traditionnelle, et de ce que recouvre exactement l’initiation, sont
indispensables pour que chacun d’entre les maçons écossais puisse comprendre ce qui fonde notre
démarche initiatique et sa spécificité.
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5- L’initiation, un retour sur soi, un départ vers une élévation spirituelle
Notre forme d’initiation appartient à ce que Patrick Négrier appelle « le monde ésotérique des
initiations (qui suit d’abord la voie de la gnose, c'
est-à-dire de l’étude) » (in La tradition initiatique
– Ed Ivoire-clair 2001)
Lors du rituel d’initiation, le V∴ M∴ dit au récipiendaire :
" C'
est pour mettre un frein salutaire à nos passions, pour nous élever au-dessus des intérêts
mesquins qui tourmentent les profanes, que nous nous assemblons dans nos temples. Nous
travaillons sans relâche à notre amélioration, nous accoutumons notre esprit à ne concevoir que
des idées d'
honneur et de vertu par l'
ascèse initiatique, qui s'
effectue à l'
aide de l'
outillage rationnel
que vous trouverez dans le temple.
C'
est en réglant ainsi ses inclinations et ses mœurs que l'
on parvient à donner à son âme ce juste
équilibre qui constitue la Sagesse, c'
est à dire l'
Art de la vie."
Le but spirituel de cette ascèse initiatique est clairement affiché dans notre démarche : atteindre la
Sagesse, c'est à dire l'Art de la Vie. L'ascèse, à travers "la mort du vieil homme" et la re-naissance,
est le sacrifice conscient du "moi" pour réaliser pleinement le "soi" métaphysique. En reprenant
René Guénon, je dirais que c'est atteindre la réalisation de "l'Homme primordial", puis par un travail
constant, atteindre peut-être un jour la réalisation de "l'Homme Universel", ou "l’Homme véritable",
médiateur ou pont entre le ciel et la terre.
L'initiation maçonnique traditionnelle suggère que l’Homme est en lui-même, à l'image de
l'Univers, une totalité cohérente. Cette aspiration confuse à ce qui le dépasse et le transcende ne se
sépare pas de l'ensemble qu'il constitue. L'Homme est Matière et Esprit.
Au travers de l’ascèse initiatique, cette aspiration à une réalisation spirituelle me semble être le
fondement de notre démarche.
Elle est, en effet le but, la destination finale de l’initié. Nous nous engageons, lors de notre
initiation, et sans connaître notre destination finale, dans une voie initiatique, qui nous conduit vers
la Lumière, c'est-à-dire une forme de transcendance.
Selon René Guenon, le but de tout homme est de parvenir à la réalisation spirituelle (ou réalisation
métaphysique), laquelle consiste à s'identifier avec sa propre essence, ou, en d'autres termes, à
devenir réellement ce que l'on est (étant entendu que l'homme actuel se tient "en dehors" de son
essence, ce que signifie très précisément le mot existence - du latin ex-sistere : se tenir hors de).
Cette réalisation, qui s'opère suite à une série de morts symbolique et de renaissance par la prise de
conscience de la réalité de l'Esprit, transforme radicalement l'être humain et n'est possible que par
la grâce d'une recherche spirituelle.
La mort initiatique rappelle la nécessité de la mort aux préjugés vulgaires, de la mort de la
conscience ordinaire, pour accéder à un autre niveau de conscience.
Sortant du ventre imaginaire de la caverne-mère, du creuset initial (épreuve de la terre) le nouvel
initié renait à une nouvelle vie.
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C’est dans cette démarche qu’il entreprend après son initiation que « l’homme lui-même en tant
qu’individu, découvre dans sa liberté ce qu’est l’être en soi et ce qui fonde ses propres décisions »
(Karl Jaspers).
La spiritualité que nous tentons de mettre en œuvre n'est pas le fait d'une révélation venue d'en haut,
mais au contraire une recherche de la vérité, révélation progressive dans une démarche ascendante
vers la Lumière.
