Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules

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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Rapport d’analyse
Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Table des matières
SYNTHÈSE .................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION............................................................................................................................ 4
BUTS ET OBJECTIFS ....................................................................................................................... 5
MÉTHODOLOGIE, PERIMETRE ET LIMITES DE L’ÉTUDE ................................................................... 6
1.
LIENS ENTRE LA CRIMINALITÉ LIÉE AUX VÉHICULES AUTOMOBILES ET LA CRIMINALITÉ
ORGANISÉE TRANSNATIONALE ......................................................................................... 8
2.
DIMENSION ÉCONOMIQUE DE LA CRIMINALITÉ LIÉE AUX VÉHICULES AUTOMOBILES ......... 9
PARTIES PRENANTES .................................................................................................................. 11
3.
VÉHICULES CIBLÉS........................................................................................................... 15
4.
MODES OPÉRATOIRES .................................................................................................... 19
4.1
4.2
4.2.1
4.2.2
4.2.3
4.3
Introduction ................................................................................................................... 19
Frontières....................................................................................................................... 20
Itinéraires ...................................................................................................................... 20
Gestion des frontières .................................................................................................... 22
Langue et origine ethnique communes............................................................................ 23
Facilitation des activités ................................................................................................. 25
5.
LIENS AVEC D’AUTRES DOMAINES DE CRIMINALITÉ......................................................... 26
5.1
5.2
5.3
5.4
5.5
Terrorisme et véhicules volés.......................................................................................... 26
Vol (avec ou sans violence) et véhicules volés ................................................................. 27
Trafic d’êtres humains et véhicules volés......................................................................... 28
Trafic de marchandises illicites et véhicules volés ............................................................ 28
Corruption et intimidation .............................................................................................. 29
6.
CONSÉQUENCES POUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE ............................................................... 29
7.
RECOMMANDATIONS..................................................................................................... 30
ANNEXE I
Questionnaire vierge
ANNEXE II
Tableau des pays membres participants par ordre alphabétique
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SYNTHÈSE
L’existence d’organisations criminelles transnationales se livrant à la criminalité liée aux
véhicules automobiles est attestée par la majorité (89,8 %) des pays membres ayant répondu au
questionnaire. Une autre majorité de pays membres participants (82 %) ont indiqué avoir mis en
place des unités spéciales pour s’attaquer à cette forme de criminalité ou prendre part à des
opérations régulières axées sur cette lutte.
Il n’existe pas de norme, de modèle ou d’instrument de mesure précis pour évaluer l’ampleur de
la criminalité organisée. Dans le meilleur des cas, des estimations peuvent être obtenues à partir
de statistiques, de modèles d’échanges économiques et de flux financiers connus, conjugués
avec les données relatives aux saisies, aux arrestations et aux condamnations prononcées. De la
même manière, il n’existe pas de statistiques comparables sur le préjudice économique causé
par la criminalité liée aux véhicules. Des aperçus et des estimations sont établis à l’aide des
statistiques fournies par les compagnies proposant des polices d’assurance automobile. La base
de données d’INTERPOL sur les véhicules automobiles volés – et sa fonction de recherche
automatisée – est un outil qui permet d’ores et déjà d’établir des statistiques homogènes
concernant la criminalité transnationale liée aux véhicules automobiles.
La criminalité liée aux véhicules automobiles a des conséquences préjudiciables pour les acteurs
suivants : constructeurs automobiles, propriétaires des véhicules, services chargés de
l’application de la loi, services chargés des immatriculations, compagnies d’assurance, organes
législatifs, ministères de la Justice et entreprises ayant une activité en rapport avec les véhicules
(comme par exemple les sociétés de location et les ferrailleurs).
Les lois relatives par exemple à l’assurance, au contrôle technique et aux procédures
d’importation/d’exportation des véhicules sont très variables selon les pays, de même que leur
mise en application. Ces différences ne facilitent pas la coopération internationale en matière de
lutte contre la criminalité transnationale liée aux véhicules automobiles.
Les véhicules ciblés par les malfaiteurs peuvent être classés en deux catégories. La première
concerne les véhicules que l’on trouve facilement, dont la marque et le modèle sont courants
(critère de la quantité). La seconde (critère de la qualité) inclut les véhicules extrêmement
lucratifs (les SUV – crossover – et les voitures de luxe, par exemple) qui font parfois l’objet d’une
commande particulière.
Parmi les pays membres ayant répondu au questionnaire, une majorité de 59 % ont fait part
d’un certain usage de la violence – à des degrés divers – lors des vols de véhicules. L’usage de la
violence et de substances psychotropes semble être plus fréquent dans les pays d’Amérique du
Sud que dans les autres régions du globe.
Une majorité de 87,7 % des pays membres indiquent que les véhicules volés sont acheminés –
en entier ou en pièces détachées – vers les pays voisins. Il n’existe pas à ce jour d’analyse
détaillée des itinéraires ou de leur évolution.
Le fait de parler la même langue et d’avoir les mêmes origines ethniques, ainsi que la structure
homogène des organisations criminelles, sont des facteurs qui jouent un rôle important car ils
contribuent à faciliter le transport des marchandises illicites en général, et des véhicules
automobiles volés en particulier.
La criminalité organisée transnationale liée aux véhicules a souvent des liens avec d’autres
domaines de criminalité tels que la corruption, le terrorisme, le vol avec violence, le trafic d’êtres
humains, le trafic de stupéfiants et le commerce illicite d’armes.
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INTRODUCTION
Le vol d’une voiture dans un moment d’égarement par un groupe d’adolescents excités qui font
un tour au volant est une infraction relativement mineure si on la compare avec le vol d’une
voiture vieille d’un an dans la région du Grand Toronto (Canada), qui se retrouve un mois plus
tard dans un conteneur embarqué sur un navire dans le port de Rotterdam (Pays-Bas) à
destination du Ghana, en Afrique1. Pour les propriétaires des véhicules, il s’agit simplement,
dans un cas comme dans l’autre, d’une affaire de vol de véhicule. Or, dans le cas de l’acte
criminel, les conséquences peuvent être beaucoup plus graves.
La criminalité liée aux véhicules automobiles ou aux véhicules automobiles volés est bien
spécifique. De manière générale, la législation fait la différence entre les infractions suivantes :
détournement, escroquerie à l’assurance, virée en voiture volée, vol, piraterie routière (vol d’un
véhicule avec violence ou menaces à l’encontre du conducteur) ou home-jacking (vol d’un
véhicule après intrusion dans une habitation pour se procurer les clés).
Aux yeux des services chargés de l’application de la loi, la criminalité liée aux véhicules
automobiles n’a pas toujours le même degré de priorité que des domaines de criminalité tels
que les stupéfiants, le trafic d’êtres humains, les abus pédosexuels et le terrorisme. Or, en
matière de lutte contre la criminalité organisée transnationale, les véhicules automobiles volés
doivent, dans de nombreux cas, être considérés comme des instruments utilisés pour
commettre des infractions. Les véhicules volés servent en effet à : transporter le butin des
braqueurs de banques ; payer des drogues illicites ; acheminer les victimes des trafics d’êtres
humains ; et enfin, dissimuler des explosifs.
1
http://www.thestar.com/news/investigations/2009/07/11/vehicles_stolen_in_gta_shipped_around_the_world.html ;
consulté le 4 septembre 2013.
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BUTS ET OBJECTIFS
Dans le but d’identifier les organisations criminelles transnationales impliquées dans cette
activité et d’élaborer des stratégies préventives et répressives communes, EUROPOL et
INTERPOL ont soumis en 2012 à leurs membres du monde entier un questionnaire commun dont
l’objectif est d’obtenir un aperçu complet, au niveau mondial, de la criminalité liée aux véhicules,
à la fois pour les pays membres d’EUROPOL et d’INTERPOL et pour leurs services chargés de
l’application de la loi.
Le présent rapport est, à cet égard, une première ébauche. Ses résultats et ses lacunes pourront
servir de point de départ à une prochaine analyse approfondie de certains aspects de la
criminalité liée aux véhicules.
