mémoire d`un opéré du rein
Transcription
mémoire d`un opéré du rein
MÉMOIRE D’UN OPÉRÉ DU REIN Ceci est un texte racontant mon expérience d’ « opéré du rein ». Il a été écrit pour que tout futur patient ayant à faire face à une intervention chirurgicale puisse s’imprégner de la situation et repousser les peurs qui se collent à nous lorsque nous avons à vivre de tels événements une première fois. Se dire que ce n’est pas si pire que ça et que nous voguons dans un univers peuplé de travailleurs merveilleux de professionnalisme et de compassion est tout à fait vrai. Je remercie très sincèrement ces hommes et femmes du milieu hospitalier de Rimouski (QC) qui se sont occupés de moi lorsque j’étais dans un état de vulnérabilité et de dépendance. Je les incite à lire le texte pour bien comprendre l’état d’esprit du patient. Espérons que j’aurai apporté une petite part à ces grands et permanents défis qu’ils ont à relever. Yvan Chouinard, mars 2013 (418) 723-2444 [email protected] Version électronique du document : www.conceptformula.com/ftp/Nephrectomie.pdf Tous droits réservés. Reproduction non commerciale permise Mémoire d’un opéré du rein 2 1- L’intervention chirurgicale « Monsieur Chouinard! Monsieur Chouinard !!! » . Je m’ouvre les yeux m’imaginant encore en cours de préparation dans la salle d’opération numéro 6 du Centre hospitalier régional de Rimouski (CHRR). Mais non. C’est déjà terminé. Même que, il semble que mon lit roule et que je vois à mes pieds, Gisèle. Je lui souris et je la rassure. « Je suis tout là ». Nous sommes mercredi 6 février 2013. C’est le jour fatidique. Néphrectomie partielle du rein gauche terminée. À l’automne 2012, suite à une visite chez mon médecin de famille, il avait été convenu de faire voir par échographie le kyste que j’ai sur le rein gauche. Il me semblait avoir un « poing » dans le dos durant la nuit. Ce kyste de 10 cm, ponctionné en 2004 de 550 cc de liquide, avait été traité pour être nécrosé en utilisant la méthode de l’Université de Sherbrooke. Le tout s’était bien déroulé mais au fil des ans, le kyste avait regonflé à environ 2,5 cm. Normalement, on ne touche pas aux kystes rénaux sauf s’ils sont gros ou avec des anomalies. Passé le cap de la cinquantaine, la plupart des gens possèdent des kystes rénaux sans même s’en douter. Suite à l’écho, un taco est requis dont le résultat laisse entrevoir un épaississement de la paroi du kyste jusqu’au niveau T2. Il faut voir un urologue. Le rendez-vous se prend assez rapidement et le verdict tombe. Il y a 95% de chance que le kyste soit cancéreux. Cela ébranle un peu parce que, chez-nous, le cancer c’est pour les autres. Dans la famille proche, il n’y en a pas. En plus, il y a un petit hic, mon rein gauche est un rein « miroir ». C’est comme si deux reins sont soudés en un seul. Trois choix s’offrent à moi : 1- On laisse faire tout en surveillant s’il y aura évolution de l’épaississement. 2- On ponctionne pour analyse de la paroi du kyste avec le danger de laisser échapper des cellules cancéreuses qui pourraient infecter les tissus environnants. 3- On enlève le kyste et une partie du rein. Le problème de cette option est qu’un rein miroir possède une vascularisation à risque lors d’une intervention. En effet, il y a un danger d’hémorragie. Le jeune chirurgien, le Dr Lebel, hésite beaucoup à se lancer dans l’entreprise. Il en parlera avec le Dr Desjardins, plus expérimenté. Pas de laparoscopie réalisable sécuritairement en vue. « On se revoit dans quelques semaines pour une décision ». Bon… Analyser l’affaire, en discuter, chercher sur l’Internet. Je ne sais pas trop, c’est une situation nouvelle pour moi. Comment y faire face? Dans mon fort intérieur, cela ne m’émeut pas tant que ça. J’ai l’impression qu’il n’y aurait que le kyste qui serait possiblement cancéreux. Ma décision est pratiquement déjà prise. On enlève le kyste avec plus que moins du rein affecté. On peut vivre facilement avec un seul rein. Mais j’ai peur de la douleur. Je ne sais pas pourquoi, je crains plus que tout de souffrir. Je suis une « moumoune », on dirait. Il faut en parler. Gisèle, ma conjointe. Emmanuelle, ma fille. Mes frère et sœurs. Mes proches. Je « google » le plus d’informations que je peux. Je me tiens relativement actif pour être en forme le jour de l’intervention. Je poffais quelques cigarettes par semaine. J’arrête. Je mets le plus à jour possible la comptabilité de fin d’année des deux petites compagnies peu actives dont je m’occupe. