Musicien en herbe:gros plan sur le démarrage d`un instrument de
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Musicien en herbe:gros plan sur le démarrage d`un instrument de
CEFEDEM Bretagne – Pays de la Loire Mémoire MUSICIEN EN HERBE Gros plan sur le démarrage d’un instrument de musique Nom : RENOU Prénom : Béatrice Diplôme d’Etat Professeur de Musique Spécialité : Instruments anciens Formation Initiale Promotion 2007-2009 Session : Juin Référent : Jean-Pierre AUBRET Sommaire Introduction..................................................................................................................... 3 I. Le choix de l’instrument est déterminant pour la poursuite ou l’abandon ultérieur des études musicales........................................................................................ 4 1. Description de la méthode « Musique : quel instrument pour votre enfant ? », d’Atarah Ben-Tovim et Douglas Boyd......................................................................... 4 a. Naissance de la méthode et idée directrice ..................................................... 4 b. Etapes à suivre pour le choix d’un instrument de musique ............................. 5 2. Critique des critères attribués aux enfants et aux instruments ............................. 7 3. Etude de la prise en compte du déroulement de la scolarité musicale ................. 9 II. Les raisons de l’abandon de la musique ne sont pas seulement liées au choix de l’instrument .............................................................................................................. 11 1. Constat : Pour certains musiciens, le choix a été le fruit du hasard ................... 11 2. Hypothèses : D’autres raisons pourraient-elles pousser à poursuivre ou abandonner ses études musicales ? ............................................................................. 12 III. a. Le professeur s’adapte à l’élève .................................................................... 13 b. Le professeur s’adapte au projet de l’élève................................................... 15 c. Le professeur et l’établissement sont aussi sources d’ouverture .................. 16 Le choix d’étudier la musique avant tout.......................................................... 18 1. Les apprentissages sont similaires d’un instrument à un autre .......................... 18 2. « Changer n’est pas échouer » ........................................................................... 19 3. Les évolutions en cours...................................................................................... 21 Conclusion ..................................................................................................................... 23 Bibliographie ................................................................................................................. 24 Annexe 1 : « Musique : Quel instrument pour votre enfant ? » (extraits)............... 25 Annexe 2 : « Apprendre à apprendre avec la PNL » (extraits)................................. 26 2 Introduction Parmi les élèves qui étudient la musique au travers d’un instrument, certains en abandonnent la pratique. Nous entendons par là un arrêt de la scolarité musicale qui entraîne également un arrêt de la pratique instrumentale. Quelles peuvent en être les raisons ? Il est toujours fait grand cas du choix de l’instrument et de la façon dont il est fait. Ainsi, des livres sont écrits à l’attention des parents, pour leur permettre de guider au mieux leur enfant lorsqu’il émet l’envie de démarrer la musique. Il existe une pensée selon laquelle ce choix serait primordial et déterminerait à l’avance si l’enfant sera porté à poursuivre ou à abandonner ses études musicales. Face à cette idée, il est nécessaire de se demander si cet abandon ne peut être pas avoir d’autres origines. Quelle importance le choix de l’instrument doit-il revêtir ? Peut-il avoir une influence, plus tard, sur l’envie de poursuivre ou d’abandonner ses études musicales ? Afin de mettre en œuvre ce questionnement, nous étudierons dans un premier temps une méthode qui propose aux parents de déterminer quels instruments correspondent le mieux à leur enfant. Nous proposerons ensuite que la relation instaurée entre l’élève et le professeur puisse jouer un rôle pour la suite des études. Enfin, nous développerons l’idée que l’apprentissage d’un instrument s’inscrit dans un apprentissage plus global : celui de la musique. 