1. L`accumulateur Nickel Métal-Hydrure (Ni-MH)

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1. L`accumulateur Nickel Métal-Hydrure (Ni-MH)
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
Ce chapitre débute par une description du fonctionnement des accumulateurs NiMH. La
formation des hydrures métalliques par voie solide-gaz et par réaction électrochimique ainsi
que les différentes familles de composés de type ABn qui forment des hydrures sont ensuite
présentées. Puis des rappels bibliographiques sur les composés intermétalliques TiNi et
(Ti,Zr)Ni ainsi que les propriétés thermodynamiques et structurales de leurs hydrures sont
donnés.
1.
L’accumulateur Nickel Métal-Hydrure (Ni-MH)
1.1.
Généralités [Willems 84; Percheron-Guégan 01]
Un accumulateur est un système électrochimique réversible qui permet de produire et
stocker de l’énergie électrique à partir de deux réactions électrochimiques réalisées sur deux
électrodes plongées dans une solution appelée électrolyte. Les réactions chimiques mises en
jeu sont des réactions d’oxydation et de réduction.
Un accumulateur NiMH (figure I.1) est composé d’une électrode positive à base
d’hydroxyde de nickel et d’une électrode négative constituée d’un composé intermétallique
hydrurable. Ces deux électrodes sont isolées électriquement l’une de l’autre par un séparateur
afin d’éviter la mise en court circuit du système. L’électrolyte utilisé est de la potasse
concentrée (KOH 8,7M).
e-
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
NiO O H
Electrode
positive
Ni(OH)2
M
Electrode
négative
MHx
KOH
séparateur
Figure I.1 : Schéma d’un accumulateur NiMH pendant la décharge.
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
L'électrolyte KOH et l'électrode positive NiOOH/Ni(OH)2 sont deux constituants
identiques dans la conception des accumulateurs NiCd et NiMH. Par ailleurs, le potentiel
d'équilibre du couple hydrure métallique/composé intermétallique qui est d'environ -0,8 V à
pH = 14 par rapport à l'électrode normale à hydrogène (ENH), est proche de celui du couple
Cd/Cd(OH)2 (E° = -0,809 V à pH = 14 Vs ENH). Ces similitudes ont donc facilité le
remplacement du Cd par un composé intermétallique comme matière active de l’électrode
négative. De plus, si la pression de dissociation de l’hydrure est inférieure à 1 atm, ces
électrodes ne s’autodéchargent pas dans l’électrolyte car :
E° (H2O/H2) = -0,828 V vs ENH < E o (Cd (OH ) 2 / Cd ≅ E° (M/MH)
(I.1)
Le potentiel d’équilibre du couple NiOOH/Ni(OH)2 étant de +0,49 V Vs ENH, le potentiel
théorique de l'accumulateur est donc de 1,3 V.
Les principales réactions électrochimiques qui ont lieu entre les deux électrodes à la charge
(ch) et à la décharge (d) peuvent être écrites par :
ch
-
xNi(OH)2 + xOH
et
xNiOOH + xH2O + xe-
(I.2)
MHx + xOH-
(I.3)
d
ch
-
M + xH2O + xe
d
Pendant la charge, on assiste à l’électrode positive à l'oxydation de l'espèce Ni(OH)2
(le nickel passe d’un degré d’oxydation +II à un degré d’oxydation +III) et à l’électrode
négative à la réduction de l'eau. C'est la réduction de l'eau qui produit l'hydrogène qui est
ensuite absorbé par le composé intermétallique. Par ailleurs, l'absorption de cet atome
correspond au stockage d'un électron dans l'électrode négative.
Pendant la décharge, les réactions inverses se produisent. On assiste donc à l’électrode
positive à la réduction de l’ion Ni (passage d’un état trivalent à un état divalent) et à
l’électrode négative à l’oxydation de l’eau. C’est à ce moment que l’accumulateur fournit
l'énergie stockée : l'hydrogène fixé dans le composé intermétallique diffuse vers l'interface
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
métal-électrolyte et un électron est libéré de la recombinaison de cet atome d'hydrogène avec
un ion OH- :
OH − + H → H 2 O + e −
(I.4)
La charge et la décharge de l’électrode négative se font donc par absorption et désorption de
l’hydrogène. Selon l’état de charge de l’électrode négative, les réactions d’hydrogénation qui
ont lieu dans le composé intermétallique peuvent être décrites par :
•
L’absorption de l’hydrogène en solution solide (α)*
MH x + dxH 2O + dxe − ↔ MH x + dx + dxOH −
•
(I.5)
L’absorption de l’hydrogène qui entraîne la transformation de phase, solution
solide (αmax)*→ phase hydrure βmin*
MH x (α max ) + ( y − x) H 2O + ( y − x)e − ↔ MH y ( β min ) + ( y − x)OH −
(I.6)
Le potentiel électrochimique d’équilibre de ces réactions se déduit de la relation de
Nernst à pH = 14 et T = 25°C :
E (V) = −0,828 − 0,0296 log PH 2 (bar ) Vs ENH
(I.7)
Cette expression indique que le potentiel redox de l’électrode négative dépend de la pression
en hydrogène. Si la pression d’équilibre est de 1 atm, le potentiel d’équilibre de l’électrode
négative est alors le même que celui de l’électrode à hydrogène en milieu basique 1M soit
E° = -0,828 V. Ce potentiel diminue de 30 mV par décade de pression et dépend donc de
l’état de charge.
* une explication détaillée des symboles α, αmax et βmin sera donnée dans le paragraphe I.2.1.1.1.
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
Remarque : L’électrode positive NiOOH/Ni(OH)2 que l’on appelle couramment « électrode de
nickel » met en jeu le couple oxyhydroxyde/dihydroxyde de nickel. La réaction (I.2) est en
fait une écriture simplifiée de la réaction d’oxydo-réduction de NiOOH. Des espèces
intermédiaires insolubles interviennent pendant la réaction.
Pour limiter l’augmentation de pression à l’intérieur de la batterie et la décomposition
de l’électrolyte, on favorise le phénomène dit de recombinaison d’oxygène. L’électrode de
nickel a la capacité limitante ; elle est chargée en premier et il commence à s’y dégager de
l’oxygène selon la réaction :
4OH − → 2 H 2 O + O2 + 4e −
(I.8)
L’oxygène produit est transporté vers l’électrode métal-hydrure où il va être réduit à
l’interface métal-hydrure/électrolyte pour produire de l’eau :
4MH x + xO2 → 4M + 2 xH 2O
1.2.
(I.9)
Performances des accumulateurs
Quelques paramètres importants permettent de faire une comparaison des divers types
de technologie d’accumulateurs. Ces critères sont :
la tension, c'est-à-dire la différence de potentiel entre les réactions redox qui ont
lieu simultanément aux électrodes positive et négative.
la capacité qui représente la quantité totale d’électricité mise en jeu dans la
réaction électrochimique. La quantité d’électricité ∆Q débitée à courant d’intensité
I fixé et constant pendant une durée déterminée ∆t vaut :
∆Q(Coulomb) = I ( Ampère) × ∆t (heure)
(I.10)
Elle s’exprime en ampère-heure ou coulomb (1 Ah = 3600 Coulomb). Généralement,
cette quantité est rapportée à la masse de matière active (Ah/g).
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
la puissance massique, en watt par kilogramme (W/kg) représente la puissance
(énergie électrique fournie par unité de temps) que peut délivrer l’unité de masse
d’un accumulateur :
P(Watt / kilogramme) =
U (Volt ) × I ( Ampère)
m(kilogramme)
(I.11)
l’énergie électrique W fournie pendant une même durée de temps vaut :
W ( Joule) = U (Volt ) × ∆Q( Ampère.heure)
(I.12)
L’énergie s’exprime en joule (J) mais on peut également utiliser le watt heure (Wh)
qui est l’énergie fournie par un moteur de puissance égale à 1 watt pendant la durée
d’une heure soit 1 Wh = 1 W x 3600 s = 3600 J. L’énergie électrique peut aussi
s’exprimer en Wh/kg (densité d’énergie massique) ou en Wh/l (densité d’énergie
volumique).
la durée de vie en cyclage désigne le nombre de cycles de charge/décharge
pouvant être effectué avec une perte de densité d’énergie donnée (pour les
applications portables, l’accumulateur doit restituer un niveau d’énergie supérieur
à 80% de son énergie nominale [CEA 04] ; ordre de grandeur souhaité ~1000
cycles).
Le taux d’autodécharge représente l’aptitude de l’accumulateur à maintenir sa
capacité spécifique lorsque la batterie n’est pas en fonctionnement.
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
2.
Les hydrures métalliques
2.1.
Le système métal-hydrogène
2.1.1.
