Genèse de l`échelle musicale

Transcription

Genèse de l`échelle musicale
Genèse de l’échelle
musicale
Sylvie Fradin
Promotion 2002/2004
Dirigée par Eugène de Montalembert.
Cefedem Bretagne Pays de Loire
Sommaire
Introduction
p4
A- pour les non musiciens… et les musiciens !
p6
I- Sensibilisation au mode
p6
II- tonalité et modes
p7
III- Tonalité, gamme et échelle
p8
1- Le mode majeur
p8
2- La gamme mineure
p9
B- Histoire de la gamme
p 11
I- L’Antiquité
p 11
1- Introduction
p 11
2- La contribution de l’archéologie
p 12
3- La lyre
p 12
II- Une approche scientifique
p 13
1- Le canon
p 13
2- Physique et physiologie dans la genèse de l’harmonie
p 15
III- de l’Egypte à notre Renaissance
p 18
1- La théorie dans la musique égyptienne ancienne
p 18
2- La Grèce
p 18
3- Qu’est ce qu’un mode
p 19
4- Le traité d’harmonie d’Aristoxène
p 23
C- De la modalité à la tonalité
p 24
I- Le tétracorde
p 24
1- Origine antique de notre notation
p 24
2- Le système musical grec
p 25
3- Le système musical médiéval
p 26
II- L’hexacorde et la solmisation
p 27
1- Nommer les notes
p 27
2- La solmisation
p 27
2
III- Musica recta et musica ficta
p 28
1- Naissance
p 28
2- Développement de la musica ficta
p 28
3- Conclusion
p 29
D- Echelle et improvisation : des outils pédagogiques
p 30
I- Plaidoyer pour l’improvisation
p 30
1- La voix intérieure
p 30
2- L’apprentissage
p 31
3- L’expression au bénéfice de l’interprétation
p 32
II- Les échelles et l’improvisation
p 33
1- L’échelle : un réservoir de notes
p 33
2- Le jazz
p 33
3- Les modes naturels
p 34
4- Les modes à transposition limitées de Messiaen
p 35
III- Des exercices pratiques
p 35
1- L’improvisation pour l’épanouissement musical
p 35
2- Une grille modale
p 37
3- L’écriture
p 37
IV- Conclusion
p 38
E- Conclusion
p 39
Lexique
p 40
Indexe des annexes
p 43
Annexes
de p 44 à p 66
Les théoriciens
p 67
Bibliographie
p 71
3
Introduction
Le choix du sujet.
Cheminement :
IL y a trois ans de cela, j’ai rencontré un chanteur guitariste qui recherchait un(e)
contrebassiste.
Nos répétitions n’ont pas été très concluantes, mais les échanges auxquels elles
donnèrent lieu furent en revanche très enrichissants : Pierre me raconta alors
l’histoire passionnante de peuples grecs appelés Ioniens, Doriens, Phrygiens…et de
la façon qu’était la leur de chanter chacun sur une note de basse différente, ce qui
donnait à leur chant sa couleur caractéristique.
Je n’ai jamais pu retrouver trace de cette histoire, mais elle m’a fait découvrir
l’existence des modes, et m’a donné envie d’en savoir plus sur leur histoire et celle
de la gamme.
Depuis, je collectionne les bonnes raisons de m’intéresser à eux : la basse (et donc
la contrebasse…) est directement liée aux modes et l’histoire de la musique est
indissociable de la leur. Pédagogiquement, leur utilisation est une excellente façon
d’aborder l’improvisation, qui est pour moi, une pratique nécessaire pour apprivoiser
son instrument.
Au cours des recherches effectuées pour rédiger ce mémoire, j’ai compris que je
faisait l’amalgame entre mode et échelle, et que l’autre histoire qui m ‘intéresse
beaucoup est celle de la naissance de l’échelle diatonique et son évolution jusqu’au
système chromatique.
Finalement :
C’est cette dernière étape qui occupe l’essentiel de mon mémoire ; elle en est le fil
conducteur, étayée des différentes étapes de l’histoire des modes et de leur
utilisation.
4
L’objectif
Aspect historique :
Mon objectif est de permettre au lecteur, musicien ou non, de découvrir comment
sont nées les « notes » et comment on les a organisées en échelles.
Aspect géographique :
La musique est présente dans toutes les civilisations. Approcher les modes, c’est
s’approcher de toutes les musiques du monde à travers leurs origines communes.
Aspect pédagogique
Je commencerai par expliquer comment enseigner l’usage des modes aux étudiants
musicien, en m’appuyant sur des exercices.
Enfin, j’expliquerai quelle importance j’accorde à l’improvisation dans l’apprentissage
instrumental, et de quelle manière les modes et les échelles peuvent servir cette
cause.
NB : Le lecteur devra se reporter régulièrement au chapitre « vocabulaire » Les *
indiquent les mots qui s’y trouvent, et les noms propres présent dans la partie
« index des noms ».
Il pourra aussi trouver des compléments d’informations dans les différentes
annexes.
Les […] indique le numéro de la référence dans la bibliographie, et le no de page.
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A Pour aider les non- musiciens…
et les musiciens !
I Sensibilisation au mode
Pour aider le lecteur non averti à cerner de quoi il est question ici, je lui conseille
d’allumer son poste à transistor et d’être attentif à ce qu’il entend…
Cette musique est triste, mélancolique, donne envie de danser un slow ?
Elle est en mode « mineur » !
Cette musique est gai, dynamique et donne envie de sauter partout ?
Elle est en mode « Majeur » !
Bravo ! vous voilà capable de distinguer les deux modes utilisés quasi exclusivement
dans nos contrées…les modes Majeur et mineur.
On appelle « musique tonale », la musique qui utilise ces deux modes, à l’exclusion
de tous les autres.
Vous entendez à présent de la musique chinoise ?
Mais qu’est ce qui vous fait dire que cette musique est de Chine ?
Ça se reconnaît ? !
Oui, parce que le mode utilisé ici n’est ni mineur, ni Majeur ; c’en est un autre !
Idem lorsque vous entendez de la musique arabe, ou bien un blues…
Le mode utilisé participe très largement à l’identité d’une musique.
Et l’une des caractéristiques essentielles d’un mode est l’échelle qu’il utilise. Si
toutes les notes d’une échelle étaient « équidistantes », ou disons plutôt, séparées
par les mêmes intervalles, toutes les musiques auraient la même couleur. Mais il y a
le ton ET le demi ton (voir parfois des intervalles plus grands ou plus petits). Leur
répartition dans l’échelle en fait sa spécificité.
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II Tonalité et mode
Nous avons vu que les modes utilisés principalement dans les pays de tradition
classique sont les modes Majeur et mineur. La musique utilisant ces deux modes à
l’exclusion des autres est dite « musique tonale », par opposition à la « musique
modale », qui en utilise de nombreux autres.
« Les compositeurs de la plupart des civilisations, ceux de la musique dite ancienne
ainsi que certains compositeurs modernes ou contemporains utilisent des modes. Il
en existe donc une très grande variété !
Chaque mode présente un caractère propre qui s’exprime par une succession
d’intervalles, ainsi que, parfois, par des tournures mélodiques caractéristiques. Il est
souvent facile de les reconnaître d’instinct.
Parmi cet univers de modes, deux modes de la renaissance ont connu un destin
particulier en Europe. En effet, après avoir supplanté tous les autres modes, les
modes de do et de la sont devenus le Majeur et le mineur et ont, par conséquent,
permis la constitution de la tonalité ». [1 p 84]
Les gammes que nous utilisons majoritairement aujourd’hui en Occident sont donc
soit majeures, soit mineures.
En observant le clavier d’un piano, on constate que la répartition des touches noires
entre les touches blanches est inégale :
Il y en a à chaque fois que l’intervalle entre deux touches blanches est suffisant.
Entre
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do et ré, il y a un ton, donc la place pour deux demis tons ; il y a une touche noire
entre les deux (cette touche s’appelle do dièse, ou bien ré bémol, sachant que dièse
signifie « plus un demi ton » et bémol « moins un demi ton »).
Entre ré et mi, il y a un ton, donc une touche noire (ré dièse ou mi bémol).
Entre mi et fa, il y a un demi ton, donc pas de touche noire.
Entre fa et sol, un ton, entre sol et la, un ton, entre la et si, un ton, entre si et do, un
demi ton.
III Tonalité, gamme et échelles.
Une gamme est la matière première d’un tonalité. Elle présente les notes
constitutives de façon régulière, conjointe, en montant ou en descendant.
Une gamme est constituée de sept notes distinctes (de noms différents) plus une, la
reprise de la première à l’octave. Exemple : do, ré, mi, fa, sol, la, si, do.
Etre dans une tonalité, c’est utiliser tout à fait librement les notes de la gamme
correspondant à cette tonalité. Une œuvre dans la tonalité de do majeur utilise donc
principalement les notes de la gamme de do majeur.
Lorsqu’on dit do majeur :
« do » est le ton : c’est à dire la note tonique, la note de base de la gamme et de la
tonalité.
« majeur » est le mode : c’est à dire la répartition des intervalles entre les notes de la
gamme. (voir plus haut)
Le septième degré d’une gamme majeure est un peu particulier. Il possède une force
d’attraction vers la tonique (dont un demi-ton seulement le sépare), on le nomme
note sensible.
La plupart du temps, le compositeur ne se contente pas des sept notes de la gamme
principale. Il introduit d’autres notes, soit en altérant les notes de base (en ajoutant
des dièses et des bémols), soit en modulant, c’est à dire en changeant de tonalité »
[1 p85.]
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1- Le mode majeur
« Le mode majeur vous est probablement déjà familier. Il se forme, par exemple, en
partant du do et en suivant l’ordre des notes naturelles (sans altérations, c’est à dire
sans dièse ni bémol) : do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. Les touches blanches du piano
permettent de le visualiser.(voir page 4)
Ce mode a pour intervalles successifs entre ses degrés : 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton, 1
ton, 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton.
Cette succession est le modèle de toutes les gammes majeur
S’il est très simple de créer la gamme majeure qui part du do, comment trouver celle
qui part du ré, du mi, du fa # ?
Il suffit de respecter la suite des intervalles : 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1 ton, 1
ton, 1 demi-ton, à partir des nouvelles notes de départ souhaitées.
Il faudra alors altérer les notes, c’est à dire faire intervenir les dièses et les
bémols. »[1 p86]
2- La gamme mineure
« La gamme mineure succède au mode de la, mode de la Renaissance, qui se forme
suivant l’ordre des notes naturelles à partir du la : la, si, do, ré, mi, fa, sol, la.
Ce mode a pour intervalles successifs entre ses degrés : 1 ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1
ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1 ton. (pas de sensible).
Sous cette forme, on l’appelle « mineur mélodique descendant ».
Les compositeurs de la Renaissance, toutefois, ont apprécié de plus en plus la force
du demi-ton qui fait se résoudre, en majeur, le septième degré de la tonalité, la
sensible, sur la première note de la tonalité, la tonique.
Pour retrouver cette sensible, les compositeurs ont rehaussé le septième degré du
mode mineur (mélodique descendant) d’un demi ton : ce qui donne le mode
« mineur harmonique »[1 p91]
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Pour éviter l’intervalles inhabituel d’un ton et demi entre le sixième et le septième
degré, on a ensuite rehaussé ce sixième degré d’un demi ton : ce qui donne le
« mineur mélodique ascendant ».
Il existe donc trois types de modes mineurs…
Ce qui les caractérise est la tierce mineur entre le premier et le troisième degré
(exemple en la mineur : entre la et si, il y a un ton, et entre si et do, un demi ton, ce
qui fait une tierce mineur ; pour avoir une tierce majeur, il faudrait deux tons, soit un
do#)
De la même façon que pour les gammes majeures, pour créer une gamme mineure
quelle qu’elle soit, à partir d’une autre note que le la, il faut reporter ces intervalles
caractéristiques en utilisant les altérations.
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B Histoire de la gamme
Avant propos
J’ai découvert avec beaucoup d’intérêt l’histoire de la naissance de notre gamme*.
Elle est l’ingrédient principal de la musique, mais je crois nombreux les musiciens,
débutants et avertis, qui n’en connaissent pas bien la genèse
D’ou vient le ton, pourquoi cette répartition des tons et demi-tons sur nos claviers de
piano, d’ou viennent le nom des notes, do, ré, mi, fa, sol, la, si…que tout le monde
connaît sans savoir pourquoi…
J’espère, à travers ce chapitre, éclairer le lecteur sur cette partie de notre histoire,
sur la genèse de l’Art musical.
I- L’Antiquité
1- Introduction
La Mésopotamie fut, entre le IV ème et le Ier millénaire avant J-C, un des plus
brillants foyers de civilisation. C’est dans cette région située entre le Tigre et
L’Euphrate, à peu près dans l’Irak actuelle, que les premiers villages sont apparus,
environ 9000 ans avant J-C. La civilisation s’y est développée : agriculture,
architecture, invention d’outils, Arts, écriture, musique…
L’histoire de la musique est liée à celle de cette région, mais aussi à celle de
l’Egypte et de la Grèce. L’invasion de celle ci par les doriens au XII ème siècle avant
J-C marque le début du « Moyen Age » grec, période obscure dont nous n’avons
quasiment pas de traces. Ce trou dans l’histoire entrave la connaissance ; ainsi, il y
a peu de certitudes concernant les différentes étapes qui ont mené à l’harmonisation
de la Lyre (son système d’accordage).
Ce chapitre tente de retracer au mieux le déroulement de cette genèse de la
première échelle musicale.
11
2- La contribution de l’archéologie.
« Un certain nombre de témoignages archéologiques d’époques et de natures
différentes – bas reliefs, fresques, mosaïques, tablettes d’argile, textes et
inscriptions comme le livre des Morts ou le texte des Pyramides, avec ses prières et
ses hymnes de louanges adressées aux dieux – permettent d’affirmer que la
musique était omniprésente et accompagnait toutes les circonstances de la vie, dés
le 4ème millénaire avant notre ère. » [4 p22].
Il est cependant encore difficile de dire avec précision quelles étaient les
caractéristiques de la musique à cette époque, et comment elle s’est transmise
jusqu’à la Grèce antique.
« Les quelques vestiges de la première époque sumérienne (à partir de 3100 avant
J-C) nous montre que la musique était omniprésente et essentiellement religieuse et
liturgique.
Des chercheurs ont tenté de reconstituer un système modal et un système
d’accordage de la lyre (instrument servant de support au système théorique des
gammes musicales chez les assyriens, 1850 avant J-C). De ces recherches résulte
que les Suméro-babyloniens possèdent probablement, au XX ème siècle avant JC,
une gamme heptatonique (sept sons) et diatonique (répartition régulière des notes
de l’échelle : 1ton, 1 ton, 1 demi-ton…).
Ils pratiquent sept modes dés le XVIII ème siècle avant J-C, et connaissent le cycle
des quintes. ». [1 p501]
Voir annexe cycle des quintes
3- La lyre
Elle est l’instrument millénaire qui traversa presque sans changement l’antiquité, de
–4000 à la fin de l’empire gréco-romain (476). Elle consistait, dans sa première
forme, en deux cornes ovines recourbées, réunies en haut par une traverse et jointes
en bas à une cavité fermée (à l’origine, une écaille de tortue) qui formait une caisse
de résonance.
La lyre est l’ancêtre de la cithare. L’une comme l’autre ont des cordes de boyau
d’égales longueurs, mais de diverses intonations ; on variait donc leur tension et
peut être leur épaisseur. Les cordes étaient parallèles.
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A l’origine, il y avait 7 cordes, puis on passa à 8, 9, 11, 12, 15… jusqu’à 30. Elles
étaient accordées de manière qu’on put disposer sur l’instrument de plusieurs
échelles modales.
Toutes fois, les ressources de la cithare furent toujours plus grande, tandis que la
modeste lyre resta l’instrument pédagogique et domestique.
II- Une approche scientifique.
