Face au FN, droite et gauche dans le déni - entree
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Face au FN, droite et gauche dans le déni - entree
SCIENCE & MÉDECINE LE BIG DATA MALMÈNE LE DROIT DES PATIENTS SUPPLÉMENT → Mercredi 9 décembre 2015 71e année No 22051 2,20 € France métropolitaine www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert BeuveMéry Directeur : Jérôme Fenoglio Face au FN, droite et gauche dans le déni DÉBATS ▶ « Je ne suis pas venu GAUCHE, LES RAISONS D’UN ÉCHEC pour m’excuser. » Face à la montée du FN, M. Valls n’a pas voulu évoquer l’in capacité du gouvernement à résorber le chômage Ratés du gouvernement, désunion ou malaise plus profond lié à des questions d’identité politique ? Réflexions d’entre-deux tours sur les mauvais résultats du PS aux élections régionales. ▶ « Le message des Fran çais s’adresse d’abord » au gouvernement, a jugé Nicolas Sarkozy, sans re mettre en cause sa straté gie face à l’extrême droite CRIER « NO PASARAN ! » NE SUFFIT PLUS ▶ Dans les villes Professeur en sciences politi ques, Laurent Bouvet estime que la culpabilisation des électeurs du FN a fait son temps qu’il dirige depuis 2014, le parti de Marine Le Pen progresse fortement REFUSONS L’AVEUGLEMENT ▶ Participation, rassemble ment de la gauche, comportement des électeurs : les incon nues du second tour Pour la députée (PS) Aurélie Filip petti, dire que les résultats des socialistes « ne sont pas si mal » relève du déni de défaite ▶ Ces énarques et autres centraliens qui se mettent au service du FN L’ABANDON DES CLASSES POPULAIRES → LIR E A force de vouloir briser les tabous au nom du libéralisme, la « gauche moderne » a laissé la question sociale au FN, estime Louis Maurin, de l’Observatoire des inégalités PAGES 2 À 9 E T 1 6 → LIR E PAGE S 1 8 - 1 9 Des militants du Front national, le 6 décembre, à Strasbourg. JULIEN DANIEL / MYOP POUR « LE MONDE » ÉDUCATION LE PORTAIL ADMISSION POST-BAC REVU PAGE 1 5 → LI R E P A G E 27 SOCIÉTÉ LE 21 DÉCEMBRE, EDF SERA BANNI DU CAC 40 TAPIE ORGANISE LA « SAUVEGARDE » DE SES BIENS → LIR E → LIR E LE C A HIE R É CO PAGE 4 ;976 <4 0/2>8 IHNG%KF% FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE TORONTO PAGE 1 5 LE REGARD DE PLANTU REPORTAGE KOSOVO : LA TENTATION DE L’ISLAMISME par christophe châtelot 7*:.62.1 P 621/ pristina - envoyé spécial L’ horizon de A. B. – un Koso var albanais qui rêvait d’aventure et de guerre sainte en Syrie – s’est brusque ment rétréci. Depuis des mois, son univers se limite au modeste loge ment familial d’un ancien im meuble de l’armée yougoslave sis dans un village triste proche de la frontière macédonienne. Le jeune homme de 28 ans broie du noir. Aussi noir que le drapeau des dji hadistes auxquels il s’était joint près d’Alep à l’hiver 20132014. un ilm de =C49<7 7<>24/< ! <66C4.<7 7<>24/< 4*%GF?'% I)G "% !J!%KF &% H%&JKK%H D#% )EA M >$)H"#% L 5 =% "%G H%DJ#H3 -#D)KFG3 MARIANNE ;JHF, H%GI%'FE%EA, (JE"%D%HG)KF3 CAUSETTE ©2015 Pyramide → LIR E VENEZUELA : LA DÉBÂCLE DU POPULISME BOURSE C. >94O6C 7< +B =O><6@1< → LIR E L A S U IT E PAGE 1 0 Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA 2 | les élections régionales 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Gauche et droite rechignent à se remettre en cause face au FN Le PS et Les Républicains s’accusent mutuellement d’être responsables de la montée de l’extrême droite J e ne suis pas venu pour m’excuser. » Ceux qui attendaient le début d’un examen de conscience en ont été pour leurs frais. Invité, lundi 7 dé cembre, du « 20 heures » de TF1, Ma nuel Valls s’est refusé à toute autocritique après le score historique enregistré par le Front national, la veille, au premier tour des élections régionales. Pour le premier ministre, qui ne s’était pas exprimé dimanche soir, pas question de reconnaître que l’échec de la gauche, au pouvoir depuis 2012, sur le front du chômage et de la lutte contre les inégalités est en partie responsable de la montée du FN, notamment dans les milieux populaires. Le chef du gouvernement, qui s’est érigé depuis plusieurs mois en héraut récurrent du combat contre l’extrême droite, n’entend pas laisser de place au moindre droit d’inventaire personnel. Et les voix qui s’élèvent au sein du PS le font pour l’instant sous couvert d’anonymat. « Le déni érigé en art politique. Un déluge de béton, extrêmement inquiétant », commentait lapidairement un haut dirigeant socialiste après la prestation télévisée de M. Valls. L’heure des comptes n’a pas encore sonné, elle dépendra de l’ampleur du résultat socialiste au soir du second tour, le 13 décembre. Derrière le déni, cependant, point déjà chez beaucoup une forte inquiétude. « Cette fois-ci, c’est très sérieux, très grave, et la menace, à moins de deux ans de la présidentielle, n’est pas illusoire. » Jean Glavany, comme d’autres responsables politiques, de droite comme de gauche, ne cache plus ses craintes. Pour le député socialiste, vieux grognard du PS qui a connu les crises des années Mitterrand et Jospin, les résultats du premier tour des élections régionales, dimanche 6 décembre, témoignent d’un danger maximal. L’extrême droite peut prendre le pouvoir en France et Marine Le Pen devenir, en 2017, présidente de la République. « Alors, on fait quoi ? » L’alerte, en réalité, n’est pas nouvelle : elle a été donnée dès le 21 avril 2002, et n’a cessé de s’amplifier au fil de la plupart des élections intervenues depuis. Mais personne, ou si peu, n’a voulu l’entendre. « Alors, on fait quoi ? On continue à se refiler le mistigri ? A droite, comme Sarko, qui se dit républicain mais (…) s’enfonce dans une stratégie suiviste à l’égard du FN qui apparaît chaque élection un peu plus comme une impasse. Ou à gauche aussi, bien sûr, où nous avons tous notre part de responsabilité », a lancé, lundi 7 décembre, sur son blog, le député des Hautes-Pyrénées. Pour l’ensemble des responsables politiques, l’électrochoc du 6 décembre est violent. Comment éviter désormais ce qui serait considéré comme une catastrophe politique : la victoire, en 2017, de la présidente du Front national ? Le premier tour des régionales rend désormais possible un tel scénario, que beaucoup pensaient inimaginable il y a encore quelques semaines. Depuis 2012, scrutin après scrutin, le parti d’extrême droite bénéficie d’une dynamique puissante, qui traduit non plus seulement un vote de contestation chez ses électeurs, mais d’adhésion. En arrivant en tête dans six des treize nouvelles régions, avec des scores dépassant les 40 % dans deux d’entre elles, le FN a prouvé que son discours réussit à séduire dans des territoires aussi différents que le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et la Bourgogne-Franche-Comté ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et dans le « Cette fois-ci, c’est très sérieux, très grave, et la menace, à moins de deux ans de la présidentielle, n’est pas illusoire » JEAN GLAVANY député PS Centre-Val de Loire. « On ne peut plus parler d’un simple vote de protestation quand le FN est à des scores supérieurs à 10 % depuis trente ans, et qu’il a successivement franchi les plafonds de verre à 15, 20, 25 % », explique Jean-Yves Camus, spécialiste de l’extrême droite française et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques. Face à un tel séisme, les deux principaux partis de gouvernement, le PS et Les Républicains (LR), ne semblent donc pas pour autant disposés à engager de réels examens de conscience. Au contraire, le jour d’après, lundi 7 décembre, a pris des allures classiques. Comme si, une fois le choc traumatique encaissé, le corps politique tentait de se raccrocher à des habitudes, même dépassées, pour éviter de sombrer dans l’inconnu d’une recomposition générale qui semble de plus en plus inéluctable. «Un score pas si catastrophique » Au PS, la tentation du déni est d’autant plus forte que beaucoup éprouvent aujourd’hui une forme de soulagement gêné. Les socialistes n’osent pas le dire clairement, mais ils estiment en réalité avoir évité le pire dimanche dernier, et nourrissent même encore l’espoir de conserver plusieurs régions dans une semaine. Les victoires potentielles ne se limitent pas, pour la Rue de Solférino, à la Bretagne, à la Corse et à l’Aquitaine-Limousin-PoitouCharentes. Le PS pense pouvoir aussi l’emporter en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées et en Ile-de-France, si les reports de voix à gauche sont bons. Et pourquoi pas, rêvent certains socialistes, en Normandie et dans le Centre-Val de Loire ? Si, le 13 décembre, la gauche au pouvoir garde entre trois et sept régions, le bilan à ses yeux sera plus que positif. Bien sûr, il aura fallu « sacrifier » le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA, en procédant au retrait des listes PS pour faire barrage au FN, mais l’essentiel sera sauf. Dans ces régions, les socialistes vont disparaître des écrans radar pendant six ans, un véritable drame politique et militant, surtout dans un bastion historique comme le Nord. Mais la situation l’imposait, explique-t-on à Paris. « Quand la République est en jeu, on n’hésite pas », a résumé, lundi soir, M. Valls. Des proches de François Hollande y voient même une « bonne décision » en perspective de 2017. « Ce n’est pas un score si catastrophique qu’on pouvait le craindre pour Hollande », analyse un ministre. Les résultats des régionales, en ayant inévitablement des conséquences directes pour la présidentielle, pourraient même « profiter » au chef de l’Etat, veut croire un conseiller gouvernemental. Muet depuis le premier tour, le président de la République pourrait ainsi apparaître dans dix-huit mois, selon son entourage, comme le seul rempart « républicain » Manuel Valls sur le plateau du « 20 heures » de TF1, le 7 décembre. KENZO TRIBOUILLARD/REUTERS face à Marine Le Pen. Un FN fort et une droite incapable d’être au clair sur sa ligne face à l’extrême droite l’y encourageraient. Le premier ministre l’a d’ailleurs suggéré sur TF1, en faisant passer un message très politique : la gauche, selon M. Valls, est « digne » en se retirant dans les régions où le FN peut l’emporter, contrairement à une droite qui n’est pas « à la hauteur des événements ». Un distinguo moral que le PS ne manquera pas de rappeler au moment de la présidentielle. C’est tout le paradoxe du scrutin du 6 décembre plaqué en 2017 : François Hollande pourrait être, dans deux ans, l’homme fort d’une gauche faible. Avec un Front de gauche à 4 % et des écologistes à moins de 7 % au premier tour des régionales, alors que les socialistes approchent les 24 %, le darwinisme politique de François Hollande va faire son chemin : seuls finissent par s’imposer ceux qui restent debout jusqu’au dernier moment. Et à gau- che, en 2017, ce sera le PS, estime le chef de l’Etat, faute d’alternative crédible. « Une expression de colère » A droite, plusieurs mesurent déjà le risque de faire les frais de ce positionnement de l’exécutif. « Hollande et Valls sont déjà en train de jouer la campagne présidentielle, s’inquiète un proche de Nicolas Sarkozy. Ils ont décidé de retirer leurs candidats pour faire barrage au FN, avec l’idée de dire : “Nous, on est plus républicains que la droite, qui reste sur le ni-ni’’. Ils veulent capitaliser sur la montée du FN et se poser comme les seuls défenseurs de la République pour ressouder l’électorat de gauche. » Face à la poussée historique de l’extrême droite, Nicolas Sarkozy et ses troupes se sont immédiatement réfugiés dans le déni, lundi. Avec un seul mot d’ordre, abondamment relayé : « Le vote en faveur du Front national est avant tout une expression de colère. » Un vote de rejet qui serait uniquement motivé par celui de la politique du gouvernement. « Le message des Français s’adresse d’abord à ceux qui exercent les responsabilités à la tête de l’Etat et de presque toutes les régions de France », a affirmé M. Sarkozy, dès dimanche soir, avant d’attribuer le lendemain, au « 20 heures » de France 2, la responsabilité de la montée du FN au PS : « Chaque fois que la gauche a été au pouvoir, ça s’est traduit par une explosion du vote de l’extrême droite. » Pas question, pour le président du parti Les Républicains, de se lancer dans une remise en cause de sa stratégie face à l’extrême droite. En interne, cependant, tous les ténors de droite ne sont pas de cet avis. Plusieurs jugent que la contre-performance de leur camp doit être imputée au patron du parti. Dès lundi matin, les langues se sont déliées. Et les premiers coups ont plu : « C’est l’échec de Nicolas Sarkozy car d’évi- les élections régionales | 3 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Dilemme à gauche en PACA : « Voter Estrosi, je ne peux pas » Après le retrait de leur liste en Provence-Alpes-Côte d’Azur, les électeurs socialistes renâclent à voter pour le candidat des Républicains marseille - correspondance L Jean-Pierre Raffarin, après la réunion du bureau politique des Républicains, à Paris, le 7 décembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCHPOLITICS POUR « LE MONDE » « Le message des Français s’adresse d’abord à ceux qui exercent les responsabilités à la tête de l’Etat » NICOLAS SARKOZY président du parti Les Républicains dence, il n’est pas crédible comme représentant de l’alternance après avoir luimême, les Français le lui avaient signifié, échoué avant 2012 », a asséné Hervé Mariton, jugeant l’ex-chef de l’Etat disqualifié pour 2017. Même Eric Woerth, qui fait partie des lieutenants de M. Sarkozy, a surpris tout son monde en tenant des propos critiques contre l’ancien président de la République : « Nous n’avons pas de leader officiel, légitime, qui porte les couleurs officielles de l’ensemble du parti », a-t-il tranché sur i-Télé, en soulignant que si M. Sarkozy est « le leader du parti », il ne sera pas nécessairement le candidat que « la primaire va désigner pour l’élection présidentielle ». « La droite n’est pas prête, Les Républicains ne sont pas prêts, nous ne sommes pas en ordre de bataille nationale », at-il regretté, tout en pointant « une forme de division » interne. M. Woerth ne croit pas si bien dire. Lors du bureau politique de LR, lundi à 11 heures, chacun a compris d’emblée que tous les ingrédients sont réunis pour que la droite explose dès le soir du second tour. Car les rivaux de M. Sarkozy pour la primaire n’attendent qu’une chose : présenter la note à celui qui n’a pas réussi à faire refluer l’extrême droite, alors qu’il s’était lui-même présenté comme le « meilleur rempart au FN » lors de son retour en politique, à l’automne 2014. Jugeant la situation alarmante, Alain Juppé et François Fillon annoncent déjà leurs intentions d’en découdre après le 13 décembre. D’ici à dimanche, les deux principaux concurrents de M. Sarkozy vont retenir leurs coups pour ne pas être accusés d’avoir joué contre leurs troupes. Lundi matin, ils ont fait certes partie des 65 ténors de LR qui ont approuvé le « ni retrait ni fusion » des listes au second tour proposé par M. Sarkozy – seuls Nathalie Kosciusko-Morizet et Jean-Pierre Raffarin ont voté contre –, mais le débat sur le fond n’en est que repoussé. « On serre les dents » « Au lendemain de l’élection, il va falloir que nous ouvrions un débat sur la situation actuelle qui fait que, soyons lucides, nous ne sommes pas audibles », a affirmé lundi le maire de Bordeaux. Pour ce partisan d’un rapprochement avec le centre, il sera temps de remettre en question la ligne droitière de M. Sarkozy. L’échec de son camp au premier tour des régionales renforce sa conviction : pour lui, il est contreproductif de courir après l’extrême droite. Cela pousse des électeurs à préférer l’original à la copie. Même attitude chez M. Fillon, partisan de « reporter après le second tour les examens de conscience ». En attendant, « on serre les dents et on fait campagne sans états d’âme ». Le débat s’annonce rude, d’autant que M. Sarkozy a déjà prévenu qu’il n’entendait pas changer sa stratégie face au parti de Marine Le Pen, qui consiste à reprendre les thématiques chères à l’extrême droite (immigration, sécurité, islam) pour tenter de retenir les électeurs de droite attirés par le FN. « Il nous faut entendre et comprendre l’exaspération de tous ceux qui ont peur qu’on méprise leur identité et change leur mode de vie. (…) Nous devons impérativement rester fidèles à nos convictions », a-t-il souligné dès dimanche soir. Le lendemain, sur France 2, il a même tenu à souligner son antériorité par rapport à Mme Le Pen sur les thèmes de « l’identité nationale » ou des « racines chrétiennes » de la France, en rappelant qu’il les avait abordés « dès 2007 ». Mais l’ex-chef de l’Etat sait aussi qu’à trop labourer le terrain du FN, il risque de décomplexer une partie de ses électeurs et de les faire basculer dans le camp frontiste. Il l’a lui-même reconnu lundi soir : « Il faut rétablir de l’autorité et de la fermeté dans notre pays », mais « la difficulté qui est la nôtre, c’est de répondre à cette radicalité sans soi-même être dans l’extrémisme et dans l’excès ». p bastien bonnefous et alexandre lemarié es électeurs de gauche vote rontils Christian Estrosi, dimanche 13 décembre, au second tour des régionales en Pro venceAlpesCôte d’Azur (PACA) ? Avec un retard de 249 834 voix sur Marion Maréchal-Le Pen (FN), l’équation est simple pour le candidat du parti les Républicains qui a choisi comme slogan de campagne dans l’entre-deux-tours : « Le résistant ». La victoire ne passera que par un report massif des 410 000 soutiens du PS et de la liste EELVFront de gauche au premier tour. Voilà pour la théorie. Même si plusieurs voix socialistes, comme celles du président sortant du conseil régional, Michel Vauzelle, ou de l’ancienne ministre MarieArlette Carlotti appellent à voter Estrosi, l’exercice pratique s’annonce plus aléatoire. Dès dimanche soir, au Dock des suds de Marseille, où Christophe Castaner (PS) a annoncé son retrait sous la pression des décisions nationales et contre l’avis de nombreux colistiers, les débats ont duré tard. « Pourquoi aller si vite ? s’emporte Sébastien Jibrayel, conseiller régional sortant. On ne pouvait pas prendre le temps de réfléchir à la meilleure solution ? » « Je reçois des messages de militants qui me disent qu’on s’est couchés devant Paris, enrage l’élu arlésien Mohamed Rafaï. Les électeurs de gauche n’iront pas voter Estrosi. On disparaît du conseil régional et, en plus, le FN va gagner. On aura tout perdu. » Lundi, la colère était un peu retombée, mais le doute persiste. L’un des gimmicks de Castaner, « On ne peut choisir entre l’extrême droite et la droite extrême », résonne étrangement dans l’esprit des sympathisants de gauche. « Expliquer » Dans son magasin de reprographie du 5e arrondissement de Marseille, Marie-Clémence Balle, 62 ans, a « la boule au ventre ». Cette électrice qui a donné ses voix « alternativement aux socialistes, aux Verts ou au Front de gauche » vit cette fois un déchirement. « En 2002, j’ai voté Chirac… Mais là, Estrosi, je ne peux pas. Tout ce qu’il a pu dire durant cette campagne, tout ce qu’a fait Sarkozy depuis qu’il a créé le ministère de l’identité nationale, me donne l’impression qu’il n’y a pas de différence avec le FN. Pour la première fois de ma vie, je vais voter blanc. » Au centre-ville, Jean-Louis et Marie-Claude Bouillot, militants PS, digèrent mal, eux aussi. La veille, ces deux retraités sont sortis ravis de leur bureau de vote, un « Tout ce qu’Estrosi a dit me donne l’impression qu’il n’y a pas de différence avec le FN » MARIE-CLÉMENCE BALLE sympathisante de gauche des rares où les socialistes sont arrivés en tête. L’annonce du retrait du PS leur a donné « un coup violent ». « On a passé des semaines à expliquer aux gens pourquoi il fallait voter Castaner et pas les Républicains, note Jean-Louis Bouillot. Je ne me vois pas maintenant expliquer pourquoi il faut voter Estrosi. » « Expliquer », le député socialiste des Bouches-du-Rhône, Patrick Mennucci, veut pouvoir le faire face à ses électeurs. « Mais pour convaincre, il nous faut des billes », assure-t-il. A la première heure, lundi, il a appelé Renaud Muselier, tête de liste LR dans le département pour lui proposer de « s’engager sur plusieurs points de la future politique régionale et notamment la préservation de mesures sociales du précédent mandat ». « Se retirer était la seule solution, mais cela ne suffit pas : il en faut beaucoup plus pour pousser les électeurs de gauche à aller voter Estrosi », poursuit M. Mennucci, qui, lors des municipales mars 2014, avait maintenu ses listes dans une triangulaire qui a permis au FN de remporter une mairie de secteur. En déplacement à Paris pour la journée, Nicolas a, lui, déjà subi l’impact du premier tour en PACA. « A peine arrivé, on m’a demandé si ça se passait bien à Marseille avec le FN, explique ce quadra qui travaille dans l’analyse financière. Avant même le second tour, le reste du pays assimile déjà notre région et le Front. » Electeur de gauche dans un milieu professionnel très à droite (d’où sa volonté de rester anonyme), il ne se pose aucune question : « Au second tour, je voterai Les Républicains, parce que je sais le désastre que provoquerait une victoire du FN pour l’activité et l’image de PACA. » « Une pince à linge sur le nez » « Je voterai moi aussi, mais avec une pince à linge sur le nez », assure Nassera Benmarnia. Cette conseillère d’arrondissement socialiste en est persuadée : « La stigmatisation des musulmans par Christian Estrosi en début de campagne a laissé des traces qu’il sera difficile d’effacer » chez les électeurs, qui, comme elle, ont des racines au Maghreb. « Aujourd’hui, j’ai testé l’appel à voter à droite pour empêcher le FN de gagner. C’est totalement inaudible auprès de nos électeurs », souffle, de son côté, le copilote de l’union EELV-Front de gauche, Jean-Marc Coppola. Avec 6,5 % des voix, sa liste a abdiqué ses rêves de maintien. Et le désistement du PS a mis fin aux espoirs de fusion. « Je crains que ce retrait ne serve finalement à rien », prophétise l’élu PC. Comme beaucoup en PACA, il regrette « amèrement » qu’aucune force de gauche ne soit présente au second tour. p gilles rof !" $&('%# = 2 ( 7 # $ 2 . $ 9 ( 1 1 A # ! = 2 (- ! 1 Gattaz réclame un « plan d’urgence » contre le chômage Le président du Medef, Pierre Gattaz, a appelé, mardi 8 décembre, le gouvernement à mettre en place un plan d’urgence national contre le chômage, « le problème le plus grave » à ses yeux. « On n’a pas fait ce qu’il fallait sur le chômage de masse. Vous avez vu les attentats terroristes. Il y a eu un plan d’urgence, un état d’urgence, a-t-il ajouté. Il faut faire la même chose sur le chômage. » Il préconise une réhabilitation des filières d’apprentissage et une lutte contre le décrochage scolaire. 9& "5+:' 0>: '&4 >:>3>B4 ->4>3&, :835& 4>3& < ///6*&5:+5'%;+"5&,6)8; )/(&*, #/(4%114 ",+ #(2!"."*$ 01*. 4( ,(2+8- 7 %12,133". ('"% 31#8.(+6125 4 | les élections régionales 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Dans l’Est, M. Masseret assume sa dissidence Malgré les ordres de la direction du PS, le candidat refuse de retirer ses listes et veut se maintenir au second tour P osé à l’envers sur la table, son portable vibre en continu. La France socialiste veut le joindre pour le féliciter, le rappeler à la raison ou le menacer. Jean-Pierre Masseret s’en désintéresse. Les yeux dans le vague, il laisse l’appareil s’épuiser sans consulter les appels en absence. A 71 ans, le candidat PS pour la région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine a décidé de s’assumer et de faire fi des consignes parisiennes. Réfugié dans la fédération socialiste de Moselle, bâtiment cubique et austère, il veut mener ce dernier combat en solo. Et tant pis s’il est perdu d’avance. « La solution de facilité, pour moi, aurait été le retrait. J’aurai plié les gaules, et c’était fini. Là, je vais prendre des coups, ils vont me vouer aux gémonies, me bouffer le foie, me jeter à la poubelle », souffle-t-il, calme, au milieu de l’agitation de ses conseillers. Le président du conseil régional de Lorraine a obtenu 16,11 % des suffrages au premier tour, loin des 25,83 % de Philippe Richert, le candidat de la droite, et très loin des 36,06 % de Florian Philippot (FN). Malgré ce score, le plus faible de toutes les listes socialistes, il ne se sent pas fautif. Il préfère accuser le contexte national et « Sarkozy et ses boys qui ont ouvert les brèches ». « Nous ici, nous n’avons jamais rien fait pour alimenter la montée du FN. Parce que les résultats ne sont pas là, il faudrait prendre son sac et s’en aller. Une élection, c’est fait pour aller jusqu’au bout. » Entre survivre dans une collectivité dirigée par le FN ou disparaître en victime expiatoire des échecs de toute la classe politique, le Lorrain a choisi. Et il est têtu. Le bras de fer entre la Rue de Solférino et les socialistes de l’Est n’a pas cessé depuis dimanche soir. A peine les résultats connus, M. Masseret prend les devants et martèle à la presse sa stratégie assumée depuis des semaines : il ne Manuel Valls envoie lundi un message au candidat : « Tu commets une erreur. Tu ne peux pas avoir raison contre tout le monde » se retirera pas. A Paris, presque au même moment, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, réaffirme la ligne du parti et cite les régions où ce désistement devra être respecté : NordPas-de-Calais Picardie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Aucune mention n’est alors faite de l’Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. La direction du PS veut laisser quelques heures à M. Masseret pour résister puis sortir la tête haute de cette débandade. « Il a envie qu’on le force à se retirer », explique alors, confiant, un dirigeant socialiste. Mais le PS déchante rapidement devant l’obstination de l’ancien secrétaire d’Etat aux anciens combattants. « Il se refuse à tout contact, et c’était déjà le cas avant le premier tour, regrette Christophe Borgel, le responsable des élections au PS. C’est la seule équipe de campagne avec laquelle je n’ai pas pu discuter la semaine dernière. » Les dirigeants socialistes, tout en appelant à voter pour la droite dans cette région, occupent la journée de lundi à le raisonner par médias interposés. M. Cambadélis assure sur RTL que le candidat PS se retirera. Sur Europe1, M. Masseret lui répond que non. Le patron du PS monte en gamme sur BFM-TV : « Je ne crois pas que Jean-Pierre Masseret, après une vie consacrée à la gauche, souhaite à 71 ans terminer par la victoire de M. Philippot. » M. Richert (LR) appelle à la mobilisation « Je laisse Jean-Pierre Masseret et le Parti socialiste décider, sachant que s’ils ne se retirent pas, évidemment, ils favorisent le FN », a expliqué le candidat de la droite et du centre, Philippe Richert, dans un entretien à France Bleu Alsace, lundi 7 décembre. Le président du conseil régional d’Alsace a, en revanche, répété son scepticisme quant à l’idée d’une fusion, estimant qu’il n’était « matériellement pas possible de faire une fusion sur 10 départements » en moins de deux jours. Son parti, les Républicains, refuse de toute façon toute idée de fusion avec d’autres listes. M. Richert a également appelé à la mobilisation de tous les autres partis pour faire barrage au FN : « Il y a quand même plus de 60 % des électeurs qui ne souhaitent pas que le FN soit à la tête de la région, il faut en tirer toutes les conséquences. » Le candidat socialiste Jean-Pierre Masseret lors d’une conférence de presse à Metz, le 7 décembre. JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP En région, les élus locaux s’en mêlent. Le maire de Metz, Dominique Gros, la députée de la Moselle, Aurélie Filippetti, le maire de Strasbourg, Roland Ries, le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, Mathieu Klein, réclament le retrait. L’un des colistiers de M. Masseret, Samuel Hazard, maire de Verdun (Meuse), annonce son départ de l’équipe. Toujours pas de réponse. Les grands moyens sont alors déployés. Manuel Valls envoie un message au candidat : « Tu commets une erreur. Tu ne peux pas avoir raison contre tout le monde. » « Adversaire et ennemi » M. Masseret est alors en réunion avec les têtes de liste et les premiers secrétaires fédéraux des dix départements de la région. Il répond au premier ministre que l’évitement est voué à l’échec, pendant que ses colistiers débattent sur la meilleure façon de résister au FN. « C’est dommage que l’on s’y mette lors d’un entre-deux tours mais cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu d’échanges aussi intéressants au sein du PS », estime Julien Vaillant, tête de liste en Meurthe-et-Moselle, qui s’est prononcé pour un retrait Les prix de l’innovation Passionné par le monde des Smart Cities ? Découvrez l’espace dédié aux Smart Cities sur lemonde.fr/smart-cities Des contenus réalisés par la rédaction du Monde et des experts tout au long des prix de l’innovation Smart Cities. Partenaire principal : Partenaires : afin de ne pas « confondre l’adversaire qui est la droite et l’ennemi qui est l’extrême droite ». Lui, comme quelques autres, pensent au court terme en voulant préserver la région du danger frontiste. D’autres affirment que le « front républicain » ne fonctionne plus, que le retrait sert le FN sur le long terme en entretenant la confusion entre les partis. Une analyse partagée par presque tous les dirigeants de la droite convertis au « ni-ni » depuis des années. Certaines têtes de liste brandissent même des analyses électorales sur les reports de voix de la gauche vers le FN. Et une division se dessine entre élus urbains, moins concernés par l’hémorragie, et élus ruraux, menacés par la disparition pure et simple du PS dans les mairies et dans les sections. « Moi, je me contrefous des consignes de Paris. Comment reconstruit-on en désertant les collectivi- « Moi, je me contrefous des consignes de Paris » GEORGES VOIRNESSON premier secrétaire fédéral de la Haute-Marne tés ? Il faut se battre pied à pied pour préparer l’avenir », analyse Georges Voirnesson, premier secrétaire fédéral de la HauteMarne. Opposé sur la stratégie à court terme, M. Vaillant le rejoint : « Il est temps de passer à autre chose, de réfléchir car nous sommes divisés en profondeur. Le cordon sanitaire ne marche pas toujours et apporte des réponses à courte vue. Je ne suis, par contre, pas sûr que le PS soit outillé intellectuellement pour nous apporter quelque chose. » M. Masseret organise alors un vote : 13 voix pour le maintien, 7 contre. Sa liste du second tour a été déposée à la préfecture, lundi en fin d’après-midi. Le PS ne désespère pas de convaincre M. Masseret de se raviser avant mardi 18 heures. A défaut, le parti retirera son investiture. A plus longue échéance, difficile de savoir si cette fronde est révélatrice du scepticisme des élus de base sur la stratégie du front républicain ou juste l’histoire de quelques élus voulant sauver leurs postes. « J’irai jusqu’au bout même si je vais prendre mon parti dans la tête », conclut M. Masseret qui a promis à sa femme que cette campagne serait la dernière. Une dernière qui pourrait se conclure par l’élection du premier président frontiste d’une région française. p nicolas chapuis et matthieu goar (strasbourg, envoyé spécial) Un admirateur de Vercingétorix qui cultive l’art de la transgression ancien champion de marathon, Jean-Pierre Masseret sait que la politique est une question d’endurance. La course de fond va se poursuivre jusqu’au 13 décembre, après son refus de se retirer à l’issue du premier tour des élections régionales, malgré les consignes données par le premier secrétaire du Parti socialiste, JeanChristophe Cambadélis, appelant à faire barrage au Front national et au retrait de la liste PS. Le président sortant du conseil régional de Lorraine et tête de liste socialiste aux élections régionales en Alsace-ChampagneArdenne-Lorraine a indiqué qu’il n’était « pas question pour [lui] de se retirer », ni de fusionner des listes avec celles de la droite. Cheveux gris, fines lunettes noires, l’homme, qui vient de fêter ses 71 ans, « avoue cultiver l’art de la transgression » et « aime inciter l’autre à penser autrement, au risque de se perdre », relevait le quotidien La Montagne en septembre. Décrit comme « intelligent », « chaleureux » et « humaniste » par Philippe David, l’ancien maire de Hayange (Moselle), Jean-Pierre Masseret assure que « pour lui, les mots de “liberté”, d’“égalité”, de “fraternité” ne sont pas trois mots pour faire joli au fronton des bâti- ments publics, ils expriment, outre la devise de notre République, l’affirmation de l’universalité de l’humanité ». D’origine modeste, ce fils d’un mineur de charbon, marié et père de trois enfants, est né à Cusset, dans l’Allier. Diplômé d’une maîtrise de droit international à la faculté de Clermont-Ferrand, il a commencé sa carrière en devenant inspecteur des impôts à Paris. Première élection en 1979 Il a atterri en Lorraine après sa nomination à Metz. « A l’époque, on en parlait comme du Texas français. J’ai vu l’effroyable disparition de la sidérurgie et des mines de fer, de la chimie. J’ai vécu le choc de la désindustrialisation, la mondialisation. Alors, je me suis engagé aussi pour défendre les intérêts des Lorrains et des Mosellans », a-t-il raconté à Rue89. Il ne quittera plus la région. Depuis sa première élection, en 1979, comme conseiller général dans le canton de Montignylès-Metz (Moselle), Jean-Pierre Masseret a toujours été titulaire d’un mandat. Après deux échecs aux élections législatives de 1978 et 1981, il est élu au Sénat en 1983, à l’âge de 39 ans. Quatorze ans plus tard, il est nommé secrétaire d’Etat à la défense et aux anciens combattants par Lionel Jospin. Son passage au gouvernement est notamment marqué par la reconnaissance officielle de la « guerre d’Algérie », jusque-là pudiquement qualifiée par les autorités d’« événements » ou d’« opération de maintien de l’ordre ». « Européen convaincu », celui qui a exercé plusieurs mandats européens a voté contre le Traité constitutionnel en 2005, considérant que ce « n’était pas un projet politique de bon niveau et qu’il faisait la part belle à une gestion économique droitière », comme il l’explique sur son site de campagne pour la présidence de la région. A la tête de la région Lorraine depuis 2004, il a tenu 35 promesses sur les 73 qu’il avait annoncées, contre 11 non tenues et 19 inachevées (8 étant invérifiables), selon le décompte du Monde.fr. Admirateur de Vercingétorix, « le Gaulois qui a mis la pâtée au Romain Jules César, et qui, trahi par les siens, a fini par croupir à Alésia », Jean-Pierre Masseret se verrait bien réincarné en olivier, symbole de victoire, de paix et de réconciliation. D’ici là, il aura encore quelques guerres politiques à mener. p faustine vincent Photo © Hannah Assouline DANS LES MEILLEURES VENTES « Une pensée inquiète, passionnée par son époque, traversée par les contraintes. » Frédéric Joignot, Le Monde « Sa parole exigeante trouve un écho profond dans l’inconscient collectif. » Vincent Trémolet de Villers, Le Figaro « Ses lucidités visionnaires d’hier sont devenues des vérités criantes aujourd’hui. Alain Finkielkraut n’a jamais manqué de courage. » Jean-René Van Der Plaetsen, Le Figaro Magazine « Il faut souligner l’aspect à la fois humain et politique de ces textes. » Marc Weitzmann, Libération « Alain Finkielkraut trace à la machette un chemin de rélexion à travers les grands débats qui divisent le pays. » Christian Makarian, L’Express « Alain Finkielkraut est parfaitement de son temps. » Patrice Trapier, Le JDD « La vigilance de Finkielkraut est salutaire. » Pierre Pachet, Causeur 6 | les élections régionales 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Au second tour, la gauche part unie dans huit régions Socialistes, écologistes et Front de gauche ont fusionné leurs listes partout, sauf en Bretagne A peine les résultats du premier tour des régionales connus, dimanche 6 décembre, les têtes de liste de gauche ont entamé un véritable marathon en vue du second tour. Dès 20 heures, les équipes socialistes, écologistes et Front de gauche, se sont mises au travail souvent toute la nuit, voire plus, pour tenter de trouver un accord avant la date limite du dépôt des listes, mardi, 18 heures. Au final, malgré leurs profondes divergences, notamment sur la politique économique du gouvernement, les listes de gauche partiront unies dans huit régions sur les douze continentales – un accord en Bretagne ayant échoué mardi matin. En Corse, les socialistes, qui n’ont pas atteint les 5 % des voix, soutiennent le candidat divers gauche, Paul Giacobbi, qui a fusionné avec le PCF. Au soir du premier tour, le PS est systématiquement arrivé en tête des listes de gauche – une première position qui lui a permis de négocier en position de force – mais il a besoin de ses alliés s’il veut avoir une chance de l’emporter. Pour pouvoir fusionner, il faut avoir réalisé au moins 5 % des voix. Ce ne fut pas le cas pour EELV dans deux régions et dans six pour le PCF seul ou le Front de gauche. C’est sans doute à Paris que l’union a été la plus facile. Lundi à 17 heures, le socialiste Claude Bartolone, l’écologiste Emmanuelle Cosse et le communiste Pierre Laurent sont venus annoncer à la presse leur mariage politique. « Avec un total de 40 % au premier tour, les listes que nous représentons sont en position de gagner », a assuré M. Bartolone. Une tête de liste a été accordée à EELV dans le Val-d’Oise, et une autre, dans le Val-de-Marne, au PCF. Au-delà, « les places sur les listes ont été attribuées à la proportionnelle des résultats du premier tour », a expliqué Luc Carvounas, directeur de campagne du candidat socialiste. Simple « accord technique » La perspective de voir gagner la droite a aussi facilité les discussions dans des territoires marqués par une forte opposition à gauche. C’est le cas en Pays de la Loire, où la liste de la droite et du centre est arrivée largement en tête dimanche soir. Malgré leurs profondes divergences sur le projet d’aéroport de Notre-Damedes-Landes que le PS défend quand EELV le combat, les deux formations ont réussi à s’entendre. Sur cet épineux dossier, les écologistes ont obtenu le lancement d’une « étude indépendante sur l’optimisation » de l’aéroport existant de Nantes-Atlantique. Concernant les travaux, dont la reprise est prévue en 2016, des A La Réunion, la gauche et le centre s’unissent pour battre la droite Thierry Robert (MoDem), qui a recueilli 20,32 %. Les listes de gauche et du centre de La Réunion ont trouvé un accord lundi 7 décembre pour tenter de battre celle d’union de la droite, menée par le président sortant du conseil régional, Didier Robert (LR), et arrivée en tête dimanche. Cette liste de rassemblement sera conduite par la députée Huguette Bello, qui a recueilli 23,8 % des voix au premier tour, avec, en seconde position, Corse : les nationalistes fusionnent ainsi que la droite au second tour Les deux principales listes nationalistes corses, Femu a Corsica (conduite par Gilles Simeoni) et Corsica Libera, ont annoncé, lundi 7 décembre, leur fusion pour le second tour. Idem pour les deux principales listes de droite : celle de José Rossi (LR-UDI) et celle de Camille de Rocca Serra. Jean-Marie LE GUEN Bruno LE MAIRE Florian PHILIPPOT sont les invités de EDITION SPECIALE - ELECTIONS REGIONALES Mercredi 9 décembre à 20h30 Emission politique présentée par Frédéric HAZIZA Avec : Françoise FRESSOZ, Frédéric DUMOULIN et Yaël GOOSZ sur le canal 13 de la TNT, le câble, le satellite, l’ADSL, En vidéo à la demande sur www.lcpan.fr et sur Free TV Replay. www.lcpan.fr Jean-Jack Queyranne, tête de liste socialiste en Auvergne-Rhône-Alpes, entouré de la candidate communiste Cécile Cukierman et du candidat EELV Jean-Charles Kohlhaas, lundi 7 décembre à Lyon. PHILIPPE DESMAZES/AFP En Bretagne, où la liste de JeanYves Le Drian a réuni 34,92 % des voix, le PS a jugé les exigences d’EELV « au-delà de l’entendement » ambiguïtés dans le texte de l’accord subsistent, que chacun pourra utiliser à sa guise. En Rhône-Alpes-Auvergne, les négociations ont été plus poussives, même si elles ont fini par aboutir. Mais ici les divergences entre la liste socialiste de Jean-Jack Queyranne et celle de l’écologiste Jean-Charles Kohlhaas, qui unissait EELV et le PG, étaient trop profondes pour parvenir à un accord de majorité. C’est donc à une simple « fusion technique » que les deux équipes sont parvenues. Cela implique une répartition des places à la proportionnelle des résultats du premier tour mais sans engagement à participer à la future majorité en cas de victoire. « D’une certaine façon, c’est plus confortable : cet accord technique nous permet de ne pas fusionner avec une ligne sociale-libérale qui nous pose problème », indique M. Kohlhaas. En Bretagne, en revanche, les discussions ont tourné court mardi matin. Déjà en 2010, écologistes et socialistes n’avaient pas conclu d’accord. Rebelote cette année entre la liste conduite par le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, et celle de René Louail (EELV) qui a obtenu 6,70 %. M. Le Drian ayant réalisé le meilleur score du PS avec 34,92 % des suffrages, les socialistes ont jugé les exigences d’EELV « audelà de l’entendement ». « Les Verts lui auraient coûté électoralement dans la dynamique de second tour » confie un proche du candidat PS. Une appréciation qui a suscité la colère de David Cormand, chargé des élections à EELV : « Le seul endroit où ça ne se fait pas, c’est là où il y a un ministre. C’est la bande de Hollande, ce sont les plus sectaires. Il y a les mecs du gouvernement qui sont complètement à côté de la plaque et ceux qui essayent d’écoper leurs conneries ailleurs en France. » Restent les régions où le PS a décidé de retirer ses listes face au danger du Front national. Ses partenaires d’EELV et du PCF, qui n’étaient pas en mesure de se maintenir, ne digèrent toujours pas cette « décision unilatérale ». En Provence-Alpes-Côte-d’Azur, l’écologiste Sophie Camard qui conduisait une liste avec le Front de gauche aurait aimé que la gauche se maintienne face à Marion Maréchal-Le Pen (FN) et Christian Estrosi (LR) pour « ne pas disparaître » au conseil régional pendant les six prochaines années. « On nous laisse crever pour montrer qu’on a les mains propres, enrage-t-elle. Moi, j’irai le mettre dimanche ce fichu bulletin Estrosi, mais je sais que les trois quarts de mon électorat ne se déplacera pas. » Une façon de rappeler que les accords d’appareil ou consignes de vote ne sont effectivement pas une garantie suffisante pour assurer le report des voix du premier tour. p raphaëlle besse desmoulières, hélène bekmezian et nicolas chapuis La dure bataille de Jean-Jack Queyranne En Auvergne-Rhône-Alpes, le PS et ses alliés devront compter sur la mobilisation des abstentionnistes et d’excellents reports pour pouvoir battre Laurent Wauquiez, le candidat LR lyon - envoyée spéciale L es visages ont le teint gris de ceux qui ont à peine dormi. Des silhouettes somnolent, sur des canapés, au milieu des clients qui passent en traînant leurs valises. On se croirait presque dans une salle d’attente d’aéroport si, de temps à autre, un conseiller ne s’approchait de Jean-Jack Queyranne avec un bout de papier barré de chiffres et de schémas compliqués. La tête de liste socialiste en Auvergne-Rhône-Alpes s’est enfermée depuis une dizaine d’heures, lundi 7 décembre, dans cet hôtel du cours Charlemagne, au centre de Lyon, pour négocier le ralliement des écologistes et des communistes et l’affaire ressemble déjà à un long voyage. Dès le lendemain du premier tour, son adversaire Laurent Wauquiez (LR), arrivé en tête (31,73 %) devant Christophe Boudot (FN, 25,52 %) et la liste PS (23,93 %), est reparti en campagne. Tous ceux qui sont là, dans ce hall d’hôtel, peuvent voir sur Twitter et à la télévision régionale les images qui le montrent, dans sa parka rouge, répéter que « la victoire est à portée de main » en arpentant la Dombes, dans ce département de l’Ain, où le FN a fait parmi ses plus gros scores. Mais il faut bien que les négociations aboutissent si la gauche veut en- Laurent Wauquiez, figure de la droite dure, est pourtant un bon repoussoir pour la gauche core avoir une chance de le faire mentir. Les têtes de liste départementales qui entourent Jean-Jack Queyranne ont vite vu la difficulté. Au premier tour, les listes socialiste, écologiste et communiste ont remporté 908 318 voix. Laurent Wauquiez et les listes divers droite plus Debout la France en comptent 867 258. Avec un FN si haut, le score est serré. « Les socialistes se maintiennent plutôt bien dans les grandes villes, souligne Hervé Saulignac, le président de l’Ardèche, mais les écologistes se sont effondrés. » En 2010, Europe Ecologie-Les Verts avait obtenu 304 541 voix sur la seule région Rhône-Alpes. Dimanche, ils n’ont glané que 173 000 voix en ajoutant l’Auvergne… « Il faudra un très bon report des voix pour que JeanJack Queyranne puisse l’emporter et vienne briser la dynamique de premier tour qui, aujourd’hui, bénéficie à Laurent Wauquiez », note le politologue Daniel Navrot. L’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, figure de la droite dure, est pourtant un bon repoussoir pour la gauche. Jean-Jack Queyranne n’appelle d’ailleurs plus le numéro trois des Républicains que « le candidat de la droite extrême ». Dans les petites villes où les militants de gauche continuent de faire du porte-à-porte, on dit les choses plus directement encore : « Lui ou le FN, c’est facho blanc ou blanc facho ». Un logiciel de calcul Lundi, l’annonce de l’appel d’Antoine Rechagneux, le chef de file du Front national à ClermontFerrand, à soutenir Laurent Wauquiez est venu comme un argument supplémentaire. Aux passants qui refusent un tract, les militants socialistes lisent à haute voix la déclaration de l’élu frontiste : « En mon âme et conscience, je reste fidèle à Marine Le Pen… Mais je ne peux pas supporter que notre région continue à être sous le joug socialo-écolo-communiste. » Sans dire que le candidat du FN, Christian Boudot, en lice lui aussi pour ce second tour tripartite, a désavoué son élu. Les conseillers de Jean-Jack Queyranne ont calculé sur un logiciel le nombre de sièges qui peuvent revenir à chacun des partenaires de la gauche ralliés pour le second tour. Mais chacun sait qu’il faudra aussi compter sur la mobilisation des abstentionnis- tes du premier tour. Ils sont en nombre record dans ces banlieues populaires où les socialistes et les communistes ne font plus de beaux scores depuis longtemps. A quelques rues de l’hôtel où la gauche met la dernière main à sa liste de rassemblement, seul le recteur de la grande mosquée de Lyon, Kamel Kabtane paraît s’en inquiéter. En compagnie d’Azzedine Gaci, le recteur de la mosquée Othmane, à Villeurbanne, il s’est décidé lundi à publier un appel. « 75 % d’abstention à Vaux-en-Velin, 69 % à Givors, 68 % à Vénissieux, 63 % à Pierre-Bénite, 61 % à Saint-Priest… Que font nos élus de la diversité ? A quoi servent-ils ? », s’agacent ces deux tenants d’un islam ouvert et républicain, avant de rappeler : « Ce n’est pas aux responsables des mosquées d’aller à la rencontre des citoyens pour les inciter à voter. Ce n’est pas aux imams d’en parler dans les prêches du vendredi. Le rôle d’un élu de la diversité ne doit pas se limiter à prendre des photos avec le maire quand il lui arrive de visiter les cités et les quartiers difficiles et de les mettre sur sa page Facebook. » Quelques jours avant le premier tour, les deux recteurs avaient déjà appelé les musulmans à s’affirmer les « plus ardents défenseurs de la devise républicaine » et à aller voter. Sans grand succès. p raphaëlle bacqué BRISE LA GLACE SANS FAIRE FONDRE LA NEIGE. CITROËN E-MEHARI ÉLECTRON LIBRE Cabriolet électrique 4 places. Printemps 2016. citroen.fr 8 | les élections régionales 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Une poussée de l’extrême droite hors de ses bastions Le parti lepéniste a renforcé ses zones d’influence historiques mais conquiert aussi de nouveaux territoires A vec 27,73 % des suffrages exprimés au premier tour des élections régionales, dimanche 6 décembre, le Front national réalise son plus haut score historique dans des élections nationales. De plus, en recueillant 6 018 775 voix, selon les résultats définitifs communiqués par le ministère de l’intérieur, malgré une abstention légèrement supérieure à 50 %, il obtient le deuxième total de voix le plus élevé après celui réalisé par Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2012 (6 421 426 voix). C’est plus que n’en avait recueilli Jean-Marie Le Pen en 2002 (5 525 906 voix), lorsqu’il s’était qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle. Ainsi, le PS et ses alliés, qui avaient obtenu 29,5 % des suffrages au premier tour des élections régionales de 2010, reculent à 23,4 % cette année. Le recul est moins prononcé pour la droite mais tout aussi réel : en 2010, alors que le scrutin régional avait été catastrophique pour elle, l’addition des suffrages de l’UMP, du Nouveau Centre et du MoDem représentait 30,7 % ; les listes LR-UDIMoDem en recueillent cette année 27,2 %. Le FN, lui, progresse de plus de 16 points en cinq ans. Percée dans le Sud-Ouest Pour mesurer l’évolution des scores du parti d’extrême droite, il vaut mieux se reporter aux résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2012, ces évolutions étant mesurées non en nombre de voix mais en pourcentage. D’emblée, un premier constat s’impose : c’est dans ses zones de forte implantation que le parti d’extrême droite enregistre ses plus fortes progressions. Ainsi, dans le Var, où il réalise son meilleur score (44,57 %), il progresse de près de 20 points. Dans le Pas-de-Calais, où il obtient 44,38 %, cela représente un bond de près de 19 points. Les PyrénéesOrientales, 41,70 % (+17,5 points), la Somme, 41,02 % (+17,2 points), l’Aisne, 43,55 % (+17,2 points), le Vaucluse, 44,22 % (+17,2 points), l’Oise, 42,08 % (+17 points), et la Haute-Marne, 42,2 % (+17 points), sont autant de bastions du FN. LE CHIFFRE Le FN progresse le plus dans ses zones de force COMPARAISON DES RÉSULTATS DES PREMIERS TOURS DE LA PRÉSIDENTIELLE DE 2012 ET DES RÉGIONALES DE 2015 34,8 % SCORE DU FN EN 2012 20 % et plus Le FN recueille 34,8 % des intentions de vote chez les jeunes de 18 à 24 ans ayant l’intention de voter, d’après l’étude Ipsos-Sopra Steria pour le Cevipof sur la sociologie de l’électorat dont une partie des résultats a été publiée dans Le Monde du 4 décembre. Néanmoins, 65 % de cette classe d’âge, pour ceux qui sont inscrits sur les listes électorales, s’abstiennent. Le parti d’extrême droite réunit 46,5 % des intentions de vote chez les ouvriers, 41,5 % chez les employés et 41,4 % parmi les chômeurs. Moins de 20 % ÉVOLUTION DU SCORE DU FN ENTRE 2012 ET 2015 Plus de 10 points Nord-Pas-de-CalaisPicardie Normandie Ile-de-France AlsaceChampagne-ArdenneLorraine Bretagne Pays de la Loire BourgogneFranche-Comté CentreVal-de-Loire Aquitaine-LimousinPoitou-Charentes à 30,93 %, soit +11,28 points. Il apparaît a priori difficile de relier entre elles les raisons de cette forte poussée de la formation lepéniste dans ces départements. AuvergneRhône-Alpes Languedoc-RoussillonMidi-Pyrénées Provence-AlpesCôte d'Azur Corse SOURCE : MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR Globalement, le parti lepéniste enregistre une progression de plus de 10 points en trois ans et demi dans 42 départements. Dans 12 d’entre eux, cette évolution est supérieure à 15 points. Cependant, ces fortes progressions révèlent aussi de nouvelles zones d’im- OFFRE EXCEPTIONNELLE MATELAS & SOMMIERS 8@449 7L+95, plantation du FN, parfois inattendues. Ainsi, dans les Hautes-Alpes, il passe de 17,70 % en 2012 à 32,58 %, soit près de 15 points de plus. Toujours sur le flan est de l’Hexagone, le FN progresse de 12,5 points dans le Doubs, passant de 19,19 % à 31,74 %. Autre percée inattendue dans le Sud-Ouest, dans trois départements où la gauche est traditionnellement forte. Dans le Tarn, le parti d’extrême droite passe de 18,93 % à 30,83 % (+11,9 points). En Ariège, il gagne 11,65 points en passant de 16,79 % à 28,44 %. Enfin, dans le Gers, la liste conduite par Louis Aliot recueille 26,35 % des suffrages quand Marine Le Pen en avait obtenu 15,90 %, soit une progression de 10,45 points. A Par rapport à 2012, le FN enregistre une progression de plus de 10 points dans 42 départements croire que le bonheur n’est plus dans le pré ! Une autre zone de renforcement se dessine, sur un arc qui va de la Sarthe à la Nièvre. Dans la Sarthe, département dont François Fillon fut longtemps l’élu, le FN gagne 10,5 points en passant de 19,17 % à 29,67 %. L’Indre-et-Loire mitoyenne connaît elle aussi une progression de 10,2 points de la formation lepéniste, qui passe de 15,98 % à 26,18 %. Puis c’est l’Indre qui, elle aussi, voit le FN bondir de 19,55 % à 30,21 %, en gagnant 10,66 points. Le Cher voisin enregistre une progression de 12,09 points : la présidente du parti d’extrême droite y obtenait 19,73 % des suffrages en 2012, la liste de Philippe Loiseau en réunit 31,82 %. Enfin, cette progression est aussi marquée dans la Nièvre, fief mitterrandiste s’il en fut : le FN gagne 11,79 points, son score grimpe de 19,58 % à 31,37 %. Un autre département connaît une forte progression du FN en Ile-de-France, la Seine-et-Marne, où il passe de 19,65 % En baisse dans la Haute-Loire La progression du FN est limitée à moins de 10 points dans 52 départements. Elle est inférieure à 5 points dans sept d’entre eux : Val-de-Marne (+4,93 points), Finistère (+4,54 points), Puy-de-Dôme (4,16 points), Côtes-d’Armor (+3,93 points), Hauts-de-Seine (+3,83 points), Paris (+3,45 points) et le Cantal (+2,26 points). Autant de départements où les scores de Marine Le Pen n’excédaient pas 15 % en 2012, voire étaient inférieurs à 10 %, comme à Paris et dans les Hauts-de-Seine. Le FN recule dans un seul département métropolitain, en HauteLoire : il perd 2,15 points, reculant de 20,40 % à 18,25 %. Peut-être faut-il y trouver une explication dans le positionnement très à droite de Laurent Wauquiez, chef de file de LR dans ce département dont il est élu député et maire du Puy-en-Velay. Le FN enregistre également un recul sensible dans deux départements d’outre-mer : en Guadeloupe, où il ne recueille que 1,4 %, soit un repli de 3,76 points, et à La Réunion, où il chute de 10,31 % à 2,39 %, soit une perte de 7,92 points. Des exceptions très marginales au regard de la poussée historique enregistrée par l’extrême droite à l’occasion de ce scrutin, qui révèle également une nouvelle étape dans son développement territorial. p patrick roger Le FN progresse fortement dans les villes qu’il dirige depuis 2014 @6- ,.