(Suite 1)* UN GOUVERNEMENT AU NIGER, POUR QUOI FAIRE

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(Suite 1)* UN GOUVERNEMENT AU NIGER, POUR QUOI FAIRE
(Suite 1)* UN GOUVERNEMENT AU NIGER, POUR QUOI FAIRE ?
Poser la question aux Nigériens des villages et hameaux les plus reculés de ce vaste pays de
1.267.000 km² qui n’ont jamais bénéficié d’une action de l’Etat ou dans lesquels il n’y a pas
l’ombre de sa présence (Ecole, dispensaire, mairie, force de défense et de sécurité).1 Poser la
question aux populations de nos zones désertiques confrontées à toutes sortes de difficultés
(insécurité, sécheresse, etc.). Poser la question aux victimes des « inondations » à Niamey,
Dosso, Tillabéri, Zinder, sur l’ensemble du territoire national. Poser la question aux jeunes
sans emploi ou autres précaires. Poser la question aux étudiants et scolaires nigériens (années
blanches ou interminables, etc.). Poser la question aux victimes des famines successives au
Niger. Poser la question aux usagers des services publics (santé et Hôpital). Poser la question
à tous ceux qui manifestent à Zinder, Niamey…tous les Nigériens qui espèrent bénéficier des
retombées de l’exploitation de nos ressources naturelles (Pétrole, Uranium, Or, etc.)2. Poser la
question aux Nigériens qui se sentent exclus et marginalisés du fait de leur opinion ou de leur
identité ethnico-culturelle. Poser la question à tous ceux qui ont perdu des parents victimes
d’interminables conflits « Agriculteur-Eleveur » dans l’indifférence de tous et le silence
coupable de nos autorités. Poser la question aux Nigériens vivant hors de nos frontières
nationales confrontés le plus souvent à l’indifférence voire l’arrogance ou le mépris de nos
« diplomates ».
Et poser la même question aux tenants du pouvoir et à tous ceux qui se sont enrichis grâce aux
marchés publics. Poser la question à certains fonctionnaires qui sont paradoxalement
milliardaires (avec un salaire ?).
Nos interrogations ne visent aucun nigérien en particulier mais doivent par contre interpeller
tous les Nigériens. Par ailleurs, nous soutenons qu’il ne faut avoir aucun complexe vis-à-vis
de l’argent (licite/ légal) ou de la réussite (par le mérite et le travail). Il faut même en principe
se féliciter d’avoir de plus en plus de riches au Niger. Il faut également dire que certains
fonctionnaires gagnent dignement leur vie et avec une grande réussite. Mais on ne peut pas
non plus nier l’état de corruption généralisée qui règne au Niger ou le pillage des deniers
publics par certains Hommes politiques et agents publics véreux3. Ce qui explique le juste
sentiment (de plus en plus) des Nigériens que le Gouvernement est une « affaire » de
quelques-uns au service d’un petit clan.
Sinon, comment expliquer que ce pays d’à peine 15 millions d’habitants soit si pauvre et de
plus en plus pauvre alors même qu’il est gouverné depuis 1960 par des Nigériens qui
normalement œuvrent pour le bonheur de tous. Où vont les retombées de l’exploitation au
Niger de l’Uranium, du Pétrole, de l’Or, etc. Où vont nos impôts, taxes et recettes douanières
1
Dans ces contrées, souvent, des personnes privées ou des ONG peuvent avoir plus d’influence sur la vie des
citoyens que l’Etat.
2
3
Des Nigériens qui espèrent vivre décemment. Pas forcément être riches mais juste le minimum.
C’est qui est frappant au Niger, c’est la corruption généralisée. Pour un pays de presque 98% de musulmans, il
faut se poser des questions sur notre foi islamique.