3 I. Le choix de l’instrument est déterminant pour la poursuite ou l’abandon ultérieur des études musicales 1. Description de la méthode « Musique : quel instrument pour votre enfant ? », d’Atarah Ben-Tovim et Douglas Boyd a. Naissance de la méthode et idée directrice Les auteurs de la méthode, Atarah Ben-Tovim et Douglas Boyd, ont un rapport à la musique très différent. La première, flûtiste traversière, a été qualifiée d’adolescente prodige et continue aujourd’hui à jouer et enseigner, tandis que le second a été classé dans la catégorie des « cancres » et a abandonné le piano au bout de trois ans d’apprentissage. En partant de leurs deux expériences, à l’opposé l’une de l’autre, ils ont refusé de classer les enfants en « musiciens » ou « doués », et « non musiciens » ou « non doués ». Par des études, ils sont arrivés à un constat : la plupart des enfants abandonnant la musique précocement ont été mal conseillés dans le choix de leur instrument. Statistiquement, lorsque le choix de l’instrument de musique est effectué de façon classique (disponibilité de l’instrument, proximité des cours, ou simplement, désir de l’enfant), il y a dix pour cent de chance qu’il poursuive durablement ses études musicales. Pour les quatre-vingt-dix pour cent restants, une perte d’intérêt risque d’apparaître au bout de quelques mois d’apprentissage. Cela a mené les auteurs à l’élaboration d’une méthode qui permet aux parents de définir quels instruments conviendraient le mieux à leur enfant. Il s’agit alors de traiter séparément et de façon logique les différents éléments en 4 jeu dans le choix. Cette méthode recense des critères correspondant à différents instruments, à la suite d’un programme de recherche du Ben-Tovim Music Research, impliquant plusieurs milliers de parents et d’enfants. b. Etapes à suivre pour le choix d’un instrument de musique La méthode est divisée en trois étapes principales : Etape 1 : évaluation de l’enfant Tests d’aptitude musicale Test de maturité musicale Evaluation de l’enfant : Profil physique Profil intellectuel Profil psychologique > Triple profil Etape 2 : évaluation des instruments Description des instruments Examen de chaque instrument sous trois angles : Angle physique, angle intellectuel, angle psychologique L’instrument convient-il à l’enfant ? Etape 3 : finalisation du choix Liste des instruments retenus Choix de l’instrument idéal L’évaluation de l’enfant consiste en l’élaboration d’un triple profil regroupant ses capacités physiques, ses caractéristiques intellectuelles et sa personnalité. Ces éléments serviront de comparaison avec chacun des instruments décrits par la suite. 5 Dans la deuxième partie, les instruments sont classés par famille. Pour chacun, on trouve une description des aptitudes physiques nécessaires, du travail intellectuel qu’il requiert et la personnalité la plus appropriée1. En abordant la troisième partie de la méthode, les parents sont en possession d’une liste d’instruments, dont ils pensent que le triple profil s’accorde avec celui de l’enfant. Les auteurs conseillent de réduire la liste à deux ou trois instruments au maximum pour ne pas disperser l’attention de l’enfant. Si besoin, une nouvelle sélection est faite par les parents : - éliminer « les instruments les plus éloignés de la voix de l’enfant. […] Les enfants sont instinctivement attirés par les instruments qui possèdent à peu près le même registre que leur propre voix »2. - prendre en compte le prix d’achat ou de location, l’encombrement ou le transport et la difficulté à trouver un professeur. A ce stade, le choix définitif s’effectue avec et par l’enfant, en l’amenant dans un magasin de musique ou en école de musique, lors de journées portes ouvertes, pour essayer ces instruments. Il est recommandé aux parents de ne pas chercher à l’influencer. En effet, « l’achat d’un instrument de musique est une démarche très personnelle, quel que soit l’âge du destinataire. [Il faut donc laisser] à l’enfant tout le temps qu’il lui faut. […] [Il] dira alors quel instrument lui plaît ou non. »3 Lors de la mise en place de ce chemin nouveau dans la musique, les parents peuvent s’intéresser à la quatrième partie de l’ouvrage, riche en informations et en conseils. 1 extraits en annexe 1. BEN-JOVIM Atarah, BOYD Douglas, Musique : quel instrument pour votre enfant ?, collection « Eyrolles Pratique », Eyrolles, Paris, 2005, p.103. 3 ibid., p.106. 2 6 2. Critique des critères attribués aux enfants et aux instruments Les auteurs de cette méthode partent du principe que l’on peut catégoriser les instruments en fonction des profils physique, intellectuel et psychologique qu’ils nécessitent. De l’autre côté, ils proposent également des tests pour que les parents puissent déterminer au plus près le triple profil de leur enfant. Cette catégorisation des enfants nous choque, puisqu’elle paraît sousentendre qu’elle est figée et non-évolutive. En effet, si l’on peut sans doute essayer de déterminer les possibilités physiques, les aptitudes intellectuelles ou le caractère d’un enfant à un moment précis de sa vie, nous pensons que toutes ces caractéristiques sont amenées à évoluer, au fur et