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MÉTHODOLOGIE, PERIMETRE ET LIMITES DE L’ÉTUDE
Au départ, EUROPOL et INTERPOL avaient pour but de présenter leurs propres analyses à leurs
pays membres respectifs.
INTERPOL a envoyé le questionnaire – pour les années 2009, 2010 et 2011 – à 162 de ses pays
membres (ses 190 pays membres moins les 28 pays de l’UE), 11 sous-B.C.N. (Bermudes,
Gibraltar, îles Caïmanes, Anguilla, Montserrat, îles Vierges du Royaume-Uni, îles Turques et
Caïques, Porto Rico, Samoa-américaines, Hong Kong et Macao) et la mission des Nations Unies
au Kosovo (MINUK), soit au total 174 questionnaires. Le présent rapport effectue la synthèse des
49 réponses (28 %) reçues par INTERPOL, notamment de la part de l’Irlande (pays membre de
l’UE) et de deux États australiens (la Tasmanie et la Nouvelle-Galles du Sud).
Vue d’ensemble des pays membres d’INTERPOL ayant répondu au questionnaire (en orange)
En mettant l’accent sur les aspects concrets de la forme de criminalité étudiée (auteurs des
infractions, lieux, modes opératoires, etc.), le questionnaire visait à recueillir des informations
qui puissent être analysées. Or, l’analyse des réponses a été rendue difficile du fait des
différences en matière de technologie, de législation et de procédures entre les pays membres.
Les statistiques relatives à la criminalité liée aux véhicules automobiles sont par exemple
influencées par les différentes méthodes de classification des infractions (notamment selon les
catégories suivantes : escroquerie à l’assurance, vol de véhicule, piraterie routière ou production
de faux documents de voiture). Les pays membres peuvent aussi utiliser des méthodes
différentes pour présenter les informations et établir les statistiques, ce qui rend toute
comparaison difficile. Seules les réponses pertinentes applicables et se prêtant à la comparaison
sont prises en compte dans le présent rapport. Le taux de réponse de 28 % diminue qui plus est
la fiabilité globale de l’analyse.
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Le questionnaire ne faisait pas de distinction entre le système de conduite utilisé (à droite ou à
gauche de la route). Il est raisonnable de penser que la criminalité liée aux véhicules automobiles
est influencée par le système en vigueur dans chaque pays. À l’échelle mondiale, 30 % des pays
ont une conduite à gauche, et sur les 49 pays ayant répondu au questionnaire, 17 sont dans ce
cas. Cela représente 34,7 % du nombre total des réponses, soit plus ou moins l’équivalent de la
situation mondiale.
Un autre facteur entre en ligne de compte dans l’analyse : la situation nationale des pays
membres. Les pays qui sortent d’un conflit ont souvent du mal à fournir des informations fiables
en raison de l’absence d’archives ou du fait qu’elles ont été détruites. La dimension sociale des
réfugiés, des migrants ou des personnes déplacées est un autre aspect à prendre en compte.
Une mission des Nations Unies est actuellement présente dans cinq des pays ayant répondu au
questionnaire, soit 10,2 % du total des réponses.
L’utilisation d’informations complémentaires provenant des statistiques et des rapports
d’analyse d’INTERPOL ainsi que de sources publiques ont permis de réaliser une analyse plus
complète de la situation actuelle – au niveau mondial – de la criminalité liée aux véhicules
automobiles et de ses liens avec la criminalité organisée transnationale.
Bien que le questionnaire ayant servi de base à l’analyse traitât de différentes catégories de
véhicules (voitures, poids lourds, remorques, autocars, motos de plus de 50 cm3, engins de
chantier et véhicules agricoles), le présent rapport porte principalement sur les voitures
particulières.
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1.
LIENS ENTRE LA CRIMINALITÉ LIÉE AUX VÉHICULES AUTOMOBILES ET LA CRIMINALITÉ
ORGANISÉE TRANSNATIONALE
Pour commencer, il est important de savoir qu’il n’existe pas de norme, de modèle ou
d’instrument de mesure précis pour évaluer l’ampleur de la criminalité organisée dans son
ensemble. Les organisations criminelles évoluent, de par nature, dans un monde complexe fait
de dissimulation, de liens cachés et d’argent liquide, où les enquêtes ne peuvent s’appuyer sur
aucune trace écrite – ou presque. Dans le meilleur des cas, des estimations peuvent être
obtenues à partir de statistiques, de modèles d’échanges économiques et de flux financiers
connus, conjugués avec les données relatives aux saisies, aux arrestations et aux condamnations
prononcées.2 3
Ensuite, pour ce qui est de la présente analyse, il est important d’avoir conscience que dans de
nombreux cas, la criminalité liée aux véhicules automobiles n’est pas une activité isolée mais a
au contraire des liens avec la criminalité organisée transnationale, et souvent avec d’autres
domaines de la grande criminalité.
Dans son rapport de 2012 sur la criminalité liée aux véhicules, le Bundeskriminalamt allemand
fait par exemple état du grand professionnalisme des organisations criminelles. Le matériel
technique utilisé pour contourner les protections électroniques des véhicules, l’acheminement
discret des véhicules volés et leur désossage, la falsification des papiers des véhicules et la
modification des marques d’identification, ainsi que les perspectives de débouchés commerciaux
à grande échelle dans le monde entier, sont autant d’aspects de cette activité criminelle qui
nécessite non seulement d’énormes moyens logistiques mais aussi de grandes compétences
professionnelles et organisationnelles.4
Il est par conséquent important, la première fois qu’ils sont confrontés à une infraction relative à
des véhicules volés, que les services chargés de l’application de la loi déterminent si l’affaire peut
avoir un lien avec la criminalité organisée ou s’il s’agit d’un cas isolé (une virée dans une voiture
volée, par exemple). En cas de lien possible avec la criminalité organisée, l’affaire doit être
enregistrée dans les bases de données nationales afin de permettre l’établissement de
statistiques concernant la criminalité organisée (transnationale).
Les pays ayant répondu au questionnaire ont souligné la présence d’organisations criminelles
dans le domaine de la criminalité liée aux véhicules automobiles, ainsi que la dimension
transnationale de leurs activités. Sur les 49 réponses reçues, 44 ont reconnu l’implication
d’organisations criminelles dans les affaires de véhicules volés (soit un pourcentage de 89,8 %).
Il est, à cet égard, intéressant de regarder de plus près le mode d’organisation des services de
police travaillant sur cette forme de criminalité. Sur les 49 pays ayant répondu au questionnaire,
40 (82 %) ont indiqué avoir mis en place au niveau national des unités spécialisées ou organise
des opérations régulières concernant la criminalité liée aux véhicules automobiles. Six pays
membres ne se sont pas prononcés sur le sujet, et trois seulement (6 %) ont répondu ne pas
disposer d’unité de ce type. L’existence d’un grand nombre d’unités spécialisées dans la
criminalité liée aux véhicules automobiles pourrait être utile pour entreprendre et faciliter
l’établissement de statistiques sur cette forme de criminalité.
2
3
4
Van Dijk, Jan. Mafia markers: assessing organized crime and its impact upon societies, Springer Science +
Business Media, p. 1, 9 octobre 2007.
Shaw, Mark et Reitano, Tuesday. The evolution of organised crime in Africa. Towards a new response,
Institute for Security Studies, document 244, p. 6, avril 2013.
Bundeskriminalamt, KFZ-Kriminalität, Bundeslagebild 2012, p. 8.
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Enfin, la base de données d’INTERPOL sur les véhicules automobiles volés – et sa fonction de
recherche automatisée – est un outil qui permet d’ores et déjà d’établir des statistiques
homogènes.
2.