(Douanes privées ?). Où va l’argent des interminables conventions de dons et prêts qui ne font
qu’augmenter (grever) nos dettes (service de la dette par exemple, pourquoi il n’y a pas de
débat sur ce sujet ?) ? Pourquoi alors que le pays est de plus en plus pauvre et bon dernier
dans tous les classements internationaux (Nations Unies, etc.) depuis plusieurs décennies,
nous assistons par contre à une surmultiplication du nombre de riches au Niger,
particulièrement parmi les détenteurs du pouvoir de l’Etat et leurs proches. Pourquoi et
comment se fait-il que des Nigériens possèdent des résidences plus luxueuses que celles de
l’Etat alors même qu’au Niger, le secteur privé vit très largement à la remorque de l’Etat.4
Nous pouvons imaginer la réponse des uns et des autres. Nous pouvons comprendre aussi la
légitime déception voire le sentiment de révolte des plus modestes d’entre nous, avant
l’inévitable colère du peuple nigérien aux regards de son très difficile quotidien ainsi que les
innombrables injustices dont il est victime5. En attendant ce jour, il faut simplement
remarquer que toutes ces interrogations vont dans le sens de l’intérêt véritable d’un
Gouvernement au Niger à la lumière de la situation socio-économique désastreuse du pays6.
Elles se traduisent en termes d’utilité, de la finalité d’un Gouvernement au Niger. Ces
interrogations nous incitent à dresser un bilan de la gouvernance du Niger en cinquante deux
4
Pour ce qui est des bâtiments publics, il est tout de même malheureux que le palais présidentiel du Niger
ressemble à une caserne militaire des temps coloniaux. De la même façon que nos dirigeants, commerçants et
autres riches se construisent de belles et modernes résidences, il est temps que le siège de la première institution
de l’Etat reflète véritablement un lieu de pouvoir. Il ne faut pas se tromper. La pierre, le bâtiment représente pour
l’Etat, ce que la forme représente pour le fond, ce que le corps représente pour l’âme.
5
Le peuple nigérien n’est pas plus ou moins courageux et patient que les peuples Tunisien, Malien, Sénégalais,
Egyptien, etc. Aussi, il est tout de même inacceptable de laisser le Niger être gouverné pour toujours comme
une « féodalité » au service de quelques « seigneurs » et leurs « protégés ». On ne peut pas continuer à dire que
tous ceux qui critiquent ou protestent sont des jaloux et des comploteurs contre le régime. Nous n’avons jamais
vu des riches dans la rue entrain de manifester. Par contre, le point de non retour serait vite atteint si nos
Gouvernants ne changent pas de politique. L’« odeur » du pétrole attire non seulement le pouvoir et les amis du
pouvoir mais également le peuple (bas peuple). L’explosion démographique à Niamey et Zinder (urbanisation)
ainsi que les menaces sécuritaires (trafic de drogue et d’armes, cigarettes avec les complicités connues dans
toutes les sphères) et les injustices de toutes sortes vont finir par venir à bout de la patience des Nigériens. Tout
le monde y perdra. Les pauvres en premier (leurs vies) mais également les riches et les politiques. Ceux parmi
les riches ou les politiques qui vont échapper aux violences de la rue seraient traduits devant des tribunaux, jetés
en prison ou prendraient alors le chemin de l’exil à jamais. Comme des vulgaires individus, ils déambuleraient
dans les parcs et petits restaurants occidentaux, ils seraient à la merci des contrôles de policiers dédaigneux, ils
feraient la « queue » à la préfecture pour chercher des autorisations de séjour. Triste et malheureux. Alors
qu’avec un peu de sérieux, ils peuvent vivre chez eux et dans le respect voire l’admiration de tous. Nelson
Mandela devrait servir d’exemple à tous les dirigeants africains.
6
La situation du Niger n’est pas une fatalité. Mais le résultat, entre autres, d’une mauvaise pratique du pouvoir et
gestion de l’Etat. Le régime du Président Issoufou a certainement sa part de responsabilité depuis presque 20
mois qu’il est au pouvoir. Mais objectivement, on ne peut pas dire que « tout était bien et que ce régime est la
cause de toutes nos difficultés en 20 mois de Gouvernement ». Certainement que le régime Issoufou a déjà réussi
certaines choses (projets, moins de scandaleuses affaires financières, etc.) .Mais au-delà des résultats du régime
du Président Issoufou, nos déceptions sont à la mesure de nos espérances. Nous nous attendions à une autre
gouvernance. Que le « Zaki » traque les « voleurs » de l’Etat par exemple. Ensuite, plus de rigueur et de
transparence à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Enfin, promouvoir la culture du travail et du mérite.
(52) ans d’indépendance. Nous y reviendrons dans un nouvel article en cours de rédaction et
que nous allons consacrer au bilan provisoire de la présidence de Mahamadou Issoufou.