à mesure des apprentissages de la vie. L’étude d’un instrument de musique dure de nombreuses années, tandis que l’enfant grandit. Il nous semble donc difficile de déterminer quel est l’instrument idéal à partir de critères qui se modifieront au fil des années. Nous nous trouvons dans une société où la tendance à vouloir catégoriser les personnes est grandissante, tant au niveau scolaire que professionnel. Il est donc dommage, voire même inquiétant, d’en arriver là aussi dans le domaine artistique. En particulier, il nous paraît gênant de laisser si peu de place à l’intuition, au moment du choix de l’instrument, pour un domaine qui propose ensuite de développer sa sensibilité et sa créativité. En ce qui concerne chaque profil, l’apprentissage possible doit être l’idée maîtresse pour le professeur, qui va chercher à s’adapter en permanence. Certes, les auteurs refusent les termes de « non-musiciens » ou « pas doués pour la musique ». Mais ils sous-entendent que les enfants sont musiciens, seulement dans certains cas, quand l’instrument leur convient bien. 7 « Nous avons constaté que la plupart des enfants possèdent des capacités musicales qui vont bien au-delà des qualités requises pour apprendre un instrument, mais à condition de choisir le bon. »1 Cette pensée ne semble pas prendre en compte les apprentissages possibles, chez les enfants, quand les moyens utilisés sont appropriés à chacun. Sur le plan physique, nous réfutons l’idée d’une posture idéale identique pour tous. Au contraire, chacun doit pouvoir trouver celle qui lui convient, à un moment précis de sa vie. Cette posture étant également évolutive, il n’est pas possible de définir à l’avance si un enfant présente des caractéristiques physiques adéquates pour un instrument. En effet, il déterminera avec l’aide de son professeur ce qui lui convient, en fonction de sa croissance. Sur le plan intellectuel, certaines citations de la méthode ne semblent pas prendre en compte une possibilité d’apprentissage de l’enfant : « Certains enfants sont dotés d’un cerveau capable de faire une chose à la fois. »2 Ainsi, bien que cette phrase soit exacte sur le plan neurologique, le cerveau travaille à une vitesse si rapide qu’il donne l’impression que l’on effectue plusieurs tâches simultanées. Sans doute, certains enfants sont-ils moins habitués que d’autres à se concentrer sur plusieurs choses à la fois, mais s’arrêter à cette constatation revient à nier toute possibilité de progrès par un enfant dans ce domaine. Le travail de l’instrument peut justement permettre de développer cette compétence, au fur et à mesure de la complexification de l’apprentissage (par exemple, passer à des morceaux à deux mains, pour le piano, ou encore, travailler sur une harpe classique, avec les pédales). 1 2 ibid., p. 12. ibid., p. 36. 8 Sur le plan psychologique, la différenciation d’un instrument à l’autre n’est peut-être pas si grande qu’on peut le croire. Les auteurs, dans la méthode, parlent en termes de besoin de défoulement physique ou de capacité à soutenir son attention. Si l’on s’en tient à ces deux points, sans doute tous les instruments permettent-ils ces attitudes. C’est plutôt le répertoire abordé qui différenciera l’investissement physique à mettre en œuvre. Par exemple, pour la flûte à bec, dans le répertoire abordable en fin de premier cycle, des pièces de musique française baroque demanderont une énergie assez contenue, tandis que d’autres pièces du XVIIe siècle italien permettront d’extérioriser davantage cette énergie. Par conséquent, la question n’est peut-être pas de savoir ce que recherche l’enfant sur un plan psychologique, mais plutôt avec quel répertoire il a le plus d’affinités et qui lui correspond le plus pour démarrer. 3. Etude de la prise en compte du déroulement de la scolarité musicale La principale cause d’arrêt de la musique en cours de scolarité est, dans cet ouvrage, imputé à un mauvais choix de l’instrument de musique. Le déroulement de l’apprentissage et la relation tissée avec le professeur ne sont, étonnamment, jamais cités comme une cause possible d’abandon. Il est assez clair que seules deux raisons de l’échec s’opposent : - le manque de potentiel de l’enfant pour la musique (idée réfutée par les auteurs) - un mauvais choix initial d’instrument Nous pourrions accepter la conclusion d’Atarah Ben-Tovim et Douglas Boyd s’il était explicite que le professeur ou le déroulement du cours ne pouvaient influer sur cette décision. Or, il n’est fait mention nulle part de ces hypothèses, comme si les auteurs les avaient mises de côté, consciemment ou inconsciemment. Il nous semble évident que si la relation qui s’est construite avec l’enseignant ou les méthodes de travail utilisées ne conviennent pas à l’élève, ce dernier peut, 9 progressivement, perdre sa motivation initiale. Sans