Comment savoir ce qui à amené les musiciens de l’époque à pratiquer cette
harmonisation ?
En d’autres termes, pourquoi et comment ont ils décidé que telle corde produirait tel
son, et qu’il y aurait tel intervalle entre cette corde et celle ci ?
L’utilisation du canon a permis de donner un sens mathématique et physique au
rapports entre les notes de l’échelle.
Sont- ce les lois physiques de rapport de longueurs et de tensions de cordes qui ont
formé notre oreille à aimer ce que l’on a alors baptisé consonances ?
Ou bien des lois physiologiques ont elles guidé l’accord de la lyre ?
Les consonances et dissonances étaient elles perçues par l’oreille avant que la
science ne s’en mêle ?
Si tel est le cas, quelle explication physiologique à ce phénomène ?
Ce chapitre tente d’apporter une réponse à ces questions.
1- Le canon
Le Monocorde, aussi appelé Canon, ce qui signifie « règle » en grec, est un outils
primordial dans l’histoire qui nous occupe. En voici deux définitions :
Canon, définition 3 : Dans l’antiquité grecque, on appelait canon harmonique
l’ensemble des proportions numériques calculées sur le monocorde pour définir les
intervalles.[12 p284]
« Dés l’antiquité grec, les théoriciens savent mesurer les intervalles et visualiser les
différentes hauteurs de sons. Cette opération s’effectue à l’aide d’un monocorde,
pièce de bois sur laquelle est tendue une corde qui peut être raccourcie par un
chevalet mobile ».[1 p255]
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Ces deux définitions laissent supposer que ce mode de calcul des intervalles date de
l’antiquité grecque, c’est à dire de Pythagore* (-570, -480, philosophe et
mathématicien grec considéré comme le fondateur de la théorie musicale moderne.).
Mais nous verrons plus loin que beaucoup d’informations laissent à penser que tout
cela avait déjà été inventé par les égyptiens.
« Les grecs admettaient trois consonances : l’octave, la quinte et la quarte, qu’ils
nommaient respectivement : diapason, diapente et diatessaron.
A ces trois consonances les pythagoriciens faisaient correspondre, respectivement,
les trois rapports numériques 2 :1, 3 :2, 4 :3 (c’est à dire deux, trois demi, et quatre
tiers). Comment et pourquoi ? la réponse n’est pas toute simple. Dans l’antiquité
tardive, Gaudence* rapporte l’expérience qui aurait permis à Pythagore de trouver
ces rapports numériques :
« Il tendit une corde sur une règle appelée canon ou il avait marqué 12 DIVISIONS ;
Alors il commença par pincer la corde entière et sa moitié comportant 6 unités ; il
trouva que le ton de la corde entière était symphone de celui de la moitié (12 :6)
selon l’octave…puis il pinça de nouveau la corde entière et les trois quarts de celle ci
(4 :3=12 :9) et trouva que ces deux tons étaient symphones selon la quarte.
Finalement il pinça la corde entière et les deux tiers de celle ci (3 :2=12 :8) et trouva
cette fois ci que les deux tons étaient symphones selon la quinte, etc. »
Cette expérience, rapportée plusieurs siècles après sa réalisation supposée, n’a
évidemment aucune garantie d’existence. Du reste, on devine que les choses ne se
passèrent pas aussi simplement que Gaudence les décrit. Cependant plusieurs
raisons permettent de penser qu’il y a une part de réalité dans l’expérience en
question. […]
Le canon n’avait qu’une vocation expérimentale, il ne servait pas à faire de la
musique. Son existence est attestée par de très nombreuses citations ; le concept de
canon est utilisé de nombreux siècles après les grecs.
Il est certes invraisemblable que dés le départ, quelqu’un eut l’idée de marquer
douze divisions sur la règle du canon, mais on peut supposer que c’est grâce à une
règle sans division préalable que l’expérience permit de constater qu’à la
consonance d’octave, reconnue directement par l’oreille, correspondait une longueur
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moitié de corde. On faisait d’abord résonner toute la corde, puis seulement sa moitié
et l’on constatait que le second son était à l’octave supérieure du premier. Il est très
probable que l’association de nombres aux sons musicaux ait cette origine. De
même pour la quinte avec le rapport 3 :2 des longueurs, et 4 :3 pour la quarte. Dés
lors, afin d’unifier dans une seule expérience la mesure des trois consonances que
les grecs admettaient, il fallait marquer douze divisions sur la règle, les trois rapports
2 :1, 3 :2, 4 :3 s’exprimant aussi par 12 :6, 12 :8, 12 :9. » [2 p18]
Bien sur, la hauteur du son n’est pas « absolue », puisque la longueur de la corde
n’est pas prédéterminée. Ainsi, seul le rapport des sons entre eux est important.
(Rappelons que le diapason n’a été fixé qu’en 1859. Voir annexe sur Le diapason).
2- Physique et physiologie dans la genèse de l’harmonie.
Quelles sont les caractéristiques de l’oreille qui pourraient laisser penser que la
perceptions des dissonances et des consonances a devancé leur explication
mathématique ?
Hermann von Helmhotz*, médecin et physicien allemand du XIX ème siècle a
beaucoup travaillé sur cette question. Dans son livre intitulé « théorie physiologique
de la musique, fondée sur l ‘étude des sensations auditives » (la traduction littérale
du titre allemand donne plutôt « la science des sensations sonores comme
fondement physiologique de la théorie de la musique ») il traite de trois thèmes
principaux : La composition des vibrations, l’étude des phénomènes accompagnant
la perception de sons simultanés, c’est à dire les battements et les sons résultants.
(Helmholtz donne à cet endroit la clé de sa théorie : ce sont les battements, par leur
combinaison dans la perception auditive, qui « mesurent » le degré de dissonance),
enfin les affinités entre les sons.
Cette partie résume les aspect principaux de cette étude.
Rappelons que le son est un phénomène vibratoire qui se propage sous forme
d’onde mécanique. Un son est caractérisé par sa hauteur, lié à la fréquence de la
vibration (nombre d’oscillations par seconde : l’oreille humaine entend les vibration
entre 20 Hz et 20000 Hz), son intensité , liée à l’amplitude des vibrations et son
timbre, qui dépend des intensités relatives des différents sons harmoniques qui le
composent. (voir annexe sur les harmoniques).
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a- Anatomie de l’oreille.
L’oreille de l’homme et des mammifères, située principalement dans l’os temporal, se
compose de trois parties, externe, moyenne et interne.
L’oreille externe comprend le pavillon et le conduit auditif externe fermé par le
tympan.
L’oreille moyenne contient la caisse du tympan dans laquelle une chaîne de trois
osselets (marteau, enclume, étrier) sert à transmettre à l’oreille interne les vibrations
du tympan.
L’oreille interne a une partie postérieure servant à l’équilibre et une partie antérieure
servant à l’audition et appelée cochlée.
Les vibrations de l’air extérieur sont transmises au liquide de l’oreille interne et
excitent la membrane basilaire.
La mécanique de l’oreille interne est telle que, « lorsque le liquide interne vibre, il
excite de préférence certaines parties de la membrane basilaire, la localisation de
ces parties étant fonction des fréquences des sons partiels harmoniques constituant
le son reçu. ».[2 p 151]
b- La dissonance « expliquée » par le battement.
Cette théorie est avant tout celle des phénomènes et des sensations provoqués par
la conjonction de plusieurs sons musicaux simultanés. Cependant, la mémoire
auditive fait qu’elle s’applique aussi à la perception de sons successifs.
Les phénomènes provoqués par la conjonction de plusieurs sons musicaux sont de
deux types : les sons résultants et les battements.
Les sons résultants : Lors de l’émission de deux sons simultanés de forte intensité
de fréquence f1 et f2, on entend s’ajouter des sons de fréquences :
(f1-f2), (f1+f2), (2f1-f2), (2f2-f1), …
Les battements : La production de battements s’explique très simplement en
calculant la somme algébrique des amplitudes sonores crées par chacune des deux
sources. Si les deux vibrations n’ont pas la même fréquence (donc pas la même
longueur d’onde), leur perception simultanée crée un phénomène vibratoire résultant
de la somme algébrique des deux vibrations simples voir schéma ci dessous).
Lorsque les deux vibrations sont en phase, leur somme est de grande amplitude ;
lorsque les deux vibrations sont en opposition de phase, leur somme est de faible
amplitude. « L’alternance cyclique de ces grandes et faibles amplitudes crée un
battement.
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Les battement ne constituent pas un son musical, à la différence des sons résultants.
C’est seulement l’enveloppe de la courbe de vibration qui est caractérisée par la
fréquence battante (c’est à dire que seule l’amplitude varie ; pas la fréquence). On
entend quelque chose comme « ouin-ouin-ouin… », c’est à dire de continuels
renforcements et atténuations du son. » [2 p 155]
En rose, le son 1, en jaune, le son 2, en vert, la somme des deux :
Ensuite, plusieurs solutions : soit les battements sont assez espacés pour les
percevoir (4 ou 6 par seconde), et cela crée une sensation assez agréable, qui
participe à l’expression de la musique : il y a consonance. Soit ils sont trop
rapprochés pour les sentir nettement, et cela devient une contrainte désagréable : il
y a dissonance.
Ce sont les fréquence des deux sons initiaux qui déterminent la fréquence des
battements ; ceci explique donc pourquoi certains sons se « marient » bien et
d’autres non.
Bien sur, tout cela est un peu elliptique… mais nous ne pouvons ici nous attarder sur
cette question.
c- Conclusion
On peut supposer, à la lumière de cette étude, que la physiologie a joué un rôle
important dans l’accordage de la lyre. Avant sans doute l’utilisation du monocorde.
Toutefois, il ne faut pas oublier pas que certaines dissonances antiques, se sont plus
tard transformées en consonances…
Ainsi, il est certain que la perception évolue avec l’éducation et la culture…
17
III- De l’Egypte à notre Renaissance.
1- La théorie dans la musique égyptienne ancienne ( -2686, 642)
« L’importance de la musique dans l’Egypte antique est attestée par la richesse de
l’iconographie, les documents écrits et l’abondance des instruments retrouvés. Il
n’existe pas de théories musicale articulée connue, ni, apparemment, de notations
musicale, mais de nombreux témoignages- égyptiens, grecs ou romains- concernent
les pratiques musicales. Le dieu Thot (Hermès) invente la musique et la lyre. Osiris
utilise la musique pour civiliser le monde. La musique égyptienne, présente dans le
culte des morts, est aussi très liée à la magie et à l’astrologie. Restent, sans notation
musicale, les textes de nombreuses chansons. » [1 p501]
Une équipe de chercheur constitué de Sania Abdel Aal, égyptologue directriceassistante du musée du Caire, Robert Cribbs, scientifique américain, Mahmoud Effat,
musicien et flûtiste, Dr. Fathi Saleh, musicologue, informaticien directeur du projet, a
travaillé pendant six mois afin de découvrir quelles étaient les différentes gammes jouées
par les anciens Egyptiens, et quelles sont les relations entre les anciennes gammes
égyptiennes et les autres gammes .Cette recherche a montré que les anciens Egyptiens
possédaient la gamme diatonique depuis des temps reculés, ainsi qu’une gamme de
même type que dans le musique arabe, composée de sept notes, dont l'origine était
jusqu'alors attribuée à la Perse.
Pour plus de détail sur ce travail, Voir annexe sur les gammes égyptiennes p 47.
2- La Grèce (VI ème siècle avant JC)
Avant tout, rendons à César ce qui lui appartient probablement.
Le monde grec et romain témoignent d’une grande admiration pour le monde égyptien.
Pythagore pourrait lui avoir emprunté sa théorie musicale. Il n’est pas impossible que
l’Egypte soit la véritable inventrice du monocorde, tandis que Platon, dont on dit qu’il y
étudia (pendant 21 ans ?) en aurait été le transmetteur.[1 p 502]
18
Les notions incomplètes que nous possédons sur la musique grecque nous sont
donc fournies pas les écrivains et les philosophes. (Platon, Aristote, Ptolémée…).
Les Grecs ne connaissaient ni ne pratiquaient l’harmonie* (chez les grecs,
« harmonie » signifiait la manière d’accorder la lyre); leur musique était purement
mélodique* et rythmique. C’est ce qu’on désigne parfois par le terme de musique
« homophone* », par opposition à la polyphonie* du Moyen Age ou à la musique
harmonique* de l’âge classique. La mélodie était chez les grecs anciens, une
mélopée asservie à la poésie à laquelle elle était toujours associée, ainsi qu’à la
danse, de sorte que les trois arts n’en formaient qu’un]. (Voir indexe sur les muses).
3- Qu’est ce qu’un mode ?
Daniel Saulnier écrit que« un mode implique une échelle et une structure ; L’échelle
du mode, c’est le catalogue dans lequel sont choisis les degrés (notes) de la
composition. La structure, c’est l’organisation des intervalles qui séparent ces
degrés ; mais c’est aussi la force et la qualité propre de chaque degré. L’échelle,
avec sa structure, est une donnée de base dont les compositeurs héritent et sur
laquelle ils n’ont guère de prise.[…].
Le compositeur choisit des degrés dans le catalogue que constitue l’échelle, et il les
dispose en une mélodie. Ce faisant, il impose un rôle spécifique, une fonction, à
chacun de ces degrés. C’est la hiérarchie des degré de l’échelle. Elle est l’œuvre du
compositeur.[…].
Quand une note a un rôle architectural fort, on a pris l’habitude de dire que c’est une
note modale. Il y a la un certain abus de langage. En effet, toutes les notes de
l’échelle contribue au visage modal de la pièce (chacune avec un rôle spécifique).
Bien sûr, certaines notes architecturales restent plus présentes dans l’oreille, dans la
mesure ou la mélodie insiste sur elle. Mais c’est en entendant la relation de
voisinage entre celles ci et les notes ornementales que l’oreille peut reconnaître les
degrés architecturaux.[…].
En plus de l’échelle et de sa structure, le mode se reconnaît aussi par ses formules
mélodiques caractéristiques. Pour l’auditeur, elle constituent un repère. Pour les
chanteurs, elles représentent un soutien précieux dans la mémorisation. Ainsi, une
formule d’ouverture, en faisant entendre des enchaînements mélodiques
caractéristique, permet-elle une entrée sûre dans la sonorité du mode. » [11 p 16]
19
a- Les modes formulaires
« La conception primitive de la musique semble bien avoir été celle du mode
formulaire. Encore vivante en Orient (râga hindou, maqam arabes…), elle disparut
sans doutes plus ou moins en Grèce après Platon. Mais on la redécouvre dans la
musique religieuse byzantine et dans le plain chant primitif. C’est un ensemble
complexe qui comporte une échelle caractéristique, mais aussi souvent un ensemble
de conventions permettant de l’identifier facilement, et ceci quelles que soient les
modifications que lui font subir les interprètes plus ou moins improvisateurs : schéma
mélodique déterminés, formules connues d’avance, registre vocal ou instrumental,
agréments caractéristiques, procédés spéciaux d’interprétation, de style, de
timbre…[…] Les modes formulaires sont fréquemment liés encore aujourd’hui, à une
idée religieuse ou sociale, ou à une circonstance déterminées, d’ou la doctrine de
l’ethos platonicien. » [5 p 5]
b- Etymologie des modes :
Il semble que ce soit à Platon et Aristote (entre autre) que nous devions la
nomenclature des modes grecs. Ceux ci doivent tous leur nom à une origine
géographique. Platon, dans sa théorie de l’ethos (voir plus bas) leur a attribué des
qualités et vertus en rapport avec leurs caractéristiques musicales, mais aussi avec
les particularités des peuples qui les utilisaient.
Ionien : Adjectif se rapportant à une peuplade de la cote orientale de la mer Egée,
en Asie mineure, dont le territoire est aujourd’hui en pays turc. L’entrée du terme
ionien ou iastien dans l’histoire musicale, se situe chez Platon qui mentionne dans la
République l’harmonie ionienne comme l’une des six échelles sur laquelle il légifère.