Dans ce chapitre intitulé « un Gouvernement au Niger, pour quoi faire ? », notre réflexion va
se limiter simplement à évoquer les missions et rôle dévolus au Gouvernement en traitant des
aspects purement normatifs (constitutionnels) et formels de la question, sans l’ambition de
traiter des résultats (bilan) de nos différents Gouvernements ou régimes. Car Il ne faut perdue
de vue que nous sommes entrain d’étudier (objet de notre étude) la nomination du premier
ministre et des autres membres du Gouvernement. Le but étant, à partir de la présentation des
missions et rôle du Gouvernement, de montrer toutes leurs importances ainsi que leur intérêt
puis aboutir à la nécessité de bien désigner les personnalités chargées de les assumer.
MISSIONS ET ROLE DU GOUVERNEMENT AU NIGER
Comme nous l’avons montré dans notre première publication, le Gouvernement est constitutif
du pouvoir Exécutif (exécuter les lois). Il ne s’agit pas d’exposer ici la théorie de la séparation
des pouvoirs et ses conséquences (philosophique, juridique, politique et institutionnelle). Il
s’agit plutôt d’identifier le (s) détenteur (s) de ce pouvoir à travers son organisation et la
pratique politique afin de cerner le rôle ainsi que la place institutionnelle du Gouvernement:
Le pouvoir Exécutif est-il exercé en totalité par le Gouvernement ? Est-il exercé en partage
entre le Gouvernement et le chef de l’Etat, l’autre composante du pouvoir Exécutif ? Quel est
le niveau de ce partage ? Le chef de l’Etat, est-il le détenteur exclusif du pouvoir Exécutif ?
Pour y répondre, nous proposons de dégager trois hypothèses de travail :
1/ Des régimes politiques dans lesquels le pouvoir Exécutif est détenu (essentiellement) par
le Gouvernement.
2/ Des régimes politiques dans lesquels le pouvoir Exécutif est détenu exclusivement par le
chef de l’Etat.
3/ Des régimes politiques dans lesquels le pouvoir Exécutif est partagé entre le chef de l’Etat
et le Gouvernement (avec une place particulière pour le premier ministre).
Il faut souligner que chacune de nos hypothèses pourraient présenter des variantes selon le
niveau de partage du pouvoir exécutif (égal ou pas) ou encore selon le détenteur réel de ce
pouvoir au-delà des prescriptions formelles de la loi : tradition, pratique politique, rapports de
force, légitimité, tempérament des politiques, interprétation des textes juridiques, etc.
Dans le cas du Niger, notre observation tient toute sa pertinence du fait de la nature diverse et
complexe des régimes que le pays a expérimenté et consécutivement, du fait de la difficulté à
les qualifier puis les classer dans des catégories scientifiques précises. Cependant, nous
pouvons d’emblée écarter de notre étude l’hypothèse d’un pouvoir Exécutif exercé
entièrement par le premier ministre et son Gouvernement. Exception faite de la transition
démocratique consécutive à la conférence nationale du Niger de 1991, nos premiers ministres
et Gouvernement ont au mieux exercé en partage le pouvoir Exécutif avec le chef de l’Etat7.
Nous proposons par conséquent la démarche qui consiste à scinder en deux catégories les
régimes que le Niger a connus de son indépendance à nos jours. Toute proportion gardée,
cette division rejoint les deux dernières hypothèses de travail que nous venons de dégager.
Deux formules juridiques-critères vont fonder alors notre classification : d’une part, le
Président est le « détenteur exclusif du pouvoir Exécutif » et d’autre part le premier ministre
est « chef du Gouvernement ».