-638 ?GG -9,,1-+, 4@+95@, ,959<+ % KCH#"'E 72 ;0 (! 4@+95@, @4=@,,@:10 KCH#"'E 72 ;0 (! "! "! 4@+95@, 9:93 ? KCH#"'E 72 /G (! 4@+95@, .@5@<9 ,BF!)C'")E #ICJ$FJ A#E(H 72 ;D (! 'I *%G>*&G @ .@-+6- :9 Existe en toutes dimensions 50 av. d’Italie 75013 PARIS 247 rue de Belleville 75019 PARIS 148 av. Malakof 75016 PARIS 0/G! 262 bd du Havre 95 PIERRELAYE .2 ") .0 -2 .. -:+6;*3(;157 !3(/,;/% %7 <3(7&% $ #?/(;91 1,3 85'%&54&58 hénin-beaumont (pas-de-calais), Beaucaire (Gard), Cogolin (Var)… Certes, toutes ces villes font partie des zones de forte implantation du Front national puisqu’elles ont été conquises par l’extrême droite aux élections municipales de mars 2014. Un an et demi après, comment les électeurs de ces communes dirigées par une municipalité FN ou soutenues par le FN se sont-ils prononcés au premier tour des élections régionales ? Y a-t-il eu un mouvement de désaffection ou, au contraire, de renforcement vis-à-vis du FN à l’aune de sa gestion municipale ? La réponse penche vers la deuxième hypothèse. Partout, dans ces communes, les listes FN obtiennent non seulement des scores très supérieurs à leurs résultats à l’échelle du département ou de la région, mais elles réalisent aussi des progrès impressionnants par rapport à leurs scores du premier tour des élections municipales. A commencer par Hénin-Beaumont, où Steeve Briois (FN) avait été élu dès le premier tour en mars 2014 avec 50,25 % des voix : la liste conduite par Marine Le Pen y recueille cette fois 59,36 %, soit 15 points de plus que son score départemental. Elle ob- tient 48,65 % à Villers-Cotterêts (Aisne), un score qui dépasse de 5 points sa moyenne départementale et représente une progression de 16,5 points par rapport aux municipales. A l’autre extrémité de la France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la liste de Marion Maréchal-Le Pen réalise également des scores élevés dans les villes conquises en 2014 par le FN. Dans le Var, elle obtient 54,26 % à Cogolin, soit 15 points de plus qu’aux municipales de 2014 et près de 10 points de plus que sa moyenne départementale (44,57 %), 52,70 % au Luc (+ 16 points par rapport aux municipales), 50,43 % à Fréjus (+10 points). Dans le 13e arrondissement de Marseille, elle recueille 44,57 % (+12 points). L’exception Béziers Même chose dans le Vaucluse, où Mme Maréchal-Le Pen est élue députée. Au Pontet, elle réunit 53,73 % des suffrages, soit 9,5 points de plus que sa moyenne départementale (44,22 %) et 19 points de plus qu’aux municipales. A Camaret-surAigues, la liste FN obtient 53,21 %, enregistrant une progression de 22 points par rapport aux municipales de 2014. Dans la région voisine de LanguedocRoussillon-Midi-Pyrénées, où la liste FN est conduite par Louis Aliot, celle-ci recueille 59,68 % à Beaucaire, ce qui la situe 19 points au-dessus de sa moyenne dans le Gard et marque une hausse de près de 27 points par rapport au premier tour des municipales. La seule et notable exception se situe à Béziers (Hérault), où la liste du FN réalise certes, avec 45,81 %, un score supérieur de 10 points à la moyenne départementale mais qui dépasse d’à peine un point celui qu’avait obtenu Robert Ménard au premier tour des départementales. Dans l’est, la liste de Florian Philippot obtient 45,91 % à Hayange (Moselle), 7 points de plus que sur le département (38,90 %) et une progression de 16,5 points par rapport aux municipales. Enfin, en Ile-de-France, la liste de Wallerand de Saint Just obtient 34,41 % à Mantes-la-Ville (Yvelines), ce qui la situe 15,5 points au-dessus de sa moyenne départementale et représente une progression de 13 points par rapport aux municipales. Des scores significatifs, qui témoignent d’une influence accrue dans les zones passées sous la coupe du FN. p p. rr les élections régionales | 9 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Liévin : bastion socialiste en perdition Avec 48,3 % des voix, dans cette ville ancrée à gauche, le parti d’extrême droite fait un score spectaculaire liévin (pas-de-calais) envoyé spécial G uillaume Kaznowski a 27 ans, du gel dans les cheveux, un crédit pour sa voiture, et habite encore chez ses parents, à Liévin (Pas-de-Calais). Promis, maintenant qu’il travaille dans la grande distribution, il va trouver son propre logement. Et puis, cela ferait mauvais genre pour un conseiller régional de continuer à vivre sous le toit parental. Le jeune homme, placé en douzième position sur la liste du Front national dans le Pas-de-Calais, a bon espoir d’être élu à l’issue du second tour des élections régionales, dimanche 13 décembre, en Nord-Pas-deCalais-Picardie. Marine Le Pen est arrivée largement en tête du premier tour dans la région, avec 40,64 % des voix. Liévin, 31 000 habitants, bastion socialiste qui tient encore debout, a plus que contribué à l’ef- fort électoral frontiste en votant à 48,3 % en faveur de la candidate. Reparti en campagne, Guillaume Kaznowski garde sous le bras son téléphone portable et son iPad serrés l’un contre l’autre. Il a en mémoire sur son répondeur les messages laissés ces dernières semaines par des habitants de la cité minière. N’importe qui peut trouver son numéro dans les dernières pages du Liévinois, le journal municipal : il est responsable du petit groupe FN au conseil municipal, qui compte cinq élus. Une vieille dame l’a appelé il y a quelques jours pour se plaindre d’un squat installé dans un garage, non loin de chez elle. Après avoir sollicité en vain la mairie, elle s’est tournée vers le Front national. Le jeune élu n’a pas encore retourné son appel. « Quand on sera au conseil régional, on pourra leur répondre », assure-t-il. Il y a un an et demi, à Liévin, le Parti socialiste gagnait les élec- Lunel traumatisée par l’affaire des djihadistes Dans cette ville de l’Hérault qui avait défrayé la chronique, le FN imprime sa marque lunel (hérault) - envoyé spécial I ls sont difficiles à débusquer ces 43,31 % d’électeurs qui ont voté pour Louis Aliot (FN) à Lunel (Hérault), au premier tour des élections régionales, dimanche 6 décembre. Y aurait-il un « syndrome mosquée » à l’origine de cette flambée du Front national dans cette petite ville située à une vingtaine de kilomètres à l’est de Montpellier, et dont la mosquée El Baraka a défrayé la chronique en 2014 après qu’une vingtaine de jeunes Lunellois l’ayant fréquentée étaient partis en Syrie. Huit d’entre eux y auraient trouvé la mort. Les Lunellois en ont un peu marre de cette image qui fait d’eux des « fachos décomplexés », comme le dit un commerçant du cours Gabriel-Péri, au centre de la ville. De même qu’en ont marre les habitants d’origine maghrébine – nombreux dans cette commune de 26 000 habitants – de se voir assimilés sans nuances à des djihadistes, des salafistes, des intégristes… Eux dont la plupart sont « français de cœur et d’âme depuis que [leurs] parents et [leurs] grands-parents sont allés [se] faire trouer la peau pour la France dans les deux guerres mondiales », soupire, au Bar des Amis, un homme de 56 ans arrivé « tout petit » à Lunel après une autre guerre, celle d’Algérie en 1961. Juste un vote de colère ? Ceux qui acceptent de parler au journaliste sont ceux qui n’ont pas voté Front national. Qui en connaissent certains – « mais je ne vous dirai pas le nom » –, et qui reconnaissent, sous le sceau de l’anonymat, qu’ils comprennent que ces « certains » en aient un peu « ras-le-bol ». Juste un vote de colère, de désespoir, que ce choix du FN ? Ou un vote de conviction ? « Ils sont de plus en plus nombreux ceux qui ont faim. Faim de justice, faim de reconnaissance, faim tout court parfois… Et quand on a faim, vous savez, on est prêt à tout et à n’importe quoi », résume un restaurateur. Qui se dit connu ici pour avoir, lui, « foutu dehors », lorsqu’elle venait distribuer ses tracts sur le cours Gabriel-Péri, Julia Plane, la candidate FN à la mairie en 2014, présente avec trois Les Lunellois en ont un peu marre de cette image qui fait d’eux des « fachos décomplexés » autres Lunellois sur la liste Aliot. « Ce “score” du FN a été réalisé avec seulement 46 % de votants, veut relativiser Christine Bonelli, directrice du service communication de la mairie. Et il n’a rien d’exceptionnel par rapport au reste de la France. » Le parti de Marine Le Pen a pour la première fois présenté une candidate aux élections municipales en 2014. La dénommée Julia Plane, qui fera 27,3 % au second tour et qui n’a pas donné suite à nos sollicitations lundi 7 décembre. Tout comme Claude Arnaud, le maire (divers droite), lequel « ne souhaite plus parler à la presse », depuis l’avalanche médiatique qui s’est abattue sur sa ville après l’affaire des jeunes djihadistes issues de sa commune. Ah… La mosquée… Serait-elle à l’origine du « carton » de M. Aliot ? C’était pourtant au départ une idée généreuse qui avait présidé à la décision de sa construction en 2006. « Pour mettre fin aux prières qui se tenaient jusque dans la rue, en centre-ville, faute d’un local digne de ce nom, Monsieur le Maire a donné son accord pour l’édification d’un lieu de culte musulman sous deux conditions expresses : pas de minaret et des prêches en français », rappelle Christine Bonelli. Seulement voilà, « le contrat moral a été rompu lorsque est arrivé un imam qui ne parlait pas français ». Puis l’élection du nouveau président de l’Union des musulmans de Lunel, qui gère la mosquée, faillit tourner vinaigre, fin octobre, après qu’une bagarre eut perturbé le déroulement des débats dans le lieu de culte. Tout cela a pu alimenter le vote. Mais pas que… D’aucuns citent, en vrac, le centre-ville à rénover, l’embauche de jeunes d’ailleurs, pour les vendanges, au détriment de Lunellois en galère… Tout y passe pour alimenter le « ras-le-bol ». p pascal galinier tions municipales dès le premier tour, avec 55 % des voix. Le FN se « contentait » alors de 27 % des suffrages. Un an après, en mars, aux départementales, le binôme socialiste arrivait encore en tête sur la commune, avec 51 % des voix, contre 34 % pour le parti d’extrême droite. La hiérarchie est aujourd’hui inversée. Le PS, qui n’a obtenu que 26,14 % des voix, dimanche, rend plus de vingt points à Marine Le Pen. En neuf mois, le bébé frontiste a bien grossi. « Liévin, c’est la ville de Daniel Percheron [président socialiste sortant du conseil régional], de Jean-Pierre Kucheida [ancien député PS, maire de la ville pendant 32 ans, jusqu’en 2013], ce n’est pas rien quand même. Quand je racontais que je faisais de la politique ici, on me disait que j’étais fou… » Bruno est songeur. Liévinois d’origine, ce fonctionnaire territorial proche de la retraite a quitté les rives de la gauche de- puis déjà une dizaine d’années pour rejoindre celles du Front national. « On nous paye de promesses et on meurt de faim », explique ce militant. Malgré l’ouverture récente du Louvre-Lens et l’arrivée des réserves du musée, le chômage culmine toujours à près de 16 % dans la ville. « Marine Le Pen, elle dit ce que les gens veulent entendre sur l’emploi, l’immigration, la sécurité », estime Bruno. Il y a un an et demi, le PS gagnait les municipales dès le premier tour avec 55 % des voix « Autant voir ce qu’elle donne » Dans les rues de Liévin, tous les sujets sont bons pour justifier l’essor du vote frontiste. L’immigration : « Vu ce qu’il se passe à Calais avec les réfugiés, ce n’est pas étonnant, assure Emmanuelle, secrétaire médicale. Il y a beaucoup de vrai dans ce que dit Marine Le Pen, maintenant j’attends des actes de sa part. » Le niveau de vie : « Ma retraite n’augmente pas, déplore Ginette. Ma sœur voulait m’emmener avec une copine dans la galerie marchande à Auchan, mais je ne peux pas me le permettre. » Le logement : « Avec mon mari, on a fait une demande pour une maison, mais c’en est un avec un turban qui est passé avant nous, on en a marre », lâche une femme, qui ne veut pas donner son nom. « Ecrivez Ben Laden. Ou djihadiste, comme vous voulez. » La plupart des villes encore ancrées à gauche dans le bassin minier ont été touchées par le phénomène : 49 % pour le FN à Méricourt, municipalité communiste, 53 % à Harnes, ville socialiste, etc. Hénin-Beaumont, la cité modèle du FN, qui a élu Steeve Briois à sa tête en 2014, a de son côté voté à 59 % pour Marine Le Pen. C’est sur ce terreau-là que la députée européenne espère fonder un éventuel succès dans son duel face à Xavier Bertrand (Les Républicains) pour le second tour. La présidente du FN va tenter de ramener à elle les électeurs de gauche laissés sur le carreau par le retrait du socialiste Pierre de Saintignon, arrivé troisième, qui s’est désisté au nom du « barrage républicain ». « Le programme de Xavier Bertrand, c’est mort aux pauvres. Je ne suis pas sûre qu’il y ait beaucoup d’électeurs de gauche qui veuillent se lancer dans cette chasse aux pauvres », a lancé la candidate frontiste lors d’une conférence de presse, à Lille. Ils sont plus nombreux à dire, comme Ginette : « Marine Le Pen, autant voir ce qu’elle donne ». p olivier faye 10 | international 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 A Kaçanik, d’où une vingtaine d’hommes sont partis combattre en Syrie. LOULOU D’AKI POUR « LE MONDE » suite de la première page Il est assigné à résidence en attendant son procès début 2016. « Je croyais faire quelque chose de pur et juste. Aujourd’hui, je suis marqué au fer rouge : terroriste, même si je n’en suis pas un », jure le jeune homme au visage encore adolescent parsemé de touffes de poils de barbe blonds. « C’est pas demain que j’aurai une copine. Il n’y a pas de femme pour les terroristes », lâche-t-il avec un sourire forcé. Les problèmes de cœur d’A.B. ne sont rien comparés au nombre de jours qu’il pourrait bien passer derrière les barreaux dans un avenir proche. A l’été 2014 – « vraisemblablement alertée par les services de renseignement américains inquiets de la passivité des autorités kosovares », glisse une personne proche du dossier –, la police locale a lancé un vaste coup de filet contre les milieux islamistes de ce petit pays qui a gagné son indépendance vis-à-vis de la Serbie en 2008 grâce aux avions de l’OTAN et au soutien politique de l’Union européenne. Un pays neuf, peuplé à 95 % d’Albanais qui revendiquent pour la plupart « une tradition musulmane » tolérante, héritée de la période ottomane. Kaçanik et ses alentours ont été particulièrement ciblés. Cette ville de 30 000 habitants située sur la route nationale menant à la Macédoine, à une quinzaine de kilomètres de là, s’est forgée une sale réputation depuis que Lavdrim Muhaxheri, l’un de ses enfants, exhibe sa cruauté sur les réseaux sociaux. Sur une vidéo postée au mois de mai, on le voit pulvériser à l’aide d’un lance-roquettes un jeune homme attaché à un arbre. Une vingtaine de personnes des environs seraient parties en Syrie. « C’est une région très pauvre, avec peu d’éducation, et proche de la Macédoine où des imams prêchent le radicalisme et l’appel à la guerre sainte sans être inquiétés », constate Skender Petreshi, chercheur au Centre kosovar d’études sur la sécurité (KCSS). « On ne peut exclure le jeu trouble de la Russie à travers la Serbie qui pourrait utiliser ces groupes radicaux pour déstabiliser le Kosovo », ajoute-t-il. Belgrade n’a jamais vraiment digéré la perte du Kosovo, « berceau » de son église orthodoxe. La Russie, quant à elle, au-delà de la fraternité orthodoxe, considère historiquement les Balkans comme une région stratégique, couloir entre l’Europe et l’Orient. Durant la guerre de 1998-1999 menée par les Albanais du Kosovo pour se détacher de la Serbie, la propagande serbe décrivait ainsi l’Armée de libération du Kosovo (UCK) comme un dangereux ramassis d’islamistes. « Ça n’a jamais été une guerre de religion » – sous-entendu « Kosovars-Albanais musulmans » contre « Serbes chrétiens orthodoxes » –, défend Kadri Veseli, le président du Parlement et ancien chef du SHIK (services secrets) au sein de l’UCK. Nombre des cadres La tentation du radicalisme islamiste gagne le Kosovo Dans ce pays neuf, majoritairement musulman, on assiste à un retour du religieux. Les autorités s’inquiètent du départ de plusieurs centaines de Kosovars pour la Syrie de l’ex-UCK, au pouvoir depuis la fin du conflit, ont d’ailleurs été formés à l’école athée du dictateur communiste albanais Enver Hoxha (1908-1985). « IL EST SANS DOUTE AU PARADIS » Au petit matin du 11 août 2014, A.B. a donc été cueilli sur son lieu de travail, sept mois après son retour de Syrie. Quarante autres personnes qui, comme lui, avaient fait ce voyage ont aussi été interpellées. Les plus dangereuses sont toujours en prison. Lui est consigné à son domicile où il rumine son « erreur » et son ennui avec son père dépressif. « Ma seule sortie, c’est mes rendez-vous chez le dentiste, sous escorte policière », soupire-t-il. A.B. risque une peine de prison comprise entre cinq et dix ans pour participation à une entreprise terroriste. « Il sera vraisemblable- « DANS L’OMBRE DE WAHHABITES OU DE SALAFISTES SE SERAIENT GLISSÉES DES ORGANISATIONS TAKFIRISTES PRÔNANT LA VIOLENCE » SKENDER PETRESHI chercheur Belgrade BOSNIEHERZÉGOVINE CROATIE SERBIE Sarajevo MONTÉNÉGRO KOSOVO Pristina Podgorica Kaçanik Catholiques Orthodoxes Musulmans Mer Adriatique Skopje ALBANIE Tirana MACÉDOINE 50 km ment condamné mais pourrait bénéficier de l’indulgence des juges parce qu’il a reconnu être parti en Syrie. Et je n’ai rien vu dans le dossier qui prouve qu’il a combattu dans l’organisation de l’Etat islamique (EI) ou le Front Al-Nosra », explique son avocate commise d’office qui tient elle aussi à son anonymat. « Je ne l’aurais pas défendu si je n’y avais pas été obligée », confie-t-elle. Le drapeau noir de l’EI, les atrocités qui sont diffusées sur Internet ne sont guère populaires au Kosovo. YouTube, c’est par là que tout aurait commencé. « J’étais scandalisé par les images des enfants syriens tués par l’armée de Bachar », raconte le jeune homme. « Je pensais à la guerre du Kosovo [de 1998 à 1999 contre la Serbie]. J’ai commencé à aller sur les réseaux sociaux et j’ai organisé seul mon départ », affirme-t-il. L’apprenti djihadiste ne parle pourtant que l’albanais. En revanche, son frère, un ancien combattant de l’UCK, avait fait le voyage en Syrie avant lui. « Il a sans doute été pris en charge par les groupes d’Albanais qui sont déjà là-bas, notamment Lavdrim Muhaxheri, la tête d’affiche des Kosovars en Syrie », avance le chercheur Skender Petreshi. « ABSENCE DE L’ÉTAT » A.B. reste vague sur son passage en Syrie. Difficile de dire aussi combien de Kosovars sont partis. Selon Kadri Veseli, « il y a 300 Kosovars en Syrie, dont certains sont partis avec leur famille ». Il faut y ajouter une soixantaine d’autres qui ont été tués, pour une population kosovare de 1,8 million d’habitants. C’est ce qui est arrivé à Hetem Dema, lui aussi un ancien combattant de l’UCK. A l’inverse d’A.B., dont l’engagement religieux ne saute pas aux yeux, ce quadragénaire s’était radicalisé avant son départ en 2014. « Je suis heureuse pour lui, il est sans doute au paradis », dit sa femme dans sa maison du quartier Bob de Kaçanik, enveloppée dans le niqab qu’elle porte depuis deux ans, une rareté au Kosovo. Mais Kadri Veseli s’inquiète de ces dérives minoritaires. « Surtout que l’on assiste à un retour du religieux dans la société albanaise sur fond de pauvreté et de crise d’identité. Quel avenir pour les jeunes dans un pays qui demeure à l’écart de l’Europe, hormis la religion ou l’émigration ? », s’interroge aussi Linda Gucia, professeure de sociologie à l’Université de Pristina. Le 27 novembre, deux semaines après les attentats de Paris, Kadri Veseli s’est rendu à la madrasa de Pristina. Son message adressé aux quelque 500 élèves était double. Réaffirmer la séparation de l’Etat et de la religion au Kosovo, et rappeler que « les auteurs des attentats sont des ennemis de Dieu et de la foi ; des groupes criminels qui cherchent à détruire notre esprit de tolérance religieuse et de solidarité ». « Personne ne met en doute la sincérité des autorités kosovares de lutter contre le radicalisme religieux. En revanche, certains critiquent la lenteur de leurs réactions devant certains phénomènes inquiétants », glisse un diplomate étranger. Par cela, il entend « l’activité d’un certain nombre d’ONG saoudiennes, notamment, qui font du prosélytisme sous couvert d’action humanitaire ». « Dans l’ombre de wahhabites ou de salafistes se seraient glissées des organisations takfiristes prônant la violence », observe Skender Petreshi. ARGENT DU GOLFE Le phénomène remonte au lendemain de la guerre du Kosovo. « Ces organisations ont profité du vide de l’après-guerre, de l’absence de l’Etat pour diffuser leur vision extrême et rigide de la religion », reconnaît Xhabir Hamiti, professeur à la faculté d’études islamiques de Pristina. Des mosquées ont été construites avec l’argent du Golfe, des fidèles ont été convaincus de les fréquenter contre argent et des imams ont été formés, notamment en Egypte et en Arabie saoudite. Le tout en marge de la Communauté islamique du Kosovo, l’instance représentative du culte musulman, qui cherchait alors ses marques, prise dans le tourbillon de la chute de la Yougoslavie et de l’affirmation du nationalisme albanais. « Cela ne fait pas d’eux des terroristes », admet Kadri Veseli. « Mais le fondamentalisme religieux porte les germes du terrorisme », ajoute-t-il. Une douzaine d’imams – « certains diffusaient un langage de haine et appelaient à se joindre à la guerre sainte en Syrie », selon Xhabir Hamiti – ont ainsi été pris dans les filets de la police à l’été 2014, dont celui de la grande mosquée de Pristina, Shefqet Krasniqi. « Les graines du radicalisme ont été plantées il y a plus de dix ans. Depuis, elles ont poussé, il sera difficile de s’en débarrasser », conclut la sociologue Linda Gucia. p christophe châtelot international & europe | 11 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Face à Viktor Orban, Bruxelles reste ambiguë La Commission hésite à attaquer frontalement la Hongrie, qui a déposé un recours sur les quotas de réfugiés bruxelles, vienne - correspondants B ruxelles a-t-elle décidé d’accentuer la pression sur la Hongrie du premier ministre populiste Viktor Orban ? Les contentieux se sont certes récemment multipliés avec la Commission européenne, à la suite du refus de Budapest d’accepter les quotas de réfugiés voulus par Bruxelles. Pourtant, l’institution communautaire ne semble pas prête à rompre avec l’ambiguïté qui caractérise ses rapports avec ce pays depuis des années : elle lance des procédures, des avertissements, mais n’a pas l’intention de passer à la manière forte en mettant Budapest au ban des Européens. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a beau lancer des « Salut dictateur ! » sonores à M. Orban (lors d’un rendez-vous officiel, au printemps), pour l’instant, pas question de l’exclure de la famille européenne – ni de celle du Parti populaire européen (conservateurs). Pétition antimigrants Jeudi 3 décembre, le gouvernement hongrois a fait savoir qu’il portait un recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne contre la proposition de relocaliser en urgence 120 000 réfugiés, validée par le Conseil européen en septembre. Le même jour, il a lancé une campagne de presse très dure : plusieurs journaux hongrois affichaient jeudi sur une pleine page des messages comme : « Les quotas augmentent la menace terroriste ! » ou « Un immigré illégal arrive en Europe toutes les douze secondes en moyenne ». Budapest affirme avoir collecté près d’un million de signatures en soutien à sa politique de refus des migrants. Cette pétition, pour laquelle les militants du parti au pouvoir, le Fidesz, celui de M. Orban, ont sillonné tout le pays, doit être présentée avant Noël aux autorités européennes. La Commission a lancé une « enquête approfondie » sur la signature d’un contrat nucléaire avec la Russie La Hongrie a été le premier membre de l’UE à fermer sa frontière avec la Serbie, puis avec la Croatie, pour refouler les demandeurs d’asile venus de Grèce. Mais aussi à prendre la tête d’un front du refus des quotas en Europe, des pays baltes à la Roumanie, en passant par le groupe de Visegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie). Le 2 décembre, la Slovaquie a, elle aussi, envoyé un recours auprès de la Cour de justice du Luxembourg pour dénoncer le plan de « relocalisation » des réfugiés. Coup sur coup, la Commission a tiré plusieurs coups de semonce à l’adresse de Budapest. Jeudi 19 novembre, elle a envoyé une lettre de mise en demeure – la première étape d’une procédure pour infraction aux règles communautaires –, parce que la Hongrie a accordé à l’entreprise russe Rosatom un contrat de 12 milliards d’euros pour construire deux nouvelles tranches de la centrale nucléaire de Paks sans passer par un appel d’offres. L’accord a été signé à Moscou en janvier 2014, en pleine crise ukrainienne. L’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso avait, dès 2014, signalé ce problème. La Hongrie a cru s’en tirer en offrant d’associer des entreprises occidentales, dont Siemens ou Areva. Mais la Commission n’est manifestement pas prête à passer l’éponge, ce qui a conduit M. Orban à exiger, dans un récent entretien au site Politico, une « révision des traités européens », afin d’assu- Le premier ministre hongrois, Viktor Orban (au centre), lors d’un sommet UE-Afrique, le 11 novembre, à La Valette. Y. HERMAN/REUTERS rer aux pays membres une plus grande autonomie de décision quand ils concluent des contrats. Lundi 23 novembre, Bruxelles a annoncé une « enquête approfondie » sur les conditions dans lesquelles Budapest apporte une aide financière à l’accord nucléaire. La Commission est irritée par le timing politique du contrat avec la Russie, mais aussi par son opacité : le Parlement hongrois l’a classé top secret pour trente ans. Même la représentation hongroise à Bruxelles, glisse une source diplomatique, n’a pu avoir connaissance des détails. A cela s’ajoute la décision de la Commission, lundi 30 novembre, d’autoriser une initiative citoyenne européenne mise en place par Wake Up Europe !, visant à collecter un million de signatures pour dénoncer les atteintes aux droits de l’homme en Hongrie. Ce mécanisme introduit par le traité de Lisbonne permet à de simples citoyens – il en faut au moins sept, issus de sept Etats membres – d’inviter la Commission à agir. En théorie, le processus peut déboucher sur l’utilisation de l’article 7 du traité qui prévoit la suspension du droit de vote au Conseil européen d’un pays qui ne respecte pas les valeurs de l’UE. Le commissaire hongrois à Bruxelles, Tibor Navracsics, chargé de la culture, a vivement protesté, s’interrogeant, dans un courrier qu’a pu consulter Le Monde, sur les raisons pour lesquelles ce feu vert a été décidé lors d’une réunion dont il était absent. M. Juncker lui a sèchement répondu que les commissaires n’étaient pas à Bruxelles « pour défendre les intérêts des gouvernements (…) mais uniquement pour défendre l’intérêt européen ». « Question de procédure » A Bruxelles, on minimise, on assure qu’il n’y a aucun rapport avec l’attitude de Budapest concernant la crise des migrants. La pétition Wake up Europe ! ? « Une question de procédure, assure une source européenne. Les conditions pour son lancement étaient réunies. Imaginez les réactions si, au contraire, Bruxelles n’avait pas donné son feu vert. » Car s’il n’est pas question de laisser M. Orban s’approcher trop près des » lignes rouges » des valeurs de l’Union, il n’est pas question non plus de l’attaquer frontalement. Surtout que certaines de ses prises de position sur les migrants ou la nécessité de mieux protéger les frontières extérieures de l’espace Schengen sont désormais majoritaires parmi les dirigeants européens. p cécile ducourtieux et joëlle stolz L’UE veut discrètement prolonger les sanctions contre la Russie La levée des mesures contre Moscou reste conditionnée au respect des accords de Minsk sur l’Ukraine bruxelles - bureau européen L’ Union européenne s’apprête à prolonger pour une durée de six mois les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie pour son rôle dans la guerre en Ukraine. La question devait théoriquement être au menu du Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, les 17 et 18 décembre, mais, selon nos informations, elle devrait être tranchée auparavant. Cette prolongation pourrait être entérinée lors d’une simple réunion des ministres des affaires étrangères, probablement lundi 14 décembre, lors d’un conseil des ministres « affaires générales », à Bruxelles. Une réunion préparatoire des ambassadeurs des VingtHuit à Bruxelles devrait, cette semaine, régler les derniers détails. Selon des sources européennes, ce rendez-vous « technique » ne devrait pas donner lieu à de grands débats, le consensus entre pays membres – nécessaire à une prolongation des sanctions – étant en partie acquis. La décision et le mode opératoire auraient notamment été fixés par les grands pays européens, en concertation avec Washington, en marge du sommet du G20 d’Antalya (Turquie), les 15 et 16 novembre. La raison de cette procédure discrète ? Il n’est pas question de mettre en scène cette décision, de risquer d’humilier la Russie au moment où elle s’impose comme un acteur incontournable dans le dossier syrien. La chancelière allemande, Angela Merkel, notamment, a insisté pour que la question soit traitée loin des projecteurs, soulignant le rôle crucial que Moscou peut jouer dans plusieurs crises actuelles. Combats sporadiques Ces sanctions, très lourdes, qui empêchent les entreprises russes des secteurs bancaire et de l’énergie de se financer sur les marchés d’Europe occidentale, avaient été décrétées en juillet et septembre 2014, dans la foulée de la destruction du Boeing de la Malaysia Airlines par un missile d’origine russe, en Ukraine. Associées à la baisse des prix des hydrocarbures, elles ont contribué à plonger la Russie en récession. Elles avaient déjà été prolongées de six mois cette année, lors du Conseil européen du 22 juin. D’autres mesures, bien moins lourdes, avaient été prises dès le printemps 2014, en réponse à l’annexion de la Crimée par Moscou. Leur levée n’est pas envisagée. Sur le fond, la décision de prolonger les sanctions n’a rien d’étonnant. François Hollande et Angela Merkel, les dirigeants européens les plus impliqués dans le règlement du conflit en Ukraine, ont toujours lié une éventuelle levée PUB N E É U O R LINE B LIC des sanctions à l’application pleine et entière des accords de paix signés à Minsk le 11 février. Washington est sur une ligne similaire, rappelée lundi par le vice-président américain, Joe Biden, qui, en visite à Kiev, a appelé Moscou à « remplir intégralement ses obligations ». Or ce résultat est loin d’être atteint. Depuis plusieurs jours, des combats sporadiques ont repris dans l’est de l’Ukraine. La partie politique de la feuille de route de Minsk, qui devait arriver à échéance à la fin de l’année, n’est pas encore appliquée, victime de blocages aussi bien du côté ukrainien que des séparatistes. Le 2 octobre, un sommet réunissant à l’Elysée les dirigeants français, allemand, russe et ukrainien a pris acte de ce retard et offert un délai aux deux parties. Kiev et les séparatistes doivent encore s’entendre sur un processus électoral pour les territoires rebelles, qui ouvrira la voie à l’octroi d’un « statut spécial » pour ces territoires. La fin du processus s’annonce encore plus sensible, et nécessitera ensuite une implication sans faille de la Russie, avec le retrait des groupes armés illégaux opérant dans le Donbass et le retour à la partie ukrainienne du contrôle de la frontière russo-ukrainienne. p c. du., jean-pierre stroobants et benoît vitkine (à paris) ) ! 0 " % 5 7 0 , 0 " " ' 3 0 H30 apper… * 4 7 0 5 1 . 4 À + H & 4 " 1 ' +0 $( 0/+01-&'! %&6AMEDI 12 DÉCBrEaMumBaRn,EJPDCEhevènement, D. Schn S notamment R. " # ' 2 Avec O R A C E D E L TAB E D N A R G LA 12 | international 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Au Venezuela, une cohabitation inédite La victoire de l’opposition aux législatives ouvre une période politique très incertaine A u lendemain des élections législatives du dimanche 6 août, qui ont donné une large victoire à l’opposition, les questions se bousculent. Comment va s’organiser la cohabitation entre le pouvoir vénézuélien et l’Assemblée nationale, où les opposants sont désormais majoritaires ? « Il faudra commencer par dialoguer, ce que les deux camps ont depuis longtemps perdu l’habitude et l’envie de faire », affirme le sociologue Ignacio Avalos. Lundi, le président Nicolas Maduro a appelé au dialogue « avec le peuple, avec la base, avec la critique ». Mais point avec l’opposition parlementaire. Dans un pays aussi fracturé que le Venezuela, la cohabitation est-elle possible ? Sera-t-elle efficace pour résoudre les graves problèmes que connaît le pays ? Pour remplir les magasins et freiner l’inflation ? L’opposition va-t-elle jouer la carte du référendum révocatoire pour écourter le mandat de M. Maduro ? Dimanche soir, 22 des 167 sièges que compte l’Assemblée restaient à attribuer. Lundi, le Conseil national électoral a diffusé un nouveau bulletin : l’opposition remporte 110 sièges, contre 55 pour le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), la formation créée par l’ancien président Hugo Chavez et ses alliés. Les chavistes recueillent 32,92 % des voix, alors que les opposants en obtiennent 64,07 %. Les premiers résultats officiels étaient tombés tard dans la nuit de dimanche à lundi. La célébration a été modeste. « Dommage, c’était un moment historique, soupire l’opposante Alejandra Contreras. Mais Caracas est une ville trop dangereuse pour sortir la nuit. » Professeur à la retraite, Orlando Regalado considère pour sa part que « dans un pays divisé et en crise, l’opposition a bien fait de jouer la sérénité et la retenue ». « Droite fasciste » Lundi, les rues de Caracas, calmes et vides, avaient un air de dimanche. Dans les cafés des beaux quartiers, toutes les conversations portent sur « la raclée » infligée au gouvernement. A l’ouest de la ville, dans le quartier populaire de Catia, l’atmosphère est lourde. Un homme en chemise rouge harangue les passants : « La droite va tout nous prendre et ce sera de votre faute. » Une petite grand-mère l’écoute, les larmes aux yeux. « J’ai peur pour ma retraite », explique-t-elle. A la télévision, le discours offi- Un homme en rouge harangue les passants : « La droite va tout nous prendre et ce sera de votre faute » VIN PARTEZ À LA DÉCOUVERTE DU UNE COLLECTION avec « Nous pouvons très vite décider de suspendre les achats d’armes à la Russie ou les livraisons de pétrole à Cuba » STALIN GONZALEZ ancien dirigeant du mouvement étudiant première fois en seize ans, nous dominons un pouvoir, se réjouit-il. Un seul pouvoir dans un pays où la séparation des pouvoirs n’existe pas. » La justice est contrôlée par l’exécutif. L’armée, la banque centrale et la puissante entreprise de pétrole PDVSA aussi. « Notre première action sera de faire de l’Assemblée nationale une véritable Assemblée, explique le député d’opposition Stalin Gonzalez, ancien dirigeant du mouvement étudiant. Depuis cinq ans, l’Assemblée vénézuélienne ne légifère pas. Elle délègue ce rôle à l’exécutif, elle ne débat pas et elle ne contrôle rien. » Les élus de l’opposition se réunissent mercredi pour définir leur ligne d’action. « Un consensus se dégage d’ores et déjà sur la priorité à donner aux problèmes économiques. Il y va de la survie du pays », affirme M. Gonzalez. Le Venezuela est en récession, endetté, avec une inflation débridée et des pénuries persistantes. C’est CH A S EMA I N RET 1 LIV ME Ô R +À C1OLALECTIONNER HE +1 FRIÔCME Accompagnez-moi sur la route des vins pour un voyage riche en photos et en informations passionnantes. Retrouvez l’histoire et les spécificités de chacune des appellations, apprenez comment les distinguer et les reconnaître, et découvrez quels sont leurs meilleurs millésimes. A 5 ,99 SEULEMENT VOTRE N°8 LE LIVRET ENTRE-DEUX-MERS L’ARÔME SOUS-BOIS 1 FICHE ARÔME + À PARTIR DU 8 DÉCEMBRE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX ou sur marie delcas La première ministre de la Lettonie, Laimdota Straujuma, 64 ans, a annoncé, lundi 7 décembre, sa démission, survenue dans un contexte de dissensions au sein de son parti Unité (centre droit). Mme Straujuma était sous le feu de critiques à cause des difficultés à mettre en œuvre le projet de budget pour 2016 qui prévoit une hausse des impôts. Elle a également dû faire face à une grève des enseignants et à la faillite du transporteur aérien national AirBaltic. « Je vois que de nouvelles idées, nouveaux apports et de nouvelles énergies sont nécessaires », a-t-elle expliqué. – (AFP.) CÔT E D ’ I VOI R E Le président de l’Assemblée visé par la justice française Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, est visé par un mandat d’amener de la justice française. Lundi 7 décembre, des policiers se sont présentés, sans succès, à son domicile français afin que l’ex-chef rebelle et actuel numéro deux ivoirien soit entendu dans le cadre de la plainte déposée en 2012 par Michel Gbagbo pour « enlèvement, séquestration et traitement dégradants et inhumains ». Le fils de l’ancien président avait été détenu pendant plusieurs mois dans le nord du pays après la chute de son père. Les avocats de M. Soro ont protesté contre un mandat délivré, selon eux, « en méconnaissance des pratiques et usages diplomatiques ». – (AFP.) La mort de l’homme d’affaires a été annoncée par des médias chinois Pierre ARDITI AVEC HACHETTE ET LE MONDE, JE VOUS PROPOSE DE DÉCOUVRIR LES VINS DE FRANCE ET LEURS TERROIRS GRÂCE À CETTE NOUVELLE COLLECTION ENCYCLOPÉDIQUE. E QU également l’avis de Nicolas Rojas, diplomate de carrière, sans poste depuis plusieurs années. « Il faut espérer que gouvernement et opposition définissent une feuille de route pour la gouvernance qui permette à chacun de jouer son rôle », dit-il, en appelant de ses vœux une « restauration de la République ». « Notre victoire ne change rien au quotidien des électeurs. Nous devons leur montrer des résultats rapidement. Ils ne nous ont pas donné un chèque en blanc », poursuit Stalin Gonzalez. Les mesures d’ajustement que l’opposition réclame depuis des mois ne seront ni faciles à mettre en œuvre ni populaires. La libéralisation du contrôle des changes et des prix, l’augmentation du prix de l’essence, la flexibilisation du travail que déjà réclame la fédération patronale n’ont rien pour séduire les chavistes qui, en retournant leur veste et leur vote, ont donné la victoire à l’opposition. « En revanche, nous pouvons très vite décider de suspendre les achats d’armes à la Russie ou les livraisons de pétrole à Cuba », souligne M. Gonzalez. Les plus radicaux des opposants rêvent d’en découdre au plus vite avec M. Maduro. La Constitution vénézuélienne offre aux électeurs mécontents la possibilité de chasser un élu à mi-mandat. « L’organisation d’un référendum révocatoire déplacerait le débat sur le terrain politique, tempère M. Gonzalez. L’urgence est économique. » p La première ministre a démissionné Le décès du milliardaire Xu Ming, nouvelle affaire dans l’affaire Bo Xilai pékin - correspondant E HACHETTE COLLECTIONS, SNC, 395 291 644 RCS NANTERRE - 58, RUE JEAN-BLEUZEN - CS 70007 - 92178 VANVES CEDEX. Photos : © Scope Image. Visuels non contractuels. Mentions spécifi ques aux arômes : Ne pas avaler. Ne pas appliquer sur la peau. Ranger hors de la portée des jeunes enfants. Ranger à l’abri de la lumière et de la chaleur. Ne pas vider le contenu des flacons dans l’évier. ciel est resté intact : l’opposition a mené contre le pouvoir révolutionnaire une guerre économique sans merci, qui a plongé le Venezuela dans la crise et permis à la droite fasciste de remporter les législatives. Jorge Rodriguez, maire de Caracas et chef de la campagne du PSUV, l’a encore une fois expliqué lundi après-midi. « Le gouvernement doit accepter sa part de responsabilité, au risque de se montrer complètement déconnecté de la réalité », assure l’analyste Nicmer Evans, chaviste critique. Jusqu’à présent, rien dans l’attitude du gouvernement ne semble annoncer une ouverture. Le pouvoir semble avoir été pris de court par la défaite, pourtant annoncée par les sondages. Le chavisme, comme force politique, va-t-il résister au choc ? Ou imploser ? Affaibli politiquement, le président Maduro conserve de larges pouvoirs. Diosdado Cabello, le puissant numéro deux du chavisme, n’a été réélu que de peu. A en croire l’opposition, l’équipe gouvernementale, déchirée dès dimanche soir, aurait reconnu les résultats sous la pression de l’armée. La Table de l’unité démocratique (MUD) est une coalition électorale qui rassemble des opposants de l’extrême gauche à la droite. Le scrutin ne permet pas de déterminer la force respective des différents partis de la MUD, car les députés ont été élus sur une liste unique. « Pour l’heure, les dirigeants de la MUD sont forcés de s’entendre », résume Efraim Vega, médecin et opposant. « Pour la Photographie : J.C. Roca caracas - envoyée spéciale LET TON I E + www.connaitre-et-choisirlevin.com I l avait été classé, en 2005, parmi les dix hommes les plus riches de Chine, avant d’être l’un des principaux acteurs de l’affaire Bo Xilai, du nom de ce « prince rouge » et rival politique de l’actuel numéro un chinois, Xi Jinping, condamné à la prison à vie pour corruption en 2013. La mort en prison, vendredi 4 décembre, de Xu Ming, un self-made-man qui avait bâti le groupe industriel Shide, a été annoncée par plusieurs médias chinois, ce qui ne manque pas de soulever interrogations et suspicions, ainsi que de renforcer les zones d’ombre de l’affaire Bo Xilai. Xu serait mort dans une prison de Wuhan, dans le centre de la Chine. Agé de 44 ans, il devait être libéré en septembre, selon le site d’information Caixin, l’un des seuls médias chinois à avoir relayé la nouvelle. Son procès, s’il a eu lieu, n’a jamais été rendu public. En 2013, cet ancien industriel de la ville de Dalian fut l’un des principaux témoins à charge contre Bo Xilai lors du procès de l’ex-chef du Parti communiste chinois (PCC) à Chongqing : il confirma avoir payé une partie des dépenses à l’étranger du fils des Bo, ainsi que la villa Fontaine, à Cannes, acquise derrière un prête-nom par l’épouse de M. Bo, ce dont il avait reconnu ne pas avoir informé l’accusé. M. Bo avait eu le rare privilège de mener un contre-interrogatoire, avant d’être finalement condamné à la perpétuité. Le nom de Xu Ming était apparu à de multiples reprises au cours des procès des différents protagonistes de l’affaire Bo Xilai, dressant le tableau d’un entrepreneur clé dans l’entourage de l’ambitieux « prince rouge », alors rival Le procès de Xu Ming, s’il a eu lieu, n’a jamais été rendu public potentiel de Xi Jinping. Xu Ming était en quelque sorte le « banquier » des Bo. Il avait bâti sa fortune à Dalian du temps où Bo Xilai en était le maire, et fut classé en 2005 huitième fortune de Chine par le magazine Forbes. Son groupe, Shide, fut chargé de travaux d’embellissement de la métropole portuaire et devint un conglomérat du plastique. Décès suspect Lors du procès de Gu Kailai, l’épouse de Bo Xilai, accusée d’avoir assassiné le consultant anglais Neil Heywood en 2011, il fut révélé que Xu Ming, avec Wang Lijun, l’ex-chef de la police de Chongqing, avaient conçu le plan d’attirer l’Anglais Neil Heywood à Chongqing, puis de le tuer lors d’une opération policière en prétextant qu’il était un trafiquant de drogue. Ce plan n’avait pas été mis à exécution, et Gu Kailai aurait empoisonné elle-même le Britannique. Xu Ming gérait les affaires de Mme Gu, qui s’était mise à douter de Neil Heywood, qui lui servait de prête-nom et réclamait une compensation jugée outrancière. Ces informations ont été confirmées au Monde par une source directement impliquée dans les montages financiers de la villa Fontaine. Le décès de Xu Ming soulève toutefois de nouvelles questions dans un contexte politique de censure extrême : selon le site d’information Caixin, sa dépouille aurait été incinérée et ses cendres rendues à la famille. Des internautes n’ont pas manqué de trouver suspect le décès de M. Xu, qui n’aurait pas eu d’antécédents cardiaques. Personne, en outre, ne trouve trace du « procès » de Xu Ming : le professeur de droit He Weifang, l’un des commentateurs les plus pointus sur l’affaire Bo Xilai, s’est empressé de dénoncer sur Weibo, le Twitter chinois, le silence qui a entouré le jugement de Xu Ming, alors que la cour avait tweeté en direct le déroulement du procès de M. Bo. L’universitaire a demandé que le public soit informé des détails du procès. Son post a largement circulé avant d’être effacé par la censure. Même Hu Xijin, le rédacteur en chef du quotidien nationaliste et conservateur Global Times, a appelé sur Weibo la Cour suprême à donner plus d’informations sur le jugement de l’homme d’affaires. Face aux questions des internautes, un hebdomadaire sportif chinois a laissé filtrer que M. Xu avait loué un logement pour son chauffeur près de la prison et lui faisait faire des courses. Il aurait ainsi dépensé plusieurs milliers d’euros dans l’achat de livres. Xu Ming a, semble-t-il, été relativement bien traité en échange de sa collaboration avec les autorités lors du procès de Bo Xilai. L’ex-magnat n’avait pas eu le choix : il fut d’abord mis au secret lors d’une de ces gardes à vue discrétionnaires et sans limite de la Commission centrale de discipline, le bras anticorruption du PCC. Son décès soudain pourrait relancer les interrogations sur l’affaire Bo Xilai, le scandale le plus retentissant de l’histoire récente du PCC. p brice pedroletti UGPBAN RCS Fort-de-France 450 833 314 LA cultivée en Guadeloupe & Martinique cultivée en Guadeloupe & Martinique www.bananeguadeloupemartinique.com 14 | planète 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 COP21 : compte à rebours pour un accord Les 195 pays membres butent encore sur de nombreux points S i l’on s’en tenait aux discours des Etats en séance plénière, la conférence de Paris sur le climat (COP21) ne serait qu’une formalité. Depuis le lundi 7 décembre, une centaine de ministres de l’environnement, de l’énergie et des affaires étrangères se relaient à la tribune de l’assemblée pour formuler le même vœu de conclure, vendredi au soir, un accord répondant au « défi universel, essentiel et existentiel qu’est le changement climatique », selon l’expression du président de la COP21, Laurent Fabius. Le chef de la diplomatie française a demandé « une première vision d’ensemble » du texte final dès mercredi. Mais ces déclarations unanimes ne sont qu’un paravent qui dissimule les intérêts divergents des 195 pays membres de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Les véritables négociations ne se jouent pas sur la scène sur laquelle plusieurs caméras sont braquées, mais dans les coulisses de la « zone bleue » sécurisée par les agents de l’ONU ou dans les halls des hôtels environnants. Lundi soir, à la sortie du « comité de Paris » – l’instance créée par la présidence française pour évaluer quotidiennement l’état d’avancée des discussions –, les ministres et leurs négociateurs préparaient déjà les réunions bilatérales de 21 h 30. Cette intense activité diplomatique a en réalité démarré le 6 décembre avec les premières réu- nions des quatre groupes thématiques pilotés par des ministres « cofacilitateurs » et organisés autour des grands chapitres du projet d’accord : les « moyens de mise en œuvre », centrés sur les questions de financement, de transfert de technologies et de renforcement de compétences ; la « différenciation », référence à la responsabilité historique des pays développés dans les émissions de gaz à effet de serre ; l’« ambition » de l’accord, son objectif de long terme et ses mécanismes de révision ; les actions pré-2020, date prévue d’entrée en vigueur de ce régime climatique universel espéré à Paris. « Ne pas nommer, ni accuser » « Selon les groupes, les progrès sont à géométrie variable », a estimé lundi le délégué de Cuba pendant la séance du comité de Paris. « Plusieurs parties [pays] ont mis de côté les positions qu’elles préfèrent pour avancer vers des consensus », a assuré la ministre norvégienne Tine Sundtoft, rapporteuse, avec le ministre de Sainte-Lucie James Fletcher, du groupe de travail sur l’ambition. Amber Rudd, secrétaire d’Etat britannique à l’énergie et au changement climatique, chargé, avec le Gambien Pa Ousman Jarju, des actions pré-2020, a fait part de son côté d’une volonté collective d’accélérer la mise en œuvre de cet agenda pré-2020 et d’intensifier les moyens alloués à l’adaptation. « Le comité de Paris est là pour Réunion de l’organisation non gouvernementale internationale Avaaz, lors de la COP21. PAOLO VERZONE/VU POUR « LE MONDE » tester les idées des ministres facilitateurs, et les entériner si aucun pays ne s’y oppose », analyse Pierre Cannet, du Fonds mondial pour la nature (WWF). Les lignes semblent bouger également sur l’impératif de différenciation. Alors que la convention-cadre de 1992 dispose qu’il « appartient aux pays développés d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques », principe brandi par les nations du Sud pour exiger un soutien financier du Nord, les EtatsUnis et l’Union européenne défendent une approche différente, portée lundi soir par le Brésil. Il ne s’agit pas de « créer une obligation légale, mais une contribution volontaire », a pris soin de rappeler le cofacilitateur brésilien. « Beaucoup de pays en dévelop- Laurent Fabius a demandé « une première vision d’ensemble » du texte final dès mercredi pement ont des capacités financières qu’ils n’avaient pas en 1992. Chaque pays en position de le faire devrait soutenir les plus pauvres, les plus vulnérables », a insisté plus tôt dans la journée le commissaire européen à l’énergie et au climat, Miguel Angel Canete, pensant certainement à la Chine… mais sans citer nommément le premier Au Bourget, les ONG à la manœuvre Environ 10 000 observateurs des organisations non gouvernementales s’affairent dans les couloirs de la conférence des Nations unies pour le climat, à l’affût des négociations L undi 7 décembre, des cris et des huées résonnent dans le hall 4 du parc des expositions du Bourget où se tient la conférence des Nations unies pour le climat. Comme chaque soir, depuis le début de la COP21, le Climate Action Network (CAN), qui regroupe 950 organisations au niveau mondial, remet les « prix Fossile », une distinction destinée à mettre en lumière le rôle néfaste joué par certains pays dans les négociations. Ce lundi, deux pays se voient attribuer un « Fossile » : l’Arabie saoudite, pour la quatrième fois depuis le début de la conférence, et les Etats-Unis « récompensés », pour leur refus de reconnaître que les pertes et dommages dus au changement climatique appellent des « compensations » pour les pays en développement. « Rayon » ou « Fossile » De manière exceptionnelle, le jury a décidé de décerner un « Rayon », l’inverse du Fossile, pour féliciter les Philippines, à la manœuvre pour promouvoir la nécessité d’un « objectif de long terme ». La discussion entre les ONG du CAN a été longue pour vérifier le bien-fondé de la mise au ban des Etats-Unis. Car, pour symbolique et divertissante que soit la remise de ce prix, elle peut avoir une influence. « Après avoir reçu un Fossile, vendredi, la Norvège a contacté dès le lendemain les ONG pour s’expli- « A la COP21, notre travail est principalement de faire de la pédagogie » MATTHIEU ORPHELIN Fondation pour la nature et l’homme quer sur sa volonté de supprimer du texte de l’accord toute référence aux droits de l’homme », raconte Fanny Petitbon, de l’organisation CARE. Cette action est-elle suffisante pour changer les partitions de certains pays ? « Parfois, il y a bien sûr un côté “animation” dans ces organisations, et ce ne sont en général pas des actions spectaculaires de dernier moment qui peuvent changer l’issue d’une négociation, explique Céline Ramstein, chef de projet COP21 à l’Institut du développement durable et des relations internationales. Cependant, ce qu’elles font au cours des conférences conduit les négociateurs à se savoir observés. » La présence des ONG, au sein de la conférence, est massive. Environ 10 000 observateurs, spécialistes, jouent sur tous les tableaux : rencontres discrètes dans les pavillons nationaux, échanges officiels lors de débats publics. Contacts plus informels aussi, comme samedi, lors d’une soirée au Players, un bar du 2e arrondissement de Paris. La fête, organisée par le CAN, a réuni plus d’un millier de personnes, délégués, responsables d’ONG, parlementaires, qui ont échangé jusqu’au petit matin. Un moment utile pour avancer certains arguments. « A la COP21, notre travail est principalement de donner notre grille de lecture sur l’état d’avancement des discussions et de faire de la pédagogie, dit Matthieu Orphelin, de la Fondation pour la nature et l’homme, créée par Nicolas Hulot. Une bonne partie de la journée, je la passe à décrypter, à expliquer, mais aussi à porter nos sujets, comme la tarification du carbone… » Faire pression sur les Etats Chaque matin, les organisations réunissent leurs membres puis se retrouvent, vers 9 heures, pour une réunion de coordination où sont arrêtés les points sur lesquels elles interviendront dans la journée. Elles font alors jouer leurs réseaux internationaux. Au sein du Climate Action Network, un groupe de coordination rassemble des représentants de tous les continents, d’organisations comme le Fonds mondial pour la nature (WWF), Greenpeace, Oxfam, et des groupes de travail thématiques sur la forêt, le financement, etc. « Qui va voir le Kenya qui est en train de monter au créneau sur la question du financement de l’adaptation, qui va aider les ONG japonaises qui rencon- trent leur délégation, sachant que ce pays est sensible à la critique internationale… On essaye d’être le plus efficace », raconte Célia Gautier, du Réseau action climatFrance. Autour de la table de l’une des buvettes de l’espace onusien, des militants du Bangladesh, du Liban, d’Inde, d’Allemagne ou de Grande-Bretagne s’affairent sur leurs ordinateurs. « Ils s’apprêtent à relayer dans différents pays les campagnes à mener immédiatement, explique Alex Wilks, directeur de campagne d’Avaaz. On envoie les numéros de téléphone de ministres, de délégués, leurs courriels, et ils sont assaillis, en quelques heures, de milliers de messages de critique ou d’encouragement. » L’Argentine, l’Inde, le Canada ont ainsi été l’objet de cette pression, de même que le président Hollande. Le nouveau cadre des négociations climatiques, qui conduit chaque pays à proposer librement une contribution de réduction, donne à la société civile une importance accrue. « Nous sommes dans un système où les pays vont devoir déclarer leur ambition, la revoir à la hausse au fil du temps et, surtout, la mettre en œuvre. Dans ce processus au long cours, les ONG vont pouvoir jouer un rôle très important, au niveau national, de suivi de ces engagements », estime Céline Ramstein. p rémi barroux et stéphane foucart émetteur mondial de gaz à effet de serre, scrupuleux de la règle onusienne du « no name, no shame » (« ne pas nommer, ni accuser »). L’Australie et le Canada, longtemps figés sur des positions très conservatrices sur le climat, ont fait un pas en avant en soutenant l’adoption d’un objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C, revendication majeure des petits pays insulaires menacés par la montée des eaux. Le 5 décembre, au Bourget, la ministre canadienne de l’environnement et du changement climatique, Catherine McKenna, a plaidé pour ce seuil plutôt que celui des 2 °C. « L’inclusion d’une référence à 1,5 °C ne suffira pas si aucun mécanisme ne donne les moyens de concrétiser cet objectif, alerte Aurélie Ceinos, de l’organisation CARE. Or, aujourd’hui, le texte de l’accord ne prévoit aucune revue à la hausse des contributions nationales d’ici à 2018. » Pierre Cannet nourrit la même inquiétude : « Pendant que les tractations portent sur le 1,5 °C ou que des verrous sautent sur d’autres points de blocage, la porte risque de se fermer sur le mécanisme de révision des engagements. » Comment atteindre un objectif de long terme si la communauté internationale cède, comme cela pourrait se produire d’ici la fin de la COP21, sur un cycle de révision, à la hausse, des réductions de gaz à effet de serre ? Dans les tractations que constituent les négociations climatiques, il faut abandonner certains objectifs pour obtenir satisfaction sur d’autres. p simon roger L’HISTOIRE DU JOUR Climat : « Exhibez vos muscles », lance « Schwarzy » à Sciences Po J’ espère que cela ne sera pas la dernière fois que je serai devant vous et que je pourrai dire : “I’ll be back” [je reviendrai]. » Une seule réplique – sa plus célèbre – aura suffi à Arnold Schwarzenegger pour conquérir les étudiants de Sciences Po, lundi 7 décembre. L’acteur ne venait pourtant pas parler de son dernier film, mais du climat et des énergies propres, en marge de la conférence mondiale de l’ONU (COP21). En attendant de pouvoir revenir, donc, « Schwarzy » lance ses idées phares comme autant de suites de Terminator. D’abord, l’importance de l’environnement. Sans craindre de surjouer, l’acteur de 68 ans évoque les vertes prairies de son enfance autrichienne. « Je n’aurais jamais pu imaginer un monde où l’air est irrespirable » quand, enfant, « j’allais traire les vaches et chercher de l’eau au puits ». Puis la petite musique de son discours se fait inquiétante : « Nous ne sommes pas au cinéma, avec des effets spéciaux, où l’on peut réécrire le scénario. C’est le vrai monde », assène-t-il, en rappelant que nous émettons 49 gigatonnes de gaz à effet de serre par an et que la pollution de l’air entraîne 7 millions de morts prématurées chaque année. « MONTRER DES ENEnsuite, Arnold Schwarzenegger ne jure que par l’action, et les gouverneFANTS AVEC UN INHA- ments locaux, villes et régions, en la clé. Le fondateur de l’ONG R20 LATEUR, C’EST ÇA QUI sont (des villes et régions pour le climat), CONVAINC LES GENS » espère que les 195 Etats réunis au Bourget parviendront à « un accord magnifique » le 11 décembre. Mais les autorités locales « peuvent » et même « doivent agir sans délai ». « Exhibez vos muscles », exhorte l’ancienne star du culturisme. L’ex-gouverneur républicain de Californie énumère alors les mesures pour la qualité de l’air qu’il a prises entre 2003 et 2011, ainsi que – fair-play – celles de son successeur démocrate, Jerry Brown. L’occasion, également, de tacler l’Etat fédéral. Dernière scène enfin : le rôle crucial de la communication. Pour Arnold Schwarzenegger, les « scientifiques ont échoué » à faire comprendre l’urgence de la lutte contre le changement climatique. « Nous ne devons pas seulement parler de la hausse des températures et de la montée du niveau des mers, mais des gens qui meurent de crises cardiaques, avance-t-il, réduisant clairement le changement climatique à un problème de pollution de l’air. Montrer des enfants avec un inhalateur, c’est ça qui convainc les gens. » Tout en finesse, comme dans un de ses films. p audrey garric france | 15 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Affaire Adidas : Bernard Tapie met sa fortune à l’abri Ses actifs ont été confiés à un administrateur judiciaire, lui évitant ainsi de rembourser les 405 millions B ernard Tapie peut cesser de cauchemarder – au moins provisoirement – en imaginant la visite d’huissiers dans son somptueux hôtel particulier de la rue des Saints-Pères, au cœur de Paris. Car l’Etat n’est pas près de récupérer les quelque 405 millions d’euros qu’il est pourtant en droit de lui réclamer depuis jeudi 3 décembre et l’arrêt décisif de la cour d’appel de Paris, rendu dans le cadre du vieux litige entre l’homme d’affaires et le Crédit lyonnais. En effet, selon les informations du Monde, le camp Tapie a choisi de confier tous ses actifs à un administrateur judiciaire parisien, Me Frédéric Abitbol, dans le cadre d’une procédure dite de « sauvegarde ». Quelques jours avant ce jugement très sévère pour l’ancien patron de l’OM, lundi 30 novembre précisément, le tribunal de commerce de Paris a très discrètement accédé à cette demande de Bernard Tapie, qui avait donc anticipé une décision défavorable des magistrats de la cour d’appel. En ayant recours à cette parade, l’homme d’affaires aurait-il trouvé une façon d’échapper à la sanction de la justice ? « Ce n’est pas une manière de fuir ou d’organiser mon insolvabilité, se défend M. Tapie. C’est même tout le contraire, puisque le tribunal sait tout de mes actifs. J’ai tout mis sur la table », assure-t-il au Monde. L’article L. 620-1 du code de commerce dispose ceci : « Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L.620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et Le pourvoi en cassation n’étant pas suspensif, l’Etat était en droit de dépêcher des huissiers afin de saisir ses actifs Bernard Tapie en novembre 2013. BORIS HORVAT/AFP l’apurement du passif. » Seules obligations requises : la société requérante ne doit pas être en cessation de paiement ni justifier de difficultés à venir. Prévoyant, Bernard Tapie avait donc décidé de recourir à cette procédure afin de parer à toute désagréable éventualité. 