DIMENSION ÉCONOMIQUE DE LA CRIMINALITÉ LIÉE AUX VÉHICULES AUTOMOBILES
Le vol, le détournement, la prise en charge ou l’acheminement d’un véhicule volé, ainsi que les
profits et la condamnation – en cas d’arrestation – qui en résultent, sont soumis à des principes
économiques de base : le rapport coûts-bénéfices, et le principe de l’offre et de la demande. Les
auteurs de ces infractions et les organisations criminelles impliquées peuvent avoir des profils
complètement différents selon les régions du globe dans lesquelles ils se trouvent, mais tous
sont régis par ces principes économiques. Comme l’a formulé le Groupe d’action financière
internationale (GAFI) dans son rapport de 2011 intitulé « Money Laundering Risks Arising from
Trafficking in Human Beings and Smuggling of Migrants » :
« Les organisations criminelles se constituent dans l’optique finale de récolter le plus de
bénéfices possible ; elles se livrent à toute sorte d’activité avec pour objectif d’accroître
au maximum leurs bénéfices ; elles sélectionnent leur champ d’opération en fonction des
profits qu’elles peuvent en retirer, coopèrent entre elles uniquement dans la mesure où
elles en tirent profit, et ainsi de suite. »5
La criminalité liée aux véhicules n’échappe pas à cette règle, et elle est source d’argent facile.
Partout dans le monde, les braqueurs de véhicules bien entraînés et expérimentés mettent cinq
à dix minutes pour ouvrir et démarrer une voiture neuve. Les facteurs entrant en ligne de
compte dans le calcul des coûts/bénéfices sont les suivants :
- Un investissement relativement faible est requis pour se procurer les outils
nécessaires à ce type d’infraction.
- En comparaison avec d’autres infractions, la peine encourue en cas de condamnation
est généralement faible.
- L’offre et les possibilités sont vastes dans les régions d’origine ; la demande
potentielle est énorme dans les régions de destination.
Il n’existe pas à l’échelle mondiale de statistiques comparatives sur le préjudice financier causé
par la criminalité liée aux véhicules automobiles. Les compagnies d’assurance, qui assurent les
véhicules, produisent des données financières sur leurs résultats commerciaux. Il arrive parfois
que ces compagnies se regroupent en associations et établissent des statistiques financières
harmonisées qui permettent de comparer les résultats. À ce jour, les statistiques financières
générées par les compagnies d’assurance semblent être les données les plus objectives qui
soient pour calculer le préjudice financier causé par la criminalité liée aux véhicules automobiles
en ce qui concerne les véhicules. Le problème est qu’elles ne tiennent pas compte des pertes
financières annexes telles que les dépenses engagées par les services judiciaires et chargés de
l’application de la loi pour lutter contre cette forme de criminalité.
Une analyse effectuée par une compagnie d’assurance britannique donne un ordre de grandeur
du préjudice financier causé par ce type de criminalité : en 2011, 65 000 véhicules ont été volés
au Royaume-Uni et jamais retrouvés. D’après les données provenant de 3 000 déclarations de
vol, la valeur moyenne de chaque véhicule volé était de 4 600 GBP (5 474 EUR), soit un total de
355 millions d’EUR par an.6
5
6
Money Laundering Risks Arising from THB and Smuggling of Migrants, GAFI, 2011.
http://www.swiftcover.com/about/press/recovered-unrecovered/, consulté le 6 septembre 2013.
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Le Bundeskriminalamt allemand utilise les chiffres de 2011 communiqués par l’association
allemande des compagnies d’assurance pour évaluer le préjudice financier causé par la
criminalité liée aux véhicules, à savoir quelque 260 millions d’EUR. Ce montant ne représente
que les véhicules volés (et non, par exemple, les véhicules qui disparaissent dans le cadre d’une
escroquerie). Le préjudice financier total s’est accru de près de 1 % par rapport à 2010 et de
19 % par rapport à la moyenne totale des cinq précédentes années. Le montant moyen des
déclarations de vols individuelles a lui aussi augmenté, un phénomène qui pourrait s’expliquer
par la hausse de la valeur commerciale de la moyenne des véhicules volés, ou par la tendance au
ciblage de véhicules de plus grande valeur.7
Une autre évaluation du préjudice financier est fournie par le National Motor Vehicle Theft
Reduction Council, composé de l’ensemble des organismes publics et des acteurs du secteur de
l’assurance australiens. Selon cette instance, la hausse des primes d’assurance et des requêtes
dont est saisi le système judiciaire coûte à la société australienne plus de 610 millions de dollars
australiens par an (422 millions d’euros).8
PARTIES PRENANTES
Le diagramme ci-dessous représente les différents acteurs concernés par la criminalité liée aux
véhicules automobiles.
Constructeurs automobiles
Services chargés de l’application
de la loi
Compagnies d’assurance
Propriétaire du
véhicule
Services chargés des immatriculations
Entreprises ayant une activité en rapport
avec les véhicules (sociétés de location,
garages)
Législateurs / ministères de la
Justice
L’interaction entre ces parties prenantes n’est évidemment pas nouvelle. Leur coopération est
un domaine à approfondir. Les services chargés de l’application de la loi pourraient jouer un rôle
clé dans la mise sur pied de mesures à la fois préventives et répressives à l’égard de la criminalité
liée aux véhicules automobiles, en collaboration avec une ou plusieurs des autres parties
prenantes.
LÉGISLATION
La législation relative aux véhicules est très variable selon les pays. L’assurance obligatoire des
véhicules peut être en vigueur dans un pays depuis des décennies mais être encore peu
courante dans un autre. Par ailleurs, comme le montrent les réponses détaillées au
questionnaire, un véhicule importé n’est pas toujours soumis à un contrôle technique avant
d’être enregistré dans une base de données nationale.
7
8
Bundeskriminalamt, KFZ-Kriminalität, Bundeslagebild 2012, p. 4.
http://www.carsafe.com.au/, consulté le 25 septembre 2013.
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La question « Pouvez-vous indiquer quelles lacunes de votre législation nationale et/ou de votre
procédure administrative d’immatriculation des véhicules sont exploitées par les malfaiteurs ? »
a donné lieu aux réponses suivantes. Six pays membres n’ont pas répondu (12,2 %), 23 ont
répondu par la négative (47 %) et 20 autres par l’affirmative (40,8 %).
Parmi les 20 pays ayant répondu par l’affirmative, la moitié ont indiqué qu’il existait des lacunes
dans la procédure administrative. En d’autres termes, 10 pays (20 %) sur les 49 ayant répondu au
questionnaire ont repéré des failles dans leur législation. Leurs réponses détaillées étaient les
suivantes :
- Le vol de véhicules et de pièces détachées n’est pas considéré comme une infraction
en soi.
- La politique en matière pénale et procédurale n’est pas adaptée.
- Un véhicule peut sortir de la zone sous douane sans être immatriculé.
- Les véhicules à usage commercial (camionnettes et engins de chantier) ne sont pas
soumis à un contrôle.
- Aucun contrôle technique n’est requis pour immatriculer un véhicule.
- Le document d’immatriculation des véhicules ne comporte aucune inscription en
relief.
- Il n’existe pas de certificats d’identification des véhicules.
- Il n’existe pas de règles concernant le dédouanement pour les véhicules importés
dans les ports.
- Le vol de véhicules est défini dans le Code pénal par deux qualifications (vol ou virée
en voiture).
- Le numéro d’identification d’un véhicule peut être enregistré simultanément dans
plusieurs États (au sein d’une fédération d’États).
Hormis les différences qui existent entre les législations nationales, la modification d’un texte de
loi peut soit ouvrir de nouvelles possibilités en termes d’activité criminelle, soit faire obstacle à la
criminalité liée aux véhicules automobiles. Voici quelques exemples :
En 2011, le gouvernement bolivien a engagé une procédure d’amnistie visant à régulariser
les véhicules non immatriculés. L’administration des douanes bolivienne a alors reçu plus
de 120 000 demandes de la part du public. La procédure de régularisation a mis au jour un
nombre indéterminé de véhicules volés provenant des pays voisins.9
Le Soudan, qui est déjà frappé par un embargo commercial des États-Unis, a récemment
limité ses importations de pièces détachées pour les équipements de base et les véhicules
d’occasion. En plus de provoquer une hausse de 30 % du prix des stocks actuels, cela
favorise le marché noir et la production de copies (illicites).10 11
9
10
11
http://en.mercopress.com/2012/02/03/bolivian-government-promises-neighbouring-countries-to-returnthousands-of-stolen-cars, consulté le 25 septembre 2013.
http://www.reuters.com/article/2012/03/14/sudan-economy-idUSL5E8EB2TE20120314, consulté le
25 septembre 2013.
