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DOSSIER THÉMATIQUE Spécial “Odorat” Drogues et sensations : le nez dans tous ses états Drugs and sensations: all nose’s states D. Touzeau* D ior promeut Opium et Addict, Estée Lauder, Beyond Paradise (“l’emprise des sens”). Ce n’est pas par hasard si ces messages publicitaires vantant les qualités de parfums ont une tonalité fortement incitative aux comportements de recherche de sensations. L’érogénéité olfactive et respiratoire est une composante de l’addiction. Les substances entrent en contact avec des muqueuses du tractus respiratoire, siège d’un intense plaisir. Chez le fumeur, inhaler la fumée provoque des sensations agréables (subtile irritation de la muqueuse olfactive), permet de réaliser des expériences (remplissage des poumons), de repousser les limites – véritable tentative d’échapper aux contraintes biologiques – et de se précipiter dans les conduites d’excès ; une façon de commettre l’hybris et d’exiger toujours plus que ce que le destin a attribué… Ces sensations physiques sont différentes d’un usager à l’autre mais renvoient toutes à un plaisir “archaïque”. L’odorat intervient dans les premières relations d’attachement entre la mère et son bébé, dans la sexualité et possède un pouvoir de capture et de conditionnement à l’œuvre dans les conduites addictives ! Souvenons-nous des amants de l’odeur qui ne pouvaient pas résister à leurs impulsions, véritables “coups de foudre olfactifs”, comme Henri IV aux lingeries odorantes de Gabrielle d’Estrées… Le grand retour de la cocaïne en France Longtemps considérée comme la drogue des célébrités et des artistes, la cocaïne réapparaît, au milieu des années 1970, sur le devant de la scène, avec le développement de la voie d’administration fumée (“freebasing” puis crack), ce mode de consommation n’entraînant pas les complications observées avec les prises nasales chroniques de chlorhydrate (1) [encadré I]. Le récent rapport TREND (2) note une poursuite de la diffusion de la cocaïne avec le développement continu de la forme base, ou crack, qui permet de la consommer fumée. L’expérimentation en Île-de-France est de 4 % chez les jeunes de 17 ans et la consommation progresse en France. Évolution des prix au détail moyens des substances Le gramme d’héroïne est stable (45 €), le gramme de cocaïne en légère hausse (65 €). Le prix du gramme de résine de cannabis est également stable (5 €), tandis que celui de l’herbe augmente (10 €). Le prix de l’ecstasy n’a pas connu d’évolution (5 € l’unité), tandis que le gramme d’amphétamine est en baisse (15 €). Un quart de gramme de cocaïne permet, selon les goûts de l’usager, de confectionner deux à quatre lignes (30 % de la dose prisée passent dans le sang) Encadré I. Les consommations de drogues en 2010. De l’usage à la dépendance L’addiction se distingue du simple usage de cocaïne, occasionnel ou régulier, par la présence de plusieurs signes comportementaux dont les principaux sont les suivants : – une tolérance hédonique, qui se manifeste par une escalade des doses et/ou une transition vers de nouveaux modes d’administration plus efficaces (voie intraveineuse) ; – une difficulté à s’abstenir malgré la volonté ferme d’y parvenir ; – un désir irrépressible et/ou persistant de cocaïne (craving) ; – une perte d’intérêt pour toute autre forme de satisfaction ; – une indifférence vis-à-vis des conséquences négatives de l’abus chronique de cocaïne (3). On estime que 5 à 6 % des consommateurs deviennent dépendants à la cocaïne 1 à 2 ans seulement après la première expérience. Les mécanismes neurobiologiques responsables de cette transition de l’usage de cocaïne à la dépendance sont encore mal connus, mais font l’objet depuis quelques années de recherches expérimentales intensives. * Psychiatre des hôpitaux et addictologue, clinique Liberté, EPS PaulGuiraud, Bagneux. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 321 - avril-mai-juin 2010 | 11 Résumé Mots-clés Inhalation Cocaïne Rhinite médicamenteuse Mésusage Réduction du risque Summary The well-vascularised nasal mucosa is a privileged site of penetration of drugs and psychoactive substances (cocaine, heroin, solvants, etc.). Sniffing is preferred to injection to reduce risks, infectious or not. Snorting brings drug in a solid form (for example, cocaine) into contact with the nasal mucosa. Inhalation of glues or various solvents is easy and provides powerful effects. These common practices raise medical and social problems, and every sanitary actor can be actively involved in the treatment by clarifying the risks and mechanisms of addictive behaviors. Keywords Inhalants Cocaine Rhinitis medicamentosa Misuse Harm reduction La muqueuse nasale, richement vascularisée, est un site privilégié de pénétration de médicaments mais aussi de diverses substances psycho-actives (cocaïne, héroïne, solvants). Le “sniff” est préféré à l’injection intraveineuse pour tenter de réduire, entre autres, les risques infectieux. La prise nasale (“snorting”) met des drogues sous forme de solide, comme la cocaïne, au contact de la muqueuse nasale. L’inhalation de colles ou de divers solvants est aisée et procure de puissants effets. Ces pratiques courantes posent des problèmes tant médicaux que sociaux, et chaque intervenant sanitaire peut être partie prenante du traitement en explicitant les risques et les mécanismes des conduites addictives. Nez et cocaïne Les complications nasales de la cocaïne surviennent en cas d’usage prolongé et intensif. La cocaïne, outre ses effets euphorisants et psychostimulants, est sympathicomimétique et analgésique. Ses effets vasoconstricteurs provoquent une hyperhémie de la muqueuse nasale avec rhinite réactionnelle et, si les prises se poursuivent, une rhinite chronique associant une rhinorrhée, des reniflements, une hyposmie et des épistaxis récidivantes. La cocaïne exerce un effet délétère sur la muqueuse nasale, mais aussi sur l’os et le cartilage (contraction de la musculature lisse, en particulier une puissante ischémie vasculaire) [4]. Elle induit un état prothrombotique avec une stimulation de l’activité plaquettaire, et un déséquilibre entre les facteurs pro- et anticoagulants favorisant thrombose et ischémie. Cinq pour cent des usagers de cocaïne ont une perforation de la cloison nasale, qui peut s’étendre au palais osseux et/ou mou, et est alors responsable de dysphagie et de reflux oro-nasal. Les infections naso-sinusiennes sont favorisées par l’irritation chronique, par les traumatismes engendrés par le matériel de prise et par les effets délétères de la Le partage d’ustensiles de “sniff” comme les pailles ou les billets de banque peut aussi conduire à la transmission de maladies infectieuses graves. De petites blessures des muqueuses du nez provoquées par l’arête vive d’une paille peuvent déjà suffire, par exemple pour une infection par le virus de l’hépatite. Il faut donc absolument éviter d’utiliser le même billet de banque ou la même paille ! – Permets à tes muqueuses nasales de récupérer, nettoie et soigne-les régulièrement. – Hache la poudre aussi finement que possible : plus les cristaux sont grossiers et plus ils causent de dommages à tes muqueuses nasales. – Solution de rinçage du nez : dissoudre dans de l’eau tiède 1 cuillère de sel marin, de sel d’Ems ou autre, pencher la tête de côté et faire couler dans une narine. L’eau ressort par l’autre. Appliquer ensuite un peu de pommade ou d’huile nasale contre le dessèchement. - Si ton nez est atteint, va voir un médecin. Encadré II. Le “safer sniffing” : texte d’un flyer d’information proposé aux usagers. Des kits de prévention (Strawbag®) sont également disponibles. 12 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 321 - avril-mai-juin 2010 cocaïne sur le transport mucociliaire nasal. L’état ischémique facilite le développement de germes anaérobies. L’usage de cocaïne entraîne de nombreuses autres complications (cardiovasculaires : infarctus du myocarde ; neurologiques : accident vasculaire cérébral, etc.), mais dès la simple expérimentation peut survenir une contamination virale (virus de l’hépatite C [VHC]) par voie nasale via les échanges de pailles (5). La contamination par le VHC est plus fréquente chez les usagers de drogues sans historique d’injection que chez les non-usagers de drogues, mais moins que chez ceux qui pratiquent les injections. Information et dépistage doivent donc être proposés à chaque usager rencontré (encadré II). De nombreuses autres substances sont détournées de leur usage et sniffées L’héroïne, comme la cocaïne, avant d’être injectée, est le plus souvent sniffée, fumée ou inhalée (“chasser le dragon” consiste