97 millions déjà saisis Bien lui en a pris : en effet, non seulement la cour d’appel l’a totalement désavoué, mais de plus le pourvoi en cassation – formé par « C’était la seule manière pour moi de dormir tranquille, tout comme mes créanciers, d’ailleurs » BERNARD TAPIE ses avocats dès le jugement connu – n’étant pas suspensif, l’Etat était en droit de dépêcher des huissiers afin de saisir immédiatement ses actifs. Le Consortium de réalisation, l’organisme public chargé d’apurer le passif du Crédit lyonnais, devra maintenant obligatoirement passer par le biais d’un mandataire judiciaire, Stéphane Gorrias. Ce dernier sera le seul habilité à vérifier la légitimité des sommes réclamées par les créanciers – en l’occurrence l’Etat – et à soumettre ensuite tout différend De nouvelles mesures pour éviter les ratés de l’orientation post-bac A Un « vœu unique » pour les filières « en tension » Le problème le plus urgent concerne les filières les plus demandées en première année de licence à l’université : la Paces (Première année commune des études de santé), le droit, les Staps (Sciences et techniques des activités physiques et sportives) et la psychologie. Les candidats aux quatre disciplines « en tension » recevront sur APB une proposition d’un nouveau type : formuler un « vœu unique » par matière pour l’ensemble de leur académie. Exemple, le vœu « Licence droit académie Lyon » permettra de demander automatiquement les quatre cursus universitaires de droit de cette académie, puis de hiérarchiser ses préférences. L’Ile-deFrance – qui comprend les acadé- mies de Paris, Créteil et Versailles –, sera considérée comme une seule et même zone pour ces vœux uniques, ouvrant une plus large palette de répartition des places. En 2015, Paces, droit, Staps et psychologie ont concentré plus de la moitié des premiers vœux de première année de licence. Face à l’afflux des demandes, nombre d’universités ont instauré des « capacités d’accueil limitées », en particulier en Staps où elles se sont quasiment généralisées. Et les universités ont dû appliquer un tirage au sort, seule procédure de sélection autorisée par le code de l’éducation. Le ministère estime que ce vœu unique devrait permettre de mieux répartir les candidats. Et plus tôt : dès le mois de juin, sans attendre les phases complémentaires qui courent jusqu’en septembre. Néanmoins, il ne suffira sans doute pas à résoudre tous les problèmes. Des mesures spécifiques sont donc envisagées pour les Staps, pour les rapprocher des formations délivrées par le ministère de la jeunesse et des sports et pour faciliter le logement des étudiants changeant d’académie. Une filière non sélective obligatoire Désormais il ne sera plus possible d’émettre des vœux uniquement dans des filières sélectives : classes préparatoires, brevets de techniciens supérieurs (BTS), etc. Trop risqué. Les lycéens devront obligatoirement formuler au moins un vœu dans une filière non sélective et hors des licences à capacité d’accueil limitée. Des informations pratiques Pour mieux éclairer leurs choix, les informations – apparues en 2015 – sur les débouchés professionnels des filières (taux d’insertion, rémunérations…) seront désormais étoffées et plus visibles lors du choix des vœux. Un droit de regard du lycée Enseignants, conseillers d’orientation et conseillers principaux d’éducation sont appelés à accompagner davantage et plus tôt la démarche des élèves. Depuis septembre, le parcours individuel « Avenir » d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel a été introduit dans les disciplines au collège et au lycée. En 2016, les enseignants auront aussi accès aux vœux de leurs élèves sur APB, ce qui permettra « de les informer automatiquement des situations susceptibles d’être problématiques : absence de vœux, vœux non cohérents avec le potentiel du jeune », expli- gérard davet et fabrice lhomme 18 ans de prison requis contre Salim Benghalem Le portail d’inscription dans l’enseignement supérieur, qui ouvre le 20 janvier, a été modifié quelques semaines de l’ouverture, le 20 janvier, du portail d’admission post-bac (APB), la plateforme d’inscriptions en première année d’études supérieures, le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur a présenté, mardi 8 décembre, des améliorations. Objectif : mieux accompagner les lycéens dans leur orientation tout au long de la procédure et éviter que des futurs bacheliers se retrouvent sans aucune affectation. sur les créances déclarées à un juge-commissaire… Deux sociétés de M. Tapie, GBT et FIBT, ont déclaré tous leurs actifs au tribunal. « 1 500 emplois dépendent de moi, dans le cadre de ma participation de 20 millions d’euros au capital de La Provence, explique M. Tapie. Pas question qu’ils soient en péril. Tous mes actifs sont maintenant sous la surveillance de la justice, qui peut aisément vérifier que je n’ai aucun compte caché offshore. C’était la seule manière pour moi de dormir tranquille, tout comme mes créanciers, d’ailleurs. » Devant le tribunal de commerce, le camp Tapie a produit une note d’un avocat fiscaliste, Me Patrick Philip, détaillant les avoirs de l’ancien ministre de la ville. Des 345 millions d’euros accordés en juillet 2008 par un tribunal arbitral, il ne reste plus, à en croire ce document, que 101,5 millions, après paiement des impôts et dettes. Dont 97 millions ont déjà été saisis par la justice pénale, l’instruction menée par le juge Serge Tournaire portant sur un éventuel trucage de l’arbitrage. Ce à quoi il faut ajouter les 45 millions perçus par les époux Tapie au titre du préjudice moral, réinvestis pour moitié dans La Provence et le reste dans diverses propriétés. Désormais, l’essentiel du capital du couple Tapie est donc placé sous la surveillance de la justice. « On ne va rien lâcher, car on est dans notre bon droit, clame Bernard Tapie. La cour d’appel n’a tenu aucun compte des éléments nouveaux que nous avons produits et veut me saisir plus que ce que j’ai jamais perçu ! » La sauvegarde est applicable jusqu’au 30 mai 2016, renouvelable au moins une fois. A défaut de l’avoir emporté devant la cour d’appel, M. Tapie a au moins gagné… du temps. p LES CHIFFRES 12 000 Le portail Admission postbac recense plus de 12 000 formations sur toutes les académies et plus de 2 000 en apprentissage. 788 000 En 2015, 788 000 candidats, dont 588 000 élèves de terminale, ont exprimé au moins un vœu d’orientation sur le portail APB (6,6 en moyenne, le maximum étant de 24). que le ministère. Une démarche expérimentale ira plus loin dans cinq académies – Amiens, Dijon, Nancy-Metz, Nantes et Toulouse –, où un lycée repérant un problème d’orientation pourra saisir une « commission académique d’orientation post-secondaire » qui devra faire des propositions adaptées au jeune concerné, qu’il sera libre d’accepter ou non. Le but est notamment de faciliter l’accès des futurs titulaires de bacs technologiques et professionnels aux instituts universitaires de technologie (IUT) et aux sections préparant aux BTS. p adrien de tricornot Le djihadiste en fuite était jugé avec six autres prévenus d’une filière du Val-de-Marne J e crains pour notre société que le dossier à juger soit le premier d’une longue série. » Pour « dissuader » de nouveaux candidats français au djihad en Syrie, le procureur de la République, Arnaud Faugère, a préconisé un message de fermeté. Lundi 7 décembre se tenait le réquisitoire du procès d’une filière d’acheminement de djihadistes vers la Syrie. Les faits remontent à 2013. Devenu depuis le bourreau présumé de l’organisation Etat islamique, Salim Benghalem se détache des six autres prévenus, eux aussi issus d’une filière du Val-deMarne. Au tribunal correctionnel de Paris, dix-huit ans de prison ont été requis contre lui pour association de malfaiteurs en vue d’actes terroristes. Absent du procès car toujours en fuite, l’homme de 35 ans est en situation de récidive : il avait déjà été condamné à onze ans de réclusion criminelle pour une affaire de meurtre. « Dangerosité maximale » Pour justifier sa décision, le procureur souligne la « dangerosité maximale » de l’ancien délinquant de Cachan (Val-de-Marne). Il y a deux ans, Salim Benghalem participait déjà aux combats de l’organisation Etat islamique en Irak et au Levant, assumait l’« intégration des recrues » et jouait un rôle prépondérant dans « la recherche de financement », d’après les enquêteurs. Depuis, il s’est encore radicalisé. Dernier signal en date : en février, un mois après l’attentat de Charlie Hebdo, il avait appelé à d’autres « carnages » en France dans une vidéo faite en Syrie. Moins médiatisés, les six autres prévenus ont connu des sorts divers. Dix ans de prison, soit la peine maximale, ont été réclamés à l’endroit d’Abdelmalek T. Très refermé sur lui-même lors de l’audience, l’homme à la barbe fournie a occupé sensiblement la même fonction que Benghalem durant la période examinée. Des peines de six ans ont été préconisées contre quatre prévenus : Younes C., resté en France pour assurer l’interface téléphonique, puis Mehdi I., Paul M., Karl D., partis en Syrie dans le cadre d’aller-retour de dix jours à deux mois sous la coordination de Benghalem et d’Abdelmalek T. Un dernier homme, Karim H., encourt jusqu’à huit ans de prison pour avoir cumulé périple syrien et soutien financier à la filière (près de 10 000 euros). Au départ, tous avaient « l’intuition d’être non pas des terroristes, mais des opposants » au gouvernement de Bachar Al-Assad, a plaidé Me Noémie Coutrot-Cieslinski, avocate d’Abdelmalek T. Rendez-vous, désormais, pour le délibéré du 7 janvier. p adrien pécout 16 | enquête 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 ment, Philippe Séguin ou Philippe de Villiers. Il regrette d’avoir voté le traité de Maastricht, en veut à Chirac pour la dissolution de 1997 et pour son européanisme, à Sarkozy pour avoir contourné le « non » au référendum sur le traité constitutionnel de 2005. En rencontrant au début des années 2000 Samuel Maréchal, mari de Yann Le Pen et père de Marion, il croise « des gens du Front ». Est « révolté par l’anathème vis-à-vis du FN », selon lui contradictoire avec les personnes dont il a fait connaissance. Et, en 2002, déçu par Chirac, il vote Le Pen aux deux tours. Il décide de franchir le pas d’une candidature pour les élections municipales de 2014. « Je fais passer le message à Marion que, si je peux lui être utile, ce serait avec plaisir. » Lottiaux est à la fois politique, gestionnaire et amateur d’art, le profil idéal pour Avignon. Tête de liste aux municipales, il arrive en tête au premier tour avec près de 30 % des voix et se retrouve conseiller d’opposition. Le maire FN de Fréjus, David Rachline, lui propose parallèlement la direction générale des services de sa ville. Le temps où les élites repoussaient en bloc le Front national semble révolu. Hauts fonctionnaires, énarques, diplômés de grandes écoles sont attirés par la perspective du pouvoir et certains ont franchi le pas OPÉRATION CAMOUFLAGE marion van renterghem avignon, carpentras, le pontet (vaucluse) envoyée spéciale Q uand ils évoquent leur décision d’intégrer les structures officielles du Front na.tional, ils utilisent un mot étrange : l’« outing ». Pour ces élites venues d’un grand corps d’Etat, de la haute fonction publique ou de la direction d’une entreprise, la révélation d’une appartenance au FN revient à lever le voile sur une part d’eux-mêmes aussi intime que mal vue. Avant de se jeter à l’eau, ils ont souvent vécu en cachette leur adhésion à un parti qui refuse de se qualifier d’extrême droite mais que la très grande majorité des élites françaises dont ils relèvent considère comme extrémiste, xénophobe, nauséabond et contraire aux valeurs républicaines. Le raz-de-marée du Front national au premier tour des élections régionales change la donne. La vague avait déjà pris forme lors des élections européennes de 2014 et des départementales de mars 2015, mais, ce 6 décembre, le parti minoritaire est devenu, avec le soutien des abstentionnistes, celui qui promet le succès. Il est arrivé en tête dans six régions sur treize, dépassant les 40 % en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il étend progressivement son influence dans des strates de plus en plus diverses de la société française. Y compris les élites. La victoire est aux humains ce que la lumière est aux papillons : elle désinhibe et elle attire. Un jour de 2013, Philippe Lottiaux a décidé de faire son « outing ». « Je ne pouvais plus ne rien faire, rester en retrait sans m’investir », explique cet énarque de 49 ans, gaulliste venu au Front national sur le tard, par déception. Il occupait un emploi à l’administration de la Ville de Paris, alors tenue par le socialiste Bertrand Delanoë et se gardait bien de divulguer ses convictions politiques. Un samedi de novembre, à l’occasion d’un meeting dans le Vaucluse, Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen annoncent la candidature de Philippe Lottiaux aux municipales de mars 2014, sur la liste Rassemblement Bleu Marine (RBM). « En arrivant au bureau le lundi, j’étais tendu, dit-il. On me regardait bizarrement. Certains faisaient semblant de ne pas me voir, d’autres entraient discrètement dans mon bureau pour me dire : “T’as raison.” Ma hiérarchie m’a fait savoir que si je prenais ma disponibilité au plus vite, ce serait bien. Ça m’arrangeait. » « ON REÇOIT DES PAQUETS DE CV » En deux ans, les choses ont bien changé. Le FN devient peu à peu le parti politique où l’on peut espérer briller et faire carrière. Les cadres supérieurs et les jeunes diplômés commencent à se bousculer au portillon pour intégrer ses rangs, selon Rémi Rayé : « C’est un moment clé, note l’assistant parlementaire de Marion Maréchal-Le Pen, tête de liste de la région PACA. On reçoit des paquets de CV de gens qui ont un très bon niveau d’études, travaillent dans l’administration territoriale, dans d’autres ISABEL ESPANOL FN et sans complexe départements ou dans des grandes villes, parfois pour d’autres partis politiques… Les gros, gros diplômés, on n’en reçoit pas des cascades, mais il y en a. » Ce matin, sur son répondeur, « un gars du 06 », les Alpes-Maritimes, a laissé un message « très bien tourné » pour proposer son expertise économique au FN. Un autre cherchait un poste dans la sécurité. Un troisième proposait des renseignements sur l’intégrisme islamiste dans le sport. « Il y a de tout », conclut Rémi Rayé. Avocat et conseiller municipal FN de Carpentras, Hervé de Lépinau se rappelle l’époque pas si lointaine où Jean-Marie Le Pen avait décidé de lancer sa petite-fille Marion dans le Vaucluse, en vue des législatives de 2012. Quand la jeune femme de 22 ans arrive à Carpentras, il n’y a qu’un seul élu FN, conseiller municipal et conseiller départemental. Les dégâts persistent de la scission de 1998 entre le Front national de Jean-Marie Le Pen et le Mouvement national républicain de Bruno Mégret : luimême polytechnicien, il est parti avec les cadres que le vieux Le Pen, méfiant à l’égard des baronnies, ne cherchait pas à retenir. « Le combat politique se faisait de bric et de broc, la communication numérique était balbutiante, on décrochait les voix sur le zinc du bistro, raconte Hervé de Lépinau. Militer au Front était un sacerdoce : le commerçant faisait fuir ses clients, le fonctionnaire se faisait persécuter. Moi, qui suis de profession libérale, j’ai perdu de la clientèle. » AVANT, « MILITER AU FRONT ÉTAIT UN SACERDOCE : LE COMMERÇANT FAISAIT FUIR SES CLIENTS, LE FONCTIONNAIRE SE FAISAIT PERSÉCUTER » HERVÉ DE LÉPINAU conseiller municipal (FN) de Carpentras Un dîner a lieu en 2014 à Velleron. La présidente du parti, Marine Le Pen, est venue dans cette commune du Vaucluse discuter stratégie avec sa nièce Marion et Hervé de Lépinau, suppléant de Marion depuis les législatives de 2012. Au restaurant, la discussion porte sur la nécessité d’enraciner durablement le parti sur le plan local au lieu de se focaliser sur la présidentielle et, donc, de faire émerger des cadres. La décision est prise d’auditionner des candidats, de les chercher parmi les militants et d’ouvrir à un « tour extérieur ». Philippe Lottiaux entre dans la danse. Ce « Ch’ti » né en 1966 dans le Pas-de-Calais avait débarqué à Paris pour y faire Sciences Po et l’ENA. Plus à droite qu’à gauche, plus gaulliste que chiraquien ou sarkozyste, plus rock’n’roll que politique, il a quitté une première fois l’administration de la Ville de Paris pour devenir directeur général des services de Levallois-Perret, dans le fief des époux Balkany, en est parti pour faire le chansonnier dans des one-manshow et monter une boîte de conseil aux collectivités. Entre-temps, il a affiné ses convictions politiques. Soucieux de souveraineté nationale, il s’interroge « sur la problématique de l’immigration » et s’inquiète de « l’impact de l’Europe sur notre économie ». Il fréquente la Fondation Marc-Bloch où se retrouvent ce que l’on appelle alors les « républicains des deux rives », souverainistes de droite et de gauche soudain rassemblés autour de Jean-Pierre Chevène- De quoi réconcilier le Front national avec les énarques qu’il aime tant décrier. Un énarque FN comme Philippe Lottiaux, comme Florian Philippot, bras droit de Marine Le Pen ou Philippe Martel, conseiller de celle-ci et jadis chez Alain Juppé, ont plus que trouvé grâce à ses yeux. « Tous les trois sont dans la culture des grands serviteurs de l’Etat, pétris de la culture d’administration au sens noble », assure Hervé de Lépinau. Idem pour Thibaut de la Tocnaye, 57 ans, centralien et 3e cycle HEC, ancien directeur de projet dans le nucléaire, et figure historique de l’élite Front national. Il dirige la commission d’action programmatique du parti avec Bernard Monot, ancien employé à la Caisse des dépôts qui signait sous pseudonyme ses interventions à l’université d’été du Front. Jusqu’au jour où il a fait son « outing », lui aussi, pour devenir député européen FN en 2014. Il en va de même pour Georges Michel, saint-cyrien et colonel de l’armée de terre, gaulliste devenu électeur puis candidat Front national à Bollène (Vaucluse) parce que « Chirac a trahi le gaullisme en vendant la souveraineté de la France à l’Europe ». Premier parti ouvrier de France, le Front national s’est largement implanté dans les classes moyennes et chez les jeunes. Ceux qui ont aujourd’hui entre 18-30 ans, quand ils ne s’abstiennent pas, votent FN dans une plus forte proportion que la moyenne nationale. C’est aussi ce nouveau terrain de conquête qui attire maintenant à lui les hauts fonctionnaires et les gros diplômes. Pourtant, au-delà de quelques désaccords entre la tante et la nièce sur le planning familial ou la zone euro, le programme continue à prôner la fermeture des frontières, le repli national, la stigmatisation de l’immigration, la sortie de l’Union européenne, la sortie de l’OTAN. La jeune Marion au visage d’ange mais à la parole de fer l’incarne au mieux en PACA. De scrutin en scrutin, le Front national réussit son opération camouflage, qui vise à afficher comme normalisé, rajeuni, souriant, branché, un parti au programme extrémiste. Fini, le bandeau sur œil de verre, le parti a changé de look et de clientèle La dégradation du contexte économique, l’incapacité des partis politiques traditionnels à réformer, la généralisation des habitudes abstentionnistes font le reste. Non seulement le Front national est aux portes du pouvoir, mais il n’est plus un motif de complexe ou de honte. Et le vivier de compétences paraît de plus en plus facile à constituer. Ce parti sur le point de diriger d’importantes régions, qui a constitué au fil du temps son implantation locale, semble en mesure de rattraper son retard. Encore quelques jours jusqu’au second tour et des hauts fonctionnaires que l’on n’attendait pas sortiront peut-être du bois pour rallier les rangs du FN. « Vu le nombre et la qualité de CV qu’on reçoit, je peux vous dire qu’ils sortiront. Et vous aurez des surprises… », promet Anne-Sophie Rigault, une juriste de 39 ans, directrice de campagne de Marion Maréchal-Le Pen pour le Vaucluse. Certains viendraient même « de postes clés dans l’administration, voire d’autres partis politiques », assure-t-elle avec un sourire entendu. p les attaques terroristes à paris | 17 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Russe et Parisienne mélomane Nathalie Lauraine Nathalie aurait eu 40 ans le 30 décembre. Grande, blonde, tout en douceur, elle appartenait à une de ces familles russes qui transmettent la francophilie d’une génération à l’autre. Sa grandmère, sa mère puis elle-même avaient étudié et parlaient le français dès l’école, bien avant de rejoindre l’Université Lomonossov de Moscou, d’où elle est sortie avec un doctorat en économie et en sociologie. Après avoir rencontré Serge Lauraine, elle avait décidé de construire sa vie en France et de garder la double nationalité : russe et française. Comme dans un roman russe, Nathalie change de nom au gré de la vie. « Lauraine-Boulyguina », indique l’interphone de son domicile, à Vanves (Hauts-de-Seine), où flotte depuis quelques jours le drapeau bleu-blanc-rouge. Née Natalia Boulyguina, elle est devenue Natalia Mouravyeva en épousant Anton Mouravyev, géophysicien, le père de ses deux premiers enfants, Dariya et Fedor, âgés de 15 et 17 ans. En arrivant en France, les fonctionnaires transcrivent son nom : Nathaliya. Elle devient Nathaliya Mouravyeva puis Lauraine, après son second mariage, et enfin Nathalie Lauraine, après sa naturalisation. Pour Vinciane, la petite dernière, 4 ans et un sourire discret, c’est Maman. Chaque été, tous les cinq retrouvaient le reste de la famille à la datcha des Boulyguina, près de Moscou. Mélomane de toujours, elle restera pour sa mère « sa Natalia qui aimait la danse, la gymnastique rythmique et la musique ». Grâce à sa grand-mère, Zoia Izgarytcheva, qui était phoniatre pour le théâtre du Bolchoï, « Natalia avait vu, enfant, beaucoup d’opéras et de ballets. Elle connaissait tous les classiques », raconte Maria Boulyguina. « Elle aimait toutes les musiques, de l’opéra à l’électro-rock », ajoute son mari Serge. Depuis huit ans, ils allaient ensemble de concert en festival, à Londres pour écouter le rock alternatif de Failure ou à Budapest pour le Sziget Festival, le plus grand festival de musique d’Europe. Elle aimait Paris aussi, dont elle était insatiable. « Elle faisait les visites historiques des quartiers : les Gobelins, les Passages. Ensemble, on avait fait Montmartre, raconte Serge. Ça l’a embêtée de quitter Paris, quand on a emménagé à Vanves en 2011. Heureusement, on a gardé la vue sur la tour Eiffel. » A Vanves, elle avait commencé la peinture : sur son autoportrait, elle se représente en danseuse, en ville avec un café. Chez Everys, son employeur, où, technicienne informatique, elle avait rencontré Serge, ses collègues dressent son portrait en trois mots : « Douce, dynamique et déterminée ». « Natalia voulait toujours avancer, elle croquait la vie », témoigne le directeur général d’Everys, Sébastien Ropert. Serge et Nathalie étaient allés au Bataclan en amoureux, ils auraient dû rentrer ensemble, chez eux. p anne rodier La vie en tribu Un vrai gentleman Au service des autres Chloë Boissinot Stéphane Hache Justine Dupont Qu’aurait-elle aimé que l’on dise d’elle ? « Rien ! » C’est un cri du cœur. Elisabeth, la mère de Chloë Boissinot, savait sa fille de 25 ans trop timide, trop discrète, trop attachée à la simplicité, pour goûter les hommages. Ses propres funérailles, le 24 novembre, dans une cathédrale de Poitiers comble, lui auraient fait dire « Mais vous êtes fous ! Pas pour moi ! », croit Elisabeth. Ne rien graver de pompeux dans le marbre. Se contenter d’évoquer, comme on prend un croquis sur le vif, cette jeune fille de la campagne qui appréciait les petites pommes du jardin et la vie en tribu – avec cinq frère et sœurs, dont une jumelle. Ses rituels du dimanche à Château-Larcher, dans la Vienne. Les jeunes prennent un apéro, et encore quelques autres, puis s’en vont fumer dehors en discutant, neveux et nièces dans les jambes. La mère rouspète, le rôti se dessèche. Et trop vite, vient l’heure de se lever du canapé où l’on a fini par s’endormir un peu. Partager, se fâcher, se réconcilier aussitôt, charrier des brouettes de béton, préparer la soupe, changer les bébés, écouter, rendre heureux ceux qui l’entouraient, Chloë savait faire tout cela. « Aujourd’hui, la tribu est un peu de guingois. Mais on va s’en sortir pour elle, assure Elisabeth, tentant de s’en convaincre elle-même. Elle n’aurait pas aimé qu’on se recroqueville. » Les deux amis et l’amoureux de toujours qui étaient avec sa fille, ce soir-là, en terrasse du Carillon, rejoignent désormais régulièrement le camp de base familial où sont arrivées de belles lettres. L’œuvre de clients qu’elle servait depuis un an à l’épicerie du Verre volé, rue de la Folie-Méricourt, à Paris. Qui, désormais, interrogent-ils, pour incorporer tant de gentillesse dans les sandwichs confectionnés ? Qui pour égaler sa patience lorsqu’il fallait couper une tranche de jambon « pas trop épaisse mais pas trop fine » sous l’œil de l’acheteur ? « Charmante, joyeuse, un peu timide », la décrit le responsable du château de Javarzay (Deux-Sèvres), qui l’avait accueillie en stage en 2010, durant son BTS « développement et aménagement des territoires ruraux ». « Réservée, au début, mais bosseuse, organisée, soignée. L’employée modèle », pour son patron au Verre volé, Thomas Vicente. La bonne copine était un brin canaille, aimait les restaurants, les pots en terrasse, le boudin du village qu’elle ramenait pour tous à la capitale, « les trucs moches du marché aux puces qui finissaient au grenier », selon sa mère. Et les jolis atours qui lui donnaient un air de Parisienne. p Ses amis le surnommaient « George Clooney ». A cause de sa prestance, de ses cheveux poivre et sel, de son côté bien apprêté et soigneux. Stéphane Hache avait 52 ans. Il est mort le 13 novembre, dans un studio du passage Saint-Pierre-Amelot, dans le 11e arrondissement de Paris, dans lequel il vivait depuis deux semaines. Au premier étage d’un immeuble situé juste en face du Bataclan, où se jouait alors l’horreur et d’où une balle est partie, le touchant mortellement au dos. « Il venait de prendre un nouveau départ », confie Benoît, un ami qu’il côtoyait depuis vingt-cinq ans dans la restauration. Maîtres d’hôtel, ils ont organisé maintes réceptions, pour des particuliers comme pour de grands événements : à Bercy, à Roland-Garros, au Festival de Cannes… Et aussi pour des partis politiques, des ministères, l’Elysée. « On a servi tous les présidents de la République depuis Mitterrand, on a beaucoup d’anecdotes… », se souvient Benoît. Il ne tarit pas d’éloges sur le professionnalisme de Stéphane, « toujours méticuleux dans son travail, patient ». La bonté et la sincérité sont des mots qui reviennent beaucoup, parmi les proches de Stéphane, pour le décrire. « Un vrai gentleman, qui transpirait la gentillesse », témoigne Yann, qui l’a longtemps côtoyé. Tous se souviennent de son rire, d’une chanson de Sinatra fredonnée, d’une anecdote de football, lui l’amoureux du beau jeu brésilien. Il aimait bien taper dans la balle à Gennevilliers, où il a grandi, avec son « jumeau de cœur », Philippe, qu’il voyait toujours régulièrement. Après une déception amoureuse, il y a trois ans, Stéphane était parti changer d’air. Il avait choisi le Canada, y est resté près de deux à travailler, à voyager. Profiter pour ne pas avoir de regrets, disait-il. Il est ensuite revenu en France pour se rapprocher de sa mère, aux Sables-d’Olonne. N’ayant pas trouvé de travail qui lui convenait, il avait fini par regagner Paris à l’automne. Pour retrouver sa passion dans la restauration, partager un bon repas et du bon vin avec ses amis, et finir par s’installer. Il projetait d’acheter un appartement dans le 11e arrondissement, après la période transitoire du studio, près du Bataclan. p Etre disponible pour aider les autres, c’était son credo. Très impliquée dans « le social et contre les préjugés », Justine Dupont en avait « très vite » fait son métier, confie sa sœur Nathalie. D’abord bénévole dans une association s’occupant des personnes sortant de prison, la jeune femme était, à 34 ans, responsable de deux résidences sociales du réseau Parme, dans les 10e et 20e arrondissements de Paris. Son quotidien consistait à prendre soin de gens en situation d’urgence. Elle était adorée par ses résidents, pour qui elle se pliait en quatre. Sa vie privée n’était pas une priorité. « Justine a toujours fait passer les autres avant elle, raconte son frère Benjamin, c’était une vocation. » Le jeune homme se souvient de sa grande sœur, « toujours la première à intervenir dans la cour d’école s’[il] avait le moindre problème », et très présente auprès des personnes âgées de la famille. Du genre à garder un créneau chaque samedi pour prendre soin de la sœur de leur grand-mère « au lieu de trouver des excuses pour ne pas aller la voir ». Le tout avec humilité : si elle en faisait beaucoup pour les gens, Justine était toujours gênée qu’on la remercie. Fauchée par les terroristes vendredi 13 novembre à la Belle Equipe, où elle profitait de ses amis, l’un de ses passetemps favoris, Justine Dupont était « solaire », souligne Nathalie. Adorant sa ville, cette authentique Parisienne a grandi à Montparnasse, fait ses classes au lycée Montaigne, puis vécu dans différents quartiers vivants de la capitale avant de s’installer à Montreuil avec son compagnon. Sans jamais tourner le dos aux amitiés forgées lors de l’enfance et enrichies avec l’âge. Marie-Aimée Dalloz, son compagnon Thierry Hardouin, Hodda, la cogérante de la Belle Equipe qui fêtait son anniversaire ce soir-là… plusieurs amis très proches sont morts aux côtés de la jeune femme. Passionnée, Justine l’était aussi de musique et de danse. Fan de rap dans son adolescence, à commencer par Tupac et Kery James, elle s’était mise au hip-hop. Puis, plus récemment, elle avait commencé la danse orientale. Une façon d’exprimer la joie de vivre qui ne quittait pas cette deuxième d’une « fratrie hyper unie ». Il n’y aura plus de déjeuners chaque semaine avec elle. La mort de Justine laisse un « vide intersidéral », confesse sa sœur. « Mais elle aurait détesté nous voir abattus, alors il va falloir qu’on se reprenne. » p pascale krémer alexandre pouchard clément martel Le piano et le marketing numérique Marie Mosser Quelle idée pour une toute jeune fille, de prendre pour devise une phrase gravée sur un monument de la grand-place de sa ville natale ! Mais Marie Mosser est née à Nancy et la phrase, prononcée par le roi Stanislas, s’énonce ainsi : « Le bonheur consiste à faire des heureux. » Ce programme, la jeune femme tuée au Bataclan le 13 novembre l’a mis en œuvre pendant vingt-quatre ans. Ses amies Justine et Angevine l’ont rencontrée à son arrivée à Paris, en 2009. La première était comme elle étudiante à Sup de Pub, une école privée du nord de Paris, la seconde partageait le même foyer d’étudiantes, non loin du cimetière du Père Lachaise. « Le jour de la rentrée, il a suffi d’un regard pour qu’on comprenne, nous les deux provinciales, qu’on ne pouvait compter que sur nous pour rire, et pas sur les petits Parisiens bien mis », se souvient Justine, qui arrivait, elle, de Troyes. « C’était très facile de devenir son amie », ajoute Angevine, qui a gardé l’image de Marie jouant l’Etude 19 de Chopin sur le piano du foyer « sans partition, sans une fausse note ». A Nancy, Marie avait passé une « enfance heureuse, entourée de sa famille et de beaucoup d’amis ». C’est elle qui l’a écrit dans un mémoire en forme de magazine, qui était aussi une autobiographie, réalisé à la fin de son année de M2. Dans la capitale lorraine, elle apprend le piano au conservatoire, obtient un bac littéraire. En 2009, elle part pour Paris. Avec ses nouvelles amies, elle découvre la ville au cours de longues balades à pied, passant des heures au Père-Lachaise à la recherche de la tombe de Jim Morrison. Avec Justine, qui est guitariste, elle s’amuse à reprendre des morceaux du répertoire rock. Et elle travaille, beaucoup, multipliant les stages, découvrant les charmes du marketing numérique. A l’été 2014, Marie Mosser était partie pour Londres, pour maîtriser l’anglais, une fois pour toutes. A son retour en France, elle décroche un contrat d’alternance chez Universal Music, où elle est chargée du Web marketing. Parmi ses tâches, elle doit animer les communautés de fans sur la Toile. « Elle aimait les gens, même s’ils suivaient des vedettes qui n’étaient pas à son goût, raconte Justine. Elle parlait des fans de Violetta [chanteuse et vedette de série espagnole dont raffolent les petites filles] en disant : “Elles sont trop mignonnes.” » Marie voulait poursuivre son chemin dans le monde de la musique. Dans son mémoire-autobiographie, elle avait demandé à des amis, à des collègues où ils la voyaient dans dix ans. Réponse : « responsable de la communication numérique dans une maison de disque ou une agence ». A côté du projet, il y avait aussi un rêve, dont se souvient Justine. « Quand on faisait de la musique, on se disait qu’on pourrait être les Queens of the Stone Age françaises. » p thomas sotinel Mémorial du 13novembre « Le Monde » publie chaque jour des portraits des victimes des attentats, afin de conserver, avec l’aide de leurs proches, la mémoire de ces vies fauchées 18 | débats 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Gauche, les raisons d’un échec Les mauvais résultats de la gauche au premier tour des régionales tiennent-ils à l’impuissance du gouvernement et à l’absence d’union, ou bien à un problème d’identité politique plus profond ? Réflexions avant le second tour Crier « No pasaran ! » ne suffit plus Les mantras anti-FN et la culpabilisation morale de ses électeurs ont fait leur temps. La gauche gouvernementale doit retrouver le sens du peuple par laurent bouvet L e paysage électoral de la gauche au lendemain de ce premier tour des élections régionales ressemble à un champ de ruines. Quelques vestiges de la domination locale du PS, établie dans les années 2002-2012, subsistent bien ici et là, mais ils ne trompent personne. Les défaites à répétition aux élections municipales, départementales et, aujourd’hui, régionales ont mis à bas l’empire électoral bâti pendant une décennie sur les décombres de la déroute présidentielle de 2002. A gauche, le PS domine ce paysage dévasté. Aucun autre parti n’étant en mesure de lui contester cette prééminence. Le résultat de dimanche témoigne, d’ailleurs, de son maintien relatif au regard de ses alliés traditionnels écologistes et de la « gauche de la gauche ». A l’effondrement des Verts répond, en effet, la faiblesse du score du Front de gauche, aucun de ces partis n’étant susceptible de représenter une alternative au PS. Cette situation électorale objective se double d’une situation particulière : l’installation en profondeur du FN dans le paysage. Le fait que ce ne soit pas la droite qui bénéficie de l’affaiblissement de la gauche ne devrait pas rassurer le PS, tant la dynamique frontiste s’exerce au détriment de l’ensemble des forces politiques, que ce soit électoralement ou en termes de thématiques qui structurent le débat public. Au-delà des circonstances particulières dans lesquelles se déroule cette élection et dont il est difficile de connaître l’impact, ce premier tour n’a fait que confirmer des tendances lourdes déjà observées lors des scrutins précédents. TROIS RAISONS D’UNE DÉBÂCLE DU PS A gauche, notamment au PS, trois éléments récurrents sont amplifiés depuis dimanche : la proclamation d’une unité sans réalité politique ; le déchirement durable de son tissu local ; l’échec historique de sa stratégie de lutte contre le FN. A peine les premiers résultats connus dimanche soir, l’appel à l’unité de la gauche a retenti sur les plateaux de télévision et dans les QG des candidats. Une unité bien vite et automatiquement intégrée dans l’analyse du premier tour comme dans la projection du second par nombre de responsables socialistes. Au prix d’une double illusion, politique et électorale. La gauche est divisée, que ce soit sur l’orientation économique du gouvernement ou sur les questions de sécurité. L’incapacité de la « gauche de la gauche » à faire fructifier son opposition au PS dans les urnes rendant de moins en moins audible l’idée d’une orientation « plus à gauche » de la politique nationale. Il n’est ainsi pas certain que les électeurs suivent pour le second tour les consignes de vote d’états-majors éloignés du terrain local et décrédibilisés. Les reports pourraient s’avé- rer moins automatiques que prévu, malgré l’appel concomitant à « faire barrage » au FN. Les défaites de la gauche depuis 2012 conduisent à son effacement quasi total dans certains endroits du pays et, plus largement, au déchirement de son tissu militant et sympathisant. C’est le cas pour le PS, qui avait très étendu celui-ci depuis dix ou quinze ans. Ce ne sont pas seulement des élus qui disparaissent lors d’une défaite électorale, mais tout un ensemble de collaborateurs, de relais, d’affidés, de réseaux parfois anciens et structurant la vie sociale bien au-delà de la politique stricto sensu, comme dans le cas emblématique du NordPas-de-Calais, par exemple. La décision de retirer les listes dans certaines régions au nom de la lutte contre le FN aura ainsi de lourdes conséquences, surtout lorsque le conseil régional était le dernier point d’appui du PS et de la gauche locale. La disparition de la plupart des cadres politiques et des moyens matériels qui les accompagnent n’augure rien de bon pour la suite, que ce soit en termes de combat politique ou de mobilisation électorale. Ce reflux est aussi le résultat d’un échec : celui de la lutte contre le FN depuis trente ans. Toutes ces années de « mobilisation » pour faire « barrage » à l’extrême droite ont abouti à ce que ce parti soit, seul, sans besoin d’aucun allié, aux portes du pouvoir dans plusieurs régions, et surtout que sa candidate pour 2017 apparaisse comme la seule bénéficiant d’une authentique dynamique politique. Cet échec historique n’a jamais eu de véritables conséquences sur le PS. Les mêmes responsables qui ont imaginé ou endossé une stratégie anti-FN défaillante sont toujours aux commandes, quel que soit son résultat. Jusqu’ici, l’enjeu paraissait virtuel ; le FN servant surtout à faire peur aux électeurs et à empêcher la droite de gagner ici ou là. Il est aujourd’hui bien réel : le FN peut gagner et bénéficier à son tour des ressources des autres partis. La répétition des mêmes mantras anti-FN et la culpabilisation moralisatrice de ses électeurs ne fonctionnent plus pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. C’est donc à un changement stratégique radical, rapide et profond que la gauche française, PS en tête, doit s’atteler, si elle veut survivre et renaître. Crier « No pasarán ! » ne suffira pas. Ce changement stratégique devra s’accompagner d’une réflexion approfondie sur les causes culturelles et identitaires de la montée en puissance du FN, au-delà des habituelles considérations sur la politique économique des gouvernements de gauche. p ¶ Laurent Bouvet est professeur de science politique à l’UVSQ Paris-Saclay. Dernier ouvrage paru : « L’Insécurité culturelle » (Gallimard, 192 pages, 12 €). Refusons le déni de défaite ! Dire que les résultats « ne sont pas si mal » relève de l’aveuglement. Tirons les leçons de nos responsabilités par aurélie filippetti E n écoutant les réactions des responsables des partis républicains, un constat s’impose : la stratégie du déni fonctionne à plein. En s’accrochant à chaque élection aux terres qui demeurent dans l’axe républicain, notamment la Bretagne et le SudOuest pour la gauche, en étant obnubilés par les résultats en Ile-deFrance, où le partage des voix se fait encore entre gauche et droite et où le FN demeure plus bas qu’ailleurs, les chefs des partis dé tournent pudiquement les yeux de la moitié du pays. Celui où le chô mage de masse, où le sentiment d’abandon du monde ouvrier et du monde rural et des jeunes vient à renforcer la cohorte des électeurs du FN. A écouter ces discours sur le mode « ce n’est pas si mal », nos électeurs, nos anciens électeurs désabusés, nos concitoyens incrédules peuvent se dire qu’ils ne pèsent pas grand-chose pour ceux qu’ils sont censés représenter. Dès lors, la rupture entre les commentaires et la réalité de ce qu’ils vont vivre en ayant à la tête des exécutifs locaux des élus FN contribue à accroître le sentiment d’un fossé grandissant entre les responsables politiques et le peuple. Comment expliquer à ceux qui auront comme présidente de région une Le Pen que finalement les scores de telle ou telle formation n’étaient pas si mal ? Le danger est d’autant plus grand qu’il y a treize ans et demi, nous en étions déjà là. Au soir du 21 avril, nous manifestions pour la république, déjà. Nous nous engagions alors cœur tremblant au « plus jamais ça ». Tout devait changer, la politique n’aurait plus le même visage, on tirerait les leçons de l’alerte. Et puis… non. La « politi que » a bien vite repris ses droits, chassez le naturel… Car après le 21 avril, il y eut l’élection de Chirac avec 80 % des voix. Le Front républicain avait fonctionné. Et tout est redevenu comme avant. Une petite musique s’instilla même : le meilleur moyen de gagner finalement une élection serait de se retrouver en duel ou en triangulaire contre le FN. Après avoir naïvement cru que Le Pen ne serait jamais au second tour, nous avons naïvement cru que les Le Pen ne pourraient jamais gagner un second tour. Il y a urgence désormais. Sonnons l’alarme. Il n’est plus temps d’accepter les discours de déni. La jurisprudence Chirac (être élu au second tour avec 80 % des voix) ne fonctionnera plus longtemps : pour la gauche et la droite républicaine, considérer que, finalement, les campagnes se joueront désormais au premier tour, l’objectif étant d’être celui des deux blocs qui se trouvera qualifié contre le Front national, est devenu irresponsable. UN ÉCHEC COLLECTIF Les municipales nous montrent le danger : désormais les élus locaux du FN sont prudents. Ils visent plus haut. Ils risquent de faire de même dans les exécutifs régionaux. Avec bien sûr de gros dégâts au passage pour tous ceux qui travaillent au quotidien à construire de la solidarité entre nos concitoyens, les associations éducatives, citoyennes, les espaces culturels en premier lieu. Tout faire, y compris nous effacer temporairement de certains hémicycles régionaux, pour empêcher leur victoire est donc une nécessité, non pas morale, mais poli- tique. Une urgence. Leur laisser le champ libre vers des présidences serait un suicide. Le retrait de nos listes est donc pour dimanche la seule issue dans nos régions meurtries, notamment dans le Grand Est. Mais ces retraits sont la conséquence d’un échec collectif que nous devons analyser avec lucidité. On ne peut s’en satisfaire sans en tirer les conséquences. Car en rejeter la responsabilité sur l’éparpillement des forces de gauche, comme si cet émiettement n’avait pas une explication, et alors même que les scores des autres partis de gauche sont faibles, est par trop facile. Le 21 avril déjà, nous nous en étions tenus à cette explication simpliste. Cela n’a rien empêché par la suite. En 2012, s’il y eut rassemblement au second tour c’est qu’il y avait cohésion de la gauche autour d’une analyse des maux du pays et d’un projet pour le relancer. Cette élection a été gagnée sur un programme de gauche réaliste mais ambitieux. Pourquoi le nier et le renier, alors que c’est celui qui a été validé par les urnes ? Il faut nous attaquer aux racines. Aux motivations du vote. Et donc à nos propres responsabilités, en particulier depuis 2012. Gauche, droite : refusons le déni de défaite. Ce n’est pas en maintenant artificiellement des listes dans des régions menacées que nous résisterons, c’est en nous retirant pour éviter le pire et en reconstruisant nos idées partout où celles de l’extrême droite prédominent. Dans nos régions le retrait des listes de gauche n’équivaut certainement pas au retrait du débat politique. p Retrouvez l’intégralité de cette tribune sur Lemonde.fr ¶ Aurélie Filippetti est députée (PS) de la Moselle, ancienne ministre de la culture débats | 19 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Des élites coupées des réalités françaises A force d’occulter les problèmes posés par une immigration de masse extra-européenne, les « bienpensants » de droite comme de gauche ont pratiqué un déni idéologique. D’où cette triste débâcle politique par alexandra laignel-lavastine C omment en sommes-nous arrivés là ? Cette question en appelle aussitôt une autre : jusqu’à quand allons-nous feindre, à chaque nouvelle percée du Front national, la surprise et la sidération ? S’il est en passe de devenir le premier parti de France, c’est aussi qu’une partie de nos élites intellectuelles, politiques et médiatiques a longtemps trouvé plus confortable de rester perchée sur Mars et de lui abandonner le monde. Surtout ses réalités déplaisantes, comme les problèmes que posent une immigration de masse d’origine extraeuropéenne en l’absence de politique d’intégration, la porosité de nos frontières, le prodigieux écho que rencontre l’islamisme dans nos banlieues, la poussée du communautarisme, du sexisme, de l’homophobie et de l’antisémitisme. Toutes réalités enfin officiellement admises en l’espace d’une nuit, entre le 13 et le 14 novembre. Bien tard pour regagner une quelconque crédibilité. Peu de temps auparavant, rappelons qu’il se trouvait encore de bons apôtres du politiquement correct pour parler de « terrorisme dit “islamiste” », car il ne pou vait s’agir, cela va de soi, que d’une lubie aux relents racistes. Pour cette vision théologicotiersmondiste qui ne souffre aucun démenti en provenance des faits, l’axiome est intangible : le mal ne saurait surgir du camp du bien, celui des préten dus « damnés de la terre ». Enivrés par leur folle reductio ad lepenum, certains ont même réussi l’exploit de céder la souveraineté et la laïcité à Marine Le Pen. Ou plutôt cet abominable « laïcisme » en lequel Emmanuel Todd voyait déjà, dès le printemps 2015, un ennemi cent fois plus redoutable que l’islamisme radical. On apprendra dans la foulée, par lui et par d’autres idiots utiles du FN, que les tueurs djihadistes étaient en fait des victimes (des discriminations, du chômage, etc.), et que les vrais coupables ne seraient autres que les « islamophobes ». On a aussi entendu un cinéaste expliquer que les massacres de Charlie avaient… « la sale gueule de Marine Le Pen ». « COMME DES COLLABOS » Et pourquoi pas du maréchal Pétain ? Jean-Luc Mélenchon, lui, croyait savoir que son ami Charb était tombé sous les balles des « intégrismes religieux » au pluriel… On s’étonne que ceux-là ne se retrouvent pas, à l’instar de Michel Onfray, sur une vidéo de propagande de l’organisation Etat islamique. Ainsi que me le disait il y a peu un intellectuel d’origine musulmane, laïc et démocrate : « Certains intellectuels progressistes européens sont effrayants : ils se conduisent envers les islamistes comme des collabos sans voir qu’ils pavent ainsi la voie à la droite extrême. » Nous y sommes. Dans ce climat de déraison collective, faut-il rappeler qu’à chaque fois que le sang coule c’est toujours le FN qui, en bonne logique, ramasse la mise. Weekend des 24 et 25 mai 2014. Le 24, tuerie au Musée juif de Belgique, à Bruxelles (quatre morts), perpétrée par Mehdi Nemmouche, un tortionnaire salafiste français de 29 ans, rentré de Syrie. Le 25, triomphe de Marine Le Pen aux européennes, qui ralliait déjà les suffrages d’un électeur exaspéré sur quatre. Autre exemple de raccourci saisissant au lendemain de l’attentat de Copenhague, en février 2015 : « La terreur frappe à nouveau », lisait-on en « une » du Parisien. « Le Front national s’enracine », titrait en regard Le Journal du dimanche. MONTÉE DU NATIONAL-POPULISME