Formation des hydrures par réaction solide-gaz
Certains métaux ou composés intermétalliques réagissent avec l’hydrogène pour
former des composés appelés hydrures. Le plus souvent, le composé hydruré possède aussi un
caractère métallique. La réaction d’hydrogénation est réversible en fonction de la pression
d’hydrogène et de la température.
La formation de l’hydrure est décrite globalement par la relation suivante :
M (s) +
y
H 2 ( g ) → MH y ( s ) + Q
2
(I.13)
Cette réaction est exothermique. Q représente la quantité de chaleur dégagée lors de
l’absorption d’hydrogène.
On peut distinguer 5 étapes lors de l’hydrogénation :
i. adsorption de la molécule d’hydrogène sur la surface du composé
intermétallique (physisorption).
ii. dissociation de la molécule d’hydrogène à la surface du composé
intermétallique (chimisorption).
iii. pénétration de l’hydrogène à la surface du composé intermétallique.
iv. diffusion des atomes d’hydrogène absorbés dans le réseau métallique.
v. transformation de phase métal-hydrure
2.1.1.1.
Thermodynamique des hydrures métalliques
a)
Cas idéal
Les propriétés thermodynamiques des hydrures métalliques sont généralement
déduites des isothermes pression-composition obtenues par voie solide-gaz. Une courbe
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
pression-composition-température (PCT) est obtenue en suivant, à température constante,
l’évolution de la pression d’hydrogénation ( PH 2 ) en équilibre avec le composé en fonction du
nombre d’atomes d’hydrogène absorbés par atome métallique (H/M). Le cas idéal des courbes
PCT à plusieurs températures est montré figure I.2.
Ln PH2
Ln PH2
α
T4
Tc
T3
P3
T2
β
P2
T1
α
P1
α+β
αmax
x (H/M)
βmin
1/T
(a)
(b)
Figure I.2 : (a) Courbes PCT pour un système idéal métal-hydrure avec T1 < T2 < T3 < Tc < T4
montrant la transformation de phase solution solide (αmax) → phase hydrure (β min);
(b) Représentation relative à la loi de Van't Hoff [Percheron-Guégan 02]
On y distingue trois parties pour toutes températures inférieures à une température
critique Tc:
•
pour x < αmax, la pression d’hydrogénation varie fortement avec la concentration en
hydrogène. A ces faibles teneurs en H existe une solution solide monophasée, nommée
phase α, qui correspond à l'insertion désordonnée des atomes d'hydrogène dans le
réseau métallique. La réaction d’absorption/ désorption de l’hydrogène qui se produit
est décrite par :
M+
x
H 2 ↔ MH x
2
10
(I.14)
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
La variation de la pression d’hydrogénation avec la concentration en hydrogène
s’explique par la règle de Gibbs. Selon cette règle des phases, la variance v du système
est donnée par la relation :
v = c + n −ϕ
(I.15)
avec c, le nombre de constituants indépendants (différence entre le nombre de
constituants et le nombre d’équations qui les lient) ;
n, le nombre de variables intensives dont dépend l’équilibre (ici n = 2 pour la pression
et la température).
et φ le nombre de phases.
Dans cette zone, il y a deux constituants (c = 2) : l’hydrogène et le composé
intermétallique qu’aucune relation ne lie, et deux phases (φ = 2) : le gaz et le solide.
La variance est alors égale à deux : à une température donnée, la pression varie avec la
concentration en hydrogène.
•
pour αmax < x < βmin, la pression d’hydrogénation ne varie pas quand la concentration
en hydrogène augmente. C’est un domaine où coexistent la phase α citée
précédemment et une phase hydrure notée β. Cette phase β de composition x = βmin
provient de la transformation de la phase α saturée de composition x = αmax selon la
réaction :
MH x (α max ) +
y−x
H 2 ↔ MH y ( β min )
2
(I.16)
En effet, ce domaine biphasé est selon la règle de Gibbs monovariant (v = c + n – φ =
2 + 2 – 3 = 1) : trois espèces chimiques (hydrogène, métal et hydrure) sont reliées par
la constante d’équilibre de la réaction I.16 et il y a trois phases (gaz, alpha et beta). La
variance étant égale à un, à une température donnée, la pression est fixée et on observe
un plateau ou palier de pression tant que la transformation α → β n’est pas terminée.
•
pour x > βmin, la pression d’hydrogène dépend à nouveau de la concentration en
hydrogène (la variance est de deux : v = 2 + 2 – 2 = 2). La phase α a totalement
11
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
disparu au profit de la phase β qui continue de s’enrichir en hydrogène sous forme de
solution solide quand la pression augmente selon la réaction :
MH x ( β min ) +
b)
dx
H 2 → MH x + dx ( β )
2
(I.17)
Influence de la température sur les courbes PCT
Quand on considère plusieurs isothermes réalisées à différentes températures (figure
I.2a), on constate que :
-
la pression de plateau augmente quand la température s’élève. L’hydrure est de
moins en moins stable.
-
La longueur du plateau diminue quand la température augmente ce qui
implique une diminution de la capacité d’absorption en hydrogène. Au-delà de
la température critique Tc, ce plateau n’existe plus : on ne peut former que la
solution solide d’hydrogène.
La figure I.2b, quant à elle, montre que la pression de plateau PH2 est reliée à la
température T par la relation de Van’t Hoff :
ln PH 2 =
∆H ∆S
−
RT
R
(I.18)
avec R la constante des gaz parfaits (8,314 J.K-1.mol-1).
En mesurant des isothermes à différentes températures, il est possible de déterminer
les données thermodynamiques (enthalpie ∆H et entropie ∆S) de la réaction hydrogène-métal
lors de la transformation α β en considérant que ces données sont constantes dans la
gamme de température étudiée. La variation d'entropie est reliée au changement d'ordre des
atomes d'hydrogène pendant la transformation d'une mole d'hydrogène gazeux en deux
protons H absorbés dans le métal (∆S ∼ -130 J.K-1.mol-1 H2). L'enthalpie, quant à elle,
caractérise la stabilité de l'hydrure : plus la pression du plateau est basse, plus l'hydrure est
stable, et plus l'énergie de décomposition de l'hydrure est élevée. L’enthalpie pour une
pression de plateau de 1 atm à la température ambiante est d’environ -40 kJ.mol-1 H2.
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
c)
Cas réel
L’allure des courbes décrites figure I.2a correspond en fait à un cas idéal. En réalité, la
pression d’hydrogène en absorption est supérieure à celle en désorption : c’est le phénomène
d’hystérésis (figure I.3). Plusieurs propositions ont été avancées pour tenter d’expliquer ce
phénomène, lequel est généralement attribué à un excès d’énergie nécessaire pendant
l’absorption pour vaincre les contraintes associées à la dilatation du réseau [Flanagan 82,
Balasubramaniam 97].
ln ( pH 2 )
absorption
désorption
x (H/M)
Figure I.3 : Phénomène d’hystérésis dans un cas réel.
La pression de plateau est très sensible à la composition des échantillons. Des
inhomogénéités chimiques dans le composé se traduisent par une inclinaison du plateau sur la
courbe PCT. En effet, le plateau d’un composé non recuit est généralement plus incliné que
celui du même composé après recuit [Percheron-Guégan 85, Hu 98].
Dans certains systèmes, l’hydrogénation par voie solide-gaz conduit à la formation de
plusieurs phases hydrures avec différents plateaux de pression. C’est le cas par exemple des
systèmes TiFe ou ZrNi où deux phases hydrures notées β et γ sont formées (figure I.4). Dans
le système TiFe deux plateaux ont été observés à 40°C avec formation des hydrures TiFeH et
TiFeH2 respectivement à 7 et 15 bar [Reilly 74]. Dans le système ZrNi, les deux hydrures
formés à 200°C sont ZrNiH et ZrNiH2 respectivement à 10-4 et 10-1 bar [Luo 90].
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Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
ln ( pH 2 )
γ
β+γ
β
α+β
α
x (H/M)
Figure I.4 : Courbe PCT pour un système métal-hydrure avec formation de deux phases hydrure β et γ.
Quelques systèmes absorbent l’hydrogène sous forme de solution solide. La courbe
PCT ne présente alors pas de plateau de pression. C’est le cas notamment du composé binaire
TiNi [Burch 79], qui est l’objet de cette étude, et des alliages de structure cubique centrée à
base de vanadium. Un exemple d’isotherme sera présenté paragraphe 5.1.1.1. pour le
composé TiNi (figure I.12).
2.1.2.