doute certains enfants rebondiront-ils en demandant à changer de professeur, mais, outre le fait que cela n’est pas toujours possible, ils pourront se laisser submerger par un sentiment négatif et abandonner l’instrument qui symbolise cet échec. Les auteurs de la méthode étant tous deux britanniques, nous supposons que cette différence d’opinion est due au fait que les structures françaises et anglaises, ainsi que les méthodes d’enseignement de la musique ne fonctionnent pas de la même manière. Pourtant, Atarah Ben-Tovim, qui a effectué une partie de ses études en flûte traversière en France, a connu le modèle français, avec ses cours individuels où la relation professeur-élève est particulièrement importante. 10 II. Les raisons de l’abandon de la musique ne sont pas seulement liées au choix de l’instrument 1. Constat : Pour certains musiciens, le choix a été le fruit du hasard La méthode décrite dans la partie précédente pose comme principe que le choix de l’instrument détermine la poursuite ou l’abandon des études. Il existe au contraire de nombreux exemples de musiciens ne concordant pas avec cette pensée. Ces personnes, qui continuent actuellement la musique, sous diverses formes, ont été amenées à choisir leur instrument parfois par le plus grand des hasards, souvent sous l’influence d’autres personnes. Nous avons répertorié, sans que cela ne soit exhaustif, deux façons de choisir l’instrument. Dans le premier cas, le plus courant, l’instrument a été choisi sur les conseils d’un professeur, à la suite d’un cours d’éveil musical, par exemple, ou parce que les parents connaissent un enseignant dans cette discipline. Ainsi, Hélène Grimaud, pianiste mondialement reconnue, inscrite en musique avec l’espoir de canaliser une énergie psychique débordante, a été orientée vers le piano par son professeur d’éveil, qui enseignait également cet instrument.1 Ainsi, le choix est effectué sous influence, et sans forcément chercher à faire découvrir d’autres instruments que celui conseillé. Le deuxième cas observé concerne les élèves ayant choisi un instrument en particulier, mais ayant été ensuite aiguillés vers un autre pour diverses raisons. Par exemple, une élève de douze ans voulait commencer le chant lyrique en entrant dans une classe « musique ». Etant trop jeune pour cette discipline, elle a 1 GRIMAUD Hélène, Variations sauvages, Robert Laffont, Paris, 2003, p. 53-55. 11 été orientée vers le violoncelle, dont la tessiture est proche de celle de la voix humaine. Une dizaine d’années plus tard, elle continue à jouer de cet instrument dans un orchestre de musiciens amateurs. Ces exemples laissent à penser que, même dans une situation où le choix de l’instrument a été effectué un peu au hasard, le plaisir et la motivation qui ont poussé ces musiciens à continuer leur pratique ont sans doute été alimentés par d’autres biais. A partir de cette hypothèse, nous pouvons donc imaginer la situation inverse : si au cours de la scolarité, le plaisir et la motivation de l’élève ne sont pas alimentés, il peut y avoir un risque d’abandon de la musique, indépendamment du choix initial de l’instrument. 2. Hypothèses : D’autres raisons pourraient-elles pousser à poursuivre ou abandonner ses études musicales ? Parfois, les élèves justifient leur choix d’abandonner leur instrument de musique en faisant état d’une relation négative avec leur professeur. Ils peuvent par exemple éprouver de la crainte face à ce dernier, trouver qu’il est trop exigeant, ou au contraire, pas assez, et s’ennuyer pendant leurs cours. Cela montre que le déroulement du cours a une importance primordiale, qui conduit à poursuivre ou stopper ses études. Dans les paragraphes suivants, nous essayons de voir quelle attitude le professeur doit adopter pour que cela se passe au mieux. En imaginant l’inverse de ces situations, nous trouvons d’autres raisons que le choix initial de l’instrument qui pourraient induire l’abandon de la musique. 12 a. Le professeur s’adapte à l’élève Toute relation entre deux personnes nécessite une bonne communication. La programmation neurolinguistique (P.N.L.) étudie les processus mis en œuvre dans une telle situation et propose des modélisations pour comprendre ce qui fonctionne le mieux, afin d’amorcer un changement en soi pour le reproduire. Nous nous baserons sur une relation établie au sein d’un cours individuel, pour comprendre comment le professeur peut s’adapter à chaque élève. Cette adaptation est sans doute nécessaire, mais moins facile, dans un cours collectif, sauf si l’enseignant voit également ses élèves en cours individuel et a pu instaurer une relation particulière avec chacun. La première étape de la communication consiste à se mettre en osmose avec son interlocuteur, et ainsi lui manifester que nous comprenons, entendons et ressentons