Réponse du Soudan à la question 2.3.12 du questionnaire.
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Il y a quelques années, l’Ukraine a adopté une loi autorisant l’État à devenir propriétaire
des véhicules faisant l’objet d’une confiscation. L’État peut ensuite décider de vendre ou
d’utiliser ces véhicules. Pour citer un exemple, un véhicule volé en Allemagne qui, à son
passage à la frontière ukrainienne, est identifié comme ayant été volé, peut être désaliéné
sur décision de justice et utilisé par l’État.12 Le Mexique possède une législation similaire.13
CONSTRUCTEURS AUTOMOBILES
Les constructeurs automobiles sont naturellement dans l’obligation de respecter les règles et les
réglementations en matière de sécurité, mais aussi celles ayant trait à la lutte contre la
criminalité liée aux véhicules automobiles. Il est donc courant qu’ils procèdent au marquage
obligatoire du numéro d’identification du véhicule lors du processus de fabrication – du moteur,
de l’arbre de transmission et de certaines parties du châssis, par exemple.
De nombreux autres outils de prévention des vols de véhicules sont techniquement disponibles
tels que les alarmes, les dispositifs de traçage et d’immobilisation, ou encore les identifiants
microscopiques (appelés « datadots ») appliqués sur les véhicules et les pièces détachées.
L’utilisation ou non par les constructeurs d’une ou de plusieurs de ces méthodes au cours du
processus de fabrication est déterminée par le principe économique de base des coûts/bénéfices
qu’elle procure.
COMPAGNIES D’ASSURANCE
Les compagnies d’assurance jouent un rôle important dans le contexte – complexe – des vols de
véhicules automobiles, mais uniquement dans les pays où les véhicules peuvent être assurés
contre le vol. Tous les pays du monde ne possèdent pas de législation obligeant le propriétaire
d’un véhicule – utilisé sur la voie publique – à souscrire une assurance pour protéger soit luimême, soit la tierce partie subissant un préjudice lié à l’utilisation du véhicule.
Le questionnaire ne portait pas spécifiquement sur le rôle des compagnies d’assurance au regard
de la criminalité liée aux véhicules automobiles. Deux pays membres (8 % du total des réponses)
ont toutefois fait mention de ces compagnies dans leur réponse à la question « Les organisations
criminelles utilisent-elles des structures commerciales licites (services chargés des
immatriculations, sociétés de crédit-bail, garages, etc.) pour mener leurs activités ? ».
Aucune analyse exhaustive n’a été réalisée au sujet des pertes financières essuyées par les
compagnies d’assurance en rapport avec les vols de véhicules. Une coopération durable entre
ces compagnies et les services chargés de l’application de la loi pourrait être utile pour lutter
contre la criminalité liée aux véhicules automobiles. Cette coopération existe déjà sous la forme
du National Motor Vehicle Theft Reduction Council, qui réunit l’ensemble des organismes publics
et des acteurs du secteur de l’assurance australiens14, et produit des statistiques détaillées.
D’autres initiatives de ce type sont recommandées.
12
13
14
http://www.spiegel.de/international/europe/state-sanctioned-theft-a-paradise-for-car-thieves-in-ukrainea-803728.html, consulté le 26 septembre 2013.
Petrossian et Clarke, Export of Stolen Vehicles Across Land Borders, ministère de la Justice des États-Unis,
p. 16, 2012.
http://www.carsafe.com.au/about-us, consulté le 26 septembre 2013.
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3.
VÉHICULES CIBLÉS
Les véhicules les plus ciblés par les organisations criminelles transnationales sont les marques et
les modèles qui possèdent un ample réseau de distribution dans le commerce licite (à la fois
pour les véhicules et les pièces détachées), et sont donc relativement plus demandés par les
clients.15 Les grands noms de la construction automobile (tels que Toyota) sont de bons
exemples de ce vaste réseau légal de distribution, à la fois pour les véhicules et les pièces
détachées. Les réponses au questionnaire mettent en évidence le principe économique de l’offre
et de la demande.
Les graphiques ci-après illustrent la répartition des 49 réponses ayant été fournies à la question :
« Quelles sont les 10 principales marques de voitures ayant été volées en 2009, 2010 et
2011 ? ».
Marques de voitures les plus souvent ciblées en
2009
18
16
14
12
10
8
6
4
2
0
15
Total
McDonold, Christopher T. The Changing Face of Vehicle Theft, The Police Chief 78, juillet 2011.
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Marques de voitures les plus souvent ciblées en
2010
7
6
5
4
3
Total
2
1
0
Marques de voitures les plus souvent ciblées en 2011
7
6
5
4
3
2
Total
1
Camions
Suzuki
Range Rover
Skoda
Jailing
Fiat
Lexus
Mazda
Citroen
Hyundai
Chevrolet
Ford
Mitsubishi
Renault
Audi
Isuzu
BMW
Volkswagen
Mercedes
Honda
Pas de réponse
Toyota
0
Les réponses à la question 2.3.12 du questionnaire – « Quelle est au final la principale
destination/utilisation des véhicules volés dans votre pays (par exemple : revente sur le marché
national en tant que véhicule d’occasion, trafic à l’étranger, désossage, etc.)? » – sont
récapitulées ci-après.
42 pays membres ont indiqué que la plupart des véhicules volés étaient vendus, soit en entier,
soit en pièces détachées. Trois pays n’ont pas répondu à la question, et quatre ont précisé que
les véhicules volés étaient utilisés dans le cadre d’autres activités criminelles, par exemple
comme monnaie d’échange contre de la drogue.
Aucune donnée précise n’est disponible concernant la répartition de l’usage des véhicules volés.
Les données fournies par la Colombie permettent cependant d’avoir une idée de la destination
finale de ces véhicules : selon ce pays, 70 % des véhicules volés sont vendus sur le marché de
l’occasion ou désossés pour en tirer des pièces détachées, et 30 % sont exportés illégalement.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Au Paraguay, 60 % de ces véhicules sont revendus sur le marché de l’occasion, 15 % désossés
pour en tirer des pièces détachées, 15 % utilisés dans le cadre d’autres activités criminelles, et
10 % exportés vers les pays voisins. 16
Des informations plus nombreuses et plus détaillées sont nécessaires pour réaliser une analyse
approfondie des types de véhicules qui sont ciblés par les organisations criminelles
transnationales. Les données dont on dispose montrent que les véhicules ciblés peuvent être
classés en deux catégories. La première inclut les marques et les modèles qui sont faciles à
trouver (critère de la quantité), comme c’est le cas pour les véhicules Toyota (voir les trois
précédents graphiques). La seconde catégorie comprend les véhicules extrêmement lucratifs ou
faisant l’objet d’une commande particulière (critère de la qualité). Les SUV – ou crossover –
destinés à l’Afrique – où le terrain se prête à l’utilisation de ce type de véhicule –, les voitures de
luxe au prix élevé, les camions, autocars, engins de chantier et véhicules agricoles (ou autres
engins spécialisés) rentrent également dans cette catégorie.