1/ Des régimes dans lesquels le chef de l’Etat est détenteur exclusif du pouvoir Exécutif
L’usage de l’expression « chef de l’Etat » n’est pas fortuit. Il est approprié dans le contexte
nigérien pour désigner à la fois les Présidents de la République issus des élections et les
détenteurs du pouvoir de l’Etat issus de putschs militaires qui ont instauré des Gouvernements
de fait. Cette observation nous conduit d’ailleurs à distinguer deux sous-ensembles au sein de
cette catégorie :
A/ Les régimes militaires : en premier lieu et principalement, de par sa longévité (13 ans) et
son impact sur la vie politico-institutionnelle du Niger (aujourd’hui encore source
d’inspiration pour beaucoup de nigériens : Hommes politiques, élites, etc.), il faut citer le
régime du Général Seyni Kountché, président du Conseil Militaire Suprême, chef de l’Etat. Il
a renversé par un putsch militaire le 15 avril 1974 le régime-civil élu (Première République)
du Président Diori Hamani. Aux termes des articles 3 et 48 de l’ordonnance N° 74-01 du 22
avril 1974, « l’ensemble des pouvoirs Législatif et Exécutif » était détenu par le « Conseil
Militaire Suprême ». Dans la pratique, c’est le Président du CMS, chef de l’Etat qui détenait
et exerçait ces pouvoirs. La nature militaire du régime (disciple et hiérarchie) ne laissait place
à aucune autre logique d’exercice du pouvoir. Elle écartait la collégialité ou le partage
horizontal des responsabilités. L’évolution du régime vers une personnification du pouvoir,
comme nous le verrons dans nos développements à venir, allait d’ailleurs conforter le Général
Kountché comme détenteur exclusif de tous les pouvoirs de l’Etat nigérien sous son régime.
Ensuite, le régime du Général Ali Saibou d’avant la Constitution du 24 septembre 1989.
Héritier du régime du Général Kountché (décédé en novembre 1987 suite à une longue
maladie), le Général Ali Saibou a voulu dès sa prise de pouvoir rompre avec la pratique du
pouvoir très autoritaire de son prédécesseur par sa « politique de décrispation » et en
entamant des réformes profondes de l’Etat avec les revirements que nous connaissons.
7
Les actes fondamentaux : Acte N°1/ CN du 30 juillet 1991 portant statut de la Conférence Nationale, Acte N°3/ CN du 8
Août 1991 ( articles 7 et 8) proclamant les attributs de la souveraineté de la Conférence Nationale, Acte N°21/ CN du 29
octobre 1991 portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition ont « dépouillé » le Président de la
République, le Général Ali Saibou, de l’exercice du pouvoir Exécutif au profit de la Conférence puis du Premier ministre de
transition. Le président est réduit à un rôle protocolaire et symbolique de chef de l’Etat. Il faut toutefois reconnaître que le
tempérament conciliant ainsi que le sens de l’Etat et de l’histoire du Président Ali Saibou ont été déterminants dans la
réussite de cette transition, du processus démocratique nigérien en général. Mais il s’agit tout de même d’un cas est très
exceptionnel. En outre, ne perdons pas de vue le rôle ainsi que la place du HCR (une sorte de Parlement de transition) sous
cette transition.
8
L’article 4 (nouveau) de l’ordonnance N°83-04 du 24 janvier 1983.
Enfin, tous les régimes de transitions militaires issus de putschs. Précisons que les contextes
et le choix des militaires de restituer le pouvoir à un Gouvernement élu ou de le conserver
constituent un paramètre pertinent d’analyse en rapport avec l’effectivité démocratique des
régimes qui allaient succéder à ces transitions : du 27 janvier 1996 (Général Baré), du 9 avril
1999 (Commandant Malam Wanké), du 18 février 2010 (Général Salou).
B/ Les régimes présidentiels expérimentés par le Niger : Il s’agit de la Deuxième
République instaurée par la Constitution du 24 septembre 1989 et présidée (élection) par Ali
Saibou. Ayons cependant à l’esprit la période exceptionnelle de la Conférence Nationale de
1991 à la transition démocratique (18 mois au lieu de 15 mois initialement prévus). Ensuite, la
Quatrième République instaurée par la Constitution du 12 mai 1996 et présidée (élection) par
Ibrahim Mainassara Baré jusqu’au putsch militaire du 9 avril 1999 qui lui a coûté la vie. Il
faut dire qu’il s’agissait en réalité d’un dénouement tragique d’une situation socioéconomique et politique crispée. Cette situation plonge ses racines, entre autres, dans les
élections « très organisées » que d’aucuns ont qualifié de « hold-up électoral » du Général
Baré pour se maintenir au pouvoir à l’issue de la transition militaire qu’il a par ailleurs
conduite. Enfin, l’éphémère (56 jours) Sixième République de Mahamadou Tandja, véritable
coup d’Etat (inédit dans l’histoire du Niger voire de l’humanité) sous le concept de «
Tazartché ». Le régime a été balayé par un putsch militaire le 18 février 2010.
Dans ses deux composantes, cette catégorie de régime se caractérise par une concentration
de la totalité du pouvoir Exécutif entre les mains du chef de l’Etat.