Il se trouve en effet que deux tendances lourdes menacent en Europe depuis quinze ans : la montée en puissance de l’islamisme et celle du national-populisme. Les deux phénomènes ont partie liée, nous le savions… mais nous ne voulions pas le savoir. Tel est le principe du déni. En ce sens, et pour le dire brutalement : l’ascension de Marine Le Pen est en partie notre œuvre, et sa victoire aux régionales le produit cumulé de toutes nos lâchetés. Là réside le vrai mystère de ce début de siècle. Plus l’hydre fondamentaliste se confirmait, plus nombreuses étaient ses victimes, plus la bien-pensance régnante s’enferrait dans la complaisance, la sociologie « excusiste » et un déni idéologique du réel que rien ne venait enrayer. A défaut, elle minimise (le « loup solitaire »), elle euphémise (les « enfants perdus du djihad »), elle psychiatrise (une « poignée de déséquilibrés »), elle intimide (« halte à l’islamophobie »), elle sociologise (les défavorisés, c’est bien connu, ne peuvent que massacrer leur prochain) ou elle neutralise (procès en dérives néoréac). Cette calamiteuse stratégie de l’enfouissement aura donc travaillé dur pour accréditer, en réaction, la thèse apocalyptique du « grand remplacement ». En se refusant à nommer et à identifier l’ennemi idéologique, ce prêt-à-penser ne s’est pas contenté de contribuer à notre désarmement intellectuel tout en encourageant un rejet indiscriminé des musulmans. Nos bien-pensants de service n’ont pas fait le jeu du Front national : ils n’ont cessé de faire campagne à sa place ! A la longue, la xénophilie angélisante s’est ainsi révélée le plus efficace agent électoral de la xénophobie diabolisante. Voilà comment nous en sommes arrivés là. Face à un islam qui se radicalise, il serait suicidaire de continuer à ne pas prendre en charge les inquiétudes identitaires, le sentiment d’abandon et l’insécurité culturelle exprimés par tant d’habitants du Vieux Monde, musulmans compris, de surcroît désemparés par une mondialisation qui les déprime tant ils craignent d’y perdre la maîtrise de leur destin. Les aveugles vont-ils s’obstiner, jusqu’à la présidentielle, à laisser ces « immondices » en pâture au FN ? C’est probable, car ce serait la meilleure façon de précipiter le peuple dans son giron. On finit, en effet, par se demander si ces antifascistes égarés n’espèrent pas secrètement le retour de leur vieille « bête immonde » préférée. Après tout, ce serait reposant, de vraies vacances : plus besoin de s’infliger d’épuisantes contorsions mentales face à cet islamo-fascisme dont ils ne veulent pas, dans la mesure où il ne cadre pas avec leur catéchisme binaire dominantsdominés, ici une Europe ontologiquement coupable, là un monde musulman par définition innocent. On songe à la réplique d’un personnage de Shakespeare : « Je me suis dans la fange avancé si loin que même si je décidais de ne plus y patauger, retourner serait aussi pénible que ooursuivre. » p ¶ Alexandra Laignel-Lavastine est philosophe, essayiste et journaliste. Elle vient de publier « La Pensée égarée. Islamisme, populisme, antisémitisme. Essai sur les penchants suicidaires de l’Europe » (Grasset, 220 pages, 18 €). Prix de la Licra 2015. L’abandon des classes populaires A force de vouloir briser les « tabous » à coups de libéralisme culturel et économique, la gauche « moderne » au pouvoir a délaissé la question sociale dont s’est emparé le Front national par louis maurin S i j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre, j’essaierais de me battre d’abord. » L’extrême violence des propos du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, n’a pas échappé aux cinq millions de demandeurs d’emploi, dimanche 6 décembre, au moment de voter. Que se passe-t-il dans la tête d’une caissière quand elle entend qu’un ministre du travail estime que le contrat de travail n’établit pas de lien de subordination (François Rebsamen) ? Ou quand elle voit que sa suivante, Myriam El Khomri, ne sait dire combien de fois son contrat à durée déterminée peut être renouvelé ? Une boule de haine qui monte face à l’humiliation. La gauche « moderne » ignore tout des classes laborieuses ; elles lui rendent dans les urnes la monnaie de sa pièce. Voilà qui permet de comprendre la poussée du Front national, bien plus que la peur des étrangers, dont la part dans la population (6,4 %) est inférieure à ce qu’elle était en 1982. L’incrédulité des dirigeants socialistes devant leur impuissance à endiguer le phénomène a une raison simple : ils ne comprennent rien à la société française. Certes, la gauche n’a pas abandonné les inégalités, elle n’a que ce mot à la bouche. Inégalités d’âge, de sexe, de couleur de peau ou entre les territoires nourrissent la communication politique, les colloques et les discours. Tant que celles-ci demeurent compatibles avec une très forte hiérarchie entre les exécutants et ceux qui décident, tout va bien. Peu importe les écarts de salaires entre le haut et le bas ou la précarité tant que l’on compte le bon nombre de représentants de la « diversité » ou la « parité » parmi les dirigeants. Tant pis si les immigrés et les femmes des milieux populaires sont les premiers touchés par la précarité. Le temps est venu des « chartes », des « pactes » ou de la « responsabilité sociale ». L’appel à la bonne volonté des dirigeants d’entreprise a remplacé la lutte des classes ; la charité sociale, le partage de la richesse. « ÉGALITARISTES » DISQUALIFIÉS Ce changement assure une cohérence idéologique à cette gauche, qui associe libéralisme culturel et économique et qui n’a absolument rien de social-démocrate. Le mariage homosexuel plus la flexibilité du travail, elle y croit. Cette idéologie est assumée au plus haut de l’Etat par le ministre de l’économie luimême, qui se situe dans le camp « du libéralisme politique et économique » sans être désavoué (Le Monde daté du 29 septembre). Ce qui compte, c’est « l’égalité des opportunités » : permettre aux gosses de pauvres de devenir riches et aux gosses de riches de devenir pauvres… Si chacun peut accéder à toutes les places, peu importe la façon dont notre système fonctionne et qu’il écrase le plus faible. Le discours des économistes du XIXe siècle est présenté comme « moderne ». Ceux qui veulent rendre le fonctionnement du système plus juste – ces « égalitaristes » – disqualifiés. Ce monde libéral part à la chasse aux « tabous » : pour démonter le modèle social. Pendant ce temps, la violence des inégalités sociales laisse des traces, dans un système où la liberté est celle du « renard libre dans le poulailler libre », où « l’égalité des chances » n’est qu’un mythe destiné à légitimer la reproduction sociale. Ce n’est pas un problème de « marges de manœuvre » économiques, de budget. Le pacte de « responsabilité » constitue un cadeau fiscal de 46 milliards d’euros par an, principalement aux entreprises. L’équivalent du budget du ministère de l’éducation, de centaines de milliers de logements sociaux, de crèches, de centaines de commissariats de quartier, de quoi proposer un RSA aux jeunes en galère ou des conditions de fin de vie dignes aux personnes âgées démunies. L’Assemblée vient encore de voter un soutien aux emplois domestiques de 225 millions d’euros par an : la gauche dirigeante a besoin de serviteurs peu chers, qui travaillent chez eux et le dimanche dans les commerces d’une nouvelle société flexible. Tout irait bien si cette gauche embourgeoisée pouvait s’affranchir du pouvoir de nuisance des classes populaires, prendre ses congés, manger bio et choisir la bonne école pour ses enfants tranquillement. Elle a même théorisé son divorce avec le monde ouvrier devenu conservateur, selon la fondation Terra Nova (« Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 », Bruno Jeanbart et Olivier Ferrand, 2011). Malheureusement pour elle, les catégories populaires sont nombreuses : 14 % seulement de la population adulte disposent d’un niveau de diplôme supérieur à bac + 2, la moitié des actifs sont employés ou ouvriers. Nous sommes en démocratie et elles continuent à voter. Même si elles s’abstiennent davantage, leur poids est tel dans l’électorat que l’on ne peut faire sans elles. Lionel Jospin cherchait encore à la fin des années 1990 à « réconcilier les classes moyennes et populaires » ; la gauche dirigeante veut faire l’alliance des couches aisées et des classes moyennes dites « supérieures », 20 % des électeurs, en comptant large… LE PARTI SOCIALISTE SE DÉSINTÈGRE Résultat, le Parti socialiste se désintègre : un électeur sur dix a voté pour lui dimanche. Les électeurs se détournent des partis politiques en général qui n’ont que faire des catégories populaires. La seule organisation qui produise un discours de classe fort est le Front national, en s’appuyant sur la démagogie et la xénophobie. Incapable de penser la question sociale, la gauche « moderne » croit avoir trouvé la parade pour devenir populaire. Penser la société avec des sondages et brosser la population dans le sens du poil. On continue à nous expliquer que ces couches populaires se manifestent, non parce qu’elles paient cher les effets de la crise, mais qu’elles auraient peur du « grand remplacement ». Marginalisées hors des villes, elles seraient mises en « insécurité culturelle » par les populations immigrées des cités, qui profitent de l’expansion des métropoles. Le discours du Front national en version allégée est devenu politiquement correct à gauche en grossissant à l’extrême les difficultés – réelles – posées par l’intégration des étrangers dans un contexte de chômage. En utilisant les arguments de l’extrême droite, la gauche ne fait que légitimer un discours de haine. Comment défendre les catégories populaires sans utiliser l’arme de la démagogie ? Les catégories populaires n’ont pas davantage à gagner à la « dictature de prolétariat » et un renversement du capitalisme qu’on leur promet à l’autre extrême. Divisée, engoncée dans un discours révolutionnaire, l’extrême gauche ne peut que rester ultraminoritaire. Les Verts s’intéressent plus à leur panier bio qu’aux ouvriers. De son côté, la droite, plutôt que de partir à la reconquête d’un électorat populaire avec des propositions sociales, s’est fait piéger par la gauche qui lui a volé sa politique. Ses ténors font l’erreur de se lancer dans la surenchère. Le Front national comble ce vide sidéral. « Nos sociétés ne sont pas sans classes, mais sans discours de classe articulant, de manière nouvelle, une explication théorique de ces inégalités à un projet politique de transformation sociale, crédible et vérifiable », expliquait le sociologue Claude Dubar. Tout est dit. Reste à savoir qui est prêt à rénover le projet social-démocrate. p Louis Maurin est directeur de l’Observatoire des inégalités. Coauteur avec Valérie Schneider du « Rapport sur les inégalités en France », Observatoire des inégalités, 200 pages, 7,50 euros. LE DÉBAT SE POURSUIT SUR LEMONDE. FR WWW.LEMONDE.FR/IDEES « Que la gauche cesse de gouverner par la peur », par Noël Mamère, député écologiste. A force de voir la majorité socialiste recycler des idées de droite et d’extrême droite, inutile d’être surpris par la montée du Front national. Vivement la VIe République ! « Le FN, vrai parti du prêt-à-penser », par Cécile Alduy, professeur de littérature à l’Université de Stanford. Ce qui se lit dans la victoire du parti de Marine Le Pen, c’est avant tout le triomphe des clichés sur la pensée et la réflexion. S’il est une formation qui réduit le discours au slogan et l’intelligence à la rectitude politique, c’est bien la sienne. Cécile Alduy est aussi la coauteure de Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste (Seuil, 304 p., 19,50 €). 20 | culture 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 pppp CHEF-D'ŒUVRE pppv À NE PAS MANQUER ppvv À VOIR pvvv POURQUOI PAS vvvv ON PEUT ÉVITER WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC. Ron Howard, digne fils d’Hollywood Dans « Au cœur de l’océan », le réalisateur retrace l’histoire vraie qui a inspiré « Moby Dick » RENCONTRE noémie luciani I l y a du Frank Capra chez Ron Howard. Pas en ce qui concerne le physique ni le style et à peine dans les sujets de leurs films. Ils affectionnent tous deux les belles causes, les individus qui se battent pour une famille, une foule, un rêve, un plus petit. La convergence tient plutôt au point de vue : un entêtement – de leurs personnages sinon d’eux-mêmes – à espérer envers et contre tout. Un appétit d’avenir, qui relègue le désespoir dans les notes de passage, sans jamais lui offrir l’accord majeur. A 61 ans, Ron Howard a, derrière lui, toute une carrière d’acteur pour la télévision et le cinéma, des succès internationaux en tant que réalisateur – Apollo 13 (1995), Un homme d’exception (2001), Da Vinci Code (2006) –, de belles réussites de producteur – Restless (2011), de Gus Van Sant – et l’optimisme chevillé au corps, même – et surtout – lorsqu’on évoque les sujets qui fâchent : l’impitoyable Hollywood, la loi des studios, les gros sous. Il a pourtant commencé dans les larmes. Ses parents sont acteurs. Il a 18 mois et, sur le plateau de Frontier Woman (1956), un western dans lequel joue son père, le réalisateur Ron Ormond (1910-1981) s’avise que ce petit qui pleure ferait bon effet dans sa scène. Au moment de tourner, l’enfant est tout sourire. On lui confie alors un tomahawk qui l’enchante, dont la brusque privation déchaîne de nouveau les pleurs : c’est dans la boîte ! « Je n’ai jamais fait partie des enfants stars » « L’exemple parfait du type d’expérience que ce milieu vous amène à vivre ! », s’amuse le réalisateur, qui ne tarit pas d’anecdotes sur sa drôle d’enfance heureuse. « C’était une vie peu ordinaire, mais très équilibrée. Je n’ai jamais fait partie de ces enfants stars qui grandissent dans des bulles. Mes parents ont fait en sorte que je mène, en dehors des tournages, une existence simple et saine. Nous avions une petite maison, celle qu’eux deux, avec leurs salaires, pouvaient nous offrir. » Il apprend sur le tas, auprès d’un père qu’il décrit comme un « pédagogue de génie », des techniciens et artistes qu’il harasse de questions sur les plateaux. Il alterne télévision (les séries populaires The Andy Griffith Show et Happy Days) et cinéma, sans y voir de grande différence, sinon le surcroît de magie du se- cond : les décors sont plus grands, plus beaux, la musique est entêtante, on y danse. Sur le tournage de The Music Man, de Robert Preston, il pousse la chansonnette, à 7 ans. Peut-être ses excursions d’enfance sur les plateaux lui ont-elles donné le goût d’un cinéma hétéroclite comme un grand coffre à jouets. Il a tout essayé, l’épopée spatiale (Apollo 13), le drame intimiste (Un homme d’exception), le western (Les Disparues, en 2002), la comédie venue de l’espace (Cocoon, en 1985), l’antifilm de Noël (Le Grinch, en 2000), les blockbusters (Da Vinci Code). Il a courtisé les fées (Willow, en 1988) et les sirènes (Splash, en 1984). Il a beaucoup filmé et parlé voitures entre son premier long-métrage, Lâchez les bolides, en 1977, et le beau Rush, en 2013. La transition vers la réalisation s’est faite sans trop de mal. On regarde parfois de haut ce freluquet venu de la télévision, dont American Graffiti (1973), de George Lucas, a pourtant fait à 19 ans une star du grand écran. Mais il peut suffire d’un allié – de poids – pour lancer une carrière. Ce sera Roger Corman, qui produit son premier film : Ron Howard commence à tourner Lâchez les bolides le lendemain de ses 21 ans. L’histoire laisse rê- VOIR LE VERRE À MOITIÉ PLEIN A PERMIS À HOWARD DE TRAVERSER FLOPS ET TRIOMPHES, DE MENER SA BARQUE DANS L’INDÉPENDANCE COMME DANS LA GRANDE MACHINE DES TITANS DU BUSINESS Au bon vieux temps du cinéma à voile AU CŒUR DE L’OCÉAN ppvv F ilm d’aventures, Au cœur de l’océan est aussi l’histoire d’une histoire, et pas n’importe laquelle. Le scénario de Charles Leavitt a recours à un procédé connu : un enquêteur fait parler un témoin, et leur conversation fait bientôt place à la traduction cinématographique des souvenirs de l’interviewé. Ici, l’interrogateur s’appelle Herman Melville (Ben Whishaw). Il est venu à Nantucket recueillir les souvenirs de Tom Nickerson (Brendan Gleeson), dernier survivant du naufrage de l’Essex. Trente ans plus tôt, en 1820, ce baleinier d’un port de la Nouvelle-Angleterre a fait naufrage au milieu du Pacifique, éperonné par un cachalot. Si l’essentiel du film est consacré aux tribulations de l’Essex et de son équipage, son équilibre doit beaucoup à la négociation entre Tom Nickerson et Herman Melville. Le marin vend à regret des morceaux de réalité à l’artiste, qui en fera de la fiction. Plus qu’une astuce de scénario, le face-à-face du loup de mer et du romancier place le film entre la création et les souvenirs, dans cet espace incertain où se déploient les grands récits maritimes. Ron Howard met un enthousiasme peu commun à reconstituer des décors magnifiques – le port de Nantucket, le baleinier – , mais aussi une industrie. L’intrigue principale baigne dans un système économique – la récolte et l’exploitation de la graisse de baleine, principale source d’éclairage en Occident au début du XIXe siècle – comme la mèche d’une lampe baigne dans l’huile. Si les marins de l’Essex sont soumis à des épreuves aussi effroyables, c’est qu’ils ont été forcés de prendre des risques en raison de la raréfaction des ressources. Les cétacés sont montrés (en numérique) sans aucun anthropomorphisme. Ce sont des ressources qu’il faut exploiter. Et quand un individu de l’espèce pourchassée se révèle irréductible, ce n’est pas sa personnalité qui est mise en avant, mais sa qualité d’instrument d’un destin aveugle. Pendant ce temps, à bord de l’Essex, se joue un drame plus conventionnel, qui ramène encore un peu plus Au cœur de l’océan vers une tradition hollywoodienne que l’on croyait éteinte. Owen Chase (Chris Hemsworth), fils de cultivateurs, devenu l’un des meilleurs harponneurs de Nantucket, se voit refuser le commandement du bateau au profit du fils d’un des armateurs, George Pollard (Benjamin Walker). Chris Hemsworth, le colossal interprète australien du dieu viking Thor, offre sa masse musculaire à l’idéal démocratique des Etats-Unis pendant que l’Américain propose une version raide mais convaincante de la ploutocratie yankee naissante. Le duo est limité par un dialogue empesé, qui voudrait évoquer les formes en vigueur au début du XIXe siècle, mais finit par ramener aux errements des années 1940. Ce handicap a pour effet collatéral une clarté quant aux enjeux de la campagne du baleinier : l’argent, le statut social, le pillage des ressources naturelles… C’est dire que ce film historique néoclassique n’ouvrira pas les abîmes métaphysiques qui engloutissent le lecteur de Moby Dick. D’autant que Ron Howard et son directeur de la photographie, Anthony Dod Mantle (Slumdog Millionaire), recourent à des figures familières qui rassurent, comme cette transparence qui montre l’équipage d’un canot emmené par Chris Hemsworth arrosé d’une écume qui n’a rien de commun avec les lames de l’arrière-plan. Cette volonté de renouer avec un cinéma d’aventures marque la limite du film. Après le naufrage de l’Essex, l’équipage se répartit sur trois canots qui dérivèrent dans l’Atlantique, forçant les marins à briser le premier des interdits alimentaires. De cet élément, Herman Melville ne s’est pas servi. Ron Howard non plus ne s’en sert pas autrement que pour montrer à quelles extrémités les naufragés furent réduits. Une fois admises les limites de cette entreprise, on est libre de s’abandonner au plaisir qu’elle offre, de partager la griserie qui saisit le réalisateur de cinéma qui évoque un monde oublié par l’artifice et par l’effort (une bonne partie du tournage a eu lieu en pleine mer). Lorsqu’il se croit le seul maître sur le plateau après Dieu. p thomas sotinel Film américain de Ron Howard. Avec Chris Hemsworth, Benjamin Walker, Brendan Gleeson, Ben Whishaw (2 h 02). veur. Le dire « chanceux » semble encore faible. Les mauvaises langues penseront « pistonné ». Ron Howard est surtout et reste un curieux doublé d’un enthousiaste qui s’est trouvé au bon endroit et au bon moment pour apprendre et faire. « De plus en plus facile de faire du cinéma » En quarante ans de réalisation, l’enthousiasme n’a pas tari. Ron Howard reconnaît pourtant qu’il est de plus en plus ardu de vivre à Hollywood, qu’avoir un nom connu aide, si possible même deux. En ce qui concerne son dernier film, Au cœur de l’océan, qui n’est ni adapté d’un roman célèbre ni partie intégrante d’une franchise à succès, il est conscient de devoir beaucoup à la présence au casting de Chris Hemsworth, commercialement avantageux. Mais si les studios ne sont pas de la partie, qu’à cela ne tienne. Il finance ses films autrement, grâce à sa société Imagine Entertainment, créée en 1986 avec Brian Grazer, profitant des recettes d’autres films, avec un peu d’aide de ses amis. Exactement ce que George Lucas avait dû faire pour produire Willow, au milieu des années 1980, alors qu’il avait déjà derrière lui la trilogie Star Wars. « La vraie révolution, pour moi, est positive, déclare-t-il. La technologie a fait qu’il est de moins en moins cher et de plus en plus facile de faire du cinéma, et la multiplication des moyens de production et de diffusion alternatifs permet de rendre les films visibles autrement. Hollywood rétrécit, mais les médias s’élargissent plus vite qu’il ne rétrécit. » Ron Howard ne mordra pas la main qui l’a nourri. On jurerait, cependant, qu’il s’agit moins de prudence que de cette volonté persistante et joyeuse de voir le verre à moitié plein. En ce qui le concerne, la recette fonctionne : elle lui a permis de traverser flops et triomphes, de mener sa barque dans l’indépendance comme dans la grande machine des titans du business, Warner, Touchstone, Paramount, Universal, Columbia. Il est toujours marié et heureux avec la même femme, Cheryl Howard (Alley), épousée à 21 ans, en même temps que le métier. De son nouveau film, retraçant l’histoire vraie qui a inspiré Moby Dick, il dit : « C’est un film historique, qui montre que le monde ne change pas autant que ce qu’on pense. » Hollywood non plus. « Sur le tournage de Cocoon, ajoute Howard, il y avait un très vieil acteur, Charlie, qui avait joué à Hollywood dans des films muets. Je lui ai demandé, comme vous venez de le faire, si le milieu avait changé. Il a répondu : “C’est toujours les mêmes conneries !” La seule différence, c’est que, maintenant, on n’a plus le droit de faire du bruit sur le plateau quand ça tourne. » p culture | 21 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 La vie (avachie), mode d’emploi Le premier film du rappeur OrelSan dépeint avec humour et noirceur le désert culturel des zones périurbaines COMMENT C’EST LOIN Le rapport au temps est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelligence du cinéma ppvv A 25 ans, la vie leur promettait du rêve. Orel et Gringe, deux petits gars de Caen qui se retrouvent invités à rapper au micro d’une radio locale, sont repérés par un producteur qui leur propose d’enregistrer un single. Cinq ans plus tard, le premier travaille comme gardien de nuit dans un hôtel pour VRP des faubourgs de la ville, contraint par son patron, « pas vraiment raciste, mais quand même… », de refuser les clients à la peau trop foncée, auxquels il propose, pour se racheter, de passer la nuit chez lui. Le second le rejoint régulièrement dans la cuisine pour écluser les bouteilles du bar et tester quelques « punchlines » pour ce fameux morceau qui attend toujours d’être écrit. Le temps s’est écoulé plus vite qu’il n’en avait l’air, au fil de journées qui se répètent à l’identique : réveil à 15 heures au milieu de vieilles canettes explosées et de cendriers débordant de mégots, sortie au centre commercial pour avaler un « sandwich en triangle », retour à la maison, effondrement dans le vieux canapé en mousse du salon, tellement défoncé que les bouteilles se calent d’elles-mêmes dans l’accoudoir, virée au pub avec des potes, retour à l’hôtel pour la nuit, visite aux putes au petit matin… Rupture permanente Sans s’en rendre compte, les jeunes rappeurs prometteurs sont devenus des ratés. Leur ambition s’est émoussée, et l’atroce médiocrité de la vie standardisée, contre laquelle ils croyaient être vaccinés, est sur le point de les engloutir dans sa gangue. Dans une ultime gueulante, leur producteur leur pose un ultimatum : s’ils ne pondent pas un morceau dans la journée, il reprend son matériel et les lâche pour de bon. Premier film du rappeur OrelSan, coréalisé avec le chef opéra- OrelSan (à gauche) et Gringe. LA BELLE COMPAGNIE teur Christophe Offenstein, Comment c’est loin suit les deux zozos dans une interminable journée qu’ils passent à repousser indéfiniment le passage à l’acte, tétanisés par ce défi colossal qui est, en même temps, leur heure de vérité : comment faire en une journée ce qu’on n’a pas réussi à faire en cinq ans ? Les spectateurs du « Petit Journal » reconnaîtront l’esprit de la pastille Bloqués, qu’OrelSan et Gringe animent depuis la rentrée de septembre, mais l’approche est différente. Le rapport au temps, alternativement étiré ou compressé, selon l’intensité des moments, est au cœur d’une mise en scène qui traduit chez le musicien une véritable intelli- gence du cinéma. Le rien – l’attente du bus qui ne vient pas ou de l’inspiration qui ne donne pas le moindre signe, les errances le long de la nationale… – s’installe dans de longs plans-séquences qui donnent tout leur poids à l’ennui et à l’écoulement de ces heures inertes qui remplissent l’existence des personnages. Cette approche esthétique s’accorde avec un parti pris de rupture permanente, quand le « flow » des rappeurs prend, en off, le relais du récit, quand un moment de chorégraphie gracieusement clipée s’insère sans crier gare à l’intérieur d’un plan fixe, ou qu’un gag absurde vient casser la platitude de l’instant. Empreint de l’humour bête et méchant d’OrelSan (on se souvient de sa chanson Sale Pute, issue d’un premier album au titre programmatique Perdu d’avance, qui le fit accéder à la notoriété sous le signe de la polémique en 2009), Comment c’est loin emprunte autant au comique potache et avachi de Seth Rogen (40 ans, toujours puceau, En cloque, mode d’emploi) ou Jason Segel (How I Met Your Mother) qu’à une tradition bien française du duo foireux. S’il touche si juste, ce n’est pas seulement pour son caractère autobiographique – le film s’inspire ouvertement de la vie de ce petit rappeur blanc, fils de prof, Aurélien Cotentin pour l’état civil, et de son binôme, Guillaume Tranchant, alias Gringe, qui ont percé avec leur duo les Casseurs Flowters avant d’entamer chacun de son côté une carrière solo. Ce n’est pas seulement parce qu’il renvoie une image à la fois drôle et cruellement juste du désœuvrement de la jeunesse, de la difficulté qu’elle a, aujourd’hui plus que jamais, à croire en son avenir. Ultraréalisme C’est qu’il dépeint avec acuité le désert culturel désespérant des zones périurbaines, la signalétique standardisée des centres-villes interchangeables, la nullité architecturale banalisée… Une réalité si peu représentée au cinéma et pourtant si dominante dans le paysage français que le rappeur connaît bien pour y avoir longtemps vécu. Le souci de réalisme que traduit cette approche quasi documentaire, qui se manifeste aussi dans le choix des acteurs, issus pour la plupart du cercle des vieux amis caennais d’OrelSan et dont le naturel déglingué participe de la vibration singulière du film, lui donne une connotation politique discrète mais forte. L’urbanisme de ces environnements sans âme est le visage du train-train monotone, aliéné, qu’imposent aux masses la vie de bureau et la société de consommation, de ce quotidien sans qualité auquel sont condamnées les classes moyennes au bord du déclassement, qui menace de désintégrer les cerveaux et contribue à répandre, jusque dans les urnes, le poison du cynisme. « T’as besoin d’une voiture pour aller travailler/ Tu travailles pour rembourser la voiture que tu viens d’acheter (…) Le genre de truc qui donne envie de tout faire sauf de mourir vieux. » Cynique, OrelSan ne l’est jamais, et son film le prouve autant que ces rimes, qu’il scandait en 2012 dans La Terre est ronde. En célébrant les puissances de l’imagination et de la création, il donne au contraire des billes pour résister à l’empire mortifère de la laideur. p isabelle regnier Film français d’OrelSan et Christophe Offenstein. Avec OrelSan, Gringe, Seydou Doucouré (1 h 30). Amour de deux êtres, choc de deux mondes SUR LA PISTE DES Le chef-d’œuvre poignant de Mikio Naruse, réalisé en 1964, sort enfin en salles UNE FEMME DANS LA TOURMENTE pppv C E X POS I T I O N Grande Galerie de l’Évolution Jardin des Plantes, Paris 5e Jusqu’au 21 mars 2016 © Jean-Michel Krief OR ANG-OUTAN • GORILLE • CHIMPANZÉ ompter parmi les films inédits en salles une œuvre de 1964 n’est pas si courant. Son auteur, Mikio Naruse, est au diapason de cette étrangeté, puisqu’il est l’élément le moins identifiable parmi les grands classiques japonais célébrés par la cinéphilie mondiale. Né en 1905, mort en 1969, auteur d’une œuvre subtile et économe de ses effets, délibérément diluée dans la grisaille du quotidien et le destin incessamment désappointé des gens ordinaires, il n’a ni l’élégance cruelle de Mizoguchi, ni la précision bouleversante d’Ozu, ni la fièvre lyrique de Kurosawa. Qu’a-t-il donc qui justifie le fait d’être ainsi placé au plus haut degré du temple cinéphilique ? Une femme dans la tourmente, poignant chef-d’œuvre de fin de carrière (Naruse réalisera son dernier film, Nuages épars, en 1967), apporterait à lui seul des éléments essentiels de réponse. L’action se situe dans le bourg de Shimizu, dans les années 1960. Reiko – interprétée par la muse de Naruse, Hideko Takamine, une des plus grandes actrices au monde –, une veuve de guerre qui a perdu son mari sur le front six mois après leur mariage, y gère l’épicerie de sa belle-famille qu’elle a sauvée d’une fermeture assurée. Sa bellemère avait à s’occuper d’un mari malade, ses deux belles-sœurs ont pensé à faire leur vie, et son beaufrère, Koji, a joint l’indolence à l’affection qu’il lui témoigne. C’est essentiellement entre ces deux derniers personnages que le drame va se nouer, sur fond de mutation rapide de l’économie et plus largement de la société nippone. A cet égard, les séquences qui exposent le sujet et l’ambiance du film sont un modèle de concision, d’intelligence, de sensibilité. Gros plan magnifique Le premier plan est pour un camion qui sillonne les rues du bourg, d’où émane à travers un haut-parleur une voix féminine vantant les réductions consenties par un supermarché local. On voit ensuite un couple de commerçants comparer le prix des œufs, puis une scène grotesque de bar, où trois pauvres types (les gérants du supermarché) s’amusent à faire avaler à de pauvres filles le plus d’œufs durs possible en cinq minutes. Un jeune homme au bar, révolté par leur bêtise, se bat avec eux et se retrouve au commissariat, avant que sa belle-sœur ne vienne le chercher. Ces deux-là, ce sont Reiko et Koji, La dernière demiheure du film est totalement surprenante qui marchent ensemble, rassemblés par une douce affection sur le chemin du retour et dont tout montre pourtant d’emblée qu’un monde les sépare. Elle en tenue traditionnelle, douce, rationnelle, dévouée. Lui en vêtements occidentaux, colérique, paresseux, jeune chien fou amateur de femmes et de beuveries. En eux, par eux, et tandis même qu’ils marchent provisoirement de concert, une époque meurt, tandis qu’une autre commence. Le drame naîtra bien sûr de l’amour qui, subitement, se déclare. Un tel préambule, liant naturellement et trivialement le social au sentimental, suggère que le sort du couple est intimement lié à celui d’une société qui abandonne ses valeurs traditionnelles au profit de la réussite économique. Le sort de l’épicerie, que Koji songe à transformer en supermarché, et le sort de cet amour seront donc au centre du film, tiraillé entre l’égoïsme perfide des belles-sœurs, l’impuissance de la mère, la passion de Koji, l’ambi- guïté bouleversante de Reiko. Ne dévoilons rien ici, promettons simplement une dernière demiheure surprenante, où le mouvement intempestif et l’arrachement brutal d’un long voyage en train inversent le rapport des personnages à la réalité, avivant le sentiment de précarité du monde moderne auquel en dernier ressort Naruse se confronte. Fragilité lisible sur le gros plan magnifique, suspendant le travelling d’une course vacillante et éperdue, du visage interdit de l’héroïne. On ne sait si François Truffaut avait vu ce film avant de réaliser La Chambre verte (1978), mais on ne peut manquer d’être saisi par ce sentiment tragique de fidélité aux morts qui réunit les héros des deux films. A travers cet attachement, notamment aux photographies des disparus, c’est l’image et le cinéma que ces artistes sanctifient comme une sorte de cénotaphe. Il n’en reste pas moins qu’en 1964 ce monde que Naruse s’apprête à quitter discrètement, les enragés de la Nouvelle Vague nippone, Oshima, Imamura et autres Yoshida, en font déjà du petit bois. p jacques mandelbaum Film japonais de Mikio Naruse. Avec Hideko Takamine, Yuzo Kayama, Mitsuko Kusabue (1 h 37). 22 | culture 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 S E M A I N E Des moutons et des hommes L A Un puissant poème rural islandais à la tonalité burlesque mélancolique K Retrouvez l’intégralité des critiques sur Lemonde.fr (édition abonnés) pppv À NE PAS MANQUER Cafard Film d’animation français, belge et néerlandais de Jan Bultheel (1 h 26). Transposant dans la fiction l’histoire méconnue de l’ACM (Autos-Canons-Mitrailleuses) de l’armée belge, première division blindée envoyée sur le front de l’Est dès 1914, Jan Bultheel propose, grâce à un travail hybride de captation de mouvements et d’animation par ordinateur, un film de guerre d’une force expressive et d’une humanité saisissantes. p n. lu. ppvv À VOIR BÉLIERS pppv S i l’on se référait aux « propres de l’homme » souvent invoqués que sont le rire et la parole, on serait bien en peine de distinguer, dans Béliers, les humains des animaux. Dans une vallée islandaise loin de tout, deux frères célibataires, Gummi (Sigurður Sigurjónsson) et Kiddi (Theodór Júlíusson), vivent l’un à côté de l’autre, chacun avec son élevage de moutons. Cela fait si longtemps qu’ils ne se parlent plus qu’on s’étonne qu’ils parlent encore. A leur consacrer tout leur temps, toute leur énergie, tout leur amour, les éleveurs se sont mis à ressembler à leurs bêtes. L’âge les a rendus aussi blancs les uns que les autres, et on s’étonnerait moins de voir rire les moutons que les hommes, tant les seconds sont grognons. Les « béliers » du titre, ce sont eux, sans doute. Le réalisateur Grímur Hákonarson travaille cette quasi-animalisation de ses héros dans un esprit burlesque mélancolique, où le comique tient plus souvent de l’immobilité que du geste. Au début du film, le concours de béliers local oppose les deux frères et une poignée d’autres éleveurs. Les bêtes sont bien alignées, les éleveurs debout, comme sur une photo de classe : les grands derrière, les petits de- vant. Au-delà de la solennité comique de tout ce monde, accentuée par un cadrage en plan fixe, le ridicule vient de ce que les éleveurs, et non les bêtes, arborent autour du cou les écriteaux au nom de ces dernières. Ils sont plus anxieux qu’un jour de récitation de poésie à l’école primaire. La note de l’un est celle de l’autre, comme si la valeur du second en tant qu’homme était proportionnelle à celle du premier. Le paysage, fait de vues merveilleuses sur les vastitudes âpres de l’Islande, dévore la narration Très drôle et très sérieux Il y a quelque chose de très drôle, mais également de très sérieux, dans l’énormité de l’enjeu. On ne saura jamais la raison initiale de la brouille, mais le demi-point d’écart entre les deux frères suffit à creuser le fossé plus profondément que bien des rivalités familiales classiques n’auraient pu le faire. Chacun se mure dans son silence et dans son paysage. Le paysage lui-même, fait de vues merveilleuses sur les vastitudes âpres de l’Islande, dévore la narration : on reste un moment au bord du tableau, et il s’en faut de peu – cela semble ne tenir parfois qu’au vent qui vient pleurer à la place des hommes aux yeux secs – que le film ne meure, contaminé par l’immobilisme têtu de ses héros. Un coup de théâtre vient cependant déraciner l’intrigue et réorienter les regards. La tremblante du mouton a frappé, il faut abat- tre les bêtes. Kiddi se noie dans l’alcool et le déni, Gummi envisage des chemins de traverse : chacun vit sa tragédie en silence à quelques mètres de l’autre. Il s’agit bien d’une tragédie, à double titre. Ces rustauds solitaires aiment leurs bêtes comme ils n’ont probablement jamais aimé un autre être humain : avant l’humour, Grímur Hákonarson fait la part belle à la tendresse, en filmant les gestes doux des grosses mains qui caressent, les intonations soudain chaleureuses des voix rudes qui les interpellent. Mais surtout, ces moutons sont les derniers descendants de Bolstad, un bélier exceptionnel, et la seule légende familiale qui reste. Ce fantôme plus puissant que père et mère vient contrarier l’immobilité renfrognée des deux héros. Un vent de fin des temps plane sur leur petit monde. Ils avaient accepté que l’histoire s’arrête avec eux : Kiddi dans l’oubli opportun de la boisson, Gummi dans ses manies de vieux garçon, son petit Noël mitonné et dégusté en solitaire, que le réalisateur filme avec une délicatesse aussi jolie que poignante. Mais que Bolstad perde sa descendance leur est insupportable : c’est la dernière famille qui reste à leur famille, et la dernière raison qu’ils pourront trouver, avant que le temps, la neige et le vent ne les fondent pour de bon dans le paysage, de s’envisager à nouveau sinon en frères de sang, du moins en frères de lutte. Le tableau s’estompe, les rituels s’effondrent, la vie reprend, puissamment imprévue, puissamment mise en scène, dans un temps inversé qui ramène Gummi et Kiddi, sans beaucoup plus de paroles qu’auparavant, sur les sentiers d’une sorte de préhistoire des sentiments et des liens familiaux, où ils ont tout à réapprendre. A l’horizon, la fin du film et celle du récit prennent des airs d’origine du monde. On aura voyagé très loin sans être sorti de la vallée solitaire, et l’on a rarement vu, avec une telle économie de discours et de matière, une telle ampleur dans le poème. p L E S ARP A U T R E S F I L M S D E Oncle Bernard, l’anti-leçon d’économie Documentaire québécois de Richard Bouillette (1 h 20). Richard Bouillette reprend un entretien filmé, en mars 2000, avec l’économiste Bernard Maris, tué en janvier dans l’attentat contre Charlie Hebdo. Ainsi se fixe le portrait d’un honnête éducateur au parler franc. Un document. p m. ma. pvvv POURQUOI PAS Allende mon grand-père Documentaire chilien et mexicain de Marcia Tambutti Allende (1 h 37). On ne voit pas qui mieux que sa petite-fille pouvait prétendre à une mémoire intime de Salvador Allende, élu président du Chili en 1970, suicidé trois ans plus tard sous la menace du putschiste Augusto Pinochet. De cette violence faite à un homme si profondément aimé, ce film tire un paradoxe familial : la douloureuse réticence à évoquer son souvenir, contre laquelle le film tente, avec probité, de se construire. p j. ma. Back Home Film norvégien, danois, français, de Joachim Trier (1 h 49). L’originalité du film tient à la cellule familiale qu’il dépeint, où la mère, photographe de guerre, a laissé à son conjoint la tâche d’élever leurs enfants avant de mettre fin à ses jours. Si les affects de ces hommes sont le sujet du film, les personnages, trop simplistes, peinent à les rendre sensibles. p i. r. Belle et Sébastien, l’aventure continue Film français de Christian Dugay (1 h 39). La nouvelle aventure du petit orphelin et de son chien distraira les petits. Mais ces images d’Epinal trempées dans une bonne conscience franchouillarde pourraient bien irriter ceux de leurs aînés qui pensaient retombée la vague des films capitalisant sur un âge d’or fantasmé de la France blanche où les petits garçons portaient des culottes courtes et les curés étaient universellement respectés. p i. r. Cosmos Film français d’Andrzej Zulawski (1 h 43). Amateur de baroque sentimental, féru de littérature, écrivain, le Polonais Andrzej Zulawski adapte son compatriote Witold Gombrowicz, écrivain génial, loufoque, déchiré, donc difficilement naturalisable au cinéma. La preuve par ce film, tiré du dernier roman du maître, Cosmos (1963). Bienvenue dans un monde qu’on ne peut montrer sans perdre la raison ! p j. ma. Oups ! J’ai raté l’arche Film allemand, belge, luxembourgeois et irlandais de Toby Genkel et Sean McCormack (1 h 20). Vivement colorié, sommairement animé, cette fable conte les efforts d’une espèce oubliée pour trouver une place sur l’arche, afin d’échapper au déluge. Les potentialités anxiogènes de la situation sont neutralisées par quelques gags et beaucoup de bons sentiments. p t. s. noémie luciani Suburra Film islandais de Grímur Hákonarson. Avec Sigurður Sigurjónsson, Theodór Júlíusson. (1 h 33) Film italo-français de Stefano Sollima (2 h 15). Chronique d’une guerre des gangs dans la Rome d’aujourd’hui, Suburra mèle la réflexion politique et les exigences spectaculaires du film noir contemporain. Un certain maniérisme formel limite la portée d’un film pas désagréable. p j.-f.-r. NOUS N’AVONS PAS PU VOIR Vue sur mer Quelques moments de grâce dans un bazar Film américain d’Angelina Jolie-Pitt (2 h 03). Claude Lelouch transporte sur les bords du Gange sa nouvelle romance à rebondissements UN + UNE pvvv C es dernières années, Claude Lelouch était resté plutôt sédentaire, dans l’espace, sinon dans le temps. Un + Une renoue avec ces grandes excursions qu’ont été Un homme qui me plaît (l’Ouest américain, 1969), Itinéraire d’un enfant gâté (la planète entière, 1988) ou And Now… Ladies and Gentlemen (le Maroc, 2002). A 78 ans, l’auteur d’Un homme et une femme se jette à film perdu sur les routes – aériennes, ferroviaires, bitumées, en terre, fluviales, spirituelles – qui sillonnent l’Inde. Dans cette frénésie de déplacements qui saisit les deux personnages principaux, Antoine Abeilard, compositeur de musique de films (Jean Dujardin) et Anna Hamon (Elsa Zylberstein) professeure de philosophie devenue femme de diplomate (l’ambassadeur français en Inde, Christophe Lambert), tout peut arriver : des moments de grâce infinie, des dialogues improvisés qui s’éternisent, des vues pittoresques du Claude Lelouch veut tirer des larmes, attendrir, et faire passer le temps très vite sous-continent, du placement de produit… Cet amalgame devrait condamner le film à la médiocrité. Il suffit qu’un acteur pris de court répète plusieurs fois « Ah, quand même ! » pour couler non seulement la séquence mais aussi celles qui l’entourent. Tout comme l’insistance à cadrer la calandre d’une voiture de marque allemande (dans laquelle roule le représentant de la France) distrait un peu l’attention des enjeux de la scène (la rencontre entre l’ambassadeur et la professeure). Sans parler du choix curieux de l’interprète principal. Jean Dujardin incarne un séducteur au bord de la retraite. Il vient de rencontrer une pianiste de quinze ans sa cadette pour qui il hésite à se ran- ger des voitures. Lorsqu’il est invité à se rendre en Inde pour composer la bande originale d’une version moderne de Roméo et Juliette (réalisée par un cinéaste « de la Nouvelle Vague indienne »), interprétée par les protagonistes du fait divers qui l’a inspirée (tout ça est filmé, mis en scène avec une désinvolture si preste qu’on est bien obligé de la prendre pour de la virtuosité). Ironie parisienne Croulant sous toutes ces informations, le spectateur doit ensuite assimiler la rencontre entre le don Juan et l’épouse en pleine crise existentielle. La seconde entraîne le premier sur les bords du Gange, où elle espère trouver la fertilité, pendant qu’un providentiel caillot dans une artère cérébrale le pousse, lui, à reconsidérer les tenants et aboutissants de l’existence. Comme on pouvait le redouter, le sourire carnassier de Jean Dujardin et sa propension à l’ironie bien parisienne défont la vraisemblance de cet exercice spirituel. Mais dans ce bazar orientali- sant, Lelouch saisit, par exemple, le visage défait par le froid et la tristesse d’Elsa Zylberstein qui vient de s’immerger dans les eaux sacrées. Ou encore le joli numéro, très étudié, de Christophe Lambert en faux naïf et vraie bête de pouvoir. De toute façon, tout va tellement vite que l’on n’a pas le temps de réfléchir (ce qui semble aussi avoir été le cas du réalisateur – certaines de ses vues de l’Inde feraient passer Hergé pour un virulent anticolonialiste, à la Frantz Fanon), et ce n’est pas le but de l’opération. Claude Lelouch veut tirer des larmes (il peut d’ailleurs compter, comme depuis un demi-siècle, sur une partition sentimentale de Francis Lai), attendrir, et faire passer le temps très vite. En cinquante ans de cinéma, il a acquis en ces matières un certain savoir-faire. p thomas sotinel Film français de Claude Lelouch. Avec Jean Dujardin, Elsa Zylberstein, Christophe Lambert, Alice Pol (1 h 56) LES MEILLEURES ENTRÉES EN FRANCE Nombre de semaines d’exploitation Nombre d’entrées (1) Nombre d’écrans Evolution par rapport à la semaine précédente Total depuis la sortie Babysitting 2 1 712 676 553 Le Voyage d’Arlo 2 358 507 645 ↓ – 34 % 929 711 Hunger Games : La Révolte – Partie 2 3 308 764 851 ↓ – 48 % 2 210 342 007 Spectre 4 307 464 840 ↓ – 45 % 4 130 916 Le Pont des espions 1 233 041 352 233 041 Mia Madre 1 129 368 184 129 368 L’Hermine 3 116 391 458 Strictly Criminal 2 65 981 277 Demain 1 63 988 154 21 nuits avec Pattie 2 62 203 295 AP : Avant-première Source : Ecran Total 712 676 ↓ ↓ – 43 % 711 196 – 56 % 250 905 ↓ – 50 % 220 117 63 988 * Estimation Période du 2 au 6 décembre inclus Faute de faire le bonheur des cinéphiles, Babysitting 2 fait celui de son distributeur, UPI. Avec 712 000 entrées en première semaine, et une moyenne de 1 289 spectateurs par copie, ce deuxième volet de la franchise française inspirée du Projet X (un épisode festif restitué à travers une vidéo tournée à la caméra GoPro) se place en tête du classement. Les films classiques de Steven Spielberg (Le Pont des espions) et Nanni Moretti (Mia Madre) démarrent dignement (233 000 entrées pour le premier, 129 000 pour le second). La situation est en revanche très difficile pour les films en prise avec le djihadisme. Taj Mahal, de Nicolas Saada, n’a rassemblé que 15 000 spectateurs en première semaine et Les Cowboys, de Thomas Bidegain, 38 500 en quinze jours. culture | 23 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Eagles of Death Metal de retour sur scène à Paris Le groupe américain, qui se produisait au Bataclan lors des attentats, a clos le concert de U2, le 7 décembre MUSIQUE L aissez-moi vous présenter des personnes dont la vie sera désormais toujours liée à Paris, annonce soudain Bono, le chanteur de U2. Il y a quelques semaines, on leur a volé leur scène, nous voulons leur offrir la nôtre. Bienvenue aux Eagles of Death Metal. » Lundi 7 décembre, à 22 h 53, les rockeurs américains sont remontés sur scène, à Paris, à l’invitation des stars irlandaises, moins d’un mois après s’être produits au Bataclan, le 13 novembre, jour des attentats. Sur le plateau de l’AccorHotels Arena, le quintette californien a repris avec ses hôtes un morceau de Patti Smith, People Have the Power, avant que U2 ne s’éclipse pour laisser le dernier mot – la chanson I Love You All the Time – à ceux qui, il y a quelques jours, ont affirmé vouloir revenir jouer au Bataclan, dès que sera envisagée la réouverture de la salle martyre. Devant l’arène survoltée de l’ancien Bercy, le groupe mené par le chanteur Jesse Hughes, tout de blanc vêtu, laisse éclater une énergie faite de rage de jouer et de joie de vivre, malgré tout. « Je vous aime si fort ! », s’étrangle presque le musicien de Palm Desert en agitant un drapeau bleu-blancrouge. « I will never stop rock’n’rolling ! » La nouvelle de la venue des Eagles of Death Metal avait fuité ce week-end, alors que se préparaient les deux concerts de U2 reprogrammés les 6 et 7 décembre, après l’annulation de leurs spectacles parisiens des 14 et 15 novembre, au lendemain des attentats. Le quatuor irlandais avait déjà joué à l’AccorHotels les 11 et 12 novembre. Le samedi 14 novembre, Bono, le guitariste, The Edge, le bassiste, Adam Clayton et le batteur Larry Mullen Jr. avaient tenu à se recueillir devant le Bataclan, en se déclarant « dévastés par les pertes humaines » et solidaires du groupe américain. Une solidarité qui s’est donc exprimée spectaculairement en l’accueillant lors de l’ultime rappel de ce show du 7 décembre, diffusé par la chaîne américaine HBO. Une autre résonance Avant l’apparition des « Aigles », U2 avait donné un concert similaire à ceux produits à l’occasion d’une nouvelle tournée, baptisée « Innocence + Experience » qui, depuis mai 2015, met particulièrement en avant les titres de son 13e album, Songs of Innocence, sorti en septembre 2014. La configuration – une scène et une longue promenade entourées à 3600 par la foule –, les visuels projetés sur une sorte de longue cage surplombant la promenade et les morceaux joués ont beau être quasiment les mêmes, nombre de moments du concert prennent une autre résonance dans le contexte actuel. Les « Aigles » laissent éclater une énergie faite de rage de jouer et de joie de vivre, malgré tout Dans leur récent album, les membres de U2 replongent dans les souvenirs de leur enfance et de leur adolescence. Bono y évoque sa mère, Iris, morte quand il avait 14 ans – « En me quittant, elle a fait de moi un artiste » −, ses révélations musicales − « Le rock’n’roll a sauvé ma vie », répète-t-il à propos d’un genre devenu cible récente des terroristes. Il se rappelle aussi la violence du conflit nord-irlandais qui lui avait déjà inspiré le succès Sunday Bloody Sunday. En introduction de Raised by Wolves, évoquant les attentats aux voitures piégées du 17 mai 1974, qui provoquèrent la mort de 33 civils dans les villes de Dublin et Monaghan, en République d’Irlande, le réalisme du son d’une explosion fait sursauter les 20 000 spectateurs. Puis la projection des photos des victimes de l’époque évoquera les 130 morts des fusillades parisiennes, dont tous les noms apparaîtront sur fond de drapeau français à la fin d’un hymne à Paris, City of Bright Lights, que Bono enchaîne avec une version a cappella de Ne me quitte pas. Un des grands frissons de la soirée. Des vidéos de la ville syrienne dévastée de Kobané, des colonnes armées de l’Etat islamique ou des déplacements de réfugiés accompagnaient déjà le déluge électrique de Bullet the Blue Sky avant l’état d’urgence. Entre les chansons, Bono fait référence à l’actualité. « Cherchentils à nous faire peur ? A nous faire dénoncer nos voisins ? Nous ne céderons pas à la haine, nous refusons de devenir des monstres pour détruire un monstre. » Le leader de U2 célèbre « les faiseurs de paix qui ont le courage du compromis ». Il se dit solidaire des familles de victimes à Paris et Saint-Denis, San Bernardino, Istanbul, Beyrouth ou Damas. Mais aussi de celles des terroristes, également victimes d’« une idéologie qui pervertit le magnifique message de l’islam ». Musicalement, le groupe semble galvanisé par la gravité du moment. Son lyrisme quasi messianique, la puissance de ses envolées de guitares témoignent depuis toujours de sa capacité d’indignation, comme de sa volonté de communion. A entendre l’arène parisienne reprendre en chœur le refrain de One ou de Pride (In the Name of Love), on se dit que les hymnes de U2 n’ont jamais tenu aussi chaud. p stéphane davet LE BILLET DU JOUR « The Big Lebowski », ce nid d’aigles death metal Avec un tel nom, les Eagles of Death Metal allaient finir par attirer les vautours. Près de quatre semaines après la tuerie du Bataclan, c’est chose faite : dépeçant les entrailles d’Internet, mettant bout à bout de vieilles déclarations, sorties de leur contexte et purgées de toute ironie, certains confrères peu scrupuleux ont transformé les volatiles californiens en aigles fascistoïdes, amateurs d’armes à feu, militants anti-avortement et soutiens sans distance de Donald Trump. Vilaine caricature qui, si elle monte en épingle l’aile droite et conservatrice des rockeurs, en occulte l’aile gauche, autrement libérale. Car les leaders du groupe, Jesse Hughes et Josh Homme, portent autant au pinacle la sous-culture « redneck », tendue du canon, que le mode de vie hippie, détendu du caleçon. Or, c’est précisément ce vol chaotique d’un extrême à l’autre des valeurs américaines qui suscite, chez leurs admirateurs, des élans de tendresse amusée. En cela, le duo ravive le souvenir des deux compères de The Big Lebowski, le film des frères Coen (1998) : si l’on éprouve de l’affection pour Walter Sobchak (John Goodman), un patriote dégainant grands principes et gros calibres d’une même salve crispée, c’est parce qu’il a pour ami « The Dude » (Jeff Bridges), davantage porté sur la marie-jeanne, l’amour libre et la non-violence. A la fin du film, le tube des Eagles, Hotel California, repris par les Gipsy Kings, salue la victoire des deux zigotos sur un groupuscule de malfaiteurs « nihilistes » (sic). Du reste, c’est le propre des meilleures comédies que de révéler, longtemps après les premiers rires, leur caractère poignant. p auréliano tonet CORRESPONDANCE Une lettre de Groupe Moma A la suite de l’article intitulé « Au Théâtre des Champs-Elysées, des travaux en catimini » (Le Monde du 6 novembre), nous avons reçu le courrier suivant de Groupe Moma. « Un article publié sous la plume de Jean-Jacques Larrochelle, le 6 novembre, « Au Théâtre des Champs-Elysées, des travaux en catimini », fait état de faits inexacts. Injustement mis en cause, le Groupe Moma entend que les éléments suivants soient portés à la connaissance du lectorat du journal Le Monde. Après un appel à projet très sélectif lancé en juin 2013 par la Société immobilière du Théâtre des Champs-Elysées, société filiale de la Caisse des dépôts et consignations, propriétaire du théâtre [parisien], le Groupe Moma a été retenu pour la qualité et l’originalité de son projet de restaurant et de cabaret. Une convention de bail a été conclue avec le propriétaire des lieux. Si la création, en son temps, du restaurant Maison blanche avait évidemment nécessité un permis de construire, compte tenu de la surélévation de 1 000 mètres carrés sur le bâtiment existant du théâtre, la situation est totalement différente en l’espèce. En effet, dans la mesure où la rénovation du sous-sol existant de l’ancien hôtel des ventes n’emporte ni création de surface de plancher, ni modification des façades extérieures, ni atteinte aux parties classées du bâtiment, ni, enfin, modification de l’affectation commerciale des locaux, le dépôt et l’affichage de la déclaration de travaux sont conformes aux textes législatifs et réglementaires applicables en la matière. Un dossier complet d’aménagement a été déposé en préfecture le 25 mars, conformément aux procédures applicables en matière d’établissements recevant du public, et l’administration a effectué une visite sur site. La société Moma Group, leader de son secteur et reconnue pour son professionnalisme, s’étonne de la teneur de cet article. Se refusant à épiloguer sur son contenu, elle réaffirme par ce droit de réponse que la législation applicable aux travaux entrepris a été parfaitement respectée. » JUSQU’AU 10 DÉCEMBRE 2015 NEW YORK TOKYO SAINT-DOMINGUE 508€ TTC A/R ET ENCORE PLUS DE DESTINATIONS : 648€ 649€ TTC A/R TTC A/R AIRFRANCE.FR France is in the air : La France est dans l’air. Pour NewYork:partez du11/01/2016 au 31/03/2016. Pour Tokyo:partez du 6/01/2016 au12/06/2016. Pour Saint-Domingue:partez du11/01/2016 au19/06/2016. Tarifs à partir de, hors frais de service, soumis à conditions et à disponibilité, au départ de Paris. Renseignez-vous sur airfrance.fr, au 36 54 (0,35€ TTC/min d’un poste fixe) ou dans votre agence de voyages. 