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 3 Je constate que ce qui pour moi est crainte de douleur, est pour mes proches un drame. Le cancer!!! Cela fait peur. Le jour où je dois revoir l’urologue arrive. J’ai demandé à mon frère, Louis-Philippe, de m’accompagner, Gisèle étant déjà prise avec un rendez-vous pour sa mère, plus amochée que moi par un cancer de l’estomac. Ne rien oublier. Avoir d’autres oreilles pour ne rien perdre de la conversation. Poser toutes les questions. Ma décision est cependant prise : « Enlevez moi cela du corps ». Cependant, il faudra « ouvrir », ce qui demande d’enlever une partie de côte de la cage thoracique. Deux chirurgiens seront présents. « Ce n’est pas une petite opération. C’est 3h30 de travail ». Le danger est toujours l’hémorragie. Nous quittons, mon frère et moi. « That’s it! That’s all! ». Cela devrait se passer vers la fin de janvier. Bon…. Une résonnance magnétique est prévue le 19 décembre pour visualiser la vascularisation du rein. Elle se fait comme prévue. Le 8 janvier à 15h30, la rencontre ultime avec le Dr Lebel est prévue à l’hôpital pour la décision finale. Après une longue attente, c’est enfin l’entrée du Dr dans la salle. Gisèle est présente. Toutes les questions sont posées et reposées. Il y a toujours cette hémorragie qui semble inquiéter le Dr Lebel. La résonnance magnétique n’est pas du tout une réussite. Le réseau sanguin n’est pas visible. Il faudra improviser lors de l’intervention. Il serait possible de se faire traiter ailleurs que dans la région. Je ne veux pas. Je suis du genre régionaliste. Je fais confiance à mes gens et je veux rester près de ma tanière. « OK, Go! » Je signe tout ce qu’il y a à signer. Tout se déroule alors rapidement. J’ai priorité partout. Les temps d’accès aux services hospitaliers sont courts. Les temps d’attente aussi. Le système fonctionne très bien une fois la machine enclenchée. Une batterie de tests, prélèvements, analyses sont aussi faits le 13 janvier pour vérifier la coagulation, le type de sang en prévision d’une transfusion, les poumons, le cœur, … Le tout se fait tel que prévu. J’ai aussi un problème d’apnée du sommeil. Du moins, je le pense. Ainsi, on me fournit une machine pour évaluer mon sommeil. Zut, le test ne fonctionne pas bien. Le lendemain, on me fournit une machine qui pousse l’air dans mes poumons lors de mon sommeil. Au bout d’une heure au lit, je dois enlever tout ça. Maudits polypes nasaux. J’étouffe. Lorsque je rapporte le tout le lendemain, on m’informe que je devrai rencontrer le pneumologue, le Dr Lebreux. Cela me rassure. Mon dossier est introuvable. On le retrace. La décision est prise d’assurer une surveillance constante les premiers 24 heures après l’intervention pour s’assurer que je respire normalement. Ainsi, une personne sera assignée à mon chevet pendant une journée de surveillance. Bon, ben. OK. Le temps passe. Nous nous organisons. Je pense passer une semaine à l’hôpital et nous décidons que la meilleure façon de faire serait de me transférer ensuite dans une chambre du Manoir des générations prévue pour la récupération après une intervention chirurgicale. À la maison, nos deux chiens pourraient sauter de joie directement sur ma coupure et/ou me faire sursauter par leurs jappements. En plus, ma fille, Emmanuelle ainsi que ma petite fille Aude, seront à la maison. Elles veulent être près de moi pour me réconforter. Je ne peux quand même pas Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 4 empêcher la maisonnée de vivre! Un ami, qui a eu ce même type d’opération, m’a fortement conseillé de m’isoler dans le calme pour récupérer rapidement. Il m’a aussi rassuré sur la douleur générée par l’intervention. « Il n’y a pas de grandes douleurs ». Tant mieux. Personne, même à l’admission du Centre hospitalier, ne veut avancer une date finale pour l’intervention. Sur le document destiné aux différents tests, nous découvrons que la journée du 12 février 2013 a été indiquée. Mais personne ne veut confirmer. Le système est en marche. Une infirmière me contacte pour s’annoncer comme lien de référence. Les jours passent. Je ne suis pas vraiment angoissé. Je sens encore mes proches plus préoccupés que moi. Je leur demande de me laisser récupérer une couple de semaines suivant l’intervention avant de me visiter. J’ai toujours vu ce genre de visites comme une source de fatigue et de potentielles infections pour le « jeune opéré » que je serai. Je ne veux surtout pas qu’ils se sentent obligés de venir me voir, au contraire. Le téléphone sonne. On m’avise que l’intervention est prévue pour le 6 février à 8h00. Pratiquement une semaine avant ce que nous avions décodé sur la feuille de tests. « Là, c’est vrai! ». Impossible de se désister. On peut toujours, mais ce n’est pas mon genre. Heureusement, j’ai terminé mon « gros rhume » depuis une semaine. Gisèle, cependant, subit encore des quintes de toux sérieuses. Pas question pour moi de tousser, frais opéré. Pauvre Gisèle, elle sera aux prises avec deux éclopés. Sa mère qui sort d’une chirurgie majeure à l’estomac après 9 semaines de chimio pour plonger dans un autre 9 semaines de chimio et moi avec une intervention très importante à un rein. Heureusement qu’elle est là. Encore quelques papiers à remplir, quelques prises de sang. Il faut préparer la valise. Aviser tout le monde. S’assurer que les clients potentiels seront répondus pour ma compagnie. Et, bien se reposer. Le grand jour arrive. La veille, il a fallu désemplir complètement mes intestins avec un liquide à saveur de citron mais avec un effet de vidange sans compromis. Aussi, prendre une douche en utilisant une