Histoire d`une vie trop courte

Transcription

Histoire d`une vie trop courte
Michèle Ouimet
Marie-Josée Duquette
HISTOIRE D’UNE
VIE TROP COURTE
UNE BATTANTE AU PAYS
DE LOU GEHRIG
HISTOIRE D’UNE VIE
TROP COURTE
Michèle Ouimet
Marie-Josée Duquette
HISTOIRE D’UNE VIE
TROP COURTE
UNE BATTANTE AU PAYS
DE LOU GEHRIG
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives
nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Ouimet, Michèle
Histoire d’une vie trop courte : une battante au pays de Lou Gehrig
ISBN 978-2-89705-356-7
1. Stokes, Stephen, 1964-2014. 2. Duquette, Marie-Josée. 3. Sclérose
latérale amyotrophique - Patients - Relations familiales. 4. Sclérose
latérale amyotrophique - Patients - États-Unis - Biographies.
I. Duquette, Marie-Josée. II. Titre.
RC406.A24O94 2015
362.1968’390092
C2015-940905-5
Présidente : Caroline Jamet
Directeur de l’édition : Éric Fourlanty
Directrice de la commercialisation : Sandrine Donkers
Responsable, gestion de la production : Carla Menza
Communications : Marie-Pierre Hamel
Éditrice déléguée : Sylvie Latour
Conception de la couverture : Geneviève Fredette
Conception de la grille et montage : Célia Provencher-Galarneau
Révision linguistique : Sophie Sainte-Marie
Correction d’épreuves : Louise Verreault
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notre programme de publication.
© Les Éditions La Presse
TOUS DROITS RÉSERVÉS
Dépôt légal — 3e trimestre 2015
ISBN 978-2-89705-356-7
Imprimé et relié au Canada
Les Éditions La Presse
7, rue Saint-Jacques
Montréal (Québec)
H2Y 1K9
À ma fille, Laurence, pour qu’elle comprenne.
Et à son père, Stephen, qui a tant souffert.
TABLE DES MATIÈRES
La panique..................................................................................................... 11
Le bonheur..................................................................................................... 21
Le bonheur détraqué................................................................................ 32
La guerre......................................................................................................... 39
L’horreur.......................................................................................................... 46
Je ne suis pas une sainte....................................................................... 54
La descente aux enfers........................................................................... 66
Moi, Marie-Josée Duquette, infirmière malgré moi................ 84
Le déni.............................................................................................................. 89
Le vide.............................................................................................................. 98
La trachéotomie........................................................................................ 104
L’autre bataille........................................................................................... 125
L’aide............................................................................................................... 136
Laurence........................................................................................................ 148
Requiem in pace....................................................................................... 160
Après la mort.............................................................................................. 173
Le dernier voyage en Nouvelle-Zélande...................................... 184
Épilogue........................................................................................................ 192
Postface......................................................................................................... 200
LA PANIQUE
Décembre 2013
J
e fixe les lumières de l’ambulance qui clignotent
dans la nuit. J’agrippe le volant de ma voiture, les mains
crispées, le dos voûté, le nez collé sur le pare-brise. Fatiguée,
épuisée, je conduis trop vite. Je le sais, mais je ne veux pas
perdre l’ambulance de vue. À l’intérieur, mon mari, Stephen,
allongé sur une civière, incapable de bouger et de parler.
Seuls ses yeux expriment sa frayeur.
Il se demande sûrement s’il va mourir.
Je suis au bout du rouleau. Il n’y a aucune issue, aucun
espoir. Stephen va mourir parce qu’il est atteint d’un mal
incurable. Depuis trois ans, il se bat contre la maladie de Lou
Gehrig, la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Son état se
dégrade, mon moral aussi. Je n’en peux plus, lui non plus. Sa
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Histoire d’une vie trop courte
maladie est en train d’avoir ma peau. C’est lui ou moi, je le
sais, je le sens.
Pourtant, je le garde à la maison. Mes amis m’ont souvent
reproché mon obstination, surtout au cours de la dernière
année. Ils voyaient que c’était trop. Trop d’efforts, trop de
stress, trop de soins. Ça fait trois ans que je m’obstine, trois
ans que je me mets la tête dans le sable, trois ans que je carbure à la culpabilité. Maintenant, j’ai peur, comme si la
maladie de Stephen était devenue la mienne. Elle me ronge
comme un cancer. Je la connais comme si elle était en moi.
