LA MAISON INDIVIDUELLE EN BOIS ET SES PERSPECTIVES
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LA MAISON INDIVIDUELLE EN BOIS ET SES PERSPECTIVES
LA MAISON INDIVIDUELLE EN BOIS ET SES PERSPECTIVES BOBULESCU ROXANA, Assoc. Prof., Ph. d. Burgundy School of Business, Dijon, France POCIOVALISTEANU DIANA MIHAELA, Lecturer Ph.d. “Constantin Brâncuşi” University, Faculty of Economics, Tg-Jiu, Romania ABSTRACT : Le marché du bâtiment est en croissance rapide depuis 2004. Il est essentiellement porté par l'accroissement rapide de la construction résidentielle (+15,6% en 2004 et +13,1% en 2005), 410.000 unités de logement ayant ainsi été mises en œuvre en 2005. La croissance de la construction non-résidentielle reste pour sa part lente et erratique. KEYWORDS: la maison en bois, le marché du bâtiment 1. UNE CROISSANCE REELLE MAIS INSUFFISANTE POUR SATISFAIRE LA DEMANDE Le taux de croissance de la construction de maisons en bois secteur diffus a été de 100% entre 2000 et 2005 (10.000 maisons construites en 2005 contre 5.000 en 2000) et la maison en bois prend donc des parts de marché à la maison "traditionnelle". Cette croissance de la part de marché du bois dans la construction de maisons individuelles est expliquée par les facteurs suivants : • La hausse des prix des matières premières hors bois, qui rend le bois plus concurrentiel • Des innovations dans le domaine des traitements du bois et des produits mixtes (bois-béton, BMR, Kerto) qui améliorent ses qualités de structure, sa résistance au feu, sa durabilité • Les qualités environnementales du produit (bilan énergétique, isolation thermique) et sa contribution à l’utilisation durable du patrimoine sylvicole • Ses qualités esthétiques et de confort, qui contribuent à à le remettre à la mode auprès des prescripteurs • Sa rapidité d’exécution sur chantier La répartition géographique de la demande de maisons en bois est très inégale, avec une forte prédilection pour les départements côtiers (Gironde, Loire-Atlantique, SeineMaritime, Morbihan, Finistère, Nord, Pas-de-Calais, Ille-et-Vilaine, Calvados) et l'Isère [Woodsurfer, 2005]. Les maisons à ossature bois représentent 59% des projets de maisons en bois déposés auprès du site www.maison-bois.com en 2004-2005, chiffre en croissance sur deux ans, et semblent donc gagner donc du terrain sur les maisons en bois massif [Woodsurfer, 2005]. La signature en 2001 de l'accord cadre bois construction environnement a constitué un signe fort de la volonté des différents acteurs du bois 267 construction d'œuvrer à sa promotion. Il ne semble cependant pas que sa mise en œuvre ait été à la hauteur des attentes. La construction de maisons en bois ne représente en effet toujours que 3 à 5% de la construction totale de maisons individuelles1 et à peine plus en Bourgogne (tableau 1). Tableau 1: La part de la maison à ossature bois (MOB) dans la construction de maisons individuelles (MI) France Jura Côte d'Or Nièvre Saône-et-Loire Yonne Construction de MI 228.585 1196 1474 578 2140 1281 Dont MOB 8.942 300 60 90 140 45 MOB / MI (%) 3,9 25,1 4,1 15,6 6,5 3,5 Sources : CNDB (2006) Les freins le plus souvent évoqués à la construction de maisons en bois sont : • L'image négative persistante de la construction en bois en termes d'esthétique et de pérennité (image du chalet de montagne, syndrome des "3 petits cochons", résistance au feu) • Le coût du projet et le surcoût perçu de la construction en bois par rapport à la construction traditionnelle. Ce surcoût représenterait 5 à 10% par rapport à une maison traditionnelle en maçonnerie, y compris la prestation de l'architecte. Il doit être modulé en fonction de la taille de la maison car plus la maison sera grande en surface habitable, moins le choix du matériau influencera le coût global de la construction. Selon différentes estimations, le m² TTC d'une maison bois de SHON inférieur à 100m² revient à environ 1200 euros, celui d'une maison de 100 à 200 m² à environ 1000 euros et entre 800 et 900 euros pour un SHON supérieur