24 | télévisions 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 « Homeland » tient toujours en haleine VOTRE SOIRÉE TÉLÉ Aux trois quarts de la cinquième saison, la série de Showtime diffusée par Canal + Séries confirme son excellence MERCREDI 9 DÉCEMBRE CANAL+ SÉRIES À LA DEMANDE S aison 5 ou saison 4 ? Au moment d’écrire ce début d’article, on s’est posé la question. Mais « Homeland », créée en 2011 par Howard Gordon et Alex Gansa, en est bien à sa cinquième saison. Cette hésitation pourrait signifier deux choses : que le temps dramaturgique de la série progresse de « plein-vent » ; ou que sa saison 4 est oubliable. Il y a sûrement du vrai dans les deux suggestions, mais si la précédente saison a pu décevoir une partie de la critique et de ses aficionados, « Homeland » demeure, en son ensemble, un remarquable exemple de cohérence dans le renouvellement du propos et des lieux, avec des personnages récurrents qui en assurent la stabilité narrative. Jeu du chat et de la souris Ainsi, le dépaysement de l’action en Europe pour cette cinquième saison (avec un tournage décentralisé en Allemagne) est un fait assez rare et culotté, dans le cas d’une série nord-américaine, pour être souligné. On y découvre Carrie Mathison, le personnage principal, installée depuis deux ans en (presque) parfaite mère de famille bobo dans la banlieue de Berlin. Les scénaristes sont parvenus à Carrie Mathison (Claire Danes) dans la série « Homeland » (S5, ép. 2). STEPHAN RABOLD/SHOWTIME/FOX machiner l’intrigue de telle sorte que Carrie, qui ne travaille plus pour la CIA, Saul Berenson (son mentor, auquel la lie une relation d’amour-haine) et Dar Adar, le patron de l’Agence centrale de renseignement américaine, se retrouvent une fois encore dans les mailles d’un même filet. Les quatre précédentes années de diffusion de « Homeland » auront montré à quel point ses scénaristes ont l’art du contournement et du rhizome dans leur développement de l’action. En cette cinquième saison, ils continuent de faire montre de leur doigté en matière de suspense, alimentant de manière subtilement sadique la frustration et la dépendance du téléspectateur. La fin du dernier épisode en date, le neuvième, aurait pu constituer la fin possible de cette sai- son avec l’aveu du coupable. Mais non : « Homeland », pendant quelques épisodes supplémentaires (douze au total), va poursuivre ce jeu du chat et de la souris avec ceux qui la suivent chaque semaine, dans la foulée de la diffusion nord-américaine. Au cours du deuxième épisode, on avait vu, sur les murs d’une ruelle que parcourt Carrie, des inscriptions taguées en arabe. Per- sonne, au sein de la production, ne les avait déchiffrées avant le passage sur le petit écran. De sorte que certains arabisants parmi les téléspectateurs ont lu, stupéfaits, des messages tels que : « “Homeland” est raciste. » Selon le quotidien britannique The Guardian du 15 octobre, ces tags avaient été commandés à des artistes de rue « par une société de production [afin de] donner de l’authenticité au décor, supposé représenter un camp de réfugiés à la frontière syro-libanaise, mais filmé à la périphérie de Berlin ». Lesdits artistes, Heba Amin, Caram Kapp et Stone, qui constituent le groupe des Artistes de rue arabes (Arabian Street Artists), ont revendiqué ensuite leur geste comme un message politique contre les stéréotypes que véhiculerait « Homeland ». Mais Alex Gansa, l’un des créateurs de la série, a répondu avec une élégance non dénuée d’humour au site Internet Deadline : « Quoi qu’il en soit, et puisque “Homeland” s’efforce d’être subversive à sa manière et d’appeler au commentaire, nous ne pouvons qu’admirer cet acte de sabotage artistique. » p renaud machart Homeland (saison 5), avec Claire Danes, Mandy Patinkin (2015, EU, 12 x 52 mn). Le Norvégien Matthias Glasner met en scène une famille qui saisit une seconde chance D ans une région de Norvège où la glace ne fond jamais et où il fait nuit plusieurs mois par an, Maria et Niels se sont installés avec leur fils, Markus. Sans trop y croire, ils sont venus chercher une seconde chance. Mais Niels est toujours infidèle, et Maria a beau se dévouer à son travail d’infirmière, cela ne suffit pas à lui faire oublier qu’elle n’est plus heureuse. De plus en plus loin de ses parents, Markus se contente de les filmer avec son téléphone. Mais, en parcourant la nuit perpétuelle en voiture, Maria percute quelque chose, ou quelqu’un… Cet accident va bouleverser son couple et sa famille. Le titre du film de Matthias Glasner, La Grâce (2012), est voué à paraître longtemps énigmatique, voire incongru. Où pourrait-on voir la grâce dans cette vie sans soleil et presque sans mots ? Dès le début, la souffrance est devenue lame de fond. Il est trop tard pour les cris et les pleurs. Vivre ensem- ble se résume à croiser les aimés d’hier, qui n’ont, aujourd’hui, pas plus de corps que des fantômes. Vies prisonnières d’un désert On est tenté de prendre le titre à rebours : La Grâce comme grande absente, dans tous les sens que l’on peut lui prêter. Physique : la grâce perdue de Maria, dont le visage tendu suggère une douceur oubliée. Moral : la grâce comme pardon, épreuve nécessaire au couple, et volontairement ignorée par Maria. Sens mystique, enfin : la grâce comme faveur divine, plus absente encore, tant on sent cette famille enfermée au sens le plus concret du terme. Proche de ses personnages, ou englobant en plans larges le paysage glacé, Glasner joue de cette disproportion pour peindre le malaise de ces vies prisonnières d’un désert. C’est, pourtant, avec ce sens-là, le plus improbable, que la grâce irrigue cette histoire, à partir de l’accident de voiture de Maria, et sa fuite. Elle se confie à Niels, et il y a dans cette confidence les germes d’une confiance nouvelle, qui leur donne la force d’assumer leur be- France 2 20.55 Malaterra Série créée par Stéphane Kaminka. Avec Simon Abkarian, Constance Dollé, Louise Monot (Fr., S1, ép. 7 et 8/8). 22.45 Folie passagère Divertissement animé par Frédéric Lopez. France 3 20.55 Des racines et des ailes A travers les pays de Savoie Magazine présenté par Carole Gaessler. 22.50 Régionales 2015 : le grand débat du second tour Treize débats en diffusion simultanée dans treize régions de France. Canal+ 20.45 Football Valence (Esp.) - Lyon 1re phase de la Ligue des champions (6e journée, groupe H). En direct.. 22.50 Slow West Western de John Maclean. Avec Michael Fassbender (GB-NZ, 2014, 80 min). France 5 20.40 La Maison France 5 Présenté par Stéphane Thebaut. 21.40 Silence, ça pousse ! Magazine présenté par Stéphane Marie et Caroline Munoz. Dans la nuit perpétuelle, un couple voit la lumière ARTE MERCREDI 9 – 20 H 55 FILM TF1 20.55 Esprits criminels Série créée par Jeff Davis. Avec Joe Mantegna, Shemar Moore, A.J. Cook, Matthew Gray (EU, saison 10, ép. 20/23 ; S9, ép.13 à 15/24). soin de pardon. Niels combat son infidélité, Maria son silence. Les mots reviennent, et avec eux les grâces physiques oubliées : la lente transformation du couple, dans l’interprétation superbe qu’en donnent Birgit Minichmayr et Jürgen Vogel, est bouleversante. Reste à gagner le pardon des hommes, et cette étape est peut-être la plus difficile. p noémie luciani La Grâce, de Matthias Glasner. Avec Birgit Minichmayr et Jürgen Vogel (All.-Norv., 2012, 125 min). Arte 20.55 La Grâce Drame de Matthias Glasner. Avec Brigit Minichmayr, Jürgen Vogel et Henry Stange (Norv. - All., 2012, 125 min). 23.00 Jésus et l’islam L’Exil du prophète. Mahomet et la Bible. Série documentaire de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur [4 et 5/7] (Fr., 2015, ép. 4 et 5/7). M6 20.55 Le Meilleur Pâtissier Le Trophée de Noël Jeu présenté par Faustine Bollaert. Invité : Gilles Marchal. 23.15 Le Meilleur Pâtissier, à vos fourneaux ! Magazine (125 min). 0123 est édité par la Société éditrice HORIZONTALEMENT 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 I II III IV V VI VII VIII IX X SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 289 HORIZONTALEMENT I. Boniication. II. Isolateur. Ka. III. Stella. Lof. IV. Té. Illettrés. V. Rossait. Sars. VI. Otai. Eut. CIA. VII. Tombe. Ver. En. VIII. Im. Lupanar. IX. Eiders. Opéré. X. Renseigneras. VERTICALEMENT 1. Bistrotier. 2. Ostéotomie. 3. Noé. Sam. Dn. 4. Illisi- bles. 5. Falla. Eure. 6. Italie. Psi. 7. Ce. Etuva. 8. Ault. Tenon. 9. Trots. Râpe. 10. Frac. RER. 11. OK. Erié. Râ. 12. Naissances. I. Ouvrent de plus grands choix si elles sont multiples. II. Sa queue est moins longue que ses oreilles. Solidement bâtie. III. Réléchirait avant d’agir. Dans le talc. IV. Belle enfant de Gervaise. Grecque dans les calculs. Emploi sur les planches. V. Toujours discrètes dans leurs déplacements. VI. Interpelle. Préposition. Eau mélangée. VII. Dessus-de-porte. Gonlé en prenant la mer. VIII. Tout à fait convenables. En mer Egée. IX. A libéré les chaînes. Moldave de Roumanie. Savait choisir ses robes avec soin. X. Expulsions brutales et sonores. VERTICALEMENT 1. Fonce debout sur les lots. 2. Grand nettoyage extérieur. 3. Donna son plein accord. Faisait tache sur nos cahiers. 4. Tout le monde parle de son campanile. Sait beaucoup de choses. 5. Ouvre les comptes à la City. Impossible de lui échapper. 6. Lumineux et pétaradant dans les airs. 7. Edentés et paresseux. Pour tout accrocher. 8. Personnel. Lieu de grève. En prime. 9. Vénitienne avant de devenir slovène et croate. 10. Travaille à l’usine. Fonctionnaire international. 11. Sans le moindre intérêt. Assure un bon contact. 12. Se font dans la rupture. La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 0123 Les Unes du Monde RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ CELLE DE VOTRE CHOIX ENCADRÉE Encyclopéd ie Universalis www.lemond e.fr 65 e Année - N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine L’investiture de Barack Nouvelle édition Tome 2-Histoire --- Jeudi 22 janvier Uniquement 2009 Fondateur Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension : Hubert Beuve-Méry En plus du « en France - Directeur Monde » métropolitaine : Eric Fottorino Obama des audiences à Guantanam o Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne de Barack Obama ; ambitions d’un presque modeste.un sur le moment s’est arrêtée a Feuille force d’invoquer en 2008, la première rassembleur qu’elle était pendant les A vivre : décision de ; n’est jamaisde route. « La grandeur Abraham en train de festivités de et de nouveau administration: Martin Luther l’accession la nouvelle Lincoln, un l’investiture, au poste du 18 au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement les rencontres jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée. D Education UK price £ 1,40 GRILLE N° 15 - 290 PAR PHILIPPE DUPUIS du « Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 3289 (Service 0,30 e/min + prix appel) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ; par courrier électronique : [email protected]. 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Ils comment la et de déterrent du rupture s’est sable des morceaux d’une faite entre les enseignants qui s’enflamment fibre compacte et Xavier Darcos. immédiatement au contact de Page 10 l’air Bonus Les banquiers ont cédé Enquête page Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu françaises qu’ilsdes banques renoncent à la « part variable de leur rémunération ». En contrepartie, les banques pourront bénéficier d’une D et qu’ils tentent aide difficilement de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. équivalent à Surles mursde » celle accordée cetterue,des fin 2008. Page cesnoirâtres tra- boutique. 14 sont bes ont projeté visibles.Les bom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa incendié une pas. « Dites fabrique de bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est petite des nations occidentales la mière foisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation trentemorts pour semaines, rien. l’Américain israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. un magasin, une bombe mains, de cette bonne se réjouit il tient une Entre ses mort en 1980, le 10 janvier. Ils étaient venus enflamme feuille de le s’approvisionner papier avec tous cercle de ses pour l’économienouvelle pendant noms des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés,les Le demi-frère disciples. Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère ainsi que leur son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, l’écrivain, qui de à accès à une comme pour plusieurs en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. se persua- la publication, der qu’ils sont plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le de l’ancien Algérie 80 DA, métallique de éditeur de Barthes, Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane la 2,00 ¤, Autriche page 19 27000profs partirontcha quean àlaretraite,d ’icià2012. née Automobile Fiat : objectif Chrysler Edition Barthes, la polémique et Débats page 5 17 François Wahl. L elivre-en q u êtein co n to u rn ab lep o u ralim en terled su rl’aven éb at ird el’éco le. 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, u né 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 d ite u rd ¤, Sénégal 1 e rriè 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 rel’é c ra ¤, Finlande n>w 2,20 ¤, Suède 2,50 ¤, Gabon w w 28 KRS, Suisse .a rte b o 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne u tiq u e .c 1,9 DT, Turquie o m 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤, Page 20 RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique Présidente : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 L’Imprimerie, 79 rue de Roissy, 93290 Tremblay-en-France Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre ») styles | 25 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Ci-contre, le SHA Wellness Clinic, à Alicante (Espagne). DR En bas à gauche, cure vitaminée au Yeotown, en Angleterre. DALE CURTIS Ci-dessous, un ancien moulin majorquin qui accueille les « retraites détox » du Green Shelters. DR VOYAGE R etraite détox », disait le site. Pourtant, le programme du séjour majorquin organisé par The Green Shelters, dans un cadre, certes, sublime, est aussi chargé que celui d’un séminaire d’entreprise. Autour de la piscine, une Britannique de la City déjeune sur le pouce – ou plutôt sirote un smoothie poire-épinards-avocat – entre son cours de yoga et sa consultation avec la naturopathe. Avant son massage en chambre, une journaliste allemande apprend à préparer un gratin de chou-fleur avec du lait de noisette et de la farine de riz complet. Après ses trois heures de randonnée sur l’île, une trentenaire française, qui travaille dans l’industrie du luxe, s’installe dans un des rares endroits de la maison où on capte le Wi-Fi. Lancée en mars, la société The Green Shelters organise tous les deux mois dans un lieu différent (à Essaouira, au Maroc, à Ibiza, aux Baléares, dans les Alpes françaises…) des « pauses » cinq étoiles. Des séjours imaginés pour la clientèle urbaine stressée et fatiguée, en quête d’un break – et de quelques kilos en moins ? –, sans trop perdre ses repères ni son niveau de confort habituel. Son créateur, l’Espagnol Juan Arance, a gardé de ses années passées chez Louis Vuitton et Lanvin un souci du détail et du service. Rééduquer le voyageur Dans chacune des sept chambres joliment décorées de cet ancien moulin, une literie de qualité, une salle de bains luxueuse et des produits de beauté bio de la marque grecque Korres. Une version haut de gamme de la retraite… bien loin des séjours en ashram avec jeûne de la parole (voire jeûne tout court) et hébergement dans un dortoir sommaire. « Ces formules, qui attirent aussi bien des cadres supérieurs que des accros au sport, proposent de s’occuper à la fois du corps et de l’esprit », note Issy von Simson, rédactrice en chef adjointe du magazine britannique de voyage Condé Nast Traveller. Et se développent en Europe. Une tendance en lien avec l’engouement des citadins pour le bien-être, les médecines parallèles, le yoga ou encore la détox. « De plus en plus d’établissements se dotent d’équipements et de services autour de la relaxation, mais il existe peu de lieux qui proposent une amélioration du bien-être à la fois physique, mental et spirituel. Cela demande du personnel très qualifié et des années d’expérience », affirme Alejandro Bataller, vice-président de SHA Wellness Clinic en Espagne, dont les programmes détox cinq étoiles ont été lancés en 2009. Fondé en avril par deux Britanniques, CALA Retreats propose aussi des retraites bien-être dans des lieux contemporains. « Une expérience, plus qu’un séjour », dixit la cofondatrice et nutritionniste, Laurie Richards. Car il s’agit aussi de « rééduquer » le voya- esprit sain, corps sain, goût de luxe On connaissait les retraites silencieuses, tendance hippie. Voici leur version 5 étoiles, qui mêle bien-être spirituel et physique dans un somptueux décor A D R E S S E S The Green Shelters, dans les Alpes françaises, du 30 janvier au 6 février 2016 Au programme, yoga, ateliers de cuisine saine, randonnée, consultation avec un naturopathe. A partir de 990 euros pour trois nuits avec les transferts, l’hébergement en chambre double, la pension complète et toutes les activités. Thegreenshelters.com « Pendant longtemps, les retraites détox n’attiraient que les hippies, qui croyaient à cette tradition naturelle et ancienne pour se sentir mieux. Tout comme d’ailleurs à la nécessité d’être en contact avec soi-même », rappelle Laurie Richards. Puis l’industrie du tourisme s’est emparée de cette mode du bien-être « global ». Au Panama, avec Voyageurs du monde. VINCENT LEROUX Où poser ses valises en 2016 ? C’est devenu une tradition pour tous les guides et sites de voyages : publier avant Noël un palmarès de destinations tendance. Pour 2016, le dernier en date, celui de TripAdvisor, révélé mardi 8 décembre, met l’Amérique latine à l’honneur. Et classe pas moins de quatre destinations dans le fameux Travellers’ Choice, top 10 des destinations tendance dans le monde. Est ainsi classée première Tulum (Mexique), seule cité maya construite en bord de mer qui permet de conjuguer balnéaire et culture. Carthagène des Indes (Colombie) arrive en deuxième position. Finie la mauvaise réputation – FARC, drogue –, bienvenue au Hay Festival (arts et cultures), qui se tiendra du 28 au 31 janvier 2016. Viennent ensuite, à la 9e et 10e place, Lima et Foz do Iguaçu (Brésil), avec ses chutes, trois fois plus grandes que celles du Niagara, et son parc naturel. Les autres destinations retenues sont Porto, en 3e position, Gatlinburg (Etats-Unis), Moscou, Brighton (Royaume-Uni), New Delhi et Banff (Canada). Pas de cocorico : aucune destination hexagonale ne figure au palmarès. geur, censé adopter de nouvelles habitudes – alimentaires et psychologiques – une fois rentré chez lui. Grâce, notamment, à la détox, un mot qui semble aujourd’hui galvaudé, mais qui renvoie à un protocole précis : « Diminuer les toxiques comme les métaux lourds, la pollution, le stress, mais aussi stimuler le processus d’élimination », selon la naturopathe Gwenaëlle Fradj, qui travaille avec The Green Shelters. En pratique : on se met au vert et on arrête le gluten, les produits laitiers, les protéines animales, les excitants. Les plus courageux osent le régime 100 % smoothie. Frugal, certes. Mais plus goûteux qu’il n’y paraît. « Logique de performance » Certains voyagistes généralistes l’ont même intégrée dans leur catalogue, à l’image de Voyageurs du monde, qui lui consacre une brochure. « Elle comprend une trentaine de propositions de cours de yoga, de cures détox, de lieux autour du bien-être. Ces séjours ciblent une clientèle assez aisée, qui dispose de peu de temps. Elle veut voyager, mais surtout en profiter pour se faire du bien sans renoncer à un certain confort. Il y a une véritable demande », constate Nathalie Belloir, responsable de ces « voyages intérieurs ». Même clientèle pour Juan Arance : « Des CSP ++, qui travaillent beaucoup. » Elsa Godart, psychanalyste et philosophe, porte un regard critique sur ces séjours haut de gamme. « Le principe que soustend la détox, c’est enlever le superflu pour revenir à l’essentiel. Soit passer de la société de l’hyperconsommation à l’ascétisme, en vue d’arriver à une prise de conscience. Avec leur programme chargé, ces nouvelles retraites, à la mise en scène travaillée, ont aussi une logique de performance, qu’elles sont censées dénoncer. » Interrogé sur ce sujet, Juan Arance nuance : « Certes, l’hébergement est confortable, et il y a du service, mais, pour beaucoup de nos clients, partir seul, comme c’est majoritairement le cas, et changer ses habitudes, c’est déjà une perte de repères qui peut être bouleversante. » Selon une étude récente réalisée par le CSA pour Club Med, 72 % des catégories socioprofessionnelles dites « supérieures » ressentent le besoin de lâcher prise plusieurs fois par mois. Sans aller jusqu’à s’isoler dans un ashram. p vicky chahine Périple yoga en Afrique du Sud Avec le professeur réputé Mika de Brito. Les salutations au soleil se font dans le jardin de Gandhi ou dans la savane… A partir de 5 500 euros avec le vol aller-retour, la pension complète, les activités, un guide francophone et les cours de yoga. Vdm.com Programme détox au SHA Wellness Clinic, en Espagne Le package « Détox » est très complet, avec soins de médecine chinoise, consultation avec un spécialiste des thérapies naturelles… et hydrothérapie du côlon. Le tout dans un cadre ultra luxueux. Au prix de 2 980 euros la cure de sept jours avec l’hébergement, la pension complète, les consultations et les soins. Shawellnessclinic.com CALA Retreats au Pianore, en Italie, du 15 au 21 mai 2016 On alterne marches et coaching de vie, et on boit pendant quarante-huit heures des smoothies de fruits et légumes… et seulement des smoothies. A partir de 1 035 euros avec le transfert, six nuits en chambre double, la pension complète et les activités. Calaretreats.com Yeotown dans le Devon, en Angleterre, chaque semaine, du mercredi au dimanche Une retraite dans une ferme rustique et chic, à quelques kilomètres de l’océan. Entre les cours de yoga, on apprend à cuisiner avec des produits locaux… Et on éteint son téléphone portable. Environ 2 600 euros la cure de cinq jours comprenant le transfert, l’hébergement, la pension complète, les activités et les massages. Yeotown.com 26 | disparitions & carnet Eliane Vogel-Polsky Juriste et militante féministe 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Le Taillan-Médoc. Ng Ectpgv Xqu itcpfu fixfipgogpvu Pckuucpegu. dcrv‒ogu. hkcp›cknngu. octkcigu. cppkxgtucktgu fg pckuucpeg Cxku fg ffieflu. tgogtekgogpvu. oguugu. eqpfqnficpegu. jqoocigu. cppkxgtucktgu fg ffieflu. uqwxgpktu Eqnnqswgu. eqphfitgpegu. ufiokpcktgu. vcdngu/tqpfgu. rqtvgu/qwxgtvgu. hqtwou. lqwtpfigu fÔfivwfgu Uqwvgpcpegu fg ofioqktg. vjflugu. JFT0 Gzrqukvkqpu. xgtpkuucigu. ukipcvwtgu. ngevwtgu. eqoowpkecvkqpu fkxgtugu Rqwt vqwvg kphqtocvkqp < 23 79 4: 4: 4: 23 79 4: 43 58 ectpgvBorwdnkekvg0ht AU CARNET DU «MONDE» Décès Les familles Akli-Paumier et alliées, souhaitent faire part du décès de Joseph AKLI, survenu le 4 décembre 2015, dans sa quatre-vingt-dizième année. Dans les années 1970. Il fut éclaireur Unioniste à Alger, fonctionnaire au gouvernement général, puis au ministère de l’Intérieur, où il fut aussi délégué syndical F.O. IEFH E lle était passionnée par tellement de choses et elle a fait progresser tellement de combats que l’on ne sait comment qualifier Eliane Vogel-Polsky, morte le 13 novembre, à l’âge de 90 ans. Elle avait mené une longue carrière de juriste, et s’était engagée pour la cause féminine et l’Europe. Filles d’immigrants russes, issue d’un milieu modeste où régnait une grande tolérance, cette femme talentueuse va commencer par vivre à Gand, cité flamande où, comme les enfants de la bourgeoisie locale, elle fait des études primaires en français. A Bruxelles, elle est ensuite inscrite au lycée Emile-Jacqmain, où une directrice entend former des femmes émancipées, « destinées à jouer un rôle effectif dans la société de demain ». La jeune Eliane va bien vite expérimenter de dures réalités. Elle croit être protégée par un pays qui a octroyé la naturalisation à son père pour services rendus durant la guerre – il a servi dans les premières unités blindées. Mais la Belgique adopte ses premières ordonnances antijuives en 1941, et la jeune fille est exclue de son établissement. Elle va être cachée, sous une fausse identité, dans une école de sœurs, à Liège. A la sortie de la guerre, sa conviction est forgée : elle veut devenir avocate. Elle décroche son doctorat en droit et intègre le barreau de Bruxelles où elle brave le machisme pour imposer son talent, son admiration pour Simone de Beauvoir et ses sympathies politiques. Le tout lui valant le sobriquet de « petite sartreuse ». Mariée à un avocat, avec lequel elle aura trois fils, Eliane VogelPolsky découvre avec passion d’autres disciplines et cumule les diplômes à l’Université libre de Bruxelles, où elle sera ensuite une enseignante et une chercheuse très respectée. Licence en droit et sociologie du travail en 1958, licence en droit social en 1963, licence en études européennes en 1965. Infatigable, elle deviendra aussi une experte internationale dans ces domaines et enseignera en Europe, à Montréal et à Berkeley, aux Etats-Unis. Après sa retraite, elle continuera de parcourir le monde pour d’innombrables colloques et animera, entre autres, le réseau Femmes dans la prise de décision, créé par la Commission européenne. L’occasion, pour elle et ses collègues, dont Françoise Gaspard, (maire PS de Dreux de 1977 à 1983), d’agréger le combat pour le droit des femmes et la lutte pour l’Europe so- 5 JUILLET 1926 Naissance à Gand (Belgique) 1950 Avocate au barreau de Bruxelles 1966 Soutien à la grève des ouvrières de la FN, à Herstal 1968 Professeure de droit à l’Université libre de Bruxelles 13 NOVEMBRE 2015 Mort à Bruxelles ciale afin de faire progresser l’idée d’une démocratie paritaire. Un tel niveau d’ambition devait engendrer quelques déceptions chez Eliane Vogel-Polsky, qui déplorait les lenteurs de la prise de décision et le trop faible niveau d’ambition des responsables politiques. Assez sceptique sur ces derniers, elle allait toutefois s’engager pour la campagne des élections européennes de 1994, aux côtés d’autres militantes féministes belges, la philosophe et scientifique Isabelle Stengers et la virologue Lise Thiry. Cette année-là, la proportion de femmes au sein de l’assemblée de Strasbourg allait progresser, pour atteindre 25 %. Le combat des femmes d’Herstal Une satisfaction relative pour une femme qui s’était auparavant engagée dans d’autres combats. Présente à Paris en mai 1968, elle va se passionner pour la révolte étudiante, qu’elle compare à la « mollesse » de sa propre université. Deux ans plus tôt, elle s’est engagée aux côtés des « femmes-machines » de la Fabrique nationale d’armes de Herstal, près de Liège. Moins payée que les balayeurs masculins de leur usine, ces 2 000 ouvrières de production, soumises à un véritable bagne, vont, contre la direction et leurs maris, mener douze semaines de lutte pour un salaire égal à celui de leurs collègues masculins. Elles n’obtiendront que la moitié de ce qu’elles réclamaient, mais leur combat héroïque, dont l’écho a largement dépassé les frontières de la Wallonie, va pousser les six Etats membres de la Communauté européenne de l’époque à prôner l’harmonisation salariale hommes-femmes. Un combat qui n’est pas encore gagné… Eliane Vogel-Polsky restera aussi célèbre pour avoir défendu la cause d’une jeune chômeuse de 19 ans et celle d’une employée de la compagnie aérienne Sabena, licenciée à 40 ans. Toutes deux réclamaient l’égalité des droits. Elle voulait ainsi prouver que leur souhait n’était pas une utopie. p jean-pierre stroobants Un culte se déroulera en la chapelle de la Fondation Lambrechts, 44, rue de Fontenay, à Châtillon (Hauts-de-Seine), à 15 heures, le jeudi 10 décembre. Le dépôt de l’urne se fera à Toulon, dans le caveau familial, in décembre. « Le Seigneur est le soutien de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » Psaume 27. Mme Marie-José Anquez, née Gère, son épouse, Marie, Matthieu et Jérémie, ses enfants, Simine, Priam, Gabriel et Siloé, ses petits-enfants, Julie, Tanguy et Karim, ses beaux-enfants, Ses frères et belles-sœurs Et toute sa famille, en union avec Ses parents (†) et sa sœur, Blandine (†), ont le chagrin d’annoncer le décès de Louis ANQUEZ, ingénieur expert en aéronautique, survenu le 3 décembre 2015, dans sa soixante et onzième année. Une bénédiction aura lieu le jeudi 10 décembre, à 14 h 30, en l’église NotreDame de Lorette, Paris 9e. La famille remercie la formidable équipe de l’Institut Mutualiste Montsouris. 23, rue Lamartine, 75009 Paris. Le président de l’Ecole pratique des Hautes Etudes, Le doyen de la section des Sciences historiques et philologiques, Les directeurs d’études et maîtres de conférences, Les étudiants et les auditeurs, ont la tristesse de faire part du décès, survenu le 1er décembre 2015, à l’âge de quatre-vingt-six ans, de Paul BERNARD, membre de l’Institut, ancien titulaire de la direction d’études « Archéologie grecque ». Ils s’associent à la douleur de la famille. La Schaubühne pleure la perte de Luc BONDY, décédé à l’âge de soixante-sept ans. Luc Bondy a profondément marqué la Schaubühne par son travail en tant que metteur en scène pendant plusieurs années et de 1986 à 1988 en tant que membre de la direction artistique. Michel Caire-Maurisier, son époux, Xavier et François, ses ils, Anne-Marie, sa belle-ille, Mathilde, Jean et Sophie, ses petits-enfants Ainsi que la famille Palvadeau, ont la tristesse de faire part du décès de Martine CAIRE-MAURISIER, née SOLIGNAC, des suites d’une longue maladie, le 5 décembre 2015, dans sa soixante-treizième année. La messe sera célébrée dans l’intimité de la famille et de ses amis, le jeudi 10 décembre, à 14 h 30, en l’église Saint-Hilaire du Taillan-Médoc, suivie de l’inhumation au cimetière de la commune. 141, avenue Chasse-Spleen, 33320 Le Taillan-Médoc. Louise Coudane, son épouse, Henry et Catherine Coudane, Jean Coudane, Annie et Lionel Roussel, ses enfants, Vincent et Karine, Caroline et Bastien, Elise, Sylvain et Céline, Fanny et Brieuc, Grégory et Elise, Guimy et Fanny, ses petits-enfants, Maxime, Alexandre et Rafael, Lili et Maylis, Anita, Maël et Aoden, Jorry et Lenny, ses arrière-petits-enfants, Yvette Grandet-Coudane, sa sœur, Sa famille Et ses amis, ont la douleur de faire part du décès, à l’âge de quatre-vingt-onze ans, de M. Hubert COUDANNE, « Papilou », professeur émérite des Universités, ancien président de l’université Paris Sud - Orsay, chevalier de la Légion d’honneur, oficier dans l’ordre des Palmes académiques, chevalier dans l’ordre du Mérite Tunisien, combattant volontaire de la Résistance. La cérémonie de crémation aura lieu le mercredi 9 décembre, à 16 heures, au cimetière de l’Orme à Moineaux, Les Ulis (Essonne). Ni plaques ni couronnes, une fleur sufit. 112, avenue de la Dimancherie, 91440 Bures-sur-Yvette. Rennes. Ses frères et sœurs Ainsi que toute la famille, ont la douleur de faire part du décès de M. Jacques ENGLISH, ancien élève de l’École normale supérieure, survenu à Rennes, le 4 décembre 2015, à l’âge de soixante-dix-huit ans. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 9 décembre, à 14 h 30, en l’église Sainte-Bernadette d’Angers. Jean-Marie et Sylvie Grisard, Claire et Pascal Bois, ses enfants, Céline et Pierre Boccon-Liaudet, Ariane et Pierre-André Galy, Marjolaine Grisard et Grégoire Lair, Rémi et Charlotte Grisard, Marc-Antoine et Caroline Bois, Bérengère et Benjamin Samier, ses petits-enfants, Violette, Matthieu, Geoffroy, Louise, Lucile, Timothée, Noé, Hector, Guérin, Paul, Raphaël, Emmanuel, Florian, Grégoire, Maylis, ses arrière-petits-enfants, Les familles Undreiner, Lépine, Arnaud, ont la tristesse de faire part du rappel à Dieu, le 5 décembre 2015, de Son œuvre se distinguait par sa conscience de la fragilité des êtres et son amour pour l’Humanité. Madeleine GRISARD, Schaubühne am Lehniner Platz. (Le Monde du 1er décembre.) Claudine Bulle Lescofit, son épouse, Claire Lescofit et Marc Scherer, sa ille et son gendre, Bertille et Guillaume de La Broïse, Elvire et Grzegorz Szlapczynski, Bertrand et Malala Guillaud, François-Ismaël Faye, Zoé Danis, ses petits-enfants, ont la tristesse de faire part du décès de Philippine, Jacques, Xénia, Pétronille et Henri, Marguerite, Nina et Gauthier, ses arrière-petits-enfants Les obsèques ont eu lieu aux Fourgs, le 2 décembre. Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de M. Jean-Louis GUILLAUD, oficier de la Légion d’honneur, survenu le 3 décembre 2015, dans sa quatre-vingt-septième année. La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 10 décembre, à 10 heures, en l’église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement, 66 bis, rue de Turenne, Paris 3e. Cet avis tient lieu de faire-part. Saint-Etienne. Odile Jacquinod, son épouse, Catherine, Olivier et Florence, ses enfants et leurs conjoints, Alexandre et Arthur, ses petits-enfants, Ses parents, Ses amis, ont la douleur de faire part du décès de Bernard JACQUINOD, survenu à Saint-Etienne, le 4 décembre 2015, à l’âge de soixante-quatorze ans. Condoléances sur registre et sur www.plievre.com M Françoise Keravel, son épouse, M. et Mme Olivier Keravel, M. Thomas Keravel, ses enfants, Valentin, Maÿlis, Barthélemy, ses petits-enfants Et toute la famille, me Nous le remercions pour ses mises en scène inoubliables. Nous nous souviendrons de Luc Bondy comme d’un très grand artiste. L’amiral et Mme Edouard Guillaud, Mme Florence Guillaud, Le docteur Constance Guillaud, ses enfants, née CANTAREL. La cérémonie religieuse sera célébrée le mercredi 9 décembre, à 14 h 30, en l’église Saint-Léon, place du CardinalAmette, Paris 15e. ont la douleur de faire part du décès du professeur Yves KERAVEL, professeur des Universités, neurochirurgien des Hôpitaux de Paris, président honoraire de la Fédération mondiale de neurochirurgie (WFNS), survenu le 3 décembre 2015, à l’âge de soixante-et-onze ans. La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 10 décembre, à 14 h 30, en l’église Notre-Dame-du-Rosaire, place des Marronniers, à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), où l’on se réunira. Un registre à signatures tiendra lieu de condoléances. L’inhumation aura lieu dans l’intimité familiale, au cimetière de La Trinité-surMer (Morbihan). 14, avenue de Curti, 94100 Saint-Maur-des-Fossés. Corinne et Véronique, ses illes, Jacky et Simon, ses gendres, Thomas, Élodie, Delphine, Laure, Jérôme et Éloïse, ses petits-enfants, Margot, Romane, Ariel, David, Elsa, Valentin, Talia et Naomi, ses arrière-petits-enfants, Sa famille, Ses amis, ont la grande tristesse d’annoncer le décès de Fanny KURCBARD, née KALISKI, survenu le 30 novembre 2015, à Paris, à l’âge de quatre-vingt-seize ans. L’inhumation a eu lieu le mercredi 2 décembre, au cimetière parisien de Bagneux. François LESCOFFIT, survenu le 29 novembre 2015, à Besançon (Doubs), à l’âge de quatre-vingt-cinq ans. 12 ter, Haute-Joux, 25300 Les Fourgs. Christine, son épouse, Hélène et Béatrice, ses illes, leurs conjoints, Lilou, Margot, Léna, Milo, Camille, ses petits-enfants, Françoise Dorveaux, sa sœur, Sa famille Et ses amis, ont la douleur de faire part du décès de André MONJARDET, survenu le 1er décembre 2015. L’inhumation a eu lieu à Châteauvieux (Hautes-Alpes). Un moment d’échange et de partage en sa mémoire se tiendra au Couvent Saint-Jacques, 45, rue de la Glacière, Paris 13e, le 11 décembre, à 13 h 30. Sa femme, Ses enfants, Ses petits-enfants, ont la grande tristesse de faire part du décès de M. Michel PUGET, croix de la Valeur militaire, ancien agent de change près la Bourse de Paris, survenu le 6 décembre 2015, à son domicile. La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 10 décembre, à 10 h 30, en l’église Saint-Thomas-d’Aquin, 3, place SaintThomas d’Aquin, Paris 7e. Mme Michel Puget, 3, rue Martignac, 75007 Paris. Daniel et Claudine Thévenot, Laurent et Joëlle Thévenot-Afichard, ses enfants, Magali, Étienne et Anne-Marie, Camille, Constance, ses petits-enfants, Alexis, son arrière-petit-ils, Claudine Hourcadette, Aurélien Collet, ont la douleur de faire part du décès de Mme Claudine THÉVENOT, née ROLLEY, survenu le 3 décembre 2015, à Paris, dans sa quatre-vingt-dix-neuvième année. L’inhumation a eu lieu dans l’intimité familiale le 4 décembre, au cimetière de Levallois-Perret. 32, rue Dareau, 75014 Paris. 10, rue Oudinot, 75007 Paris. Service religieux Un culte d’action de grâce sera célébré à la mémoire de Jean SAINT-GEOURS le lundi 14 décembre 2015, à 18 heures, en l’Eglise protestante unie du SaintEsprit, 5, rue Roquépine, Paris 8e. Hommage Emmanuel Hoog, président-directeur général de l’AFP, Les membres du conseil d’administration Et l’ensemble des personnels de l’Agence, saluent la mémoire de Jean-Louis GUILLAUD, qui fut président-directeur général de l’Agence France-Presse de 1987 à 1990. Ils expriment leurs plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. # # $ !# $ # #$ $# &. + *1.+ #$ $ #$ $ $# $ # *'$ %&# & #$ # . *&%%* # $ !# ! #! *%& + &/& #$ %# # # " $ #$ ! #! # %&!- &(). % * ** %%#&%. * % # %* # * .* # # ** &.*-& + # % *&% 1#/ .$%% *%. 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C’est d’abord l’affaire des états-majors qui ont jusqu’au 8 décembre à 18 heures pour se mettre d’accord sur de nouvelles listes intégrant des représentants des partis minoritaires qui ont obtenu plus de 5 % des suffrages et peuvent donc fusionner avec les socialistes majoritaires. Mais cela ne préjuge pas du comportement final des électeurs. Si la gauche « plurielle » a gouverné, ensemble, les régions depuis six ans, elle s’est sévèrement écharpée au plan national sur la politique du gouvernement. Il serait étonnant que ces contentieux ne laissent pas de traces. Sur le papier, l’addition des scores de toutes ses composantes au premier tour peut la faire rêver : la gauche serait en mesure de conserver cinq, six, voire sept régions, à commencer par l’Ile-deFrance. Sauf spectaculaire alignement des astres en sa faveur, il est plus qu’improbable qu’il en soit ainsi dans les urnes. Troisième inconnue, symétrique : la capacité de la droite à faire le plein des voix nécessaires pour l’emporter. C’est évidemment le cas dans les régions où les socialistes se sont retirés pour faire barrage au Front national. Or on peut sérieusement douter que les électeurs de gauche, accablés par leur défaite, votent comme un seul homme, le 13 décembre, pour des Républicains qui étaient, hier, d’implacables adversaires politiques, qu’il s’agisse de Xavier Bertrand dans le Nord-Pas-de-CalaisPicardie ou de Christian Estrosi en Provence-Alpes-Côte d’Azur. En outre, dans plusieurs régions où la concurrence est très vive, les voix de Debout la France vont peser lourd. Si le mouvement souverainiste de Nicolas DupontAignan a écarté tout désistement, le report des voix qu’il a recueillies en Ile-de-France (6,5 %), en Bourgogne (5,2 %), dans le Centre-Val de Loire (4,6 %) ou en Normandie (4,1 %) peut aisément décider du sort de ces régions. Reste, enfin, l’incertitude sur le comportement des électeurs du Front national. Dans les régions où l’extrême droite a réalisé ses meilleurs scores et est en position de l’emporter, il est vraisemblable que ses électeurs, dopés par le premier tour, voudront parachever leur victoire et accentueront leur mobilisation ; c’est évidemment le cas dans le Nord, en Provence, voire en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Que feront-ils, en revanche, dans les régions où ils sont distancés, mais en position d’arbitrer entre droite et gauche ? A cet égard, la gauche a gardé le souvenir cruel des dernières municipales à Reims : sur le papier, l’équipe socialiste sortante était en mesure de l’emporter avec le renfort des électeurs du Front de gauche ; en réalité, c’est la droite qui a gagné, grâce notamment au ralliement de quelque 2 000 électeurs frontistes du premier tour. On le voit, ces incertitudes rendent bien hasardeux les plans sur la comète tracés, depuis dimanche soir, par les uns et les autres pour tenter de se rassurer ou de s’encourager. Réponse le 13 décembre. p [email protected] Tirage du Monde daté mardi 8 décembre : 313 282 exemplaires S eize ans d’un régime ultranationaliste, sacralisant la souveraineté nationale, célébrant le protectionnisme économique, pratiquant un antiaméricanisme culturel obsidional, ayant tout promis à coups de recettes magiques et se reconnaissant volontiers dans l’autocratie politique à la Vladimir Poutine, sont donc venus à bout d’un des pays les plus riches du continent. Et puis, l’opposition s’est enfin réunie autour de quelques valeurs communes, de bon sens. Elle vient de remporter les élections, sans promettre le paradis. Entre-temps, le populisme le plus débridé a fait des ravages. Il a fallu seize ans pour dissiper l’illusion… On est sur le continent latino-américain. Le pays en question s’appelle le Venezuela. Il a trente millions d’habitants et sans doute certaines des plus grandes réserves de pétrole au monde. Le régime, c’est le « chavisme ». Il a puisé dans une tradition latino-américaine populiste, qui n’a pas connu que des échecs, loin de là. Mais la version mise en œuvre à Caracas par le lieutenant-colonel Hugo Chavez, élu pour la première fois en 1999 et mort en 2013, se solde par un désastre, pour la démocratie et pour l’économie du pays. Le « chaviste » qui a succédé à Chavez, le président Nicolas Maduro, a essuyé, dimanche 6 décembre, aux élections législatives, une défaite dont son mouvement, le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), ne se relèvera pas. Une large coalition d’opposition, la Table de l’unité démocratique (MUD), a empoché au moins 110 sièges – sur les 167 de l’Assemblée nationale –, laissant le camp « chaviste » loin derrière, avec 55 élus. Il n’est pas impossible qu’un décompte final donne à la MUD une super-majorité lui permettant de neutraliser le président. M. Maduro a eu beau user de la rengaine du socialisme assiégé par « l’étranger » – il est vrai que les Etats-Unis se sont efforcés, du moins au début, de torpiller l’expérience Chavez –, rien n’y a fait. Conjugué à la baisse des cours du pétrole, l’étatisme économico-protectionniste du parti « chaviste » a fait du Venezuela un Etat totalement failli : inflation à 200 %, pénurie de tous les biens de consommation, récession profonde (sans doute une baisse de plus de 10 % du produit intérieur brut cette année), finances publiques en déroute. Ce sombre tableau s’affiche sur fond de corruption généralisée au sommet de l’Etat – il y a des « chavistes » qui se portent bien – d’explosion de la criminalité – en dépit d’un discours ultrasécuritaire, bien sûr – et de régression constante de la démocratie. Une bonne partie de l’électorat du PSUV, d’autant plus déçue qu’on lui avait juré de raser gratis, a voté pour l’opposition. Les semaines à venir seront décisives. Le régime est de type présidentiel. Rien n’indique, a priori, que le PSUV et la MUD puissent s’engager dans une cohabitation « négociée », tant la détestation est forte entre les deux parties. M. Maduro, dont le mandat prend fin en 2019, ne veut rien céder, il a mis une partie de l’appareil de l’Etat sous sa coupe, notamment le ministère de la justice. L’opposition peut s’efforcer de pousser le président à la démission, ouvrir une procédure de destitution ou provoquer un référendum constitutionnel. M. Maduro peut espérer que les divisions, réelles, au sein de la MUD se réveilleront et lui donneront quelque répit. Mais le « chavisme », lui, a sans doute vécu. Parce que les recettes trop simplistes, au Venezuela comme ailleurs, débouchent toujours sur des débâcles. p FORMULE INTÉGRALE 3 MOIS LE QUOTIDIEN ET SES SUPPLÉMENTS + M LE MAGAZINE DU MONDE + L’ACCÈS À L’ÉDITION ABONNÉS DU MONDE.FR 7 JOURS/7 69 € AU LIEU DE 195€ BULLETIN D’ABONNEMENT A compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9 152EMQADCV Oui *Prix de vente en kiosque **Sous réserve de la possibilité pour nos porteurs de servir votre adresse L es lignes de force d’une élection se dessinent de longs mois à l’avance et se cristallisent dans les semaines qui précèdent le vote. Celles du premier tour du scrutin régional, le 6 décembre, ne pouvaient donc guère faire de doute. Le discrédit de la gauche au pouvoir, et des socialistes en particulier, est avéré. Depuis trois ans, tous les rendez-vous électoraux – bérézina aux municipales en mars 2014, claque aux européennes en mai 2014, sévère reflux aux départementales de mars – ont déjà démontré l’effondrement de l’électorat de gauche, désabusé, divisé et déboussolé. L’incapacité de la droite à incarner une alternative solide n’a pas été moins évidente. Le retour au premier plan de Nicolas Sarkozy, il y a un an, n’a pas provoqué le sursaut qu’il escomptait, ni mis un terme à la guerre des chefs dans son camp, ni permis, jusqu’à présent, de proposer un projet convaincant aux Français. Dans ces conditions, il est surprenant que la droite ait pu s’illusionner sur sa capacité à conquérir le plus grand nombre de régions et à endiguer sérieusement la poussée du Front national : les scrutins de ces deux dernières années n’ont cessé, en effet, de confirmer l’enracinement du parti d’extrême droite dans les profondeurs du pays. Si sa performance sans précédent du 6 décembre a provoqué un choc, il était parfaitement prévisible. Au-delà de cette tectonique des plaques politiques, le résultat final du scrutin régional est pourtant loin d’être écrit dans le détail. Le second tour, dimanche 13 décembre, apparaît en effet comme une équation à plusieurs inconnues. La première est celle de la participation. Le 6 décembre, elle a été de 50 % au plan national et plus forte dans les deux régions les plus convoitées par le Front national, en particulier dans le Nord (54,8 %) et, à un moindre degré, en Provence (51,4 %). En général, du fait de la simplification de l’offre politique et de la dramatisation de l’enjeu, la mobilisation des électeurs est plus forte au second tour. Aux régionales de 2010, par exemple, la participation avait progressé de près de quatre points d’un tour à l’autre, principalement au bénéfice de la droite : après un premier tour calamiteux, ses électeurs s’étaient remobilisés pour empêcher la gauche de triompher dans la totalité des régions et cela leur avait permis de « sauver » l’Alsace. Qu’en sera-t-il le 13 décembre ? Dans les régions où le match entre droite, gauche et extrême droite est le plus serré, un ultime coup de rein de leurs électeurs respectifs peut être décisif pour l’emporter. VENEZUELA : LA DÉBÂCLE DU POPULISME je m’abonne à la Formule Intégrale du Monde Le quotidien chaque jour + tous les suppléments + M le magazine du Monde + l’accès à l’Édition abonnés du Monde.fr pendant 3 mois pour 69 € au lieu de 195€* Nom : Je règle par : Code postal : Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice du Monde Carte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard N° : Expire fin : Date et signature obligatoires Notez les 3 derniers chifres figurant au verso de votre carte : Prénom : Adresse : Localité : E-mail : @ J’accepte de recevoir des ofres du Monde ou de ses partenaires OUI OUI NON NON Tél. : IMPORTANT : VOTRE JOURNAL LIVRÉ CHEZ VOUS PAR PORTEUR** Maison individuelle Immeuble Digicode N° Interphone : oui non Boîte aux lettres : Nominative Collective Dépôt chez le gardien/accueil Bât. N° Escalier N° Dépôt spécifique le week-end SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE SA - 80, BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI - 75013 PARIS - 433 891 850 RCS Paris - Capital de 94 610 348,70€. Ofre réservée aux nouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2015. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre. D A N S L’ Œ I L D U F L  N E U R ($"&$!