à inhaler les vapeurs d’une dose d’héroïne placée sur un papier d’argent au-dessus d’une flamme). Elle est coupée avec divers adultérants (lactose pour simuler la pureté, quinine, mais aussi caféine, mannitol, strychnine, etc.) qui contribuent à sa toxicité. Les héroïnomanes ont aussi expérimenté cette voie avec la buprénorphine, utilisée comme médicament de substitution de l’héroïne. Cet usage s’est répandu en prison faute d’une délivrance suffisamment encadrée, et près de 30 % des patients stabilisés auraient sniffé leur traitement. Les conséquences n’en ont pas été étudiées. De nombreux médicaments sont détournés, comme les comprimés de méthylphénidate (Ritaline ® ) consommés par voie orale, qui peuvent être pilés et absorbés par voie nasale ou dissous dans de l’eau et injectés, l’hydroxyzine (Atarax®) pour couper la cocaïne, et, plus récemment, la 4-méthyléphédrone – ou “meph” – mélange d’engrais chimiques (forme synthétique de cathinone), un ingrédient narcotique également trouvé dans les feuilles de qat et devenu DOSSIER THÉMATIQUE Spécial “Odorat” l’une des drogues les plus populaires au RoyaumeUni depuis l’été 2009. La frontière entre usage thérapeutique et abus est ténue Pour combattre la douleur, il est maintenant possible d’utiliser la voie nasale (pulvérisation d’Instanyl® [fentanyl]) pour le traitement des accès douloureux paroxystiques chez des patients adultes recevant déjà un traitement de fond opioïde pour des douleurs chroniques d’origine cancéreuse. Une étude de surveillance est cependant prévue afin de permettre d’identifier de façon précoce les occurrences inattendues, dont celles liées à une utilisation abusive (“Nose study” : effets sur les voies nasales, etc.) [6]. En 1931, N. Fox décrit des effets d’un usage chronique de vasoconstricteurs (7). L’emploi prolongé de certains médicaments induit des symptômes nasaux (rhinite à l’arrêt du traitement, rhinite avec effet rebond, rhinite chimique ou “rhinite médicamenteuse”). La dépendance est alors considérée comme psychologique, même si, à l’arrêt, on observe un syndrome d’abstinence avec céphalées, anxiété et… une rechute. Une étude récente a montré comment des patients emprisonnés ont fait des abus de gouttes nasales à la xylométazoline, et les effets psychostimulants rapportés ont été mis en rapport avec une stimulation des récepteurs α1 adrénergiques situés dans le cortex (8). Ces effets d’activation du circuit de la récompense ont probablement été favorisés par le mode d’administration. Les facteurs pharmacocinétiques jouent en effet un rôle important, dans la mesure où ils déterminent l’effet de pic, à l’origine des effets stimulants rapportés. Plus l’action pharmacologique du produit est rapide et aiguë, plus le couplage entre exposition et réponse autorenforçante est intense. La voie d’administration, la forme galénique, les demi-vies d’absorption et d’élimination, et même la vitesse de distribution interviennent dans cet effet de pic. Dans le cas des rhinites médicamenteuses, il est donc logique de substituer progressivement aux vasoconstricteurs des substances efficaces (corticoïdes locaux) qui ne provoquent pas le même effet renforçant, en expliquant au patient les mécanismes de leur conduite addictive et les symptômes auxquels ils peuvent s’attendre lors de ce sevrage. Tabac et cannabis sont fumés mais aussi prisés, et le tabac pourrait de nouveau être chiqué ! Le tabac comme le cannabis, dont l’inhalation de l’un favorise la pénétration de l’autre, contiennent diverses substances : goudrons (benzopyrènes, et benzoanthracènes, agents cancérigènes), cétones, aldéhydes et stéroïdes mais aussi insecticides, métaux (nickel, etc.) ; et les filtres (quand ils sont utilisés) ne sont pas toujours très efficaces. Les effets de toutes ces substances ne sont pas tous connus mais, à leur contact, la muqueuse nasale s’épaissit et sécrète un excès de mucus. Les fumeurs se plaignent d’une sensation de nez bouché, soit sur les deux fosses nasales soit à bascule, c’est-àdire alternativement sur l’une puis l’autre fosse nasale, d’une diminution de l’odorat (15 à 20 % des capacités olfactives) réversible à l’arrêt des consommations. Les fonctions ciliaires vibratiles sont paralysées, voire détruites, ce qui se traduit par des toux et des troubles pulmonaires (BPCO entre autres) et par