les choses comme lui. Cela crée une atmosphère de confiance. Il s’agit de synchroniser son langage non-verbal d’une part (posture, tonicité, gestes, ton de la voix) et son langage verbal d’autre part, avec ceux de son interlocuteur. En effet, chaque individu choisit inconsciemment ses mots selon le type d’opération mentale effectuée au moment de la parole. Ces représentations mentales sensorielles, sont « des images, des sons, des commentaires (petite voix intérieure), des sensations, des odeurs, des goûts qui se succèdent dans notre esprit ».1 La P.N.L. distingue quatre types de prédicats, ou mots liés aux sens : visuels, auditifs, kinesthésiques ou non-spécifiques (c’est-à-dire, qui ne sont pas liés à un sens particulier).2 Lors de la synchronisation verbale, il est donc nécessaire, par une écoute active, de prêter attention aux prédicats de l’autre et, 1 LELLOUCHE Yves, THIRY Alain, Apprendre à apprendre avec la PNL, Les stratégies d’apprentissage à l’usage des enseignants du primaire, collection « Pratiques pédagogiques », De Boeck, Bruxelles, 2007, p.35. 2 liste d’exemples de prédicats en annexe 2. 13 si besoin, de s’y conformer. Imaginons en effet un professeur de violon privilégiant le canal kinesthésique et s’adressant à un élève ayant un pattern auditif. « S’il s’obstine à vouloir [lui] faire sentir […] le poids de son bras pour obtenir un son plein au violon, il perdra beaucoup de temps. »1 Même s’il ne devient pas un spécialiste de la P.N.L., il est important que le professeur soit sensibilisé à cette approche de la communication et ait conscience que tout le monde n’utilise pas la même stratégie mentale pour la même opération. Cela peut éviter par exemple d’imaginer qu’un enfant n’est pas compétent dans un domaine, s’il ne le maîtrise pas grâce aux conseils fournis par son professeur. Sans doute le chemin mental proposé par celui-ci ne lui convientil pas. Ainsi, l’enseignant doit adapter son vocabulaire – ses prédicats – en fonction de l’élève avec lequel il se trouve. Il ne s’agit pourtant pas d’enfermer ce dernier dans son mode de fonctionnement. Cette démarche peut être l’occasion de faire prendre conscience également à l’élève des attitudes mentales qu’il privilégie et, le cas échéant, de lui en proposer une autre pour une tâche précise, si celle qu’il met en place inconsciemment ne paraît pas très opérante. Le professeur doit également s’adapter à l’âge de son élève, mais aussi, de manière plus précise, à sa maturité. « Le processus de maturité ne se fait pas à la même vitesse pour tous ni forcément de façon homogène. Certains enfants, à sept ou huit ans, sont encore mal latéralisés. Leurs repères dans l’espace sont flous, la gauche, la droite, devant, derrière, dessus, dessous, … ces notions ne sont pas complètement intégrées. »2 1 VUILLEMIN Dominique, L’apprentissage de la musique, guide à l’usage des parents, Seuil, Paris, 1997, p. 110. 2 COPPER-ROYER Béatrice, Vos enfants ne sont pas des grandes personnes, préface du Dr Alain BRACONNIER, collection « Questions de parents », dirigée par Mahaut-Mathilde NOBECOURT, Albin Michel, Paris, 1999, p. 87-88. 14 Il peut s’agir d’aborder, pour des élèves du même âge, des répertoires différents, en vue des mêmes acquisitions techniques et musicales, de laisser une place plus ou moins grande au ludique, ou encore d’introduire les notions théoriques dans un ordre différent. Le dialogue, avec l’enfant, mais aussi avec les parents, et l’observation permettent d’émettre des hypothèses sur le chemin à prendre. L’organisation en cycles des cursus musicaux présente bien des avantages de ce point de vue. Elle permet au professeur d’amener progressivement ses élèves vers les mêmes objectifs en fin de cycle, au bout de trois à cinq ans, tout en personnalisant l’approche instrumentale qu’il leur propose auparavant. Ainsi, le temps passé à chercher, à essayer et à déterminer ce qui convient à l’élève au moment précis n’est pas du temps « perdu ». Au contraire, il s’agit d’un moment de découverte, de rencontre avec l’enfant, de manière à tisser une relation de confiance avec lui ; cette connaissance permet ainsi de s’adapter plus vite à ses besoins par la suite. b. Le professeur s’adapte au projet de l’élève Chaque élève arrive dans une classe d’instrument avec une envie plus ou moins précise, cela correspond à la place qu’il souhaite laisser à la musique dans sa vie. On peut définir l’ensemble de ces idées comme son projet. Selon l’âge et la maturité de l’élève, le projet n’est pas du même type. En effet, un jeune enfant ne se projette pas aussi loin dans l’avenir qu’un adolescent, parce qu’ils n’ont pas la même représentation du temps. L’adolescent peut se demander s’il veut devenir musicien amateur ou professionnel, et ainsi, avoir des envies et des besoins différents. Au contraire, les projets d’un enfant, dans la vie courante, sont plutôt liés à des faits, à du concret, sur du court terme. 