Il la décrit comme « sans vigueur et propre aux buveurs », et la proscrit comme
amollissante.[12 p 964]
Dorien : Les Doriens constituaient une peuplade du sud de la Grèce continentale,
qui donna son nom à une échelle, puis à un ton de la musique grecque
antique.[…].Dans la République, Platon recommande l’harmonie dorienne comme
noble et grave, propre à exalter les vertus civiques. .[12 p 587]
20
Phrygien : En musique grecque antique, le terme phrygien faisait référence au
peuple barbare de ce nom situé au nord du monde grec (Thraces et Daces de la
Roumanie actuelle). Il désignait entre autre une harmonie de genre enharmonique
(ré, mi, mi demi dièse, fa, la, si, si demi dièse, do, mi), propre, selon Platon, à exciter
les vertus guerrières. .[12 p 1493]
Lydien : Terme relatif à une peuplade barbare vivant à l’est du monde grec, en Asie
mineure[…]. Pour Platon, l’harmonie lydienne (dite aussi lydisti) emprunte l’échelle
d’une octave enharmonique à partir du deuxième degré en montant (1/4 de ton au
dessus de mi) ; elle est rejetée de la République pour son ethos relâchée et propre
aux buveurs. .[12 p 1158]
Mixolydien : étymologie « mélange de lydien ». Son nom vient probablement du fait
que, alors que dorien, phrygien et lydien se suivent à un ton de distance, le
Mixolydien se plaçait à un demi ton seulement du lydien. .[12 p 1274]
Eolien : De Eole, dieu des vents. Eolien est le nom donné tardivement aux neuvième
et dixième modes ecclésiastiques, c’est à dire au mode de la. .[12 p 651]
c- Doctrine de l’ethos selon Platon (Athènes v 427, Id v 348, av J-C)
Avant de plonger dans cette nouvelle notion, il est important de comprendre que, tout
comme on distingue facilement une mélodie en mode majeur (de do), et une mélodie
en mode mineur (de la), en entraînant un peu son oreille, on peut également
distinguer une mélodie en mode de ré, de mi…
On peut construire une échelle sur chaque note naturelle du clavier, en montant la
gamme sans utiliser de touches noires.
L’amalgame est souvent fait entre mode et échelle. Disons qu’un mode est une
échelle associée à d’autre particularités de jeu.
Ce que l’on appelle aujourd’hui mode, était en fait pour les grecs des « harmonies ».
L’ethos attachée à chacune de ces harmonies ne correspondait pas seulement à une
échelle de notes, mais aussi à des schémas mélodiques et thématiques On a vu que
Jacques Chailley les rapproche des râgas hindous ou des maqam arabes, qui sont
21
plutôt des schémas mélodiques et thématiques, des formulaires assortis de
particularités d’exécution. [4 p 42]
Platon défini la bonne musique comme l’expression sensible des rapports
mathématiques qui régissent le monde. (Dans le Timée, Platon explique que le
monde a la forme parfaite d’une sphère, animée d’un mouvement uniforme. Le
principe de ce mouvement est un système d’orbes concentriques, disposés dans le
ciel suivant des distances qui correspondent aux intervalles musicaux.). Il établi un
système de correspondance entre les harmonies, les genres poétiques et les
circonstances de leur usage, qui met en évidence ce qu’il appelle l’Ethos des
différents modes et rythmes.
L’idée que la musique est un agent de formation morale était étayée par des
anecdotes édifiantes, comme celle qui racontait comment Pythagore, par un simple
changement de mode ou de rythme, avait réussi à apaiser la fureur érotique d’un
jeune homme, ou comment Damon, par le jeu de la lyre, calmait ses mouvements de
colère, ou encore comment les héros de la guerre de Troie avaient su par le choix
d’un musicien approprié développer chez leurs épouses la vertu de fidélité.
Dans République, Platon analyse la valeur morale des différents modes et des
différents rythmes.
« La mélodie comporte trois éléments : la parole, l’harmonie et le rythme. […]
L’harmonie et le rythme doivent s’accorder avec les paroles. […] Nous avons dit qu’il
ne fallait pas de plaintes et de lamentations dans nos paroles. Quelles sont donc les
harmonies plaintives ? […] Ce sont la lydienne mixte, la lydienne aiguë et
quelques autres semblables. Par conséquent, ces harmonies la sont à retrancher.
[…] Quelles sont les harmonies molles utilisées dans les banquets ? L’ionienne et la
lydienne qu’on appelle lâche. T’en serviras-tu pour former des guerriers ? Il ne nous
reste donc plus que la dorienne et la phrygienne. »
On dit que l’harmonie dorienne incite au courage ; La phrygienne imite « l’homme
engagé dans une action pacifique, non pas violente, mais volontaire, et qui cherche
à persuader pour obtenir ce qu’il demande. »
[Vignal, Marc, Dictionnaire de la musique, Larousse, 1996, page 1511] Platon
préconise également que l’on tienne compte de la différence des sexes pour
22
concevoir une musique « qui a de la grandeur et entraîne au courage » (pour les
hommes), et « qui entraîne à la modestie et à la sagesse » (pour les femmes).
Les concours musicaux seront jugés sous la présidence d’hommes âgés et avisés.
Ainsi la musique, traitées en « affaire d’état », peut-elle, selon Platon, restaurer
l’ordre et l’entente chez l’homme, ce qui est sa vocation primitive.
Toute une tradition hellénistique et romaine a conservé cette conception qui associait
certaines vertus et certains vices à certains modes.
Ainsi, le dorien est majestueux et développe les vertus viriles ; l’hypodorien est
fastueux et hautain ; le phrygien, agité et enthousiasmant ; le lydien, dolent et
funèbre ; l’hypolydien, voluptueux.]
4- Le traité d’harmonie d’Aristoxène
On ne connaît pas de traité d’harmonie avant celui d’Aristoxène de Tarente*, au IV
ème siècle avant JC. […] Le système musical des Grecs, tel qu’il apparaît dans ce
traité, est à la base du système utilisé en occident jusqu’à nos jours.[…]
La mélodie dépend de l’existence d’échelle de sons, appelées harmonies ou modes.
Chaque mode s’étend sur deux tétracordes* (voir annexe « Tétracorde et cycle des
quintes »), c’est à dire deux ensemble de quatre notes (chacune émise par une des
cordes de la lyre), séparées par une note pivot appelée la mèse.
Les modes Grecs sont au nombre de sept. Chacun est défini par sa note finale.
Les Grecs en effet nommaient les notes à partir du haut, se référant au jeu de la
lyre et à la disposition de ses cordes, le son le plus haut étant joué sur la corde la
plus proche du joueur. [4 p 44]
A ces modes se superposaient trois genres, diatonique, chromatique, enharmonique,
qui se différenciaient par la disposition des notes à l’intérieur de chaque tétracorde,
lequel était limité par des notes fixes et comprenaient des notes mobiles à
l’intérieur.]
Le chapitre suivant explique plus précisément ces notions.
23
C- De la modalité à la tonalité
Restant dans l’expectative concernant le mode d’accordage de la lyre avant le
monocorde, je débuterai le parcours de la modalité à la tonalité à l’Antiquité grecque,
environ cinq siècles avant notre ère.
I- Le tétracorde.[13]
1- Origine antique de notre notation.
Dés cette période, les théoriciens savent mesurer les intervalles et visualiser les
différentes hauteurs de son grâce au canon (monocorde). Une théorie s’est petit à
petit dégagée de ces expériences, et on a groupé les sons par série de quatre,
appelées tétracordes*.
A cette époque, les notes sont désignées par des lettres de la façon suivante :
A B C D E F G a b c d e f g aa bb cc dd ee ff gg.
On peut donc considérer cette succession comme le mode d’accordage initial de la
lyre. La corde la plus basse est donc A, mais cette note ne fait pas partie du
système, puisque le premier tétracorde démarre sur le B… (cela soulève une
interrogation : pourquoi alors cette corde existe t elle ? Je n’ai pas trouvé de réponse
à cette question !)
Il en existaient trois genres distincts :
1- le tétracorde diatonique : 1 ton, 1 ton, 1 demi ton.
2- Le tétracorde chromatique : 1 ton et demi, 1 demi ton, 1 demi ton.
3- Le tétracorde enharmonique : 2 tons, 1 quart de ton, 1 quart de ton (l’antiquité
utilisait de nombreux micro intervalles.) [1 p 255]
Ces différents tétracordes s’enchaînent
-
soit conjointement, avec une note commune : ex : BCDE/EFGa
-
soit disjointement, séparés par une seconde : ex : EFGa/bcde
24
Remarque :
On peut déjà sentir les origines de notre propre système, puisque notre gamme
diatonique est constituée de deux tétracordes identiques disjoints :
Do Ré Mi Fa et Sol La Si Do
il s’agit du modèle diatonique, c’est à dire une succession de 1 ton, 1 ton, 1 demi ton.
Voir annexe cycle des quintes p 46.
2- Le système musical grec.
Il est d’une étendue de deux octaves et s’organise autour de quatre tétracordes.
[A]
B C D E
b(bécarre) c d e
E F G a
e f g aa
a b(bémol) c d
Le premier A ne fait pas partie du système.
Les deux premiers tétracordes ont le E en commun, et sont donc conjoints.
Le deuxième et le troisième sont disjoints, et séparé d’un ton (le b est à un ton du a,
et à un demi ton du c, on dit donc aujourd’hui qu’il est bécarre ; explication plus loin).
Le troisième et le quatrième sont conjoints.
En rouge le cinquième tétracorde, conjoint au second, et qui, pour respecter le
modèle des autres, fait apparaître un b bémol !
Bien sur, ce cinquième tétracorde est une alternative au troisième.
Nous avons donc avec cela, deux possibilités d’accordage de la lyre :
La première en utilisant les tétracordes 1, 2, 3 et 4 :
A B C D E F G a b(bécarre) c d e f g aa
La seconde en utilisant les tétracordes 1, 2, 5 et 4 :
A B C D E F G a b(bémol) c d e f g aa
Le demi ton ab devient le trait caractéristique du cinquième tétracorde.
Remarque : Bécarre et bémol ne peuvent coexister dans la même mélodie ! Le choix
est fait à l’harmonisation, c’est pourquoi l’on dit que le système est diatonique. Le
chromatisme* n’existe pas encore.
25
On constate que tous ces tétracordes sont sur le même modèle : c’est LA règle
importante dans cette théorie !
Ce modèle se note STT (semi soit demi ton, ton, ton)
3- Le système musical médiéval.
Il fonctionne exactement de la même manière, mais on a intégré le A (grave).
Ainsi, le modèle du tétracorde varie : il n’est plus STT, mais TST.
A B C D
b b(bécarre) c d
D E F G
d e f g
[aa]
G a b(bémol) c
L’accord de la lyre ne change pas, et le demi ton ab est ici aussi caractéristique du
cinquième tétracorde.
Ce qui change alors sont les modes disponibles, puisque le A entre dans le
système, on change d’échelle !
Remarque sur l’origine du bémol et du bécarre :
Aux origines de la notation, le bémol et le bécarre n’était donc pas des altérations,
mais les noms même donnés au deux formes de la note b. (de la deuxième octave, à
ne pas confondre avec le B de la première octave !).
Cette note pouvait être :
-
Haute, et donc caractérisé par un ton, que l’on disait intervalle dur, ou carré, et
l’on écrivait le petit b avec une forme carrée, proche de notre signe bécarre
d’aujourd’hui.
-
Basse, et donc caractérisé par un demi ton, intervalle que l’on disait mou, ou
rond, et l’on écrivait le petit b avec une forme ronde, ce qui est notre bémol
d’aujourd’hui.
26
II- L’hexacorde et la solmisation.
1- Nommer les notes.
L’appellation des notes par des lettres se révéla inadapté à la pratique et à
l’apprentissage de la musique.
« Ainsi, au XI ème siècle, Gui d’Arezzo* imagina une échelle de six sons uniquement
destinée à solfier (on disait solmiser), c’est à dire chanter en nommant les notes. De
construction symétrique, elle comporte 2 tons, 1 demi ton, 2 tons.
Pour nommer chaque degré de l’hexacorde, Gui d’Arezzo utilisa un hymne* à St
Jean Baptiste (voir texte dans le lexique), et y appliqua une mélodie modèle qui
faisait débuter chaque hémistiche sur un degré différent de l’hexacorde et mettait en
valeur les syllabes suivantes : Ut, ré, mi, fa, sol, la. (ici Ut correspond à C)
L’invention des noms des notes de la gammes*, avec un début sur Ut (do), répondit
donc à un objectif pédagogique. » [1 p 256]
« Cette échelle comporte six degrés et non sept, car le si présente une difficulté :
c’est un degré mobile qui prend deux formes distinctes selon la direction de la
mélodie (bémol ou naturel). Le système du solfège ne deviendra réellement
heptatonique qu’au XVII ème siècle. » [1 p 256]
2- La solmisation.
Le modèle de l’hexacorde est donc : Ut ré mi fa sol la. soit C D E F G a
Il s’inscrit dans le modèle : TTSTT.
Ce modèle est possible en partant de C, de F (F G a bbémol c d)ou de G (G a
bbécarre c d e).
Aujourd’hui on dirait que ce modèle TTSTT peut se réaliser en partant de Do, de Fa
et de Sol. Rien d’autre puisque l’on ne dispose pas d’altération. La seule note mobile
est le b…
« Ainsi, dans le système hexacordal, le b rotudum vel molle (b mou, ou b bémol)
appartient à l’hexacorde qui débute sur F, appelé à juste titre molle, et le b
27
quadratum vel durum (b dur ou b bécarre) est propre à l’hexacorde de G rebaptisé
durum. » [13]
Mi et fa deviennent rapidement les notes qui entourent le demi ton de
l’hexacorde.
Dans la solmisation, une syllabe ne se réfère pas à une note réelle mais à une
position dans l’hexacorde.
Ut peut donc désigner C, F ou G (ou c, f ou g, ou encore cc, ff ou gg ! ! !).
Mi est la note inférieure du demi ton et fa sa note supérieure. Tout le reste en
découle. La place du demi ton étant dépendant de la « forme » du d ; le b est
dès lors considéré comme une note mobile qui peut être fa ou mi.
III- Musica recta et musica ficta..
1- Naissance.
« La combinaison des hexacordes molle et durum donne lieu à une alternance entre
bécarre et bémol. Au XIV ème siècle, il est suggéré d’appliquer des signes bémol et
bécarre à d’autres endroits de la gamme, ce qui produit une alternance similaire d’un
son plus grave et d’un autre plus aigu. : do, do#, miϑ, mi, fa, fa#. Les nouveaux
sons do#, mi ϑ et fa# n’ont pas de valeur chromatique au sens moderne du mot. Ils
sont perçus par les théoriciens médiéval comme des sons diatoniques, chantés plus
haut ou plus bas qu’habituellement. Cela permet de multiplier les endroits ou l’on
peut trouver des demi tons. Mais tandis que ϑ et ν (sous entendu b bémol et b
bécarre) appartiennent au système, les autres notes sont dénommées ficta non pas
parce quelles sont dissonantes mais parce qu’elles sont étrangères aux anciens.»
[13]
2- Développement de la musica ficta.
On appelle donc musica ficta l’introduction de notes étrangères au système. Et
musica recta toutes les notes appartenant au système.
« Les théoriciens sont obligés de justifier l’usage des notes ficta. Les raisons
fondamentales pour justifier cet usage sont classés en trois groupes :
28
1- La perfection des consonances ou causa necessitatis.
2- L’ornementation de la mélodie ou causa pulchritudinis.
3- Les contraintes instrumentales ou causa instrumentis. » [13]
La causa necessitatis constitue l’ensemble des raisons harmoniques qui déterminent
la perfection de l’octave et de la quinte.