J’ai vu Stephen dépérir d’année en année, de mois en mois,
de jour en jour.
C’est la fin de l’automne, il fait froid. On fêtera Noël dans
trois semaines. Encore un Noël avec Stephen et sa maladie.
Où sera-t-il ? À la maison ou à l’hôpital ? Je dois penser aux
cadeaux, à Laurence, ma fille de huit ans, mais la maladie de
Stephen prend toute la place. Et moi qui aime la magie de
Noël, l’odeur des sapins, les décorations, les cadeaux… Noël
est tellement beau en Nouvelle-Angleterre avec le blanc immaculé de la neige et les bougies aux fenêtres des maisons
cossues, on dirait un village sous le sapin. Quel Noël aurons-nous cette année ? Je l’ignore. La maladie nous dévore.
C’est dur pour tout le monde. Dur pour Stephen qui vit
avec la peur de mourir, ou plutôt le refus viscéral de mourir.
Il s’accroche à la vie avec une volonté opiniâtre, quasiment
avec hargne. Dur pour moi qui me suis improvisée infirmière
et médecin, dur pour Laurence qui voit son père mourir à
petit feu. Mourir et souffrir. Dur aussi pour les amis qui ne
savent plus comment nous aider. Et dur pour la famille, la
sienne et la mienne, qui habite si loin.
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La panique
***
Stephen est tellement fragile. Aujourd’hui, il avait mal aux
poumons, il était constipé et il faisait de la fièvre. Pour une
personne atteinte de la maladie de Lou Gehrig, ces symptômes peuvent être mortels.
Stephen m’a fixée avec son regard de noyé. Il était assis
dans son fauteuil roulant. Il a réussi à me dire, davantage
avec ses yeux qu’avec sa voix écorchée : « J’agonise. » Je n’ai
pas hésité, j’ai composé le 911. Encore.
Cinq minutes plus tard, les pompiers sont arrivés, suivis
des ambulanciers, six hommes baraqués, calmes. Toujours
calmes. Ils connaissent leur métier. J’ai reconnu certains
d’entre eux. Ce n’est pas la première fois qu’ils viennent
chez moi.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Mon mari a la maladie de Lou Gehrig. Il est paralysé,
il a un tube d’alimentation et un respirateur. Son taux d’oxygène est tombé à 72.
Je savais exactement ce que je devais leur dire pour qu’ils
interviennent rapidement et amènent Stephen à l’hôpital avec
le respirateur qui le maintient en vie. Je connais la routine sur
le bout des doigts, une routine dramatique.
La même scène crève-cœur s’est répétée : Stephen en
détresse, moi qui compose le 911 en catastrophe, Laurence
qui panique, les ambulanciers qui débarquent, puis qui filent
à toute vitesse vers Boston, et moi qui suis dans ma voiture
en conduisant trop vite. Je pense à Stephen, mais aussi à
Laurence. Combien de fois s’est-elle réfugiée dans sa chambre
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Histoire d’une vie trop courte
en se bouchant les oreilles et en criant à tue-tête : « Pas encore, maman ! » Tant de bouleversements pour ma pit­chou­nette
de huit ans. Ma belle pitchounette.
Quand je compose le 911 et que les ambulanciers arrivent,
je n’ai pas le temps de m’occuper de Laurence.
— Va dans ta chambre, Laurence. Inquiète-toi pas, tout
va bien.
— C’est pas vrai ! Papa est malade !
— Oui, mais les médecins vont le soigner et il va se sentir
mieux.
— Il va trop souvent à l’hôpital, j’aime pas ça !
J’ai appelé une voisine pour qu’elle vienne chercher
Laurence. J’ai essayé de la rassurer, mais elle n’est pas naïve,
elle l’est de moins en moins. J’espère qu’elle pourra dormir,
faire de beaux rêves et aller à l’école le lendemain, même si
elle est bouleversée. Quand pourra-t-elle avoir une vie normale, sans la maladie, les cauchemars et les ambulanciers qui
débarquent en catastrophe comme si la maison brûlait ?
