« AH! LE GRAND HOMME »–De PIERRE ET SIMON

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« AH! LE GRAND HOMME »–De PIERRE ET SIMON
« AH! LE GRAND HOMME »–De PIERRE ET SIMON
PRADINAS_THEATRE DE L’ATELIER
Depuis que Didier Long, homme d’une élégance rare, grand metteur en scène, et vrai amoureux des beaux
textes a repris le théâtre de l’Atelier, la programmation a subi un coup de fouet salutaire. Elle est plus
audacieuse, plus variée aussi. Résultat: elle attire un public plus éclectique.
En ce début d’année, voici à l’affiche une comédie loufoque, qui à la fois, glorifie les acteurs, les
démystifie, et s’en moque (gentiment). Elle a été écrite à quatre mains par deux frères qui connaissent bien
les qualités et travers des comédiens, puisqu’il s’agit de Pierre et Simon Pradinas. En dehors de ses activités
de dramaturge, Pierre est un metteur en scène iconoclaste qui adore mettre les pieds dans le plat de la
convention. Simon est pour sa part un artiste aux multiples talents qui, entre autres faits d’armes, a signé de
brillantes scénographies.
De quoi s’agit -il avec cette pièce? D’une répétition de théâtre… Un metteur en scène aussi farfelu que plein
de lui même, a décidé de mener une expérience, qu’il juge révolutionnaire: réussir à monter un spectacle en
une seule journée, à partir de… rien, ou presque. Rien, c’est-à-dire sans texte, sans décor, sans costume ni
bande-son. Cette représentation aura juste l’incroyable prétention de se vouloir comme un hommage à
celui qui fut l’un de nos hommes de théâtre les plus… rigoureux , Jean Vilar. Quel paradoxe !
Pour réussir son pari si extravagant, ce metteur en scène fumeux va réunir un quatuor d’interprètes
hétéroclite: un comédien obscur, mais qui y croit encore; un acteur connu, mais aussi odieux que vaniteux;
un ringard, sympathique mais désabusé , et une jeune actrice sans autre expérience que celle que lui apporte
la certitude de son talent. Ces quatre là n’ont en commun que leur passion démesurée pour leur art. Ce qui
est peu, mais qui, ici, fera tout, en nous entrainant dans un délire d’inventions textuelles et scéniques.
Donc ces quatre là, convoqués, mais ne sachant pas pourquoi, et qui vont commencer par se présenter les
uns les autres, sur ce plateau nu et désert, drapés dans leur vanité, leur talent, leurs espoirs ou leurs
désillusions. Irrésistibles, déjà!
Voici qu’arrive le metteur en scène, flanqué d’un assistant aussi zélé que maladroit, et qui va leur expliquer
son projet. Panique à bord, engueulades, bruit, fureur… Quoi ? de l’impro ? Moi je… Moi, face à lui ? Moi,
dialoguant avec elle ? Moi, partageant la scène avec eux ? Non, non, bon, bon, si, si… Et voilà que de bric et
de broc, ils vont faire d’ubuesques propositions, se vêtant, l’un, d’un morceau de toge, l’autre, d’un plumet
et celui-là encore, d’un pan d’armure… Accoutrements dans lesquels ils vont, entre deux disputes
homériques, se balancer des répliques improbables dans un invraisemblable mélange d’aplomb, de gouaille
et de cabotinage. Irresistibles encore! Il y aura des scènes d’anthologie comme celle où deux des comédiens
vont se transformer en cheval; un cheval qui va hennir, se sauver,botter, bref devenir incontrôlable… jusqu’à
aller brouter les pendillons… Indescriptible!
La salle rit, et par moments même, pleure de rire. On nage dans la farce burlesque. On est dans ce genre de
théâtre où sont permises toutes les excentricités. Dans le texte, aucun arrière-plan, aucun message. Juste
une virtuosité langagière qui laisse la part belle à l’inventivité,en l’occurrence sans limite, des interprètes. Ils
sont tous excellents, avec peut-être une mention particulière pour Jean-Jacques Vannier, si drôle parce
qu’imperturbable dans ses invraisemblables délires.
Dominique Poncet

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