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PRB 07-03F L’EUTHANASIE ET L’AIDE AU SUICIDE : EXPÉRIENCES INTERNATIONALES Mollie Dunsmuir Marlisa Tiedemann Division du droit et du gouvernement Le 7 mai 2007 PARLIAMENTARY INFORMATION AND RESEARCH SERVICE SERVICE D’INFORMATION ET DE RECHERCHE PARLEMENTAIRES Le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement travaille exclusivement pour le Parlement, effectuant des recherches et fournissant des informations aux parlementaires et aux comités du Sénat et de la Chambre des communes. Entre autres services non partisans, il assure la rédaction de rapports, de documents de travail et de bulletins d’actualité. Les analystes peuvent en outre donner des consultations dans leurs domaines de compétence. THIS DOCUMENT IS ALSO PUBLISHED IN ENGLISH LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT TABLE DES MATIÈRES Page INTRODUCTION ................................................................................................................. 1 ÉTATS-UNIS ........................................................................................................................ 1 A. Lois d’État interdisant l’aide médicale au suicide ........................................................ 2 B. Le Death with Dignity Act de l’Oregon ........................................................................ 1. Dispositions de la loi.................................................................................................. 2. Contestations judiciaires visant le Death with Dignity Act........................................ 3. Rapport annuel sur le Death with Dignity Act ........................................................... 3 3 4 5 C. Initiatives prises par d’autres États................................................................................ 5 ROYAUME-UNI................................................................................................................... 6 PAYS-BAS ............................................................................................................................ 8 AUSTRALIE ......................................................................................................................... 12 BELGIQUE............................................................................................................................ 14 SUISSE .................................................................................................................................. 14 FRANCE................................................................................................................................ 15 L’EUTHANASIE ET L’AIDE AU SUICIDE : EXPÉRIENCES INTERNATIONALES ∗ INTRODUCTION Depuis une dizaine d’années, des voix se mobilisent dans certains pays en faveur de la légalisation de l’aide médicale au suicide et, dans certains cas, de l’euthanasie( 1 ), tandis que d’autres continuent à s’opposer à la suppression des sanctions pénales à l’endroit de ceux qui aident une personne à mettre fin à ses jours ou provoquent sa mort à la demande de celle-ci. Le présent document fait état de la situation dans les pays qui autorisent déjà l’aide médicale au suicide ou l’euthanasie (ou des deux) dans certaines circonstances et des mesures prises par certains pays pour encourager une plus grande acceptation de ces pratiques. Il résume également certains événements ayant alimenté le débat sur le sujet. ÉTATS-UNIS À ce jour, l’Oregon est le seul État à avoir adopté une loi autorisant explicitement l’aide médicale au suicide. C’est ce qui explique le peu d’affaires aux États-Unis concernant des lois d’État autorisant l’aide au suicide; la plupart des décisions à cet égard concernent des lois qui interdisent explicitement cette pratique. ∗ La première version du bulletin d’actualité 91-9F intitulé L’euthanasie et l’aide au suicide au Canada a été publiée pour la première fois en février 1992. Le bulletin est mis à jour périodiquement depuis. (1) Bien qu’il existe de nombreuses définitions de l’euthanasie et de l’aide au suicide, nous utilisons, dans le présent document, les définitions énoncées dans le bulletin Euthanasie et aide au suicide au Canada, supra, qui sont celles utilisées par le Comité sénatorial spécial sur l’euthanasie et l’aide au suicide dans son rapport intitulé De la vie et de la mort (juin 1995). L’euthanasie est un acte consistant à provoquer intentionnellement la mort d’autrui pour mettre fin à ses souffrances. L’aide au suicide est le fait d’aider quelqu’un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les renseignements ou les moyens nécessaires, ou les deux. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 2 A. Lois d’État interdisant l’aide médicale au suicide En 1994, une Cour fédérale de district à Seattle a déclaré inconstitutionnelle une loi de l’État de Washington interdisant l’aide médicale au suicide. En mars 1995, une formation de trois juges de la Cour d’appel du neuvième circuit des États-Unis a annulé cette décision, affirmant que le droit à l’aide médicale au suicide n’avait pas sa place dans « les traditions de notre nation » et était contraire à la défense de la vie humaine, « qui est l’une des principales responsabilités de notre gouvernement constitutionnel ». En mars 1996, toutefois, la cause a été à nouveau entendue par la Cour du neuvième circuit, cette fois devant tous les juges qui ont déterminé, à une majorité de huit contre trois, que la loi de l’État de Washington interdisant l’aide médicale au suicide était bel et bien inconstitutionnelle et qu’elle violait le principe de liberté garanti par le quatorzième amendement concernant l’application régulière de la loi. La décision était exécutoire dans les neuf États de l’Ouest. En avril 1996, une formation de trois juges de la Cour d’appel du deuxième circuit des États-Unis a annulé à l’unanimité une loi semblable dans l’État de New York. La Cour a statué que la loi new-yorkaise, qui interdisait aux médecins d’aider des patients en phase terminale à mettre fin à leurs jours, violait la disposition relative à l’égalité de protection garantie par le quatorzième amendement en ce sens qu’elle protégeait le droit des patients d’ordonner le débranchement d’appareils de survie, tout en interdisant un soulagement comparable à d’autres patients en phase terminale, c’est-à-dire aux personnes capables qui ne sont pas maintenues en vie par des appareils. Le 1er octobre 1996, la Cour suprême des États-Unis a accepté d’entendre un appel des décisions des deux cours d’appel. Elle avait d’abord refusé d’entendre un appel d’une décision de la Cour de l’État du Michigan qui confirmait une loi interdisant l’aide au suicide (cette loi avait été adoptée après que le Dr Kevorkian eut commencé sa campagne pour aider les personnes en phase terminale à mourir). Le 26 juin 1997, la Cour suprême a infirmé la décision des deux cours d’appel et confirmé les lois des États de Washington et de New York qui interdisent l’aide au suicide. Cependant, le fait que la Cour ait jugé ces deux lois constitutionnelles ne signifie pas pour autant qu’une loi autorisant l’aide au suicide serait automatiquement jugée inconstitutionnelle. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 3 B. Le Death with Dignity Act de l’Oregon 1. Dispositions de la loi En novembre 1994, les électeurs de l’Oregon ont voté en faveur du projet de loi 16, selon lequel tout adulte en phase terminale résidant dans l’État et dont l’espérance de vie diagnostiquée serait de moins de six mois pourrait obtenir une ordonnance pour des médicaments lui permettant de mettre fin à ses jours. Les médecins seraient autorisés à prescrire une telle ordonnance, mais à certaines conditions : • Le patient doit demander les médicaments deux fois de vive voix et une fois par écrit. • Le patient doit obtenir l’avis d’un deuxième médecin. • Il doit s’être écoulé au moins 15 jours depuis la première demande. • Le patient doit être jugé « capable », ce qui signifie que « de l’avis d’un tribunal ou de son médecin traitant ou d’un médecin consultant, d’un psychiatre ou psychologue, le patient a la capacité de prendre des décisions concernant les soins de santé et de les communiquer aux fournisseurs de soins ou, si ces personnes ne sont pas disponibles, à des personnes qui connaissent la manière de communiquer du patient »( 2 ). • Si le médecin est d’avis que le jugement du patient peut être diminué en raison d’un trouble de nature psychiatrique ou psychologique ou d’une dépression, il doit le diriger vers un conseiller et ne peut prescrire de médicament pour mettre fin à la vie de ce patient jusqu’à ce qu’une décision confirme que le jugement du patient n’est pas diminué. • Le médecin doit s’assurer que le patient prend sa décision en toute connaissance de cause, c’est-à-dire, selon la définition de la loi( 3 ), une décision fondée sur une évaluation des faits pertinents et prise après que son médecin traitait lui ait donné les renseignements suivants : son diagnostic médical les risques potentiels associés au médicament qui lui sera prescrit le résultat probable de la prise du médicament qui lui sera prescrit les autres solutions possibles, notamment, sans toutefois s’y limiter, les soins de confort, les soins palliatifs et le soulagement de la douleur. (2) Oregon Death with Dignity Act, Lois révisées de l’Oregon, chapitre 127, 127.800 §1.01(3). (3) Ibid., §1.01(7). LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 4 2. Contestations judiciaires visant le Death with