La selle_Thierry Adam

Transcription

La selle_Thierry Adam
LA SELLE
La selle idéale ? Existe-t-il une selle universelle pour les femmes ? Bien sûr que non. Le choix d’une selle est
délicat et personnel, très lié à la sensibilité à la douleur, à la tendance aux irritations, à l’anatomie, toutes des
caractéristiques bien personnelles.
Déjà en 1892, Louis Baudry de Saunier, qui a publié les premiers ouvrages sur la bicyclette, écrivait : « La
selle est la partie de la machine la plus difficile à choisir ». Et le Dr. Ludovic O’Followel, de confirmer en
1900 dans son livre « Bicyclette et Organes génitaux » : « il nous faut critiquer le procédé par lequel
plusieurs constructeurs ont cru arriver à réaliser la selle parfaite ».
Un siècle plus tard, aucune étude n’est parvenue à démontrer qu’il existe une selle qui convienne à toutes les
sportives féminines. Ces études fournissent des conseils et des mises en garde plutôt qu’elles n’indiquent la
selle idéale. Car les « douleurs de selle » restent la cause la plus fréquente de douleur non traumatique liée à
la pratique du vélo. Et dans le cas des femmes, elles ont plutôt tendance à souffrir en silence … dans un
milieu toujours masculinisé.
Anatomie féminine. Pourtant, les filles et les femmes présentent plus de risque de souffrir que leurs
collègues masculins : la vulve, qui est une muqueuse particulièrement sensible à l’irritation locale, est
directement posée sur la selle, de manière fixe, contrairement à l’homme dont les organes génitaux sont
repoussés vers le haut, en dehors de l’appui. L’ogive pubienne, c’est-à-dire l’écartement des os du bassin, est
plus large chez la femme, ce qui écrase davantage les tissus du périnée entre selle et pubis. L’écrasement est
encore favorisé par une tendance plus prononcée du bassin féminin à être incliné vers l’avant, et encore
majoré par l’inclinaison de la cycliste vers l’avant dans la recherche d’une position aérodynamique.
Guidés par ces constatations anatomiques, les travaux de recherche sur la selle féminine « idéale » ont porté
sur le matelassage des selles, l’élargissement de leur partie postérieure, et la diminution voire la suppression
du bec de selle, tout cela dans le but de diminuer la pression sur la partie antérieure du périnée.
Caractéristiques des selles destinées aux femmes. La distance entre les ischions (les os sur lesquels nous
sommes assis) étant plus importante chez la femme, une selle plus large dans sa partie arrière permet de
diminuer la compression du périnée. Certains constructeurs proposent le même modèle de selle en
plusieurs largeurs.
Les selles comportant un bec plongeant ou raccourci permettent d’incliner le tronc vers l’avant sans
écraser le périnée antérieur. Certains constructeurs commercialisent même des selles sans bec, mais celui-ci
est indispensable pour la stabilité et le pilotage du vélo.
Certaines selles comprennent un canal ou un trou central qui permettent aux parties internes des organes
génitaux (les petites lèvres) de ne pas subir d’écrasement ou de frottement. Si le canal ou le trou central
suppriment la pression au niveau de la partie interne, ils la reportent et l’augmentent sur les parties plus
latérales du périnée (les grandes lèvres) et sur les ischions, pouvant parfois provoquer des abrasions de la
peau, des compressions des nerfs et des vaisseaux, voire favoriser l’apparition de kystes. A vous de décider
en fonction de votre sensibilité et/ou de vos irritations. Si vous présentez régulièrement des cystites ou des
infections vaginales, les selles à trou peuvent convenir. Si vous souffrez fréquemment d’irritations sur les
côtés, près de la racine des cuisses, mieux vaut opter pour une selle sans trou, comprenant éventuellement
un insert de gel.
Le rembourrage de la selle par des mousses de densité différente doit être plus dur à l’arrière et devenir
plus tendre à mesure que l’on s’approche du bec. Les selles carbones, vu leur absence de rembourrage, sont
destinées aux périnées peu sensibles. Les meilleurs modèles permettent de filtrer les vibrations grâce à la
flexibilité de leur coque, diminuant quelque peu l’inconvénient de la rigidité du carbone.
Position et inclinaison de la selle. Si pour l’homme, l’allongement de la position, c’est-à-dire le recul de la
selle, diminue les problèmes de périnée, le conseil est inverse chez la femme. Chez elle, une position
allongée augmente l’écrasement des parties génitales. En cas d’irritations fréquentes de la région génitale, il
faut tenter d’avancer légèrement la selle, voire de lever légèrement le guidon. En général, le plan de la selle
doit être horizontal. La selle peut être inclinée légèrement vers l’avant s’il existe des douleurs, des
gonflements, ou des symptômes d’insensibilité au niveau de la vulve. Il faut éviter les appuis prolongés sur
le bec de selle. Quelques coups de pédale en danseuse de manière régulière font partie aussi des moyens de
préventions des douleurs, en supprimant la compression des tissus.
Thierry Adam - Gynécologue-Obstétricien, Médecin du Sport, Médecin des équipes de France féminines de
cyclisme, auteur du livre "Gynécologie du sport: risques et bénéfices de l'activité physique chez la femme".