Au long d’un cheminement initiatique continu, même si celui ci ne se déroule pas de la même façon
pour tous, et même s’il se déroule parfois d’une manière chaotique…, par une progression
graduelle, nous passons de l’état d’A∴, relié, par référence aux 3 mondes, au corps, au grade de
C∴, qui lui est relié à l’âme (position intermédiaire), pour arriver à la Maîtrise, reliée à l’esprit.
Il ne suffit pas d’avoir été « créé, constitué et reçu » au cours d’une cérémonie d’initiation, il faut
aussi s’engager sur un chemin qui nous fera passer d’un état à un autre.
J'ai pour ma part conscience qu'il existe une ascèse initiatique, permettant ce passage et donc une
réalisation spirituelle, et que la méthode maçonnique que nous pratiquons, dans un cadre extrait du
temps et de l’espace, fournit les éléments de celle ci.
Peut-on pour autant considérer que cette ascèse soit réellement mise en application ? Cela est propre
à chacun d'entre nous, puisque notre tradition ne peut que montrer la voie, proposer des outils mais
en aucun cas obliger, ou même faire le travail à notre place. Mais à tout le moins, le cadre, le Rite,
nous mettent en condition positive et propice pour marcher sur ce chemin.
C'est là, toute la nuance entre l'initiation qui peut rester virtuelle, et la réalisation spirituelle
véritable. C'est là où réside toute la difficulté de rendre effective la double dimension théorique et
pratique de l’initiation, toute « la difficulté que représentent pour tout être humain la traversée du
voile des apparences et l’accès à l’intelligence des réalités invisibles » comme l’indique Patrick
Négrier (in La tradition initiatique – Ed Ivoire-clair 2001).
Notre tache est immense. L’initiation et sa méthode nous aide. C’est la quête de notre unité
intérieure et la quête de la Parole perdue. L’initié de R∴E∴A∴A∴ est un cherchant, un passant. Il
cherche le sens du sacré en son cœur profond, son Arche d’alliance au centre de son Saint des
Saints. Il cherche la trace du divin en soi.
Il passe, et cherche, jusqu’au jour où il entre dans le Royaume, en ayant retrouvé son unité, son être
intérieur, et où il refait son deux en Un.
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6- Le 2 en Un, l’union du masculin et du féminin.
L’initiation présuppose une seconde naissance. Et cette naissance est virginale, parthénogenèse,
(Christ, Bouddha, Jean-Baptiste, Dyonisos…), androgynique.
Dieu fit l'homme à son image, il le fit homme et femme à la fois. C'est seulement lorsque le monde
fut fini qu'il distingua Eve de Adam.
Par analogie avec la manifestation du Un, le fœtus, aussi, commence par l'androgynie, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas de caractère de sexualisation en lui, la différenciation n'intervenant qu'à partir de
quelques semaines.
La femme n’est pas dans ce cas « la moitié de l’humanité » que l’on oublierait au passage, en ne
l’acceptant pas dans nos Temple, mais une force, une figure, un archétype symbolique qui
présuppose qu’il faille trouver en soi son propre côté féminin, ce qui présuppose l’éloignement
physique de la femme « humaine » pour se consacrer à la recherche de la femme sublimée.
La sublimation de la femme (comme archétype), en tant que recherche de la transcendance, passe
par la mixité intérieure, au sens donné dans la définition ci-dessus.
La dénomination « femme de la sublimation » est un terme de la psychologie analytique désignant
des processus psychiques inconscients ayant une importance dans la vie psychique du sujet. Ces
processus se nomment archétypes. La femme de la sublimation est par exemple Kali, la Vierge des
chrétiens, Isis …etc.
Cet archétype présent dans les individus, s'exprime aussi dans la culture humaine, et dans toutes es
traditions spirituelles sous des formes différentes : Déesse-Mère - Aphrodite - Vierge Marie Brigit - Déméter - Devî - Durg - Freyja - Frigg - Gaïa - Ishtar - Isis - Béatrice… etc.
Sans elles pas de passage vers la connaissance… La femme, figure archétypale, est mon passage
vers l’éternité.