Pour les régimes militaires nigériens, sans exception, une fois le contrôle des rênes du
pouvoir assuré, les militaires s’empressent toujours de prendre des ordonnances pour
s’arroger à la fois les pouvoirs Exécutif et Législatif9. Quant aux régimes démocratiquesrépublicains, l’article 30 de la Constitution du 24 septembre 1989 pour la Deuxième
République, l’article 46 de la Constitution du 12 mai 1996 pour la Quatrième République et
l’article 48 de la Constitution du 4 Août 2009 pour la Sixième République ont stipulé dans les
mêmes termes que « Le président de la République est le détenteur exclusif du pouvoir
Exécutif ». Et alors que les Constitutions de 1996 (art.46) et 2009 (art.48) prenaient le soin de
préciser dans des termes identiques que le Président de la République est « le chef du
Gouvernement », qu’il « nomme le premier ministre et les membres du Gouvernement » qui
sont « responsables devant lui », le constituant n’a pas eu besoin d’une telle précision pour la
Deuxième République. La nomination même d’un premier ministre étant laissée au « bon
vouloir » du Président de la République, dans le contexte du régime du Général-Président Ali
Saibou, il était simplement impensable que les Gouvernements procèdent autrement que de
la seule volonté du chef de l’Etat.
9
Nous pouvons citer respectivement et dans l’ordre chronologique des putschs militaires au Niger : ord. N°74-01 du 22 avril
1974 modifiée par l’ord. 83-04 du 24 janvier 1983; ord. N°96-001 du 30 janvier 1996 portant organisation des pouvoirs
publics pendant la période de transition modifiée par l’ord. N°96-017 du 26 avril 1996; ord. N° 99-001 du 11 avril 1999
portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition ; ord. N° 2010-01 du 22 février 2010 portant
organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition modifiée par l’ord N° 2010-05 du 30 mars 2010.
2/ Des régimes dans lesquels le pouvoir Exécutif est exercé en partage entre le Président
de la République et le Gouvernement
Il s’agit des autres régimes ne faisant pas partie de la catégorie que nous venons d’étudier.
Ici nous allons donc traiter de la Troisième, la Cinquième et la Septième République du Niger
instaurées respectivement par les Constitutions du 26 décembre 1992, du 18 juillet 1999 et
celle du 25 novembre 2010, actuellement en vigueur au Niger.
Remarquons que toutes ces Constitutions sont intervenues après la transition démocratique
consécutive à la Conférence Nationale de 1991. Elles ont affirmé avec force, dans leurs
préambules respectifs, leur attachement aux acquis de la Conférence Nationale de 1991,
contrairement à la Constitution de la Quatrième République par exemple. Il faut dire que la
Quatrième République s’inscrivait véritablement dans une logique de rupture avec la
philosophie, les principes et valeurs de la conférence nationale de 1991 dont l’influence sur la
vie politique nigérienne, sur notre conception de la démocratie ainsi que nos institutions
politiques semble indiscutable et irréversible.
Aussi, la Troisième République étant la manifestation symbolique, concrète et institutionnelle
de la vision philosophico-démocratique portée par la Conférence Nationale de 1991, en
adoptant une forme gouvernementale différente de sa devancière, la Quatrième République a
voulu rompre avec un système érigé en modèle face au constat de son échec10. Elle ne pouvait
alors se référer à la conférence nationale de 1991 même dans le préambule de sa
Constitution11. Quant à la Sixième République éphémère de Mamadou Tandja, elle conjuguait
plusieurs paradoxes et antinomies. Par exemple, celle de se référer à la Conférence Nationale
de 1991 dans le préambule de sa Constitution sans s’inscrire dans sa philosophie politique, ses
principes et valeurs. En prenant la grave décision de dissoudre la Cour Constitutionnelle du
Niger par décret du 29 juin 2009, Mahamadou Tandja s’est placé dans un cadre aconstitutionnel et a-démocratique. Il s’agit au mieux d’un coup d’Etat. La Constitution
« concoctée » par Mamadou Tandja en catimini et dans un temps record est venue juste tenter
de légaliser un régime de fait. Par conséquent, il n’y a pas d’éléments de controverses
doctrinales ou idéologiques qui mériteraient qu’on s’y attarde12.