***
Nous vivons dans une banlieue chic de Boston, Westwood,
depuis quatre ans. La maison est située dans un joli boisé au
bout d’un chemin qui serpente à travers les arbres. C’est
Stephen qui l’a trouvée. Nous avons eu le coup de foudre. La
demeure au design horizontal rappelle le style de l’architecte
Frank Lloyd Wright. Elle comprend de grandes pièces qui se
suivent en enfilade, toutes sur le même étage. Stephen passe
des heures devant le foyer du salon. Il fixe le feu, hypnotisé
par les flammes. C’est sa place, le centre nerveux de la maison.
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La panique
La cuisine a été rénovée de fond en comble. L’ancienne a
été démolie. Stephen a fait construire une rallonge avec des
portes-fenêtres et une terrasse qui donnent sur le boisé. Au
milieu de la cuisine, un îlot grand comme un continent.
Stephen ne fait pas les choses à moitié. Je n’ai jamais compris
pourquoi il s’était lancé dans une entreprise aussi ambitieuse.
C’était son projet, son argent, son rêve, le rêve de la cuisine
parfaite. Il l’a rénovée à grands frais, comme s’il allait y vivre
pendant des années, une façon pour lui de nier la maladie,
car Stephen a vécu dans le déni jusqu’à la toute fin.
Stephen aime les belles choses. Il voulait un couteau, un
beau couteau, de ceux qui coupent et tranchent sans bavure.
Je lui en ai offert un, magnifique. Un couteau à 600 $. Il refusait de l’utiliser. Il attendait que la cuisine soit terminée avant
de le sortir de son emballage. Il avait un couteau neuf, le nec
plus ultra, et il attendait la fin de la rénovation pour s’en
servir comme s’il avait toute la vie devant lui. Son obstination
me choquait. Quand la cuisine flambant neuve a enfin été
prête, Stephen ne pouvait plus cuisiner, il était trop faible. Il
n’a jamais étrenné son couteau à 600 $.
J’ai toujours le couteau maudit. Chaque fois que je le
prends, je sens une bouffée de colère me monter à la tête, car
il me rappelle à quel point Stephen pouvait être borné.
Les voisins sont loin, nous sommes isolés. L’endroit est
paisible. On voit souvent des chevreuils, des dindes sauvages
et des renards. Les arbres sont immenses et le passage des
saisons, majestueux. Stephen a découvert dans les plans de la
maison un ancien bassin enseveli sous la terre. Il voulait le
faire revivre en y mettant des poissons. C’était un projet fou
et exigeant : enlever la terre, installer une toile imperméable,
remplir le bassin d’eau et de poissons et, surtout, s’assurer
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Histoire d’une vie trop courte
que l’eau reste propre, sans algues. Un projet complexe pour
des novices. La survie des poissons s’est transformée en
obsession pour Stephen. L’été, il contemplait ses poissons
pendant des heures. À la fin de sa vie, il m’a dit : « Occupe-toi
de mes poissons. »
Lorsque nous sommes arrivés dans notre nouvelle maison, nous avons été accueillis à l’américaine. Même si elle
était isolée au milieu d’un boisé, nous avons été assaillis par
les voisins qui frappaient à notre porte avec un cadeau de
bienvenue. J’avais l’impression de vivre un épisode de la série
télévisée Desperate Housewives.
J’ai été étonnée de voir autant de gens. Moi qui suis née à
Montréal et ai grandi dans le quartier Villeray, je connaissais
à peine mes voisins, même si je pouvais entendre leurs bruits
les plus intimes. Mais ici, dans cette chic banlieue où tout le
monde connaît tout le monde, les cadeaux de bienvenue sont
incontournables.
Avec la maladie de Stephen, notre isolement que nous
chérissions tant s’est transformé en ennemi. À l’automne,
lorsque la lumière décline, il fait noir vite, trop vite. Le boisé
intensifie l’obscurité et donne l’impression que la mort rôde
autour de nous. L’hiver, la neige aussi devient un ennemi.
Elle doit être enlevée le plus rapidement possible pour
permettre aux ambulances de franchir les 500 mètres qui séparent notre maison de la rue. Combien de fois ai-je engueulé
le déneigeur parce qu’il prenait trop de temps pour déblayer ?