La causa pulchritudinis se justifie par la recherche de l’embellissement et l’usage de
plus en plus fréquent de l’ornementation* et des mouvements cadentiels (à partir du
XIV ème siècle) empruntés à des modes différents et qui impliquent une sensible.
La causa instrumentis : Depuis le XII ème siècle, l’orgue est joué dans l’église pour
accompagner le chant liturgique. Or les chantre choisissent la hauteur qui
correspond le mieux à leur tessiture. Grâce à la solmisation, ils n’ont aucune
difficultés à transposer. Cependant, l’organiste qui les accompagne est obliger de
réfléchir à la transposition pour respecter l’échelle et la place du demi ton…
Jusqu’au XIII ème siècle, les claviers ne possèdent pas d’autres touches noires
que le b bémol ; donc dans la plupart des cas, les seules transpositions possibles
sont à la quarte ou à la quinte ( tout comme l’hexacorde se place sur C, ou sur sa
quarte F ou sur sa quinte G).
Les modes grégoriens naturels sont exécutés sur les touches blanches et LA touche
noire b bémol.
L’adjonction de degrés chromatiques pendant le XIV ème siècle a multiplié les
possibilités de transposition. [13]
3- Conclusion : le système chromatique
Les touches noires du clavier se multiplient au coté du si bémol (le b bémol est
intégré depuis longtemps dans le système ; on parle même d’un orgue sur le clavier
duquel le si bémol était une touche blanche à coté du si bécarre !)
Peu à peu, la conception d’hexacorde transposé évolue dans le sens d’un système
chromatique identifié aux touches noires du clavier et intégré définitivement dans le
système musical.
Cela abouti au système que l’on connaît aujourd’hui : douze touches par octave.
Je ne dis pas « note », car ce serait anticiper sur « le clavier bien tempéré, mais cela
est une autre histoire…
29
D- Echelles et improvisation : des outils
pédagogiques.
Au delà de mon intérêt pour l’histoire de notre échelle, c’est mon attrait pour
l’improvisation qui m’a amené à traiter ce sujet. Sa pratique est pour moi
incontournable pour parvenir au plaisir : de jouer d’abord puis d’interpréter, une fois
le contact établit entre le musicien et son instrument.
Mais quel rapport entre l’échelle et l’improvisation ?
La grande peur des jeunes improvisateurs est celle de la fausse note ; mais si l’on
réduit le choix des notes en ne gardant que les « justes », alors tout est plus facile…
Si l’on considère l’échelle comme un réservoir de notes dont le contenu est
prédéterminé : une gamme pentatonique par exemple, alors cette apparente
contrainte devient le chemin de la liberté.
I- Plaidoyer pour l’improvisation.
1- La voix intérieure.
Il y a quelques années, on pouvait lire que 80% des enfants qui apprennent à jouer
d’un instrument dans une école de musique n’y touche plus jamais par la suite.
On peut voir « dans les bidonvilles de Caracas, des jeunes de 14 ans dont chacun
est capable de battre simultanément trois ou quatre rythmes complexes sur une boite
de conserve. » [3 p 39].
Volker Biesenbender nous dit avoir « fait de la musique avec un apiculteur grec de
83 ans capable de reproduire n’importe quel morceau après l’avoir entendu une
seule fois. » [3 p 39].
Quelle différence y a t il donc entre les jeunes élèves de nos conservatoires et cet
homme ou ces jeunes vénézuéliens ?
Sans doutes aucune dans le fond ; mais peut être chez nous est ce la forme qui
pèche.
30
On a tendance à penser que c’est la répétition du geste technique qui abouti au son,
alors que dans nombreuses autres cultures, la musique est considérée comme
l’expression de la voix intérieure, et c’est cette voix qui guide le geste.
« Puisque les structures musicales et celles des instruments ne sont que
l’expression de nos propres lois, toutes les fonctions nécessaires à leur
apprentissage sont en nous, un peu comme pour l’apprentissage de la parole ou de
la marche. A la longue, par une pratique fréquente et attentive, ces fonctions peuvent
devenir de plus en plus précises et raffinées. »[3 p 43].
Le processus d’apprentissage le plus naturel est sans doutes l’exploration et le
tâtonnement. A force de ressenti de l’action et de son effet, on fini par trouver le
meilleur moyen d’arriver au résultat escompté : le son.
C’est le son intérieur et sa recherche qui guident le geste, et non la répétition du
geste qui mène au son.
2- L’apprentissage.
« Que la musique soit un langage naturel à l’homme, qu’elle nous émeuve, que l’on
doive s’écouter soi même lorsque l’on joue semble évident. Et pourtant, apprenons
nous vraiment la musique comme une langue maternelle ? »[3 p 44].
On commence par enseigner aux tout petits l’attitude « correcte », puis on introduit la
lecture de note, puis des mélodies simples sensées être les références, au service
des quelles on établi des exercices techniques.
Ainsi, l’enfant lit la partition, produit le geste en essayant d’être fidèle au modèle
donné, et ainsi produit un son qu’alors seulement, son oreille vient « vérifier » !
A ce stade, de nombreuses angoisses peuvent déjà s’installer : peur du faux geste,
de l’erreur de lecture, de la fausse note…
Finalement, la tendance occidentale serait d’apprendre à lire avant d’apprendre à
parler, et d’apprendre à réciter les phrases des autres avant de savoir construire les
siennes. Et de ne surtout jamais crier !
Pourquoi ne pas plutôt laisser l’enfant découvrir l’instrument, et en explorer les sons
afin que, pendant un certain temps, il fasse connaissance avec lui uniquement par
l’oreille, en faisant des expériences et des erreurs sans se sentir coupable ?
31
L’improvisation est un moyen de reprendre l’apprentissage de la parole par l’oreille
et la voix intérieure, de pouvoir enfin comprendre les phrases que l’on jouait déjà et
de les « prononcer » avec le bon accent !
3- L’expression au bénéfice de l’interprétation.
Dans l’idéal, l’instrument doit être le prolongement du corps et l’outil servant à
exprimer ce que le musicien ressent et entend intérieurement. Ce peut être de la
douceur mais aussi de la colère, de l’humour, de la joie, l’envie de crier…
Pour comprendre ce que le compositeur à voulu exprimer à travers une phrase
musicale, il faut savoir exprimer ses propres sentiments avec ses propres phrases.
Lorsque le processus qui consiste à traduire sa voix intérieure grâce à son
instrument est devenu spontané, alors le musicien est prêt à interpréter les mots d’un
autre.
Faire de la musique devient alors une improvisation permanente, puisque cela
revient à exprimer des sentiments ou à raconter une histoire. Pour que celle ci soit
convaincante, il faut la vivre en même temps que l’auditeur, et donc la raconter sans
presque en connaître la fin, en l’improvisant, pour que chaque note arrive à point
nommé avec toute sa force, et qu’elle prenne sens à l’instant ou elle est émise.
32
II- Les échelles et l’improvisation.
Il existe plusieurs façon d’improviser : en suivant une grille, comme en jazz, en
dialoguant librement avec les autres musiciens, ou bien en exprimant simplement sa
voix intérieure, sans aucune contrainte.
Nous allons voir les différents moyens de plonger dans ce monde formidable.
L’objectif ici est d’utiliser les modes comme moyen de s’émanciper de la peur de la
fausse note, pour enfin explorer librement toutes les richesses musicales que sont
les rythmes, les timbres, les nuances…
1- L’échelle : un réservoir de note
Dans la musique tonale, toutes les notes de la gamme chromatique peuvent être
utilisées dans une même œuvre, mais seulement en respectant de nombreuses
règles d’harmonie qu’il est difficile d’assimiler sans une réelle motivation !
La plupart du temps, on exécute, seul ou à l’orchestre, des pièces au parcours
harmonique très compliqué sans en comprendre la construction.
Ainsi, effrayé par ces douze notes de l’échelle chromatique qui sont autant de
« fausses notes » potentielles, il nous semble impossible de jouer quelque chose qui
ne serait pas écrit !
Alors pourquoi ne pas s’imprégner de toutes ces « règles harmonique » en
démarrant avec un « réservoir » plus petit ?
Une gamme pentatonique par exemple : cinq sons, et seulement cinq, pouvant être
jouées dans n’importe quel ordre ou même simultanément sans jamais le moindre
risque de fausse note ! ! ! Voilà bien le début de la liberté !
Il est alors possible de jouer sans aucune appréhension, tout ce qui passe par la
tête, dans la mesure ou cela fait partie de l’échelle, et en enrichissant son expression
de tout ce que l’on ne prend pas le temps d’explorer d’habitude, trop occupé à jouer
« juste »…
Cinq notes vous semblent trop peu ?
Alors choisissez une échelle heptatonique, ou bien une échelle d’un mode arabisant,
ou encore les notes d’un râga…
33
2- Le jazz
C’est certainement en travaillant des grilles de blues et de jazz que j’ai le plus appris
sur le langage harmonique.
Le principe de la partition de jazz est toujours le même : un thème, écrit par le
compositeur, et une grille harmonique.
Les musiciens jouent d’abord le thème, puis improvisent chacun leur tour sur la
grille.
Celle ci se présente sous la forme d’un tableau, dans lequel chaque mesure du
morceau est représentée par une case, dans laquelle est écrit le chiffrage de l’accord
correspondant au passage (puisque cette musique consiste en un enchaînement
d’accords sur lequel se déroule une mélodie).
La plupart des accords de la grille sont de quatre sons, parfois plus.
Lors de l’improvisation, le musicien doit jouer une mélodie qui suit le parcours
harmonique. En admettant que les mesures sont de quatre temps, il a quatre temps
pour utiliser les notes de l’accord de la mesure et trouver le moyen d’enchaîner avec
la mesure suivante et son nouveau réservoir, tout en se laissant porter par le flux, les
nuances, les timbres.
3- Les modes naturels.
Ce sont les modes utilisant les échelles heptatonique constituées par les touches
blanches du clavier. Ils sont bien sur au nombre de sept.
Mode de do : Ionien : TTSTTTS
Mode de ré : Dorien : TSTTTST
Mode de mi : Phrygien : STTTSTT
Mode de fa : Lydien : TTTSTTS
Mode de sol : Mixolydien : TTSTTST
Mode de la : Eolien : TSTTSTT
Mode de si : Locrien : STTSTTT
En faisant ressortir à la basse la tonique en continu, ils ont chacun une couleur
caractéristique que l’on pourra mettre en valeur grâce à tous les modes de jeux
disponibles. Ils sont un moyen très gratifiant de s’adonner à l’improvisation libre.
34
4- Les modes à transpositions limitées de Messiaen
Il s’agit d’échelles créées par le compositeur, et ne pouvant être transposées qu’un
nombre limité de fois.
L’exemple le plus facile à comprendre : la gamme par ton.
En commençant sur do, on obtient : do, ré, mi, fa#, sol#, la#, do.
En commençant sur do#, on obtient : do#, ré#, fa, sol, la, si, do#.
Il n’y pas d’autres possibilités, puisque l’échelle utilise une note sur deux.
Les autres modes de Messiaen sont des échelles du type : TSTSTS, ou bien
STSTST, ou bien encore SSTSSTSST…
Ils ont chacun une couleur particulière, et permettent beaucoup de liberté.
Je les ai découvert en cours d’écriture, et les ai très vite adopté !
Ils représente un outils parfait pour se lancer dans la composition et pour y entraîner
ses élèves (voir plus loin).
III- Des exercices pratiques.
1- L’improvisation pour l’épanouissement musical.
J’ai constaté en animant des ateliers, que bien qu’un peu retissent au départ, les
enfants prennent très vite goût à l’improvisation. C’est peut être même l’envie de
jouer librement ce qui leur passe par la tête, qui les pousse à apprendre la musique.
a- Le bruitage.
Les jeunes musiciens occidentaux ont souvent été guidés dans leurs choix
esthétiques et dans les critères définissants « le beau son ».
Il est parfois bénéfique de leur demander d’explorer leur instrument sous toutes ses
coutures et d’en tirer le maximum de sons différents, du plus doux au plus rugueux,
du plus faible au plus puissant…
Cette exploration sans retenu permet parfois d’éradiquer des tensions présentes
depuis les premières gammes…et de gagner beaucoup en musicalité.
35
b- L’improvisation libre.
Elle est la plus spontanée et peut être la plus bénéfique à la relation musicien
instrument. Mais on ne peu commencer en disant à l’élève : « joue ce que tu
veux »…
L’outils le plus adapté ici est à mon avis l’utilisation des modes naturels.
J’avoue avoir un faible pour l’éolien (mode de la)…
Avec trois élèves : une pianiste, une clarinettiste et une violoniste, j’ai fait cette
expérience très concluante.
La première consigne était de jouer en utilisant seulement les touches blanches pour
le piano, les notes naturelles pour le violon et la gamme de si mineur pour la
clarinette ( instrument en sib donc transpositeur).
La seconde, et la plus importante : s’écouter les unes les autres, savoir prendre ou
laisser la parole.
Au départ un peu timides, les musiciennes ont vite entamé une belle conversation et
n’en revenaient pas elles mêmes de pouvoir jouer comme ça à l’infini, les yeux
fermés, les oreilles et l’esprit grands ouverts.
c- L’improvisation en jazz
En jazz, les enfants doivent avant tout assimiler la construction des accords de la
grille. Leurs « chorus » (c’est le nom que l’on donne aux passages improvisés en
jazz), ressemblent tout d’abord à des arpèges (enchaînement, dans l’ordre, des
notes de l’accord), puis petit à petit, ils s’amusent à les mélanger.
On peut ensuite leur parler de la gamme de blues, un autre réservoir, compatible
avec ceux des accords…
Puis des chromatismes (pour passer d’une note à la suivante, on peut intercaler la
note chromatique située entre les deux…)
Ils ont de plus en plus de possibilités d’improvisation, et ils sont libres de les utiliser
ou non. C’est comme à la mer : au bord, on est vite à son aise, et puis petit à petit,
on a envie d’aller un peu plus loin, sachant que l’on est libre de revenir, ou de
s’aventurer un encore davantage.
Il est bon de leur expliquer que la complexité mélodique n’est pas le seul moyen
d’expression, mais qu’ils peuvent dire beaucoup grâce aux nuances, modes de jeux,
rythmes et phrasé…
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Pour rassurer les plus timides, on peut leur expliquer que si une note sonne
bizarrement, celle d’à côté à toutes les chances de sonner bien, et que, la musique
étant une succession de tensions et de détentes, l’enchaînement de ces deux notes
peut être du meilleur effet…
Ainsi, libérés de « l’angoisse de la fausse note », les enfants se laissent enfin guider
par leur voix intérieure, et dans la plupart des cas, n’en font plus jamais !
Ils assimilent en tâtonnant, les règles de l’harmonie, qui sont en fait intuitives,
puisque dictées par nos oreilles !
Avec une pratique régulière, les élèves finissent par comprendre la langue qu’ils
parlaient vaguement depuis plusieurs années. Ils peuvent alors construire leur
propres phrases, et enfin par parler couramment !
2- Une grille modale
Pour entraîner l’esprit à fonctionner avec des modes autre que Majeur et mineur, on
peut établir une grille proche d’une grille de jazz, à la différence que dans chaque
mesure se trouve le nom de la tonique et celui du mode utilisé…
On utilise principalement les modes naturels (voir II-3)
Jouer cette grille demande d’abord beaucoup de concentration (pour se rappeler
l’échelle correspondant à chaque mode, puis la transposer sur la tonique indiquée).
Peu à peu dans l’oreille du musicien, le mode ne correspond plus à une échelle,
mais à une couleur, qu’il peut restituer sans calculs, en écoutant sa voix intérieure.
Tout comme il pouvait jouer les modes majeur et mineur (de do et de la ) sans y
réfléchir, petit à petit les autres modes deviennent tout aussi spontanés.
Sa sensibilité et son oreille s’en trouvent décuplés.
3- L’écriture.
Ecrire sa propre musique semble à beaucoup hors de propos !