à 200m² (source: http://www.travaux.com/dossier/construction_bois)2 • L'absence d'offre intégrée des entreprises face à une demande de systèmes constructifs complexes • La réticence des administrations (DDE et mairie) et des assureurs3 Les opérateurs bourguignons signalent aussi souvent la place dominante occupée par des constructeurs traditionnels bien organisés, dont la concurrence a longtemps freiné le développement de la construction bois sur le territoire bourguignon. Enfin, l'absence d'une offre structurée susceptible de répondre à la demande est considérée comme un obstacle majeur qui sera analysé dans la section II de ce rapport. Dans le cas des CMI, l'adaptation des opérateurs du gros œuvre à un nouveau type de modèle constructif est perçue comme un processus long et difficile à mettre en œuvre. 1 Aux Etats-Unis, on atteint un total de 95%. L'existence d'un tel surcoût est remise en cause par de nombreux opérateurs pour lesquels la différence de prix est essentiellement explicable par la nature de la demande. A complexité égale, le prix d'une maison en bois est le même que celui d'une maison traditionnelle. 3 Selon les opérateurs que nous avons rencontrés, ce frein est maintenant levé ou en passe d'être levé. 2 268 Figure 1 : Raisons ayant poussé des ménages à abandonner un projet de construction en bois pas de garantie 1% ésthétique 1% éloignement accueil entrepreneur craintes sur la qualité absence de références 2% 6% 8% 13% coût 21% pas de réponse d'entreprise 22% permis de construire 22% Source : Woodsurfer n° 30 (2005) Les maîtres d'ouvrage de maisons individuelles en bois sont pour le moment essentiellement des ménages aisés (2e accession, résidences secondaires) à la recherche de maisons haut de gamme. De fait, les entreprises de construction en bois se positionnent essentiellement sur le haut de gamme (50% contre 6% sur la construction économique) et axent leur stratégie de communication vers les couples jeunes et aisés, les mêmes qui souhaitent profiter de la ville, où il est difficile de construire et de construire en bois. De plus, ce segment des constructions haut de gamme est en croissance lente. 2. POTENTIELS DE CROISSANCE ET CONSTRUCTION INDUSTRIALISEE Le potentiel de croissance réel de la construction en bois tient à la hausse soutenue de la demande de maisons individuelles (10-15%/an) de la part des primo-accédants, ménages jeunes et disposant d'un budget réduit [Pascal Jacob, UNCMI] Elle devrait encore croître avec le développement de la maison à 100.000 €. Le marché étant déjà sous tension, les CMI n'auraient pas d'autre choix que de développer la production industrielle de maisons individuelles (assemblage des murs en usine avant montage sur chantier, ce qui génère des gains de temps sur chantier) pour satisfaire la demande et éviter une contraction possible du marché, due à la hausse des prix, à l'allongement des délais et à la perte de qualité. L'approche industrielle n'est possible qu'avec le bois, par la production de composants standardisés qui sont vendus aux constructeurs pour assemblage sur chantier, selon un nombre réduit de modèles. L'UNCMI insiste cependant sur la relative inertie des constructeurs face à la mise en œuvre du bois dans la construction et sur leurs craintes concernant la réaction des consommateurs face à une proposition de construction bois (cf. infra). Cette approche industrielle de la construction n'est par ailleurs pas acceptée par tous les constructeurs, en particulier ceux à vocation artisanale, qui lui préfèrent une approche centrée sur le métier de la construction en bois, combinant standardisation des processus et innovation sur les formes et volumes. Le premier enjeu du positionnement de la maison en bois industrialisée tient sans doute à sa notoriété car 45% des ménages interrogés dans le cadre des études de marché menées par les étudiants de l'ESC Dijon ne connaissent pas le concept de maison à ossature bois. Pour ceux qui le connaissent effectivement, le bouche-à-oreille (40%) et la télévision (30%) sont les deux principaux vecteurs d’information. Ce déficit de notoriété n'est pas rédhibitoire dans une perspective de développement axée la maison individuelle 269 industrialisée car les ménages s'adressent généralement à des constructeurs de maisons individuelles dont ils attendent un produit clé-en-main. Pour ce dernier, le bois constitue une solution comme une autre qu'il se chargera de faire connaître et valoriser auprès de sa clientèle. L'enjeu majeur est sans doute plutôt celui de l'acceptation par les maîtres d'ouvrage du bois dans la construction. On a en effet signalé dans la section précédente l'existence de nombreux freins au développement de la construction en bois, parmi lesquels la persistance d'une image négative en termes de pérennité et d'esthétique. Des études récentes (Woodsurfer n° 30) et les opérateurs que nous avons rencontrés signalent cependant une modification de la perception de la maison en bois par les ménages pour lesquels la maison en bois est de plus en plus synonyme (1) de confort et bien-être, (2) d'esthétique et modernité et enfin (3) de gains économiques liés à la rapidité de la construction et aux qualités isolantes du bois. Il en ressort une image nouvelle de la maison en bois, tournée vers la réalité et la modernité (voir schéma infra) et qui s'inscrit dans un projet de construction durable et écologique (éco-construction)4. Selon l'étude du Cabinet Caron Marketing [2006], "78% des Français se déclarent prêts à payer plus cher une construction respectant les principes du développement durable : prise en compte des nouvelles énergies, recherche de matériaux innovants et écologiques, attention particulière aux performances de chauffage et d’isolation thermique". Figure 2 : Une nouvelle image de la maison en bois Rêve Rêve Originalité Choix politiques Matériaux naturels Légèreté de la structure Luminosité Cachet de l’ancien Évasion Ambiance chaleureuse Esthétique Coût Auto-construction Tradition Tradition Modernité Modernité Isolation Confort Bio-climatisation Rapidité de construction Obligation régionale Professionnel du bois Maison saine Réalité Réalité Source : Woodsurfer n° 30 (2005) Ce nouveau positionnement se confirme lorsque l'on analyse les attentes des ménages en matière de construction individuelle, tous modes constructifs confondus : les 2/3 des ménages acquéreurs d'une maison individuelle déclarent une sensibilité forte ou très forte à l'écologie, qui les amène à envisager des solutions énergétiques économiques (UNCMI). Pour les autres, l'argument économique est essentiel. Si cette sensibilité ne se répercute pas encore directement sur la demande de maisons en bois (problème de notoriété) elle offre 4 Des entretiens que nous avons menés, il ressort qu'une personne sur deux s'adressant à un constructeur bois a une démarche de nature militante en faveur du bois. 270 aux constructeurs bois des arguments précieux dans le cadre des nouvelles réglementations thermiques. Figure 3 : Les motivations des acheteurs potentiels de maisons en bois 30% 23% 22% 15% t iq th é s e ue 14% 14% e e e té io n nc ag iq u idi a s i g p lat y b o l o a ra s o m p i a éc 13% rt nfo o c 12% 11% 11% n it é tio ût uc la r co r t u d ns mo - co o t au So urce : Woodsurfer n° 30 (2005) La dynamique de ce positionnement a été bien comprise par certaines entreprises qui ont développé une communication commerciale axée sur ces thématiques. C'est en particulier le cas du Groupe Pascal Jacob ("La construction industrielle durable") et sur un registre différent des Charpentiers de Bourgogne (tradition et qualité de la construction bois) Si cette nouvelle image constitue un atout pour les constructeurs opérant en dehors des zones traditionnelles de construction en bois, elle est aussi une source de contraintes car elle s'écarte de leur positionnement traditionnel (qualité et prix élevés) et suppose de combiner compétitivité prix (prix de la construction) et compétitivité hors-prix (esthétique et confort). Il