Et que dire des pannes de courant ? Le lit d’hôpital et le
matelas pneumatique sont électriques. Sans courant, le
matelas se dégonfle, et Stephen, incapable de bouger, se ramasse sur la base métallique du lit. Les pannes peuvent durer
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La panique
24 heures. La température de la maison diminue de façon
inquiétante. J’en ai vécu, des pannes. Le climat de la Nouvelle-­
Angleterre est parfois violent et imprévisible.
***
En cette nuit de décembre, il fait froid et je suis toujours
l’ambulance, les mains crispées sur le volant, le dos encore
plus voûté. La fatigue m’écrase.
Je suis une Québécoise, début quarantaine, des diplômes
universitaires plein les poches, en forme grâce à la course et
à la natation, mes sports fétiches. Ils me maintiennent en vie.
Sans eux, je ne pourrais pas passer à travers la maladie de
Stephen. Lorsque je saute dans l’eau, mon esprit se libère.
Tous les mardis, les mêmes nageurs se présentent, en particulier trois gentlemen, début soixantaine, qui ne connaissent
pas mon histoire et qui me saluent en français avec un accent
abominable : « Bounne souère. » Une présence rassurante, une
heure bénie volée à la réalité, où je ne suis pas Marie-Joséela-femme-de-Stephen-atteint-de-la-maladie-de-Lou-Gehrig,
mais Marie-Josée-la-Québécoise-qui-vit-à-Westwood-et-quiaime-­­nager.
J’adore courir dans le boisé ou dans les rues bordées
d’arbres : les muscles qui se contractent, le cœur qui bat plus
vite, l’odeur du sous-bois qui brûle les poumons, le bonheur
de finir la course en me sentant vivante.
Moi, tellement vivante, et Stephen, si proche de la mort.
L’ambulance arrive à l’hôpital de Boston. L’urgence pour
la sixième fois en moins d’un an. Je connais la routine par
cœur : les infirmières qui s’activent, les jeunes médecins
dépassés par la complexité de la maladie de Stephen, paralysé,
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Histoire d’une vie trop courte
branché sur un respirateur, un tube d’alimentation planté
dans le ventre.
Les ambulanciers ont prévenu l’hôpital. Tout se fait rapidement, car Stephen est au bord de la mort. Et moi, qui ne
suis ni infirmière ni médecin, je les aide à dévêtir Stephen, je
leur explique ses symptômes et le fonctionnement du respirateur qui le maintient en vie, car il en existe plusieurs
modèles. Chacun est calibré en fonction du patient.
Le respirateur, le tube, la fragilité extrême de Stephen
dont la vie ne tient plus qu’à un fil. Je connais tout cela par
cœur parce que ça fait trois ans que je vis avec la maladie.
Stephen me regarde. Je peux lire dans ses yeux sa peur de
mourir. Je le réconforte comme on le fait avec un enfant. Je
lui dis que tout va bien se passer, même si les machines autour de lui n’arrêtent pas d’émettre des sons affolants. À
l’urgence, je reconnais le médecin en chef, un Asiatique d’un
calme exemplaire.
Il a déjà « sauvé » Stephen avant qu’il soit branché sur son
respirateur. Cette fois-là, j’avais cru que c’était la fin, que
Stephen ne survivrait pas à la crise. Son taux d’oxygène avait
dramatiquement chuté, son teint était gris et ses yeux exorbités.
Laurence était avec moi, car je n’avais pas trouvé de gardienne. Nous étions dans la salle d’attente aux couleurs
douces et apaisantes pendant que les médecins essayaient
de stabiliser l’état de Stephen. Laurence avait sûrement été
affectée par tout cela, mais de quelle façon ?
À l’urgence, la chambre de Stephen est d’une propreté
impeccable. L’équipement est sophistiqué et les lumières
vertes et rouges des appareils clignotent dans la noirceur de
la nuit. On se croirait dans un décor de Noël. Une odeur de
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La panique
désinfectant emplit la chambre, une odeur omniprésente,
presque rassurante. Je suis toujours agréablement surprise
de voir les médecins de ce prestigieux hôpital être si gentils
avec moi. Toute l’équipe est d’une extrême gentillesse.
Une fois stabilisé, Stephen est transféré aux soins intensifs.
Sa chambre est plus vaste, équipée d’appareils encore plus
spécialisés. On n’est plus dans un décor de Noël, mais à la
NASA.