Pourtant, l’écriture permet elle aussi d’aborder le langage musical avec plus
d’aisance et de naturel.
Tout d’abord, l’écriture d’une pièce « à une seule note » aide à découvrir l’infini
richesse des moyens d’expression existant hors de toutes considérations
mélodiques.
37
L’approche de la forme ouverte peut ensuite être très stimulante pour les jeunes
musiciens.
Elle est une combinaison de réservoirs de notes et de réservoirs de rythmes, établie
par le compositeur et laissant une grande liberté à l’interprétation.
Ce type de composition est accessible au jeunes musiciens, contrairement à
l’écriture classique, qui exige quand même quelques années d’étude du contrepoint !
L’expérience (d’une de mes collègue avec ses élèves…) a montré que cet exercice
apporte beaucoup de satisfaction aux compositeurs en herbe. Le fait qu’ils jouent
leur propre pièce leur permet de s’émanciper et de s’extraire de « la peur de la
faute ». Tout cela au profit du son, de l’émotion, et finalement de leur talent
d’interprète.
IV- Conclusion.
Aujourd’hui, l’improvisation est une discipline très en vogue dans les écoles, mais
elle est considérée comme une matière complémentaire. Elle est en fait « une
attitude humaine qui s’étend à tous les domaines de la vie et ne trouve dans la
musique qu’une expression appropriée. » [ 3 p 49] Une bonne conversation, une
journée de vacance, une réaction face à un événement… tout est improvisation :
« ce qui empêche l’improvisation, c’est par exemple un besoin de sécurité inutile,
tous les automatismes et les conditionnements, le fait de sentir et de penser selon
des schémas routiniers, bref, toutes les choses petites ou grandes qui, dans la vie
quotidienne, nous empêche de vivre le moment présent. » [3 p 49].
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E- Conclusion
Ce travail m’a permis de constater que l’amalgame est facilement fait entre les
notions de mode, échelle, système d'accordage, tempérament…
Il est assez difficile de faire resurgir clairement ce qu’englobent toutes ces
appellations, et sans doute est-ce le travail de toute une vie pour que cela soit
intégré et totalement compris.
Ayant toujours été attirée par l’origine des origines…cette recherche m’a apporté des
connaissances essentielles à mes yeux, et a aussi soulevé de nouvelles
interrogations, comme par exemple le lien possible entre la gamme chromatique à
douze degrés, et le système duodécimal… Je n’ai pour l’instant rien lu qui laisse
pressentir ce lien, mais j’ai tendance à penser que le hasard n’a que peu de place
dans l’Histoire.
La question des échelles, modes et autres harmonies est primordiale dans notre
système de représentation, fondé sur la hauteur, les rapports et la justesse.
Mais cela ne doit pas nous détourner de toutes les richesses de l’expression
musicale que sont le rythme, les nuances, les timbres…
Le travail sur l’improvisation a pour vocation d’aider le musicien à se libérer de son
obsession pour la justesse afin d’explorer et enfin s’exprimer. Je vais donc
poursuivre avec encore plus de conviction, le travail entamé avec mes élèves, dans
le but de faire de la musique leur seconde langue maternelle…
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Lexique
Chromatique, chromatisme (grec khrôma, « couleur, ton musical ») : le
chromatisme désigne le déplacement d’un degré diatonique, appartenant à une
échelle donnée, d’un demi ton vers le grave ou l’aigu ; la succession de plusieurs
demi tons se nomme échelle chromatique.
Diatonique, diatonisme ( grec « dia » par et « tonos » ton) : le diatonisme désigne
la succession, dans les échelles de sept sons (heptatonique), des tons et des demi
tons constitutifs de ces échelles, à l’exclusion de toute altération accidentelle ; la
gamme mineure présente une notable exception à cette règle, puisqu’elle inclut des
sons mobiles, altérés différemment selon que la pente est ascendante (mineur
mélodique ascendant), descendante (mineur mélodique descendant) ou encore pour
la constitution des harmonies (mineur harmonique).
Echelle : ensemble des sons, non hiérarchisés, d’un système musical.
C’est dans un échelle musicale que sont organisées les gammes.
Gamme : du grec gamma (troisième lettre de l’alphabet grec, qui correspond à la
septième du nôtre, G), succession ascendante ou descendante de huit sons, le
huitième répétant le premier à l’octave (supérieure ou inférieure), placés à des
intervalles déterminés par le mode* auquel cette succession appartient.
La gamme prend son nom de la note par laquelle elle commence. Elle peut être
diatonique – et dans ce cas, être majeure, mineure ou en tout autre mode ! – ou
chromatique, c’est à dire qu’elle est une succession de demi tons.
Harmonie ( grec harmonia, « cheville, joint », « assemblage », « juste rapport »,
« accord des sons ») : 1- structure des sons superposés, appelés accords ; 2- art de
l’enchaînement des accords entre eux ; 3- l’une des trois disciplines traditionnelles
pour l’apprentissage de l’écriture musicale, avec le contrepoint et la fugue.
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Hymne a St Jean Baptiste :
Ut queant laxis
Resonare fibris
Mira gestorum
Famuli tuorum
Solve poluti
Labii reatum
Sancte joannes.
Ce qui signifi :
« Afin que tes serviteurs puissent faire entendre o pleine voix les merveilles de tes
exploits, absout les péchés de leur lèvres mouillées, St Jean. »
Harmonique : son sinusoïdal égal ou multiple entier d’une fréquence nommée
harmonique 1 ou fondamentale. La plus ou moins grande présence de chacune des
harmoniques (voir annexe) donne le caractère global du timbre.
Hexacorde : Ensemble de six notes adjacentes d’une gamme. (Voir chapitre sur la
solmisation.)
Homophonie (grec homos « semblable » et phônè « voix, son de la voix, cri des
animaux, son, langage, phrase, parole ») : de la Grèce antique au XVIII ème siècle,
désigne tout musique exécutée à l’unisson, l’octave ou le redoublement d’octave.
Mélodie (du bas latin melodia, « air musical, harmonie, accord ») : succession
ordonnée de sons musicaux, articulés à partir de rythmes et de hauteurs. Intervalles
mélodique formé de deux notes successives, s’oppose à intervalle harmonique,
formé de deux sons simultanés. Mélodie est souvent aussi opposé à harmonie,
construction d’accords, donc de notes simultanées, mais ces deux notions se
complètent intimement. Plusieurs mélodies qui se répondent forment du contrepoint.
Mode : Dans la gamme (à l’exception de la gamme chromatique qui est faite de
douze demi-tons égaux), les notes sont séparées par des intervalles inégaux. La
répartition de ces intervalles, le plus souvent le ton et le demi-ton, caractérise le
« mode ». Dans la musique tonale traditionnelle, nous connaissons le mode majeur,
dont l’alternance des intervalles est (en demi-tons) : 2, 2, 1, 2, 2, 2, 1 ; et le mode
41
mineur dont l’une des formes (voir annexe : les différentes formes du mode mineur)
est : 2, 1, 2, 2, 1, 2, 2. Dans les musiques archaïques, anciennes, européennes et
extra européennes, il existait et il existe de nombreux modes. Les plus fréquemment
cités sont les modes grecs, les modes grégoriens, les modes hindous. En dehors des
modes traditionnels, le compositeur a la faculté d’inventer lui même des modes avec
lesquels il pourra écrire sa musique. (exemple : Messiaen).
Modulation : changement de tonalité au cours d’un morceau. Contrairement aux
apparences, la modulation s’applique aux tons et est spécifique à la musique tonale.
Octave : dans nos gammes, intervalle qui sépare deux notes qui portent le même
nom. Acoustiquement, il correspond à une fréquence double.
Ornementation : ce sont les divers procédés utilisés pour enrichir et assouplir la
mélodie (trille , appoggiature, trémolo…). Les ornements peuvent être notés ou
improvisés.
Polyphonie (grec polys, « plusieurs » et phône « son ») : procédé de composition
qui consiste à superposer plusieurs lignes mélodiques contrepointées.
Le terme de polyphonie est utilisé pour désigner un types d’écriture musicale apparu
au Moyen Age, ou chaque voix avait une valeur mélodique propre.
Tétracorde : chez les anciens théoriciens, et à partir de ce que l’on connaissait de la
musique des grecs, ce terme s’applique à quatre notes descendantes. Au Moyen
Age, les tétracordes ont joué un rôle important dans la théorie des gammes.
Tempérament: manière de répartir les intervalles de la gamme sur un clavier ou un
instrument à son fixe. Le mot implique une idée de compromis dû au fait que ces
instruments ne peuvent procéder, comme le doigt d’un contrebassiste ou la voix d’un
chanteur, aux très légères fluctuations de la hauteur que le musicien fait
normalement subir à une même note selon le contexte et la force des attractions
qu’elle subit.
Tonalité : la tonalité d’une œuvre, c’est l’échelle majeur ou mineur utilisée
principalement dans cette œuvre.
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Index des ANNEXES
Le diapason
p 43
Histoire des modes en résumé
p 44
Le tétracorde et le cycle des quintes
p 45
Les gammes égyptiennes
p 47
Les harmoniques naturelles
p 54
La gamme dite de Pythagore
p 58
Les systèmes d’Aristoxène et de Zarlino
p 59
La gamme des physiciens, dite aussi de Zarlino
p 60
Werkmeister et la gamme tempérée
p 61
Division de l’octave en parties égales
p 63
Vers la plus grande généralisation possible
p 65
43
Le diapason
Définition 2 : son de référence sur lequel s’accorde tous les instruments
susceptibles de jouer simultanément. Le choix de ce son (de même que se
fréquence, ou « hauteur absolue ») a d’abord été variable ; au cours du XIX ème
siècle, l’usage s’est établi de le fixer au la3 ‘dit la du diapason), mais ce n’est qu’en
1859 et en France seulement que sa fréquence a pu d’abord être normalisée (435 Hz
– on disait « vibrations doubles » - à la seconde, à la température de 18°C). Cette
normalisation a été étendue au plan international en 1885, puis, devant les multiples
entorses qu’elle ne cessait de subir –car le diapason n’a jamais cessé de monter -,
elle a été modifiée théoriquement en 1939 et en 1953 (440 Hz à 20°C), sans que
pour autant ait pu être enrayée une ascension qui se poursuit encore de manière
variable d’un pays à l’autre. (445 Hz en moyenne en 1979). Ce qui pose de
redoutables problèmes tant aux chanteurs qu’aux facteurs d’instruments, voire aux
instrumentistes à carrière internationale. Ce problème, qui apparaît insoluble, n’est
pas étranger aux divergences fondamentales qui opposent entre eux les partisans
d’une éducation musicale appuyée sur la hauteur absolue et ceux qui entendent la
fonder sue la hauteur relative, les deux données étant en réalité différentes et
complémentaires ; la seconde, tributaire de la normalisation, n’a pu évidemment être
envisagée qu’à partir de celle ci, ce qui interdit de la prendre en considération en
deçà des deux dates indiquées (1859 –1885 selon le pays).
Définition 3 : Instrument destiné à faire entendre le son de référence défini ci dessus,
en vue de l’accord des instruments. Les plus anciens diapasons, selon la légende,
auraient été des cloches conservées au palais de l’empereur de Chine et nommées
liu (« lois »), sur lesquelles devaient s’accorder les instruments rituels. Ni l’Antiquité
gréco –romaine, ni le Moyen –Age, ni la Renaissance n’ont envisagé le diapason : la
hauteur absolue se prenait au jugé, en fonction de la seule tessiture, ce que
continuent à faire à peu près toutes les musiques non écrites.[…]. [12 p 560]
44
Histoire des modes, en résumé
Définition
et
résumé Tirée du
« dictionnaire de la
musique »
de
Gérard Pernon, aux
édition
Ouest
France 1984
Mode : Du latin modus, traduit lui même du grec tropos, qui signifie « manière d’être ».
Appliqué aux échelles musicale, il a donné lieu aux usages les plus divers.
On peut dire qu’il s’agit de la « manière d’être » d’un ton (majeur ou mineur dans
l’harmonie classique), en fonction de la disposition des intervalles sur l’échelle d’une
gamme.
Les modes découpent une échelle sonore et déterminent un cadre mélodique.
Les grecs connaissent sept modes : le dorien, le phrygien, le lydien, le myxolydien et leurs
dérivée, l’hypodorien, l’hypophrygien (ou ionien) et l’hypolydien.
Ils pensaient que chaque modes avait une faculté expressive propre, lié à l’ethos (manière
d’être), et qu’il existait une correspondance entre la musique et les sentiments.
Cette théorie sera reprise par Rameau, au XVIII ème siècle.
Platon optait pour le mode dorien, viril et calme.
Aristote pensait que l’artiste devait accommoder la musique à la « classe d’auditeurs ».
Le moyen âge admettait huit modes. A mesure que se développa l’harmonie classique,
deux modes s’imposèrent : le mode majeur et le mode mineur, liés à un système de
tonalité *. Dans cette harmonie, la modulation * fut l’art de passer d’une tonalité à une
autre dans un ouvrage musical.
Ce fut avec la redécouverte du chant grégorien * et du répertoire populaire , au
siècle, que les compositeurs s’intéressèrent aux modes.
XIX ème
Liszt récusait les règles de la modulation et montra qu’un accord quelconque n’était à priori
pas étranger à une tonalité.
Au début du XX ème siècle, le système tonal fut mis de côté par Schoenberg.
Les compositeurs modernes se sont passionné pour les modes. Ainsi, Messiaen inventa
un « néo - modalisme » qui intégrait ses recherches sur les rythmes et les timbres. Boulez
mit un terme à toute fixité modale, les sons de la série (héritage du dodécaphonisme * )
acquirent des durées, des intensités et des attaques variées.
Le terme de « mode », dont le sens a constamment évolué et qui est devenu critique au
XIX ème siècle, est aujourd’hui quelque peu confus. Il est parfois confondu avec le terme
de « ton ».
45
Le tétracorde et le cycle des quintes
Le tétracorde
Une succession conjointe de quatre notes se nomme tétracorde (du grec tetra =4 et
corde =note.)
Le mode majeur est formé de deux tétracordes, par exemple : do, ré, mi, fa et sol, la,
si, do. Ils sont de construction identique : 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton. Pour les
différencier, on les nomme respectivement tétracorde inférieur et tétracorde
supérieur. Ils sont séparés par un ton entier.
Construire et transposer les gammes nécessite une certaine pratique. L’utilisation
des deux tétracordes permet de décomposer et donc de faciliter cette opération.
[1 p 87]
Enchaîner les tétracordes
Le tétracorde supérieur d’une gamme peut devenir le tétracorde inférieur d’une
gamme plus aiguë. Cette nouvelle gamme est la transposition, une quinte au dessus,
de la précédente.
Le tétracorde inférieur d’une gamme peut devenir le tétracorde supérieur d’une
gamme plus grave. Cette nouvelle gamme est la transposition, une quinte au
dessous, de la précédente.
Il suffit dans les deux cas, de construire le tétracorde manquant.
Remarquez les altérations qui apparaissent au fur et à mesure. Ces enchaînements
de tonalités par quinte successives créent ce que l’on appelle le cycle des quintes. A
chaque étape, on découvre une gamme n’ayant qu’une seule altération de
différence. [1 p 87]
46
Le cycle des quintes
Pour représenter le cycle des quintes complet, toutes les tonalités peuvent être, par
convention, dessinées sur un cercle.
En tournant dans le sens des aiguilles d’une montre, nous trouvons, à chaque cran, une
tonalité une quinte plus aiguë et ayant un dièse de plus, ou un bémol de moins, que la
précédente.
Dans l’autre sens, les tonalités sont à chaque cran une quinte plus grave, et possèdent un
bémol de plus, ou un dièse de moins que la précédente.