Dignity Act Une contestation judiciaire a empêché la promulgation du projet de loi 16 et, en août 1995, un juge de la Cour de district l’a déclaré inconstitutionnel et invalide. En octobre 1997, toutefois, la Cour d’appel du neuvième circuit des États-Unis a statué que les demandeurs n’avaient pas la capacité juridique de contester le projet de loi. La Cour d’appel n’a pas tranché quant au bien-fondé constitutionnel de l’aide médicale au suicide et la Cour suprême des États-Unis a rejeté une requête en appel. En juin 1997, l’assemblée législative de l’Oregon a décidé de soumettre la Death with Dignity Act à l’électorat une deuxième fois, soit en novembre 1997. Les électeurs de l’Oregon l’ont alors confirmée par une majorité de 60 p. 100. Les adversaires du Death with Dignity Act n’ont pas tardé à entreprendre des démarches pour que le gouvernement fédéral fasse échec à l’initiative de l’État. En juin 1998, la secrétaire à la Justice, Janet Reno, annonçait que le Controlled Substances Act ne permettrait pas aux fonctionnaires fédéraux de poursuivre les médecins qui aideraient des patients à se suicider en Oregon, mais que la Loi les autorisait à engager des poursuites lorsque l’aide médicale au suicide n’était pas autorisée par une loi d’État( 4 ). Après le changement d’administration, le procureur général John Ashcroft a émis une règle interprétative, en novembre 2001, déclarant que l’aide médicale au suicide n’était pas un « objectif médical légitime » et que les médecins qui prescriraient, dispenseraient ou administreraient des substances relevant de la réglementation fédérale pour aider une personne à mourir violeraient le Controlled Substances Act. La validité de la Règle interprétative a été contestée devant les tribunaux par l’État de l’Oregon et un groupe de résidents incluant un médecin, un pharmacien et des patients en phase terminale. En janvier 2006, la Cour suprême des États-Unis a confirmé la décision de la Cour d’appel du neuvième circuit selon laquelle la règle interprétative était invalide parce qu’elle outrepassait l’autorité conférée au procureur général en vertu du Controlled Substances Act( 5 ). (4) Déclaration de la secrétaire à la Justice Reno des États-Unis concernant le Death with Dignity Act de l’Oregon, 5 juin 1998, http://www.usdoj.gov/opa/pr/1998/June/259ag.htm.html. (5) Gonzales c. Oregon (04-623) 368 F.3d 1118, 17 janvier 2006. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 5 3. Rapport annuel sur le Death with Dignity Act En vertu du Death with Dignity Act, le département des Services aux personnes (Department of Human Services) est tenu de faire un examen annuel des renseignements obtenus conformément à la Loi et de faire rapport. Le neuvième rapport annuel (pour 2006) a été publié en mars 2007. Soixante-cinq doses mortelles de médicament ont été prescrites en 2006 et le même nombre l’année précédente. Le nombre de décès survenus (différent du nombre d’ordonnances) a dépassé celui de n’importe quelle année antérieure. En 2006, 1,47 décès sur 1 000 parmi les résidents de l’Oregon est le résultat d’un suicide assisté par un médecin. C. Initiatives prises par d’autres États Depuis deux ans, cette question a connu un regain d’intérêt, probablement à cause de la controverse suscitée par l’affaire Terry Schiavo, une femme de Floride atteinte d’une grave lésion au cerveau dont le décès, en mars 2005, a été causé par le retrait de son tube d’alimentation, et, plus récemment, de l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Gonzales c. Oregon, selon lequel le Controlled Substances Act ne pouvait pas s’appliquer contre des médecins qui ont prescrit des médicaments dans le but d’aider une personne à se suicider, comme le permet la loi de l’Oregon. Au Vermont, un projet de loi similaire au Death with Dignity Act de l’Oregon, tant dans sa forme que dans sa substance, a été présenté le 28 février 2003. Le projet de loi H.0318, le Vermont Death with Dignity Act, n’a pas franchi l’étape de la première lecture. Il a été présenté de nouveau le 4 février 2005 avec quelques amendements sous le titre H.0168, Death with Dignity. En avril 2005, le Comité des Services de santé et des services aux personnes de la Chambre a tenu quatre réunions sur le projet de loi et entendu quelques témoins, mais le projet de loi n’a pas été mis en vigueur. En mars 2007, un autre projet de loi a été rejeté. Dans d’autres États, des initiatives similaires au Death with Dignity Act de l’Oregon n’ont pas abouti. En 2000, par exemple, les électeurs du Maine ont rejeté par scrutin le Death with Dignity Act du Maine. À Hawaii, plusieurs tentatives ont eu lieu dans le but de faire adopter une loi, la plus récente étant le projet de loi HB 1454, Death with Dignity; après avoir entendu des