15 Il est nécessaire que le professeur connaisse la démarche musicale de l’élève et la respecte, quelle qu’elle soit. Il peut ainsi comprendre quels pourront être les points d’appui pour faire naître le plaisir et engendrer la motivation. Sans doute le dialogue est-il un moyen efficace pour connaître davantage son élève et ce qui le pousse à venir prendre ces cours de musique. Il est donc important que l’enseignement soit adapté au projet que nourrit chaque élève, de façon personnalisée. Au contraire, un élève qui s’adapte en permanence à son professeur et aux habitudes de l’établissement, sans que ses envies ne soient prises en compte, risquerait de perdre de vue le plaisir qui l’avait amené à la musique. c. Le professeur et l’établissement sont aussi sources d’ouverture Au sein d’un établissement, l’inscription dans une classe d’instrument implique l’intégration dans un cursus plus complet. Selon le projet de l’établissement, certains enseignements sont considérés comme des constantes, nécessaires à l’ouverture et à l’épanouissement de l’élève. Les pratiques collectives ou la transversalité entre les arts, par exemple, sont ainsi des cadres de travail, permettant de lui proposer de nouvelles pratiques, susceptibles de l’enrichir, tout en faisant le lien avec ses envies, ses besoins et ses projets. Le professeur est également une source d’ouverture dans le sens où, tout en respectant la démarche de son élève, il n’a de cesse de lui faire découvrir de nouveaux horizons, aussi bien sur le plan des répertoires instrumentaux, des méthodes de travail, que des connaissances en lien avec d’autres arts. Cet enrichissement permanent peut donner l’occasion à l’élève de faire évoluer ses envies et ses projets, en y intégrant ces nouvelles données. A l’inverse, une démarche de découverte peut également mener à une situation où l’élève partage ses propres connaissances avec son professeur, qui, lui aussi, modifiera son projet personnel. 16 Ainsi, par la variété des apports, et en particulier, quand l’élève sait que l’enrichissement est mutuel, le risque d’ennui et de lassitude est sans doute moindre, ce qui engendre moins d’abandons de la musique en cours de scolarité. Le plaisir de l’élève est nourri par ce qui lui correspond, mais également par ce qui lui permet de s’enrichir. 17 III. Le choix d’étudier la musique avant tout 1. Les apprentissages sont similaires d’un instrument à un autre Si le choix de l’instrument revêt une grande importance quant à son adéquation à une personne, cela sous-entend que les apprentissages sont différents d’un instrument à un autre et correspondent plus ou moins à chacun. Mais finalement, sommes-nous certains de cette différenciation ? Lorsque nous nous intéressons aux projets pédagogiques de professeurs d’instrument, les idées directrices sont souvent proches : autonomie, créativité, sensibilité, etc. Il s’agit de développer chez les élèves des compétences ou des qualités liées à la musique en général, mais aussi des compétences transversales, éducatives. La différenciation des projets se situe davantage dans les supports et les moyens utilisés pour atteindre ces objectifs. Nous trouvons ici les instruments pratiqués, leurs répertoires et la préférence des professeurs pour telle ou telle pratique : l’un privilégiera l’improvisation, l’autre le rapport à la danse ou la composition. Toutes ces pratiques sont en général présentes mais plus ou moins mises en avant dans l’enseignement selon les affinités des professeurs. Même la différence fondamentale existant entre les instruments mélodiques et polyphoniques, qui concernerait le développement d’une oreille harmonique, n’est finalement pas si grande. En effet, l’harmonie est abordée d’une autre façon chez les instrumentistes mélodiques et est appréhendée par le rapport avec l’accompagnement. Les différences de répertoire nous semblent également à nuancer. S’il est avéré que les enseignants ont à cœur de transmettre la tradition musicale qui entoure leur instrument par son ou ses répertoires « de base », ils s’adaptent 18 également aux envies musicales de leurs élèves, par le biais d’arrangements. Chacun s’approprie des pièces qui ne sont pas jouées par tradition par son instrument, ce qui revient sans doute à uniformiser en partie le répertoire proposé aux élèves. Le choix de l’instrument semblerait donc s’effectuer surtout en fonction d’affinités particulières entre l’élève et l’objet-instrument : le son, la manière de le produire, le matériau, le toucher, la tenue, l’esthétique, etc. Il ne s’agit plus alors d’effectuer un bon ou un mauvais choix, mais de savoir si cela plaît ou ne plaît pas. 2. « Changer n’est pas échouer » Une scolarité complète, jusqu’à