%'#& PSYCHOTHÉRAPIE PHYSIQUE PORTRAIT LES BIENFAITS DE L’EMDR SUR LE STRESS POST-TRAUMATIQUE LES CHERCHEURS FRANÇAIS EN PÉNURIE DE NEUTRONS ? PIER VINCENZO PIAZZA DÉMONTE LES MÉCANISMES DE L’ADDICTION → PAGE 2 → PAGE 3 → PAGE 7 Consentement éclairé contre big data Chacun doit consentir librement à un acte médical en ayant été informé de ses conséquences possibles. Alors que la course aux « données de santé » malmène ce principe cardinal, la question de sa réforme est posée avec acuité par la révolution des biobanques. PAGES 4-5 FREAK CITY Domestication et queue en tire-bouchon L carte blanche Nicolas Gompel, Benjamin Prud’homme Généticiens, LMU de Munich, Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy (CNRS) a domestication d’animaux sauvages, entreprise par l’homme il y a dix mille ans, a constitué un tournant majeur dans notre histoire évolutive. La transformation des espèces a porté sur la sélection, au cours des générations, d’individus porteurs de caractéristiques avantageuses pour l’homme. La première étape a probablement consisté à sélectionner des individus qui ne craignaient pas la présence des hommes. Puis d’autres caractères ont suivi, modifiant la reproduction, la taille et autres, selon que les espèces étaient destinées à l’agriculture, au transport ou à la compagnie. Mais qui donc eut l’idée saugrenue de sélectionner la queue en tire-bouchon des cochons, bien différente de celle des sangliers ? Dans les années 1950, le biologiste russe Dmitri Beliaïev entreprit une expérience visant à identifier les bases génétiques de la domestication. Il s’intéressa aux renards argentés, élevés pour leur fourrure, mais bien sauvages, auxquels il imposa un unique critère de sélection. A chaque génération, seuls les individus les moins craintifs vis-à-vis de l’homme furent croisés pour produire la génération suivante. En seulement Cahier du « Monde » No 22051 daté Mercredi 9 décembre 2015 - Ne peut être vendu séparément quelques générations, la proportion de renards apprivoisés atteignit des sommets. La sélection avait fonctionné à tel point que les renards recherchaient la présence des éleveurs, les accueillant par des jappements et battements de queue dignes de chiens envers leurs maîtres. Aujourd’hui, il ne manque à ces renards que l’obéissance à des ordres simples pour être parfaitement domestiqués. Mais l’expérience, qui court toujours, livra un résultat inattendu. Dans un élan de zèle évolutif, ces renards acquirent d’autres caractères qui n’avaient pas été sélectionnés : une tache blanche entre les yeux, les oreilles tombantes et la queue recourbée. Autant de particularités, qui, comme la queue en tirebouchon des cochons, distinguent souvent les espèces domestiquées de leurs ancêtres sauvages. La sélection d’un comportement La domestication, et son cortège de modifications physiologiques et anatomiques, résulterait donc essentiellement de la sélection d’un comportement. Or tous ces caractères sont déterminés par des gènes, sur lesquels opère la sélection. Si les effets collatéraux, les caractères non sélectionnés, sont bien connus des éleveurs, qui depuis dix mille ans font de la génétique sans le savoir, l’identification des gènes impliqués donne encore du fil à retordre aux généticiens. L’étude des gènes qui orchestrent le développement embryonnaire a révélé que nombre d’entre eux ont des fonctions multiples. Ainsi, un gène peut participer à la formation du cerveau, des doigts, et à l’apparition de pigmentation sur diverses parties du corps. Si, dans le cas des renards de Beliaïev, comme dans la plupart des cas de domestication, on ne sait pas encore quels gènes ont été sélectionnés, il est très vraisemblable qu’il s’agit de gènes multifonctions. Des gènes sélectionnés pour leurs effets sur le comportement (indiquant leur rôle dans le développement du cerveau) mais qui affectent aussi d’autres caractères, comme la forme de la queue. Pour autant qu’il faille le rappeler, la domestication témoigne de manière éclatante qu’il n’existe pas de gènes dédiés spécifiquement à des comportements complexes, tels que des gènes de l’intelligence, du crime ou de l’orientation sexuelle. p 2| 0123 Mercredi 9 décembre 2015 | SCIENCE & MÉDECINE | AC T UA L I T É L’EMDR soigne les blessures psychiques | Après les attentats, cette méthode née aux Etats-Unis dans les années 1980, qui permet de désamorcer les souvenirs traumatiques, est mobilisée au service de la résilience des victimes et des témoins psychothérapie sandrine cabut L a première fois que j’ai repris le métro, j’ai regardé partout autour de moi sur le quai : les gens, leurs paquets… Dans la rame, j’ai compté les stations. Ça a été très long, je me sentais mal. Je suis rentrée directement dans mon appartement, et me suis réfugiée sous la couette. Puis j’ai appelé mon copain pour qu’il me rejoigne le soir. Je ne me sentais pas en sécurité chez moi », raconte Justine (son prénom a été changé). Tout en écoutant attentivement le récit de cette jeune femme de 26 ans, la psychologue Laurence Peltier lui tapote les genoux, alternativement à droite et à gauche. C’est du « tapping », une technique de stimulation bilatérale alternée utilisée dans l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, « désensibilisation et reprogrammation par mouvement des yeux »), un modèle de psychothérapie qui aide le cerveau à traiter des événements traumatisants. « Comment vous sentez-vous maintenant ? », interroge-t-elle. « Toujours stressée, mais moins », répond la jeune femme. « L’objectif est que vous puissiez faire ce trajet en toute sérénité, poursuit Laurence Peltier. Maintenant que l’émotion a diminué, repassez la scène dans votre tête, en même temps que je fais le tapping. Centrez-vous sur votre corps et vos émotions. Si vous sentez que c’est trop dur, levez la main. » Ce 26 novembre, Justine est venue en urgence consulter cette psychologue qu’elle ne connaissait pas. Depuis les attentats du 13 novembre, elle est oppressée, angoissée. Elle n’arrive pas à dormir. Les bruits de sirène l’obsèdent. Le soir du drame, elle était au stade de France avec une amie. Puis elle a appris ce qui se passait dans son quartier, le 9e arrondissement… Voila plus d’une heure que Laurence Peltier lui fait redérouler le fil, du début du match de football jusqu’au soir de la consultation. « Une seule séance peut suffire, surtout si elle est pratiquée dans les jours qui suivent l’événement » isabelle meignant psychologue et présidente d’EMDR Europe La thérapeute repère les moments traumatisants, pour les « travailler », un à un : le mouvement de foule à la descente des gradins ; l’attente dans la nuit avant de récupérer la voiture ; la violence des images à la télévision le lendemain… « Lorsqu’il y a un trop-plein d’émotions, les deux hémisphères du cerveau, l’émotionnel et le rationnel, ne communiquent plus. Avec des stimulations bilatérales alternées comme le tapping ou des mouvements oculaires, l’EMDR reproduit de façon artificielle le traitement naturel des informations, qui a lieu notamment durant le sommeil. Le premier bienfait est de restaurer le sommeil, pour relancer le traitement adaptatif de l’information », lui a expliqué Laurence Peltier en préambule. Après une heure et demie de traitement, Justine se dit épuisée, mais apaisée. Un mieux-être que les praticiens apprécient avec un score d’autoévaluation des perturbations (SUD) de 0 à 10. La thérapie par EMDR est pratiquée depuis plusieurs années à l’hôpital d’Argentan (Orne). BURGER/PHANIE Reconnue comme l’un des traitements de référence des états de stress post-traumatique (ESPT) constitués, l’EMDR est aussi de plus en plus proposée en prévention, dans les suites immédiates d’un traumatisme. Depuis les attentats du 13 novembre, Laurence Peltier est ainsi intervenue auprès de nombreuses personnes, dont certaines sont venues par le biais d’une toute jeune association, Action EMDR Trauma. « L’ambition est de déployer des interventions d’EMDR à titre humanitaire au plus près de l’événement stressant, après un attentat, une catastrophe naturelle ; chez des personnes déplacées aussi…, explique Isabelle Meignant, présidente de ce réseau européen, et formatrice EMDR Europe. Dans les contextes d’urgence, nous utilisons des protocoles spécifiques, individuels ou de groupe. C’est une approche pragmatique, qui ne nécessite pas de recueillir beaucoup d’informations personnelles, et elle est rapidement efficace. Une seule séance peut suffire, surtout si elle est pratiquée dans les jours qui suivent l’événement. » La psychologue a des cas plus délicats à gérer, comme celui de cette trentenaire qui travaille sur l’un des lieux des attentats. Pendant dix jours, cette jeune femme consciencieuse et dynamique a « pris sur elle ». Mais les symptômes se sont multipliés, qui l’ont amenée à consulter : courbatures dans tous les membres ; insomnies ; phobie des lieux clos ; panique à l’idée de donner son sang, ce qu’elle faisait depuis ses 18 ans ; difficultés à revenir sur la zone de la fusillade… Après quatre séances d’EMDR de deux heures, « elle est moins angoissée et a pu mettre les événements à distance, mais il faut encore travailler le futur », souligne Mme Meignant. Ces dernières années, plusieurs études ont rapporté des bénéfices de l’EMDR en prévention des états de stress post-traumatiques (ESPT) – après un tremblement de terre au Mexique en 2010, et chez des survivants du World Trade Center, en 2001, notamment –, mais les données scientifiques sont moins solides que dans les ESPT constitués. Ce n’est sans doute que temporaire, tant cette discipline, née en 1987 aux Etats-Unis et arrivée en France en 1994, se développe. « De plus en plus d’indications font l’objet d’essais cliniques en EMDR, en particulier les phobies et les troubles anxieux, les douleurs chroniques, les troubles bipolaires et plus récemment les psychoses », notent Juliette Gueguen (Inserm) et ses collègues dans un récent rapport sur l’hypnose et l’EMDR. Parallèlement, des chercheurs explorent les mécanismes par lesquels cette thérapie agit sur le cerveau. Ainsi de l’équipe de Stéphanie Khalfa (Institut de neurosciences de la Timone, Marseille), qui mène des travaux en neuro-imagerie. « L’état de stress post-traumatique correspond à une altération du circuit de la peur, avec un conditionnement plus fort et une extinction plus difficile des réponses de peur par rapport à des personnes exposées au même événement traumatique mais qui ne développent pas d’ESPT, détaille la chercheuse. Avec l’IRM, nous avons montré que la thérapie EMDR restaure une activité normale à ce niveau, notamment dans l’amygdale. Et des études chez l’animal, reproduites chez l’homme, ont pu établir que ce sont les stimulations bilatérales alternées qui sont fondamentales pour éteindre plus efficacement le circuit de la peur. » Les pratiques se sont structurées. En France, trois formations (dont une universitaire) sont agréées, ouvertes aux professionnels de la psychologie et de la psychiatrie. « Nous recensons 1 200 membres, contre 700 en 2010, mais les chiffres sont sous-estimés, indique le docteur Martin Teboul, qui préside l’association EMDR France, membre de EMDR Europe. Nos objectifs sont de développer l’offre, en garantissant des pratiques de qualité, avec une formation continue obligatoire. » L’association lutte également contre les « faux praticiens », qui contribuent à l’image encore parfois sulfureuse de l’EMDR. p Séance collective en Moselle L’expérience est inédite en France : 70 adolescents de Thionville (Moselle), qui étaient au Stade de France le 13 novembre, ont bénéficié moins de 48 heures plus tard d’une séance collective d’EMDR. « Nous leur avons demandé de dessiner le moment le plus difficile pour eux, et chacun a effectué sur lui-même des stimulations bilatérales alternées avec la technique du papillon, qui consiste à poser chaque main sur l’épaule opposée, et à les soulever en alternance », détaille le professeur Cyril Tarquinio (laboratoire de psychologie de la santé Apemac, université de Lorraine). Avec ce protocole de situation d’urgence, leur niveau de perturbation émotionnelle est passé en moyenne de 8 à 2 en deux heures, poursuit le psychologue, qui va exploiter les données pour une étude scientifique. En juin 2016, Cyril Tarquinio inaugurera à Metz un centre universitaire unique en France consacré aux psychothérapies, associant des activités cliniques, de recherche et d’enseignement. Les consultations psychothérapeutiques seront en partie prises en charge par des mutuelles, avec une participation de mécènes pour les plus démunis. Ingénierie du gène : l’urgence d’attendre Une réunion internationale appelle à un moratoire sur les manipulations de l’ADN des cellules sexuelles et de l’embryon F aut-il mettre en œuvre les dernières techniques d’ingénierie du gène pour réparer l’ADN des cellules sexuelles (germinales), et ainsi modifier de façon inédite le patrimoine héréditaire humain , ou est-il urgent d’attendre ? Un sommet international, organisé du 1er au 3 décembre à Washington par l’Académie des sciences américaine, la Royal Society britannique et leur homologue chinoise, a permis aux spécialistes mondiaux de débattre de la question. Celle-ci est devenue plus pressante avec l’avènement d’une technique de copiercoller génétique, baptisée Crispr-Cas9, qui révolutionne les capacités d’intervention sur le génome – une équipe chinoise l’a même mise en œuvre pour modifier celui d’embryons humains non viables. A Washington, les réponses sur l’opportunité de l’utiliser pour modifier des cellu- les germinales ont varié de « Hell no » à « Yes now » (de « Surtout pas » à « Oui, tout de suite »), comme l’a résumé le biologiste Paul Knoepfler, qui a couvert les débats sur son blog. La déclaration finale des organisateurs se situe entre ces deux extrêmes. « Irresponsable » La recherche fondamentale et préclinique est nécessaire et doit être poursuivie sur les techniques d’édition des gènes, ainsi que sur les bénéfices et risques potentiels de leur usage clinique. Mais « si, dans ce processus de recherche, des embryons humains et des cellules germinales subissent des éditions de gènes, les cellules modifiées ne devront pas être utilisées pour lancer une grossesse », préviennent-ils. L’usage clinique de ces techniques sur les cellules somatiques (qui ne sont pas transmises d’une génération à l’autre) doit s’inscrire dans les dispositifs « existants et évolutifs » qui encadrent les thérapies géniques, suggère la déclaration finale. Sur l’usage clinique des cellules germinales, celle-ci pointe les risques de mutations induites en dehors des gènes cibles ; la difficulté de prédire des effets délétères ; l’obligation de prendre en compte les implications de ces altérations tant pour l’individu que pour les générations futures ; l’irréversibilité de ces altérations ; la possibilité que des populations privilégiées bénéficient, ou que d’autres soient contraintes à subir des « améliorations » de leur génome ; les considérations morales et éthiques attachées au fait de modifier intentionnellement l’évolution humaine. En conséquence, « il serait irresponsable de poursuivre tout usage clinique de l’édition de cellules germinales », tant que les problè- mes de sécurité et d’efficacité n’ont pas été résolus, et « qu’il n’y aura pas un large consensus social sur la pertinence des applications proposées ». Une position qui se rapproche de celle exposée dans la revue Nature par Jennifer Doudna, codécouvreuse de Crispr-Cas9. « La réunion de Washington n’est pas une fin, mais un départ, avec l’organisation prévue de futurs forums », souligne le biologiste de la reproduction Pierre Jouannet, qui avait été invité à y témoigner des recherches menées en France. « On discute à perte de vue sur les applications potentielles, mais actuellement, on ne peut garantir l’efficacité et la sécurité à 100 % pour l’embryon humain, rappelle-t-il. Sur les animaux, quand la mutation se retrouve sur trois individus sur dix, on considère que c’est réussi, mais on ne peut évidemment faire de même sur des enfants. » La déclaration de Washington n’a aucune valeur contraignante, mais le généticien George Church (université Harvard) redoute que le moratoire proposé n’encourage un « marché noir et un tourisme médical incontrôlés ». De ce côté de l’Atlantique, jeudi 3 décembre, le Conseil de l’Europe s’est dit « favorable aux nouvelles technologies d’édition du génome, mais dans certaines limites ». Il a rappelé que, selon l’article 13 de la Convention d’Oviedo (1997), ratifiée par la plupart des pays européens, dont la France, une intervention sur le génome humain « ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques ». Cet article interdit en outre « toute modification génique sur des embryons qui serait transmise aux générations futures ». p hervé morin AC T UA L I T É | SCIENCE & MÉDECINE | La France à court de neutrons | La fermeture annoncée du réacteur Orphée à Saclay va priver les chercheurs d’un instrument privilégié d’étude de la matière physique nathaniel herzberg L oin des débats enflammés autour du sort de la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), cette décision-là s’est prise dans la plus grande discrétion. La France va fermer Orphée, son réacteur nucléaire de recherche implanté sur le plateau de Saclay (Essonne). L’affaire n’est pas de la toute première fraîcheur ; le principe en a été arrêté le 16 juin 2014. Mais l’été dernier, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et le CNRS ont annoncé qu’ils allaient en accélérer le calendrier. Orphée baissera le rideau fin 2019, et d’ici là, le réacteur fonctionnera à puissance limitée. Jusqu’ici, les scientifiques caressaient l’espoir d’un changement de cap. Ils avaient discrètement mobilisé leurs collègues européens, plaidé auprès de leurs tutelles, compté sur le poids d’un rapport de l’Agence d’évaluation de la recherche farouchement hostile à ce scénario. Mais avec cette dernière annonce, le cercueil d’Orphée leur est présenté. Même au CEA, les personnels sont sortis de leur réserve traditionnelle pour dénoncer « le gâchis financier, scientifique et humain qui résulterait de cette fermeture ». Ce réacteur constitue la seule source nationale de neutrons. Grenoble accueille certes l’Institut Laue-Langevin (ILL), la plus puissante installation du genre du monde. Mais l’infrastructure est européenne ; la France n’y contribue qu’à hauteur de 28 % du budget et dispose donc d’un temps d’utilisation en proportion. Si bien qu’aujourd’hui près de 60 % des expériences neutroniques françaises ont lieu au Laboratoire Léon-Brillouin (LLB), l’unité CNRSCEA qui exploite Orphée. « Il s’agit d’expériences fondamentales, pour la recherche comme pour l’industrie », souligne José Teixeira, directeur de recherche émérite au LLB. Si les atouts des rayons X, des scanners jusqu’aux synchrotrons, sont bien connus, les neutrons offrent en réalité un parfait complément. Dépourvus de charge, ils n’interagissent qu’avec les noyaux et pénètrent au plus profond des matériaux : là où les rayons X sont, par exemple, arrêtés par 1 mm d’aluminium, les neutrons l’explorent aisément sur 10 cm d’épaisseur. Qu’il s’agisse d’analyser les structures fondamentales de la matière ou d’en vérifier la qualité, ils apportent des informations uniques. Les industries spatiale, ferroviaire et automobile en font donc largement usage. Le monde médical aussi, lorsqu’il veut produire des isotopes ; ou encore celui des semiconducteurs, quand il doit doper le silicium. « Magnétisme, analyse physico-chimique, dynamique moléculaire… là encore les neutrons sont irremplaçables », poursuit José Teixeira. Alors, pourquoi cet arrêt ? Le futur aménagement du plateau de Saclay, sa ligne de tramway et ses dizaines de milliers d’étudiants à venir peuvent-ils cohabiter avec un réacteur nucléaire ? Là n’est pas l’essentiel, assure l’administration. Au ministère de la recherche, comme au CEA, on invoque trois autres motifs. « Un choix stratégique, d’abord, affirme Vincent Berger, directeur du pôle sciences de la matière au CEA… et Les industries spatiale, ferroviaire et automobile font largement usage des neutrons, ainsi que le monde médical… problème : celui de la fabrication. Une fois l’uranium reçu, il faut le transformer en cœur nucléaire. Une manipulation complexe réalisée, pour presque toute l’Europe, par Cerca, une filiale d’Areva. Or, depuis l’accident de Fukushima, au Japon, l’Autorité de sûreté nucléaire a imposé de nouvelles normes. Cerca a dû reconstruire son usine. Le prix d’un cœur (environ 2 millions d’euros pour cent jours d’utilisation) a doublé. On imagine aisément les incidences sur le budget annuel de 10 millions d’euros d’Orphée, déjà considéré comme insoutenable dans le contexte actuel. Sauf que cet abandon a un coût scientifique que toute la filière juge majeur. « La Coupe du monde approche, on paie pour la construction du grand stade mais on n’aura bientôt plus d’équipe », aime ainsi à dire un cadre du LLB. L’ESS de Lund sera, en effet, pleinement opérationnel en 2025. Où travailleront, d’ici là, les quelque 1 700 chercheurs français qui constituent aujourd’hui cette communauté de pointe ? Et ensuite, où conduiront-ils les expériences « ordinaires » ? Où formeront-ils leurs thésards ? « Nous devrons collaborer avec les autres sources européennes », assure Vincent Berger, pour le CEA. « Ils seront les bienvenus chez nous, répond Winfried Petry, directeur du réacteur FRM II, à Munich. Mais c’est du dépannage, pas une stratégie. Je ne comprends pas que la France sacrifie son avance. Je veux encore espérer qu’elle changera d’avis. Ou qu’elle développera une petite source de spallation nationale, pour rester parmi les pays qui comptent. » Pour le moment, rien ne semble lui donner raison. p 0123 Mercredi 9 décembre 2015 |3 télescope Cosmologie Lumière sur la masse manquante Le bilan du contenu énergétique de l’Univers pose de gros problèmes : une énergie noire inconnue en compose 70 %, tandis que 25 % sont faits d’une matière de nature également mystérieuse. Même les 5 % restants, dits ordinaires, soulèvent des questions, car la moitié échappe à la détection ! Une équipe internationale vient cependant de mettre la main sur cette part perdue, à proximité de filaments invisibles de plusieurs millions d’années-lumière de long, qui relient les galaxies, comme une toile. Cette matière émet des rayons X, repérés par le télescope spatial XMM de l’Agence spatiale européenne. > Eckert et al., « Nature », 3 décembre. Astrophysique Le moteur d’un trou noir repéré Une équipe internationale, utilisant le réseau de télescopes Event Horizon, a pour la première fois observé la localisation et les variations du puissant champ magnétique émis par le trou noir du centre de la Voie lactée, Sagittarius A*. Ce champ est soupçonné d’être responsable de l’éjection colossale de jets de matière et de rayonnement au voisinage de ce géant, quatre millions de fois plus lourd que le Soleil. > Johnson et al., « Science », 4 décembre. jusqu’à l’été dernier conseiller recherche de François Hollande. La France a choisi de participer au programme européen de construction d’ESS, en Suède, la plus importante source de neutrons du monde. » Un équipement d’un coût de près de 2 milliards d’euros auquel la France contribue à hauteur de 150 millions, chiffre Christian Chardonnet, chef du département des grandes infrastructures au ministère. Son prix s’explique par sa technologie, radicalement différente, qui impose la construction d’un accélérateur de particules. En échange, la technique dite de « spallation » permet de s’affranchir du réacteur nucléaire, source des neutrons d’Orphée mais aussi de ses deux autres péchés mortels… Car qui dit réacteur dit combustible. En l’occurrence, de l’uranium enrichi à 93 % (bien plus que dans les centrales civiles), capable de constituer une charge militaire. Deux pays produisent cette rareté pour la recherche civile : les Etats-Unis et la Russie. Si Orphée a profité de la chute du Mur et des « soldes » russes pour se constituer un stock qui lui permet de tenir, à régime réduit, jusqu’en 2019, il n’est plus question de négocier avec la Russie de Poutine. Quant aux Américains, fournisseurs historiques, ils ont annoncé que pour éviter toute prolifération ils cesseraient, sauf exception, de fournir de l’uranium hautement enrichi. L’exception, ce sont des accords signés avec les principaux pays européens dans lesquels ils acceptent d’approvisionner les installations prêtes à se convertir, à moyen terme, en réacteurs à combustible ordinaire (moins de 20 % d’uranium 235). « C’est dans ce cadre qu’ils continuent à nous fournir, explique Charles Simon, directeur adjoint de l’ILL, à Grenoble. Mais la France a annoncé qu’elle fermait Orphée. Elle est donc sortie de l’accord. » Une bêtise diplomatique ? Plutôt un moyen d’éviter le troisième ESS, la Ferrari de la spallation Coupon à retourner à Fondation pour la Recherche Médicale Je fais un don (par chèque) de……..……..……..……..… Je souhaite en savoir plus sur les actions de la Fondation Ces demandes ne m’engagent en aucune façon. Nom : …..……..……..…..……..……...……..………..…………....……. Prénom : ……..…………..……..……......…...…...…...…..……..….……..……... Adresse : …….…..…….…....……..……..............……..……..……..…….………..……..…...…...…...…...…..Code postal : .…...……...……..…..…... Ville : ..……..……..……..……...……….……..……..…..…….. Téléphone : ..……….………..…...... Email : ..…..……...…..…...…...….……...…...…. Conformément à la loi du 6/01/1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition aux informations vous concernant, en vous adressant à la Fondation. Par notre intermédiaire, vous pouvez être amené à recevoir des propositions d’autres organismes. Si vous ne le souhaitez pas, vous pouvez cocher la case ci-jointe. C1512CIMSM9 C’est un équipement exceptionnel que les pays européens ont décidé d’ériger en Suède. La source européenne par spallation (ESS) de Lund sera composée d’un accélérateur linéaire de 600 m de long permettant de diriger les protons à haute énergie vers une cible de tungstène. La réaction produite générera des neutrons « pulsés » qui pourront pénétrer les échantillons étudiés. Pas d’uranium enrichi, pas de déchets. Les concepteurs d’ESS assurent qu’il sera au moins dix fois supérieur à celui d’ILL, l’équipement européen de référence, installé à Grenoble. Les performances dépasseront aussi les principales sources en activité au Japon ou aux Etats-Unis. Une « formule 1 » à 2 milliards d’euros. Premiers tours de roues en 2020, plein régime en 2025. Quinze pays européens, au premier rang desquels la Suède et le Danemark, financent le bolide. Mais qui pourra le piloter ? L’accès pour les industriels s’annonce assez limité. Quant aux jeunes chercheurs, personne n’y songe : on n’apprend pas à conduire sur une Ferrari. 4| 0123 Mercredi 9 décembre 2015 | SCIENCE & MÉDECINE | ÉVÉNEMENT Consentement Mieux informer les donneurs de tissus humains bioéthique Des traitements plus personnalisés pourraient émerger des banques d’échantillons biologiques. L’optimisation de leur exploitation est-elle compatible avec le respect des droits du patient ? A catherine mary u début des années 1980, le généticien Richard Ward, de l’université canadienne de la Colombie-Britannique, à Vancouver, obtint des 900 membres de la tribu amérindienne des Nuu-chahnulth leur consentement pour mener des études sur leur génome. Rien ne pouvait alors laisser présumer la longue série de conflits qui allait opposer, vingt ans plus tard, généticiens et tribus amérindiennes. Leur motif ? L’utilisation de l’ADN des intéressés dans des conditions différentes de celles décrites dans le consentement qu’ils avaient initialement signé. Le projet de Richard Ward était pourtant simple. Rechercher, dans le génome des Nuu-chah-nulth, des variations génétiques pouvant expliquer la fréquence élevée de cas de polyarthrite rhumatoïde rencontrés dans cette tribu. Pour cela, il suffisait que les participants à l’étude signent un consentement éclairé, selon les lois de bioéthique en vigueur. La première étude, infructueuse, se déroula sans encombre. Mais les généticiens, souhaitant optimiser l’exploitation du matériel génétique qu’ils avaient à leur disposition, allèrent plus loin. Ils partagèrent l’ADN des Amérindiens avec d’autres gé- néticiens, qui tentèrent à leur tour de le faire parler. Heurtés par ce qu’ils ressentirent comme une trahison, les Nuu-chahnulth exigèrent réparation et engagèrent un procès contre les généticiens. «Ces conflits avec les Amérindiens comme avec d’autres peuples premiers ont mis en lumière des problèmes compliqués liés au fonctionnement des recherches en génétique, et leur résolution a permis de faire avancer la réflexion dans ce domaine, même si d’importantes zones d’ombres persistent », commente Christine Noiville, juriste au CNRS et coauteure en 2009 d’un volume de la collection « Que sais-je ? » consacré aux biobanques, ces collections convoitées d’échantillons de sang, d’urine ou de tissus tumoraux. « Les biobanques sont l’outil du XXIe siècle pour faire de la recherche médicale. On est tous d’accord sur la nécessité de valoriser les résultats de leur exploitation, mais il s’agit de pouvoir articuler l’intérêt de la recherche, de la santé publique et des patients », poursuit-elle. Evolution accélérée des biotechnologies et du traitement des données, amélioration des méthodes de conservation des échantillons biologiques et mondialisation des échanges sont autant de facteurs qui facilitent l’exploitation des biobanques. Des mines d’informations qui font autant rêver les chercheurs du secteur public que les investisseurs privés. A la clé, des corrélations toujours plus fines entre risque de maladie, profil ÉVÉNEMENT génétique, âge et mode de vie, promettant l’avènement d’une médecine personnalisée faisant bénéficier chaque malade d’un traitement adapté à son profil. Le projet Precision Medicine Initiative, récemment proposé par les National Institutes of Health (NIH), aux Etats-Unis, prévoit ainsi le recrutement de 1 million de personnes dans le pays afin de constituer une biobanque permettant l’étude à long terme de corrélations entre gènes et santé. Le Royaume-Uni, l’Islande et l’Estonie disposent déjà de telles banques nationales, qui ont permis l’identification de prédispositions génétiques à des maladies telles que les cancers ou la maladie d’Alzheimer. Le consentement libre et éclairé vise à garantir l’autonomie et la liberté de la personne Dans cette biobanque suisse, les cellules souches de cordon ombilical sont conservées dans de l’azote à – 150 °C. AMELIE-BENOIST/BSIP Mais ces enjeux, aussi importants soient-ils, ne peuvent en éclipser d’autres, d’ordre éthique. Car, avec les biobanques, les questions soulevées par les conflits entre les Amérindiens et les généticiens se trouvent ramenées au cœur d’une réflexion nouvelle, guidant la recherche d’un compromis entre maintien des principes du consentement libre et éclairé et efficacité de la recherche. Puisant ses fondements dans le procès des médecins nazis à Nuremberg, en 1947, le consentement libre et éclairé vise à garantir l’autonomie et la liberté de la personne, de manière à pallier la dissymétrie entre le médecin qui sait et le patient qui ignore. Il définit de manière précise les objectifs et les conditions de l’acte médical et donne au patient la possibilité de le refuser, ou de ne pas être informé, ainsi que d’interrompre à tout moment son engagement. En cas d’examens génétiques, le consentement n’est accordé que pour une finalité donnée dans un contexte bien précis. Or, s’ils souhaitent rester compétitifs et valoriser leurs travaux, les chercheurs ont tout intérêt à se procurer des échantillons biologiques auprès de différentes biobanques et à les regrouper. Cela leur permet d’augmenter la taille des données à analyser et d’accroître la fiabilité de leurs résultats. Ils doivent aussi pouvoir les conserver pour les exploiter au moment opportun à la faveur d’une avancée technologique. « Les technologies évoluent si vite que vous ne pouvez pas prédire ce que vous allez faire l’année suivante », note ainsi Timothy Spector, du King’s College de Londres, non sans avoir vanté les qualités de la biobanque qu’il dirige, la TwinsUK. Avec ses génomes, protéomes et microbiomes collectés auprès de quelque 13 000 vrais et faux jumeaux, elle est l’une des plus riches collections de données sur les jumeaux du monde, et promet la pos- Dans l’intérêt de la personne La notion de consentement volontaire apparaît pour la première fois dans le Code de Nuremberg, établi lors du procès contre les médecins nazis en 1947. Elle est ensuite reprise en 1964 dans la déclaration d’Helsinki de l’Association médicale mondiale, visant à énoncer les principes éthiques encadrant la recherche médicale. Elle associe le consentement à l’intérêt de l’individu, et introduit une dérogation en cas d’incapacité de la personne à consentir. Elle est aussi à l’origine de la création des comités d’éthique auxquels doit être soumis tout projet de recherche médicale. En France, l’obtention du consentement pour la recherche médicale a été rendue obligatoire en 1988, par la loi Huriet-Sérusclat. Ce consentement doit être libre et informé, c’est-à-dire que le patient est libre de réfléchir et reçoit l’information la plus objective et la plus compréhensible possible. Son encadrement est régulièrement révisé à mesure que la société et la pratique médicale évoluent. La loi Kouchner de 2002 concerne le soin. Elle introduit la notion de décision conjointe entre le médecin et le malade et son droit de refus, faisant évoluer la notion de consentement vers la notion de choix. | SCIENCE & MÉDECINE | sibilité d’établir des corrélations inédites entre patrimoine génétique, environnement et risque de maladie. A condition d’éviter les erreurs du passé, comme celle qui conduisit à la stigmatisation des Amérindiens de la tribu Havasupai, en Arizona. Dans les années 1990, leur taux élevé de diabète de type 2 attira l’attention des généticiens. Mais leur ADN fut endommagé lors d’une panne de congélateur, et les chercheurs, ne pouvant pas l’étudier, le conservèrent. Une démarche justifiée de leur point de vue puisque, dans les années 2000, de nouvelles techniques d’analyse leur permirent de poursuivre leurs recherches. Mais loin d’apporter le résultat espéré, les études révélèrent le taux élevé de consanguinité des Havapusai, dont la population ne comprenait, au début du XXe siècle, que quatre-vingts adultes en âge de procréer. D’où le procès intenté par les Havapusai aux généticiens. Autre pierre d’achoppement, la confidentialité des données stockées dans les biobanques. En France, une banque de données médicales ne peut être constituée qu’avec l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), sous réserve d’anonymisation des données. Pourtant, le système de double chiffrage utilisé n’exclut pas le risque que ces données soient de nouveau identifiables, et donc celui de leur utilisation abusive par les employeurs ou par les assureurs. En conséquence, le remaniement du consentement libre et éclairé se révèle nécessaire. « Il faut concilier la liberté de choix de l’individu et la protection des données personnelles avec les nouvelles modalités de la recherche qui se développent aujourd’hui. Cela n’est possible que par l’association du patient au projet de recherche », résume ainsi Georges Dagher, qui dirige l’infrastructure nationale Biobanques, financée par le programme « Investissements d’avenir » et regroupant 84 biobanques en France dans le cadre d’un réseau européen qui en compte plus de 300 (Le Monde du 16 juin 2014). Une table ronde intitulée « Consentement et recherche », organisée en mai par Biobanques, a ainsi permis d’esquisser les contours d’un nouveau cadre éthique. Celui-ci, avance Georges Dagher, pourrait prévoir « un consentement avec une pluralité de finalités scientifiques. En échange, le patient disposerait de garanties sur le respect des principes éthiques, en particulier sur la confidentialité des données, la qualité scientifique des études et le cadre de recherche ». Outre-Manche, la sociologue Barbara Prainsack, du King’s College de Londres, propose un modèle apparenté s’appuyant sur le principe de solidarité. Le patient serait amené à signer, en plus du consentement éclairé, une « déclaration de mission » l’informant de l’ensemble des risques sur ses données et sur la gouvernance des biobanques. Pour chaque biobanque, une commission de recours serait également créée, à laquelle le patient pourrait s’adresser en cas de violation de la confidentialité. « Il ne s’agit pas seulement de signer un document et de protéger l’institution, mais il s’agit aussi pour le patient de comprendre vraiment ce qu’est une biobanque, la manière dont elle est dirigée et les risques, même minimes, de dévoilement de ses données », souligne-t-elle. Soigneusement mis en place, ces modèles participatifs peuvent bénéficier à l’ensemble des acteurs. En témoignent les collaborations réussies entre généticiens et Amérindiens, après les conflits qui les avaient opposés. Les membres du peuple Gitxsan ont ainsi œuvré aux côtés des généticiens pour élucider les fondements génétiques de leur fréquence 50 fois plus élevée que la moyenne de syndrome de QT long, une anomalie congénitale rare du système cardiaque pouvant causer une mort subite. Activement impliqués dans le projet de recherche, les Gitxsan ont contribué à l’élaboration des protocoles et ont disposé d’un droit de regard sur les résultats scientifiques, avant leur publication. Chercheurs et patients ont ainsi révélé ensemble l’existence d’une mutation en cause dans le syndrome de QT long. La course à la productivité pourrait bien, pourtant, reléguer au rang d’utopies ces expériences réussies. L’usage généralisé des termes « données de santé » a ainsi déjà sorti les données médicales du domaine balisé de la médecine pour les rendre accessibles au marché. Réduites à de simples marchandises, elles s’acquièrent au coût le plus bas, se stockent et se monnaient. Et les stratégies développées par certaines compagnies privées ne s’encombrent désormais plus de consentement libre et éclairé. La société américaine de biotechnologie 23andMe propose, pour le coût modique de 99 dollars (94 euros), la réalisation d’un test génétique sur les origines, grâce à un kit de prélèvement de salive vendu sur Internet. Une vente qui permet aussi à 23andMe l’acquisition insidieuse des données des clients. Sur le site de la société américaine, le formulaire de consentement à signer par l’internaute suit une fiche de présentation sur l’intérêt de ces données pour la recherche médicale. Stratégie gagnante, puisque la société a pu constituer une banque de plus de 1,5 million de génomes. « En faisant participer les individus, 23andMe a construit une base de données qu’aucune institution au monde ne possède », commente ainsi Georges Dagher, avec un mélange d’admiration et de scepticisme. « Cela ne veut pas dire que nous devons faire la même chose, mais la recherche d’aujourd’hui se fait sur ces bases de données-là, d’où l’importance pour les institutions publiques d’impliquer les patients en créant de vraies relations de confiance », insiste t-il. En janvier, un accord commercial entre la compagnie pharmaceutique Pfizer et 23andMe a donné l’accès à Pfizer à 800 000 des génomes de 23andMe, pour des études sur les prédispositions génétiques aux maladies, notamment au lupus. La société Amgen vient de lui emboîter le pas aux Etats-Unis. En échange de la carte Copay, donnant accès au tiers-payant pour son anticholestérol Repatatah, Amgen a récemment exigé des patients leur autorisation à utiliser et échanger leurs données médicales, sans aucune garantie de confidentialité. Le tollé soulevé par cette pratique a néanmoins conduit Amgen à resserrer ses garanties en termes de confidentialité et de partage des données. Une « déclaration de mission » informerait le patient des risques sur ses données et sur la gouvernance des biobanques La loi du marché tend à s’imposer dans le domaine prometteur des cellules souches. Aux Etats-Unis, la réglementation de la Food and Drug Administration, l’agence des médicaments, encadre strictement l’usage des cellules souches à des fins thérapeutiques. Pourtant, des centaines de cliniques s’implantent dans le pays pour proposer des traitements non validés pour des pathologies telles que la sclérose amyotrophique latérale, la maladie de Parkinson ou la sclérose en plaques. L’information fournie au patient ? Un argumentaire commercial, subtil et trompeur, vantant les bénéfices de ces traitements tout en en minimisant les risques. D’où les inquiétudes du côté des bioéthiciens. « Il existe une tension croissante entre la volonté de maintenir un cadre éthique garantissant l’intégrité du corps et l’autonomie du patient et de puissantes incitations financières à transgresser ce cadre », s’inquiète ainsi le bioéthicien Leigh Turner, de l’université du Minnesota. « Il y a cinq ans, en 2010, la conférence mondiale sur l’intégrité de la recherche, qui avait eu lieu à Singapour, s’était conclue par une déclaration promouvant un code de bonne conduite en matière d’intégrité, résume Noémie Aubert Bonn, doctorante en bioéthique à l’université de Hasselt, en Belgique. En 2015, à Rio, les présentations dans leur ensemble allaient plus loin. Elles soulignaient l’incompatibilité entre les attentes éthiques et les attentes de productivité. » p 0123 Mercredi 9 décembre 2015 |5 « Les médecins ont multiplié les casquettes » L eigh Turner est professeur de bioéthique à l’école de santé publique de l’université du Minnesota, aux Etats-Unis. En 2004, après le décès d’un patient schizophrène, Dan Markingson, au cours d’un essai clinique dans le département de psychiatrie de l’université, Leigh Turner se joint au groupe de soutien qui s’est constitué autour du bioéthicien Carl Elliott pour exiger une enquête indépendante. Les résultats de cette enquête ont été publiés en février. Ils dressent un bilan accablant des conflits d’intérêts au sein de cette université et sur leurs conséquences pour le consentement du patient. L’enquête sur la mort de Dan Markingson a révélé d’importants manquements éthiques. De quoi s’agit-il ? L’enquête a montré que Dan Markingson a signé lui-même son consentement pour être intégré à cet essai clinique. Or le diagnostic posé par le psychiatre qui le suivait le jugeait inapte à exercer son libre arbitre. Ce même psychiatre était également l’investigateur de l’essai clinique, et il percevait 15 000 dollars (14 200 euros) par patient enrôlé de la part d’AstraZeneca, la compagnie pharmaceutique qui le finançait. La situation est encore plus inquiétante lorsqu’on replace ce cas dans le contexte général de la recherche clinique au sein de l’université du Minnesota. L’enquête a analysé les protocoles de plus de vingt essais cliniques en cours, révélant que les problèmes éthiques n’étaient pas discutés au cours des réunions de suivi de ces essais, notamment les risques et les bénéfices pour le patient. Les dirigeants du département de psychiatrie ont réagi par la défensive à nos requêtes. En outre, l’enquête a montré qu’il y régnait un climat de peur. Ce cas est-il révélateur d’une situation plus générale ? Il est emblématique des conditions de la recherche médicale, avec l’implication des compagnies pharmaceutiques, finançant à coups de millions de dollars les recherches menées au sein de cette université. La réflexion sur le consentement éclairé permet aussi de se pencher sur les changements majeurs survenus au cours des vingt dernières années. Au-delà de la distinction traditionnelle entre secteurs public et privé, les intérêts économiques se sont immiscés au cœur même de la pratique médicale. Les médecins sont à la fois entrepreneurs, investigateurs d’essais cliniques pour un laboratoire pharmaceutique, experts de santé publique : cette multiplication des casquettes favorise la confusion des rôles. Il ne s’agit pas seulement de l’influence de l’industrie pharmaceutique, mais aussi du rôle d’entrepreneur que jouent les médecins, incités à récolter des fonds pour financer leurs recherches en dehors du secteur public et à les valoriser. Quelles sont, selon vous, les dérives les plus inquiétantes ? Le consentement éclairé se réduit de plus en plus souvent à un document contractualisant la relation entre le patient et le médecin, alors qu’il doit être le résultat d’un processus au cours duquel le patient prend sa décision. Il doit s’appuyer sur un vrai dialogue, au cours duquel le médecin doit s’assurer que le patient a bien compris les risques de l’essai clinique dans lequel il est enrôlé. Or le temps nécessaire à ce dialogue est négligé dans la pratique. A cela s’ajoute le langage de plus en plus technique du médecin, que le patient ne comprend pas. Dans certaines disciplines, comme l’oncologie, le consentement est long et compliqué, ce qui crée une dissymétrie entre le patient et le médecin. Le consentement éclairé peut-il être un levier pour la réflexion sur les droits de l’homme ? Dans certains cas, le consentement est un levier pour améliorer l’encadrement des essais cliniques dans les pays du Sud, où les réglementations sont moins strictes que dans les pays du Nord. Lorsqu’un essai clinique est mené dans un pays du Sud par des chercheurs venant du Nord, une réflexion se met en place pour que cette étude soit menée suivant les meilleurs critères éthiques, tout en respectant la réglementation du pays concerné. Mais la tendance inverse existe également, car il ne faut pas négliger les aspects les plus féroces de la mondialisation. L’économie est un puissant moteur, et les exigences moindres en matière de bioéthique rendent les essais cliniques moins coûteux dans les pays du Sud. Depuis une vingtaine d’années, compagnies pharmaceutiques, organisations non gouvernementales et institutions de santé délocalisent leurs essais cliniques dans des pays tels que la Chine, l’Inde ou les pays de l’Est. p propos recueillis par c. my 6| 0123 Mercredi 9 décembre 2015 | SCIENCE & MÉDECINE | Les Simpson, forts en maths Comment venir à bout des graffitis dans les toilettes le livre Les aventures des personnages de Matt Groening sont truffées de références mathématiques improbablologie Pierre Barthélémy hervé morin U n complot pour éduquer secrètement les spectateurs de dessins animés. » A la lecture du nouveau livre du journaliste scientifique britannique Simon Singh, Les Mathématiques des Simpson, David X. Cohen, un des auteurs de la série américaine, est passé aux aveux. Dans une vie antérieure, il a étudié la robotique et l’informatique à Harvard et Berkeley. Comme nombre de scénaristes des aventures de Bart, Homer, Marge, Lisa, Maggie et des habitants de Springfield, David Cohen est un nerd, un passionné de sciences, et de mathématiques en particulier. Et tout comme eux, il ne peut s’empêcher de truffer les épisodes de références plus ou moins cryptiques à sa discipline favorite – quand il ne fait pas de celle-ci le moteur des rebondissements ou de l’intrigue. L’équipe qui imagine et fabrique la série créée en 1987 par le dessinateur Matt Groening compte en effet une concentration impressionnante d’obsédés des chiffres, d’anciens « mathlètes » (adeptes de tournois mathématiques), qui ont parfois fait de la recherche académique avant de succomber aux sirènes d’Hollywood. Simon Singh, qui s’était illustré naguère en publiant une brillante Histoire des codes secrets, était tout indiqué pour dévoiler l’entreprise de recérébration du grand public menée à son insu par ces agents du soft power américain. Des fractales aux nombres premiers Souvent subliminale, la présence des mathématiques dans l’univers des Simpson n’a pas échappé aux aspirants au « nerdvana », le paradis des nerds. Des universitaires, cités par Singh, utilisent la série pour nourrir leurs cours. Et des fans scrutent chaque épisode, télécommande en main, pour stopper la diffusion dès que des nombres ou des indices plus anodins apparaissent à l’écran, qui sont autant de défis et références lancés à leur sagacité. Pour le béotien, Simon Singh fait défiler au ralenti ces extraits, dont il expose toute la profondeur : de Pythagore à Stephen Hawking, en passant par Fermat ou Cantor, des fractales aux nombres premiers, sans oublier les statistiques du base-ball, un autre monde se révèle derrière celui en 2D de Springfield. Pourquoi ces auteurs montrent-ils un tel talent pour inventer des blagues qui marient non-sens et condition humaine ? L’un d’eux offre une double réponse à Singh. Ses collègues nerds brûleraient de prouver qu’ils ont du cœur. Mais aussi, explique-t-il, parce que « plus vous pensez à la logique, plus vous avez du plaisir à la tordre et à la déformer. Je pense que l’esprit logique trouve un énorme humour dans l’illogisme ». Leur génie, c’est de savoir glisser cette fausse logique dans des situations compréhensibles par le grand public. On mesurera l’écart entre l’humour purement mathématique et celui, plus universel, des Simpson, grâce à une série de blagues que Simon Singh propose en guise de test. Mais sans doute une part de leur saveur a-t-elle été perdue lors de la traduction, qui parfois montre quelque faiblesse – seul regret concernant un livre qui se dévore comme un doughnut. p « Les Mathématiques des Simpson », de Simon Singh (Télémaque/Science & Vie, 306 p., 22 €). Agenda Conférence « Ensemble, pour l’avenir des grands singes » Primatologue au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, Sabrina Krief y organise, le 12 décembre, une conférence sur la sauvegarde et à la protection des grands singes, dont les populations sont menacées en Asie et en Afrique. Elle présentera notamment les résultats d’un projet de protection des chimpanzés sauvages engagé à Sebitoli, en Ouganda. > Samedi 12 décembre, Muséum d’histoire naturelle, entrée libre sur inscription : mnhn.fr/avenir-des-grands-singes RENDEZ-VOUS Journaliste et blogueur Passeurdesciences.blog.lemonde.fr J adis, cette chronique s’est demandé si lire aux toilettes était bon pour la santé. Après la question de la lecture, il fallait se poser celle de l’écriture au petit coin, et notamment dans les latrines publiques, ces lieux dont les occupants prennent tellement leurs aises qu’ils en laissent des graffitis sur les murs. L’habitude n’est pas nouvelle puisqu’on en a retrouvé à Pompéi et à Herculanum, comme ce magnifique « Apollinaris medicus Titi Imp hic cacavit bene ». Précisons, à l’intention des non-latinistes ou de ceux qui ont calé une armoire avec leur Gaffiot, que ce mot n’évoque pas les aventures de Titi et Grosminet mais signifie : « Apollinaris, médecin de l’empereur Titus, a ici bien chié. » Tout comme l’appétit vient en mangeant, la scatologie vient en se soulageant… De la même manière, il faut détromper ceux qui croiraient, en lisant le court mot « Mentula V HS », que les Romains avaient déjà des cassettes vidéo. Non, cela dit simplement : « Une bite pour 5 sesterces. » A tout point de vue, on n’a donc rien inventé. Il n’en reste pas moins que les graffitis déposés par les artistes de tartisses finissent par coûter fort cher en frais de peinture et de ravalement intérieur. Il fallait par conséquent que le Superman des temps modernes, j’ai nommé la science improbable, s’en mêle, en la personne de Steuart Watson, de l’université du Mississippi, qui, à l’occasion d’une mémo- rable étude publiée en 1996 par le Journal of Applied Behavior Analysis, a trouvé la solution miracle pour venir à bout des poètes et dessinateurs de goguenots. La menace de sanctions ne donnant rien – si ce n’est un « Il est interdit d’interdire » narquoisement tagué sous un panneau interdisant les graffitis –, ce spécialiste de psychologie a tenté une approche plus subtile. Le terrain d’expérimentation Le chercheur a pris pour terrain d’expérimentation trois toilettes publiques pour hommes situées sur un campus universitaire américain. Pourquoi uniquement pour hommes et pas aussi pour dames, diront les tenants de la parité ? Pour qui n’a jamais fréquenté les W.