Le bas du cercle montre une zone enharmonique. Ce sont les gammes qui peuvent être
écrites avec des bémols comme avec des dièses. En effet, en tempérament égal (comme
sur la plupart des pianos), fa# majeur est identique à sa gamme enharmonique solb
majeur. En tempérament inégal par contre, la note fa# est distincte de la note solb et c’est
pourquoi nous utilisons une spirale plutôt qu’un cercle, car les courbes des dièses et des
bémols ne se rejoignent en fait jamais. [1 p 87]
47
Les gammes égyptiennes
[14]
par Fathi Saleh
Conseiller Culturel d'Egypte à Paris
Ambassadeur de la République Arabe d'Egypte auprès de l'Unesco
Professeur à la Faculté d'Ingénieurs de l'Université du Caire
L'article qui suit reprend une publication parue en 1997 dans "Le Monde copte" n° 27-28,
revue encyclopédique de culture égyptienne. Il a été revu et corrigé. Il reprend une
communication scientifique faite au Congrès mondial d'Egyptologie de Turin en 1991. Le
communiqué original: "On the discovery of the ancient Egyptian musical scale", extrait
d'«INFORMATICA ED EGITTOLOGIA», sera reproduit dans la version anglaise du site.
Les résultats des travaux que présente ici M. Fathi Saleh ont été exposés dans plusieurs
conférences scientifiques, dont le Congrès International des Egyptologues qui s'est
déroulé à Turin (Italie) en septembre 1991. En septembre 1992, la rubrique télévisée "Les
Frontières scientifiques américaines " a programmé une émission sur cette découverte.
Cette émission a été diffusée plusieurs fois sur différentes chaînes publiques, ainsi que
dans la plupart des écoles publiques d'Egypte.
Introduction
Pendant plus d'un siècle, des chercheurs ont tenté de redécouvrir l'ancienne gamme
musicale égyptienne en s'aidant des flûtes égyptiennes antiques: soit par des calculs
mathématiques basés sur les dimensions de ces flûtes, soit en en réalisant des copies et
en essayant d'en jouer. Il faut, cependant, un entraînement spécialisé, pour jouer de ces
flûtes antiques, dépourvues d'anche. En général, seuls les musiciens sachant jouer de la
flûte orientale moderne "nay" - qui est de même facture que ces instruments anciens - en
sont capables. C'est pourquoi les chercheurs occidentaux n'ont pu ni jouer correctement
de ces instruments, ni les analyser.
Afin de réaliser ce projet, une équipe agréée par l'Organisme des Antiquités Egyptiennes a
été formée autour du célèbre joueur de flûte "nay", le Dr Mahmoud Effat. Son objectif était
de répondre aux questions suivantes :
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- Le peuple grec était-il le premier à connaître la gamme diatonique (sept notes)?
- Quelles étaient les différentes gammes jouées par les anciens Egyptiens ?
- Quelles relations existe-t-il entre les anciennes gammes égyptiennes et les autres
gammes?
Pour répondre à ces questions il fallait prendre en considération le fait que Pythagore, le
mathématicien grec à qui l'on attribue la gamme moderne occidentale, avait vécu vingt et
un ans en Egypte, et se souvenir que les Grecs ont abondamment écrit sur le haut degré
de perfection où ils tenaient l'ancienne musique égyptienne.
Aux origines de l'histoire de la musique
Les gammes musicales des Grecs ont été utilisées dans le monde occidental depuis
Pythagore jusqu'à Jean-Sébastien Bach. Ces gammes n'ont permis ni l'harmonie ni les
modulations musicales qui sont couramment utilisées dans la musique occidentale depuis
que Bach y a introduit le tempérament. C'est à la suite de la conférence internationale de
1932 que le monde occidental a pris comme standard la gamme dite « également
tempérée ».
On pense généralement que la gamme arabe utilisée au Moyen-Orient aujourd'hui vient de
Perse. Les gammes et les modes musicaux de la musique arabe diffèrent de leurs
équivalents modernes occidentaux en plusieurs points, le plus spectaculaire étant
probablement le fait qu'il existe vingt-quatre notes au lieu de douze dans une octave.
Mais dans tous les cas, seulement sept notes sont utilisées pour définir un mode
particulier. Les règles qui déterminent cette sélection de sept notes ou "maqam" sont trop
complexes pour être exposées ici.
Quelle a été la gamme musicale des anciens Egyptiens ? Avant d'obtenir les résultats des
travaux que nous présentons ici, on supposait que c'était la gamme des Grecs; cette
théorie était fondée sur des preuves circonstancielles résultant du fait que Pythagore, le
père des mathématiques et de la musique occidentale, a passé vingt et un ans en Egypte
et au Moyen-Orient avant de "découvrir" sa gamme musicale. Cette gamme était basée
sur des principes religieux (et, selon les auteurs, sur des principes mathématiques).
D'après Platon et Hérodote, les Grecs et les Egyptiens adoraient les mêmes dieux, hormis
un qui n'existait que dans la religion grecque. De plus, les anciens Grecs et les anciens
Egyptiens avaient la même notation et les mêmes méthodes de calcul pour les fractions
servant à décrire la gamme musicale.
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Avant l'étude que nous présentons ici, il n'y avait pas de preuves évidentes de l'existence
de cette gamme ni dans les anciennes descriptions écrites, ni dans les calculs effectués
sur des instruments antiques. Plusieurs anciens dessins égyptiens de harpes montrent
treize cordes. Correspondaient-elles aux douze notes de la gamme chromatique
occidentale plus l’octave ? Ou à une octave et demie des sept notes de la gamme des
Grecs ? Allait-on retrouver leur mode d'accordage dans la gamme arabe, ou une gamme
d'Afrique du Sud, d'Inde, de Chine.... voire dans une gamme inconnue?
Le musée du Caire possède d'anciennes harpes. En l'état de nos connaissances, en faire
des fac-similés ne nous aurait pas renseignés davantage sur la gamme musicale, car il n'y
a aucun moyen de savoir comment était réglée la tension de chaque corde.
On trouve également au musée d'autres instruments anciens qui ressemblent à notre
clarinette ou hautbois. Malheureusement, du fait de l'absence d'embouchures, on ignore
l'aspect final et la longueur totale de l'instrument.
Seuls les "nays" (flûtes orientales) ont gardé leurs caractéristiques physiques, et c'est la
raison pour laquelle il fut décidé de les utiliser pour tenter de redécouvrir la gamme
égyptienne.
Programme de travail
Le projet de recherche de la gamme musicale pharaonique a été approuvé par la direction
de l'organisme des Antiquités égyptiennes en avril 1991.
Un programme de travail d'une durée de six mois a été mis en place pour effectuer les
travaux suivants :
- Recherche sur les instruments à vent disponibles au musée du Caire.
- Réalisation concrète de copies de quelques instruments sélectionnés.
- Enregistrement des notes produites par quelques instruments originaux dont on
pourrait jouer, ainsi que par toutes les reproductions.
- Enregistrement des résultats sur cassettes audio de haute fidélité, et digitalement
sur un ordinateur conçu pour les analyses scientifiques.
- Analyse scientifique des caractéristiques acoustiques des instruments.
- Analyse des résultats afin de déterminer quelles notes et gammes étaient utilisées
par les anciens Egyptiens, ainsi que leur relation avec les gammes utilisées
actuellement (occidentales et arabes) .
- Proposition de projets pour poursuivre cette étude.
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Membres de l'équipe chargée de réaliser ce projet: Sania Abdel Aal: égyptologue
directrice-assistante du musée du Caire, Robert Cribbs: scientifique américain, Mahmoud
Effat: musicien et flûtiste, Dr. Fathi Saleh: musicologue, informaticien directeur du projet.
Caractéristiques de la flûte ancienne (NAY)
La flûte ancienne, telle qu'elle est mentionnée précédemment, est fabriquée en
bambou du Nil. Elle se caractérise par la présence de nœuds qui tendent à rétrécir le
diamètre de la colonne d'air. Ces nœuds sont normalement bloqués dans le cas du
bambou brut. Dans les anciennes flûtes égyptiennes, les nœuds sont complètement
dégagés, tandis que dans la flûte égyptienne moderne, les nœuds sont dégagés sauf
un qui se situe près de l'embouchure, ce qui permet d'obtenir des notes plus aiguës.
Les anciens Egyptiens utilisaient de très longues flûtes d'environ 90 cm qu'ils avaient
coutume de couper au niveau de ces nœuds, alors qu'aujourd'hui les Egyptiens
coupent leurs flûtes, qui sont relativement courtes (30-60 cm), entre les nœuds.
Expérience
Comme on l'a mentionné ci-dessus, sur ces six instruments à vent appartenant au
groupe des nays, quatre sont fabriqués en bambou(C.G. 69814 - 69817), un en bois
(C.G. 69818), et un en bronze (C.G.69819). La première étape a consisté à examiner
ces flûtes, à prendre leurs mesures et à comparer celles-ci avec les informations du
Catalogue Général.
Ces mesures ont permis un certain nombre de constatations :
1. Trois nays appartiennent à une famille de longueur d'environ 90 cm (c'est la
longueur dominante de la flûte des anciens Egyptiens comme nous l'indiquent
différentes sources).
2. Un nay mesure 75 cm de long.
3. Deux flûtes courtes ne sont pas fabriquées en bambou du Nil.
4. Les dimensions mesurées diffèrent légèrement de celles du Catalogue Général.
5. Le Catalogue Général ne mentionnait pas le diamètre de la flûte C.G. 69817, et
signalait que cette flûte était en mauvais état. L'équipe a découvert que cette flûte
est en meilleur état que les trois autres.
6. Aucune des références du C.G. n'avait pris en considération les mesures des
nœuds du bambou.
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Après avoir terminé l'étude des mesures, l'équipe a décidé de procéder selon les étapes
suivantes :
1. Fabriquer des répliques des quatre flûtes en bambou en utilisant. le même
matériau.
2. Fabriquer des reproductions de deux flûtes en bois, et d'une en bronze en tubes
plastiques.
3. Considérer séparément les résultats des études sur les flûtes en bambou car
différentes sources semblaient indiquer que seules les flûtes en bambou
appartiendraient aux anciennes dynasties pharaoniques, les autres flûtes datant
probablement de la période ptolémaïque.
4. Effectuer un enregistrement pour seulement deux flûtes originales : la flûte en
bronze et la flûte n°C.G.69817 (du Nouvel Empire), au cas où celle-ci serait
restaurée (les autres flûtes étant en mauvais état et très fragiles).
5. Restaurer la flûte mentionnée et faire une expérience en jouant des deux flûtes
originales ainsi que des six reproductions.
Ensuite, l'équipe est venue au musée avec un équipement d'enregistrement audio
analogique et un équipement d'enregistrement numérique sur un ordinateur configuré
spécialement pour l'expérience.
Le premier type d'équipement a été utilisé pour réaliser un enregistrement standard audio
en vue d'effectuer des analyses auditives (que nous appellerons aussi "subjectives") faites
par des musiciens et non des ingénieurs.
Le second type d'équipement a été utilisé pour enregistrer le son digitalement sur un
ordinateur, afin qu'il soit traité avec un logiciel spécialement conçu pour les analyses
scientifiques. L'équipement a enregistré le signal digitalement, l'a chargé dans la mémoire
de l'ordinateur et a utilisé le transformateur Fourier dans le but de régénérer le spectre de
la fréquence fondamentale de la note avec toutes ses harmoniques, et mesuré à un
millième de hertz près.
Une séquence comprenant toutes les notes possibles a été jouée une fois sur chaque
flûte, ainsi qu'une musique improvisée utilisant toute la gamme.
Les résultats mesurés
Le calcul des mesures de chaque flûte a été mené de la façon suivante :
1. Une séquence de notes est enregistrée pendant une période totale de quinze
secondes (correspondant à environ deux Mega-octets de mémoire).
52
2. Les notes sont exposées une par une en les isolant et en les séparant pour les
analyser.
3. Le transformateur Fourier est utilisé sur le signal de la note isolée pour obtenir le
spectre du signal et son contenu harmonique.
4. L'amplitude de chaque composant du spectre est normalisée et imprimée.
Interprétation des résultats
Les résultats de ces tableaux indiquent ce qui suit:
1. Ils soulignent les résultats du test subjectif en y ajoutant les constats suivants :
a - Les notes incertaines de la flûte numéro C.G.69816 sont plus proches des
notes des gammes arabes.
b - Les valeurs des fréquences de la flûte numéro C.G.69817 sont plus graves que
les valeurs standard.
2. La gamme diatonique (sept notes) est présente dans trois de ces flûtes.
3. La flûte numéro C.G.69814 datant du Moyen-Empire et découverte à Beni Hassan
donne une gamme pentatonique presque parfaite avec la note "fa" comme note de
base et sans les troisième et septième notes de la gamme diatonique.
4. La flûte numéro C.G.69817, datant du Nouvel Empire (XVIIIe Dynastie) et
découverte à Deir El Medineh, joue une gamme diatonique claire basée sur la
note "la". Cela donne une gamme "la" bémol avec une quatrième note un peu plus
grave que d'habitude.
5. La flûte numéro C.G.69815, découverte à Saqqara mais non datée, a donné une
gamme arabe presque parfaite de sept notes (qui a une troisième note à michemin entre le "la" et le "la" bémol) ; elle aussi basée sur la note "fa", ce qui
pourrait suggérer que l'origine de la gamme arabe daterait de l'époque des
anciens Egyptiens et qu'elle aurait été utilisée plus tard par les Perses qui
l'auraient transmise à la civilisation arabe.
6. La flûte numéro C.G.69816, également trouvée à Saqqara et non datée, a donné
une gamme très similaire à celle de la flûte C.G.69815, sauf que la quatrième note
est un peu plus ambiguë dans le test subjectif.
7. Bien que l'on ne puisse dater les flûtes numéro C.G.69815 et numéro C.G.69816,
on peut déduire de leur longueur et de leur forme qu'elles sont d'authentiques
flûtes égyptiennes anciennes.
53
8. Trois des quatre flûtes ont presque la même longueur et donc la même note de
base un "fa", qui correspond au son naturel le plus bas de la voix humaine
chantée.
9. L'examen du tableau des fréquences révèle des résultats très intéressants. Les
fréquences des notes des flûtes numéro C.G.69814 (pentatonique) et C.G.69816
sont très proches à un hertz près. Etant donné que ces deux flûtes ont une
centaine d'années de différence et ont été découvertes à une centaine de
kilomètres de distance, on pourrait en déduire qu'il y avait une source commune,
servant de référence standard aux notes musicales, à la manière d'un diapason.
On pourrait imaginer qu'il existait une flûte sacrée dans un temple principal utilisée
comme étalon. A ce sujet, il faut noter les ressemblances entre les fréquences des
deux premières notes de la flûte numéro C.G.69817 et celles des troisième et
quatrième notes de la flûte numéro C.G.69816, et ceci bien que l'une soit basée
sur le "fa" et l'autre sur le "la".
Conclusion :
L'objectif principal de cette étude était de déterminer si les anciens Egyptiens
connaissaient la gamme diatonique.
La réponse est encore plus intéressante que la question, car ces recherches nous ont
amenés aux découvertes suivantes :
- Les anciens Egyptiens possédaient la gamme diatonique depuis des temps reculés, et
elle a pu évoluer au début du Nouvel Empire pour aboutir à une gamme de "la" bémol à
sept notes.
- Les anciens Egyptiens possédaient, en plus de cette gamme diatonique, une gamme de
même type que dans le musique arabe, composée de sept notes, dont l'origine était
jusqu'alors attribuée à la Perse.
- Il existe une surprenante relation entre les fréquences produites par les différentes flûtes,
ce qui suggère la présence d'un système de calibrage de ces instruments.
- Toutes ces conclusions découlent d'une expérimentation sur quatre flûtes seulement :
l'équipe pense que le fait d'élargir la recherche à un plus grand nombre de flûtes de
différents musées permettrait de découvrir de nouvelles informations.
54
Les harmoniques naturels
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Les harmoniques supérieurs :
Ceux ci peuvent s’obtenir en divisant une corde dont le son fondamentale est F, par
2 puis 3…
Le son fondamental est appelé harmonique de rend 1 ; on le notera F.