16
Réponses au questionnaire EUROPOL-INTERPOL de 2012 sur la criminalité liée aux véhicules automobiles.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
En novembre 2004, les troupes de la coalition présentes en Iraq ont découvert, lors d’un raid
contre une usine de fabrication de bombes à Falloujah, un SUV immatriculé au Texas (États-Unis)
qui était en train d’être équipé d’engins explosifs. On s’est aperçu, après vérification de son
numéro d’identification, que le véhicule avait été déclaré volé. Bien que rien n’indiquât que le
véhicule ait été volé tout spécialement pour commettre des actes terroristes, les spécialistes du
terrorisme ont conclu que les insurgés iraquiens préféraient les modèles de véhicules américains
car ils « […] ont tendance à être plus grands, à passer plus facilement inaperçus au sein des
convois de l’État et des sous-traitants privés américains, et à être plus difficiles à identifier
comme ayant été volés.17
Les informations ci-dessus relatives aux véhicules automobiles les plus ciblés par les
organisations criminelles transnationales coïncident avec l’état du trafic international des
véhicules volés figurant dans l’évaluation commune 2012 de la menace de la criminalité
organisée dans la région de l’Europe du Sud-Est. Comme l’indiquent les pays membres : « Les
vols de véhicules concernent principalement les marques et les modèles qui sont les plus
demandés sur le marché régional ou alentour, mais aussi des marques/modèles bien précis
faisant l’objet de commandes particulières. »18
17
18
The Boston Globe, US car theft rings probed for ties to Iraq bombings, Bryan Bender, 2 octobre 2005.
OCTA-SEE 2012 Common Threat Assessment on Organized Crime for Southeast European Region, p. 37.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
4.
MODES OPÉRATOIRES
4.1
Introduction
Les réponses à la question 2.3.10 – « Quel est le mode opératoire le plus souvent utilisé pour le
vol de véhicules (vol de la clé, désactivation du dispositif d’immobilisation, escroquerie, homejacking, etc.) ? » – sont variées : techniques de diversion, escroquerie, utilisation d’une clé
similaire, home-jacking, démarrage avec les fils de contact, vol de la clé, vol du véhicule à l’aide
d’une dépanneuse, désactivation du dispositif d’immobilisation ou du système d’alarme,
piraterie routière (parfois en association avec un enlèvement), vol à main armée et utilisation
d’une substance psychotrope.
Cinq pays membres n’ont pas donné de réponse, ou ont donné une réponse générale (par
exemple : « Tous les modes opératoires »). L’utilisation d’un – ou de plusieurs – mode(s)
opératoire(s) non violent(s) a été citée par 36 pays membres, alors que l’usage de la violence a
été mentionné par 8 pays.
Modes opératoires
Pas de réponse ou réponse
générale
Modes opératoires non violents
Usage de la violence
Parmi les 8 pays membres ayant fait état de l’usage de la violence et d’une substance
psychotrope, 6 se trouvent en Amérique du Sud.
Les réponses à la question 2.3.14 (« Est-il fait usage de la violence, et si oui, comment et contre
qui ? ») sont récapitulées ci-dessous.
Deux pays membres (4 %) n’ont pas donné de réponse ; 18 (37 %) ont répondu à la question par
la négative, contre 29 (59 %) par l’affirmative, avec des degrés de violence très variés.
L’usage de la violence dans le cadre de la criminalité liée aux véhicules automobiles pourrait être
un sujet intéressant à traiter lors d’études ultérieures.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
4.2
Frontières
Les véhicules volés sont immédiatement dissimulés (par l’ajout de pièces provenant de véhicules
licites, le changement de la plaque d’immatriculation ou le désossage) et éloignés dès que
possible de l’endroit où ils ont été volés. Parce qu’un véhicule volé est rapidement déplacé (en
entier ou en pièces détachées) au-delà des frontières régionales, fédérales ou internationales –
et donc du champ de compétences des instances judiciaires, administratives et policières –, il
devient plus difficile à localiser. Lorsqu’un véhicule volé en Allemagne est immédiatement
acheminé à travers l’espace Schengen de libre-circulation à destination, par exemple, de la
Belgique, du Luxembourg et de la France, il devient quasiment invisible pour les services chargés
de l’application de la loi, et ce malgré l’existence du Système d’information Schengen, qui
permet aux pays membres de l’espace Schengen de signaler un véhicule ayant été déclaré volé
sur leur territoire.
Par ailleurs, il est très important, lorsque l’on analyse les informations relatives aux frontières et
à leur gestion dans le contexte de la criminalité organisée transnationale, de prendre en
considération à la fois la disponibilité des véhicules et l’emplacement géographique. La longueur
des frontières, l’existence de ports, le terrain et l’infrastructure sont autant de facteurs à
prendre en compte.
En 2012, les États américains de Californie et de Washington (ayant respectivement une
frontière avec le Mexique et le Canada) comptaient 10 villes ayant enregistré le plus grand
nombre de véhicules volés.19
Le même constat a été fait en Allemagne en 2012 : la plupart des vols de véhicules ayant été
perpétrés au cours des années précédentes avaient eu lieu à Berlin (située à proximité de la
frontière avec la Pologne) et à Hambourg (où se trouve un grand port). Une information
intéressante et complémentaire est que ce constat est le même pour le vol de biens à l’intérieur
des véhicules.20
La question 2.4.2 (« Le nombre de vols de véhicules est-il plus élevé à proximité des
frontières ? ») a donné lieu aux réponses ci-dessous.
Cinq pays membres n’ont pas donné de réponse ; 10 ont répondu par l’affirmative et 34 par la
négative.
La majorité des réponses (63,3 %) indiquent que le nombre de vols de véhicules n’est pas plus
élevé à proximité des frontières. Ce résultat est apparemment en contradiction avec l’idée selon
laquelle les véhicules volés doivent être acheminés dès que possible loin de l’endroit où le vol a
été commis, de préférence dans un autre pays afin d’éviter qu’ils ne soient découverts. Ces
réponses doivent toutefois être examinées en tenant compte de l’emplacement géographique et
de la disponibilité des véhicules ciblés. La section suivante, qui traite des itinéraires, fournit
quelques éclaircissements sur le sujet.
4.2.1 Itinéraires
Les réponses à la question 2.3.7 (« Quels sont les itinéraires de transfert des véhicules volés ? »)
sont les suivantes.
19
20
https://www.nicb.org/theft_and_fraud_awareness/top-places-for-vehicle-thefts (National Insurance Crime
Bureau), consulté le 30 septembre 2013.
Bundeskriminalamt, KFZ-Kriminalität, Bundeslagebild 2012, p. 5.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Six pays membres (12,2 %) n’ont pas donné de réponse. Neuf (18,4 %) ont répondu que les
véhicules volés étaient acheminés – en entier ou en pièces détachées – par voie maritime ;
34 (69,4 %) ont indiqué que les véhicules traversaient la frontière par voie terrestre.
Itinéraires
Pas de réponse
Voie terrestre
Voie maritime
Là encore, le facteur de l’emplacement géographique doit être pris en compte lors de l’analyse
des réponses.
Si nous assimilons les ports maritimes à des postes-frontières, le résultat est que dans 87,7 % des
pays membres ayant répondu au questionnaire (43 réponses), les véhicules volés sont
acheminés – en entier ou en pièces détachées – vers les pays voisins.
De manière générale, l’existence de zones de libre-circulation ou de ports francs soumis à des
réglementations douanières particulières présente un intérêt pour ce qui est des itinéraires. Le
Japon – qui compte trois ports francs – et Doubaï (aux Émirats arabes unis) sont souvent cités
comme figurant sur les itinéraires de transfert des véhicules volés. Cela n’est pas surprenant car
de grandes quantités de marchandises transitent par ces zones. Un grand nombre de véhicules,
importés ou exportés légalement, sont gérés sur ces sites par des sociétés spécialisées. Il arrive
parfois que les autorités nationales sous-traitent les opérations d’importation ou d’exportation à
ces mêmes sociétés. On citera comme exemple la société Japan Export Vehicle Inspection Center
Co. Ltd (JEVIC), qui est chargée au Japon, à Singapour, à Doubaï et au Royaume-Uni du contrôle
des véhicules exportés vers la Zambie via l’Afrique du Sud.21
Un autre sujet intéressant au regard du présent rapport ou des études ultérieures consacrées à
la criminalité transnationale liée aux véhicules automobiles est la question de l’existence d’une
législation particulière concernant le transfert des véhicules entre des pays voisins. Pour citer un
exemple, il existe entre le Népal et l’Inde une législation sur la circulation transfrontière qui
autorise les déplacements vers le pays voisin et la ville frontalière la plus proche pendant une
journée. Le problème est qu’à cause de cette législation particulière datant de 1960, « des
milliers de voitures et de motos sont volés chaque année en Inde et acheminés illicitement au
Népal ».22
21
22
Bureau des normes de Zambie, note aux exportateurs et importateurs de véhicules automobiles d’occasion,
25 juillet 2011.