Formation des hydrures par réaction électrochimique
Les processus de charge et de décharge par réaction électrochimique se font en
plusieurs étapes :
i. Une réaction de transfert de charge à la surface de l’électrode négative:
M + H 2 O + e − ↔ MH ads + OH −
(I.19)
L’atome d’hydrogène produit lors de la réduction de l’eau, est adsorbé
(Hads) sur le métal.
ii. Pénétration de l’atome adsorbé à la surface de l’électrode par
franchissement d’une barrière d’énergie (Hads → Habs).
iii. Diffusion de l’hydrogène absorbé dans le réseau métallique.
iv. Transformation de phase métal α → hydrure β
14
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
2.1.3.
Equivalence entre les réactions solide-gaz et électrochimique
L’obtention d’un hydrure par réaction solide-gaz
ou électrochimique est
thermodynamiquement équivalente. Effectivement, les espèces de départ (MHx) et d’arrivée
(MHy) sont les mêmes dans les équations (I.6) et (I.16). La seule différence observée lors de
l’hydruration par réaction électrochimique est l’absence de l’étape de dissociation de la
molécule de dihydrogène : l’hydrogène se trouve sous forme atomique après la réduction
électrochimique de la molécule H2O.
Deux relations permettent de faire le lien entre ces deux modes d’obtention des
hydrures :
•
La première, de nature thermodynamique, relie la pression d’équilibre de
l’hydrogène PH 2 dans la phase gaz au potentiel d’équilibre électrochimique
Eéq (mesuré par rapport à une électrode de référence) de l’électrode métalhydrure :
ln PH 2 =
2 FEéq
RT
(I.20)
Avec R la constante des gaz parfaits (8.314 J.K-1.mol-1), T la température exprimée
en kelvin (K) et F la constante de Faraday (96485 Coulomb).
•
La seconde permet de déterminer la capacité électrochimique théorique Csg
que l’on peut atteindre à partir de la capacité C obtenue par réaction solidegaz :
C sg (mAh / g ) =
C ( H / u. f .) F
3,6M
(I.21)
car pour tout atome d’hydrogène absorbé, un électron est stocké dans
l’électrode négative. Dans cette expression, C s’exprime en atome
d’hydrogène par unité formulaire (H/u.f) et M représente la masse molaire
du composé en g/u.f.
15
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
En pratique, la capacité électrochimique mesurée est plus faible que la
capacité théorique Csg, due à des limitations cinétiques pendant la décharge
de l’électrode.
Il faut souligner que la charge électrochimique est limitée en cellule ouverte par la
pression atmosphérique alors que la décharge est limitée par la cinétique de désorption et le
potentiel de corrosion du composé. Par conséquent, pour que les composés aient une bonne
réversibilité en électrochimie, il faut que la pression d’équilibre de formation de l’hydrure soit
inférieure à 1 atm et que celle de décomposition soit la plus proche possible de cette valeur.
2.2.
Les différentes familles de composés intermétalliques
formant des hydrures réversibles [Sandrock 99, Cuevas 01,
Percheron-Guégan 02]
Les éléments métalliques du tableau périodique peuvent être séparés en deux sous
groupes selon leur affinité avec l’hydrogène : ceux dits de type A (métaux du début de
période de transition ou terre rare) et ceux de type B (métaux de fin de période de transition).
Les éléments de type A présentent une forte affinité pour l’hydrogène. Ils forment des
hydrures thermodynamiquement stables (YH2, LaH2, TiH2, ZrH2…) et leur décomposition ne
peut s’effectuer qu’à haute température. Les éléments de type B présentent au contraire une
faible affinité pour l’hydrogène. Ils forment des hydrures instables (hydrures de Fe, Co, Ni…)
et ne se forment qu’à haute pression d’hydrogène. L’association d’éléments de type A avec
des éléments de type B permet la formation d’hydrures de stabilité intermédiaire. En 1958,
Libowitz fut le premier à mettre en évidence ce comportement en mesurant les propriétés
d’hydrogénation du composé ZrNi [Libowitz 58]. Les hydrures de stabilité intermédiaire sont
particulièrement intéressants pour une utilisation dans les accumulateurs NiMH car ils
peuvent être formés ou décomposés à température ambiante et sous pression proche de la
pression atmosphérique. Il existe différentes familles de composés de type ABn. Une brève
description sera faite ici pour les composés intermétalliques de type AB5, AB3, AB2, AB et
A2B.
Van Vucht et al. sont les premiers à avoir fait état des propriétés d’absorption du
composé LaNi5 en réaction solide-gaz [Van Vucht 70]. Ces auteurs ont montré que ce
16
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
composé peut absorber de façon réversible 6 H/u.f. à température ambiante et sous une
pression d’équilibre de l’ordre de 2 bar. Ce composé cristallise dans la structure hexagonale
de type CaCu5. Dans les années 70, il a été mentionné que ce composé peut être utilisé
comme matériau d’électrode négative dans les accumulateurs NiMH [Bronoël 76, PercheronGuégan 78]. Toutefois, LaNi5 présente une pression d’équilibre trop élevée et une durée de
vie trop courte pour être utilisé dans les accumulateurs commerciaux. Des substitutions
partielles ont permis d’adapter les propriétés thermodynamiques (pression d’équilibre et
capacité) à l’application électrochimique [Van Mal 74, Diaz 79, Lartigue 80] et d’améliorer la
stabilité en cyclage électrochimique [Willems 84]. Enfin, le lanthane a été remplacé par un
mélange de terres rares appelé mischmetal (Mm) ce qui a permis de réduire le coût des
composés. Cependant, ces nombreuses substitutions ont entraîné une diminution de capacité
théorique
par
rapport
au
composé
binaire
LaNi5
( Csg , LaNi5 = 370 mAh / g
et
Csg ,MmNi3 , 55Mn0 , 4 Al0 , 3Co0 , 75 = 330 mAh / g ; avec MmNi3,55Mn0,4Al0,3Co0,75 le composé utilisé dans
les applications industrielles).
Parmi les composés de type AB3, Kadir et al. [Kadir 97, Kadir 99] ont montré que le
composé RMg2Ni9 (R = Y, Ca, terres rares) est un candidat potentiel pour le stockage
réversible de l’hydrogène dans des batteries NiMH. Kohno et al. [Kohno 00] ont en effet
montré que le composé La0.7Mg0.3Ni2.8Co0.5 présente une capacité électrochimique d’environ
400 mAh/g, valeur supérieure à celle des composés de type LaNi5 commercialisés
(320 mAh/g). Une étude menée par A. Férey sur les composés de type La3-xMgxNi9 au sein de
notre laboratoire indique que la capacité déchargée pour x = 0,75 est de 360 mAh/g à la
température ambiante [Bernard 06].
L’intérêt porté aux composés de type AB et AB2 réside essentiellement dans le fait
qu’ils ont une masse molaire plus faible que les AB5 car le rapport B/A est plus petit et qu’ils
sont constitués par des éléments plus légers comme Ti ou Zr. Les composés intermétalliques
de type AB2 cristallisent dans une structure de type phase de Laves qui peut être hexagonale
(C14 MgZn2 ou C36 MgNi2) ou cubique (C15 MgCu2). Les composés à base de Zr forment
des hydrures absorbant par voie solide-gaz 3,6 H/u.f. pour ZrMn2 (à T = 25°C, PH 2 = 8 bar ),
3,8 H/u.f. pour ZrCr2 (à T = 25°C, PH 2 = 1 bar ) et jusqu’à 5 H/u.f. pour ZrV2 (à T = 25°C,
PH 2 = 1 bar ). Les capacités équivalentes électrochimiques de tels composés sont d’environ
17
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
500 mAh/g pour ZrMn2 et ZrCr2 et de 750 mAh/g pour ZrV2 mais les hydrures formés sont
trop stables pour avoir une bonne réversibilité électrochimique. Pour ce qui est des hydrures à
base de Ti, ils peuvent absorber entre 2 et 3 H/u.f ce qui correspond à des capacités
électrochimiques comprises entre 400 et 650 mAh/g. Cependant, dans la potasse, les
composés AB2 souffrent d’une activation lente et de la corrosion. Les composés
intermétalliques AB peuvent également absorber entre 2 et 3 H/u.f. Dans les années 70, les
capacités d’absorption électrochimique de TiNi [Justi 70] et de TiFe [Reilly 74] ont été
rapportées. Parmi ces composés, seul le composé TiNi présente une activité électrochimique
intéressante [Gutjahr 74]. Les composés de type TiNi et leurs hydrures faisant l’objet de ce
travail, leurs propriétés thermodynamiques, structurales et électrochimiques seront détaillées
dans les paragraphes suivants.