éponge imbibée d’un savon antiseptique. La nuit est courte et sans vraiment de sommeil, l’appel de la toilette étant toujours présent. Un peu de stress, d’anxiosité, de crainte. Vers 5h30, le matin de l’intervention, encore une douche avec le savon antiseptique. Et c’est le départ avec Gisèle, direction admission du Centre hospitalier Régional de Rimouski. Il faut être là pour 6h30. Naturellement, nous y sommes bien avant. Dernier formulaire. Je ne sais plus trop, j’ai l’esprit ailleurs. Nous montons au 6ième étage. Je me déshabille et mets la jaquette. Nous engrangeons mes vêtements dans le sac fourni. Je suis prêt. Les infirmières sont gentilles. Le personnel hospitalier est très professionnel. « Bye Gisèle! On se reverra un peu plus tard. » Embrassade. C’est couché sur la civière que je roule vers l’entrée de la salle d’opération numéro 6 où on me met en mode attente près de la porte. Il y a une femme, quelques civières plus à l’arrière, qui est de toute évidence très nerveuse. Elle s’acharne sur des « jokes » de sexe qui ne sont pas de mon goût. Est-ce que quelqu’un l’écoute? J’en doute. Je tente de « compacter » l’attente en me détendant, les yeux fermés. Un infirmier me rassure. Je vois bien qu’on travaille pour mon intervention. A Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 5 mon avis, ce n’est pas le temps de les déranger. Je ne veux pas qu’ils oublient, disons, le « stuff » pour m’endormir. Une femme s’approche, toute menue. Elle m’indique qu’elle sera mon anesthésiste. Toute douce. Je lui dis que je ne crains rien d’autre que la douleur. Elle me rassure en me rappelant que j’aurai une péridurale et que je ne sentirai rien. Je lui indique ma confiance en l’équipe et que je suis assuré de leur bon travail. Quelques instants encore. Je regarde l’heure. Il est 8h10. Je comprends bien que l’intervention en tant que telle ne se fera pas avant 8h30. L’infirmier du début, celui qui m’avait salué, revient et il pousse mon lit roulant au bloc opératoire. Là, c’est vrai! Tout le monde s’active. On me dit qu’il faudra me raser. « Rasez tout ce que vous voulez! » On me place des électrodes, on me met des cathéters, on me prend une radio. On me demande de me redresser pour la péridurale. « Vous allez être un peu engourdi » que j’entends. Je pense somnoler 2 secondes et …. Paf! « Monsieur Chouinard! Monsieur Chouinard! » Je suis dans la salle de réveil, je ne sais pas si je me l’imagine. Je cligne des yeux, je vois Gisèle au pied du lit. Je suis maintenant dans une chambre. Oui, oui. On vient de me glisser d’un genre de planche vers mon lit. « Est-ce qu’on m’a opéré?? ». Oui, c’est terminé. J’ai de la difficulté à y croire. On dirait que tout ça a duré 2 secondes. 2- La convalescence à l’hôpital Une maudite chance que j’ai ma Gisèle pour me ramener à l’ordre … des événements. Elle a tenu informé la famille et les proches du déroulement des choses après l’intervention. « Réfèretoi aux texte que j’ai écrit pour le fil des événements ». Cela me ramène à la vrai réalité vécue et non celle que j’avais plus ou moins imaginée. Donc, à la sortie de la salle d’opération, on m’a transporté aux Soins intensifs. La sonde urinaire me donne une douleur au ventre. Je me le rappelle et un infirmier me dit que cela ne devrait durer que quelques heures. Aussi, j’ai mal à l’épaule droite, ceci est dû à la position qu’on m’avait imposée sur la table d’opération. Là, c’est plus que floue pour moi. Mais si Gisèle le dit …!!! Où est-ce que j’ai vu le chirurgien après l’intervention? Aux soins intensifs?? À ma chambre?? Je ne sais plus. Il m’a dit que le tout s’était bien déroulé. On m’a entouré le rein de glace. On a arrêté la circulation sanguine du rein durant 31 minutes. On a enlevé une partie de ma côte flottante gauche. On a retiré le kyste et une partie du rein. Il n’est pas certain que le kyste soit cancéreux. C’est la Dre X (on la surnommera la Dre « Sabot » pour les fins du présent texte, vous verrez pourquoi plus tard) qui prendra la relève parce que, lui, le Dr Lebel, doit partir pour Gaspé pour deux semaines. Nous nous reverrons le 25 février pour enlever le drain et jaser de tout ça. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 6 Gisèle arrive. Zut! Le médecin vient de partir il y a une minute … ou une demi-heure … ou une heure. Je m’aperçois que la notion de temps n’est plus la même. D’après Gisèle, c’est vers 22 heures qu’on me ramène à ma chambre. Quoi faire d’autre que de la croire. C’est là qu’on s’aperçoit de l’ampleur d’être à la merci des autres, d’être dépendant, d’être démuni, d’être vulnérable. C’est là que notre regard se porte sur nous-même. Ouf! Cela fait un peu peur. On sait qu’on n’a plus le contrôle. Je ne suis pas du tout habitué à cela. Une personne me suit comme un chien de poche. Je lui demande qui elle est? Ce qu’elle fait là? « Je suis du privé » qu’elle me dit. Surprise!!! Puisque j’ai des risques d’apnée du sommeil, on me surveillera pendant un certain temps. D’autres surveillantes feront aussi leur « shift ». Si on me regarde à cet instant, que