Annex I – The impact of organized crime on governance: a case study of Nepal, New York University, Center
on International Cooperation, Dr. Vanda Felbab-Brown, juin 2013, p.76.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Ni le questionnaire, ni le temps dont nous disposons ne permettent de réaliser une synthèse
exhaustive des zones d’engorgement, plaques tournantes et itinéraires caractéristiques de la
criminalité liée aux véhicules volés. En règle générale, les itinéraires empruntés pour acheminer
des marchandises illicites évoluent et changent à mesure qu’ils sont mis au jour, que les
organisations criminelles sont dérangées dans leurs activités, que de nouveaux gouvernements
arrivent au pouvoir et que des conflits armés éclatent. Si certains itinéraires sont bien connus,
aucune étude détaillée de leur évolution n’a vraisemblablement été réalisée.
4.2.2
Gestion des frontières
Une fois mise en évidence l’importance des frontières dans les acheminements transfrontières
des véhicules volés, on comprend mieux le rôle primordial de la gestion des frontières et la place
essentielle qu’elle occupe dans la déstabilisation des flux illicites de véhicules volés et de leurs
pièces détachées.
La mise en évidence des plaques tournantes et des itinéraires mondialement connus devrait être
une première étape dans le processus de gestion des frontières. D’après la lecture rapide qui en
a été faite, les rapports sur la criminalité organisée transnationale font mention de certains de
ces itinéraires et plaques tournantes.
Le port de Doubaï aux Émirats arabes unis est considéré par les services chargés de l’application
de la loi comme une zone de transit pour l’acheminement des véhicules volés et de leurs pièces
détachées dans tout le Moyen-Orient.23 On a par exemple découvert que des voitures volées au
Japon avaient été désossées et acheminées à Doubaï, où elles avaient été réassemblées et
exportées. Depuis 2000, les itinéraires allant du Japon vers la Russie et la Chine continentale se
sont déplacés vers les Émirats et les pays d’Afrique.24
Un itinéraire couramment utilisé entre les pays d’Europe occidentale et ceux d’Europe du SudEst a été mis en évidence il y a plusieurs années : l’itinéraire des Balkans. On sait également par
des sources policières que les véhicules volés sont ensuite acheminés (en entier ou en pièces
détachées) vers l’Asie et le Moyen-Orient « en raison de la demande qui existe dans ces
régions ».25
Le Bundeskriminalamt allemand a mis en évidence des itinéraires d’acheminement vers l’Europe
de l’Est et l’Asie centrale qui transitent par la Pologne et la Lituanie (qui a une frontière avec la
Russie). Deux autres itinéraires conduisant vers le Moyen-Orient ont été découverts : l’un
transite par l’Espagne puis l’Afrique du Nord avant de se diriger vers l’est ; l’autre passe par la
Turquie pour s’orienter ensuite vers le sud-est. Un autre itinéraire va de l’Allemagne vers les
Pays-Bas, puis du port maritime de Rotterdam vers les pays d’Afrique. 26
23
24
25
26
http://www.theage.com.au/news/national/police-struggle-to-put-brake-on-stolen-cartraffic/2007/10/27/1192941402618.html, 2007, consulté le 30 septembre 2013.
http://injapan.gaijinpot.com/live/legal-issues/2010/08/31/car-theft-in-japan-the-trail-from-nagoya-toer
nairobi/, consulté le 1 octobre 2013.
OCTA-SEE 2012 Common Threat Assessment on Organized Crime for Southeast European Region, p. 37.
Bundeskriminalamt, KFZ-Kriminalität, Bundeslagebild 2012, p. 8 et 9.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Les Philippines – avec leurs nombreux ports – sont connues pour leur trafic à grande échelle de
toutes sortes de marchandises (illicites).27 Cela est corroboré par la réponse du pays à la
question 2.4.7 (« Pouvez-vous indiquer quelles lacunes de votre législation nationale et/ou de
votre procédure administrative d’immatriculation des véhicules sont exploitées par les
malfaiteurs ? »), qui indiquait notamment : « Du fait de l’absence de politique exigeant des
garanties ou le dédouanement des marchandises dans les ports, les véhicules volés sont
facilement acheminés d’une région à l’autre du pays. »28
L’instauration d’une coopération via l’échange d’informations et l’adoption d’une approche
commune entre les services chargés de l’application de la loi et ceux responsables de la gestion
des frontières – en partenariat avec les services chargés des immatriculations – pourrait
sensiblement améliorer la mise au jour et le démantèlement des trafics de véhicules
automobiles volés ou de leurs pièces détachées.
4.2.3
Langue et origine ethnique communes
Les réponses à la question 2.1.6 (« Les malfaiteurs étrangers utilisent-ils/reçoivent-ils l’aide des
ressortissants/résidents ayant la même nationalité d’origine ? ») sont récapitulées ci-dessous.
31 pays membres (63,3 %) ont répondu par l’affirmative.
14 pays membres (28,5 %) ont répondu par la négative ; quatre autres (8,2 %) ont soit indiqué
que la question était « sans objet », pas répondu ou dit ne pas savoir.
Utilisation par les malfaiteurs étrangers des
ressortissants locaux ayant la même
nationalité d'origine
Oui
Non
Pas de réponse, non applicable
Ce résultat est plus ou moins corroboré par les réponses à la question 2.1.7 (« Quelle est la
composition des organisations criminelles ? »).
27
28
US Central Intelligence Agency’s World Factbook, consulté le 30 septembre 2013.
Réponse des Philippines au questionnaire en 2013.
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26 pays membres (53,1 %) ont répondu « Homogène » et 17 (34,7 %) « Pluriethnique » ; quatre
(8,1 %) ont indiqué que la question était sans objet ou n’ont pas répondu. Enfin, deux pays
membres (4,1 %) ont indiqué « Les deux » (à la fois homogène et pluriethnique). Ces résultats
amènent à la conclusion que le fait de parler la même langue ou d’avoir la même origine
ethnique est un élément important dans le contexte de la criminalité transnationale liée aux
véhicules automobiles volés.
Composition des organisations criminelles
Homogène
Pluriethnique
Les deux
Pas de réponse, sans objet
Cela étant dit, il serait imprudent d’exclure la possibilité qu’une organisation criminelle ait des
membres ou coopère avec des organisations d’une autre origine ethnique. En fait, des
informations attestant le contraire ont déjà été recueillies.
Dans son article sur la criminalité organisée dans les Balkans occidentaux, voici comment Věra
Stojarová décrit les relations dans la région : « Des bandes de malfaiteurs originaires de
communautés ethniques mutuellement hostiles coopèrent entre elles sans se préoccuper de
leur hostilité officiellement déclarée ni de leur origine ethnique. »29
En Europe, l’existence de liens de coopération étroits entre les différentes organisations
criminelles a été reconnue. Cette coopération transcende les différences nationales, ethniques
et commerciales.30
De surcroît, dans un monde qui a encore rétréci – où les communications et les transports sont
facilités par les nouvelles technologies –, les ententes traditionnelles sont susceptibles d’évoluer
en fonction des besoins et des débouchés économiques.
29
30
HUMSEC Journal, Issue 1, Organized Crime in the Western Balkans (part of the Research Project ‘Political
Parties and Representation of Interests in Contemporary European Democracies’), Věra Stojarová, 2007,
p. 112.
Europol, EU Organised Crime Threat Assessment 2011, p. 8.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Par ailleurs, depuis plusieurs décennies, une vaste diaspora de réfugiés, de demandeurs d’asile,
de personnes déplacées et d’immigrants en situation régulière se trouve disséminée de par le
monde. Il est humain pour ces individus d’entretenir des liens étroits avec les autres membres
de leur communauté ethnique. Ces migrations s’accompagnent de la création de nouveaux liens
dans un nouveau contexte géographique qui, lui aussi, offre de nouvelles possibilités.