Parmi les composés intermétalliques appartenant à la famille A2B, le système
magnésium nickel présente des propriétés d’absorption réversible de l’hydrogène
intéressantes. Reilly et al. font état des propriétés d’hydrogénation de Mg2Ni à la fin des
années 60 [Reilly 68]. Ce composé réagit avec l’hydrogène pour former Mg2NiH4.
Cependant, l’hydrure formé est très stable avec une pression de plateau d’environ 2 bar à
548 K et la cinétique de réaction est lente pour des températures inférieures à 440 K. La
capacité électrochimique de Mg2Ni est très faible à la température ambiante (8 mAh/g). Sous
forme nanocristalline les propriétés électrochimiques de Mg2Ni sont plus intéressantes et la
capacité déchargée atteint 270 mAh/g [Lenain 98]. Ces composés ont une courte durée de vie
à cause de la corrosion du magnésium qui dans la potasse forme Mg(OH)2. Le revêtement
chimique ou électrochimique des particules par Ni-P [Luo 98] ou Ni [Chen 98] permet
d’améliorer la tenue en cyclage de ce composé.
3.
Le système binaire Ti-Ni
3.1.
Diagramme de phases du système Ti-Ni
Le diagramme de phases du système Ti-Ni dans le domaine de température compris
entre 600 et 1800° C est montrée figure I.5. Il met en évidence six phases :
-
les solutions solides, hexagonale compacte αTi et cubique centrée βTi
-
la phase Ti2Ni de structure cubique à faces centrées
18
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
-
la phase TiNi de structure cubique centrée
-
la phase TiNi3 de structure hexagonale
-
et la solution solide, cubique à faces centrées Ni
Figure I.5 : Diagramme de phases du système Ni-Ti [Murray 87].
La partie centrale du diagramme de phases du système Ti-Ni a été controversée jusque
dans les années 1980. Aujourd’hui, les limites d’existence de la phase TiNi sont bien établies.
A haute température, l’écart à la stoechiométrie de la phase TiNi du côté riche en titane est
très faible (≤ 0,5% atomique à 984°C). Du côté riche en nickel, le domaine d’existence
s’élargit de 7% atomique à 1118°C. Cet écart diminue rapidement avec la température.
Aucune trempe n’est nécessaire pour éviter la décomposition du composé intermétallique
Ti50Ni50 en d’autres phases aux températures intermédiaires. La possibilité d’une
décomposition eutectoïde du TiNi en Ti2Ni+TiNi3 à 630°C indiquée en pointillé sur la figure
I.5 a donc été abandonnée depuis. En allant vers la température ambiante, il n’y a pas de
région d’homogénéité de la phase TiNi, ce qui implique qu’un léger écart de la composition
équiatomique induit soit des précipités de type Ti2Ni (pour Ti > 50% at.) soit des précipités de
TiNi3 (pour Ti < 50% at.) [Tang 99, Otsuka 05]. Très proche de la température ambiante, la
19
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
phase TiNi subit un changement de symétrie. Lors du refroidissement, la phase TiNi passe
d’une symétrie cubique à une symétrie monoclinique à 50 ± 20°C. Le polymorphisme de la
phase TiNi sera détaillée dans la section suivante.
3.2.
Le
composé
TiNi :
un
composé
aux
propriétés
remarquables [Patoor 90, Gotthardt 01]
Le composé intermétallique TiNi est aujourd’hui utilisé dans de nombreuses
applications industrielles. Il est d’abord connu pour ses propriétés d’alliage à mémoire de
forme (AMF) associées à son polymorphisme proche de la température ambiante. En général
dans les matériaux métalliques, on distingue trois mécanismes de déformation : l’élasticité, la
dilatation thermique et la plasticité. L’élasticité correspond à des déformations réversibles et
faibles, proportionnelles au chargement appliqué. La dilatation thermique correspond à une
augmentation des dimensions du matériau quand la température augmente. Enfin, la plasticité
correspond à des déformations importantes irréversibles contrairement aux deux autres
mécanismes. Quand un alliage est soumis à une sollicitation mécanique supérieure à sa limite
d’élasticité, il se déforme et cette déformation persiste après l’arrêt de la contrainte. Quelques
alliages ne suivent pas ce comportement. Déformés de façon apparemment plastique à basse
température, ils peuvent subir une déformation de quelques pourcents et récupérer leur forme
initiale par une transformation de phase par simple chauffage au dessus d’une température
critique appelée température de transformation réversible. Les alliages qui ont un tel
comportement sont appelés alliages à mémoire de forme. Cette propriété a été découverte
dans différentes familles de matériaux comme les systèmes Au-Cd [Chang 51], Cu-Zn
[Hornbogen 56] et en l’occurrence TiNi [Buehler 63]. Ce composé est aussi connu sous le
nom de Nitinol car il a été découvert par le Naval Ordonnance Laboratory (NOL, Etats-Unis).
L’effet mémoire de forme observé dans les composés comme le TiNi s’explique par
une transformation de phase martensitique qui se produit à l’état solide et sans diffusion
atomique. Le composé TiNi est polymorphique : en refroidissant, la phase mère de symétrie
cubique, stable à haute température, appelée austénite, se transforme en une phase de symétrie
plus basse, stable à basse température, appelée martensite. Les termes austénite et martensite
sont empruntés à la métallurgie des aciers où plus précisément la martensite est obtenue après
une trempe de la phase haute température nommée austénite.
20
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
Les propriétés thermomécaniques de ce composé en font un matériau dont les
applications sont nombreuses dans le domaine biomédical. En effet, le composé TiNi présente
une bonne résistance à la corrosion. Une couche mince d’oxyde de titane (majoritairement du
TiO2 de basse cristallinité) qui se forme après une exposition à l’air agit comme une couche
de passivation. Cette couche permet la biocompatibilité car elle limite la dispersion du nickel
(élément toxique) dans l’organisme. La biocompatibilité d’un matériau doit tenir compte des
effets du matériau sur le milieu et des effets du milieu sur le matériau [Shabalovskaya 02].
Enfin, ce composé est aussi connu pour ses propriétés d’absorption de l’hydrogène
que nous détaillerons par la suite.
3.3.
La transformation martensitique [Patoor 90, Guénin
96, Otsuka 98, Gotthardt 01]
3.3.1.
Définition et caractéristiques générales
La transformation martensitique correspond à un changement de phase à l’état solide
qui entraîne une déformation inélastique du réseau cristallin. Cette déformation est due à un
déplacement collectif et coopératif des atomes sur des distances faibles par rapport aux
paramètres de maille du réseau cristallin. Il n’y a pas de diffusion atomique et pas de
changement de la composition chimique entre les deux phases. On dit aussi qu’il s’agit d’une
transformation displacive.
La transformation martensitique se déroule par nucléation (germination) et croissance.
Pour un état d’avancement de la transformation donné, il y a coexistence des deux phases
(transformation de premier ordre) : la nouvelle phase martensitique et la phase mère
austénitique. Lors de la transformation de phase, un élément de volume subit une déformation
définie par une faible variation de volume et un cisaillement important selon un plan et une
direction déterminée. Cette déformation est la conséquence d’une transformation du réseau
cristallin (déformation de Bain) et d’une transformation à réseau invariant (glissement ou
introduction de macles) (figure I.6). Ces deux transformations introduisent des défauts
cristallins dans la martensite (macles, fautes d’empilement, dislocations…)
21
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
déformation par
glissement
réseau de la
phase mère avant
transformation
création d’un plan
d’habitat par
rotation rigide
déformation
du réseau
déformation par
introduction de macles
A
M
Figure I.6 : Décomposition de la déformation totale en transformation du réseau cristallin et
transformation à réseau invariant (A : austénite, M : martensite) [Gotthardt 01].
Afin de minimiser l’énergie d’interaction entre la martensite formée et la phase mère
(austénite) encore présente, les zones composées de martensite ont souvent la forme de
plaquettes aplaties dont l’interface est appelée plan d’accolement ou plan d’habitat (figure
I.6). Ce plan de cisaillement de la martensite est invariant en dimension et en orientation.
Dans un monocristal de phase mère en cours de transformation, de nombreux plans d’habitats
peuvent coexister. L’ensemble des plaquettes ayant même plan d’habitat et même direction de
cisaillement est appelé variante de la martensite.
3.3.2.
Thermodynamique de la transformation martensitique
Quelques définitions de termes utilisés par la suite sont données ci-dessous :
Ms (martensite start) : température à laquelle l’austénite commence à se transformer en
martensite au cours du refroidissement.
Mf (martensite finish) : température à laquelle la transformation austénite en martensite se
termine.
22
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
As (austenite start) : température à laquelle la transformation martensite en austénite
commence au cours du chauffage.
Af (austenite finish) : température à laquelle se termine la transformation martensite en
austénite.