voit-on? Un cathéter central au cou en cas de besoin d’injection en urgence. Un cathéter au bras pour m’hydrater. Une sonde urinaire qui, maintenant, ne m’indispose plus. Des bas à compression dynamique qui me massent les jambes dans le but d’éviter une phlébite. Des injections de morphine pour contrer la douleur. Une péridurale aussi contre la souffrance. Des tylénols prises régulièrement aussi pour enlever toute douleur. Des injections pour aussi prévenir toute phlébite. Des gens de toutes sortes qui piquent, vérifient les signes vitaux, lavent, encouragent, sourient, surveillent. Une Gisèle qui « flatte », qui informe les autres, qui m’apporte leurs bonnes pensées. Et moi qui trouve tout ça pas si pire que ça. Je ne suis pas mal du tout. Je suis entre de bonnes mains et confiant. Je sens que les parents, les amis pensent à moi. En fait, c’est quand même super acceptable. Je n’ai pas de douleurs atroces, loin de là, loin de là. « Monsieur Chouinard, il va falloir vous asseoir une minute ». C’est fait. Mais je n’aurais pu le faire seul. De même, je ne saurais atteindre le téléphone sauf une fois parce que c’est ma fille Emmanuelle qui m’appelle, les ongles rongés jusqu’à la jointure. Je lui fais le coup du malade tellement faible qu’il ne peut à peu près pas parler. Je sais que je suis très méchant, mais cela permet un rebondissement de joie de constater que son « petit pop » va super bien. Je suis dans une chambre double près du poste de garde. Un va et vient permanent, persistant, constant. La sonnerie du téléphone, et surtout, la présence bruyante de l’autre patient, diabétique, qui s’est fait amputer une jambe sous le genou, m’apporte un inconfort. Là, ce n’est pas un cadeau. J’avais envisagé une chambre privée mais elles sont réservées aux patients en provenance d’autres hôpitaux, histoire de les isoler au cas où ils apporteraient des bactéries résistantes. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 7 Je dors une demi-heure. Je me réveille. Le temps passe très lentement. C’en est surprenant. On s’imagine que la nuit est passée, qu’on est le matin mais, on s’aperçoit qu’une petite heure s’est écoulée. Mais, ce n’est pas si pire. Pas vraiment de douleur, contrairement à mon co-patient qui souffre beaucoup. Et c’est peu dire. Bouchons dans les oreilles pour « tenter » le repos. Il parait que c’est la recette. Se reposer pour récupérer. Cela s’avère cependant impossible avec mon co-chambreur. Diabétique. Amputé pour une plaie qui ne guérissait pas. Il ne sait pas où il est. Il crie. Il menace. Il parle seul. Il devient violent. Le personnel le rassure. On le calme sans succès. La majorité du personnel est conciliant. Mais une ou deux personnes n’en peuvent plus. Leur patience a atteint la limite de leur capacité. C’est la violence et l’attaque qui sont les plus difficiles pour eux. L’insulte finit par irriter leurs mœurs. Notre patient veut partir. Il est attaché. La nuit est longue, très longue. Il finit par tomber à côté de son lit, même en contention. J’appelle au secours en même temps que lui. Je ne peux rien faire pour l’aider. Je ne peux même pas me lever seul. À un autre moment, il crie que c’est lui qui a fixé la barre au-dessus de son lit. Il prétend qu’il était sous l’effet de l’alcool et que tout ça va lui tomber dessus et le blesser. Je lui explique la situation sans succès. Il veut la police. Il crie. Je pousse les bouchons le plus loin possible dans mes oreilles. Mais je l’entends quand même. « SVP, monsieur l’infirmier, si jamais il y a une place dans une autre chambre, je suis partant n’importe quand ». La nuit et le jour se passent ainsi. À un moment donné, il voit un rhinocéros volant. Cela me marque parce qu’il n’y en a évidemment pas. Gisèle le lui prouve. En présence de sa fille et de son gendre, il se croit dans un ascenseur ou encore à Montréal. Il veut absolument partir. Il faut constamment lui rappeler que c’est impossible, il a une jambe coupée. À un autre moment, il voit un carreau du plafond qui se gorge d’eau et qui va tomber. « Oui, oui » qu’il dit à son gendre. « Enlève toi de dessous tout de suite ». Pourtant, il est éveillé. Moi, je somnole. Je me réveille. On me lève. Le temps s’étire. Mais je ne suis pas si pire que ça. Vive la morphine. Elle me sied très bien. Je me rends enfin compte que si je veux un calmant (de la morphine) contre la douleur, je n’ai qu’à en demander. Mais on m’avait dit aussi de ne pas attendre le « pic » de douleur pour en réclamer. Aussi, dès qu’on m’en offre, je dis oui. Je flotte donc ou encore je vogue, c’est selon. Qu’est-ce que j’entends dans le couloir. « Poc, poc, poc … ». Qui peut bien avoir l’indécence de faire tant de bruit avec ce genre de talons dans un corridor d’hôpital où il n’y a que des « frais opérés »? J’entrevois, par la porte entrebâillée de la chambre, la « bête » passer. Pire, elle aboutit près de mon lit. C’est elle qui prend la relève de mon chirurgien parti vers Gaspé pour deux semaines. Autant le personnel de l’hôpital est compatissant, autant cette docteure ne l’est pas. Aucune