-C. réservés aux membres du sexe fort, rappelons qu’en plus de ressembler à une porcherie après l’orage, l’endroit montre que ces messieurs sont passés champions dans l’art d’étaler bêtises, insultes et cochoncetés sur les murs, le tout avec une maîtrise du graphisme et de l’orthographe digne d’élèves de CP. M. Watson a commencé son étude en faisant repeindre les murs. Puis il a compté à quelle vitesse les éphémères occupants des lieux les retapissaient – jusqu’à 125 caractères ou dessins par jour. Fort de ces statistiques, il a fait donner un nouveau coup de peinture, mais cette fois en affichant un petit panneau expliquant qu’un médecin du cru avait accepté de verser une certaine somme d’argent à une organisation caritative célèbre aux EtatsUnis – United Way of America – « pour chaque jour où ces murs [resteraient] vierges de tout message, dessin, ou de toute autre marque. Nous apprécions grandement votre soutien à United Way ». Le médecin en question n’était autre que l’auteur de l’étude. Quant à la somme, il s’agissait de 5 cents par jour – la science est pauvre, ou radine, ou les deux. Puis le chercheur a attendu. Et, pendant les trois mois qu’a duré l’expérience, son « graffitogramme » est resté désespérément plat et chaque mur immaculé. Là où les menaces et interdictions avaient échoué, l’appel à la générosité et à l’altruisme avait remporté un éclatant succès. On suppose que l’auteur s’est dit en conclusion : « Elémentaire mon cher Watson. » p Pluton sous la loupe NASA/JHUAPL/SWRI affaire de logique De nouvelles images spectaculaires de Pluton, prises le 14 juillet par la sonde américaine New Horizons, viennent d’être mises en ligne par la NASA. Ce sont les premières d’une série de photographies dont l’Agence spatiale américaine indique qu’elles offriront la meilleure définition disponible, avec des pixels correspondant à des détails de 80 mètres. Elles concernent une bande verticale d’environ 80 kilomètres de large. Le cliché ci-contre présente la frontière entre la plaine Spoutnik et une zone montagneuse formée par de vastes amas de glace d’eau. p RENDEZ-VOUS | SCIENCE & MÉDECINE | florence rosier L’ Italie, bien sûr : cet accent coloré, ce goût du rire, cette élégance de l’habit et de l’esprit… Mais aussi la Sicile, terre volcanique et stratégique, de sécession parfois. De son île natale, Pier Vincenzo Piazza a hérité une allure et un tempérament. Il y mêle une touche personnelle, faite d’exigence intellectuelle et d’opiniâtreté. « Pier Vincenzo Piazza a l’allure du Sud et la rigueur du Nord », résume le professeur Amine Benyamina, psychiatre, responsable du Centre d’addictologie de l’hôpital PaulBrousse à Villejuif (Val-de-Marne). Mardi 8 décembre, le professeur Piazza, 54 ans, recevait le Grand Prix Inserm 2015 « pour l’ensemble de ses recherches sur les mécanismes physiopathologiques des maladies psychiatriques ». Le 24 novembre, l’Académie des sciences l’honorait du prix Lamonica de neurologie. C’est dans la voie des addictions, et des raisons pour lesquelles certains y sont plus vulnérables que d’autres, qu’il s’est illustré. Une voie jalonnée, depuis 1989, par six publications dans la revue Science, et quelques autres dans PNAS et Nature Neuroscience. « Le docteur Piazza est, au plan international, un des experts les plus reconnus de la recherche en addictologie, estime le professeur Yavin Shaham, responsable des neurosciences comportementales du National Institute on Drug Abuse (NIDA), à Baltimore (Etats-Unis). Ses nombreux travaux publiés, issus de l’étude de modèles animaux, ont eu un impact notable sur l’orientation des recherches de ce domaine. » Travaux que Pier Vincenzo Piazza résume ainsi : « Une des principales contributions de mon groupe a été de révéler l’existence d’une vulnérabilité biologique individuelle à la toxicomanie – il y a vingt-cinq ans, ce concept n’était pas du tout évident – et d’en démonter les mécanismes. » La recherche : une évidence de toujours. « La première fois que j’ai dit que je voulais être chercheur, j’avais 4 ou 5 ans. J’ignore d’où cela m’est venu. » Peut-être d’un arrière-grand-père professeur de médecine et chercheur, mort quelques mois plus tôt. Pier Vincenzo Piazza a grandi dans un environnement où la connaissance était très présente : un père architecte ingénieur, une mère ayant fait son droit. Après des études de médecine et de psychiatrie à Palerme, Pier Vincenzo Piazza arrive en France en 1988, pour un postdoctorat dans le laboratoire du professeur Michel Le Moal, membre de l’Académie des sciences et qui sera son mentor à Bordeaux. Michel Le Moal a dirigé en France les premiers laboratoires dévolus à des recherches sur la psychobiologie de l’adaptation, la résilience et la vulnérabilité, et créé la psychopathologie expérimentale « Je devais rester six mois à Bordeaux, j’y suis toujours », dit Pier Vincenzo Piazza. Son parcours sera fulgurant. Moins d’un an après son arrivée, il publie son premier article dans Science. L’année suivante, il intègre l’Inserm. Pier Vincenzo Piazza dirige aujourd’hui le Neurocentre Magendie de l’Inserm à Bordeaux, spécialisé dans les études intégrées en neurosciences, qui regroupe 192 personnes. « Il est mon plus brillant élève, c’est naturellement qu’il m’a succédé à la tête de ce centre, dit Michel Le Moal. Par nature, c’est un entrepreneur. Il est toujours sur la crête, insatiable dans sa quête de nouveauté. » « Ce qui caractérise le docteur Piazza, analyse Yavin Shaham, c’est son opiniâtreté, alliée à son indépendance d’esprit. Brillant et créatif, il n’hésite pas à remettre en cause les dogmes et les chercheurs influents de son domaine. » L’intéressé souligne, lui, la dimension dissidente de la recherche, par essence. « Un chercheur qui découvre s’oppose toujours à une vision préexistante. Un postdoc peut découvrir qu’un Nobel a tort ! Il faut alors rester imperméable à la stature de ceux dont on remet en cause les travaux. » Ce côté iconoclaste a un prix : « On le paie, notamment la première fois qu’on va à un congrès. » Mais, ajoute Pier Vincenzo Piazza, ce nonconformisme doit s’accompagner d’une grande humilité : « Il arrive qu’on se trompe. Il faut rester ouvert aux critiques. » Un équilibre un peu compliqué, reconnaît-il. « Un chercheur est un mélange d’explorateur immobile et d’artiste, qui veut convaincre que sa vision du monde est la vraie. » L’enjeu de ses recherches ? Découvrir pourquoi certaines personnes, après une consommation récréative de drogue, basculent dans l’addiction et d’autres non. Si vous fumez une fois, vous avez 33 % de risque de développer une addiction au tabac. Pour la cocaïne, l’héroïne et l’alcool, ce taux est de 25 % ; pour le cannabis, de 15 %. La consommation de drogues est un comportement « normal » : il est présent chez toutes les espèces, du ver de terre aux primates, en passant par la mouche, le poisson et les rongeurs. Le passage vers l’addiction se fait en trois étapes, raconte le chercheur. L’utilisation récréative est la première : 80 % des gens y sont vulnérables. Le passage à l’abus, avec une consommation chronique, marque la deuxième étape : les effets indésirables (phy- 0123 Mercredi 9 décembre 2015 |7 Le camouflage électrique de la seiche zoologie nathaniel herzberg L Pier Vincenzo Piazza, directeur du Neurocentre Magendie, à Bordeaux. RODOLPHE ESCHER POUR « LE MONDE » Pier Vincenzo Piazza, accro à l’addiction | Ce neuroscientifique non conformiste reçoit le Grand Prix Inserm pour ses travaux sur la toxicomanie portrait siologiques et comportementaux) de la drogue se font sentir, mais on maîtrise sa consommation. On bascule dans la vraie toxicomanie quand on ne parvient plus à contrôler sa prise de drogue : le comportement se focalise sur la quête de cette substance, quitte à payer un prix très élevé. Ce n’est pas le même type de vulnérabilité qui favorise le passage de la première à la deuxième étape, puis de la deuxième à la troisième. « Le stress et les événements de vie négatifs augmentent le risque de passer à l’abus. Chez les individus exposés au stress, le système L’enjeu de ses recherches : découvrir pourquoi certaines personnes basculent dans l’addiction et d’autres non dopaminergique [un des circuits cérébraux de la récompense] est hyperactif : il incite d’autant plus à consommer une drogue. » Chez l’animal, un stress prénatal rend l’adulte vulnérable à l’abus de drogues. Ensuite, c’est une « perte de la plasticité synaptique » qui explique le basculement vers l’addiction. « Chez les animaux qui développent une addiction, les synapses sont devenues incapables de faire de la “dépression à long terme”. Cela se traduit par le fait que ces animaux ne parviennent plus à sortir du comportement addictif. » Ceux qui résistent à l’addiction, en revanche, récupèrent cette plasticité altérée sous l’effet de la drogue. En 2014, le groupe de Pier Vincenzo Piazza découvre qu’une hormone produite par le cerveau, la prégnénolone – un neurostéroïde –, constitue un mécanisme naturel de défense contre les effets néfastes du cannabis chez l’animal. Comment ? Elle empêche le principe actif du cannabis, le tétrahydrocannabinol (THC), d’activer pleinement ses récepteurs cérébraux. Un rétrocontrôle négatif, puisque c’est le THC lui-même qui déclenche la production de prégnénolone, qui à son tour inhibe les effets du THC. L’identification de ce mécanisme débouchera-t-il sur un traitement des addictions au cannabis ? Pier Vincenzo Piazza a créé une start-up à cette fin. « Nous avons développé des dérivés de la prégnénolone stables et bien absorbés : ils pourraient être utilisables comme médicament. » Avec l’une de ces molécules, les tests comportementaux se sont montrés favorables chez les rongeurs et le singe. « Nous avons demandé à l’Agence américaine du médicament [FDA] l’autorisation de mener des essais chez l’homme. » Si tout va bien, ces essais pourraient démarrer au second semestre 2016 chez des volontaires sains, dans un premier temps. « Le docteur Piazza a probablement mis le doigt sur un mécanisme qui pourrait révolutionner le domaine des addictions », estime le professeur Benyamina, qui se dit « impatient » de participer aux essais cliniques évaluant cette voie. Pour lutter contre la toxicomanie, la France dépense 1,5 milliard d’euros, dont 19 millions pour la recherche. Le signe, selon le docteur Piazza, que « la toxicomanie, dans l’inconscient collectif, reste perçue comme un vice, non comme une véritable maladie psychiatrique ». On dépense beaucoup dans la prévention, qui « ne marche pas très bien en France, parce que nous ne sommes pas une société normative ». Mieux vaudrait, selon lui, déplacer nos efforts de prévention vers des efforts de détection précoce des sujets qui basculent dans l’addiction. p e camouflage est un art. La peau du caméléon, les écailles du lézard des sables, les plumes de l’engoulevent du désert ou le pelage du lynx roux en offrent, entre autres, de saisissants exemples. Quant à la seiche commune, elle aurait presque sa place au musée, tant l’apparence de sa peau peut changer en quelques secondes (motifs, couleurs, texture) et passer d’un tableau pointilliste à un monochrome de Malevitch. Le camouflage est aussi une science. Et là encore, ce céphalopode habitué de nos assiettes surpasse tous ses rivaux. Une équipe de l’université Duke, aux Etats-Unis, vient en effet de montrer comment, tel un sous-marin militaire, il réduit sa signature électrique pour échapper à ses prédateurs les plus redoutés : les requins. Publié dans la revue Proceedings of the Royal Society B, l’article offre un nouveau regard sur l’animal. Les biologistes marins avaient déjà largement décrit ses réactions face à la menace. Une large gamme allant de la simple fuite au fameux jet d’encre, en passant par l’immobilité complète. C’est à cette dernière stratégie que les chercheurs américains se sont attelés. Attaquée par un requin, la seiche a, en effet, peu de recours. Détaler ? Inutile, le squale la rattrapera. Changer d’apparence ou se cacher dans son nuage sépia ? Vain, là encore. Car l’œil ne constitue pas le principal organe de détection du requin. Il lui préfère les narines, et surtout ces petits capteurs installés au bout du museau, sensibles au champ électrique dégagé par ses proies. Comme chez tous les êtres vivants, les échanges ioniques dans l’organisme de la seiche, et plus particulièrement dans ses branchies, produisent de tels champs. Mais elle vit dans l’eau salée, un excellent conducteur. Et dispose de trois grands orifices : une bouche constamment ouverte ; des plis cillaires, par lesquels elle aspire l’eau ; et un entonnoir, par lequel elle la rejette. A moins de 50 cm, elle libère donc une tension électrique que les chercheurs de Duke ont située dans une fourchette de 10 à 30 millivolts (mV). C’est peu, mais déjà trop : les biologistes ont installé un dipôle électrique simulant cette situation dans un aquarium et vu les requins se jeter sur le dispositif. Seiche commune de la mer des Moluques. DANIEL SELMECZI/STEVE BLOOM/BIOSPHOTO « Pour éviter ce danger, la seiche a trouvé une double parade, explique Christine Bedore, première signataire de l’article, désormais professeure à la Georgia Southern University. Elle se statufie, réduit sa respiration. Et ferme les écoutilles. Ses huit bras forment un cône qui fait partiellement obstacle au champ électrique. » Inférieure à 6 mV, la tension échappe au radar du requin, ont cette fois constaté les chercheurs. Pour Ludovic Dickel, professeur d’éthologie à l’université de Caen et spécialiste des céphalopodes, « cette étude est à la fois très belle et très innovante : questionner ainsi la proie et le prédateur présente une grande élégance ; surtout, l’article met en évidence un comportement inconnu jusqu’ici. Ces animaux sont vraiment des extraterrestres. » Une autre planète ? « La seiche peut accomplir des tâches qui nous sont familières, et que l’on n’imagine pas chez un cousin de l’huître, comme apprendre à se déplacer dans un labyrinthe, le mémoriser, note Ludovic Dickel. Mais surtout, elle sait faire des choses dont nous sommes incapables : modifier l’apparence de sa peau, discerner la polarisation de la lumière, et contrôler sa signature électrique. Il n’y a plus de place pour l’anthropomorphisme. C’est sa façon de voir le monde qu’il faut étudier. » Une tâche à laquelle Christine Bedore va elle aussi s’atteler. Sans abandonner tout à fait sa passion d’origine, les requins. « Mais je crois que leurs proies vont m’occuper un moment… Disons une bonne partie de ma vie. » p 8| 0123 Mercredi 9 décembre 2015 | SCIENCE & MÉDECINE | Une antenne-relais qui suit l’utilisateur La norme 4G de téléphonie ne s’est pas encore répandue partout que déjà les opérateurs envisagent la norme suivante. Orange a ainsi présenté, le 1er décembre, lors de son Salon annuel de la recherche, une nouvelle antenne dont l’émission se concentre précisément sur le téléphone de l’utilisateur, au lieu de rayonner dans tout l’espace comme aujourd’hui. Ce faisant, la consommation d’énergie espérée pourrait être jusqu’à deux fois moindre qu’à l’heure actuelle. « C’est comme éviter de monter le volume d’un haut-parleur pour se faire entendre », explique Dinh-Thuy Phan Huy, ingénieur chez Orange Labs à Issy-les-Moulineaux. Le prototype a été développé par l’Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes, Télécom Bretagne, Thales, deux universités suédoises, l’entreprise Time Reversal Communications et l’Institut Langevin, à Paris. C’est de ce dernier laboratoire qu’est venue l’idée originelle, le retournement temporel. Démontré au début des années 1990 sur les ultrasons, puis le son, pour améliorer les communications ou l’imagerie, il fonctionne aussi avec les ondes électromagnétiques, à condition de disposer d’une électronique mille fois plus rapide. Il permet de renvoyer un signal exactement sur l’endroit d’où il est parti. Le système, protégé par quatorze brevets, fonctionne pour l’instant en intérieur, mais Orange entend poursuivre les développements pour l’extérieur. p david larousserie 2 Enregistrement des signaux Impulsion « d’apprentissage » par plusieurs antennes A 1 A B B C Téléphone C D D Temps Le principe Le parcours mouvementé d’une onde – réflexions, réverbérations, écho – est enregistré par plusieurs antennes. Puis ces signaux, mêlés au message, sont « réémis » à l’envers en commençant par les derniers reçus. Les équations de propagation des ondes font que le rayonnement résultant se concentre autour du point d’émission. Antenne-relais Panneau de réception constitué de plusieurs antennes Retournement des signaux 3 A B 4 C Téléphone D Emission du message mélangé avec les signaux retournés Antenne réceptrice Antenne Antenne émettrice Pour les véhicules Afin de tenir compte des déplacements rapides de voitures ou de trains, les ingénieurs doivent ajouter une seconde antenne derrière la première afin que la focalisation se fasse sur elle et assure une bonne transmission. Déplacement de la voiture INFOGRAPHIE : HENRI-OLIVIER SOURCES : ORANGE; INSTITUT LANGEVIN Pour l’historien du climat Emmanuel Garnier, les catastrophes dues à des phénomènes climatiques ont toujours été intimement liées à des causes anthropiques Réchauffement : apprendre du passé pour mieux s’adapter | C es dernières années, le terme « adaptation » fait florès, et il suffit d’écouter les médias et les décideurs pour se convaincre de son caractère désormais prioritaire. Pour autant, s’agit-il d’une totale nouveauté ? Bien qu’il s’agisse d’un terme anachronique, l’historien observe plusieurs siècles d’exemples d’adaptation qui prouvent que les sociétés anciennes, confrontées à des « dérangements » ou encore des « monstruosités » du temps, ne se cantonnèrent pas à un comportement fataliste hérité du providentialisme. Le disciple de Clio (muse de l’Histoire) constate également qu’il y a rarement monocausalité. Si le facteur climatique joue un rôle dans une catastrophe, c’est toujours conjugué à d’autres causes, le plus souvent anthropiques comme les conflits, la spéculation sur les marchés, les tensions politiques ou encore les aménagements aberrants des territoires. Lorsque les Vikings colonisent l’Islande et le Groenland à dater du Xe siècle, ils ne font que profiter opportunément du petit optimum thermique médiéval qui libère les routes maritimes de l’Arctique. Et les coups de boutoir du petit âge glaciaire conduisent à l’abandon, au XIVe siècle, des colonies scandinaves désormais incapables de faire face à la disparition des pâturages et à la fermeture des détroits septentrionaux. Il faudra attendre le XVIIIe siècle et son relatif « attiédissement » pour voir à nouveau débarquer des colons. D’une actualité brûlante pour une Europe confrontée à l’arrivée massive de réfugiés, l’exemple de l’expulsion des musulmans d’Espagne par Philippe III en 1609 prouve la complexité des mécanismes de migrations massives. Contre toute attente, le roi Très-Chrétien Henri IV les accueille en recommandant, par l’ordonnance de février 1610, « qu’il soit usé en leur endroit d’humanité pour les recueillir en ses pays et estats ». Les choses se gâtent néanmoins avec l’arrivée de dizaines de milliers de nouveaux exilés, dans un très mauvais état sanitaire, qui provoquent la saturation des hôpitaux et l’apparition d’épidémies. C’est dans ce contexte social et religieux explosif que survient un cycle de sécheresses d’une gravité exceptionnelle au cours des années 1611-1614. En dépit des processions pro pluvia, rien n’y fait, l’aridité persiste, et l’on ne tarde pas à incriminer les « morisques ». Soumises à la pression de la populace, les autorités décident à leur tour de les exiler depuis Agde et Sète en direction de l’Afrique du Nord où, si l’on excepte le dey de Tunis, ils seront très mal accueillis ou même victimes des corsaires barbaresques. tribune | Pour trouver des exemples plus positifs d’adaptation, il convient de changer d’échelle spatiale et de se tourner vers le terrain local, qui offre pléthore d’exemples. La plupart d’entre eux procèdent d’une réaction à des catastrophes vécues qui conduisent les communautés à faire preuve d’une étonnante résilience fondée sur des réflexes collectifs et individuels allant de l’alerte sonore (clochers et sirènes) et de la mise en sécurité quasi immédiate des personnes dans des secteurs « insubmersibles de mémoire d’hommes » à la création de paysages plus durables comme le bocage ou les zones humides. Un programme de recherche européen sur les risques de submersion, RISC-Kit, pour lequel l’expertise historique est jugée primordiale, révèle ainsi la création de paysages littoraux européens adaptés aux risques. En construisant des espaces constitués d’épis à même d’engraisser les plages menacées par l’érosion, de zones humides pâturées, d’écluses à « Au cours des années 1611-1614, c’est dans un contexte social et religieux explosif que survient un cycle de sécheresses d’une gravité exceptionnelle. En dépit des processions “pro pluvia”, rien n’y fait, l’aridité persiste, et l’on ne tarde pas à incriminer les “morisques” » poissons faisant aussi office d’ouvrages de défense contre la houle, et enfin de noyaux urbains et villageois installés sur des sites élevés et éloignés du trait de côte, nos devanciers offrent une preuve supplémentaire de cette aptitude historique à l’adaptation. Peut-on également imaginer que, dans les années 1780, le libraire Hardy écrive dans son journal que les Parisiens ont coutume d’observer l’échelle de crues du pont de la Tournelle, sur laquelle sont reportés les niveaux maximaux de la Seine depuis le XVIIe siècle ? En fonction de ces observations, ils décident de s’installer à l’étage avec des vivres ou d’évacuer leurs logis. A Toulouse, au XVIIIe siècle, les habitants des quartiers exposés aux inondations de la Garonne savent qu’ils doivent atteindre la rue des Couteliers pour leur sauvegarde. Là, les établissements religieux ont obligation de les accueillir et de les nourrir. Et afin que tous se souviennent de ces événements, des ex-voto commémoratifs étaient déposés à l’église Notre-Dame de la Dalbade, qui en conserve encore aujourd’hui un nombre impressionnant. Pour autant, les archives doivent-elles seulement raconter des histoires qui seraient autant d’ornements de la cause climatique ? Ce serait réserver à Clio un sort bien dévalorisant au regard de tous les horizons qu’elle peut ouvrir en matière d’adaptation opérationnelle. En premier lieu, elle doit participer au combat contre le « dogme de l’inédit », qui tend à expliquer nos catastrophes récentes par le seul changement climatique. Approche perverse s’il en est puisqu’elle implique une causalité certaine entre l’un et l’autre et, par là même, une forme d’instrumentalisation occultant des décennies d’aménagements insensés à l’origine de la vulnérabilité de nos territoires et de leurs habitants. Le paradoxe veut que plus de vingt ans de gouvernance climatique mondiale aient souvent abouti à des processus de déconstruction des paysages durables. Comme l’avait déjà montré en 2010 un rapport historique rendu aux commissions d’enquêtes parlementaire et sénatoriale sur la catastrophe Xynthia et resté lettre morte depuis, les archives auraient permis de renforcer la résilience des populations exposées en livrant de précieux retours d’expériences. Le premier d’entre eux concerne les systèmes d’alertes communautaires anciens qui tranchent avec la vision pyramidale des procédures actuelles, entièrement fondées sur des réseaux de transmission vulnérables. Enfin, l’observation du cadastre napoléonien des communes touchées le 5 octobre 2015 aurait montré que les prés et pâtures, non cultivées et inhabitées au XIXe siècle, correspondaient aux limites des zones inondables, celles-là mêmes qui furent en partie urbanisées à dater des années 1980. A l’instar de ce qui se pratique en Allemagne ou au Royaume-Uni, des repères de crues historiques sanctuarisés par la loi et de taille imposante auraient sans doute dissuadé élus et promoteurs d’y bâtir. Dans cette perspective, quasi prophétique est la déclaration de l’expert du cadastre quand il écrit en 1811, à propos de Mandelieu, que « son territoire est fréquemment submergé par les eaux de la Siagne et par celles des torrents qui descendent des montagnes et qui les couvrent presque entièrement pendant plusieurs mois de l’année… ». p Le supplément « Science & médecine » publie chaque semaine une tribune libre ouverte au monde de la recherche. Si vous souhaitez soumettre un texte, prière de l’adresser à [email protected] ¶ Emmanuel Garnier, membre senior de l’Institut universitaire de France, directeur de recherche CNRS, historien du climat et des risques au laboratoire Littoral, environnement et sociétés (LIENSs, CNRS/université de La Rochelle). OFFRES D’EMPLOI PAGES 8 À 10 Dix ans après son entrée en Bourse, EDF est banni du CAC 40 Pas de taxe sur les transactions financières à Noël ▶ L’électricien va être remplacé par Klépierre au sein de l’indice phare de la place de Paris. Un désaveu pour l’Etat bruxelles - bureau européen L a rumeur courait depuis plusieurs semaines, c’est désormais chose faite : EDF va être exclu du CAC 40. Après s’être réuni dans le plus grand secret, lundi 7 décembre, le conseil scientifique des indices, structure indépendante d’Euronext, a annoncé que le premier électricien mondial ne ferait plus partie de l’indice phare de la place de Paris à partir du lundi 21 décembre. Dix ans après son entrée en Bourse, le 21 novembre 2005, et au terme d’un parcours boursier en dents de scie, EDF va céder sa place à la foncière Klépierre, dont la capitalisation n’est pourtant que de 13,2 milliards d’euros, contre 24,7 mil- liards pour EDF. La dernière « révolution » dans le CAC 40 était intervenue en mars, quand PSA Peugeot Citroën avait remplacé le spécialiste français de la sécurité numérique, Gemalto. C’est un coup très dur pour Jean-Bernard Lévy, arrivé il y a tout juste un an à la présidence d’EDF. La réaction des dirigeants du groupe a été lapidaire. Dans un communiqué, ils rappellent que l’entreprise reste « la 22e capitalisation boursière en France », mais qu’elle ne dispose « que d’un flottant limité à 15 %, ce qui explique la décision d’Euronext ». jean-michel bezat → LIR E L A S U IT E PAGE 4 France Télévisions : Michel Field, patron de l’information ▶ L’actuel directeur de France 5 remplace Pascal Golomer à la tête de l’information de l’entreprise publique ▶ Le journaliste va piloter la fusion des rédactions et le lancement de la chaîne d’info en continu N’ en déplaise à Nicolas Hulot, qui jugeait encore l’outil « indispensable » dans une interview au Nouvelobs.fr, lundi 7 décembre, il n’y aura pas de taxe sur les transactions financières (TTF) sous le sapin, contrairement à la promesse faite par Paris et Bruxelles début 2015. Et Paris ne pourra pas s’en prévaloir, en pleine négociation sur la COP21. Un accord « politique » devait certes être signé « à l’arraché » à Bruxelles, mardi 8 décembre au matin, après une énième réunion, la veille au soir, entre les ministres des finances des onze pays européens concernés par ce projet d’impôt applicable uniquement aux établissements financiers (pas aux particuliers ni aux entreprises). Le président Hollande avait dit vouloir affecter ses recettes au développement et à la lutte contre le changement climatique. Mais les grands argentiers allemand, français, espagnol, portugais, italien ou encore belge ne se sont entendus que sur des « grandes lignes » dont ils discutent depuis déjà des mois : une « assiette de l’impôt » très large (actions, obligations, dérivés) et des exemptions possibles. cécile ducourtieux → LIR E L A S U IT E PAGE 4 0,1 % → LIR E PAGE 1 1 TRISTAN PAVIOT/FTV LA PART DES ACTIONS ET OBLIGATIONS IMPOSÉE DANS LE PROJET DE TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES PLEIN CADRE LE SPLEEN DES AGENCES BANCAIRES → LIR E PAGE 2 CONCURRENCE LES ÉTATS-UNIS METTENT UN FREIN AUX GRANDES FUSIONS → LIR E PAGE 3 J CAC 40 | 4 726 PTS – 0,60% J DOW JONES | 17 730 PTS – 0,66% J EURO-DOLLAR | 1,0872 J PÉTROLE | 41,05 $ LE BARIL J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,90 % VALEURS AU 08/12 – 9 H 30 PERTES & PROFITS | EDF – KLÉPIERRE Transition énergético-commerciale L e contraste est évidemment saisissant. Le géant EDF, près de 73 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 160 000 employés, sorti du ring par le petit Klépierre, 900 millions d’euros d’activité et moins de 1 200 employés. Les centrales nucléaires terrassées par des centres commerciaux, presque cent fois plus petits. Certes, le CAC40 n’est pas un concours de beauté. Il n’empêche, le symbole parle de lui-même. Dans la France d’aujourd’hui, l’immobilier rapporte plus que l’énergie. Il faut dire que le profil d’EDF a tout ce qu’il faut pour effrayer les investisseurs. Une entreprise certes très puissante, mais extrêmement endettée, alors qu’elle fait face à un mur d’investissement pour rénover ses centrales (50 milliards d’euros) et en construire de nouvelles (jusqu’à 200 milliards d’euros) dans les vingt ans qui viennent. Lassitude des investisseurs De plus, sa marge de manœuvre est très contrainte par l’Etat, qui rogne ou refuse régulièrement les hausses de tarifs qu’elle propose. Enfin, la part de flottant dans le capital, c’est-à-dire les actions susceptibles d’être achetées par le public, est très faible. Moins de 15 % du capital. L’introduction en Bourse en 2005 avait permis à l’entreprise de lever 7 milliards d’euros. Une somme consacrée, déjà, au désendettement et au renforcement des fonds propres. On ne peut pas franchement dire que l’opération a été une réussite. La dette, jugée insup- Cahier du « Monde » No 22051 daté Mercredi 9 décembre 2015 - Ne peut être vendu séparément portable en 2005, est passée de 20 milliards à l’époque à plus de 37 aujourd’hui. La crise économique, Fukushima et les dérapages de l’EPR sont passés par là. Pas étonnant, donc, que les investisseurs se lassent. D’autant que les analystes anticipent une baisse des dividendes, dont l’Etat sera la première victime. Si les responsabilités sont partagées entre l’Etat et l’entreprise, l’échec est patent. La forte croissance du groupe, avec un chiffre d’affaires augmenté de 55 % en dix ans, n’a pas été maîtrisée. En face, la petite Klépierre surfe sur la bonne santé des centres commerciaux en Europe. Un concept résistant à la crise. Son métier consiste à financer la construction d’installations ou à en acheter des existantes, et à se rémunérer sur les loyers des marchands. Un métier de rentier encadré lui aussi par l’Etat, avec le statut avantageux des sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC), exonérées d’impôt sur les revenus pour peu qu’elles reversent 85 % des loyers à leurs actionnaires. Les esprits chagrins noteront que, désormais, le panthéon de la Bourse de Paris, le CAC40, abrite deux sociétés de ce type, Unibail-Rodamco et Klépierre, rois des centres commerciaux en Europe, et plus qu’un seul fournisseur d’électricité, Engie, lui aussi en petite forme. On se souvient que Napoléon, plein de mépris, avait traité, au début du XIXe siècle, la GrandeBretagne de « nation de boutiquiers ». Que dirait-il aujourd’hui de la France ? p philippe escande CLIMAT L’URGENCE Un hors-série du « Monde » 100 pages - 7,90 € Chez votre marchand de journaux et sur Lemonde.fr/boutique 2 | plein cadre 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Une agence du groupe Crédit mutuel. JEAN-CLAUDE MOSCHETTI/REA Rendez-vous raté avec le banquier au sein du Syndicat national de la banque et du crédit. A Crépy-en-Valois (Oise, 15 000 habitants), onze agences se succèdent sur 500 mètres. « Ce ne sont pas elles qui font du lien social. Beaucoup d’habitants préféreraient voir des commerces locaux », estime le maire, Bruno Fortier (divers). Il y a quelques années, une douzième banque a voulu venir, profitant du départ en retraite d’un photographe installé sur la place du village. « On a eu la peur de notre vie. La banque lui a fait des ponts d’or pour reprendre son emplacement. On a tout fait pour avertir les autres commerçants intéressés, afin qu’ils augmentent leur offre d’achat ; on a demandé au photographe de faire un effort et de baisser son prix. » Finalement, c’est une agence immobilière qui a repris l’emplacement. p produit (assurance-vie, crédit immobilier…). « Les clients souhaitent davantage être assistés que conseillés. Ils sont arrogants, exigeants et ne pardonnent aucun écart dans le service ! », désespère un employé dans le cadre d’un sondage Opinion Way effectué pour Kea & Partners le 24 novembre, auprès de 820 salariés du secteur. Pour 47 % des personnes interrogées, la relation avec le client s’est détériorée ces dernières années. Plus de la moitié des employés sondés ont peur du nouvel environnement auquel est confrontée leur banque. Ils craignent de perdre leur emploi, d’être dépassés et inutiles, et se plaignent de la pression commerciale de la hiérarchie. Si le digital a réduit la paperasserie et la charge administrative des conseillers, il a aussi accentué l’exigence de rapidité des clients et l’impression de lenteur de l’agence. « Le client vous envoie un mail, une heure après il téléphone pour dire : “Vous avez bien reçu mon mail ?” Pour peu qu’il l’envoie le samedi, l’agence est fermée le lundi, mardi il vous reproche de ne pas avoir répondu en disant : “Je vous ai écrit il y a trois jours” », dit Jean-Marc Weckner, délégué syndical à la Banque populaire. Une impatience nourrie par la répartition des rôles entre Web et agences physiques. Aux applications sur smartphones, la gestion quotidienne des comptes ; aux agences, le traitement des demandes complexes, « qui donnent lieu à une suite d’allers-retours entre le client et les front-office et back-office », observe M. Reinaud, du BCG. Les banques veulent, à terme, numériser aussi les produits plus complexes. Les clients de la Société générale pourront bientôt souscrire un crédit à la consommation « entièrement online », se félicite Laurent Goutard, directeur de la banque de détail en France. Objectif : que cela soit possible pour tous les produits en 2020. Que restera-t-il, alors, des bonnes vieilles agences ? Pas grand-chose. Des centres mutualisés, comme l’explique un directeur de réseau : « Si je ne vais plus qu’une fois par trimestre dans mon agence, je suis prêt à faire 500 mètres de plus en ville, 5 kilomètres en province. » Un moyen pour les établissements de faire baisser les coûts d’immobilier et de personnel. Car, lors d’une fusion, la somme du nombre d’employés n’est pas toujours mathématique. Plusieurs responsables citent la formule « 4 + 4 donne 6 ». Ces futures « super-agences », les banques espèrent en faire des « flagships », des vitrines rassurantes pour les clients. Les passants qui descendent l’avenue des Champs-Elysées voient « que l’agence Société générale est neuve, belle, grande, il y a des couleurs, il y a quatre distributeurs dehors. Elle n’a pas fermé les robinets », affirme Idris Hedaraly. Le 25 novembre, LCL a inauguré en grande pompe le « 19 LCL », fruit de la rénovation de son siège boulevard des Italiens, à 300 mètres du « 2 Opéra » de BNP. Enthousiaste, le directeur de l’agence, Pierre-Paul Cochet, espère que des clients des petites agences LCL du quartier voudront transférer leurs comptes dans le nouveau « flagship », « plus cool ». Leurs conseillers n’ont plus qu’à suivre. p j. g. e. jade grandin de l'eprevier Aujourd’hui, plus besoin de se déplacer pour faire un virement, déposer ses chèques, gérer ses placements… Résultat, les banques ferment des agences et les conseillers sont désœuvrés C’ est une petite agence bancaire, sur une rue parisienne très commerçante. Ce vendredi de mauvais temps, la porte ne cesse de s’ouvrir et de se refermer. Dans l’étroit sas aux murs beiges se serrent cinq personnes devant des automates. Ils attendent pour retirer des espèces, déposer un chèque, imprimer leur relevé de compte… Derrière eux, Julie (son prénom a été changé) attend aussi. Elle est chargée d’accueil. Assise à un grand comptoir, elle fait tourner son stylo entre ses doigts. « Bien sûr qu’on entend des bruits comme quoi il y a de moins en moins besoin de nous », confie-t-elle. Demander un renseignement, discuter avec un conseiller, encaisser des chèques : les Français n’ont plus le réflexe de se rendre en agence. En 2010, ils étaient 52 % à y aller plusieurs fois par mois. Ils ne sont plus que 21 % en 2015, d’après l’observatoire annuel de la Fédération bancaire française. « Dans les années 1970, l’agence était le lieu unique où le client faisait toutes ses transactions et venait demander du conseil », dit Axel Reinaud, associé au cabinet Boston Consulting Group (BCG). Progressivement, les banques ont habitué les clients à faire leurs transactions à l’extérieur. Sur les automates, d’abord. Les Français jouissent d’un parc de 58 640 distributeurs, – dans la moyenne européenne –, qui a doublé en dix ans. « On a mis les clients dehors ! », tempête Sébastien Busiris, secrétaire général de FO-Banques. Une manière, certains rétorqueront, de satisfaire les attentes. Les banques investissent dans des espaces libre-service où des automates sont accessibles 7 jours sur 7. La Société générale veut en créer 550, pour qu’une agence sur trois en dispose d’ici à 2020. A cela est venue s’ajouter la révolution de la gestion de comptes sur Internet, puis sur smartphone. Conséquence : « Alors que le nombre de transactions a explosé, les déplacements en agence ont diminué », constate Axel Reinaud. Dès lors, les 37 623 agences que comptait la France fin 2014 sont-elles toujours pertinentes ? Pas vraiment, si l’on en croit le mouvement de fermetures amorcé depuis quelques années. En 2015, le Crédit agricole a fermé 50 de ses 325 agences en Ile-de-France. BNP a réduit son réseau de plus de 10 % depuis 2012, de sources syndicales. La Société générale va fermer 400 agences d’ici à 2020, réduisant son réseau en moyenne de 20 % – cette part monte à 25 % dans les grands centres urbains. Premiers affectés, les chargés d’accueil – qui aident les clients pour leurs opérations simples – sont en voie de disparition. Il n’y en a déjà plus dans la moitié des agences LCL, qui veut encore en diminuer le nombre d’ici à 2018 grâce aux départs à la retraite et aux promotions internes. Désormais, les employés des agences se partagent l’accueil. EXIGENCE DE RAPIDITÉ PRÈS D’UN TIERS DES FRANÇAIS ESTIMENT EN SAVOIR PLUS QUE LEUR RESPONSABLE DE COMPTE SUR LA GESTION DE LEUR BUDGET Même les conseillers, plus qualifiés, sont mis au défi. Selon une étude du cabinet Deloitte, près d’un tiers des Français estiment en savoir plus que leur responsable de compte sur la gestion de leur budget. Le nombre de rendezvous physiques avec les conseillers chute de « 10 % sur une année pour certains réseaux », note Xavier Guizien, associé chez Exton Consulting. A la Société générale des Champs-Elysées, le directeur, Idris Hedaraly, constate « depuis trois ans une fréquentation en baisse de 15 % à 20 % de la clientèle haut de gamme, liée à l’utilisation des nouveaux outils digitaux. (…) Avant, les clients prenaient d’abord un rendez-vous pour s’informer, maintenant on passe directement à celui de confirmation puis de concrétisation ». Les conseillers doivent donc monter en gamme et se spécialiser par Malgré la désaffection, les agences rurales restent ouvertes en milieu rural, les banques maintiennent leur réseau, malgré la baisse de fréquentation. Car des clients qui se retrouveraient soudain contraints de faire 15 minutes de voiture pour se rendre dans leur agence pourraient être tentés de changer de banque. « C’est un compromis : la banque garde un local, en sachant que l’agence sera vide la majorité du temps », confie un expert préférant rester anonyme. A Nay (Pyrénées-Atlantiques), village de 3 500 habitants, on trouve sept agences bancaires dans un rayon de moins de 500 mètres. « Même des banques espagnoles ont voulu s’installer », raconte le maire, Guy Chabrout (PRG), qui s’en félicite. « Cela participe à la dynamique commerciale. Les gens qui viennent à la banque se garent et continuent sur place. Mieux vaut avoir une banque qu’un magasin fermé. » Du coup, les conseillers peuvent couvrir deux voire trois agences, ouvertes seulement certains jours, sur rendez-vous. Les conseillers inoccupés peuvent aussi traiter des activités de back-office, de centres d’appel. Ainsi, « les agences rurales ne sont pas nécessairement les moins rentables. Elles peuvent fonctionner sur des formats allégés et drainent des clients sur des kilomètres à la ronde », souligne Axel Reinaud, associé au cabinet de conseil Boston Consulting Group. Onze agences sur 500 mètres Certains formats sont moins concluants. En Alsace, des Banques populaires viennent de rouvrir l’accueil en après-midi, qu’elles avaient supprimé en 2014. « Imaginez une grille fermée et derrière, vous voyez des conseillers qui travaillent. Forcément, vous sonnez, et ils viennent », explique Jean-Marc Weckner, délégué national économie & entreprise | 3 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Méga-fusions : les Etats-Unis durcissent le ton Les rapprochements de Staples avec Office Depot et d’Electrolux avec General Electric ont été rejetés C’ est un avertissement pour tous les groupes, de plus en plus nombreux, qui veulent acheter un de leurs grands rivaux pour dominer leur marché. Deux énormes fusions ont été remises en cause, lundi 7 décembre, en raison de l’opposition des autorités américaines chargées de veiller au respect de la concurrence. Quinze mois après avoir signé la vente de ses activités dans l’électroménager à Electrolux, General Electric (GE) a renoncé à cette transaction de 3,3 milliards de dollars (3 milliards d’euros). Le même sort se profile pour la fusion entre les deux poids lourds de la distribution d’articles de bureau – Staples et Office Depot –, annoncée il y a neuf mois. L’autorité américaine de la concurrence, la Federal Trade Commission (FTC), rejette l’opération. Pour elle, ce projet de plus de 6,3 milliards de dollars « viole les lois antitrust des Etats-Unis en réduisant de façon importante la concurrence sur le marché national des articles de bureau vendus aux entreprises ». En conséquence, le régulateur a saisi la justice. Pendant les années Bush, les autorités chargées de surveiller la compétition entre les entreprises ne s’étaient pas montrées particulièrement sévères. Mais devant l’accélération du bal des fusions et acquisitions, l’administration Obama a décidé de durcir le ton. « Nous avons répondu à l’accroissement [de ces opérations] par des efforts vigoureux pour protéger la concurrence dans de nombreux domaines », expliquait ainsi, au printemps, le ministère de la justice. La FTC, de son côté, est devenue particulièrement vigilante à l’égard des concentrations dans la « Nous engageons un effort vigoureux pour protéger la concurrence » MINISTÈRE AMÉRICAIN DE LA JUSTICE santé, « compte tenu des coûts élevés de ce secteur, un sujet de préoccupation important pour la plupart des Américains ». Aux Etats-Unis, globalement, les autorités prennent désormais davantage de temps pour passer les dossiers au crible. Certes, dans 96 % des cas, les transactions qui leur sont soumises ne posent pas de problème. Mais elles émettent des réserves dans une vingtaine d’affaires par an. Et elles n’hésitent pas à bloquer des projets spectaculaires. Position ultra-dominante En avril, le câblo-opérateur Comcast a dû ainsi faire une croix sur l’achat de Time Warner Cable, un accord à 45 milliards de dollars, tandis que les fabricants d’équipements pour semi-conducteurs Applied Materials et Tokyo Electron devaient, eux aussi, renoncer à fusionner. Le mois suivant, les groupes de distribution alimentaire US Foods et Sysco ont été contraints d’annuler leur alliance. Enfin, le 4 décembre, le ministère de la justice s’est également opposé à la fusion de Bumble Bee Seafoods avec la société thaïlandaise Thai Union Frozen, qui devait donner naissance au premier groupe mondial de conserves de thon et autres produits de la mer. Alstom-GE : le détail des postes promis General Electric (GE) a annoncé, lundi 7 décembre, la répartition des 1 000 emplois nets, entre Paris et Belfort, que le groupe américain a promis dans le cadre du rachat des activités énergie d’Alstom pour 12 milliards d’euros. Dans la capitale, il va créer un centre d’innovation dans les logiciels employant, dans un premier temps, 250 personnes. Un « centre d’excellence de services partagés », chargé de gérer les services communs des entités françaises de GE, emploiera 200 personnes à Belfort et à Paris. Quelque 310 postes « hautement qualifiés », principalement à Belfort, accompagneront l’extension de ses activités de fabrication en France et de composants. Enfin, 240 emplois seront créés par le biais des « programmes de leadership » de GE pour former ses futurs dirigeants. « L’accord avec l’Etat prévoit qu’il y aura approximativement 15 000 salariés d’ici à trois ans », a indiqué Mark Hutchinson, PDG de GE Europe. GE, présent sur le marché de l’électroménager depuis plus d’un siècle, cherche un acquéreur pour ses usines. JIM YOUNG/REUTERS Le cas d’Electrolux et de GE est éloquent. Le conglomérat américain semble avoir bien encaissé l’échec – l’action de l’entreprise abandonnait moins de 1 %, lundi, à Wall Street. En plein recentrage, le géant entend trouver sans trop tarder un autre acquéreur pour ses usines de réfrigérateurs, de cuisinières, de lave-linge, ou encore de climatiseurs. C’est un secteur sur lequel il est actif depuis plus d’un siècle, et où il emploie encore 12 000 personnes, mais qui ne pèse toutefois que 4 % de son chiffre d’affaires. L’abandon du projet a, en revanche, fait plonger le titre Electrolux de 13 % en Bourse. Aux yeux des investisseurs, c’est un échec majeur pour le groupe suédois, numéro un européen. En dévoilant l’accord en septembre 2014, son patron, Keith McLoughlin, n’avait-il pas parlé d’un « moment historique », d’une « occasion sans pareil » ? Qui plus est, GE réclame désormais à Electrolux une indemnité de résiliation de 175 millions de dollars… Ces derniers mois, les deux entreprises ont tout fait pour arracher le feu vert des autorités américaines. Mais celles-ci redoutaient la constitution d’un duopole. Aux Etats-Unis, Electrolux talonne actuellement Whirlpool, le leader du secteur, tandis que GE se situe au troisième rang. La vente envisagée aurait placé Whirlpool et le nouvel ensemble dans une position ultra-dominante. Pour les fours et les plaques de cuisson, ils auraient par exemple contrôlé à eux deux près de 90 % du marché professionnel. Dans ces conditions, le risque paraissait élevé que le duo profite de sa nouvelle puissance pour imposer des hausses de prix. En juillet, le ministère américain de la justice a demandé à la justice fédérale de bloquer l’opération. Electrolux a contre-attaqué en assurant que le rapprochement allait lui donner davantage de mordant grâce aux économies d’échelle prévues, donc stimuler la concurrence. « L’industrie de l’électroménager est plus compétitive L’abandon du projet d’achat de l’électroménager de GE a fait plonger le titre Electrolux de 13 % en Bourse que jamais », a plaidé M. McLoughlin. Selon lui, la pression sur les prix y est vive, avec l’essor de marques sud-coréennes comme Samsung et LG Electronics ou celui du chinois Haier. Internet permet par ailleurs à chacun d’accéder à des offres très variées. L’industriel suédois a également proposé de céder une série d’actifs à un troisième larron qui aurait pu animer la concurrence. Ces arguments n’ont pas suffi. Les propositions d’Electrolux ont été jugées très éloignées de ce qui était nécessaire. « Nous sommes sur Terre et ils sont sur Mars ! », ré- sumait, en novembre, Ethan Glass, un des juristes représentant l’Etat américain. De son côté, la société suédoise a été estomaquée par les demandes de l’administration : pour obtenir son sésame, elle aurait dû commencer par vendre toutes ses activités américaines… Le procès a démarré début novembre. Ces derniers jours, Electrolux gardait encore espoir, et n’excluait pas un accord amiable. Mais lundi, GE a stoppé les frais. Le groupe a officialisé l’abandon de la vente, au grand dam de son partenaire… et à la grande satisfaction du ministère de la justice. « Devant la cour, seuls comptent les faits, pas les effets de rhétorique, a commenté, cinglant, un de ses représentants. Cet accord était mauvais pour les millions de consommateurs qui achètent chaque année des appareils de cuisson. Electrolux et GE ne pouvaient pas contourner cette réalité au procès. » Message transmis à tous ceux tentés de miser sur l’indulgence du jury… p denis cosnard La reprise des hostilités dans le café met la pression sur Nestlé Le holding d’investissement JAB, propriétaire de Maison du café, déboursera 13,9 milliards de dollars pour l’américain Keurig Green Mountain A peine le secteur de la bière a-t-il fini de mousser que celui du café se met à fumer. Le marché de l’agroalimentaire est, à nouveau, bousculé par les grandes manœuvres d’investisseurs aux appétits féroces. Cette fois, c’est la famille d’origine allemande Reimann qui joue des coudes pour s’imposer dans le commerce mondial du petit noir. Sa holding d’investissement, JAB, a annoncé, lundi 7 décembre, l’acquisition du spécialiste américain du café en dosettes, la société Keurig Green Mountain. Pour s’en emparer, il est prêt à débourser 13,9 milliards de dollars (12,8 milliards d’euros) en cash. Le prix fixé à 92 dollars par action offre aux actionnaires une prime de 78 % par rapport à la dernière cotation de Keurig, vendredi 4 décembre. Un ratio rarement atteint. Mais la proposition, mirifique de prime abord, doit être relativi- sée. La société a vu son action chuter cette année après avoir publié des résultats mitigés. Les prix de ses machines à café et de ses dosettes, connues sous le nom de KCup, sont sous la pression de la concurrence. En outre, la sortie de sa machine de fabrication de sodas à domicile a été moins réussie qu’anticipé. Il s’agit d’une extension de son système, fondé sur le couplage d’une machine et de ses propres dosettes – comparable à celui de Nespresso –, au marché des boissons gazeuses. Boulimie C’est d’ailleurs cette initiative qui a intéressé Coca-Cola. La firme d’Atlanta, entrée au capital de Keurig Green Mountain en février 2014, en détient désormais 17,4 %. Une prise de participation qui répondait au désir de la multinationale de se diversifier et de concurrencer Sodastream. La société israélienne propose au con- JAB, numéro deux mondial du marché, a en ligne de mire un autre acteur de poids, Starbucks sommateur de gazéifier l’eau du robinet et de l’aromatiser avec une capsule au goût cola, orange ou limonade. La machine Keurig Kold, commercialisée 300 dollars, capable de faire des verres de Coca-Cola ou de Fanta, est finalement sortie en septembre. En tant que premier actionnaire, Coca-Cola a apporté son soutien à l’offre d’acquisition par JAB. La holding d’investissement a précisé qu’elle souhaitait retirer la société Keurig de la cote mais lui laisser une relative autonomie. Elle devrait ainsi laisser aux commandes Brian Kelley, un ancien dirigeant de Coca-Cola. Cette opération prouve l’intérêt porté par la richissime famille Reimann, fondatrice du groupe Benckiser, devenu Reckitt Benckiser, au monde du café. Propriétaire du groupe de cosmétiques et de parfums Coty, mais aussi des chausseurs Bally ou Jimmy Choo, elle a lancé son offensive sur le marché de l’agroalimentaire il y a trois ans. Avec son bras armé, la société d’investissement Joh. A. Benckiser (JAB), créée par les héritiers Reimann et installée au Luxembourg. A sa tête, un trio formé par l’allemand Peter Harf, le néerlandais Bart Brecht et le français Olivier Goudet. La holding s’est d’abord emparée en 2012 des chaînes de café américaines Peet’s Coffee & Tea et Caribou Coffee pour un total de 1,5 milliard de dollars. Puis, en mars 2013, elle a racheté le producteur néerlandais de café DE Master Blenders 1753 et ses marques Maison du café, L’Or ou Senseo. Une transaction évaluée à 7,5 milliards de dollars. Un an plus tard, en mai 2014, elle a fusionné DE Master Blenders 1753 avec l’activité café de l’américain Mondelez International, connu pour ses marques Tassimo ou Jacobs. A la clé, la naissance d’un géant, Jacobs Douwe Egberts (JDE), pesant 5 milliards d’euros, détenu à 56 % par JAB et des partenaires, le solde étant entre les mains de Mondelez. La combinaison des numéros deux et trois mondiaux a permis de former un groupe revendiquant le premier rang en termes de volume. Mais l’ensemble reste devancé en valeur par le suisse Nestlé. Avec l’acquisition de Keuring, JAB renforce ses positions en Amérique du Nord, met la main sur des technologies de machines, et réduit encore la distance qui le sépare du numéro un mondial, le suisse Nestlé. JAB a aussi en ligne de mire un autre acteur de poids sur le marché du café, l’américain Starbucks. Il a d’ailleurs acheté en juin une nouvelle chaîne de café, Espresso House, présente en Europe du Nord. Cette boulimie pour bâtir très vite un acteur de poids de l’agroalimentaire n’est pas sans évoquer la stratégie du brésilien Jorge Paulo Lemann, premier actionnaire du numéro un mondial de la bière AB InBev avec ses deux associés. Il vient de mettre 112 milliards d’euros sur la table pour s’emparer du numéro deux SABMiller. La comparaison n’est pas fortuite. M. Goudet, patron de JAB, est devenu président d’AB InBev en avril. Les grands appétits de l’agroalimentaire mangent à la même table. p laurence girard 4 | économie & entreprise 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Ex-poids lourd de la Bourse, EDF est exclu du CAC 40 Le faible niveau de capital flottant mais aussi la chute du cours de Bourse expliquent la décision d’Euronext suite de la première page Pour autant, ajoute la direction d’EDF, « le groupe, présent dans le quotidien de 25 millions de Français, est un atout majeur pour l’économie du pays et un énergéticien de référence en Europe ». EDF est un poids lourd de l’économie, avec ses 160 000 salariés et ses 72,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Il représente aussi un tiers du portefeuille que l’Etat détient dans les entreprises cotées. De toutes les grandes utilities européennes, EDF est également celle qui émet le moins de dioxyde de carbone (CO2), en raison de l’importance de son parc nucléaire (73 réacteurs en France et au Royaume uni). Un argument que le groupe martèle depuis plusieurs jours alors que Le Bourget (SeineSaint-Denis) accueille jusqu’au 11 décembre la 21e conférence mondiale sur le climat (COP21). Les experts d’Euronext n’ont pas tenu compte de ces dimensions, ni de ce contexte. Leurs décisions sont de plus en plus techniques. L’Etat étant actionnaire à 84,5 % d’EDF, ont-ils fait valoir, la part des titres négociables au jour le jour n’est que de 15 %, ce qui représente moins de 4 milliards d’euros de capitalisation. Le volume des transactions est faible, sans commune mesure avec les poids lourds de l’indice comme Sanofi, Total, ou L’Oréal. De plus, le cours de bourse d’EDF n’est plus ce qu’il était. Les investisseurs et les analystes financiers estiment que l’énergéticien pâtit d’une décote politique Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, lors de la présentation des résultats de 2014, le 12 février 2015, à Paris. PHILIPPE WOJAZER/REUTERS Après que l’électricien soit devenu en 2007 la première capitalisation française (157 milliards d’euros) et la deuxième en Europe derrière Shell, le titre n’a cessé de – 42% C’est la baisse de la valeur de l’action EDF depuis le 1er janvier à la Bourse de Paris. Après avoir atteint un sommet à 87 euros en 2007, qui avait fait d’EDF la première capitalisation française durant quelques mois (157 milliards d’euros), le titre a connu un parcours en dents de scie. Introduit à 32 euros en novembre 2005, un an après la transformation d’EDF en société anonyme, le titre vaut aujourd’hui 13 euros. dégringoler, malgré quelques rémissions. Introduite à 32 euros en novembre 2005, l’action ne vaut plus que 13 euros. Mardi, à l’ouverture de la Bourse, il reculait de 2 %. Avec un résultat net de 3,7 milliards d’euros et un excédent brut d’exploitation (ebitda) de 17,3 milliards en 2014, EDF n’est pourtant pas en difficulté. Mais les marchés ont de nombreux sujets d’inquiétudes sur l’avenir d’un groupe très endetté (37,5 milliards d’euros fin juin). Dans les quinze ans à venir, il va devoir investir massivement dans son parc de centrales nucléaires en France (50 milliards d’euros sur dix ans), les réacteurs de troisième génération au Royaume uni A Bruxelles, un accord à minima pour la taxe sur les transactions financières Si les onze pays concernés ont trouvé un accord politique, rien n’est décidé sur les modalités pratiques de ce projet d’impôt suite de la première page Ces exemptions concernent notamment les « teneurs de marché » – souvent des grandes banques, qui assurent la liquidité sur une place boursière. La Commission européenne a, elle, été mandatée pour plancher sur la rédaction d’une nouvelle proposition de directive. Si l’annonce de mardi devrait permettre à Paris et à Bruxelles de ne pas perdre la face, rien n’est encore arrêté dans les détails. Les ministres ne sont même pas entrés dans le vif du sujet : quel taux appliquer à l’assiette ? A quoi les sommes récoltées seront-elles affectées ? « On en a au moins pour toute l’année 2016 », prédit, blasé, un diplomate européen. De fait, cette discussion sur la TTF lasse. L’idée de départ n’est pas nouvelle. Elle remonte aux propositions de taxe Tobin, du Prix Nobel d’économie James Tobin, faites dans les années 1970. La Commission européenne a mis sur la table une première mouture de directive en septembre 2011. A l’époque, l’Europe se débattait encore dans la crise financière, et l’idée était de taxer les établissements en partie à l’origine de cette tourmente mais qui, aux yeux de Bruxelles, n’avaient pas assez « payé ». Le projet avait de quoi séduire, notamment les ONG. Mais obtenir un accord à 27 Etats membres (28 désormais) s’est vite révélé impossible, d’autant qu’en matière de fiscalité l’unanimité est requise à Bruxelles. En 2012, pour sauver son projet, la Commission propose donc une « coopération renforcée » à 11 Etats membres, un mode de décision communautaire inédit. Mais, depuis, les réunions se succèdent… « Ordres de grandeur irréalistes » Certains (la Belgique, l’Italie, la France et la Grèce) disposent déjà d’un impôt sur les transactions et redoutent que cette taxe leur rapporte moins. Les Belges ont aussi à cœur que leurs fonds de pension ne soient pas affectés. Les Estoniens, eux, réclament que soient taxées non seulement les transactions sur les actions de sociétés se trouvant dans un des 11 pays négociateurs, mais aussi celles d’autres Etats membres, si elles sont acquises par un opérateur de marché estonien. La Commission communiquait sur des recettes potentielles mirifiques au début de la négociation (entre 30 et 35 milliards d’euros par an, avec une taxe de 0,1 % sur les actions et les obligations, et de 0,01 % sur les dérivés). « Tout le monde estime que ces ordres de grandeur sont irréalistes », relève un diplomate. Pour Bruxelles, la TTF est un test très important. « Si nous n’arrivons pas à nous entendre à 11, comment le ferons-nous à 28 ? », a relevé éloquemment Pierre Moscovici, lundi. Le commissaire européen à l’économie déroule depuis des mois un ambitieux agenda « fiscalité », qui fait suite au scandale Luxleaks, en novembre 2014, ayant révélé l’existence d’un vaste système d’évasion fiscale du Luxembourg au profit de centaines de multinationales. Ce scandale a terni l’image du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, président du Grand-Duché pendant dix-huit ans. Conscient des difficultés pour trouver un consensus européen sur des sujets de fiscalité, que les pays considèrent encore comme une de leurs principales prérogatives économiques, M. Moscovici compte sur le succès de la « coopération renforcée » sur la TTF pour, d’ici quelques mois, engager, dans le même type de format, une discussion sur l’épineuse question de la standardisation de l’assiette commune consolidée pour la fiscalité des entreprises. p cécile ducourtieux (16 milliards d’euros pour deux EPR), les réseaux de transport ou de distribution d’électricité et les énergies renouvelables, dont M. Lévy veut doubler les capacités en Europe à l’horizon 2030. Sans oublier le rachat en 2016 d’Areva NP, la filiale du groupe nucléaire qui fabrique les réacteurs, un marché de plus en plus difficile. Concurrence exacerbée Par ailleurs, la concurrence s’exacerbe dans un marché où les prix de gros de l’électricité sont tombés à des niveaux très bas. Le groupe vend son électricité 38 euros le mégawattheure, ce qui est « très en dessous de son prix de revient de AÉR IEN Air France chiffre à 50 millions d’euros l’impact des attentats Les attentats de Paris auront un impact de 50 millions d’euros sur le chiffre d’affaires de novembre d’Air FranceKLM, a annoncé, mardi 8 décembre, la compagnie aérienne, précisant que cette baisse ne remettait pas en cause les prévisions pour 2015. – (Reuters.) EN ER GIE Le pétrole à un plus bas depuis sept ans Le cours du baril de référence (WTI) pour livraison en janvier a perdu, lundi 7 décembre, 2,32 dollars à 37,65 dollars sur le New York Mercantile Exchange, soit le plus bas niveau de clôture d’un contrat de référence depuis février 2009. – (AFP.) F IN AN C E Lourde amende contre Euronext et Virtu La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a infligé, mardi 8 décembre, une amende de 5 millions d’euros chacun à l’opérateur boursier Euronext et au spécialiste du trading à haute fréquence Virtu. Cette décision « est particulièrement contestable, totalement disproportionnée et complètement anachronique », s’est insurgé Stéphane Boujnah, président du directoire d’Euronext, qui a prévu de faire appel. – (AFP.) 55 euros » (fonctionnement et maintenance), indiquait récemment au Monde le directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal. En face, l’Etat actionnaire est incapable d’assurer au groupe une visibilité financière sur les tarifs de vente de courant aux particuliers. Fin 2012, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, s’était engagé sur des hausses de 5 % en 2013, 2014 et 2015. Nommée ministre de l’énergie quelques mois plus tard, Ségolène Royal était revenue sur cet engagement, en octroyant des augmentations plus modestes, au nom de la défense du pouvoir d’achat. Les investisseurs et les analystes financiers estiment que l’ancien opérateur historique pâtit d’une « décote politique ». L’Etat peut arbitrer en faveur des clients, au détriment de l’entreprise, notamment quand il s’agit d’augmenter les tarifs. « Nous avons besoin d’actionnaires qui ne pensent qu’en actionnaires », juge M. Piquemal. En 2013, rappelle-t-il, « l’annonce d’un accord avec l’Etat, qui a reconnu qu’il devait à EDF 5,1 milliards au titre de la CSPE [contribution au service public de l’électricité], a lancé un mouvement de forte appréciation de l’action, qui a pris 83 % dans l’année ». Chez EDF, on rappelle aussi que la catastrophe de Fukushima, en mars 2011, a envoyé « un signal très négatif sur l’avenir du nucléaire ». Mais ses dirigeants reconnaissent une part de responsabilité de l’entreprise dans la situation actuelle, à cause « des difficultés à livrer les grands projets, notamment Flamanville 3 ». L’EPR normand coûtera au moins 10,5 milliards d’euros, trois fois le devis initial. Malgré ces hypothèques, M. Piquemal juge qu’« EDF a des atouts », notamment le plan stratégique « Cap 2030 » lancé par M. Lévy, qui doivent « lui permettre d’être mieux valorisé que ses grands concurrents européens ». Des concurrents qui, eux aussi, souffrent en Bourse. Si l’italien Enel s’en tire plutôt bien, les allemands E.ON et RWE ont perdu respectivement trois et cinq fois leur valeur au cours des cinq dernières années. p jean-michel bezat Biotechs : collecte record pour Sofinnova La société de capital-risque a levé un fonds de 300 millions d’euros C’ est un record dans le domaine des biotechs. Sofinnova, une société de capital-risque parisienne, a annoncé, mardi 8 décembre, avoir levé 300 millions d’euros pour financer des start-up des sciences de la vie. « Nous visions 250 millions d’euros, mais la demande était telle que nous avons relevé le plafond », se félicite Antoine Papiernik, l’un des associés. Ce fonds, auquel participera Bpifrance ainsi que des Européens et deux Américains, investira dans des programmes encore embryonnaires – les « seed » dans le jargon – et des projets plus avancés. Une des marques de fabrique de Sofinnova est d’investir des montants élevés – 20 à 25 millions d’euros – dès le premier tour de table. Pour dénicher des pépites, les investisseurs de Sofinnova étudient la qualité scientifique du projet, mais aussi de la personne qui le porte. « Nous parions sur un couple. Pour que cela fonctionne, il faut que nos intérêts et ceux de l’entrepreneur soient bien alignés », insiste Rafaèle Tordjman, partenaire associée de Sofinnova. « La probabilité de succès du médicament – moins de 10 % – est un des problèmes de notre business : on ne peut pas parier dessus. Autant aller au casino ! », plaisante Antoine Papiernik. Mais, parfois, le succès est au rendez-vous. Sofinnova et d’autres fonds étaient ainsi en train de préparer l’introduction en Bourse de GlycoVaxyn quand le laboratoire GSK s’est décidé à mettre la main dessus. Elle a ainsi été cédée au début de l’année au géant britannique pour 212 millions de dollars (195 millions d’euros). « Notre but est que chaque investissement rapporte au moins 100 millions d’euros pour le fonds », précise Rafaèle Tordjman. Asceneuron est la première biotech à bénéficier des fonds levés cette année par Sofinnova. Spécialisée dans les maladies neurodégénératives, cette société a levé 30 millions de francs suisses (27,65 millions d’euros) en septembre. Le tour de table a aussi attiré deux laboratoires, GSK et l’américain Johnson & Johnson. « Les groupes pharmaceutiques dont la R&D patine cherchent à se positionner de plus en plus tôt sur les nouvelles technologies, commente Rafaèle Tordjman. Mais nous veillons à ce qu’ils n’aient pas un droit d’accès préférentiel, pour garder toutes les portes ouvertes. » p chloé hecketsweiler volkswagen.fr/info Changer pour garder l’essentiel. Récemment, votre confiance a été mise à l’épreuve et nous vous devons des excuses. Ce qui s’est passé n’est, en aucun cas, conforme aux valeurs de notre Groupe et à l’engagement des 15 000 collaborateurs des Réseaux Volkswagen en France. Mais s’excuser ne suffit pas. Nous sommes décidés à changer. Changer pour garder l’essentiel. Volkswagen Group France - s.a. - R.C.S. Soissons B 602 025 538 L’essentiel, pour nous, c’est d’abord votre confiance. Et nous ne la regagnerons qu’en faisant toute la vérité. L’essentiel, pour vous, c’est votre voiture. Et votre voiture n’y est pour rien. Elle demeure totalement sûre. D’ores et déjà, Volkswagen France a pris contact avec les clients concernés. Les mesures de service après-vente commenceront début 2016 avec la mobilisation de l’ensemble de nos Réseaux. Pour que Volkswagen reste Volkswagen, nous devons maintenant redoubler d’efforts afin d’offrir le meilleur de l’innovation automobile : des véhicules fiables, performants et respectueux de l’environnement. C’est ainsi, à vos côtés, que nous regagnerons votre confiance. 