témoignages relativement à ce projet de loi, le Comité de la santé de la Chambre s’est prononcé, en février 2005, contre sa présentation. En Californie, le projet de loi AB 651, LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 6 The Compassionate Choices Act, (qui, à l’instar du Death with Dignity Act de l’Oregon, permettrait à un patient ayant moins de six mois à vivre de se faire prescrire un médicament qui mettrait fin à ses jours) a été approuvé par deux comités de l’Assemblée en 2005, mais rejeté par le Comité judiciaire du Sénat en 2006. Un autre projet de loi portant le même nom est actuellement en suspens. ROYAUME-UNI Au Royaume-Uni, les décisions relatives à l’interruption de la vie ont suscité une vive controverse. Au cours des cinq dernières années, certains événements ont soulevé un débat houleux à ce sujet, notamment une affaire portée devant la Cour européenne des droits de l’homme et un projet de loi visant à autoriser l’aide médicale au suicide. L’euthanasie est illégale dans l’ensemble du Royaume-Uni. La loi permet toutefois de ne pas ou de ne plus administrer à certains patients un traitement qui prolongerait leur vie et, ainsi, de hâter leur mort. La question a retenu l’attention en 1993, lorsque les parents et les médecins de Tony Bland, un jeune homme qui vivait depuis des années dans un état végétatif persistant, ont demandé aux tribunaux la permission de cesser d’alimenter et d’hydrater artificiellement leur fils. La Chambre des lords a conclu que l’alimentation et l’hydratation artificielles constituaient un traitement médical et qu’on pouvait donc les interrompre légalement, l’interruption constituant une omission et non un acte. D’autres cas ultérieurs ont permis d’établir qu’il existe des circonstances dans lesquelles les médecins peuvent légalement cesser d’offrir un traitement prolongeant la vie lorsqu’il devient évident que la qualité de vie procurée par le traitement est intolérable pour le patient. En juin 1999, la British Medical Association (BMA) a publié des lignes directrices sur la non-administration ou l’interruption de traitements qui prolongent la vie, notamment l’alimentation et l’hydratation artificielles. Au début de décembre 1999, des articles de journaux ont laissé entendre que des hôpitaux publics laissaient leurs patients âgés mourir de faim. Une députée britannique, Mme Ann Winterton, ayant conclu que beaucoup de gens, surtout parmi les personnes handicapées ou âgées, avaient de plus en plus peur d’être hospitalisées parce que les lignes directrices de la BMA permettaient de cesser d’administrer des traitements médicaux, notamment l’alimentation sous perfusion, à des patients qui n’étaient pas mourants, a déposé un LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 7 projet de loi visant à interdire aux médecins de causer intentionnellement la mort de leurs patients. Le projet de loi intitulé Medical Treatment (Prevention of Euthanasia) aurait interdit à toute personne chargée d’administrer des soins médicaux à un patient de refuser ou de cesser d’administrer un traitement médical ou d’assurer la subsistance du patient dans le but de hâter ou de causer directement la mort du patient ou pour tout autre but. Mme Winterton a affirmé que son projet de loi ne visait pas à forcer les médecins à s’acharner à maintenir en vie leurs patients mourants ou à administrer des traitements inefficaces ou trop coûteux pour les patients, mais plutôt à empêcher les médecins ou qui que ce soit d’autre de faire de la qualité de vie des patients le facteur déterminant dans leur décision de refuser ou d’interrompre un traitement. Le débat sur le projet de loi a été ajourné en avril 2000 et la mesure a été abandonnée. Le cas de Diane Pretty a été entendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 19 mars 2002. Mme Pretty, paralysée à partir de la région cervicale à cause d’une maladie des motoneurones, n’avait pas réussi à obtenir l’assurance du directeur des poursuites publiques que son mari ne serait pas poursuivi s’il l’aidait à se suicider. La Chambre des lords a rejeté son appel ultérieur d’une décision de la Cour divisionnaire qui avait rejeté sa demande de révision judiciaire de la décision du directeur. Mme Pretty a affirmé que le rejet de la demande qu’elle avait présentée au directeur des poursuites publiques et l’interdiction, par le RoyaumeUni, du suicide assisté portaient atteinte à ses droits en vertu des articles 2, 3, 8, 9 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour a arrêté qu’aucun de ces articles n’avait été enfreint. En novembre 2004, un Comité spécial a été chargé d’examiner le projet de loi Assisted Dying for the Terminally Ill, présenté en mars par lord Joffe. Ce projet de loi est comparable au Death with Dignity Act de