La force motrice pour l’apparition d’une nouvelle phase est la diminution de l’énergie
libre de Gibbs G du système. La figure I.7a montre l’énergie libre en fonction de la
température pour la martensite et l’austénite. L’énergie de la transformation, dans le cas d’un
monocristal, s’écrit : ∆G A→ M = G M − G A , avec GA l’énergie libre de l’austénite et GM
l’énergie libre de la martensite. A To, les énergies de la phase martensitique GM et celle de la
phase austénitique GA sont égales. Quand T > To, ∆G A→ M est positive, la phase austénitique
est donc stable. En revanche quand T < To, ∆G A→ M est négative, c’est la phase martensitique
qui est alors stable. La transformation martensitique ne commence pas à To mais débute à une
température plus basse Ms par nucléation et croissance de la martensite dans la phase mère.
Cette diminution de la température permet la propagation des interfaces des phases
mère/martensite et favorise la progression de la transformation. Cette dernière s’achève à la
température Mf. Inversement, lors du réchauffement, la transformation de la martensite en
austénite commence à la température As > T0 et se termine à A f .
fraction volumique
transformée
G
GA
G
M
chauffage
100%
Ms
hystérésis
Mf
As
0%
∆
Af
T0
T
Mf
(a)
Ms As
Af
(b)
Figure I.7 : (a) Energie libre G en fonction de la température des phases austénitique et martensitique
[Gotthardt 01] ; (b) Evolution de la fraction volumique de martensite au refroidissement et au
chauffage, ∆ = Ms-Mf correspond à l’étalement en température [Gotthardt 01].
23
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
La différence (Ms - Mf) s’appelle l’étalement en température de la transformation. La
courbe représentant l’évolution de la fraction volumique de la martensite en fonction de la
température met en évidence une hystérésis en température (figure I.7b). Cet effet d’hystérésis
est dû à la présence d’un terme irréversible dans l’expression de l’énergie libre de Gibbs qui
correspond à une dissipation d’énergie mécanique (chaleur dissipée due à des frottements à
l’intérieur du solide).
Pour le composé TiNi, l’hystérésis est faible (~ 30 K), comparée à d’autres familles
d’alliages à mémoire de forme à base de fer par exemple (> 100 K), et la croissance de la
martensite est progressive lors du refroidissement : l’arrêt de celui-ci stoppera la
transformation et la croissance des plaquettes, inversement si le refroidissement reprend la
croissance se poursuivra. Par conséquent, la variation de la température dans un sens ou dans
l’autre dans l’intervalle [Ms, Mf] entraîne un déplacement des interfaces martensite/phase
mère dans un sens ou dans l’autre de façon réversible : c’est une transformation
thermoélastique.
3.4.
Les structures cristallographiques
Le composé intermétallique TiNi est polymorphique : à haute température, il se
présente sous forme d’austénite de structure cubique qui en refroidissant se transforme en une
phase martensite de structure monoclinique. Les composés TiNi riches en Ti
(Ti > 50% atomique) passent directement de la phase mère austénite à la phase martensite
monoclinique lors du refroidissement [Lin 94, Wade 90]. En revanche, dans les composés
surstoechiométriques
en
Ni,
la
transformation
martensitique
est
précédée
d’une
transformation de phase intermédiaire appelée phase R. Notre étude s’est focalisée sur des
composés de type TiNi riches en titane ((Ti,Zr) = 51% at.) afin de mieux contrôler la
température de la transformation martensitique (voir paragraphe 3.5). De ce fait, la phase R ne
doit pas apparaître pendant la transformation. En revanche, la présence d’une phase
secondaire de type Ti2Ni est attendue.
24
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
3.4.1.
L’austénite
La phase haute température du composé TiNi (austénite) a une structure cubique
−
Pm 3 m de type CsCl et de paramètre de maille a = 3.015 Å [Purdy 61]. Dans cette structure,
le nickel se place en position de Wyckoff 1a (0,0,0) et le titane en 1b (1/2,1/2,1/2). Cette
structure ordonnée est aussi dénotée B2 (notation strukturbericht).
Ni
Ti
Figure I.8 : Structure cristallographique du TiNi sous forme austénitique.
3.4.2.
La martensite
La martensite est la phase stable à la température ambiante dans le composé TiNi. Elle
possède une structure monoclinique P 21 / m . Les paramètres de maille de cette phase sont
a = 2.898 Å, b = 4.108 Å, c = 4.646 Å et β = 97.78 ° [Kudoh 85]. Les atomes de Ni et de Ti se
placent en position 2e (x, ¼, z) avec xTi = 0,0372, zTi = 0,6752 et xNi = 0,4176, zNi = 0,2164.
Cette phase est aussi dénotée B19’.
Ni
Ti
Figure I.9 : Structure cristallographique du TiNi sous forme martensitique
(Par souci de représentation l’origine de la structure a été déplacée sur la position de
l’atome de Ni par rapport aux coordonnés données dans le texte).
25
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
3.4.3.
La phase Ti2Ni
La phase Ti2Ni possède une structure cubique à faces centrées (groupe d’espace
−
Fd 3 m ) avec un paramètre de maille a = 11,319 Å [Mueller 63, Takeshita 00, Nishida 87].
Les positions des atomes sont indiquées dans le tableau I.1 :
Figure I.10 : Structure cristallographique de Ti2Ni [Mueller 63].
Ni
Ti (48f)
Ti (16c)
phases
Ti2Ni
atomes
Wyckoff
x
y
z
Ti
48f
0.311
0
0
Ni
32e
0.912
0.912
0.912
Ti
16c
1/8
1/8
1/8
Tableau I.1 : Positions atomiques dans Ti2Ni [Mueller 63].
3.5.
Effet de la stoechiométrie du TiNi sur la température
de transformation martensitique
La figure I.11 montre la dépendance de la température de la transformation
martensitique avec la stoechiométrie autour du composé équiatomique TiNi [Murray 87].
26
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
Pour la composition équiatomique, la température de transformation martensitique Ms est de
50 ± 20°C.
Ni (% poids)
Ni (% at.)
Figure I.11 : Evolution de la température Ms autour du composé équiatomique TiNi en
fonction de la composition atomique en Ni [Murray 87].
Pour les composés riches en Ti, Ms ne dépend pas de la composition. Cette absence
d’évolution s’explique par la faible solubilité de Ti dans TiNi qui se traduit par la
précipitation de la phase secondaire Ti2Ni (figure I.5). La phase Ti2Ni ne modifie pas la
température Ms. En revanche, pour des composés surstoechiométriques en Ni, la température
Ms diminue d’environ 100°C pour un pourcentage de Ni variant entre 50 et 51% at. A haute
température, les composés TiNi riches en Ni sont monophasés (figure I.5), et selon la
composition ils se transforment en martensite à des températures différentes. Cette variation
de la température de la transformation martensitique explique notre choix d’élaborer des
composés riches en titane afin que des écarts involontaires du rapport A/B ne modifie pas la
température Ms.
3.6.
Effet des éléments de substitution
Il a été montré dans le paragraphe précédent que la température de transformation
martensitique Ms est très sensible à la composition. Des éléments de substitution sur le sous
réseau du Ti ou du Ni peuvent aussi modifier les caractéristiques de la transformation
27
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
martensitique, dont entre autres la température de transformation. La configuration
électronique est un critère de substitution d’un élément dans le composé TiNi. Ainsi Zr et Hf,
qui ont une structure 4d2 sur leur couche externe, substituent Ti qui se trouve dans la même
colonne du tableau périodique que ces deux éléments. De même, Fe et Co qui sont proches de
Ni dans la classification substituent cet élément. Cependant, certains éléments de substitution
comme Mn ou Cu peuvent aussi bien remplacer le Ti que le Ni [Eckelmeyer 76, Mueller 95,
Otsuka 05].
Les éléments de substitution ont une influence sur la température Ms et/ou sur le
déroulement de la transformation martensitique. La plupart des éléments de substitution
diminuent la température de transformation martensitique Ms. Les éléments de substitution
Al, V, Co, Mn et Fe substituant le nickel en sont des exemples [Eckelmeyer 76, Mueller 95].
En revanche, certains éléments comme Au, Pt et Pd substituant Ni ou Zr et Hf substituant Ti
augmentent au contraire la température Ms [Eckelmeyer 76, Mueller 95, Hsieh 98a; Potapov
97; Cesari 99]. L’ajout de Zr ou de Hf pour augmenter les températures de transformation
martensitique est préféré aux métaux nobles car ils sont moins chers et ils permettent
d’utiliser les propriétés d’alliage à mémoire de forme à plus haute température. Pour le
moment, l’origine de l’augmentation ou la diminution de la température de transformation
martensitique par des éléments de substitution n’a pas encore été expliquée.
