analyse des paysages urbains

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analyse des paysages urbains
CRPE – Géographie
Le fait urbain en France
Complément de connaissances
ANALYSE DES PAYSAGES URBAINS
Les géographes définissent le paysage comme le produit visible d’un milieu, dont la
perception dépend du point de vue de celui qui l’observe. Méthodologiquement, son
analyse ne se résume cependant pas seulement à décrire, mais aussi à expliciter et
problématiser les produits d’une observation d’un support visuel ou bien d’un paysage présent
devant soi.
Les supports permettant l’analyse paysagère sont multiples : cartes topographiques,
photographies aériennes, images satellitaires… Chacun de ces supports doit faire l’objet
d’une lecture analytique pour faire parler le paysage. Pour cela, il convient dans un premier
temps de structurer son observation en décrivant minutieusement chacun des plans du/des
support(s) visuel(s) utilisé(s). Cette fiche méthodologique et analytique s’appuie ici en guise
d’illustration sur la photographie aérienne de Perpignan, incluse dans le sujet d’entraînement.
Sur ce document, on identifie le premier plan comme le plus proche : il est situé « en
bas » de l’image. Certains détails sont clairement visibles dans la morphologie du bâti. Le
second plan est localisé juste derrière le premier plan : il occupe le centre de la
photographie. Les détails sont moins perceptibles. L’arrière-plan est celui qui occupe « le
haut » de l’image. Les détails sont imperceptibles. Sur la photographie aérienne de
Perpignan, le premier plan caractérise l’espace périurbain et s’arrête avant le pont qui
traverse la Basse, un affluent de la Têt ; ce dernier articule d’ailleurs le premier et le second
plan. Le second plan est occupé par la ceinture de banlieue (logements collectifs), qui transite
avec l’arrière-plan, sur lequel se trouve la ville-centre. On pourrait même être tenté de définir
ce noyau urbain comme un troisième plan, qui se démarquerait des autres unités
radioconcentriques.
La description structurée de l’image n’est cependant pas une finalité en géographie. Il est
nécessaire avant tout d’expliquer ce qui est visible. Pour cela, plusieurs interrogations
permettent de mobiliser des connaissances personnelles : Quelle est la dominante dans le
paysage ? Quelle est la présence des éléments naturels ? Quelles unités de peuplement
peut-on distinguer ? Quelles sont les marques d’aménagement du territoire ? Comment les
moyens de transport structurent-ils l’espace ? Quelles traces du passé peut-on identifier ?...
Après avoir répondu à ces interrogations préliminaires, il convient de structurer sa
réflexion selon une problématique. Ici, nous développerons l’organisation radioconcentrique
des unités intra-urbaines à partir de l’exemple de la photographie de Perpignan.
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L’unité urbaine la plus ancienne est la ville-centre, constituée de différents îlots
historiques, comme le fait remarquer l’architecte Aldo Rossi, qui définit la ville comme « un
dépôt d’histoire ». La morphologie du bâti et des rues est singulière : dans la majorité des cas,
la superposition des logements est anarchique et le tracé médiéval partiellement conservé,
visible aussi bien dans la sinuosité et l’étroitesse de certaines rues que dans la forme
circulaire héritée de la présence des anciens remparts. À Perpignan, la forme circulaire de la
ville-centre est éloquente. Certains lieux remarquables ponctuent ce noyau urbain, comme
la cathédrale, les églises, l’hôtel de ville, les places ou le beffroi dans les villes du nord de
l’Europe. Sur la photographie aérienne, la cathédrale Saint-Jean Baptiste est ainsi visible et
permet clairement d’identifier la ville-centre.
Au-delà de ses limites atteintes à l’époque médiévale et moderne, la ville s’élargit
particulièrement après la Première Révolution Industrielle, période à laquelle surgissent les
faubourgs industrialisés, qu’il est impossible de discerner sur la photographie aérienne de
Perpignan. Dans ces faubourgs, on retrouve les premières industries encombrantes
(sidérurgie, métallurgie, automobile, chimie…), qui ne peuvent siéger dans le noyau urbain.
Historiquement, les faubourgs constituent des unités indépendantes de la ville-centre avant
d’être annexées. C’est le cas par exemple des quartiers de la Croix-Rousse, de Vaise et de la
Guillotière, intégrés à l’agglomération lyonnaise dans les années 1850 après la destruction
des remparts.
C’est d’ailleurs à cette période que la ville perd sa fonction militaire pour asseoir son rôle
économique territorial. La population ouvrière, alimentée numériquement par les flux
migratoires de l’exode rural, se concentre massivement dans la ville-centre et ses faubourgs.
Les conditions sociales et sanitaires deviennent difficiles, comme le décrit, dans un style
réaliste, Villermé dans son Tableau de l’état physique et moral des ouvriers (1840) : « Je
voudrais ne rien ajouter à ce détail des choses hideuses qui révèlent, au premier coup d’oeil,
la profonde misère des malheureux habitants ; mais je dois dire que, dans plusieurs des lits
dont je viens de parler, j’ai vu reposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très
différents, la plupart sans chemise et d’une saleté repoussante. Père, mère, vieillards,
enfants, adultes, s’y pressent, s’y entassent. Je m’arrête... le lecteur achèvera le tableau… ».