l’Oregon à bien des égards : par exemple, le patient doit être en phase terminale; le médecin ne doit avoir aucune raison de croire que le patient n’est pas apte à décider, il doit envoyer le patient consulter un deuxième médecin et il doit informer le patient de son diagnostic médical, du processus d’aide à la mort, des solutions de rechange, notamment des soins palliatifs. Le projet de loi de lord Joffe se distinguait toutefois du rapport au modèle de l’Oregon en ce sens qu’il permettait non seulement à un médecin de fournir à un patient les moyens de se donner la mort, mais permettait aussi à un médecin de mettre fin aux jours d’un patient si ce dernier était physiquement incapable de le faire lui-même. Une autre différence par rapport au Death with Dignity Act, était l’obligation pour le patient de faire sa LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 8 demande d’aide au suicide en présence d’un avocat qui, pour agir comme témoin, devait s’assurer que le patient était sain d’esprit et qu’il comprenait les conséquences de sa déclaration. Le projet de loi Assisted Dying for the Terminally Ill contenait également une disposition dégageant un médecin invoquant l’objection de conscience à l’égard de l’aide au suicide de toute obligation de participer à cette pratique. Le Comité spécial a publié son rapport sur le projet de loi en avril 2005 et, tout en faisant remarquer que le temps manquait pour l’étudier en détail d’ici la fin de la session, il a formulé certaines recommandations concernant tout projet de loi similaire susceptible d’être déposé ultérieurement. Par exemple, tout nouveau projet de loi devra établir une nette distinction entre l’aide au suicide et l’euthanasie. Il devra aussi indiquer clairement quelles actions le médecin peut ou ne peut pas faire pour aider un patient à se suicider ou pour pratiquer l’euthanasie volontaire. Le rapport du Comité a été débattu à la Chambre des lords en octobre 2005. Le 12 mai 2006, lord Joffe a présenté un autre projet de loi qui a été rejeté par ses pairs. PAYS-BAS Aux Pays-Bas, le terme « euthanasie » a un seul sens très clair et n’est généralement pas qualifié par des adjectifs comme « volontaire » ou « involontaire ». L’euthanasie désigne l’action par laquelle un médecin, agissant au nom d’un malade et conformément à des instructions très strictes, met fin délibérément à la vie du malade. L’euthanasie a toujours été interdite par le code pénal hollandais, qui dispose que quiconque inflige la mort à une personne à la demande explicite de cette dernière commet un acte criminel punissable d’une peine maximale de 12 ans d’emprisonnement. Malgré cette interdiction, l’euthanasie était cependant pratiquée aux Pays-Bas sans faire l’objet de poursuites en autant que certaines directives étaient suivies. Ces directives ont été élaborées en fonction d’une série de verdicts de non-responsabilité criminelle rendus par les tribunaux dans des affaires mettant en cause des médecins accusés d’avoir pratiqué l’euthanasie. En vertu de ces directives, les conditions suivantes devaient être respectées : • Le malade doit exprimer de manière explicite et répétée son désir de mourir. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 9 • La décision du malade doit être bien informée, libre et durable. • Le malade doit éprouver des douleurs physiques ou mentales aiguës sans perspective d’un soulagement (mais il n’a pas besoin d’être en phase terminale). • Toutes les autres solutions possibles doivent avoir été épuisées (de sorte que l’euthanasie est le dernier recours) ou le malade doit les avoir refusées. • L’euthanasie doit être pratiquée par un médecin qualifié. • Le médecin doit consulter au moins un autre médecin (ainsi que d’autres professionnels de la santé, s’il le juge approprié). • Le médecin doit informer le coroner local que l’euthanasie a été pratiquée. Avant 1990, il n’existait pas d’estimations fiables du nombre de cas d’euthanasie aux Pays-Bas. En septembre 1991, la Commission Remmelink (une commission du gouvernement néerlandais chargée de faire enquête sur l’euthanasie et d’autres décisions médicales relatives à l’interruption de la vie) a indiqué que ses études scientifiques lui avaient permis de conclure qu’environ 2 300 euthanasies avaient été pratiquées l’année précédente aux Pays-Bas, soit 1,8 p. 100 des décès survenus cette année-là. Les demandes d’euthanasie (environ 9 000) avaient été beaucoup plus nombreuses que le nombre d’euthanasies pratiquées (environ 2 300). De plus, la plupart des malades qui avaient demandé l’euthanasie (environ 70 p. 100) étaient des cancéreux en phase terminale. En février 1993, les Pays-Bas ont adopté une loi sur la procédure de déclaration des cas d’euthanasie. Cette loi ne légalisait pas l’euthanasie, mais garantissait l’immunité de poursuite aux médecins qui se conformaient à certaines lignes directrices. En 1994, la Cour suprême des Pays-Bas a tranché un cas controversé, l’affaire Chabot, et déclaré que le Dr Boudewijn Chabot était techniquement coupable d’aide au suicide. La patiente du Dr Chabot, Hilly Bosscher, avait 50 ans et ne voulait tout simplement plus vivre. Elle avait vécu un mariage violent, un de ses fils s’était suicidé et un second était mort du cancer. Elle souffrait de dépression depuis 20 ans et avait tenté de se suicider tout de suite après le décès de son deuxième fils. Elle était déterminée à se suicider, mais voulait le faire humainement, de façon à ne troubler personne. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 10 Le Dr Chabot a travaillé avec elle dans l’espoir de la faire changer d’avis et lui a suggéré de tenir un journal, qui a fait ressortir la volonté arrêtée de Mme Bosscher de mourir. Même s’il n’avait diagnostiqué aucune maladie physique ou psychiatrique, le Dr Chabot était d’avis que Mme Bosscher vivait depuis longtemps une intense souffrance psychique, sans espoir d’amélioration. Il a envoyé des transcriptions des séances de thérapie à sept collègues spécialistes qui se sont tous rangés à son avis. Considérant la situation sans espoir, le Dr Chabot a cru que le moindre des deux maux était de donner à sa patiente le moyen de se suicider sans douleur et de la façon la moins violente possible. La Cour suprême a accepté le principe voulant que l’aide au suicide soit justifiée même en l’absence de maladie physique, quand il y a une souffrance émotive ou mentale intense. Elle a toutefois précisé qu’il fallait faire preuve d’une extrême prudence dans ces situations. À son avis, le Dr Chabot avait enfreint les exigences procédurales, puisqu’aucun des sept spécialistes consultés n’avait examiné personnellement Mme Bosscher. Néanmoins, la Cour s’est refusée à imposer une peine au Dr Chabot, témoignant sans doute de l’ambivalence qu’inspire une situation aussi difficile. La question de l’aide au suicide pour soulager la souffrance non somatique (ou non physique) reste litigieuse. En 1995, les tribunaux néerlandais ont tranché deux affaires distinctes, mais semblables, où des médecins ont enlevé la vie à des nouveau-nés gravement handicapés qui souffraient et dont les jours étaient sans doute comptés. Dans les deux cas, le médecin a agi à la demande expresse des parents de l’enfant. Ces affaires illustrent de façon troublante l’écart existant entre le droit des parents de refuser un traitement pour leur enfant, même si la mort est l’issue inéluctable, et leur incapacité de soulager la douleur pendant la phase terminale. En août 1995, l’Association médicale royale des Pays-Bas a adopté de nouvelles directives en matière d’euthanasie et d’aide au suicide. Désormais, c’est le patient, quand cela est possible, qui doit administrer le médicament, plutôt que le médecin. Les nouvelles directives insistent également sur le fait que le deuxième médecin consulté doit être une personne d’expérience n’ayant aucun lien professionnel ou familial avec le patient ou le premier médecin. En août 1999, les ministres de la Justice et de la Santé ont déposé à la Chambre basse du Parlement un projet de loi visant à légaliser l’euthanasie et l’aide médicale au suicide. La mesure a été adoptée à la Chambre basse le 28 novembre 2000 par 104 voix contre 50 et au Sénat le 10 avril 2001 par 46 voix contre 28. La Loi est entrée en vigueur le 1er avril 2002. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 11 Les nouvelles dispositions législatives n’apportent aucun changement de fond quant aux motifs pour lesquels l’euthanasie (le fait de mettre fin à la vie d’une personne à sa demande) et l’aide médicale au suicide sont autorisés, mais précisent les critères de diligence raisonnable déjà énoncés. Le médecin doit : • être convaincu que le patient fait sa demande de son plein gré et qu’il l’a bien mûrie; • être convaincu que les souffrances du patient sont intolérables et qu’il n’existe aucune possibilité d’amélioration de son état; • informer le patient de son état et de son pronostic; • discuter de la situation avec le patient jusqu’à ce que tous deux conviennent qu’il n’existe aucune autre solution raisonnable; • consulter au moins un autre médecin étranger au cas, qui doit attester par écrit, après avoir examiné le patient, que son médecin traitant a respecté les critères de diligence raisonnable énoncés ci-dessus; • mettre fin à la vie du patient ou l’aider à y mettre fin en lui prodiguant tous les soins médicaux et l’attention dont il a besoin. L’élément le plus controversé de la nouvelle loi était une disposition permettant aux enfants de demander l’euthanasie ou l’aide