6 | dossier 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Les « jobboards », ici le site Web de recrutement Keljob, utilisent la publicité pour se faire connaître. XAVIER POPY/REA Le marché du recrutement résiste à la vague numérique juliette garnier et anne rodier L a vague numérique déferle sur le marché du recrutement : elle porte les noms de Monkey Tie, Indeed, Regionsjob, Keljob, Jobijoba, LinkedIn, etc. Comme aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, de nombreuses plates-formes de mise en relation et de référencement des annonces d’emploi ont été créées ces dernières années en France. Celles-ci revendiquent une amélioration de l’adéquation de l’offre et de la demande, grâce à des algorithmes et à l’exploitation des bases de données. Elles ouvrent aux employeurs l’accès gratuit à un important vivier de candidats, et inversement, sans intermédiaire. Cette « ubérisation » du recrutement apporte un réel souffle d’air au secteur, dans la mesure où l’opacité des annonces augmente avec la raréfaction des offres. En septembre, Pôle emploi avait en catalogue 235 300 propositions d’emploi. A titre de comparaison, les offres agrégées par les acteurs privés, devenus depuis partenaires de Pôle emploi, atteignaient 1,2 million fin 2014. Le marché de l’emploi est aujourd’hui « un tas de foin où, pourtant, il existe de nombreuses opportunités, mais que personne ne parvient à identifier », estime Didier Jeanperrin, directeur du pôle Carrières des alumni de Sciences Po, association des anciens de l’IEP de Paris. Les annonces étant la première source d’information pour les demandeurs d’emploi, c’est logiquement par elles qu’a débuté la numérisation du recrutement. Le développement de la diffusion des annonces sur Internet a commencé dès la fin des années 1990. Les sites d’emploi, dits “jobboards”, se sont multipliés, aux dépens des annonces publiées par la presse. Au départ, la plupart de ces nouveaux sites Ils s’appellent LinkedIn, Keljob, Jobijoba… Depuis quelques années, les sites d’annonces d’emploi se multiplient, bousculant les acteurs traditionnels du secteur. Mais ceux-ci se numérisent également à toute vitesse et résistent à cette « ubérisation » forcée « IL EXISTE DE NOMBREUSES OPPORTUNITÉS, MAIS QUE PERSONNE NE PARVIENT À IDENTIFIER » DIDIER JEANPERRRIN directeur du pôle carrières des anciens de Sciences Po ne se sont pas occupés de recrutement proprement dit et n’ont fait que de l’optimisation des annonces existantes, en agrégeant sur leur site les propositions de leur propre base de données et des sites d’emploi (APEC, Cadremploi, Monster) ou en regroupant les offres présentes sur tout Internet (Jobthis. fr). Le travail de sélection et d’évaluation des candidats était réservé aux professionnels du recrutement. « Le numérique n’a porté préjudice qu’à ceux qui ne faisaient que de la mise en contact », témoigne Antoine Morgaut, directeur général Europe du cabinet de recrutement Robert Walters. ACCÉDER AUX DONNÉES PUBLIQUES Depuis juillet, Pôle emploi partage les profils des chômeurs avec certains professionnels du recrutement, mais pas leur CV. Du moins pas encore… Lundi 9 novembre, le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a annoncé vouloir ouvrir « de manière proportionnée » l’accès aux données publiques « dites d’intérêt général », afin de « créer des opportunités », « améliorer la mise en relation » et « réduire les coûts de coordination ». « Pôle emploi a commencé cette mue culturelle et organisationnelle, a ajouté le ministre. On doit l’accompagner et aller plus loin encore. » L’opérateur public, dont les sites privés réclamaient, de longue date, l’accès aux données, pour améliorer l’adéquation entre offre et demande d’emploi, s’apprête ainsi à abandonner les codes ROME. Ce répertoire opérationnel des métiers et des emplois, établi en 1988, était devenu inadéquat. « Un métier peut être à cheval sur deux codes ROME », justifie Nathalie Jouquan, directrice de l’agence Pole emploi de Paris 18e Ney. C’est un algorithme, basé sur les compétences requises pour un poste et celles des demandeurs d’emploi, qui remplacera ROME d’ici à 2020. « Ce sera une très bonne chose », prédit Mme Jouquan. La mesure pourrait notamment bénéficier aux chômeurs de longue durée et à tous ceux qui doivent envisager une conversion professionnelle. Pour les candidats comme pour les employeurs, l’enjeu consiste toujours et encore à améliorer le profilage en fonction de leurs intérêts, parfois opposés. Les entreprises, qui craignent des erreurs d’embauche, recherchent les candidats « formatés » pour le poste qu’ils ont à pourvoir. Les chômeurs, au contraire, aimeraient sortir de ce système qui impose des candidats qu’ils estiment clonés. Toutes les étapes du recrutement sont « ubérisées » : la recherche de candidat (le « sourcing »), la mise en adéquation de l’offre et de la demande (le « matching »), la cooptation, l’évaluation des candidats, etc. Pour remplacer la phase de présélection des candidats, Easyrecrue ou Visiotalent permettent de faire les premiers tests d’évaluation sur Internet, en faisant passer des entre- tiens asynchrones : des questionnaires sont mis en ligne, le candidat est filmé pendant qu’il répond aux questions, puis le responsable des ressources humaines envoie la vidéo au manageur en quête d’un candidat. « Les recruteurs économisent ainsi près de 10 heures de travail par recrutement. Nos clients sont des sociétés qui ont d’importants volumes de recrutement », explique Mickaël Cabrol, le fondateur et président d’Easyrecrue. « L’entretien asynchrone est une autre façon de s’échanger des CV et de découvrir les aptitudes comportementales », estime Laurent Brouat, directeur de Link Humans, spécialiste du recrutement numérisé. En revanche, « le “sourcing” numérique ne réduit pas le nombre d’entretiens ultérieurs pour évaluer le candidat », reconnaît Edouard Rosenblum, cofondateur de la plate-forme Breaz. Afin d’affiner la mise en relation, des algorithmes ont aussi été développés, qui analysent les profils référencés des candidats et ceux des entreprises. Wats4U (ex-Manageurs. com), le portail d’offres d’emploi des diplômés de grandes écoles (Polytechnique, Centrale Paris, Ensae et autres HEC), s’appuie ainsi sur un logiciel de « matching » en fonction des « compétences recherchées et non des correspondances de secteur ou de fonctions passées », explique son directeur général, Franck Jeuffroy. « Le tri par algorithme permet aux chargés des ressources humaines d’avoir accès aux candidats qui correspondent le mieux à leurs souhaits », assure-t-il. Un travail jusque-là réservé aux chasseurs de têtes et aux cabinets de recrutement. L’échec d’un recrutement sur deux n’étant pas lié aux compétences, les innovations technologiques ont investi ensuite le recrutement par cooptation, et développé le « matching affinitaire ». « En amont du CV en ligne, on enregistre la motivation et le profil du candidat, bien au-delà des compétences », explique Jérémy Lamri, fondateur de Monkey Tie. Les opérateurs traditionnels du recrutement semblent progressivement évincés. dossier | 7 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Comment on cherche et comment on trouve un emploi en France FRÉQUENCE DES DÉMARCHES DE RECHERCHE D’EMPLOI, PAR TYPE, EN % 90 LES ANNONCES Elles sont très majoritairement numériques et incontournables pour le recrutement des cadres MÉDIAS UTILISÉS DANS LA DIFFUSION D’UNE OFFRE D’EMPLOI CADRES, EN % (PLUSIEURS RÉPONSES POSSIBLES) COMMENT PARVIENNENT LES CANDIDATURES DE CADRES FINALEMENT EMBAUCHÉS, TOP 6, EN % Annonces d’offre d’emploi 80 SITES D’EMPLOI EXTERNES Démarche directe 70 Relations Offre d’emploi SITE DE L’ENTREPRISE 53 77% 58 % Réseau de relation du recruteur 18 60 Cooptation DONT (TOP 3) 50 7 Site d’emploi cadres Intermédiaire public Candidatures spontanées 49 40 6 Site d’emploi non-cadres 30 Chasse 22 5 Site de niche, sectoriel Agence d’intérim 20 Hausse ou baisse en 2014 par rapport à 2013 15 PRESSE CVthèque 11 % 4 10 0 1er trim. 2003 LES INTERMÉDIAIRES DE RECRUTEMENT 4e trim. 2012 Des sociétés atomisées, fragiles et sensibles à la conjoncture MODE D’ENTRÉE EN ENTREPRISE, EN % 50 PART DES ENTREPRISES AYANT FAIT APPEL À UN INTERMÉDIAIRE DE RECRUTEMENT POUR LEURS CADRES, EN % (PLUSIEURS RÉPONSES POSSIBLES) Démarche directe 40 199,4 20 à 49 5,7 % 27 6 à 19 12,6 % + 10,8 Relations Chasseur de têtes 20 169,6 7 + 1,2 – 0,3 – 5,9 Agence d’intérim Offre d’emploi 0 4 « Je suis désormais contactée par des employeurs qui ont déjà identifié les profils sur Linkedin et les ont directement contactés », raconte Anne Raphaël, directrice associée du cabinet de recrutement Boyden. – 17,4 6 2014 « LES CANDIDATS SONT NOS CLIENTS » Les intermédiaires sont aussi écartés de la recherche de profils très ciblés. Le recrutement des développeurs informatiques, par exemple, ne se fait quasiment plus que par Internet. C’est le cas de Breaz, spécialisée dans les métiers informatiques dits « en tension » : développeur, data-scientist, designer et chef de produit Web. Breaz s’attaque au marché des emplois cachés en incitant les candidats qui sont en emploi à postuler. « On identifie le profil, on leur envoie un test technique, puis on les appelle pour savoir s’ils sont en recherche, décrit M. Rosenblum, le président de Breaz. On inverse le marché. Les candidats sont nos clients, les employeurs payent au recrutement et accèdent gratuitement à notre place de marché, et les cabinets de recrutement sont nos concurrents. » C’est la version numérique du chasseur de têtes. Peut-on pour autant parler de menace pour les opérateurs traditionnels ? « Ces dernières années, les chiffres d’affaires des cabinets de recrutement ont chuté, reconnaît Wilhelm Laligant, président de Syntec conseil en recrutement. En 2009, au creux de la vague, ils étaient à moins 30 %. » Le nombre de cabinets de recrutement n’a cessé de baisser depuis 2010. Mais les années noires appartiennent au passé. Après une reprise de 2 % en moyenne en 2014, « le chiffre d’affaires est à nouveau en hausse de 2,9 % sur un an en cumulé depuis janvier », affirme M. Laligant. L’APEC confirme cette progression : la part des entreprises ayant eu recours à un cabinet de recrutement est en légère hausse, d’un point en un an, à 27 %. Avec une variation très forte selon les secteurs : cette part est de 43 % dans l’industrie, de 36 % dans les services et entre 15 % et 20 % dans l’hôtellerie et la santé. Les cabinets de recrutement sont très sensibles à la situation économique. « Les chiffres de l’emploi des cadres montrent que c’est conjoncturel, note M. Laligant. Ce sont les entreprises qui ont réduit leur volume de recrutement. Et c’est la crise, et non pas le numérique, qui a fait reculer l’externalisation. » « Les “jobboards” ont bien créé une industrie nouvelle, aux dépens du marché des annonces d’emploi presse, mais les cabinets n’ont pas perdu 30 % de leur chiffre d’affaires à cause du numérique », renchérit Antoine Morgaut. A bien y regarder, les opérateurs traditionnels n’ont pas été « ubérisés », car ils s’appro- 2008 4e trim. 2012 prient les outils numériques. Aujourd’hui, tous les cabinets de recrutement utilisent LinkedIn : « Pour 6 000 à 8 000 euros, ils prennent une licence recruteur, qui leur donne accès à tous les profils sur le site », affirme Laurent Brouat. « LinkedIn ? On est leur premier client, ils ont donc besoin de nous », résume Antoine Morgaut. « Les professionnels du recrutement se remodélisent. Ils lancent leur propre plateforme pour “matcher” les profils », explique le directeur de Link Humans. C’est le cas de Randstad, qui vient de lancer, en collaboration avec Cap Gemini et Oracle, une plateforme où sont mis en ligne ses 3 millions de CV, référencés par compétences plutôt que par métier et localisés par bassin d’emploi. Cet outil permet aux employeurs de « remonter dans le temps pour voir l’évolution des tensions par métier et département, et aux candidats d’identifier le champ des possibles, à travers les compétences communes entre les métiers », précise Christophe Montagnon, le directeur des systèmes d’information de Randstad. « La plate-forme permet aux entreprises de 0 salarié 53,8 % 143,7 2013 Cabinet de recrutement 2e trim. 2003 1 à 5 26,1 % +3 4 Intermédiaire public 10 RÉPARTITION DES CABINETS DE RECRUTEMENT PAR TAILLE, EN % Salariés + de 50 1,8 % 26 Cabinet de recrutement 30 EMBAUCHE DES CADRES, EN MILLIERS, ET VARIATION DU CHIFFRE D’AFFAIRES DES CABINETS DE RECRUTEMENT, EN % 09 10 11 12 13 2014 SOURCES : CENTRE D’ÉTUDES DE L’EMPLOI, APEC, GREFFES DE TRIBUNAUX DE COMMERCE, XERFI INTERNET OBLIGE LES CABINETS DE RECRUTEMENT À SE SPÉCIALISER ENCORE DAVANTAGE connaître les compétences présentes sur un territoire avant de s’y implanter ou d’anticiper de futurs reclassements », a expliqué François Beharel, le président de Randstad France, lors de la présentation ce cette innovation, le 15 septembre. En s’adressant aux professionnels, cette plate-forme redonne la main aux opérateurs traditionnels du recrutement. « Ce projet touche à la transformation du métier RH, qui devient contributeur à la valeur ajoutée de l’entreprise », estime M. Montagnon. « Ce qui a changé, c’est que, aujourd’hui, toute entreprise qui recrute doit avoir son propre site de recrutement, avec témoignages, vidéos, fiches de poste », explique Wilhelm Laligant. La numérisation du secteur, ce n’est pas la mort des cabinets de recrutement, mais plutôt l’hyperspécialisation. On peut trouver tout le monde sur LinkedIn, mais le réseau ne donne ni la connaissance du marché ni celle du secteur. Les acteurs traditionnels du recrutement reprennent la main sur l’anticipation, les compétences et la mobilité. Autrement dit, le service et la valeur ajoutée produite avec Internet. p A Pôle emploi, les mots-clés restent « préparation » et « accompagnement » ils ne sont que six. Le mardi 13 octobre, dans les box tout neufs de l’agence Pôle emploi du boulevard Ney, dans le 18e arrondissement de Paris, la déception se lit sur les visages. « Sur les 24 candidats qui avaient pris rendez-vous, seuls six se sont présentés », se désole Gilles Peillon, cofondateur de Pégast. Pas mieux pour Véronique Martini, sa voisine de box. Cette directrice des ressources humaines de la chaîne de restauration Va Piano n’a obtenu que cinq entretiens avec des demandeurs d’emploi. Elle en attendait 18 dans la matinée. « Là, quand même, ça fait beaucoup de défections », regrette-t-elle. Ces deux employeurs, qui participaient aux Rendez-vous de l’emploi 2015, ont pourtant des postes à pourvoir rapidement. Pégast, grosse PME française fondée en 1999, ouvre une boutique de « gastronomie nomade » par mois. Chacune emploie trois personnes « en CDI de 35 heures, au smic, à Paris », fait valoir M. Peillon. Cet entrepreneur cherche tout au long de l’année des « collaborateurs, pas des bras » pour cuisiner des sandwichs au potau-feu et des crémeux spéculoos. Va Piano va, elle, ouvrir prochaine- ment trois restaurants, dont un à Paris, rue Marbeuf à un jet de pierres des Champs-Elysées. Il y a urgence. L’inauguration est prévue le 22 décembre. Ce restaurant de 480 places, ouvert sept jours sur sept, doit employer 100 personnes pour assurer 1 500 couverts par jour. Il lui faut des cuisiniers, des pizzaïolos, des gens en salle et des hôtesses de caisse. Mme Martini se démène. Elle ne fera appel aux petites annonces qu’en « dernier recours, au dernier moment ». « Jobdatings » A ses yeux, la publication d’une offre n’est pas efficace, fût-ce dans le journal référence du secteur. Partout, cette ancienne de chez Manpower fait donc appel à Pôle emploi. Ses antennes locales lui organisent des sessions dites MRS (méthodes de recrutement par simulation) ; les candidats se présentent « sans CV » pour passer « des évaluations pendant trois heures ». La méthode « permet d’identifier les savoirfaire applicables à la restauration », explique Nathalie Jouquan, directrice de Pôle emploi 18e Ney. Cette fois, Va Piano a donc fait appel plus classiquement aux entretiens de motivation dans le cadre des « Rendez-vous de l’emploi 2015 ». Depuis trois ans, une fois par an, pendant une semaine, en Ile-de-France, Pôle emploi met en scène ce que ses conseillers d’aide à la recherche d’emploi font tous les jours : « identifier les employeurs, préparer les candidats et monter des rendez-vous entre les deux », détaille Mme Jouquan. L’édition 2015 a mobilisé 1 100 entreprises. La méthode – elle débouche sur 80 % d’embauchés – permettrait de « donner une vision plus dynamique de Pôle emploi » en remédiant au « décalage entre offre et demande » sur le marché en Ile-de-France. Au passage, elle offrirait une chance à ceux qui sont « en transition professionnelle », comprenez les chômeurs en reconversion. Tout le concept tourne autour d’entretiens de candidats préselectionnés et briefés pour le poste par les équipes de Pôle emploi. Les entretiens, des « jobdatings », se font à la chaîne, à la manière de ceux organisés par les sites de rencontre amoureuse dans des cafés. « Courts et efficaces », avance Mme Jouquan. Il n’aura fallu que dix minutes à M. Peillon pour choisir Cindy, 20 ans, vacataire dans l’animation, titulaire d’un CAP en pâtisserie. « Elle a parlé client, c’est important », tranche M. Peillon. Pour la candidate suivante, le verdict tombe en cinq minutes. Ce sera non. « Il y a un truc qui cloche » dans le cursus de cette jeune diplômée de l’Ecole hôtelière Belliard. Elle a « tout fait, sauf de la cuisine », observe M. Peillon. Un autre candidat sera finalement embauché dès le lundi suivant. Le secteur de la restauration et de l’hôtellerie fait partie des bassins d’emploi dit « en tension ». « Il y a beaucoup de postes à pourvoir. Donc il y a beaucoup de concurrence entre employeurs », explique Véronique Martini. Les candidats auraient l’embarras du choix, entre « Starbucks, Burger King et Linas ». Entre 450 000 et 500 000 emplois seraient à pourvoir en France. Il n’empêche. Le quotidien d’une agence Pôle emploi le démontre, « en Ile-de-France, offres et demandes ne correspondent pas toujours », regrette Mme Jouquan. p j. ga. 8/LE MONDE/MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 REPRODUCTION INTERDITE LES OFFRES D’EMPLOI DIRIGEANTS - FINANCES, ADMINISTRATION, JURIDIQUE, R.H. - BANQUE, ASSURANCE - CONSEIL, AUDIT - MARKETING, COMMERCIAL, COMMUNICATION SANTÉ - INDUSTRIES & TECHNOLOGIES - ÉDUCATION - CARRIÈRES INTERNATIONALES - MULTIPOSTES - CARRIÈRES PUBLIQUES > Offres d’emploi Retrouvez toutes nos offres d’emploi sur www.lemonde.fr/emploi – VOUS RECRUTEZ ? M Publicité : 01 57 28 39 29 [email protected] LA CAISSE DE DÉVELOPPEMENT DE LA CORSE 38-#&*#)- "929-(5 ($7182* .!0 ;B> 16/ (www.cadec-corse.fr), société inancière agréée recherche son (sa) futur(e) DIRECTEUR GENERAL (H/F) Mandataire social, sous l’autorité du Président du conseil d’administration, il (elle) aura en charge l’encadrement d’une équipe d’une dizaine de collaborateurs pour exercer les attributions suivantes : la planiication stratégique et le suivi de sa mise en œuvre les procédés de production, l’expertise règlementaire, le contrôle interne et le suivi des risques de la société la recherche de reinancement sur fonds publics et sur fonds privés des engagements de la CADEC l’animation des réseaux de prescripteurs, la détection, le inancement et l’accompagnement de projets d’investissements l’information comptable et inancière. 38-#&*812 "929-(5# $# 5( 41'858*9 #* $#+ *-(2+/1-*+, 6-)%#55#+ @790?I1601I5A? :- >$F(+D$JK &LKLF-"( )( "- !J,$"$DL (D )(E DF-KEHJFDE ;>< 972=/ (ED +%-F&L( ).L"-,JF(F "(E HJ"$D$GC(E )( ".3K$JK (CFJHL(KK( (K !-D$OF( )( DF-KEHJFDE8 4- !$EE$JK +JKE$ED( M garantir une mobilité eicace et durable dans un espace européen unique des transports, ain de servir l‘économie et les citoyens européens, tout en promouvant la protection de l’environnement et la compétitivité. :- @J!!$EE$JK (CFJHL(KK( +%(F+%( CK >$F(+D(CF &LKLF-" -)#J$KD GC$ E(F- +%-F&L HF$K+$H-"(!(KD de la coordination des activités de la direction «Réseau européen de mobilité» (MOVE.B) et de l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (INEA). ,61 3"15671)(;9;0=1 : Conseiller le Directeur général à déinir des stratégies, concepts, procédures et/ou HJ"$D$GC(E * Assister le Directeur général dans l’organisation et la gestion de la DG, en supervisant (D +JKE($""-KD "(E )$F(+D(CFE (D "(E +%('E ).CK$DL H"-+LE EJCE E- F(EHJKE-,$"$DL * Coopérer avec d’autres services de la Commission sur les questions liées aux transports (D F(HFLE(KD(F "( @J!!$EE-$F(0>$F(+D(CF &LKLF-" "JFE )( FLCK$JKE (D !-K$'(ED-D$JKE8 ,61 '685=0"7'"1 : Très bonne compréhension des environnements politiques complexes et de la politique européenne des transports, ainsi que la capacité de développer une vision stratégique claire pour la DG MOVE ; Capacité avérée à gérer et à diriger les ressources humaines et inancières d‘un grand service et )(E HFJ+(EECE )( &(ED$JK )C +%-K&(!(KD * Excellentes capacités d’analyse et de négociation à haut niveau et très bonnes aptitudes à la +J!!CK$+-D$JK8 :- @J!!$EE$JK (CFJHL(KK( HFJ!(CD ".L&-"$DL )(E +%-K+(E8 ND-KD )JKKL "- '-$,"( F(HFLE(KD-D$JK )(E '(!!(E aux postes d‘encadrement, la Commission encourage tout particulièrement les candidatures féminines. Veuillez consulter le Journal Oiciel C402A du 4.12.2015 pour l’annonce détaillée et les +F$DOF(E ).-)!$EE$JK8 Les candidats qui souhaitent postuler doivent s’inscrire en ligne sur le site : https://ec.europa.eu/dgs/human-resources/seniormanagementvacancies/ La date limite d’inscription est ixée au 2&4/24*/2+ < 2*!// !".3"1# !".3" %" $3.-"99"14 Présentant une solide expérience dans le inancement de projets et le management, connaissant parfaitement l’environnement entrepreneurial de la Corse, le (la) candidate devra répondre aux exigences règlementaires de l’Autorité des Contrôles Prudentiels et de Résolution (décret n° 2014-1357 du 13 novembre 2014 relatif au contrôle de l’honorabilité et de la compétence des dirigeants des sociétés de inancement). D55<9 Q ?D8=:=D214< 5614 9< 5632< =< Merci d’adresser votre candidature (CV, lettre de motivation) avant le 31 décembre 2015, par voie postale uniquement à : Monsieur le Président de la CADEC, 6 Avenue de Paris, BP 70063, 20176 AJACCIO CEDEX 01 =$J)+H)GJ ;%/(. *) +JP-H$NO $O*GIHJ$)"") ;<OI+$@9)I -H)"$)JI. DOWW* *T 1)M' *L OW&$* Q.O "* +W,O*L TZCR17FC)1 +K 8 .JO$" CR172 "/ATN,$F=*N .L*"$*ON2 WL.-"$NN*!*TL QK-"$, $T+KNLO$*" *L ,S!!*O,$." Q".,W NSKN ". LKL*""* +*N !$T$NLYO*N ,%.O&WN +* ". ,K"LKO* *L +* "/$T+KNLO$*2 +W"$JO* +*N +$Q"U!*N +* ,OW.L*KO $T+KNLO$*"N *L +* +*N$&T*O L*HL$"* ,ST(WO.TL &O.+* +* !.NL*O: 9- LJ$I) *) LNIH) )IH ING%-$HP) ") 0)J !-JI >M0C7 Le proil détaillé de l’offre est disponible sur le site internet de la bourse interministérielle de l’emploi public : EEE7,$)L7(NO+H$NO@LG,"$KG)7&NGF7(J ?5W(WO*T,* TZ 1CCR1R0: BSLW +* (SOL*N ,.Q.,$LWN !.T.&WO$."*N2 "* +$O*,L*KO Q$"SL*O. KT QOS#*L QW+.&S&$PK* N*"ST KT !S+* +* &SKJ*OF T.T,* ,S"".-SO.L$J*: >" +WJ*"SQQ*O. "/$TTSJ.L$ST *T Q.OL*T.O$.L .J*, "*N !$"$*KH $T+KNLO$*"N *L O*T(SO,*O. "*N ,S"".-SO.L$STN .J*, +/.KLO*N WL.-"$NN*!*TLN +/*TN*$&T*!*TL NKQWO$*KO: NOBATEK, centre de ressources technologique labellisé par l’Etat, développe ses activités de recherche appliquée et prestations de service innovant dans l’aménagement et la construction durables, pour le compte d’entreprises et organismes publics. NOBATEK s’appuie sur les compétences d’une équipe pluridisciplinaire de soixante salariés et sur un partenariat avec des universités et instituts technologiques pour intervenir auprès des maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre et industriels dans leurs démarches d’innovation à travers une forte valeur ajoutée technologique et environnementale. NOBATEK est à la recherche de son nouveau =*N ,.T+$+.LKO*N2 .,,S!Q.&TW*N +/KT* "*LLO* +* !SL$J.L$ST2 +/KT ,KOO$,K"K! J$L.* *L +*N QO$T,$Q.KH .H*N +/KT QOS#*L +/WL.-"$NN*!*TL2 +S$J*TL VLO* .+O*NNW*N2 -F-OH ") ' #-OF$)J >M0C2 Q.O "*LLO* O*,S!!.T+W* .J*, .,,KNW +* OW,*QL$ST -GB *)IH$O-H-$J)I IG$F-OHI A X <$T$NLYO* +* ". ,K"LKO* *L +* ". ,S!!KT$,.L$ST2 <$,%*" 95>A52 B$O*,L*KO &WTWO." +* ". ,OW.L$ST .OL$NL$PK*2 IC2 OK* G*.K-SKO&2 ;8RR7 6.O$N X <$T$NLYO* +* "/W,STS!$*2 +* "/$T+KNLO$* *L +K TK!WO$PK*2 D%O$NLSQ%* =A593@A2 D%*( +K N*OJ$,* +* "/$T+KNLO$*2 B$O*,L$ST &WTWO."* +*N *TLO*QO$N*N2 G6 MRRR12 I;2 OK* G.O-YN2 )'CR1 >JOEFNKOF4*$T* D*+*H Directeur Général Adjoint h/f Futur Directeur Général h/f - Poste basé à Anglet (64) Missions : Dans un premier temps le DGA agira au côté du DG actuel. Il prendra connaissance de l’histoire de la structure, de son environnement, de ses équipes, de son marché, de ses outils et pratiques. Au plan opérationnel le DGA se verra confier des fonctions liées à la représentation externe, au pilotage du comité de direction… Après une période d’un à deux ans, le DGA prendra l’intégralité des fonctions de DG pour développer la structure (stratégie, développement financier, organisation, animation des équipes, gestion de l’innovation et partenariats) en dynamisant toutes ses composantes (équipes d’ingénieurs, docteurs et doctorants répartis sur 2 sites en Aquitaine). Profil : Diplômé d’une école d’ingénieurs, 3e cycle universitaire (Master) technique, doctorat et post-doc, ou d’une École supérieure de commerce, entrepreneur /manageur/business développeur, vous possédez une expérience dans la recherche scientifique/technologique, en tant qu’acteur direct ou indirect. Vous avez de bonnes connaissances des processus d’innovation et de gestion du changement et maîtrisez les méthodes de développement commercial et de partenariats. Vos compétences en marketing vous permettent de transformer les innovations scientifiques en offre de produit ou de service. Vous avez des aptitudes financières et des dispositions à la gestion d’entreprise. Votre bonne maîtrise de l’anglais vous permet de positionner l’entreprise sur des marchés internationaux. L’espagnol sera apprécié, ainsi que la pratique d’une troisième langue. Merci d’adresser votre dossier de candidature, sous réf. 1115NBTK/DG à Jean-Christophe Thibaud, LECTIA - e-mail : [email protected] son directeur (h/f) Proil : ingénieur(e) des métiers de l’aménagement urbain, ayant un doctorat ou une expérience conirmée de l’enseignement supérieur et de la recherche. L’Ecole des Ingénieurs de la Ville de Paris spécialité Génie urbain Grande école d’ingénieurs accréditée par la CTI, associée à l’Ecole des Ponts ParisTech et à la ComUE Université Paris-Est Aptitudes requises : capacité à diriger une structure, connaissance des enjeux urbains et métropolitains, ouverture internationale, expérience des inancements partenariaux. Pour plus d’informations : www.eivp-paris.fr Contact : [email protected] Dossier écrit à adresser à Mme la Maire de Paris, copie à M. Régis Vallée, Directeur de l’EIVP recrute Poste à pourvoir à partir du 1er mai 2016 TOULOUSE ST-JEAN-DE-LUZ LYON PARIS Prospecteur de richesses humaines www.lectia.fr 1ère réunion du comité de sélection : 3 décembre 2015 carrieres.pwc.fr Boostez vos perspectives The opportunity of a lifetime * Audit Expertise Comptable Consulting & Strategy Transactions © PricewaterhouseCoopers France 2013. Tous droits réservés. Juridique et Fiscal Rejoignez PwC, un leader mondial de l’audit et du conseil Votre carrière, vous la choisissez, vous la vivez, vous la faites évoluer. Comme Alaé, en mission chez l’un des leaders mondiaux de l’industrie aéronautique, saisissez l’opportunité de vous développer, de vous construire un réseau durable et de gagner en impact dans un environnement où l’excellence et l’esprit d’équipe vont de pair. Le talent, l’engagement et les opportunités de carrière sont indissociables. Vous apportez les deux premiers, la suite, construisons-la ensemble. * Un monde d’opportunités s’ouvre à vous, découvrez-le sur : carrieres.pwc.fr Emploi PAROLES D’EXPERTS En partenariat avec DOSSIER RÉALISÉ PAR M PUBLICITÉ > INGÉNIEURS < un marché du travail plus que favorable Ils sont en moyenne 37 000 à recevoir chaque année le titre d’ingénieur en France. Une population qui ne connait pas la crise et qui ignore le chômage ; seuls 2,8 % de cette catégorie professionnelle est sans emploi. Une situation qui crée des tensions au il de l’évolution des technologies et particulièrement de la digitalisation des entreprises. Dresser le portrait de la population des ingénieurs et de leur cadre d’emploi en France en 2015 après 8 ans de crise inancière et industrielle, c’est dessiner un paysage qui fait rêver tout responsable public au moment même où les statistiques du chômage sont au plus haut depuis 20 ans. Pour les ingénieurs le taux de chômage est inférieur à 4 % et de 2,8 % quand on exclut des statistiques les jeunes diplômés en attente de leur premiers pas professionnels. Premier constat : le nombre d’ingénieurs entrant sur le marché est en croissance. Ils sont 37 000 pour la dernière promotion. Un volume équivalent à celui des Etats Unis qui donne un aperçu de la place que le savoir technique et scientifique occupe dans notre économie. C’est aussi un tableau où les visages sont jeunes : il y a de disponible sur le marché du travail, quatre fois plus de diplômés de 25-29 ans que de seniors de 60-64 ans avec une moyenne d’âge globale de 37 ans. un marché du travail plus que favorable C’est un panorama financièrement apaisé : leur salaire médian qui s’élève à 55 200€ par an représente 2,5 fois le salaire médian français. C’est aussi une image souriante : nos ingénieurs se disent à 82 % globalement satisfaits dans leur travail. Avec toutefois une coupure de classe : ceux qui issus des écoles généralistes bénéficient de missions variés et intéressantes et qui oeuvrent essentiellement dans des secteurs industriels sont les plus heureux. Beaucoup plus que leurs collègues plus spécialisés dans l’univers des logiciels et des services informatiques qui sont plus bougons et se considèrent comme mal rémunérés. Enin, c’est la grande faiblesse de ce tableau d’ensemble : la photo est peuplée d’hommes. Les femmes ne représentent que 21 % des ingénieurs. La part des femmes augmente, elles n’étaient que 600 à obtenir le titre d’ingénieur en 1973, elles sont 10 000 dans la dernière promotion mais cela ne doit pas masquer que leur place est mesurée et que cette évolution est lente. « La bonne nouvelle c’est que nous adressons de nouvelles lignes de métiers qui sont favorables aux jeunes femmes. Les industries du luxe, du tourisme, de la grande distribution s’engagent dans la digitalisation de leurs activités. Des secteurs qui demandent plus de sensibilité et des relations plus personnalisées. Cela change la donne quand on ne s’adresse plus aux DSI mais de plus en plus aux patrons du marketing, de la commercialisation ou des RH » les ingénieurs femmes peuvent proiter de l’ouverture de nouvelles ilières souligne Laurent Benazera, Directeur du recrutement d’Open qui attend 700 nouveaux collaborateurs dont 95 % d’ingénieurs pour le développement de projets dans la transformation industrielle et digit ale, le M et E commerce ou le Big data. 30% d’entre eux seront des JD et 60 % des ingénieurs conirmés. Ce panorama ne doit pas pour autant masquer les écueils à surmonter. En particulier dans les domaines de l’informatique où le nombre de demandeurs d’emplois ne diminue pas car les profils recherchés par les entreprises et plus particulièrement les développeurs ne sont pas forcément disponibles « La moitié de nos 1400 recrutements sur 12 mois sont des jeunes diplômés issus pour 65 % d’entre eux des stages que nous ouvrons dans nos 22 sites à travers la France. Ils seront à 80 % orientés vers des projets d’intégration système et spécialisés pour être plus perform a n t s » s o u l i g n e D o mi ni qu e Dervieux directrice adjointe du recrutement et de la mobilité chez CGI. Les exigences des entreprises du secteur numérique rejoignent celles du Conseil en Technologie. Pour ces dernières, il n’y a pas de pénurie globale de profils ingénieurs mais comme 97 % d’entre eux trouvent un job dans les 6 mois qui succèdent la fin de leurs études, les frottements sont nombreux. Et dès que l’on rentre dans l’analyse micro des besoins des entreprises les dificultés de recrutement font surface « Les jeunes diplômés ont une formation de base très forte. Nos ingénieurs ont une bonne capacité à capter l’information et résoudre les problèmes. C’est le fruit de leur formation. Mais il ne faut pas cacher la difficulté actuelle : nous avons besoin de proils hybrides car les ingénieurs sont au milieu de 2 mondes » analyse Sandrine AntignatGautier directrice de la communication d’Alten qui va recruter 2700 ingénieurs sur l’ensemble de la France dont 45 % de postes réservés aux JD, 40 % aux 2-5 ans d’expérience et 15 % pour le experts. Des recrues qui iront renforcer les nouveaux pôles en croissance comme la santé où le Big data fait une irruption remarquée. Ces nouvelles activités qui infusent l’ensemble des entreprises au il de la montée en puissance de leur digitalisation appellent des proils qui maitrisent les fondament aux de la mobilité, du cloud computing, de la sécurité ou de l’analyse de données, les SMACS. « Ce sont des postes très exigeants pour une population de jeunes diplômés souvent innovants mais très impatients qui veulent aller parfois un peu trop vite. Ils veulent travailler sur l’offre exacte qui les séduit et pour y faire face nous mettons en place des structures d’accompagnement qui permettent de multiplier les échanges avec les managers » explique Nathalie Morin directrice des opérations France de Devoteam qui souligne le besoin de cette génération de relations approfondies avec l’encadrement. la digitalisation des entreprises crée un appel d’air pour les ingénieurs La qualité de l’environnement au travail, l’intérêt des missions, les perspectives de développement personnel sont des facteurs de plus en plus pris en compte par les employeurs. Ils le sont d’autant plus que les ingénieurs sont volatils et que le marché international leur est ouvert. Reste le facteur rémunération. C’est selon les jeunes diplômés le point noir du dossier. Les salaires d’embauche varient de 30 à 36 K€ selon le rang de l’école, la spécialité et la zone géographique de travail. L.PM C 55200€ 37000 c’est la salaire médian des ingénieurs en France le nombre de titres d’ingénieurs décernés en 2014 17% le nombre d’ingénieurs français qui exercent à l’étranger. Directrice adjointe recrutement et mobilité CGI La réalité de nos métiers est souvent mal perçue. Nous devons continuer à renforcer leur lisibilité pour améliorer notre ’attractivité. Si nos écoles d’ingénieurs sont excellentes, si les jeunes diplômés ont appris à apprendre, il faut cultiver cette adaptabilité. Je note qu’il y a aussi des formations qui sont parfois trop orientées et les candidats qui en sont issus manquent dans ce cas d’une méthode générale et d’une maitrise des impacts des technologies sur la fonction, la gestion de l’entreprise et la relation client. CGI conduit une rélexion avec le Syntec Numérique sur les troncs communs et les options qui pourraient pallier ces faiblesses. C’est d’autant plus important que les volumes prévisionnels de nos embauches sont signiicatifs : 1400 recrutements au total dont la moitié sera composée de jeunes diplômés. Les candidats doivent avoir en tête que les clients ont des exigences élevées. Particulièrement pour les proils expérimentés car ils attendent des expertises conirmées. Pour le volet Consulting de nos activités, nous nous orientons de plus en plus vers des candidats qui possèdent la double compétence technologie+ management sur le modèle des cursus de Grenoble EM, d’ Audencia-Centrale, etc. La mixité des CV est un plus et dans ce cadre, le salaire suit. Laurent Benazera Directeur Recrutement OPEN GROUPE Nous sommes sur des métiers qui vont de la conception à la mobilité et qui sont attractifs. Au point que je peux conirmer que pour certains d’entre eux nous ne manquons pas de candidats : notre partenariat avec Google attire ainsi dix fois plus de postulants, sur une base de recrutement mondiale, que de postes de datascientists et de développeurs offerts. Autant dire que la compétition est sévère. Par ailleurs, il faut bien aussi reconnaitre que nos clients sont parfois en déicit de technologie. Cette situation nous pousse à développer des initiatives de formations importantes qui sont en relation étroites avec les métiers de nos clients. Car si nous recherchons des jeunes diplômés qualiiés, on a besoin de plus de sensibilité. Nous sortons d’une période où nos ingénieurs n’avaient de relations qu’avec les DSI ou les directeurs de production. Aujourd’hui ils doivent dialoguer en direct avec les responsables métiers. Depuis le marketing jusqu’aux RH. Cela change la donne. C’est d’ailleurs une belle opportunité pour les ingénieurs femmes qui peuvent apporter leurs qualités dans de nouveaux secteurs et s’épanouir aussi dans des sociétés plus traditionnelles qui font le saut digital. Je souligne qu’à côté des jeunes diplômés, la multiplication de projets clients localisés dans nos établissements impose le recrutement de seniors pour gérer ces grosses opérations. Nathalie Morin Directrice des opérations DEVOTEAM Acteur du Conseil en technologies innovantes et en management pour les entreprises, l’évolution des besoins de nos clients nous a conduit à modiier nos critères de recrutement. Si notre cœur de cible reste plus que jamais les diplômés bac+5 dont 98% sont issus des grandes écoles d’ingénieurs ou d’universités, nous portons un intérêt plus aigu aux aptitudes comportementales. Dans les faits cela nous conduit à faire un mix entre ingénieurs généralistes et candidats plus spécialisés. Pour l’exercice 2016 notre programme de recrutement prévisionnel table sur 500 embauches qui seront réparties entre 40% de jeunes diplômés de 0-2 ans , 45% de consultants 3-8 ans et 15% d’expérimentés possédant plus de 8 ans de métier. Nous accordons une grande importance à la capacité de contact de nos postulants avec les interlocuteurs métiers, particulièrement dans le conseil, l’architecture, la gestion de projet ou l’AMOA , ainsi qu’à leur facilité de relations avec les DSI pour le cloud, la mobilité ou la sécurité. Nous encourageons nos jeunes diplômés à proiter des évolutions entre les technologies et les métiers ce qui nous a conduit à relancer notre Université Devoteam. Sandrine Antignat Directrice de la communication ALTEN Les hiffres Dominique Dervieux + de 600 offres d’emploi Ingénieurs disponibles sur Emploi www.lemonde.fr/emploi en partenariat avec On parle souvent de pénurie d’ingénieurs en France en raison du nombre limité de diplômés par an - 37 000. Je pense qu’au niveau macroéconomique cette population est globalement dimensionnée pour le tissu industriel hexagonal. En revanche, au niveau micro le dossier est plus complexe : nous avons besoin de cadres qui savent gérer la complexité. Ce sont ces proils qui sont attendus par les grands comptes. Et là, la tension modiie les critères d’appréciation. Il faut bien reconnaitre que quand on est une société de 20 000 ingénieurs on pèse dans les métiers industriels et technologiques. C’est ce poids qui fait de nous une société formatrice et en alerte sur les nouvelles demandes. C’est ainsi que nous anticipons les nouvelles problématiques industrielles. Celles de l’aéronautique se déplace ainsi désormais vers le manufacturier et l’ingénierie plus que vers les bureaux d’études. L’autre secteur en tension c’est la fonction informatique : sur le Big Data par exemple nous recrutons beaucoup de diplômés étrangers spécialisés dans le traitement des données. Ces jeunes diplômés qui ont de très bonnes capacités techniques sont malheureusement parfois freinés par les problèmes d’obtention de visas de travail. Alors même qu’ils ont fait des stages dans des sociétés françaises. RDV LUNDI 14 DÉCEMBRE COMMERCIAUX MÉDIAS&PIXELS | 11 0123 MERCREDI 9 DÉCEMBRE 2015 Michel Field à la tête de l’info sur France Télévisions Le journaliste est nommé à un poste stratégique pour le groupe public à un an et demi de la présidentielle L es grandes manœuvres s’accélèrent dans le domaine de l’information à France Télévisions. Lundi 7 décembre, l’entreprise publique a confié ce domaine sensible à Michel Field, qui dirigeait France 5, en remplacement de Pascal Golomer. Ce dernier, qui faisait partie de l’équipe de Rémy Pflimlin avait conservé son poste à l’arrivée de Delphine Ernotte à la présidence de France Télévisions. Du côté de France 5, c’est Caroline Got, directrice de la stratégie et des programmes, qui remplace provisoirement M. Field. Pourquoi ce changement, trois mois et demi après l’entrée en fonction de la nouvelle présidente ? Selon un premier niveau de lecture, M. Golomer n’aurait pas donné satisfaction. « A son arrivée, Mme Ernotte a fait le choix de la continuité. Cela n’a pas fonctionné », dit-on à la présidence de France Télévisions, en précisant que le remplacement de celui qui a fait toute sa carrière dans le service public, et doit être « appelé à d’autres fonctions », n’est pas une sanction. Les dysfonctionnements n’ont pourtant pas manqué, qu’il s’agisse du cafouillage autour de la venue – annulée – de Marine Le Pen à « Des Paroles et des actes », mi-octobre, ou du lancement tardif d’une édition spéciale sur France 2 au soir des attentats du 13 novembre. M. Golomer aurait aussi défendu le directeur de la rédaction de France 2, Eric Monnier, qui devrait prochainement quitter ses fonctions après avoir vu ses méthodes de management contestées par les syndicats. Calendrier serré Derrière ces incidents se nichent une divergence d’état d’esprit et une forme d’impatience. L’information est la priorité du début de mandat de Mme Ernotte, qui a choisi de lancer une chaîne en continu et doit mener à son terme Michel Field, dans son appartement parisien. JULIEN FAURE/REA un plan de fusion des rédactions (France 2, France 3 et France TV Info) baptisé « Info 2015 ». Le calendrier est serré : les consultations sociales sur la chaîne d’info doivent commencer en décembre, pour un lancement prévu en septembre 2016. Alors que les syndicats continuent de combattre « Info 2015 », ce projet va nécessiter une accélération du travail en commun, y compris avec les autres acteurs de l’audiovisuel public. « Il faut qu’on avance et qu’on renforce l’esprit collectif », résumet-on à la présidence. Selon ce deuxième niveau de lecture, il fallait donc tourner la page et installer une figure nouvelle, non marquée par les rivalités entre France 2 et France 3, ni Motherboard parie sur une presse « tech » à visage humain par les affrontements avec les organisations syndicales sur le projet de fusion. D’où le choix de Michel Field, qui doit apporter un « nouveau souffle ». Ce dernier est une pièce importante de l’équipe Ernotte. Homme de réseaux, agitateur d’idées, cet agrégé de philosophie entré en télévision chez Christophe Dechavanne en 1989 fait partie de ceux dont la présidente apprécie les conseils. Ces dernières semaines, il a d’ailleurs participé aux réunions consacrées au projet de chaîne d’information, chapeauté par un ancien de LCI, comme lui : Germain Dagognet. Sur la chaîne d’information du groupe TF1, M. Field a animé une tranche d’information ou encore l’émission de débat « Politiquement Show », notamment aux côtés de Patrick Buisson, futur conseiller de Nicolas Sarkozy. D’un point de vue politique, il offre l’avantage d’avoir une image de gauche, en partie liée à son engagement de jeunesse à la Ligue communiste révolutionnaire, tout en ayant bâti une proximité avec l’ancien président de la République. Une double compatibilité précieuse à un an et demi de l’élection présidentielle. L’animateur est surtout connu pour ses émissions culturelles comme « Le Cercle de minuit » ou « Au Field de la nuit ». Cette expérience suscite des interrogations dans la maison. « Nous ne sommes pas surpris qu’il y ait un chan- gement, déclare ainsi Serge Cimino, journaliste à France 3 et membre du bureau national du SNJ. Mais nous sommes étonnés du profil retenu. » Les journalistes ont donc commencé à spéculer sur l’identité du directeur des rédactions qui est à leurs yeux le complément opérationnel indispensable à Michel Field. Des noms comme ceux d’Agnès Vahramian ou d’Hervé Brusini sont cités, mais il semble difficile de convaincre quiconque de porter le projet de fusion. « Michel Field va-t-il remettre en question les projets de l’équipe précédente comme “Info 2015” ? », interroge l’élu (CGT) Marc Chauvelot. p alexis delcambre et alexandre piquard UNE COLLECTION Le site consacré à l’innovation, filiale du groupe américain de médias Vice, lance sa version française mardi 8 décembre N ous concentrons nos histoires sur les gens qui sont derrière la technologie. C’est plus intéressant que de faire une chronique sur le dernier iPhone. » C’est avec ce simple credo que Derek Mead, le rédacteur en chef de Motherboard, explique le succès de son site consacré à l’innovation. Et cette filiale du groupe américain de médias pour jeunes Vice compte désormais percer en France : Motherboard s’y lance mardi 8 décembre, après avoir décliné son site américain en espagnol et ouvert des bureaux au Royaume-Uni, au Canada, au Brésil, aux Pays-Bas, en Italie et en Allemagne. Motherboard s’est récemment illustré par quelques scoops, dont la révélation du piratage des données du constructeur de jouets connectés VTech. Ou celle des noms des utilisateurs du site de rencontres extraconjugales Ashley Madison. « Motherboard avait interrogé les hackers eux-mêmes mais aussi des gens qui avaient vu leur nom publié, en rappelant que l’adultère peut être puni de mort dans certains pays », note Sébastien Chavigner, rédacteur en chef de la version française de Motherboard, pour souligner l’approche « humaine » du site. Parmi les premiers sujets français, M. Chavigner racontera sa semaine passée à se nourrir presque exclusivement de Soylent, une forme de nourriture du futur créée pour apporter tous les nutriments nécessaires sous forme de poudre à diluer : « Un enfer ». On lira aussi le portrait d’une des personnes chargées de calculer la trajectoire des débris dans « l’espace poubelle ». Ou un sujet sur le médecin légiste et anthropologue Philippe Charlier, parti à Haïti à la Les sites anglo-saxons comme Wired, The Verge, ou The Register font figure de modèles recherche des « zombies » – sortes de « morts-vivants », endormis avec des poisons puissants et ranimés après avoir été déclarés morts, explique M. Chavigner. Un sujet conforme au goût des marges et de la provocation de Vice. « Notre approche est globale, explique M. Mead. Nous ne voulons pas seulement parler de New York et de la Silicon Valley : la France et l’Europe ne sont pas assez couverts. » Le rédacteur en chef américain se dit intéressé par le projet de fusion nucléaire Iter. « Economie et pop culture » « En France, il y a peu de sites de médias dédiés à l’actualité de l’innovation », regrette M. Chavigner, qui souligne l’importance croissante du thème chez les supports généralistes, comme Le Monde, Le Figaro ou Slate, où la thématique est souvent traitée par une équipe dédiée, comme Pixels au Monde. Pour tous, les exemples sont des sites anglo-saxons comme The Verge, créé en 2011 et rattaché au groupe de nouveaux médias Vox, ou The Register, réputé sur le thème de la sécurité informatique. Motherboard est connu pour ses enquêtes et ses vidéos (il aura en France quatre personnes dédiées aux images, en plus des quatre permanents de la rédaction). La référence historique incontestée reste le californien Wired, qui dès les années 1990 a proposé un magazine papier époustouflant, doublé d’un site Web quotidien. Propriété du groupe de presse Conde Nast (Vanity Fair, Vogue…), son possible lancement en France fait l’objet de rumeurs régulières. Occuper ce créneau reste un défi : le magazine papier Humanoïde l’a tenté un an, avant de jeter l’éponge à la mi-septembre ; comme le journal et le site Transfert près de quinze ans avant lui. Le flambeau est pourtant toujours relevé : deux anciens d’Humanoïde ont lancé le site Geekzone, alors que d’autres ont rejoint Numerama. Ce site connu pour ses combats autour du téléchargement illégal et des libertés publiques vient d’être racheté et « repositionné » : « Nous avons une ligne beaucoup plus ouverte, proche des Anglo-Saxons : on intègre de la science, de l’économie et de la pop culture », explique Ulrich Rozier. Ce dernier a acquis Numerama grâce au succès de Frandroid, un site consacré au mobile qu’il avait cofondé. Lui aussi revendique un traitement « humain » des technologies et espère importer un peu de l’optimisme américain, parfois forcené dans le cas de Wired. Reste l’épineuse question des modèles économiques : Motherboard bénéficiera du soutien du groupe Vice, expert en publicité ciblant les jeunes et en vidéos sponsorisées. M. Rozier a lui complété ses revenus publicitaires avec des liens vers des fiches de comparateurs de produits et envisage une version payante de Numerama. p alexandre piquard NUMÉRO 3 LES BATAILLES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE ANALYSÉES EN PROFONDEUR 2 LIVRES 4,99 € SEULEMENT De 1939 à 1945, la Seconde Guerre mondiale a déstabilisé le monde, remanié les frontières et bouleversé les équilibres géopolitiques. Ces événements tragiques, au cours desquels des millions d’hommes perdirent la vie, ont profondément marqué l’histoire contemporaine. 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