Les taudis et les quartiers ouvriers se multiplient en même temps que gronde la contestation
sociale contre les bourgeois, qui opèrent dans la seconde moitié du XIXème siècle une
opération de « gentrification », c'est-à-dire de réhabilitation de la ville-centre au détriment de
la population ouvrière. Le cœur des villes est assaini, des parcs urbains sont aménagés (Bois
de Boulogne à Paris, Parc de la Tête d’Or à Lyon), les rues étroites sont détruites et de
grandes avenues sont percées, en même temps que sont rasés les foyers de révolte
populaire. L’haussmannisation des centres urbains, du nom du préfet de la Seine sous le
Second Empire, peut être perçu comme une des premières manifestations contemporaines
de la ségrégation socio-spatiale dans les agglomérations françaises. La population plus
modeste est mise au ban de la ville, dans les premières banlieues.
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La banlieue désigne l’espace périphérique dépendant de la ville-centre, qui agglomère
aussi bien des communes historiquement peuplées que des anciens villages. Les
caractéristiques de l’étalement urbain en France ont fait que la banlieue a connu deux étapes
successives dans son développement. La première ceinture de banlieue, ou proche
banlieue, rassemble les activités encombrantes et polluantes, qui se sont développées en
ville consécutivement à la Seconde Révolution Industrielle : ateliers, gares de triage, usines,
hôpitaux, prisons… La proche banlieue est également la résultante en France des premières
politiques d’aménagement concerté, notamment grâce à la loi Loucheur (1928), qui
autorisa l’intervention financière de l’État pour favoriser l’habitat populaire. Ces nouveaux
ensembles s’inspirent des principes architecturaux du Corbusier, qui chercha dans ses
travaux à juxtaposer l’agora (place centrale), le centre commercial et les espaces verts. Sur la
photographie aérienne, la proche ceinture de banlieue ne se distingue pas clairement en
raison de la proximité des unités radioconcentriques entre elles. En revanche, la morphologie
du bâti laisse plus clairement apparaître la seconde ceinture de banlieue.
Cette dernière se distingue par sa singularité architecturale, empruntée au mouvement
du Bauhaus et caractérisée par son urbanisme en pied de grue, qui explique la disposition
rectangulaire de chacun des logements collectifs. Le nombre d’Habitats à Loyer Modéré
(HLM) se multiplie dans ces nouvelles zones urbaines et renforce le principe de ségrégation
socio-spatiale, même si l’activité industrielle (Zones Industrielles, technopôles) et certaines
infrastructures se déportent également. L’exemple des hypermarchés, dont les premiers
apparaissent pendant les années 1960, est significatif de l’instauration d’un nouveau mode de
vie plus massique. Outre ces enseignes commerciales, on retrouve également en banlieue
certains grands hôpitaux et universités. C’est le cas à Perpignan, avec le Quartier Sud, où
coexistent à la fois des espaces verts, des logements collectifs (tours, barres), l’Université de
Perpignan et sa cité étudiante, ainsi qu’un technopôle.
L’espace périurbain constitue l’aboutissement actuel de l’étalement urbain en France. Il
est composé, selon la définition de l’INSEE, de communes mono-polarisées et/ou multipolarisées. La rupture architecturale avec la seconde ceinture de banlieue est manifeste
puisque le périurbain se caractérise par la diffusion du logement pavillonnaire, plus soucieux
du paysage et du confort familial. La ségrégation socio-spatiale contribue à rassembler dans
cet espace des catégories socioprofessionnelles relativement identiques, qui n’hésitent pas à
procéder à des déplacements journaliers en voiture pour se rendre de leur habitat jusque
dans la ville-centre, que les géographes désignent sous le terme de migration pendulaire.
Sur la photographie aérienne de Perpignan, l’espace périurbain se retrouve au premier ainsi
qu’à l’arrière-plan et s’identifie par la prédominance des logements individuels.
L’espace périurbain constitue donc d’un point de vue fonctionnel la limite spatiale de
l’aire de gouvernance d’une ville-centre, même si le phénomène de polarisation par
l’emploi et la continuité du bâti rendent difficiles à percevoir les limites entre chaque aire
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urbaine. A Paris, celle-ci se retrouve à plus de 100 km de la ville-centre contre 30 km pour des
pôles urbains moins importants comme Lyon ou Toulouse.
L’étalement urbain en France se caractérise donc, hormis les exceptions comme les villes
nouvelles, par une juxtaposition de paysages différents selon la structure radioconcentrique
du pôle (ville-centre, banlieues, périurbain). Il est intéressant de constater que chacune de
ces unités connaît aujourd’hui une politique d’aménagement spécifique, depuis la
réhabilitation des anciennes friches industrielles de la ville-centre (exemple du quartier de la
Confluence à Lyon) jusqu’à la destruction et/ou la modernisation des HLM en banlieue. Les
marges périurbaines sont quant à elles soucieuses de proposer des logements mieux normés
pour assurer le Développement Durable et préserver les paysages ruraux qu’elles côtoient.
L’objectif des nouvelles politiques urbaines est donc désormais de penser à une ville
durable, comme le suggèrent les mesures du Grenelle de l’Environnement, capable
également de proposer une mixité sociale à ses habitants.
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