10
Il est vrai que les conflits entre le Président Ousmane et le Premier ministre Hama Amadou pendant la période de
cohabitation sur fond de crise économique et précarité sociale ont fini par exaspérer la majorité des Nigériens qui se sont
interrogés sur la capacité de la nouvelle classe dirigeante à gouverner le pays et sur la pertinence du modèle démocratique au
Niger. Mais la Quatrième République était plus qu’une simple expérimentation d’un nouveau type de régime résultant, dans
la jeune démocratie nigérienne, de la nécessité de tirer les conséquences de l’échec du régime semi-présidentiel ou
parlementaire. Il s’agissait véritablement d’une tentative de redéfinition de la conception démocratique au Niger avec l’envie
de revanche d’une faction autoritaire ou marginale de certaines élites ( des militaires et civils) nigérienne sur ce qu’on a
appelé « les forces vives de la nation » et leur idéal démocratique.
11
Le Général Baré n’a jamais caché son désaccord avec les travaux, principes et valeurs de la Conférence Nationale de 1991.
Il aurait même déclaré qu’elle n’aurait jamais dû avoir lieu et que s’il était en son temps à Niamey, il allait s y opposer. Cette
conférence a été vécue comme une injustice faite à l’armée (procès mensonger et illégitime), une humiliation organisée par
les « civils ».
12
Les conditions d’élaboration de la Constitution du 4 août : Comité restreint nommé par le président de la République qui en
quelques jours a rédigé dans la discrétion totale la Constitution ; les 3 ans de « bonus » accordés à Mahamadou Tandja qui
devrait ainsi exercer le pouvoir sans être élu au suffrage universel ; les arguments avancés par le camp de Mahamadou Tandja
Mais au-delà de ces observations sur le contexte et la philosophie générale qui sous-tendent
nos différentes Républiques, la Troisième, Cinquième et Septième République se distinguent
des autres régimes nigériens par leur nature juridico-politique : ce sont des régimes semiprésidentiels ou parlementaires rationalisés avec tout ce que cela implique comme dispositif
juridique, schéma institutionnel et pratique politique.
Vous remarquerez que nous avons choisi les deux qualificatifs semi-présidentiel ou
parlementaire rationalisé pour désigner ces régimes. Il est vrai qu’au Niger, c’est l’expression
« régime semi-présidentiel » qui est la plus usitée. Ce qui renseigne d’ailleurs (on entend «
président ») sur une certaine lecture (penchant) que les Nigériens ont de ces régimes. Mais les
deux appellations sont absolument valables. Elles désignent les mêmes réalités, c'est-à-dire la
nature hybride de ces régimes politiques. Certains auteurs parlent même de « régime
présidentialiste » pour les désigner.
Pour revenir au terme « régime semi-présidentiel », rappelons que c’est Maurice Duverger
(Juriste, politiste, spécialiste du droit constitutionnel) qui en est le concepteur. Il introduisait
ainsi, après les notions de régime parlementaire et régime présidentiel, une troisième catégorie
de régime politique pour qualifier la Cinquième République française. Maurice Duverger
voulut souligner la prépondérance du Président de la République dans ce régime mixte qui
combine les caractéristiques du régime parlementaire et d’autres du régime présidentiel13. Il
faut savoir tout de même que la pertinence de la qualification de Maurice Duverger a fait
l’objet de débats doctrinaux. Elle a été mise en question par plusieurs grands
constitutionnalistes français (J. Gicquel, O. Duhamel, etc.). Surtout il faut savoir que pour
Michel Debré, docteur en droit, père de la Constitution française de 1958 et ancien premier
ministre de la France (sous la Présidence du Général De Gaulle), le régime mis en place par
cette dernière Constitution est, sans aucun doute, un régime parlementaire14. Pour dire toute
la difficulté à qualifier ce que nous appelons par commodité régime semi-présidentiel. Régime
qui se caractérise à la fois par la prééminence du Président de la République, le droit à la
pour justifier son maintien au pouvoir : le « peuple introuvable » qui aurait réclamé qu’il reste au pouvoir pour « parachever
ses chantiers » ; et surtout la dissolution de la Cour Constitutionnelle feraient, sans l’ombre d’un doute, rire dans toute
faculté de droit et d’avantage un constitutionaliste sérieux ou tout simplement un intellectuel s’il ne s’agissait pas d’une
question aussi grave que le destin d’un pays.