médicale au suicide dès l’âge de 12 ans, mais le texte qui a été adopté reprend les exigences de la Loi sur les contrats de traitement médical, qui exige le consentement des parents lorsque la demande émane d’un malade âgé de moins de 16 ans. En principe, les jeunes de 16 et 17 ans peuvent prendre la décision eux-mêmes, mais leurs parents doivent toujours participer aux discussions qu’ils ont à ce sujet avec leurs médecins. En juin 2004, un article du The Lancet faisait valoir qu’il serait possible d’assouplir la stricte réglementation régissant l’euthanasie aux Pays-Bas, notamment parce qu’elle risquait d’encourager la sous-déclaration des cas. En ce qui concerne les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies non terminales, la situation demeure quelque peu ambiguë. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 12 AUSTRALIE En février 1995, le ministre principal du Territoire-du-Nord de l’Australie a déposé à l’Assemblée législative un projet de loi d’initiative parlementaire, le Rights of the Terminally Ill Bill (1995) (NT). L’intention du projet de loi était de donner aux personnes en phase terminale le droit de demander l’aide d’une personne compétente sur le plan médical pour s’enlever volontairement la vie. Un comité spécial sur l’euthanasie a été formé pour étudier le projet de loi et en faire rapport à l’Assemblée législative. En mai 1995, après avoir apporté plus d’une cinquantaine d’amendements au projet de loi, l’Assemblée législative l’a adopté dans une proportion de 15 voix contre 10. Comme on pouvait s’y attendre, le projet de loi a suscité une vive controverse, tant en Australie qu’à l’étranger. Certains ont exigé l’abrogation de la loi et exhorté le gouverneur général de l’Australie à l’annuler en vertu de la Northern Territory (Self-Government) Act, 1978. L’administrateur du Territoire-du-Nord a toutefois sanctionné la loi en juin 1995 et son règlement d’application en juin 1996. Celui-ci est entré en vigueur le 1er juillet 1996, au même moment que la loi elle-même. Le Territoire-du-Nord de l’Australie est donc devenu la première administration au monde à légaliser le suicide assisté par un médecin et l’euthanasie. Entre-temps, l’Assemblée législative du Territoire-du-Nord avait de nouveau amendé le projet de loi, portant à trois, au lieu de deux, le nombre de médecins concernés, dont un devrait être un psychiatre reconnu et un autre, un spécialiste de la maladie dont souffrait le patient visé. Le Rights of the Terminally Ill Act 1995 (NT) comprenait de nombreuses mesures de sécurité administratives ainsi que de nombreuses mentions relatives au traitement et aux niveaux de souffrance « acceptables pour le patient ». L’article 4 énonçait l’orientation fondamentale de la Loi : Un malade en phase terminale aux prises avec des douleurs, des souffrances ou une détresse qui lui sont inacceptables peut demander à son médecin de l’aider à mettre fin à ses jours. [Traduction] Une « maladie terminale » était définie comme une maladie qui entraînerait la mort du patient, à moins que des mesures extraordinaires ou un traitement inacceptable aux yeux du patient soient appliqués. Un médecin qui recevait une demande d’aide et suivait toute la LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 13 procédure prescrite dans la Loi pouvait légalement aider ce patient à mettre fin à ses jours. Son aide pouvait consister à prescrire ou à préparer une substance qui était administrée au patient ou que celui-ci prenait lui-même. Le médecin pouvait aussi, à tout moment et pour n’importe quelle raison, refuser d’accorder son aide. Les conditions suivantes s’appliquaient également : • Le patient devait être âgé d’au moins 18 ans. • Il était raisonnablement impossible de prodiguer au patient des palliatifs pouvant soulager suffisamment, à ses yeux, sa douleur et sa souffrance. • Il devait y avoir deux périodes d’attente, totalisant neuf jours, entre la première demande au médecin et le moment où l’aide était accordée. Pour empêcher le projet de loi d’entrer en vigueur, le président de la section du Territoire-du-Nord de l’Association médicale australienne, le Dr Christopher Wake, et un dirigeant aborigène, le révérend Djinyini Gondarra, ont contesté sa validité. Ils ont notamment avancé que l’exercice du pouvoir législatif par l’Assemblée législative est assujetti à l’obligation de protéger un « droit à la vie » inaliénable, profondément enraciné dans le système démocratique du gouvernement et la common law. Dans une décision majoritaire de deux contre un, la Cour a confirmé le projet de loi, soutenant qu’il ne lui incombait pas de décider si les dispositions violaient un droit fondamental puisque, en l’absence d’une déclaration des droits inscrite dans la Constitution, la question