Cela nous amène à la conclusion que pour comprendre les organisations criminelles opérant au
niveau transnational, il faut également comprendre le contexte ethnique, historique, politique et
socioéconomique, ce qui nécessite un examen ultérieur plus approfondi.
4.3
Facilitation des activités
Le questionnaire comprend trois questions relatives aux moyens (relations personnelles ou
structures commerciales) permettant de faciliter les activités criminelles transnationales liées
aux véhicules volés.
Les réponses à la question 2.1.6 (« Les malfaiteurs étrangers utilisent-ils/reçoivent-ils l’aide de
ressortissants/résidents ayant la même nationalité d’origine ? ») sont récapitulées ci-dessous.
31 pays membres (63,3 %) ont indiqué que les malfaiteurs étrangers avaient des liens avec des
ressortissants locaux. 20 types de soutien apportés par ces ressortissants ont été cités, tels que :
hébergement, traduction, fourniture d’une adresse postale, participation aux activités
criminelles en tant qu’acheteur, transporteur ou prospecteur, ou intervention dans le processus
de transformation des véhicules volés. 14 pays membres (28,7 %) ont indiqué ne pas avoir
constaté de tels liens, et quatre n’ont pas répondu à la question.
Un autre aspect de la facilitation était abordé à la question 2.1.10 (« Les malfaiteurs étrangers
disposent-ils d’une base d’opération permanente dans votre pays ou sont-ils installés
ailleurs ? »).
31 pays membres (63,3 %) ont répondu par la négative, et 6 n’ont pas répondu. 13 (26,5 %) ont
indiqué avoir repéré l’existence de bases d’opération permanentes dans leur pays. Les précisions
apportées concernant ces bases étaient les suivantes : « Membres de la famille, connaissances
ou membres de la même communauté », « Location de locaux » et « Commerce de véhicules de
seconde main ».
Les réponses à la question 2.1.9 (« Les organisations criminelles utilisent-elles des structures
commerciales licites (services chargés des immatriculations, sociétés de crédit-bail, garages, etc.)
pour mener leurs activités ? ») sont récapitulées ci-dessous.
27 pays membres (55,1 %) ont répondu par la négative. 22 (44,9 %) ont cité toutes sortes de
structures commerciales licites impliquées dans les activités criminelles : entreprises de
ferrailleur, ateliers de réparation, sociétés de vente, de crédit-bail ou de location de voitures,
mais aussi entreprises d’import/export, compagnies d’assurance et sociétés spécialisées dans
l’encaissement de chèques.
Même si elles ne donnent pas une image claire de la situation, les réponses à ces trois questions
montrent bien que les organisations criminelles se livrant à des activités transnationales liées
aux vols de véhicules reçoivent différents types d’aides. Les modalités et l’ampleur de ces aides
peuvent fournir des pistes concernant les stratégies de démantèlement à adopter. Une analyse
ultérieure plus approfondie pourrait servir de point de départ.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
5.
LIENS AVEC D’AUTRES DOMAINES DE CRIMINALITÉ
Les réponses à la question 2.1.4 (« Des liens avec d’autres domaines de criminalité ont-ils été mis
au jour ? ») sont récapitulées ci-dessous.
31 pays membres (63,3 %) ont répondu par l’affirmative, 15 (30,6 %) par la négative, et 3 (6,1 %)
n’ont pas donné de réponse.
Des liens avec d’autres domaines de
criminalité ont-ils été mis au jour ?
Oui
Non
Pas de réponse
Le questionnaire ne permettait pas d’apporter des précisions quant aux domaines de criminalité
concernés, ce qui veut dire que l’on ne sait rien de la répartition des liens entre les différents
domaines. Il n’en reste pas moins que la plupart des pays membres ont fait état de liens avec
plusieurs domaines de criminalité.
Les paragraphes qui suivent n’ont pas la prétention d’offrir un tableau exhaustif des liens entre
la criminalité liée aux véhicules et les autres domaines de criminalité. Leur but est de donner une
vue d’ensemble des réponses fournies dans le questionnaire.
Chacun des liens entre la criminalité liée aux véhicules volés et un autre domaine de criminalité
peut faire l’objet d’études ultérieures.
5.1
Terrorisme et véhicules volés
Trois pays membres (6,1 %) ont répondu à la question susmentionnée (« Des liens avec d’autres
domaines de criminalité ont-ils été mis au jour ? ») en indiquant avoir découvert un lien entre la
criminalité liée aux véhicules et le terrorisme. Le questionnaire ne permettait toutefois pas de
donner plus de détails.
Le véhicule piégé est un exemple type du lien existant entre la criminalité liée aux véhicules et le
terrorisme.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Un véhicule piégé est une arme furtive dotée d’une grande puissance. Peu coûteuse, c’est une
arme facile à concevoir, qui passe inaperçue et laisse très peu d’indices exploitables par la police
scientifique. De surcroît, le véhicule utilisé provient généralement d’un vol. Les cas avérés de
véhicules piégés dans lesquels les véhicules étaient issus d’un vol remontent à la fin de la
Seconde Guerre mondiale et se trouvent dans le monde entier. Ces dernières années, les
vérifications du numéro d’identification des véhicules ont souvent permis de recueillir des
renseignements sur l’auteur de l’infraction ou le réseau terroriste impliqué.
Un article paru dans la presse américaine en 2005 décrit l’enquête de grande ampleur qui a été
menée au sujet de réseaux spécialisés dans le vol de véhicules basés aux États-Unis, après que
l’on ait découvert que certains des véhicules piégés utilisés dans des attentats meurtriers en Iraq
avaient été volés aux États-Unis. Aucun élément n’a permis d’établir que les véhicules avaient
été volés expressément dans le but de commettre des attentats. On a cependant découvert que
les véhicules étaient acheminés illicitement depuis les États-Unis par un réseau criminel de
grande envergure comprenant des terroristes et des insurgés.31
Il existe, cela dit, d’autres cas dans lesquels les liens entre les véhicules volés et le terrorisme ont
bel et bien été établis.
Le 11 mars 2004 au matin, à l’heure de pointe, 10 explosions ont eu lieu en Espagne dans
quatre trains assurant la liaison entre Madrid et sa banlieue. La Police nationale espagnole a
découvert que 13 engins explosifs artisanaux avaient été placés dans ces trains. 191 personnes
de 17 nationalités différentes ont perdu la vie, et 2 000 environ ont été blessées. L’enquête
policière qui a suivi a établi que les auteurs des attentats avaient utilisé deux véhicules volés
pour transporter en vrac les explosifs acquis illégalement. Un troisième véhicule, volé le
28 février 2004, a servi à acheminer les divers engins explosifs artisanaux vers une gare
ferroviaire d’où sont partis les terroristes à bord de plusieurs trains à destination de Madrid.
Dans ce dernier véhicule, saisi après l’attentat, la police a découvert sept détonateurs et une
boîte de dynamite.32
Autre aspect du lien entre la criminalité liée aux véhicules et le terrorisme : le financement des
actes terroristes à l’aide des véhicules volés.
Une étude plus circonscrite et plus détaillée, menée à partir de l’identification des véhicules
incriminés, permettra d’en savoir plus sur ces liens entre criminalité liée aux véhicules et
terrorisme.
5.2
Vol (avec ou sans violence) et véhicules volés
19 pays membres (38,7 %) ont répondu à la question « Des liens avec d’autres domaines de
criminalité ont-ils été mis au jour ? » en indiquant avoir découvert un lien entre la criminalité liée
aux véhicules et le vol (avec ou sans violence).
De manière générale, un véhicule volé est utilisé pour prendre la fuite après un braquage (de
banque). Pour plus de précaution, ce véhicule comporte parfois une plaque d’immatriculation
qui a été dérobée sur un autre véhicule peu de temps avant le braquage.
31
32
http://www.boston.com/news/world/articles/2005/10/02/us_car_theft_rings_probed_for_ties_to_iraq_bombings/,
consulté le 29 octobre 2013.