l’obtention d’un diplôme de musicien amateur, dure environ dix ans. Il est normal que, durant cette période, l’élève évolue, tant au niveau de sa personnalité, que des envies et des projets dont nous avons parlé précédemment. Ainsi, vers treize ans, une jeune flûtiste à bec a eu envie de jouer des musiques de films avec un orchestre. Elle a ainsi commencé un deuxième instrument : la clarinette. Deux attitudes sont possibles lorsque les envies évoluent. Il peut être question, comme dans l’exemple ci-dessus, d’apprendre un second instrument. Si certains élèves arrivent à concilier leur emploi du temps avec ce choix, cela n’est pas évident pour tous, dans la mesure où cela nécessite un investissement supplémentaire. Une autre solution consiste à arrêter le premier instrument et à s’inscrire dans une nouvelle classe. Ceci n’est pas toujours bien perçu, mais il ne faut pas oublier qu’arrêter les cours ne signifie pas pour autant arrêter de jouer de ce premier instrument. En effet, les écoles de musique ou les conservatoires sont 19 trop souvent considérés comme les seuls lieux de pratique de la musique. Pourtant, les élèves qui les fréquentent ne représentent qu’un faible pourcentage des musiciens. La pratique autodidacte est particulièrement importante dans le jazz ou les musiques dits « actuelles ». Un changement d’instrument ne doit pas être perçu comme un retour en arrière, un redémarrage. La plupart des acquis provenant de l’enseignement initial sont réutilisables : connaissances théoriques, historiques, sensibilité musicale, etc. Simplement, l’élève va expérimenter des situations nouvelles : dans sa façon de jouer (nouvelle technique instrumentale), dans sa façon d’apprendre (nouveau professeur) ou dans sa façon de partager la musique (nouvelle configuration de jeu par l’orchestre, l’harmonie ou la musique de chambre). Pour illustrer ces propos, revenir sur le parcours musical d’une choriste amateur me semble intéressant. Elle a ainsi appris le piano durant trois ans, puis la flûte traversière également durant trois ans et, enfin, a choisi la guitare d’accompagnement pendant deux ans. Tout au long de ces années, elle a pratiqué assidûment le chant choral, la seule pratique musicale qu’elle conservera par la suite. Même si elle ne continue pas à pratiquer les trois instruments, cette formation lui a permis d’acquérir des connaissances théoriques et solfégiques, qui ne lui étaient pas dispensées dans sa chorale, et qui lui ont été nécessaires pour intégrer plus tard un chœur semi professionnel. Son parcours instrumental lui aura donc profité dans le domaine du chant choral. Il est nécessaire de faire évoluer les mentalités pour éviter qu’un changement d’instrument soit encore considéré comme un échec. Actuellement, un élève dans cette situation est souvent perçu comme quelqu’un qui n’arrive pas à faire des choix, qui tâtonne. Notre société demande de plus en plus aux enfants de prendre des décisions, par exemple lorsque les médias, par la publicité, les prennent comme interlocuteurs privilégiés. Pourtant, ils sont à une période de 20 leur vie où ils se construisent, et c’est par la recherche que cette construction se fait. Un changement n’est donc pas inquiétant, au contraire, ce n’est pas le signe d’une superficialité de l’élève. Il ne s’agit pas d’abandonner la musique, sans en approfondir la connaissance, mais bien d’évoluer vers une autre pratique de la musique. Dans ce type de situation, le dialogue entre l’élève, le professeur et les parents est souhaitable afin de comprendre ce choix et d’éviter les malentendus ou les non-dits, qui pourraient être mal vécus par l’une des parties. 3. Les évolutions en cours Il semble actuellement que, si le changement d’un instrument pour un autre reste encore mal accepté, l’enseignement de la musique intègre l’idée que l’instrument vienne compléter une formation plus globale à la musique. La classe d’instrument n’est pas seulement le lieu de la pratique instrumentale ; les professeurs sont sollicités pour diversifier les propositions qu’ils font au sein d’un même cours. Cela va dans le sens de la dénomination des diplômes d’enseignements : Diplôme d’Etat de professeur de musique et Certificat d’Aptitude aux fonctions de professeur de musique. Il s’agit donc pour les professeurs d’être spécialisé dans une discipline qui serve un enseignement plus large de la musique. Les frontières entre les différentes classes suivies – notamment formation musicale et instrument – deviennent plus floues. L’instrument devient un support pour se former à la musique, ce qui s’éloigne grandement d’un ancien schéma, maintenant assez lointain, où le solfège permettait d’apprendre la théorie et où la classe d’instrument abordait la technique en tout premier lieu. Un dispositif paraît accepter plus facilement