faut répondre à des contraintes de budget des primo-accédants (75% des ménages accédants en maisons individuelles ont un revenu net mensuel qui se situe entre 1.700 et 3.500 euros dont 40% inférieur à 2.300 euros) sans sacrifier la qualité du produit fini. "Il y a vingt ans, on a vu une vague de sinistres dans le domaine de la construction à ossature bois. Le concept de maison bois devait alors rimer avec maison moins chère, alors que chez nos voisins Allemands, une maison bois était avant tout une maison de grande qualité […]. Cette réputation a fait beaucoup de tort à la construction bois, et aujourd'hui, si on revient vers le bois […] c'est grâce à un effort de rigueur dans la conception des projets." Jean-Jacques Soulas, Architecte D.E.S.A, in http://mediaforest.net/francais/journal/article.php?id=55 Les professionnels craignent par ailleurs l'arrivée sur le marché d'une forme de concurrence inéquitable de la part constructeurs peu scrupuleux et non qualifiés attirés par les perspectives de croissance, proposant des "maisons en kit" de qualité médiocre susceptibles de porter atteinte à l'image même de la construction bois en général. L'accès au marché passe donc par la combinaison entre maîtrise des coûts et communication sur la qualité du produit. L'industrialisation est bien une solution possible, la production de composants standardisés en volumes importants permettant à la fois de dégager des économies d'échelle et d'engager des démarches de certification qualité (PEFC, ISO, marquage CE). 271 3. LA QUESTION DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE Une incertitude majeure concernant actuellement les potentiels de croissance de la construction de maisons individuelles en général, dont en bois, tient à l'arbitrage par les ménages entre coût du foncier et coûts de déplacement engendrés par l'habit déconcentré, dans des zones urbaines périphériques, "rurbaines" (communes non urbaines faisant partie d'une aire urbaine), ou rurales. Ces trois zones représentant actuellement 76% de la construction de nouveaux logements. Pour Caron Marketing [2006], "[l]a France est en train de vivre un exode rural à l’envers ! On assiste à un éloignement de la population du cœur des villes de 15 à 25 km. La maison individuelle s’impose comme la manière la plus évidente de vivre à la campagne. La recherche d’une certaine qualité de vie, le besoin d’espace et surtout la nécessité budgétaire priment." Si l'UNCMI ne considère pas que la hausse rapide des coûts de l'énergie constitue actuellement un frein au développement de l'habitat en zone rurbaine ou rurale, les architectes que nous avons rencontrés doutent cependant de la pérennité de ce mode d'habitat dans le contexte actuel et plaident pour un retour à l'habitat urbain concentré et à la maîtrise du foncier de la part des communes urbaines. On rappellera aussi que 'État a choisi de freiner la progression de l'étalement urbain et de l'essor de l'habitat pavillonnaire diffus avec la Loi de solidarité et de renouvellement urbains (SRU), publiée en 2000. REFERENCES: Internet 1. AFCOBOIS : http://www.maisons-bois.org/ 2. Approvalbois Bourgogne : http://www.aprovalbois.com 3. Association Bois & Habitat de Wallonie : http://www.bois-habitat.com 4. http://mediaforest.net/francais/journal/article.php?id=55 Ouvrages, articles, rapports 1. AFOCEL (2005), "Emploi dans la filière bois en Bourgogne", étude commanditée par le CR-Bourgogne et la DRAF Bourgogne (rapport intermédiaire) 2. AFOCEL (…), "Forêts - Industries - Territoires : éléments de prospective", (http://www.afocel.fr) 3. BIANCO, JL (1998), "La forêt, une chance pour la France", Rapport au 1er Ministre. 4. CREDOC (2004), "La maison individuelle : vision des élus et des Français", étude réalisée pour l’Union nationale des constructeurs de maisons individuelles (disponible sur www.uncmi.org) 5. DAEI (2006), " Activité et emploi dans le BTP", n° 46, juin 6. Revue Woodsurfer (2005), "Etude : le marché de la maison bois", n°30, octobrenovembre. 272