Sans la vierge, le Christ ne serait jamais né Homme-Dieu, présente à sa naissance, mais aussi au
pied de la croix pour accomplir sa mort symbolique avant son retour au cœur de la terre-mère dans
la caverne, le tombeau, l’œuf primordial, duquel il s’élève à nouveau pour une autre naissance. La
crucifixion quaternaire est indispensable à la renaissance de l’initié dans le sein de la veuve
(vierge) pour nous faire fils de la veuve, fils de Dieu, fils du conscient.
C’est grâce à la vierge que le principe créateur est devenu Amour.
Dans la Divine comédie, une œuvre maîtresse de la littérature, Dante perdu au milieu du chemin de
sa vie dans la forêt obscure du péché est sauvé du péril par l’intercession de la bienheureuse
Béatrice. Il accomplit un pèlerinage salvateur dans l’autre monde, guidé d’abord par Virgile (le
grand poète romain qui symbolise la raison humaine) en Enfer et dans le Purgatoire puis par
Béatrice au Paradis (qui symbolise la science divine) qui l’amène finalement jusqu’à l’être divin.
Ce voyage effectué par Dante a une signification allégorique et représente l’itinéraire que l’homme
doit parcourir afin d’échapper aux passions terriennes pour aboutir à l’illumination des libertés
morales et de la foi, un chemin qui va de l’instinct et de l’ignorance vers la conscience de la vérité
et du salut.
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La Femme sublimée c’est bien sûr aussi notre « veuve » qui fait passer Hiram vers l’être unifié.
C’est elle qui est au cœur, au centre, réunissant bas et haut, humanité et divinité, mal et bien. Sans
cette notion des enfants de la veuve (veuve puisque le père, celui qui possède la connaissance, qui
détient le pouvoir a été tué par, nous, ses enfants…), la maçonnerie passe à coté du mythe.
La femme de sublimation est l'une des figures féminines de l'Anima, qui se révèle en général, aux
hommes. C’est pourquoi on la nomme la part féminine de l’homme.
Ce personnage féminin, que l'homme a en lui, influence le masculin réel de l’homme qui peut se
mettre à se développer. Le travail sur les archétypes se fait par un processus d'individuation. Il
permet à l'individu de grandir, de maturer.
La méthode Alchimique à laquelle nous empruntons beaucoup apporte aussi sa contribution en
indiquant que le féminin est indispensable à la réalisation de l’œuvre.
Rassembler ce qui est épars, ce n’est pas s’unir en fraternité avec les autres, c’est recréer en soi
l’androgyne en réunissant le Ying et le Yang, le haut et le bas, l’inconscient et le conscient, le
féminin et le masculin, le cercle et le carré.
La mixité en soi peut se définir comme la réintégration dans l'Unité de la dualité. Il est clair que
sans le féminin l’initié ne peut refaire son unité.
Retrouver l’Unité en soi c’est associer son facteur masculin et son facteur féminin en soi, et non
pas le retrouver sur la colonne d’en face, associant l’autre moitié de l’Humanité à ses travaux en
loge.
Il faut donc que le maçon ait pleinement conscience de cette force en devenir. De cette
complémentarité en lui. Et il me semble qu’il ne peut atteindre cette pleine conscience qu’en
travaillant au sein d’une obédience traditionnelle non-mixte.
Il est évident que ce travail d’unification aura moins de chance de réussir dans un cadre que je
considère comme moins propice à ce développement là, puisqu’il est humainement plus facile de
se dire que son complément est visiblement à côté de soi, et que c’est cela qui compte, alors qu’en
fait il est tellement plus difficile, mais ô combien plus vrai d’un point de vue initiatique d’aller le
chercher au fond de soi !
Incontestablement la Franc-maçonnerie est une sublimation.
On a bien compris me semble t’il, la complémentarité «masculin – féminin» que propose le
R∴E∴A∴A∴ pratiqué à la G∴L∴D∴F∴ n’est pas une complémentarité sociale.
Ce n’est pas une égalité des 2 pôles de la société, elle est une recherche intime en l’homme luimême de cette égalité, de cette complémentarité essentielle à sa quête de vérité et de sens spirituel
(voir à ce titre Durkheim qui indique que la réconciliation avec le féminin est indispensable à la
redécouverte spirituelle).