des rhinosinusites plus fréquentes, avec des douleurs souvent au niveau du front témoignant des difficultés de drainage sinusien, qui peuvent, chez les gros fumeurs, aggraver les symptômes de la BPCO. Rappelons que le tabac fut d’abord prisé à partir des années 1680 ; cette mode semble de nouveau d’actualité et il est aisé de se procurer du tabac à chiquer sur Internet. Dans certains pays, des tabacs à chiquer sont proposés aux gros fumeurs, qui sont particulièrement exposés aux ravages induits par leur incoercible consommation et qui ne sont donc plus soumis au monoxyde de carbone produit par la combustion des cigarettes. Ils peuvent, comme le snus fabriqué en Suède, être dépourvus de nitrosamines, lesquels sont à l’origine de cancers buccaux. Le traitement communément proposé reste les substituts nicotiniques (gomme, patch et inhaleur) [9]. Le spray nasal de nicotine est une forme commode d’administration, qui n’est pas commercialisée en France par crainte de pérenniser la dépendance (son effet pic est identique à celui de la cigarette fumée). Elle pourrait cependant être une solution pour les fumeurs qui n’arrivent pas à “décrocher” malgré l’utilisation des autres formes de substituts. Faciles d’accès : les solvants, un rappel de leurs effets (10) [encadré III] L’inhalation (sniffing) des solvants se fait directement à partir du flacon ou à l’aide d’un tampon imbibé maintenu sous le nez. Quelquefois, le produit est versé dans un sac plastique, et inhalé après avoir couvert le nez La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 321 - avril-mai-juin 2010 | 13 DOSSIER THÉMATIQUE Spécial “Odorat” Références bibliographiques 1. Lacoste J, Peyrou F, CharlesNicolas A. Cocaïne et crack : quelle prise en charge thérapeutique en 2010 ? Courrier des addictions 2010;12(2):27-9. 2. Costes JM (dir). Les usages de drogues illicites en France depuis 1999 vus au travers du dispositif TREND. Saint-Denis : OFDT, 2010. 3. American Psychiatric Association. DSM-IV-TR ; Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Texte révisé. Paris : Masson, 2003. 4. Blaise G,Vanhooteghem O, De la Brassinet M. Cocaine sniffing-induced lesions. J Eur Acad Dermatol Venereol 2007;21:1262-3. 5. Scheinmann R, Hagan H, Lelutiu-Weinberger C et al. Non-injection drug use hepatitis C virus: a systematic review. Drug Alcohol Depend 2007;89 :1-12. 6. Plan de gestion de risque de la spécialité pharmaceutique Instanyl® – Laboratoire Nicomed. Afssaps, avril 2010. http://www.afssaps. fr/Infos-de-securite/Lettresaux-professionnels-de-sante/ Mise-a-disposition-de-la-specialite-INSTANYL-R-LaboratoireNycomed-et-informationsimportantes-sur-le-bon-usageLettre-aux-professionnels-desante 7. Fox N. Chronic effect of epinephrine and ephedrine on the nasal mucosa. Arch Otolaryngol 1931;30:73-6. 8. Anand SA, Salamon M, Habrat B, Scinska A, Bienkowski P. Misuse of xylometazoline nasal drops by inhalation. Substance use and misuse 2008;43:2163-8. 9. Perriot J. L’aide à l’arrêt du tabagisme des fumeurs irréductibles. Le Courrier des addictions 2010;12(1):15-7. 10. NIDA. Research report: inhalant abuse (2009). http://www. nida.nih.gov/researchreports/ inhalants/Inhalants.html Drogues et sensations : le nez dans tous ses états et/ou la bouche avec l’ouverture du sac (“bagging”) ; l’anoxie et la plus grande concentration ainsi obtenues majorent les effets. L’inhalation peut aussi se faire au-dessus d’un récipient chauffé. Le “spraying” consiste à pulvériser l’aérosol du produit que l’on désire inhaler directement dans la cavité nasale ou buccale, et le “huffing”, à imbiber un chiffon avec le produit sous forme liquide, le mettre dans la bouche et “aspirer” pour inhaler. Les vapeurs d’aérosols et de dissolvants passent rapidement des poumons dans le sang et atteignent les tissus fortement vascularisés comme le cerveau et le foie. Leur grande liposolubilité facilite leur fixation cérébrale et leur stockage, et leur élimination complète est d’autant plus lente. Tous les solvants passent la barrière placentaire. La tolérance apparaît rapidement, le sujet devant avec la plupart de ces produits augmenter les doses pour obtenir un effet semblable à chaque prise. La dépendance est essentiellement psychologique, les usagers éprouvant un besoin intense de leur produit. La dépendance physique peut se manifester par