empathie envers une personne vulnérable, aucune compassion. On sent même le reproche. Elle n’est pas nécessairement bien tombée avec moi. J’en ai vu des « phénomènes » en 30 ans de carrière dans le monde de l’enseignement. Je sais comment je pourrais « l’écrapoutir », même amoché comme je le suis. Gisèle aussi, présente, est abasourdie. Mais ce Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 8 n’est pas le temps de faire des esclandres. Restons au-dessus de tout ça en lui laissant savoir que cela ne nous impressionne pas, même que son attitude nous insulte. « Comment cela se passe lors de la sortie de l’hôpital? » que je lui demande. « Pensez-vous qu’un docteur à le temps de s’occuper de ça! » qu’elle répond. Humm!! Un regard, un seul suffit pour la ramener sur terre et surtout lui faire sentir « qu’elle est une maudite …. » de profiter de la vulnérabilité d’un patient, elle qui est en position d’autorité. Elle quitte avec ses gros sabots. Nous échangeons nos points de vue, Gisèle et moi. Non, elle ne me refera pas le coup. L’anesthésiste passe. C’est la douceur même. « Contrairement à d’autres …. » que je me dis en pensant à l’autre Dre. Elle me demande si je veux une journée de plus de péridurale. Ben oui! Souvenez-vous comme je suis moumoune lorsqu’il y a de la douleur. « OK, pas de problème! ». Je la remercie pour tout et elle quitte avec autant de bruit qu’une plume qui coule sur un courant d’air. C’est un rayon de soleil de plus dans ma convalescence. Cela me réconforte, cela réconforterait n’importe quel patient. C’est inimaginable le fossé qu’on retrouve entre une « plume » et un « sabot ». J’ai des démangeaisons sur tout le corps. Mais quel poison m’a-t-on injecté? Du bénadryl me soulage. Il faut manger. Mais encore du jus de poulet et du jello. Tout le monde le sait, « du jello, ça bouge toujours ». Il faut manger. Il faut reprendre des forces. Donc, je bois le bouillon et je goute au jello. Pas de café, je n’ai jamais été capable d’en boire de toute ma vie. Pourtant, j’aimerais bien. Et la journée passe. Gisèle me donne, comme elle le fera à chaque jour, les courriels d’encouragement des proches, des amis. J’ai l’impression qu’ils s’imaginent que c’est pire que c’est. Je leur suis reconnaissant de penser à moi. Je prends une petite marche dans le couloir. C’est la première. Environ 100 pieds avec Gisèle et toute ma tuyauterie. Je suis fier. Mais je m’aperçois aussi de ma faiblesse. La nuit à venir me hante à cause de l’état de mon voisin de chambre. Nous sommes le 9 février. Durant la nuit précédente, les rhinocéros volants, les cris de détresse, les insultes au personnel et la violence physique ont été présentes. Ouf! Assez « heavy ». Par contre, mon sort s’améliore. On m’a enlevé ma sonde urinaire. Une belle jeune fille mal à l’aise l’a fait. Moi, la « moumoune », j’avais plus peur de la douleur que du regard de l’infirmière. Mais non. Rien de dramatique du tout. Rien pour se dire que ça fait mal. On mesure mes « pipis ». On fait un écho de ma vessie pour voir ce qui reste après la miction. Tout va bien. On me refait mon gros pansement à la demande du Dre « Sabot ». Petite nouveauté, j’ai une réaction allergique cutanée à ce type de pansement. Le tout est nettoyé et on utilise d’autres bandages pour recouvrir l’entrée du drain. On ne le sent pas le drain. Rien du tout là. La grande coupure est belle comme tout. Deux ou trois petits fils qui pendent. Ils vont fondre avec le temps. Je guéris rapidement. Elle est recouverte avec des petits bouts de sparadrap. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 9 Je marche encore plus. Je « sieste » souvent. Je « bouillon de bœuf et jello ». Gisèle me quitte rassurée. Je me prépare pour une autre nuit d’horreur. C’est beaucoup plus difficile pour Monsieur B. que pour moi. Je n’ai pas vraiment pas de douleur mais j’aurais besoin de repos. Durant la soirée, un préposé, un infirmier, je ne sais trop, qui ne m’avait pas vraiment impressionné jusqu’à maintenant par sa compassion arrive près de mon lit pour m’annoncer qu’on allait me changer de chambre. Il doit être 20h30. Je saute de joie …. en pensée. C’est un miracle. Je le remercie à tour de bras. Le temps s’écoule et à 21h50, mon lit se met en mouvement. On apporte couchette, bureau, valise et sac de linge. Je roule de la chambre 4090 vers la chambre 4092. Elle est un peu plus loin. C’est une chambre triple mais nous ne serons que deux personnes. La dame qui me cède sa place est perdue. Fracture de la hanche. Elle ne sait plus où elle est. J’imagine, qu’avec monsieur B, ils seront en symbiose. Ma compagne de chambre est gentille, posée, douce et charmante. Elle s’est fait installer un nouveau genou. J’envisage une « nuit de rêve » au fond de la chambre avec la porte fermée. C’est le paradis. Le lendemain matin, le 10 février, je téléphone à Gisèle, pétant de joie pour lui annoncer la nouvelle de mon déménagement. Aujourd’hui, en plus, on me déshabille de mon cathéter central et de ma péridurale. Je suis de plus en plus « Yvan Chouinard ». Je téléphone