13
Le régime parlementaire est né en Angleterre à la fin du 18è siècle. C’est un régime constitutionnel dans lequel le
Gouvernement procède du Parlement (procédure d’investiture) qui peut le « révoquer » à tout moment par un vote de
défiance ou une motion de censure. Il se caractérise par une séparation souple des pouvoirs qui a pour conséquence une
collaboration entre l’Exécutif et le Parlement ainsi que des moyens d’actions réciproques reconnus à ces 2 pouvoirs (droit de
dissolution pour l’Exécutif contre balancé par le pouvoir de révoquer le Gouvernement reconnu au Parlement). Quant au
Régime présidentiel, c’est un régime constitutionnel dans lequel les pouvoirs Exécutif et Législatif sont juridiquement
indépendants. Leur existence n’est pas liée l’un à l’autre. Il se caractérise par une séparation rigide des pouvoirs qui induit
une spécialisation des compétences ainsi qu’une absence de moyens d’action réciproques comme ceux qui existent dans le
régime parlementaire (pas de droit de dissolution et pas de mise en jeu de responsabilité du Gouvernement par le Parlement).
14
Discours du ministre Michel Debré du 27 Août 1958 devant le Conseil d’Etat français. Mais il est vrai qu’entre autres, la
réforme de 1962 (et mise en application en 1965) instaurant l’élection du Président de la République française au suffrage
universel (donc après les débats et consultations de 1958 pour l’élaboration de la Constitution) constitue un élément décisif
dans la détermination de la nature de la Cinquième République française.
dissolution de l’Assemblée Nationale et l’existence d’un Gouvernement solidaire.15 C’est
cette dernière caractéristique institutionnelle qui retiendra notre attention dans cette analyse
consacrée principalement au Gouvernement.
Il faut dire que reconnaître la solidarité gouvernementale signifie non seulement que le
Gouvernement constitue une équipe mais également qu’il a une existence propre distincte de
l’institution présidentielle. Il est un organe à part entière. D’ailleurs, pour bien consacrer ce
bicéphalisme du pouvoir Exécutif, le constituant a d’une part attribué la qualité de chef du
Gouvernement au premier ministre (membre d’une équipe) qu’il a ensuite chargé de «
diriger, animer et coordonner l’action gouvernementale ». D’autre part, il a chargé le
Gouvernement de « déterminer et conduire la politique de la nation » : telles sont les
principales attributions ou compétences constitutionnelles reconnues au Premier Ministre et à
son Gouvernement16.
Les Gouvernements de la Troisième, Cinquième et Septième République du Niger sont
organisés selon ce modèle (bicéphalisme) qui, comme nous le savons, est une des
caractéristiques fondamentales des régimes parlementaires. Régimes dans lesquels, le
Gouvernement solidaire dispose de compétences constitutionnelles propres. La conséquence
politico-institutionnelle de cette situation se trouve dans la qualité de chef du Gouvernement
expressément reconnue à nos premiers ministres nigériens dans ces régimes (voir : Art.60 de
la Cons. du 26 déc. 1992 ; Art. 59 de la Cons. du 18 juil. 1999 et Art.73 de la Cons. du 25
nov. 2010).
Comme nous pouvons le constater dans les régimes semi-présidentiels ou parlementaires
rationalisés, le premier ministre et son Gouvernement ont en charge des responsabilités
importantes qui fondent légitimement les interrogations de nos compatriotes sur les capacités
de ceux qui sont appelés à les assumer.
DU PROFlL DU PREMIER MINISTRE ET DES AUTRES MEMBRES DU GOUVERNEMENT
(La suite…la semaine prochaine).
*Dans la série d’articles: La nomination du premier ministre et des autres membres
Gouvernement au Niger : entre volonté du Président de la République de gouverner,
application littérale de la Constitution et docilité de l’Assemblée Nationale
Par : M. SOUMANA Boubacar
Enarque,
Doctorant en Droit Public/ Université Lyon 2 Lumière
15
Par contre l’expression choisie n’est pas neutre. Le choix entre régime « semi-présidentiel », régime « présidentialiste »
ou « parlementaire » traduit la sensibilité politique voire idéologique de son auteur.
16
Ce sont des attributions propres au Gouvernement qui dépassent en importance celles que le Président de la République
dans les régimes présidentiels, de façon discrétionnaire, fixe ou délègue aux membres du Gouvernement.
Centre de Recherche : Droits, Contrats et territoires/ Université Lyon 2 Lumière.