Hsieh et al. [Hsieh 98a, Hsieh 98b, Hsieh 98c] ainsi que Mulder [Mulder 95] ont
montré par calorimétrie différentielle à balayage (DSC) que la transformation martensitique
(austénite martensite) se fait sans étape intermédiaire dans les composés (Ti,Zr)Ni riches
en Ti (c'est-à-dire pour Ti > 50% atomique). Les mêmes auteurs observent de plus que la
température de transformation martensitique augmente linéairement avec la teneur en
zirconium : par exemple pour les composés Ti1, 03− x Zrx Ni0,97 et Ti1,01− x Zrx Ni0,99 pour une
substitution de x = 0,1 la température de transformation martensitique est de 50-70°C et passe
pour une substitution de x = 0,4 à environ 260 - 300°C.
La substitution du Fe sur le site du Ni a la particularité d’induire aussi une séquence
supplémentaire dans la transformation martensitique faisant intervenir la phase R citée
paragraphe 3.4.
28
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
4.
Les composés pseudo binaires (Ti , Zr)Ni
4.1.
Phases observées dans les composés (Ti,Zr)Ni riches en
titane
Relativement peu d’études ont été faites sur les composés (Ti,Zr)Ni riches en titane.
La plupart des travaux ont été réalisés par Hsieh et Wu [Hsieh 98a; Hsieh 98b, Hsieh 98c;
Wu 00]. Ces auteurs ont pu mettre en évidence trois phases dans le composé Ti1,06− x Zrx Ni0,94
(0,1 ≤ x ≤ 0,4) recuit à 900 °C pendant 72 h pour x ≥ 0,1 [Hsieh 98a]. Outre la matrice
(Ti,Zr)Ni, ils ont identifié la phase (Ti,Zr)2Ni et des précipités correspondant à une phase
ternaire Ti-Zr-Ni, appelée λ1. Ces précipités ont un rapport (Ti+Zr)/Ni de 1,7. Or, d’après le
diagramme de phases Ti-Ni, il n’existe pas de phase Ti1,7Ni ni même de phase Zr1,7Ni dans le
diagramme de phase Zr-Ni. Cette phase λ1, de composition proche du rapport équiatomique
TiZrNi et dont la structure est de type MgZn2, est présente dans le diagramme de phases
ternaire Ti-Ni-Zr à 700 °C proposé par Eremenko [Villars 97]. Pour x = 0,1, ils constatent que
seules les phases (Ti,Zr)Ni et (Ti,Zr)2Ni sont présentes.
Dans les composés Ti1, 03− x Zrx Ni0,97 et Ti1,01− x Zrx Ni0,99 (avec 0 ≤ x ≤ 0,5), étudiés par les
mêmes auteurs et recuits à 950 °C pendant 72 h, ne coexistent que deux phases : la matrice
(Ti,Zr)Ni et des précipités de type (Ti,Zr)2Ni pour x ≤ 0,1 ou des précipités de type λ1 pour
x ≥ 0,3. La phase λ1 semble favorisée pour de fortes concentrations en Zr. Conformément à la
règle des segments inverses, ils trouvent que les précipités (Ti,Zr)2Ni sont plus nombreux
dans Ti1, 03− x Zrx Ni0,97 (env. 10%) que dans Ti1,01− x Zrx Ni0,99 (env. 4%).
4.2.
Structures cristallographiques des composés Ti 1 - x Zr x Ni
La structure cristallographique de la phase martensitique (Ti,Zr)Ni en fonction de la
teneur en Zr a été étudiée pour le composé intermétallique Ti1,01− x Zrx Ni0,99 (0,1 ≤ x ≤ 0,4)
[Hsieh 98b]. Les paramètres de maille a, c, β et le volume V augmentent alors que b diminue
quand la teneur en Zr croît. Hsieh et al. ont indiqué que pour x ≥ 0,3, la symétrie est modifiée
sans pour autant donner de détails supplémentaires.
29
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
L’étude de composés intermétalliques Ti1− x Zrx Ni avec x < 0,5 a montré que l’on
pouvait avoir la forme austénite et la forme martensite à la température ambiante selon la
vitesse de refroidissement lors de leur élaboration [Cuevas 02]. Cuevas et al. ont également
mis en évidence que la phase martensitique (Ti,Zr)Ni dans l’alliage Ti0,64 Zr0,36 Ni cristallise
dans le même groupe d’espace que le composé binaire TiNi [Cuevas 06]. Pour cette
composition, la substitution de Ti par Zr conduit à une augmentation du volume de 8,5% et
celle de l’angle β de 97,78 à 103,75° par rapport au binaire. L’expansion du volume de maille
s’explique par la différence des rayons atomiques entre les atomes Ti et Zr qui sont
respectivement de 1,47 Å et 1,60 Å.
Cuevas et al. ont montré que la substitution du Ti par Zr dans la phase austénitique des
composés Ti1-xZrxNi (x < 0,5) n’induit pas de changement de la structure. Le paramètre de
maille de la phase cubique augmente de façon linéaire entre 3,016 Å pour x = 0 et 3,104 Å
pour x = 0,48.
5.
Propriétés d’hydrogénation des composés TiNi et
Ti 1-x Zr x Ni
5.1.
Réaction solide-gaz
5.1.1.
Hydrogénation du composé TiNi
5.1.1.1.
Courbes PCT du TiNi austénitique
A l’air, la surface du composé intermétallique TiNi s’oxyde facilement. Un traitement
est donc nécessaire pour retirer cette couche qui empêche l’hydrogénation du composé. Les
courbes PCT de désorption de TiNi dans la phase austénite ont été mesurées par Burch et al.
[Burch 79]. Ils ont préalablement activé le composé intermétallique en le plaçant sous hautes
pressions d’hydrogène et hautes températures. L’allure des courbes PCT en désorption à
différentes températures dans le domaine de pression comprise entre 0,1 et 10 bar est donnée
figure I.12. Dans ce domaine de pression, il n’y a pas de plateau de pression, ce qui indique
que l’hydrogène est absorbé sous forme de solution solide. La capacité maximale est proche
de 1,4 atomes d’hydrogène par AB (H/AB ; A = Ti, B = Ni) à P = 10 bars et T = 52°C. A cette
30
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
température, les données PCT commencent vers une concentration de 1,2 H/AB. La pression
d’équilibre est très basse (P ≤ 0,1 bar) pour des concentrations inférieures à 1,2 H/AB.
Figure I.12 : Courbes PCT de désorption de l’hydrogène de TiNi austénitique à différentes
températures (en °C) [Burch 79].
5.1.1.2.
Structure cristalline de l’hydrure du TiNi austénite.
Des mesures par diffraction des rayons X et des neutrons montrent un changement de
la symétrie du composé après hydrogénation. L’hydrure formé pour des concentrations
supérieures à 1 H/AB a en fait une structure quadratique (figure I.13) et appartient au groupe
d’espace I4/mmm [Noréus 85, Soubeyroux 93]. Les paramètres de maille de cette structure
sont a = b = 6,2364(5) Å et c = 12,424(2) Å pour le composé TiNiD1.4. On constate une
expansion du volume de maille par unité formulaire de 10% par rapport au composé
intermétallique. Les atomes d’hydrogène occupent deux positions octaédriques différentes
(16n, 16l) avec un taux de remplissage partiel. Les positions atomiques des atomes sont
indiquées dans le tableau I.2.
31
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
Ti ;
Ni ; H1 ;
H2
Figure I.13 : Structure quadratique (I4/mmm ) de l’hydrure NiTiD1.4 [Soubeyroux 93].
Atome
Site
x
y
z
occupation
Ni
16m
0,2191(3)
0,2191
0,1402(3)
1
Ti
4e
0
0
0,269(1)
1
Ti
4d
0
1/2
1/4
1
Ti
4c
0
1/2
0
1
Ti
2b
0
0
1/2
1
Ti
2a
0
0
0
1
H1
16n
0
0,268(2)
0,6241(3)
0.89(1)
H2
16l
0,781(1)
0,75
0
0.51(1)
Tableau I.2 : Positions atomiques des atomes de Ti, Ni et H dans TiNiD1.4 [Soubeyroux 93].
5.1.1.3.
Hydrogénation du TiNi martensitique
Dans la littérature, peu d’études d’hydrogénation ont été faites sur la phase
martensitique. Or cette phase est attendue à la température ambiante. Cette absence
d’informations peut s’expliquer par une cinétique d’hydrogénation très lente à la température
ambiante [Schmidt 89] et par la possible transformation de la phase martensitique en hydrure
de structure austénitique après hydrogénation [Wade 90, Cuevas 02].
32
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
5.1.2.
Les hydrures du composé Ti1-xZrxNi
5.1.2.1.