à mes sœurs et à mon frère pour les rassurer. Deux charmants amis passent me saluer. Ils me trouvent beaucoup plus en forme qu’escompté. Le repas n’est plus du jello, mais il me donne la nausée. Les senteurs sont exagérées. L’estomac se rebute en reflux gastriques. Allons-y « mollo ». Même que Rita, mère de Gisèle, hébergée à l’hostellerie pour son traitement contre le cancer, vient me voir et mon état la rassure. Dre « Sabot » a prescrit du dilaudid à la place de la morphine. Maudit! J’ai un mauvais présage parce que le dilaudid a mauvaise réputation à mon oreille. Cela avait affecté grandement mon père lors d’un séjour à l’hôpital. Et je n’oublie pas du tout que je suis son fils. Dre « Sabot » est venue et j’ai dû monter le ton un petit peu. Elle a compris le message et le tout en est resté là. En fait, je voulais savoir s’il fallait prévenir la douleur en prenant le calmant (dilaudid) ou s’il était mieux d’attendre que la douleur arrive pour l’amortir avec le médicament. Sa réponse a été bête. Que c’était logique que le calmant arrête la douleur. J’ai répété la question en indiquant que c’était la première fois que j’étais opéré et que j’avais besoin de savoir, que je ne pouvais deviner la réponse. Encore une réponse bête. La troisième fois a été la bonne. Droit dans les yeux, calme et précis. En insistant que c’était la troisième fois. La réponse a été précise, sans jugement et la suite s’est bien déroulée. Heureusement, car cela commande un effort qu’un malade n’a pas à fournir. Demain, lundi le 11 février, je quitte l’hôpital. J’irai au Manoir des générations pour me reposer et récupérer. J’ai quand même une petite crainte. Je suis un peu « moumoune ». Vous le saviez? Et il me reste la fin de l’après-midi, une dernière soirée et une ultime nuit à passer à l’hôpital. C’est du dilaudid qu’on m’injecte pour prévenir la douleur. J’ai comme une crainte. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 10 3- « Ne me piquez plus au dilaudid » « … Il va falloir que quelqu’un aille les chercher à l’hôtel pour les ramener à la maison … ». J’entends quelqu’un parler près de moi. Je somnole. Pourtant il n’y a personne. Pire, je sens que mes lèvres bougent en entendant ces paroles. En fait, c’est moi qui parle. Ouf! Je toussote. Je me sens gêné que ma voisine de chambre ait pu m’entendre. J’ai toujours été très mal à l’aise de voir des personnes parler seules. Je ne sais pas pourquoi. Pour moi, c’est l’alcoolisme profond ou encore la maladie mentale. Je ne veux être ni l’un, ni l’autre. Gisèle arrive et je lui raconte mon aventure et mes appréhensions. L’incident est vite oublié. Il faut se préparer pour quitter le lendemain. Je récupère bien, mais je suis encore très faible. L’infirmière me donne encore une injection antidouleur en prévention. Ma voisine de chambre reçoit de la visite. Je vais à la toilette. Je suis obligé de me supporter sur mon genou droit pour ramasser une serviette tombée. Il me fait mal. Je sors et le visiteur me dit qu’il s’est fait couper le sternum et ponter en série. Je lui réponds que lui il est un très solide gaillard et que moi, par contre, je suis une « moumoune ». Cela a dû être insultant. Je ne suis pas tout-à-fait moi-même on dirait. Tout le monde sait bien que je suis un super bon gars. En tout cas, je le pense. « Bon, je vais relaxer un peu » que je dis à Gisèle. Mais qu’est-ce que c’est! On dirait que j’ai déjà eu cette opération. Même douleur au côté gauche. Même difficulté à me bouger. Même faiblesse. Mais quand? Quand? Tous ces événements en parallèle. Je n’arrive pas à m’en souvenir même si je fais les efforts pour délier ma mémoire. Je ne sais pas, j’ai dû m’endormir, ou somnoler. Ou bien est-ce que je somnole encore! Où est la réalité? Où est la fiction? Je ne sais pas pourquoi mais je m’acharne à élaborer un communiqué de presse dont voici la teneur. Je ne fais que le répéter et en ajouter. Communiqué de presse Un rhinocéros volant au CHRR Rimouski, le 10 février 2013 – Le vendredi 8 février dernier, un rhinocéros volant aurait été vu dans la chambre 4090 du Centre hospitalier régional de Rimouski par monsieur B. Monsieur Yvan Chouinard, résident de la même chambre, aurait assisté à l’événement, cependant sans distinguer, ni entendre la bête volante. « Monsieur B me montrait l’animal au plafond. Je n’ai pu le distinguer ». La direction de l’hôpital a été contactée mais il semblerait que le phénomène ne s’est pas reproduit et qu’aucun témoin oculaire n’ait pu le confirmer. Une autre démarche a été entreprise auprès du Dr Jeremy Strechowski du centre de recherche maritime ISMER, une sommité dans l’étude des grands mammifères. « Ce phénomène a déjà été recensé au début des années 2000 à Andra Ahim Private Hospital dans le Queensland en Australie ». Le Dr Chumberg est la personne à contacter. Un appel téléphonique nous confirme la similarité de l’événement. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 11 Le recteur de l’UQAR, monsieur Ouellet confirme qu’un regroupement de voyeurs de rhinocéros volants tiendra un congrès de fondation à Rimouski. L’UQAR envisage ouvrir une chaire de formation en cette matière. Le maire de la Ville, monsieur Éric Forest, se dit heureux d’accueillir les congressistes en juillet 2013. Tous les organismes socio-économiques de la région promettent leur collaboration. Radio Canada a déjà confirmé la couverture de l’événement. Claude Poirier de l’émission Le Négociateur à TVA attend un appel. - 30 - Je m’ouvre les yeux et je vois Gisèle qui me regarde. Ouf! Je suis heureux de voir que tout ça n’est que « fumée de rêve ». Cependant, je ne me sens pas vraiment moi-même. L’après-midi se continue. Petit pipi. Petite marche, même à l’extérieur du service. Jasette et remerciements au Dr Desjardins (co-chirurgien) qui est justement là à consulter des dossiers. Petit souper léger. Même si ce n’est plus du jello, je n’ai pas d’appétit. Encore un repos. Des becs à Gisèle qui repart pour voir sa mère à l’Hostellerie. « Je serai là demain vers 10 heures pour le départ vers le Manoir des générations ». J’ai quand même une petite appréhension. Je quitterai alors la sécurité pour voler un peu plus de mes propres ailes. « Monsieur Chouinard, voulez-vous un calmant »? « Oui » que je réponds, il me faut bien dormir pour être en forme demain. Je ne sais pas trop ce que j’ai fait après. Téléphones?? Je ne sais plus. Jouer sur mon cell pour capter quelques courriels?? Certainement. Petite marche?? Petit lavage?? Et hop! Petit relax. Je n’aurais peut-être pas dû me coucher tout de suite, parce que là … !! Un cauchemar. Je suis dans un endroit désertique. Un genre d’abris délabré dans lequel je vois ma sœur, Laura, qui s’active. On vend de vieilles voitures. Il y a des têtes coupées de chiens noirs un peu partout. J’étouffe. Je me sors de la bouche du mucus qui forme des boules de plasticines de toutes sortes de couleur. Chacune à un fil d’acier avec un crochet de métal. J’en sors encore de ma bouche avec ma main. J’étouffe. Je finis par me retourner dans mon lit et j’éprouve naturellement une douleur au côté gauche qui me réveille. Il est hors de question pour moi de m’étendre dans aucune autre position que sur le dos. Je sursaute et me replace dans la réalité. Là, il y a quelque chose qui se passe de pas normal. Ouf! Je ne voudrais plus que cela continue. Je reprends mes sens. J’analyse. J’ai un coup de lucidité. Je me souviens que la Dre « Sabot » m’avait prescrit du dilaudid comme calmant. Je me souviens aussi que mon père avait eu ce genre de cauchemar lors d’une convalescence à l’hôpital. Mon père a vécu la campagne d’Italie lors de la guerre 1939-45. Il se croyait un juif traqué par les nazis lors d’une rafle. Il en était venu à vouloir se défendre si bien que l’Hôpital nous avait contactés pour venir le calmer. « J’ai failli frapper l’infirmier d’un coup de poing au visage et de sauter par la fenêtre pour me sauver» qu’il m’avait confié. Il aurait fallu voir le poing de mon père pour comprendre le dégât que cela aurait pu faire. Nous avons demandé à son médecin de changer de calmant. C’est ce qui m’a « allumé » sur ma situation. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 12 Lorsque l’infirmière est venue me demander si je voulais avoir un calmant, je lui ai répondu : « Ne me piquez plus au dilaudid ». Je prendrai seulement mes tylénols pour calmer mon mal. Il vaut mieux avoir une peu plus de douleur que ces affreux cauchemars. Et tout à coup, je me suis mis à penser à la Dre « Sabot ». Je ne sais pas trop pourquoi. 4- Je suis redevenu Yvan Chouinard C’est le grand jour. Nous sommes le lundi 11 février, je suis assis dans une chaise roulante. Les remerciements sont faits. Le bagage déjà à l’auto. On roule vers la sortie. Je quitte la sécurité de l’hôpital pour l’inconnu qu’est le Manoir des générations. J’ai bien hâte d’être là. Je suis un peu tendu. Nous arrivons enfin. Je suis du genre qui préfère conduire l’auto dans lequel je suis assis, mais là, ce n’est pas possible. Encore une chaise roulante. Et c’est l’attente pour parler au Responsable. Il y a un petit quelque chose qui monte en moi. J’ai un début de panique. Je vais devoir tousser. Au secours! Le côté gauche de mon corps veut ouvrir. J’ai hâte en « titi » d’arriver à ma chambre. J’y arrive. Je m’installe sur le lit et je souffre le martyr à chaque quinte de toux. Il me faut tousser debout, donc me lever, ce qui ne serait pas si pire, si ce n’était de mon genou droit tout en douleur. Souvenez-vous lorsque j’avais été obligé de poser mon genou sur le terrazo pour récupérer une serviette tombée dans la salle de toilette de l’hôpital. Ce genou a déjà subi un traumatisme extrême durant ma jeunesse. Je vous raconterai tout ça un jour. À la longue, la technique du lever pour tousser se peaufine et devient routinière. Avec les tylenols, on contrôle pas mal la situation, sauf pour la toux. Pas de dilaudid en capsule, je préfère la douleur, ce que je n’ai pas tant que cela. Au Manoir des générations, il y a des personnels qui nous visitent régulièrement. La préposée exige que je me rende à la Salle à manger par mes propres moyens. « Non! ». Gisèle m’apporte un cabaret mais je suis incapable de manger. On dirait que tout sent le désinfectant et que tout goûte aussi le désinfectant. Pendant ce temps, la pharmacie a livré du sirop Benylin contre la toux suite à une démarche de ma chère Gisèle. Une chance qu’elle est là. Ce sirop semble faire effet. La nuit est entrecoupée de réveils, de toux, de pipis, de tylénols mais j’y suis habitué maintenant. Le temps passe toujours aussi lentement. Le lendemain, petite marche à l’extérieur avec Gisèle. Je « recrinque » rapidement. C’est incroyable. Mais toujours pas de déblocage des intestins vers la toilette. Cela fait pratiquement six jours. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 13 La routine s’installe. Petits dodos. Petites marches. Petits repas à la salle à manger à la table de tante Yolande le midi et avec Richard et Viola Gallant le soir. Soupe avalée avec peine et presque rien d’autre. Visite de Gisèle. Visite d’amis, Esther et Gilles. Et grande visite, ma fille Emmanuelle qui est arrivée à Rimouski avec bébé Aude. On jase. Le lendemain, le 13, je vais faire un tour chez moi. Tout se passe très bien. Je pense que je vais quitter le Manoir. Tout s’est remis à fonctionner au niveau de l’appétit, du sommeil, des intestins et de la douleur. Je serai maintenant dans ma meute. Ma fille et ma petite fille font la popote pour « père grand ». Elles sont adorables. Et encore la routine qui s’installe; ordi, TV, dodo, lecture, petites marches, … Les forces reprennent, mais maintenant plus lentement. J’ai bien hâte qu’on m’enlève mon drain, il me semble que ce serait une autre étape de franchie. Mais, il faut avant, repasser au nucléaire (renogramme). Cela a été fait le 20 février. Ce fut quand même long, éveillant en moi la possibilité que mon rein « fuit ». Imaginez, après les 45 minutes d’examen la vessie près de l’explosion, encore une photo en trois dimensions de mon rein. Je me suis mis à en conclure que tout n’était pas si parfait que ça. Que tout ne pouvait tout le temps être si parfait que ça. Mais, attendons la rencontre avec le Dr Lebel, le lundi 25 février pour en avoir le cœur net. La routine encore. Ne pas forcer, tylénol contre la douleur, la toux, c’est terminé, les intestins, ça va par bout, l’infirmière du CLSC qui refait mes bandages aux deux jours, le repos, ça va mais j’ai toujours été insomniaque. En un mot, tout roule. Le 25 février, je me rends à l’hôpital avec Gisèle pour le rendez-vous avec le Dr Lebel. Zut! C’est à son bureau. Heureusement, c’est juste à côté. J’ai quelques appréhensions dont seul le chirurgien pourra m’éclairer. • • • Il m’enlèvera mon drain et j’ai encore peur de la douleur. Est-ce que vraiment mon rein « fuit »? Est-ce que le kyste est cancéreux? Le Dr Lebel explique l’intervention tel que déjà connue. Nous lui parlons de la Dre « Sabot ». Il semble se sentir coupable de sa façon d’agir mais nous le rassurons, il n’a aucune responsabilité dans la pratique des autres chirurgiens. Nous l’interrogeons sur la fuite rénale. « Non. Il n’y en a pas ». Le radiologiste est relativement nouveau et il ne voulait pas prendre de chance dans son diagnostic. « Est-ce que le kyste était cancéreux? ». Un appel téléphonique ne donne pas la réponse. Les résultats ne sont pas encore disponibles. Mais les chances sont minces que ce soit positif. « Il se peut fort probablement que vous fassiez parti des 10% de chanceux ». Youpiiiie! Mais nous le saurons définitivement dans quelques semaines. Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai! Mémoire d’un opéré du rein 14 Passons à l’extraction du drain. Slush! Coucher sur le côté, le tuyau bien en vue. De l’alcool rependu sur le champ d’entrée du drain. Ça commence mal parce que ça chauffe en titi. « Êtesvous prêt? Prenez un grand respire » que le médecin me dit. Il semble hésiter. « Allez-y! Pas de têtage ». Je sens quelques bulles dans mon corps. « C’est fini ». Pas de douleur du tout. Bandage appliqué. Salutations. Nous repartons le sourire aux lèvres. « Non, pas besoin d’anti-douleur ». « Interdit de forcer avant deux mois. On se revoit le 25 mars ». « OK, Dr Lebel. Merci et bonjour ».D’ici là, prise de sang. Nous sommes allés fêter cela en mangeant au restaurant et en marchant dans le centre d’achats. Retour à la maison. Ça me tire dans le côté, vite des tylénols. La routine reprend et la guérison avance lentement. Plus lentement que je ne le voudrais, c’est certain. « Mais on n’est pas si pressé que cela! Je suis maintenant redevenu Yvan Chouinard» Merci à mes lecteurs, amis, proches, merci pour l’encouragement, merci à Gisèle, mon poteau de malade, sans elle, je n’aurais certainement pas passé à travers (Hi! Hi!), merci à tous les personnels du CHRR et en particulier à mes chirurgiens les Drs Lebel et Desjardins et merci à la vie de me sourire. Yvan Chouinard, mars 2013 (418) 723-2444 [email protected] Version électronique du document : www.conceptformula.com/ftp/Nephrectomie.pdf Rimouski, Yvan Chouinard, mars 2013 Tous droits réservés Tout ça est vrai!