était de nature éthique, morale ou politique plutôt que juridique. Selon certains observateurs, la loi modifiée était trop lourde de conséquences pour être mise en application; la controverse a toutefois été relancée à la fin septembre 1996, quand un résident de Darwin est devenu la première personne à réussir à se prévaloir de la Loi. Ce patient souffrait d’un cancer de la prostate depuis cinq ans et, selon les rapports des médias, l’injection létale a été déclenchée par un ordinateur portatif au moyen duquel le patient a confirmé sa volonté de mourir. Trois autres personnes ont invoqué les dispositions de la Loi avant que celle-ci ne soit abrogée par le Parlement national. En vertu de l’article 122 de la Constitution australienne, le Parlement du Commonwealth a pleins pouvoirs d’adopter des dispositions législatives qui l’emportent sur les lois territoriales. En septembre 1996, M. Kevin Andrews, simple député du gouvernement, a LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 14 déposé un projet de loi d’initiative parlementaire visant à annuler la loi du Territoire-du-Nord sur l’euthanasie. Le projet de loi a été adopté par la Chambre des représentants le 9 décembre 1996 et par le Sénat le 24 mars 1997. BELGIQUE La Belgique a légalisé l’euthanasie en 2002( 6 ). Contrairement à la loi néerlandaise, la loi belge ne réglemente pas l’aide au suicide( 7 ), mais seulement l’euthanasie qu’elle définit comme un acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne, à la demande de celle-ci. La loi énonce des conditions qui doivent être remplies à la fois par la personne qui demande l’euthanasie et le médecin qui la pratique. Le médecin doit remplir un formulaire chaque fois qu’il pratique l’euthanasie; ce document est ensuite examiné par une commission dont le rôle consiste à déterminer si l’euthanasie a été pratiquée dans le respect des conditions et de la procédure énoncées dans la loi. Si les deux tiers des membres de la commission sont d’avis que les conditions n’ont pas été remplies, l’affaire est renvoyée à un procureur public. SUISSE L’article 114 du Code pénal suisse interdit l’euthanasie volontaire (mettre fin à la vie d’une personne à sa demande de celle-ci), mais impose une sanction moins sévère que pour d’autres présumés homicides : le meurtre entraîne une peine obligatoire d’emprisonnement d’au moins dix ans et l’homicide involontaire, une peine obligatoire d’emprisonnement d’au moins un an. L’article 114 précise seulement que quiconque tue une personne par compassion et à la demande expresse de celle-ci sera passible d’une peine d’emprisonnement (la durée n’est pas (6) Loi relative à l’euthanasie, F. 2002-2141 [C-2002/09590]. (7) Herman Nys, Euthanasia in the Low Countries: A comparative Analysis of the Law Regarding Euthanasia in Belgium and the Netherlands, dans Ethical Perspectives, vol. 9, no 2-3 (juin-septembre 2002), p. 73 à 85, http://www.ethical-perspectives.be/viewpic.php?LAN=E&TABLE=EP&ID=51. LIBRARY OF PARLIAMENT BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT 15 précisée)( 8 ). L’article 115 porte sur l’aide au suicide et prévoit que quiconque, poussé par un mobile égoïste, incite ou aide une personne à se suicider sera passible d’une peine d’emprisonnement( 9 ). L’aide au suicide est donc autorisée si la personne qui la pratique est mue par un mobile qui n’est pas égoïste. L’article 115 n’exige pas la participation d’un médecin, ce qui est une différence importante par rapport aux lois des autres pays qui autorisent l’aide au suicide ( 10 ). FRANCE En France, le ministre de la Santé a relancé le débat sur l’euthanasie dans une entrevue publiée par Le Figaro en août 2004. Philippe Douste-Blazy a demandé l’adoption d’une loi garantissant le droit de mourir dans la dignité, tout en excluant la légalisation de l’euthanasie. Il a laissé entendre qu’un projet de loi définissant les solutions juridiques offertes aux patients en phase terminale serait déposé à l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année. En avril 2005, le Sénat français a approuvé des modifications au Code de la santé publique( 11 ) concernant les soins palliatifs. La loi ne porte ni sur l’aide au suicide ni sur l’euthanasie, mais plutôt sur l’interruption de traitement et la prescription de médicaments antidouleur lorsque cette mesure entraîne une mort plus rapide. (8) Christian Schwarzenegger, Sarah J. Summers, Criminal Law and Assisted Suicide in Switzerland, mémoire adressé au Comité spécial sur le projet de loi Assisted Dying for the Terminally Ill Bill, Chambre des lords, 3 février 2005, http://www.rwi.unizh.ch/schwarzenegger/unterlagen/unterlagen/assisted-suicide-Switzerland.pdf. (9) Ibid. (10) Ibid. (11) Code de la santé publique, Loi n° 2005-370, J.O. 23 avril 2005.