L isotherme du composé Ti0,64Zr0,36Ni [Cuevas 03]
Cuevas et al. ont étudié les propriétés d’hydrogénation des composés Ti1-xZrxNi sous
formes martensitique et austénitique à 130°C. Ces auteurs ont préalablement décapé leurs
composés pendant 30s dans l’acide fluorhydrique afin de retirer la couche d’oxydation formée
à l’air. Ces auteurs relèvent une capacité d’absorption pour l’austénite de 1,5 H/AB
(A = Ti, Zr ; B = Ni) contre 2,5 H/AB pour la martensite (figure I.14) : la capacité
d’absorption de l’hydrogène est donc plus importante pour la phase martensitique.
austénite
10
phase β
PH2 (bar)
phase γ
martensite
1
phase β
Ti0,64Zr0,36Ni
0.1
0.0
0.5
1.0
1.5
H/AB
2.0
2.5
3.0
Figure I.14 : Courbes PCT à 130°C des composés martensitique et austénitique de type Ti0,64Zr0,36Ni.
Symboles pleins et évidés correspondent respectivement à l’absorption et à la désorption de
l’hydrogène [Cuevas 03].
De plus, la thermodynamique d’hydrogénation est différente pour chaque structure si
l’on se réfère aux courbes PCT (figure I.14). L’isotherme de l’austénite ne présente ni
d’hystérésis ni de plateau. Ce comportement est similaire à celui observé par Burch et al.
[Burch 79] pour TiNi austénite (figure I.12). En revanche pour la martensite, Cuevas et al.
observent un plateau s’étendant de 1 à 2,1 H/AB mettant ainsi en évidence l’existence de deux
hydrures (β et γ) de composition (Ti, Zr ) NiH 1 et (Ti, Zr ) NiH 2,1 .
33
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
5.1.2.2.
Structures cristallines des hydrures du composé Ti0,64Zr0,36Ni
[Cuevas 06]
Des mesures par diffraction des rayons X et des neutrons ont montré que
contrairement au composé binaire, le composé substitué Ti0,64Zr0,36Ni sous forme austénitique
conserve après hydrogénation la structure cubique de type CsCl pour le sous réseau
métallique. Les deux hydrures issus de la phase Ti0,64Zr0,36Ni martensitique ont quant à eux
une structure orthorhombique de type CrB pour le sous réseau métallique (groupe d’espace
Cmcm). Ces deux hydrures β et γ ont des paramètres et des volumes différents car ils n’ont
pas la même teneur en hydrogène (1 et 2,1 H/AB respectivement).
L’absorption d’hydrogène dans le réseau métallique entraîne une forte augmentation
de volume qui provoque de fortes contraintes mécaniques au sein du matériau. Ces contraintes
conduisent à la pulvérisation du matériau massif en poudre (phénomène aussi connu sous le
nom de décrépitation). L’expansion de volume pour les hydrures β et γ est respectivement de
5,3% et 18,3% par rapport au composé intermétallique. La différence notable de volume
observée lors du changement de phase (
∆Vβ →γ
Vβ
= 13% ) dans le composé Ti0,64Zr0,36Ni
martensitique explique que cette phase se pulvérise pendant l’hydrogénation. Par contre, dans
le composé Ti0,64Zr0,36Ni austénitique l’absorption d’hydrogène induit une augmentation de
volume de 10,4% sous forme de solution solide et conduit seulement à une fragilisation du
composé.
5.1.3.
Les hydrures de la phase Ti2Ni
La phase Ti2Ni précipite dans les composés TiNi riches en Ti (figure I.5). Cette phase
peut absorber jusqu’à 2,5 H/AB à 150°C sous 1 bar [Buchner 72]. Quatre hydrures ont été
répertoriés par Gutjarh et al. : Ti2NiH0.5, Ti2NiH, Ti2NiH2 et Ti2NiH2.5. Ces hydrures sont de
−
symétrie cubique ( Fd 3 m ). Leurs paramètres de maille sont rassemblés dans le tableau I.3
[Gutjahr 73].
34
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
Phases
Paramètres de maille (Å)
Ti2NiH0.5
11.50
Ti2NiH
11.60
Ti2NiH2
11.80
Ti2NiH2.5
11.90
Tableau I.3 : Hydrures du composé Ti2Ni et leurs paramètres de maille.
5.2.
Réaction électrochimique
5.2.1.
Activation et durée de vie de l’électrode négative
5.2.1.1.
Définition
Une courbe typique de cyclage électrochimique d’un composé intermétallique lors de
son fonctionnement dans une batterie NiMH est constituée de deux zones :
une période d’activation où la capacité augmente jusqu’à sa valeur maximale.
une zone de dégradation où la capacité déchargée décroît.
La période d’activation correspond à l’élimination d’une couche superficielle formée
par des oxydes. Ces oxydes, qui se forment lors de la préparation des électrodes à l’air, sont
de nature passivant : ils empêchent le transfert de l’hydrogène dans l’interface
électrode/électrolyte. Des traitements de surface peuvent néanmoins aider à éliminer ces
oxydes et par conséquent réduire la période d’activation. Des prétraitements ont été proposés
notamment pour les composés à base de Zr de type Zr(V1-xNix)2. L’utilisation d’une solution
de KOH 6M à 25°C pendant 5 jours permet l’élimination de la couche d’oxyde de Zr dense et
imperméable à l’hydrogène [Wakao 94, Züttel 94].
La diminution de la capacité est à relier à des processus de dégradation qui s’opèrent
lors du cyclage électrochimique dans l’électrode négative contenant la masse active : on parle
également de durée de vie en cyclage de l’électrode. La durée de vie dépend de la stabilité
chimique et mécanique de l’électrode au cours du cyclage. Plusieurs causes peuvent être à
l’origine de cette dégradation :
35
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
- la perte de matière active, soit par oxydation du composé intermétallique en contact avec
l’électrolyte alcalin de forte concentration (corrosion calendaire) soit par amorphisation du
composé intermétallique.
- la formation d’une barrière superficielle (passivation) qui empêche le transfert de charge
entre la matière active et l’électrolyte.
- la perte de contact électrique entre la matière active et le collecteur de courant, due à la
pulvérisation du composé intermétallique sous l’effet du cyclage.
5.2.1.2.
Comportement électrochimique des composés TiNi et (Ti,Zr)Ni
Depuis que Justi et al. se sont intéressés au stockage électrochimique réversible du
composé intermétallique TiNi dans les années 70, beaucoup de travaux ont été menés sur les
propriétés de ce composé et plus particulièrement sur la phase austénitique du TiNi. Dans les
électrodes biphasées TiNi-Ti2Ni, Justi et al. trouvent par extrapolation une capacité
électrochimique de 245 mAh/g pour le composé TiNi et une capacité de 260 mAh/g pour le
composé Ti2Ni [Justi 70]. Plus tard, Gutjahr et al. mesurent une capacité de 250 mAh/g pour
TiNi ce qui confirme la valeur extrapolée trouvée par Justi et al.. Par contre, pour le composé
Ti2Ni, ils mesurent une capacité de seulement 170 mAh/g [Gutjahr 73]. Néanmoins, la
présence de cette phase secondaire Ti2Ni -qui précipite dans les composés TiNi riches en Tipermet d’augmenter la capacité des électrodes biphasées par rapport à celle du composé TiNi.
En effet, Ti2Ni absorbe par réaction solide-gaz jusqu’à 2,5 H/u.f ce qui correspond à une
capacité équivalente Csg = 430 mAh/g. Des électrodes TiNi-Ti2Ni avec 30% en poids de TiNi
ont conduit à une capacité déchargée d’environ 300 mAh/g [Gutjahr 74]. Gutjahr et al.
expliquent ce comportement comme un transfert de l’hydrogène du Ti2NiHx vers la phase
TiNi, cette dernière servant de porte pour la décharge de l’hydrogène. Justi et al. observent
cependant que les électrodes riches en phase secondaire Ti2Ni ont une durée de vie limitée
(50% de perte de capacité en 60 cycles) due à la corrosion de la phase Ti2Ni [Justi 70].
Wakao et al. rapportent que la durée de vie et la capacité de décharge des composés
intermétalliques TiNi peuvent être augmentées par substitution du titane par le zirconium
[Wakao 84, Wakao 87]. Cependant, ces résultats ne sont pas accompagnés d’une étude
métallurgique des électrodes qui puisse expliquer les améliorations observées. Cuevas et al.
36
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
ont pu relever une capacité de décharge de 329 mAh/g pour la phase martensitique de
Ti0,64Zr0.36Ni (figure I.15) [Cuevas 03].