Le dépassement de la dualité humaine, que les tenants de la mixité voudraient réaliser sur un plan
social, n’est possible, de notre point de vue, dans notre recherche spirituelle, que si l’on dépasse
intimement l’ordre de la nature pour accéder à celui de la personne, c’est-à-dire à l’union avec
l’UN. Mais c’est là un long cheminement intime qui ne s’effectue que dans l’humilité, la
discrétion, et la patience de la quête.
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C’est ainsi pouvoir dépasser les simples querelles d’amour-propre froissé pour aller vers la
plénitude de la pensée traditionnelle.
Le maçon de R∴E∴A∴A∴ est un homme en devenir d’unité, et cette unité est placée dans l’âme
et dans le cœur de l’homme lui-même. En devenant unité il unifie le monde en lui, et par voie de
conséquence il s’unifie avec le principe créateur.
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En guise de conclusion (provisoire sans doute)
Séparation entre sphère publique et sphère privée, principes intangibles d’un Rite initiatique
traditionnel, appartenance à un ordre «régulier» et non «séculier», sacralité du rituel qui nous place
hors de l’espace et du temps, démarche initiatique de retour vers l’Homme universel et enfin
nécessaire union de notre part masculine et de notre part féminine en nous-mêmes…
Voici mes frères ce que je crois être les fondements initiatiques de notre non-mixité. Par cette
tentative d’explication, j’espère avoir pu vous ouvrir des pistes de réflexions supplémentaires.
Je conclurai en reprenant les propos de Jean-Claude Mondet :
« Si la progression individuelle est sexuée, donc différente pour les hommes et pour les femmes,
cela ne les empêchera nullement de se retrouver dans le domaine de la progression de l’humanité.
Il est tout à fait normal que le Droit Humain, préoccupé de progrès social, soit mixte, et que
certaines loges du Grand Orient acceptent la visite des femmes » (in La première lettre – Ed du
Rocher – 2005)
Jean-François Rebiffé
Septembre 6009
Remerciements pour leurs apports indispensables dans nos échanges
à nos TT∴CC∴FF∴ Ber∴Ger∴, Ger∴ Mil∴ , Pie∴Dru∴ et à notre T∴C∴S∴ Cat∴Thé∴
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ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
BARON Michel – Hiram et les enfants de la veuve – Dervy 2006
BAYARD Jean-Pierre – la spiritualité de la Franc-maçonnerie – Dangles 1982
BEHAEGHEL Julien – Hiram et la reine de Saba – Maison de vie 2005
BENZIMRA André – Exploration du Temple maçonnique à la lumière de la Kabbale – Dervy 2007
BERTEAUX Raoul – La voie symbolique – Edimaf 1999
COLLIN Claude – Les anciens, les modernes et les REAA – Ordo Ab Chao N°48-49 – SCDF 2003
DAVIDENKO Dimitri – La Grande Loge de France, une Obédience masculine – PVI N° 136 – GLDF 2005
GUENON René – Aperçu sur l’initiation – Ed Traditionnelles 1986
GUENON René – Initiation et réalisation spirituelle – Ed Traditionnelles 1990
GUENON René – Le règne de la quantité et les signes du temps – Gallimard 1950
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GUERILLOT Claude – De la porte basse à la porte étroite – Dervy 1998
LANGLET Philippe – La Planche comme exercice spirituel – Ordo Ab Chao N°57 – SCDF 2008
LANGLET Philippe – les textes fondateurs de la Franc-Maçonnerie – Dervy 2006
MERIAS Jules – La voie du franc-maçon – Dervy 2000
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NEGRIER Patrick – La tradition initiatique – Ivoire-clair 2001
POZARNIK Alain – Pourquoi le REAA ne peut pas être mixte ? – Journal de la GLDF N° 32 - Mars 2002, en
réponse à des interventions de FF∴ dans le N° 31
ETIENNE Bruno / SOLIS Jean – Les 15 sujets qui fâchent les francs-maçons – Ed de la Hutte – 2008
Collectif – Le couple intérieur – Nouvelles Clés N° 13 – Printemps 1997
Collectif – Les raisons initiatiques de la non-mixité – Cahiers de l’UVRE 1983
Divers travaux de frères et de sœurs rencontrés ici ou là…
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