Harmonique de rend 2 : F2=2xF
F2 sonne à l’octave de F.
Harmonique de rend 3 : F3=3xF
F3 sonne une octave plus une quinte juste, au dessus de F.
Harmonique de rend 4 : F4=4xF
F4 sonne deux octaves au dessus de F.
Harmonique de rend 5 : F5=5xF
F5 sonne deux octave plus une tierce majeur au dessus de F.
Harmonique de rend 6 : F6=6xF=2xF3
F6 sonne une octave au dessus de F3, soit deux octaves plus une quinte au dessus
de F
Harmonique de rend 7 : F7=7xF
F7 sonne deux octave plus une septième mineure au dessus de F
Harmonique de rend 8 : F8=8xF
F8 sonne trois octaves au dessus de F
Harmonique de rend 9 : F9=9xF
F9 sonne trois octaves plus un ton au dessus de F
Harmonique de rend 10 : F10=10xF=2xF5
F10 sonne trois octaves plus une tierce majeure au dessus de F
Harmonique de rend 11 : F11=11xF
F11 sonne trois octaves plus une quarte augmentée au dessus de F
Harmonique de rend 12 : F12=12xF=2xF6=4xF3
F12 sonne trois octaves plus une quinte au dessus de F, soit deux octaves au
dessus de F3
Harmonique de rend 13 : F13=13xF
F13 sonne trois octaves plus une sixte majeure au dessus de F
Harmonique de rend 14 : F14=14xF=2xF7
55
F14 sonne trois octaves plus une septième mineure au dessus de F, soit une octave
au dessus de F7
Harmonique de rend 15 : F15=15xF
F15 sonne trois octaves plus une septième majeure au dessus de F
Harmonique de rend 16 : F16=16xF=2x2x2x2F
F16 sonne quatre octaves au dessus de F.
On obtient ainsi quasiment toutes les notes de notre gamme.
Prenons l’exemple de F=Do1
1 signifiant « de rend 1 », soit dans la première octave
Nous noterons ainsi le rend de chaque note :
1 pour « qui appartient à la première octave »
2 pour « qui appartient à la deuxième octave »
3 pour « qui appartient à la troisième octave »
4 pour « qui appartient à la quatrième octave »
F2=2xF=Do2
F3=3xF=Sol2 (Do plus une octave et une quinte)
F4=4xF=Do3
F5=5xF=Mi3 (Do plus deux octave et une tierce majeure)
F6=6xF=2xF3=Sol3 (une octave au dessus de Sol2…puisque x2 revient à augmenter
d’une octave)
F7=7xF=Sib3
F8=Do4
F9=Ré4
F10=Mi4
F11=Fa dièse 4
F12=Sol4
F13=La4
F14=Sib4
F15=Si bémol 4
F16=Do5
Il faut maintenant trouver comment regrouper toutes ces notes dans une seule
octave…
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Les rapports
Le fait de multiplier la fréquence par deux, équivaut pour le musicien, à augmenter la
note d’une octave.
A l’inverse, le fait de diviser la fréquence par deux, baisse la note d’une octave.
Idem, x3, on ajoute une octave et une quinte, /3, on retire une octave et une quinte…
Ainsi, en multipliant F par 3, puis en divisant par deux, on ajoute une quinte !
On trouvera ainsi tous les rapports qui constituent la gamme telle que nous la
connaissons.
Fx3/2 ajoute une quinte
Fx5/4 ajoute une tierce majeure
Fx7/4 ajoute une septième mineure
Fx9/8 ajoute une seconde majeure
Fx11/8 ajoute une quarte augmentée
Fx13/8 ajoute une sixte majeure
Fx15/8 ajoute une septième majeure
Evidemment, diviser F par les mêmes rapports revient à descendre la note du même
intervalles !
La fréquence d’un son étant inversement proportionnelle à sa longueur d’onde, on
peut former une autre série, inverse de la précédente, basée sur la longueur d’onde :
c’est la série des harmoniques inférieurs
Le son 2 étant produit par une corde deux fois plus longue que le son 1 (et non plus
deux fois plus courte !)
57
La gamme dite de Pythagore
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Les conceptions pythagoriciennes sont, essentiellement, de nature arithmétique. La
perfection des rapports de consonance des sons entre eux serait liée à la simplicité des
rapports numériques des longueurs de corde vibrante. Une corde de longueur l donnant
une note dont la hauteur est prise comme référence, les rapports les plus simples sont
donnés par la corde de longueur 2 l (octave inférieure) et 3 l (douzième inférieure). Le
rapport 2 est considéré comme « infécond », puisque n’étant capable que de reproduire
toujours la même note à des octaves différentes. Il n’est donc utilisé que pour ramener les
notes à l’intérieur d’une même octave, en divisant par deux les longueurs de corde. En
revanche, le rapport 3, étant à l’origine de ce qu’on appelle maintenant le cycle des
quintes, permet d’obtenir toutes les notes de la gamme soit, par quintes successives : si,
mi, la, ré, sol, ut, fa. Ce qui, converti dans une même octave (c’est-à-dire entre les
longueurs de corde l et 2 l), donne les longueurs de corde suivantes, représentatives du
mode dorien :
1 9/8 81/64 4/3 3/2 27/16 243/128 2 mi ré ut si la sol fa mi
On remarque que les intervalles de ce mode, pris en descendant, sont les mêmes que
ceux de la gamme diatonique majeure pris en montant, d’où cette forme moderne, connue
aussi sous le nom de gamme de Pythagore, dans laquelle les nombres désignent, cette
fois-ci, des rapports de fréquence :
1 9/8 81/64 4/3 3/2 27/16 243/128 2 ut ré mi fa sol la si ut
Cette inversion du sens des intervalles, suivant que l’on considère des fréquences ou des
longueurs de corde, est sans doute à l’origine de la légende selon laquelle les modes
grecs étaient énoncés sous la forme descendante.
Si l’on mesure les intervalles séparant deux notes voisines, on constate qu’il n’en existe
que deux : le ton (rapport 9/8) et le demi-ton (rapport 256/243).
58
Les systèmes d’Aristoxène et de Zarlino
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Opposés aux pythagoriciens en ce qu’ils n’attribuaient aucune valeur souveraine à la
perfection des nombres, les disciples d’Aristoxène de Tarente* (IVe siècle av. J.-C.) étaient
cependant attachés à la théorie des divisions de la corde vibrante dans des rapports «
harmoniques » ; ils attribuaient à cette théorie une valeur à la fois physique et esthétique. Il
semble que deux divisions différentes des longueurs de corde aient été connues d’eux. La
première correspond à ce que, aujourd’hui, l’on sait être la suite des « harmoniques
naturels ». C’est la série :
1 1/2 1/3 1/4 1/5 1/6 1/7 1/8 etc. ut1 ut2 sol2 ut3 mi3 sol3 si3 ut4 etc.
correspondant aux fréquences f, 2 f, 3 f, 4 f, 5 f, 6 f, 7 f, 8 f, etc., et dont les cinq premières
constituent l’accord parfait majeur (ut-mi-sol). La seconde utilisait une division arbitraire en
six parties égales :
1(6/6) 5/6 4/6 3/6 2/6 1/6 0 ut1 mi 1 sol1 ut2 sol2 sol3 rien
correspondant aux fréquences f, 6 f/5, 3 f/2, 2 f, 3 f, 6 f, et dont est tiré l’accord parfait
mineur (ut-mi bémol-sol).
La première division est dite division harmonique, la seconde division arithmétique. Elles
sont apparemment inconciliables. C’est pourtant en essayant de les concilier que Gioseffo
Zarlino, au XVI ème siècle, inventa la théorie du « dualisme harmonique », d’où découle à
la fois une gamme diatonique majeure et une gamme diatonique mineure. Ces gammes
reçurent au XVIII ème siècle une justification théorique due à Joseph Sauveur, puis à
Rameau et à d’Alembert.
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La gamme des physiciens, dite aussi de Zarlino
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Si l’on recherche un compromis heureux entre la gamme de Pythagore*, la suite des
harmoniques naturels et la division arithmétique des cordes vibrantes (cette dernière
donnant la tierce mineure de rapport 6/5), on trouve la gamme des physiciens, appelée
aussi gamme de Zarlino*. Elle est fondée sur la superposition de trois accords parfaits
majeurs : fa-la-ut, ut-mi-sol et sol-si-ré. Elle se réfère donc à la fois au rapport 3/2 (quinte
pythagoricienne), au rapport 5/4 (tierce harmonique) et au rapport 2 (octave). On y
remarque la série de fréquences suivante :
1 9/8 5/4 4/3 3/2 5/3 15/8 2 ut ré mi fa dièse sol la si bémol ut
et les intervalles la-ut et mi-sol sont dans le rapport 6/5, soit celui de la tierce mineure de la
division arithmétique. Malheureusement, cette gamme possède les trois inconvénients
suivants :
Si l’on compare les intervalles des diverses notes voisines, on constate qu’il en existe trois
(alors que la gamme de Pythagore n’en avait que deux) : un demi-ton égal au rapport
16/15 entre mi-fa et si-ut et deux tons inégaux valant respectivement 9/8 (ut-ré) et 10/9 (rémi). La différence entre ces deux sortes de tons est égale à 9/8 : 10/9 = 81/80 ; on l’appelle
comma. Cette différence, quoique très petite, est perceptible à l’oreille.
L’intervalle ré-la, qui devrait être égal à une quinte pythagoricienne, c’est-à-dire à 3/2, est
plus petit puisqu’il équivaut à 40/27 ; c’est une quinte diminuée d’un comma.
Ce même intervalle ré-la reste difficile à transposer, étant donné l’existence du comma. La
gamme qui serait construite à partir de ré, par exemple (gamme de ré majeur), aurait une
quinte fausse si le la n’était pas relevé d’un comma. Ce comma étant approximativement
égal à un neuvième de ton, il en résulte que, dans les transpositions, les notes altérées
sont placées à une distance inégale de celles qui les précèdent et de celles qui les suivent.
Ainsi, le fa dièse doit être plus près du sol que du fa.
En revanche, l’un des grands avantages de la gamme des physiciens est que chacun de
ses sons peut être considéré comme obtenu par génération d’harmoniques naturels.
Helmholtz a émis, dans les années 1850, la théorie selon laquelle cette circonstance
rendrait compte de l’agrément particulier de cette gamme.
60
Werckmeister et la gamme tempérée
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Les divers inconvénients que présentent les gammes de Pythagore et de Zarlino ont pour
origine le problème suivant : comment faire coexister, dans un même système, des quintes
justes et des octaves justes ? Or, un raisonnement élémentaire permet de voir que ce
problème n’a pas de solution. En effet, les quintes sont le résultat d’une itération du rapport
3 et les octaves celui d’une itération du rapport 2. Il faudrait donc découvrir une puissance
de 3 qui soit égale à une puissance de 2. Comme les puissances de 3 sont toujours des
nombres impairs (se terminant par 1, 3, 7 ou 9) et que les puissances de 2 sont toujours
des nombres pairs, il n’existe pas de solution. Cependant, à la fin du XVIIe siècle, Andreas
Werckmeister (1645-1706) parvint à trouver un compromis qui, une fois de plus, résultait
d’un effort de généralisation et que, depuis lors, on utilise sous le nom de gamme
tempérée.
Dans le système pythagoricien de génération des intervalles par quintes, on s’aperçoit
que, à partir de la douzième quinte, on retrouve, à peu près, la septième octave de la note
de départ :
1 3/2 9/4 27/8 81/16 243/32 729/64 ut sol ré la mi si fa 2 187/128 6 561/256 19 683/512 ut
sol ré 59 049/1 024 177 147/2 048 531 441/4 096 la mi si (ou ut)
étant la suite des quintes, et la suite des puissances de 2 :
1 2 4 8 16 32 64 128 ut0 ut1 ut2 ut3 ut4 ut5 ut6 ut7
étant celle des octaves. On voit que le rapport 531 441/4 096 = 129,746 est légèrement
plus grand que le rapport 128. C’est donc par une approximation exigée par la pratique
que l’on identifie le si dièse à l’ut ; la différence qui les sépare est appelée comma
pythagoricien. L’idée de Werckmeister est alors d’une géniale simplicité : il décide de
répartir cette petite différence de telle sorte que, chaque quinte étant raccourcie de 1/12 de
comma pythagoricien, la note engendrée par la douzième quinte corresponde à celle que
donne la septième octave. Autrement dit, il pose l’équation : douze quintes = sept octaves.
Il résulte de cette égalité que, une fois ramenées à l’intérieur d’une même octave par un
nombre convenable de divisions par 2, les douze notes de la série des quintes divisent
61
cette octave en douze parties égales ou douze demi-tons tempérés. Un autre mérite de
Werckmeister est d’avoir aussi établi une méthode pour accorder les instruments selon ce
« tempérament ». L’inconvénient de la gamme tempérée est de donner des intervalles qui,
à l’exclusion de l’octave, sont tous « faux » par rapport aux résonances naturelles (les
quintes étant trop petites). Mais l’avantage énorme du système est de permettre toutes les
transpositions et d’ouvrir aux musiciens la possibilité d’écrire dans toutes les tonalités en
utilisant les instruments à clavier à douze touches par octave.
62
Divisions de l’octave en parties égales
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Ni tous les musiciens ni tous les théoriciens ne se montrèrent et ne se montrent encore
satisfaits d’un système dans lequel toutes les divisions de l’octave sont égales. Jusqu’à la
fin du XVIIIe siècle, divers tempéraments furent employés (on appelait tempérament tout
système dans lequel on sauvegardait la justesse d’un certain nombre de quintes et de
tierces tout en en sacrifiant quelques-unes). En revenant à la règle générale par laquelle
on s’efforce d’obtenir simultanément des octaves et des quintes justes, on cherchera donc
quelles sont les puissances de 3/2 qui sont les plus voisines d’une puissance de 2.
Werckmeister avait déjà remarqué que (3/2)12 est voisin de 27 ; mais d’autres divisions de
l’octave sont possibles ; on peut notamment citer les suivantes : 31, puisque (3/2)31 est
voisin de 218 ; 41, puisque (3/2)41 est voisin de 224 ; et 53, puisque (3/2)53 est très proche
de 231. Dans les années 1950, Adriaan Fokker construisit à Haarlem un orgue à trente et
un degrés par octave. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, Pál Janko, à Prague, réalisa
des pianos à quarante et un degrés par octave dont le clavier se composait de six rangées
de touches superposées ! Mais, sans qu’on ait jamais essayé de construire un instrument
à cinquante-trois touches par octave (nous n’avons que dix doigts...), il semble que ce soit
la division de l’octave en cinquante-trois parties égales qui se soit montrée la plus
intéressante. C’est elle, en effet, qui génère un tempérament dans lequel on trouve deux
demi-tons, l’un dit chromatique et l’autre diatonique, qui valent respectivement 5 et 4
cinquante-troisièmes d’octave. Par abus de langage, le cinquante-troisième d’octave est ici
appelé aussi comma. On a alors la gamme suivante (l’intervalle entre deux notes étant
donné en cinquante-troisièmes d’octave) :
ut 5 ut 4 ré 5 ré 4 mi 4 fa 5 fa 4 sol 5 sol 4 la 4 si 5 si 4 ut
Cette gamme présente deux avantages ; le premier est qu’elle permet aux instruments à
clavier de jouer dans toutes les tonalités, chacune d’elles gardant une couleur particulière ;
le second est que l’intervalle de quinte y est pratiquement juste : 1,499 94 au lieu de 1,5. Il
est vraisemblable que ce tempérament ait été celui de Jean-Sébastien Bach pour le
Wohltemperierte Klavier plutôt que le tempérament rigoureusement égal.