Je reste avec lui une bonne partie de la nuit, assise dans
un fauteuil inclinable. Les infirmières, toujours souriantes,
m’ont apporté « mon » fauteuil. Je vois le reflet des lampadaires dans les eaux calmes de la rivière Charles. Les arbres
sont ornés de petites lumières blanches. Je suis quelques
voitures des yeux en me demandant où vont les gens, il est si
tard. L’agitation est retombée, les lumières des appareils se
sont stabilisées, il n’y a plus de bruit, et Stephen dort paisiblement. Je le regarde. Cet homme avait un grand avenir devant lui, il s’était bâti une excellente réputation à Boston. Il
était brillant, passionné par son travail, les recruteurs se l’arrachaient. Malgré sa maladie, il a travaillé longtemps. Paralysé,
il commandait son ordinateur avec ses yeux. Il pouvait même
faire des présentations depuis la maison, assis dans son fauteuil électrique. Stephen est technophile et cette force lui a
permis de rester en contact avec le monde extérieur. Il est
comme Stephen Hawking, un mathématicien et physicien
britannique habile avec la technologie… et paralysé. La vie
est injuste.
***
Nous sommes au milieu de la nuit, je quitte doucement
la chambre de peur que Stephen se réveille. Pourtant, il est
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Histoire d’une vie trop courte
assommé par les médicaments. Avant de sortir, je le regarde
une dernière fois. Sous les draps, je devine son corps frêle
aux muscles atrophiés, j’aperçois son ventre qui monte et
descend régulièrement grâce au respirateur. Son teint est
moins terreux, il va mieux, il est encore en vie. Je pourrai
rassurer Laurence et lui dire que son papa lui donne un gros
bisou.
Dehors, il fait toujours aussi froid. Je traverse la rue qui
mène au stationnement de l’hôpital. Je reconnais le préposé
endormi, emmitouflé sur sa chaise. Je paie mon billet et
gagne ma voiture. Les mains moins crispées, le dos moins
tendu, le nez décollé du pare-brise, je conduis lentement. Je
longe la rivière Charles jusqu’à ma maison au milieu du boisé,
chez moi, sans Stephen.
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Stephen sous une tente au Mali dans le désert qu’il aimait tant.
Laurence et Stephen a l’été 2013. Stephen a subi la trachéotomie deux mois plus tôt.
HISTOIRE D’UNE
VIE TROP COURTE
UNE BATTANTE AU PAYS
DE LOU GEHRIG
Ce livre parle d’un homme, Stephen, atteint de la maladie de Lou
Gehrig, une maladie dégénérative où le patient meurt en toute lucidité,
emmuré dans un corps paralysé.
Écrit à quatre mains, Histoire d’une vie trop courte raconte la lutte de
Stephen contre la mort à travers les yeux de sa femme, Marie-Josée, qui l’a
accompagné jusqu’à la fin. Malgré tout. Car ce couple, qui s’est aimé puis
détesté, a connu des déchirements. Après leur séparation, ils se sont livrés
un combat féroce pour la garde de leur fille.
Quand la maladie a bouleversé leurs vies, ils ont enterré la hache de
guerre et attaché leurs vies pour le meilleur et pour le pire. Marie-Josée
s’est battue non seulement contre la maladie, mais aussi contre les aberrations du système de santé américain. Au milieu de cette histoire tragique,
leur fille de sept ans, Laurence, qui a vu son père dépérir de jour en jour.
© Katya Konioukhova
© Alain Roberge, La Presse
Un récit sans fard, presque brutal. Un puissant cocktail d’émotions.
Journaliste à La Presse depuis 1989, MICHÈLE OUIMET
a couvert des zones de guerre et des drames locaux.
Titulaire d’une maîtrise en histoire, elle a remporté
de nombreux prix, dont celui de la chronique au
Concours canadien de journalisme. En 2014, elle a
publié son premier roman, La Promesse.
MARIE-JOSÉE DUQUETTE est une Québécoise qui vit à
Boston depuis 2010. Titulaire d’une maîtrise en sciences
de l’environnement et d’un D.E.S.S. en communicationmarketing des HEC, elle écrit des articles sur un blogue
qui raconte les différentes facettes de la vie américaine.
editionslapresse.ca