Conférence du mardi 12 novembre 2013 : Trois figures de révolté
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Conférence du mardi 12 novembre 2013 : Trois figures de révolté
Conférence du mardi 12 novembre 2013 : Trois figures de révolté : Dostoïevski, Nietzche, Camus Intervenant : Bernard de Castéra, professeur au Lycée Passy-Buzenval et à l’Institut de Philosophie comparée La révolte : terme fort qui désigne l’incapacité à résoudre les conflits de manière pacifique. La France est un pays marqué par la culture de la révolte. La Révolution française est un échec car elle aboutit à Robespierre et il faut ensuite attendre un siècle pour l’instauration durable et pacifique d’une République, processus qui marque tout le XIXe siècle. Malgré sa violence, la Révolution française échoue à résoudre tous les conflits qui l’ont déclenchée. La culture politique et littéraire de la France en est toujours marquée, une partie du pays étant toujours en révolte contre l’autre. I) Dostoïevski (1821-1881) Il habitait la Russie du XIXe siècle et parlait le français et connaissait très bien la culture française. C’était un homme profondément blessé, épileptique, aimant une femme dominatrice et vouant une grande passion au jeu (Le Joueur). Il était monarchiste mais proche des fouriéristes (les premiers socialistes) qui étaient traqués par la police, d’où sa condamnation à mort commuée en dix ans de bagne. Il est donc tenté par le nihilisme et l’anarchie fouriériste, c’est pourquoi il réfléchit sur la révolte et va jusqu’à la condamnation à mort et au bagne. A la fin du XIXe siècle, les révoltes sont nombreuses en Russie, les anarchistes posant des bombes dans le cadre de leurs actions terroristes. Il évoque ces sujets dans ses romans (Les Démons) et s’interroge sur la révolte contre Dieu dans Les Frères Karamazov : si Dieu n’existe pas, tout est permis (je peux donc tuer mon père ou le laisser tuer par quelqu’un d’autre), donc l’athéisme implique l’anarchisme. Marx, à la même époque, s’interroge aussi sur la présence d’athées dans la société. Pour Locke, la limite de la tolérance, c’est l’athéisme car les athées sont des anarchistes, aucun contrat n’est donc possible avec eux. II) Nietzche (1844-1900) Linguiste et philosophe très lu mais difficile à comprendre car écrit quelques lignes sur un sujet avant de passer à un autre, sa pensée étant constituée de bribes. Il souffre de maux de têtes très violents. Lecteur de Dostoïevski et de ses Carnets du sous-sol, roman mettant en scène un homme faible qui craint ce qu’on pense de lui et en veut à tout le monde parce qu’il imagine ce qu’on croit de lui. Pour Nietzche, ce personnage ne se révolte pas frontalement et ne fait que des coups bas ou de côté. Ce serait un fondement de la psychologie féminine car les femmes agissent toujours de biais (tendresse, larmes). Pour lui, le ressentiment est un ressort de la psychologie humaine. Nietzche est révolté contre tout ce qui est intellectuel (même s’il a enseigné à la faculté) et Socrate représente l’intellectuel par excellence, c’est pourquoi il condamne la culture et la philosophie grecque (la Naissance de la tragédie). Nietzche appelle au retour à une culture sauvage, intellectuelle, ne se préoccupant ni du vrai ni du faux. Il condamne le Christ pour les mêmes raisons que Socrate dans le domaine de la morale car le Christ encourage les hommes à faire preuve de bonté. Il condamne donc la femme, Socrate et Jésus et proclame « Dieu est mort » : il y avait un Dieu avant Socrate, mais ce n’est plus le cas depuis. Dans la tragédie grecque, il oppose Apollon (soleil) et Dionysos (culte orgiaque). Apollon est un faux dieu car il est mis en avant par Socrate. « Dieu