Régime de décharge: C/10 1.4
Potentiel de coupe: -0.7 V
300
1.2
250
martensite
1.0
200
0.8
150
0.6
austénite
100
50
∆ x (H/u.f.)
Capacité de décharge (mAh/g)
350
0.4
0.2
0
0.0
0
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110
nombre de cycles
Figure I.15 : Capacités de décharge des phases martensite et austénite du composé Ti0,64Zr0,36Ni dans
KOH 7,8M [Cuevas 03].
Cette augmentation de capacité a été attribuée à la présence de la martensite qui est
stabilisée lors de la substitution du Ti par Zr et dont la capacité de stockage est plus
importante que pour la phase austénitique conformément aux courbes PCT (voir figure I.14).
Cependant, la capacité de décharge pour la martensite Ti0,64Zr0,36Ni diminue rapidement de
près de 76% en seulement 32 cycles comme le montre la figure I.15. En revanche, pour
l’austénite Ti0,64Zr0,36Ni la capacité déchargée reste stable sur plus de 100 cycles.
Malheureusement, la capacité mesurée est bien trop faible (80 mAh/g) pour être utilisée
comme électrode négative dans les accumulateurs NiMH. La capacité électrochimique
mesurée pour ce composé est faible par rapport à celle de Gutjahr et al. [Gutjahr 74] ou Justi
et al. (230-250 mAh/g). Cette différence peut s’expliquer par le régime de charge/décharge
appliqué aux électrodes qui serait plus lent dans le cas de ces auteurs (régime C/50 [Justi 70]).
Une étude par microscopie électronique à balayage des électrodes à la fin de cyclage
révèle une nette différence de morphologie entre les deux phases. Effectivement,
l’hydrogénation de la martensite conduit à la pulvérisation de cette phase alors que l’austénite
ne subit pas de modification morphologique pendant le cyclage électrochimique (figure I.16).
Bien que ces analyses soient fortement intéressantes elles ne sont pas concluantes. L’origine
et le mécanisme de cette dégradation reste à établir, ce qui est un des principaux objectifs de
cette thèse.
37
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
austénite
martensite
AVANT
20 µm
APRES
113 cycles
32 cycles
Figure I.16 : Comparaison de la morphologie des poudres entre l’austénite et la martensite dans
Ti0,64Zr0,36Ni avant et après cyclage électrochimique [Cuevas 03].
6.
Réactivité du composé TiNi en milieu oxydant
6.1.
Oxydation sous air et sous oxygène
Les propriétés thermomécaniques et la bonne résistance à la corrosion du TiNi sont à
l’origine de son utilisation dans le domaine médical. La majorité des observations sur la
réactivité du TiNi en milieu oxydant ont donc été faites en vue d’une application médicale
[Filip 01, O’Brien 02, Shabalovskaya 02, Potapov 04, Schevchenko 04, Potapov 07]. Les
études sur l’oxydation des composés intermétalliques à l’air ou sous atmosphère d’oxygène
indiquent la formation d’une couche superficielle essentiellement composée de TiO2 rutile
[Chan 90, Firstov 02, Barison 04, Potapov 07]. La formation préférentielle d’un oxyde de
titane s’explique par la thermodynamique, l’enthalpie libre pour les oxydes de titane étant
largement plus négatif que celle des oxydes de nickel : à 298 K, ∆Gf(TiO2) = -889,5 kJ/mol et
∆Gf(NiO) = -211,7 kJ/mol [Chan 90, Philibert 98, Barison 04].
La nature de la couche superficielle dépend fortement de la température de réaction.
Sous air et à la température ambiante, Chan et al. trouvent par spectroscopie de photons X
(XPS) les espèces TiOx, TiO2, NiO et du Ni sous forme métallique à la surface du composé
[Chan 90]. Potapov et al. trouvent par microscopie électronique à transmission qu’un
enrichissement de la surface en titane est effectivement observé sous forme de TiO ou TiO2 et
que cette couche contient en plus environ 5% atomique en Ni. Concernant ce dernier élément,
Potapov et al. n’arrivent pas à conclure si il s’agit de Ni métallique ou d’oxydes [Potapov 07].
38
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
La couche de TiO ou TiO2 s’est formée rapidement et atteint une épaisseur d’une dizaine de
nanomètres. Sous cette couche une zone riche en nickel d’une épaisseur comparable (10 à 15
nm) est détectée. D’autres auteurs ont observé que la couche superficielle est d’environ de 3 à
4 nm [Filip 01]. Ils affirment qu’il s’agit d’une couche de passivation puisque elle reste stable
dans des implants qui ont séjourné dans l’organisme 12 mois et empêche la corrosion dans
leur sous-surface [Filip 01]. La bonne résistance à la corrosion a été reliée à la formation du
film passif d’oxyde de titane.
Les études à haute température sur l’oxydation du composé TiNi à l’air ou sous
atmosphère d’oxygène indiquent la formation d’oxydes d’épaisseur et de composition
différentes en fonction de la température. Barison et al. ont montré que l’oxydation sous air à
450°C conduit à la formation d’une couche de TiO2 d’épaisseur croissante avec le temps : elle
suit une relation parabolique avec le temps et atteint, par exemple, 80 nm après 16 h de
traitement [Barison 04]. Entre cette couche et la matrice, ces auteurs observent une région
enrichie en nickel. De plus, ils observent la ségrégation d’oxydes de nickel (formation
possible de NiO ou Ni2O3) à l’extrême surface du composé. A 450-550°C sous atmosphère
d’oxygène, Venkert et al. ont mis en évidence par microscopie électronique en transmission
TiO2 (rutile), NiO, NiTiO3, Ti2NiOx ainsi que des clusters de nickel [Venkert 84]. Chan et al.
[Chan 90] ont identifié quant à eux les espèces TiO2 et un mélange de TiO2 et NiO pour une
température de 450°C à l’air. A 700-1000°C, Chuprina et al. ont montré que, sous atmosphère
d’oxygène, il se forme en surface une couche de TiO2 et NiTiO3 [Chuprina 02]. Selon ces
auteurs, l’oxydation du TiNi conduit à la formation des phases TiNi3 et Ti4Ni2O entre la
matrice et la couche en surface. L’oxydation de ces deux phases conduit ensuite à la
formation d’une solution solide de Ni (puis de NiO) et à la formation d’oxydes de titane (TiO
et Ti2O3). A 1000°C, Chu et al. ont constaté que la couche externe est composée de TiO2
rutile, d’une couche intermédiaire poreuse constituée d’un mélange TiO2 et Ni et d’une fine
couche de TiNi3.
Firstov et al. ont montré que pour la couche de TiO2 des différences de morphologie
sont observés en fonction de la température [Firstov 02]. A 300°C les auteurs observent que la
couche la plus externe composée de TiO2 et de NiTiO3 est uniforme, protectrice et ne présente
pas de nickel. Par contre, à 800°C, la couche TiO2 (rutile) devient poreuse et contient
quelques pourcents de Ni. La présence de la phase Ni3Ti est détectée dans la couche
appauvrie en titane.
39
Chapitre I : Présentation de l’étude et rappels bibliographiques
6.2.
Réactivité électrochimique dans KOH
Dans les électrodes biphasées TiNi-Ti2Ni, Justi et al. observent une diminution de la
capacité déchargée de près de 50% en seulement 60 cycles pour les électrodes riches en phase
Ti2Ni avec formation de TiO, contre une diminution de seulement 50% au bout de 300 cycles
pour les électrodes riches en TiNi [Justi 70]. Cette différence peut s’expliquer en partie par
l’oxydation préférentielle de la phase Ti2Ni. Justi et al. ont en effet observé pour des
électrodes de composition globale Ti57Ni43 que les grains de TiNi ne subissent pas de
modification morphologique après le cyclage contrairement aux précipités de Ti2Ni. Par
microscopie électronique, ils ont par ailleurs mis en évidence que les grains de TiNi sont
enrichis en nickel alors que les précipités de Ti2Ni sont appauvris en nickel.
Luan et al. avancent que la perte de capacité observée dans les composés Ti2Ni
s’expliquent lors du cyclage par la formation et l’accumulation de l’hydrure Ti2NiH0.5 [Luan
95]. Selon eux, cette phase qui se forme dès le premier cycle de charge, ne désorbe pas
l’hydrogène lors de la décharge : elle ne contribue alors pas à la capacité de décharge. Ces
résultats indiquent que non seulement l’hydrure Ti2NiH0.5 ne peut être chargé et déchargé de
manière réversible mais aussi qu’il s’accumule à la surface de l’électrode. Après plusieurs
cycles de charge/décharge, il semble que la perte de capacité s’explique en plus par
l’oxydation de Ti2Ni qui forme (Ti2Ni)2O.
40