Parmi les gammes non européennes, il faut citer les modes indiens, dans lesquels existe
une division de l’octave en vingt-deux parties, dites çrutis. Mais s’il y a bien vingt-deux
çrutis par octave, il y a trois çrutis différents ; l’octave n’est donc pas divisée en vingt-deux
63
parties égales. Toutefois, les mesures effectuées à partir d’enregistrements montrent que,
dans la pratique, les musiciens indiens exécutent les différents çrutis d’une manière assez
approximative.
Il est remarquable de constater que, pour obtenir une division de l’octave en parties
égales, il suffit de posséder un nombre tel que sa multiplication par lui-même autant de fois
qu’il y a de parties de l’octave considérée soit égale à 2. La fréquence de chaque note,
multipliée par ce nombre, donne la fréquence de la note immédiatement supérieure. Ce
nombre représente donc l’intervalle de base. Il est égal à 122 dans le système tempéré
occidental, à 312 dans celui de Fokker, à 412 dans celui de Janko et à 532 dans le système
au cinquante-troisième d’octave, dont la théorie avait été exposée au XVIIe siècle par
William Holder et Nicolaus Mercator.
Le fait que, pour passer d’une note à une autre, il soit nécessaire de multiplier sa
fréquence par un nombre donné et l’habitude qu’ont les musiciens d’additionner les
intervalles ont conduit le mathématicien Euler (1707-1783) à proposer les logarithmes
comme une méthode de mesure commode des intervalles musicaux. D’après Euler, le
système tempéré serait donc celui dont les intervalles (mesurés en demi-tons) sont
désignés par la suite des nombres entiers dans les logarithmes à base 122. Mais le nombre
122
n’est pas facilement maniable. C’est pourquoi l’acousticien Félix Savart proposa, au
début du XIXe siècle, un intervalle pouvant représenter le plus petit qui soit perceptible par
l’oreille humaine dans les conditions habituelles d’écoute (soit ce fameux « plus grand
commun diviseur » de tous les intervalles utilisables) ; cet intervalle se référait à l’octave,
c’est-à-dire au rapport 2, et Savart utilisait des logarithmes de base « pratique », soit la
base 10. En prenant comme intervalle de référence log10 2 = 0,301 03, on avait un
intervalle trop grand. Savart proposa donc le millième de cet intervalle, soit 1 000 log10 2 =
301,03. Il y a donc 301 savarts (puisque cet intervalle porte le nom de son inventeur) dans
une octave, et l’intervalle qui sépare deux notes se mesure, à partir de leurs fréquences
respectives f1 et f2 (f2 supérieur à f1), par la formule : I (savarts)=1000log10(f2/f1).
64
Vers la plus grande généralisation possible
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Il ressort de tout ce qui précède que l’évolution des modes et des gammes se traduit par
un effort constant pour donner à l’ensemble des fréquences audibles une sorte de statut
qui permette de choisir, l’une étant prise comme fréquence de base, celles qui serviront
ensuite à faire véritablement de la musique. De ce point de vue, le système tempéré
occidental est un immense succès puisqu’on lui doit, depuis Bach, une grande quantité de
chefs-d’œuvre. Il est possible, toutefois, que ce système ne dure pas plus que ceux qui
l’ont précédé. Les moyens électroniques, notamment, permettent d’imaginer d’autres
divisions de l’espace sonore. Ainsi, suivant en cela l’exemple d’Euler, on pourrait choisir
pour logarithmes, non plus la base 122, mais une base qui serait la plus « générale »
possible, soit np. De cette façon, p représenterait l’intervalle destiné à être divisé en n
parties égales. Cette proposition n’est pas une vue de l’esprit. Dans son Étude I de
musique électronique, Karlheinz Stockhausen a choisi la base 285, étendant par là le
tempérament à la division en vingt-huit parties égales de l’intervalle existant entre un son
fondamental et son cinquième harmonique.
Partant de la notion de mode, c’est-à-dire de la division de l’octave en parties inégales, la
gamme tend, de nos jours, à rejoindre la notion d’échelle (dont la gamme chromatique est
la forme la plus usuelle), qui serait une division en parties égales de l’espace sonore.
Quoique employée sans discussion par presque tous les musiciens, la gamme tempérée
n’est pas encore, pour autant, admise par tous les théoriciens. On peut encore discuter
longtemps des mérites respectifs des différentes gammes qui ont été présentées ici, et si
certains esprits éminents prônent ceux de la gamme de Pythagore, d’autres recherchent
de nouveaux compromis (comme la gamme à trente et un degrés). On a cru constater, par
exemple, qu’un violoniste non accompagné par le piano (le piano étant l’instrument
tempéré par excellence) joue dans la gamme de Pythagore. Il y aurait alors deux
explications à ce phénomène : ou bien la gamme de Pythagore serait une gamme «
instinctive » et, par conséquent, la meilleure de toutes, ou bien, le violon étant un
instrument accordé par quintes, il serait tout à fait normal que les violonistes jouent
naturellement dans une gamme qui est obtenue par une juxtaposition de quintes. On est,
en réalité, dans un domaine où, plus qu’en tout autre, le mouvement se prouve en
marchant. La gamme de Pythagore est la meilleure des gammes puisque Bach a composé
65
les Suites pour violon seul, mais la gamme tempérée est aussi la meilleure puisque le
Clavier bien tempéré existe également.
Depuis le début du XXe siècle, de nombreux compositeurs utilisent des intervalles plus
petits que le demi-ton. Les pionniers en la matière furent Julián Carillo, Aloys Haba et Ivan
Vychnegradsky. Avec les musiques dites concrètes, électroniques ou électro-acoustiques,
les diverses théories sur la constitution des gammes se trouvent naturellement négligées.
En revanche, les historiens et musicologues se livrent encore parfois quelques combats au
sujet de ce que l’on doit penser des théories anciennes et, surtout, de la manière dont elles
étaient mises en pratique. De même, après plusieurs siècles de considérations parfois
hasardeuses, l’ethnomusicologie s’étant enrichie de cet instrument de travail efficace
qu’est la technique de l’enregistrement sonore, fit des progrès considérables et nous avons
de nouvelles lumières sur les diverses gammes folkloriques ou non européennes.
66
Les théoriciens.
Aristote :
(Grèce, ca –384, -322). Philosophe, élève de Platon, précepteur d’Alexandre le
grand. La contribution de la musique à sa philosophie n’est pas essentielle ; mais en
tant que discipline, elle joue pour lui - comme pour Platon- un rôle éminent dans
l’éducation ; en tant qu’art, elle relève de l’imitation [des états psychiques] (mimesis).
Il aborde des questions ayant trait à la perception, au symbolisme, aux nombres, aux
harmonies, à l’ethos, aux modes et à l’éducation (paideia, éducation et culture). En
désaccord avec Platon sur la question de l’harmonie des sphères, il exerce une
influence sur la pensée musicalethéorique occidentale à partir du XIV ème siècle (et
Johannes de Grocheo), sur Graffurius (1451, 1522), Zarlino (1517, 1590), Girolamo
Mei (1519, 1594) et Vincenzo Galilei (1520, 1591). [1 p 375]
Aristoxène de Tarente :
Philosophe grec (354 avant JC, ?). Sa pensée est celle d’un conciliateur qui voudrait
harmoniser les conceptions pythagoriciennes et la théorie aristotélicienne. Elève
d’Aristote, il est surtout connu comme théoricien de la musique. Dans ses ouvrages,
éléments de l’harmonie et éléments de la rythmique, il donne des bases scientifiques
à la rythmique, défend la théorie du tempérament égal et rejette les calculs purement
mathématiques des pythagoriciens au profit d’une appréciation qualitative et
psychologique du son. Considéré comme l’un des plus grands théoriciens de
l’antiquité, il exerça une influence jusqu’à la fin du Moyen Age.
[Abromont, Claude et De Montalembert, Eugène, théorie de la musique, Fayard,
2001, page 375] […] Il conçoit l’échelle des hauteurs comme un continuum sonore
divisible en simples fractions, et invente ainsi une nouvelle division de l’octave en six
tons, et du ton entier en deux demi-tons égaux et en quarts de ton –division qu’il ne
faut pas confondre avec le tempérament égal.[…]. [12 p 71]
Gaudentius :
(Gaudence, Grèce, II ème siècle ou après), Harmonike eisagoge (introduction à
l’harmonique). Théoricien, il analyse les aspects (species) d’octaves d’une manière
originale à son époque, en les examinant à partir des aspects de quartes et de
quintes. [1 p 377]
67
Guy d’Arezzo :
(Aretinus, Italie, ca 1000, ca 1050), Alia regulae, prologus in antiphonarium (ca
1020-1025), Regulae rythmicae in antiphonarii prologum prolatae (ca1025-1027),
Micrologus de musica (ca 1026-1032 Environ 70 manuscrits entre le XI ème et le XV
ème siècle), Epistola ad michaelem ( ca 1028-1029, pas après 1033).
Bénédictin et théoricien, il est l’un des grands pédagogues de l’Histoire. Dans Alia
regulae et Regulae rythmicae, il introduit à de nouvelles notations musicales,
contenues dans l’antiphonaire*, utilisant deux lignes pour la reconnaissance précise
des rapports de hauteurs –jaune pour C (do), rouge pour F (fa)-nouvelle methode de
notation à partir de lignes qui donnent la portée. Dans Micrologus de musica, il
enrichit l échelle générale du Dialogus de musica (X ème siècle) vers l’aigu, la
portant à 21 degrés.(Gamma ABCDEFG abcdefg/aa/bb/cc/dd/ee/[ee]) ; il aborde la
question de la composition de mélodies et la structure de la phrase de plain chant,
conçoit une méthode mécanique d’improvisation à partir des voyelles a e i o u dont
l’intérêt n’a été reconnu que tardivement, décrit la polyphonie de son époque
(organium ou diaphonia), le caractère des modes et la signification rythmique des
neumes. Dans Epistola de ignoto cantu, il crée l’ancêtre direct du solfége moderne,
la solmisation, qui attribue des noms de syllabes aux notes de musique (ut, ré, mi,
fa, sol, la) dans le seul but de faciliter le repérage de la place des demi-tons, mettant
ainsi en place le système de la musica recta, rapidement enrichi de celui de la
musica ficta, et qui forme la colonne vertébrale du solfège pratique jusqu’au XVIII
ème siècle. […] Il est fréquemment cité au début des traités en tant qu’auctoritas, à
la suite de Pythagore et de Boèce. [1 p 385]
Helmholtz :
Postdam 1821, Chalottenburg 1894. Physicien et physiologiste allemand. Il a
introduit la notion d’énergie potentielle (1847) et enoncé le principe de conservation
de l’energie. Il découvrit aussi le rôle des harmoniques dans le timbre des sons. Ses
travaux sur la vue et l’ouie le conduisirent à mesurer la vitesse de l’influx nerveux.
(1850).
Platon :
(Grèce, ca –429, -347). Philosophe, disciple de Socrate et professeur d’Aristote. La
musique tient une place importante dans sa philosophie : elle est au principe du
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monde, agit sur l’âme, modèle la vie de l’homme (prudence et sagesse) et trouve son
expression la plus achevée dans la philosophie. Il traite de la théorie des nombres,
de l’ethos, des modes, du rythme, de la musique dans la cité, de l’éducation et de
l’harmonie des sphères – cette dernière notion, rejetée par Aristote, mais
communément admise par toute la pensée théorique jusqu’au XIV ème siècle
(Johannes de Grocheo est le premier théoricien à l’abandonner au XIV ème).
[Vignal, Marc, Dictionnaire de la musique, Larousse, 1996, page 1511] Il est resté
celèbre chez les musiciens pour avoir professé une certaine conception ethique de la
musique, notamment dans ses deux ouvrages « utopiques », la République et les
lois, ou il édicte les règles auxquelles la musique doit se plier pour contribuer à
maintenir l’ordre dans la Cité. [1 p 375]
Voir aussi le chapitre « La doctrine de l’ethos selon Platon », page 13.
Pythagore :
(Grèce, Samos, ca –582, sud de l’Italie, Crotone, -496). Philosophe et
mathématicien, personnage peut être mythique. On ne connaît de lui que son
enseignement, lequel, en musique, concerne les consonances et la fondation
hypothétique d’une « science de la musique » qui marque la théorie occidentale,
entre autres, jusqu’au début du XVIII ème siècle. Celle ci est fondée sur une théorie
plus générale, celle des nombres comme principe d’explication de l’univers. La
légende raconte qu’il découvre les quatre consonances d’unisson, octave, quinte et
quarte (1 : 2 : 3 : 4) et la dissonance de seconde majeur (8 : 9) en écoutant des
marteux de poids différents frapper l’enclume d’un forgeron. Il invente peut être le
monocorde (à moins que ce ne soient les Egyptiens), instrument de mesure des
intervalles pendant près de 24 siècles (Rameau l’utilise encore). Il est l’un des
initiateurs de la théorie de l’harmonie des sphères : chaque planète produit une note
liée à la vitesse de se révolution, la gamme résultante se nommant harmonia, notion
centrale, abstraite et métaphysique, tout d’abord non musicale avant de le devenir
par métaphore, et qui désigne l’unification des contraires. L’harmonie des sphères,
parfois considérablement réinterprétée et modifiée selon les lieux et les époques,
joue un rôle essentielle dans la partie spéculative de la théorie jusqu’à la
renaissance. Les successeurs de Pythagore constituent l’un des premiers et
important courant de la théorie musicale antique. [1 p 374]
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Sauveur :
Joseph, La Flèche 1653, Paris 1716. Mathématicien et physicien français, il créa
l’acoustique musicale, notamment en expliquant le phénomène d’ondes stationnaires et en
observant les harmoniques.
Socrate :
[Abromont, Claude et De Montalembert, Eugène, théorie de la musique, Fayard,
2001, page 374] (Grèce, ca –470, -399). « A maintes reprises, j’ai eu, au cours de
ma vie, la visite du même songe, ne se présentant pas toujours à moi dans une
même vision, mais me tenant un langage invariable ; « Socrate, me disait il, fais de
la musique ! produis ! ». Et moi, ce que justement j’avais, en vérité, fais jusqu’à ce
moment, je m’imaginais que c’était cela même que me recommandait le songe et à
quoi il m’exhortait : comme on encourage les coureurs, ainsi le songe, me disais je,
m’exhorte moi aussi à faire ce que je faisais justement, de la musique, en ce sens
que la musique est la plus haute philosophie et que c’est de philosophie que je
m’occupe ».(Phédon, 60, 61). Ainsi s’exprime Socrate dans le prélue de son dernier
entretient, le jour même de sa mort.
Zarlino :
L’un des principaux théoriciens de la renaissance (voir annexes)
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Bibliographie
1 : Abromont, Claude et de Montalembert, Eugène, théorie de la musique, Fayard,
2001.
2 : Bailhache, Patrice, Une histoire de l’acoustique musicale, CNRS, 2001.
3 : Biesenbender, Volker, Plaidoyer pour l’improvisation dans l’apprentissage
instrumental, Van de Velde, 2001
4 : Brisson, Elisabeth, La musique, Belin, 1993.
5 : Chailley, Jacques, L’imbroglio des modes, Leduc, 1977.
6 : Coeurdevey, Annie, Histoire du langage musical occidentale, Que sais je, 1998.
7 : Ferrand, Françoise, Guide de la musique du Moyen Age, Fayard, 1999.
8 : Massin, Jean et Brijitte, Histoire de la musique occidentale, Fayard, 1985.
9 : Michels, Ulrich, Guide illustré de la musique, Fayard, 1990.
10 : Pernon, Gérard, Dictionnaire de la musique, Ouest France, 1984
11 : Saulnier, Daniel, Les modes grégoriens, Solesmes, 1997.
12 : Vignal, Marc, Dictionnaire de la musique, Larousse, 1996.
13 : Otaola, Paloma, les coniunctae dans la théorie musicale au Moyen Age et à la
Renaissance (1375 – 1555), Musurgia.
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« Internetographie »
http://egyptsound.free.fr
http://makar-records.com/sitefrench/indexf.html
http://www.universalis.fr
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