l’idée du changement d’instrument, même si elle n’est peut-être pas fondatrice. Il s’agit de l’Orchestre à l’Ecole, dont le principe est « l'apprentissage collectif de l'instrument dès le 21 premier jour, et en milieu scolaire, pour s'adresser à tous. »1 Les élèves font avant tout la démarche d’aller vers la musique (ou la musique vient vers eux, lorsque leur école propose cette classe-orchestre qui peut les intéresser), mais ils n’ont le choix ni de la formation instrumentale qu’ils intègrent – à Nantes, cuivres et percussions, à Saint-Nazaire, Oct’Opus, un orchestre symphonique, etc. –, ni de l’instrument qu’ils y joueront. Ils prennent surtout la décision de faire partie de cet ensemble ou non. A partir de ce constat, il faut prendre en compte un phénomène qui peut en découler : en sortant de ces classes-orchestres, certains enfants peuvent délaisser l’apprentissage du premier instrument pour en commencer un autre. Mais le pas le plus important est alors fait : celui d’entrer dans la pratique de la musique. 1 http://www.csfimusique.com/orchestre.php. Date de consultation : 15 mai 2009, 13h30. 22 Conclusion Après étude et critique d’une méthode particulière prônant l’idée que du choix initial de l’instrument de musique dépendrait la poursuite ou non des études musicales, nous nous trouvons peu convaincus par ces arguments. Il nous semble plutôt qu’une telle façon de choisir aboutirait à des classes d’instrument assez stéréotypées, fades peut-être. Si le libre choix ne présente pas de « risque », il paraît alors important que le futur élève se laisse guider à ce moment par son intuition et son ressenti, avec la possibilité qu’il découle de ce choix une belle et longue histoire entre un élève et son instrument. Il est néanmoins nécessaire de laisser une porte ouverte à un changement ou une évolution possible dans la façon d’apprendre la musique. Ainsi, chacun peut construire son propre parcours, qui correspond à sa démarche, ses envies actuelles et sa personnalité telle qu’elle évolue. Le professeur a pour rôle d’accompagner ces changements au mieux et de les respecter. Nous avons vu au cours de cette recherche qu’un changement d’instrument pouvait parfois être décidé, faute de pouvoir continuer à apprendre les deux instruments en parallèle. Peut-être serait-il intéressant d’imaginer un cursus au sein duquel un élève pourrait suivre ces différents apprentissages en même temps, en aménageant l’emploi du temps et en réadaptant les objectifs à atteindre ? 23 Bibliographie BEN-JOVIM Atarah, BOYD Douglas, Musique : quel instrument pour votre enfant ?, collection « Eyrolles Pratique », Eyrolles, Paris, 2005. DE LA GARANDERIE Antoine, Les profils pédagogiques, discerner les aptitudes scolaires, collection « Paidoguides », 5e édition, Le Centurion, Paris, 1988. LELLOUCHE Yves, THIRY Alain, Apprendre à apprendre avec la PNL, Les stratégies d’apprentissage à l’usage des enseignants du primaire, collection « Pratiques pédagogiques », 3e édition, De Boeck, Bruxelles, 2007. 24 Annexe 1 : « Musique : Quel instrument pour votre enfant ? » (extraits) Etape 2 : évaluation des instruments - critères physiques « [Le basson est] un instrument grand et lourd. Bien qu’une partie du poids soit supporté par une bandoulière ou un harnais, rares sont les enfants de moins de treize ans possédant la taille, l’écartement et la largeur de doigts suffisants pour [en] jouer. » p. 50 « Bien que le [trombone] soit très long, il est bien plus léger qu’on ne l’imagine. Contrairement à la trompette, [il] ne peut pas servir d’exutoire à une énergie de type agressif. Il convient en revanche aux enfants équilibrés, capables de contrôler leur énergie, qualité que l’on retrouve par exemple chez les patineurs et les athlètes. » p. 61 - critères intellectuels « Aucune exigence particulière. Les enfants un peu lents sont souvent attirés par le son chaud et humain [du basson]. La musique est facile à lire, quoique écrite en clé de fa. » p. 50 « [Le cornet à pistons :] un instrument pour les lièvres comme pour les tortues ! Les premiers, plus ambitieux, peuvent améliorer rapidement leur technique et aborder les parties de solo, plus difficiles, tandis que les autres se contenteront des parties de deuxième et troisième cornet. » p. 57 - critères psychologiques « En revanche, la flûte traversière ne conviendra probablement pas aux enfants agressifs ou dominateurs qui ont besoin de dépenser beaucoup d’énergie et de faire plus de bruit que ne peut en produire cet instrument. » p. 42 « Les jeunes clarinettistes ont souvent plusieurs activités de loisir et plusieurs centres d’intérêt, passant sans cesse de l’un à l’autre. Ils sont éveillés et vifs, tandis que les flûtistes sont plutôt rêveurs et distraits. » p. 45 25 Annexe 2 : « Apprendre à apprendre avec la PNL » (extraits) 26