est mort » signifie que les Européens ont perdu le sens du mystère. Puisque Dieu est mort, Nietzche doit le remplacer, c’est pourquoi à la fin de sa vie, il signe « Jésus-Christ, Dionysos ». Nietzche est un philosophe de la révolte. Pour lui l’homme doit se donner ses propres règles et se positionner au-delà du bien et du mal. Puisque Dieu est mort, rien n’est plus permis, chacun doit fixer ses propres normes. Nietzche était en révolte contre la culture intellectuelle et abstraite des Allemands. Il considère qu’il faut accepter tout le réel (ses horreurs, ses bonheurs) mais on risque d’arriver à l’absurde. Nietzche a été réutilisé par les nazis afin de justifier l’acceptation de toutes leurs propositions. Pourtant il était en révolte contre la culture intellectuelle que les nazis utilisent pour justifier leurs crimes. Il condamnait aussi la violence d’Etat. III) Camus (1913-1960) Romancier, philosophe, journaliste. Auteur de L’Homme révolté, un traité philosophique (utiliser la table des matières). Il considère qu’on ne peut pas se révolter sans avoir le sens de la justice. Lors de son procès, Eichmann (organisateur des convois de la solution finale, arrêté par les services secrets israéliens en 1960 et jugé à Jérusalem) estime que tout est relatif dans la culture allemande. Il reconnaît l’horreur de ses crimes mais dit avoir agi sur ordre et avoir mené son travail avec méticulosité. Pour lui, rien n’a de valeur universelle : il admet qu’on considère que le génocide des Juifs est affreux mais ce n’est pas ainsi qu’il juge les faits. L’expérience de Camus auprès des communistes et des nazis explique la place primordiale du sens de la justice dans sa réflexion sur la révolte. Une telle analyse est très mal passée à l’époque, en particulier auprès de Sartre. Camus considère que la révolte ne peut justifier ni le terrorisme d’Etat ni l’anarchisme. Conclusion : Pour Camus, il faut retrouver une véritable philosophie de la révolte, moins instinctive et plus réfléchie, utilisant des moyens justes. Il considère que l’Europe ne croit plus en la vie et utilise des moyens de mort pour agir : supprimer Dieu et devenir nous-mêmes des dieux (Nietzche, les marxistes) au point de pratiquer la violence et l’injustice car ces attributs sont considérés comme divins. « La seule règle qui serait originale aujourd’hui : apprendre à vivre et à mourir, et pour être homme, renoncer à être Dieu » (Camus ) Conseils pour réussir dans ses études : - Ne pas juger un auteur que l’on n’a pas lu personnellement - Avoir une culture différente de celle des autres - Comparer les différentes sources d’informations disponibles, utiliser différentes encyclopédies - Chercher les points de contradiction entre auteurs et les points de vue différents - Lire quelques auteurs Compte-rendu établi par Romain Marchand, professeur coordinateur de la prépa IEP Bibliographie - Dostoïevski : 1864 : Les Carnets du sous-sol 1864-1867 : Crime et châtiment 1866 : Le Joueur 1867-1871 : L’Idiot 1869-1870 : l’Eternel Mari 1870-1872 : Les Démons 1878-1881 : Les Frères Karamazov - Nietzche 1872 : La Naissance de la tragédie 1873-1876 : Considérations intempestives (ou inactuelles) 1878-1880 : Humain trop humain 1881 : Aurore 1881-1882 : Le Gai Savoir 1883-1885 : Ainsi parlait Zarathoustra 1886 : Par-delà le Bien et le Mal 1887 : La Généalogie de la morale 1888 : Le cas Wagner 1888 : Ecce Homo (publié en 1906) 1889 : Le Crépuscule des idoles Publié en 1901 : La Volonté de puissance Publié en 1906 : L’Antéchrist - Camus 1938 : Caligula 1939 : Noces 1942 : Le Mythe de Sisyphe 1942 : L’Etranger 1947 : La Peste 1949 : Les Justes 1951 : L’Homme révolté 1956 : La Chute 1957 : L’Exil et le royaume