des crampes musculaires et des douleurs abdominales. Il s’agit de produits attractifs car ils sont faciles à obtenir, peu coûteux et simples à consommer. Ils entraînent rapidement des effets euphorisants et stimulants provoquant un bien-être intense suivi d’une ivresse qui peut être la cause d’accidents. Le syndrome confusionnel peut s’accompagner d’illusions et d’hallucinations visuelles et auditives et peut aller jusqu’au coma avec survenue de convulsions. Les signes d’appel sont simples à repérer, à Les anesthésiques volatils, dont l’éther, le trichloréthylène et le protoxyde d’azote (oxyde nitrique ou gaz hilarant), le GHB (acide γ-hydroxybutyrique) sont les plus connus. Les nitrites volatils, ou “poppers”, se présentent sous forme d’ampoules de gaz sous pression. Ils ont des effets vaso dilatateurs entraînant une euphorie et une sensation de flash. Ils peuvent causer des méthémoglobinémies sévères. Les colles contenant de l’acétone, de l’acétate d’éthyl (dépresseurs sans toxicité chronique), du méthyléthylcétone (qui peut entraîner une névrite optique rétrobulbaire), de l’hexane (responsable de polynévrite), du toluène (neurotoxique) et du benzène à l’état de traces (toxique pour la moelle hématopoïétique). Les dissolvants, les détachants, les diluants de peinture contenant de l’acétone, du toluène, des acétates aliphatiques. Les gaz propulseurs d’aérosols à base de fluorocarbone, mais aussi l’essence et les gaz d’échappement d’automobile. Ces produits sont particulièrement toxiques. Leur inhalation expose les muqueuses fragilisées de l’utilisateur à des effets caustiques directs, soumet les poumons à une pression dangereuse et peut même causer un effet réfrigérant lorsque les produits se vaporisent et absorbent la chaleur de tout ce qui les entoure. Encadré III. Drogues inhalées. 14 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 321 - avril-mai-juin 2010 condition de les connaître : irritation du nez et des yeux, maux de tête et de ventre, etc. La consommation touche de petits groupes d’adolescents garçons, des cas isolés dans des familles à risque (famille monoparentale, touchée par le chômage, l’alcool, etc.), certains groupes particuliers (milieu festif, homosexuel , etc.). Le risque létal est constitué par la toxicité aiguë (syndrome de mort subite), par le mode d’administration (asphyxie, régurgitation) ou l’absence de témoin pour déclencher les secours. Les complications à long terme seraient plus la conséquence d’un usage prolongé dans des conditions de vie précaires (enfants des rues). La dangerosité reste discutée. En revanche, les auteurs insistent sur la nécessité de fournir une information crédible (par exemple prévenir l’asphyxie dans le sac plastique) et de ne pas “criminaliser” ces conduites, pour faciliter l’intervention des secours. S’il n’y a pas de lien clairement établi avec les conduites délinquantes, ces usages semblent constituer un mode de passage à d’autres consommations de drogues (alcool, cannabis). Leur prévention suppose une action sur l’offre. La restriction de la vente a été efficace (par exemple, pour la colle à Rustines), ainsi que la recherche de commercialisation par les fabricants de produits en évitant fascination et publicité, et en favorisant des actions communautaires soutenant plus particulièrement les familles les plus en difficulté. Collaboration entre ORL et addictologue, intérêt de l’approche “réduction des risques” Il n’est plus possible en 2010 d’ignorer les modalités de prise en charge addictologique. Elles découlent de l’évaluation clinique (gravité des consommations, intensité du craving, présence de symptômes psychiatriques). Le sevrage n’est pas nécessairement une priorité, et il nécessite un encadrement et une mise à distance des sources d’approvisionnement de drogue. La prévention des rechutes est fondamentale et repose sur une alliance thérapeutique dans laquelle chaque intervenant peut avoir sa place. L’usager de drogues est peu sensible aux discours moralisateurs ; en revanche, si le spécialiste, ici l’ORL, entame une prise en charge en l’informant sur les risques encourus et en l’invitant à ménager ses muqueuses, s’il ne peut stopper ses consommations, il sera surpris des capacités d’écoute de son patient et aura la chance de voir suivi son conseil d’orientation vers un addictologue. ■