Informations communiquées par la Police nationale espagnole le 7 novembre 2013.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Une autre pratique consiste à projeter un véhicule contre les murs ou les fenêtres d’un bâtiment
pour pouvoir entrer à l’intérieur. De toute évidence, les véhicules utilisés dans ce type de
pratique proviennent d’un vol. Il arrive parfois que des véhicules lourds tels que des tracteurs ou
des bulldozers soient utilisés, mais souvent, c’est une voiture familiale qui est retrouvée sur les
lieux de l’infraction.
5.3
Trafic d’êtres humains et véhicules volés
Deux pays membres (4 %) ont répondu à la question « Des liens avec d’autres domaines de
criminalité ont-ils été mis au jour ? » en citant le trafic d’êtres humains.
La coopération accrue qui a été observée entre les organisations criminelles – de même que leur
dimension transnationale et leurs activités criminelles diverses33 – transparaît dans le lien entre
les véhicules volés et le trafic d’êtres humains. Dans son rapport de 2011 intitulé « Money
Laundering Risks Arising From Trafficking in Human Beings and Smuggling of Migrants », le
Groupe d’action financière internationale (GAFI) fait état de liens entre la traite d’êtres
humains/le trafic de migrants et d’autres formes de la criminalité organisée, dont le vol de
véhicules.34
L’échange de victimes de la traite d’êtres humains contre des véhicules volés, l’utilisation de
véhicules volés pour transporter ces victimes, ou encore le fait de forcer des victimes à voler des
véhicules ou à acheminer des véhicules volés ne sont que quelques exemples de la façon dont ce
lien se manifeste.35
5.4
Trafic de marchandises illicites et véhicules volés
Parmi les 31 pays membres ayant répondu par l’affirmative à la question « Des liens avec
d’autres domaines de criminalité ont-ils été mis au jour ? », 14 (28,6 %) ont mentionné un lien
avec la drogue ou le trafic de drogues.
33
34
35
EU Organised Crime Threat Assessment 2011, pp. 8, 11 et 48.
GAFI, France, 2011, pp. 7 et 77.
Rapport annuel d’Eurojust 2007, p. 40.
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Situation mondiale de la criminalité liée aux véhicules
Dans certains cas, les véhicules volés sont vendus pour financer l’achat, le trafic ou la distribution
de drogues.36
La Bolivie, l’Argentine, le Chili et le Brésil ont mis sur pied des activités conjointes pour lutter
contre le phénomène « cocaïne contre voitures » très répandu dans leurs pays.37
Sur les 31 pays précités, 7 (14,3 %) ont fait part d’un lien avec le vol à main armé (3), les armes à
feu (2) et le trafic d’armes (2).
5.5
Corruption et intimidation
Aucune question traitant spécifiquement de la corruption ne figurait dans le questionnaire.
Trois pays membres en ont néanmoins fait état dans leur réponse à la question 2.4.7 (« Pouvezvous indiquer quelles lacunes de votre législation nationale et/ou de votre procédure
administrative d’immatriculation des véhicules sont exploitées par les malfaiteurs ? »). Leurs
réponses étaient les suivantes : corruption, absence d’intégrité des fonctionnaires et manque de
scrupules des agents de l’État.
Un pays membre a évoqué la corruption dans sa réponse à la question 2.1.9 (« Les organisations
criminelles utilisent-elles des structures commerciales licites (services chargés des
immatriculations, sociétés de crédit-bail, garages, etc.) pour mener leurs activités ? »), en
mentionnant la présence de complices dans la fonction publique.
La corruption et l’intimidation de fonctionnaires aux postes-frontières, le long des itinéraires
d’acheminement et au cours du processus d’immatriculation ou d’import/export jouent un rôle
essentiel dans le tableau d’ensemble de la criminalité liée aux véhicules volés et des activités des
organisations criminelles transnationales.
La prise de conscience de la corruption, et le fait même de la mentionner dans un questionnaire,
est un phénomène peu courant. La corruption ne pourra être éradiquée que si l’on en parle
ouvertement.
6.
CONSÉQUENCES POUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE
La criminalité transnationale liée aux véhicules requiert une organisation très poussée et
concerne presque toutes les régions du monde.
L’analyse des réponses au questionnaire a mis au jour un autre aspect de cette forme de
criminalité : la sécurité routière. Parce qu’il ne rentrait pas dans le cadre du présent rapport, cet
aspect n’a pas été examiné en tant que tel ni confirmé. Or, l’éventuelle dégradation de la
sécurité routière est un effet secondaire de la criminalité transnationale liée aux véhicules.
S’agissant du principe économique de l’offre et de la demande, les véhicules volés sont
acheminés vers les régions où il existe de la demande : soit pour des véhicules entiers, soit pour
des pièces détachées. Ces régions sont situées pour la plupart dans des pays en développement
où l’infrastructure, l’État de droit et la sécurité routière laissent à désirer. Au cours du processus,
le véhicule ne fait pas nécessairement l’objet d’un contrôle lorsqu’il entre dans le pays de
destination. En tout état de cause, l’état réel du véhicule ne sera connu ni par le futur
propriétaire, ni par les autorités. Le gros risque est celui des accidents (de la route) que ces
véhicules peuvent provoquer.
36
37
EU Organised Crime Threat Assessment 2011, p. 10.
http://www.csmonitor.com/World/Americas/Latin-America-Monitor/2012/1023/Bolivia-plans-crackdownon-cars-for-cocaine-trade, consulté le 3 octobre 2013.
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RECOMMANDATIONS
SENSIBILISATION et STATISTIQUES
Le fait de reconnaître qu’il n’existe pas de modèle standard pour mesurer la criminalité
organisée et que les infractions liées aux véhicules auxquelles se livrent les organisations
criminelles ne sont pas des activités isolées appelle à la recommandation suivante : il convient
d’accroître la sensibilisation au sein des services chargés de l’application de la loi du monde
entier.
La deuxième recommandation serait d’enregistrer les informations relatives aux véhicules volés
dans une base de données nationale – en utilisant une norme reconnue internationalement –,
de façon à permettre l’établissement de statistiques concernant la criminalité organisée
(transnationale). Cela constituerait un premier pas vers l’obtention de statistiques fiables.
Des unités spécialisées dans la criminalité liée aux véhicules devront être créées. Un grand
nombre d’unités de ce type étant déjà en place, les conditions de base sont réunies pour
améliorer l’enregistrement et le traitement des informations, et ainsi produire à l’avenir des
statistiques fiables.
Un outil puissant permettant de produire des statistiques fiables est déjà en place et peut être
utilisé y compris par les pays ne disposant pas d’une unité spécialisée dans la criminalité liée aux
véhicules. La base de données ASF sur les véhicules volés d’INTERPOL est actuellement la seule
base de données accessible à l’échelle mondiale. Ses enregistrements fournissent des données
d’identification précises sur quelque 7,2 millions de véhicules ayant été déclarés volés dans le
monde entier (en 2012). Cette même année, plus de 92 000 véhicules automobiles volés ont été
identifiés grâce à cette base de données (ces chiffres englobent les pays membres européens).
Voici un aperçu des statistiques concernant la base de données ASF pour les années couvertes
par le rapport :
Base de
données ASF
sur les
véhicules volés
Nbre d’enregistrements
Nbre total de recherches
Nbre total de réponses positives
Pays participants
2009
6 222 371
9 547 154
26 434
126
2010
7 156 792
26 011 872
34 199
129
2011
7 097 877
40 882 202
42 164
127
Il est par conséquent recommandé, pour améliorer les statistiques produites à l’échelle
mondiale, de promouvoir l’utilisation de la base de données ASF sur les véhicules volés
d’INTERPOL.
COOPÉRATION ENTRE LES PARTIES PRENANTES
En tant que parties prenantes, les compagnies d’assurance pourraient jouer un rôle majeur en
fournissant elles aussi des statistiques fiables, en particulier sur le préjudice financier et les
véhicules ciblés. Des initiatives conjointes telles que le National Motor Vehicle Theft Reduction
Council, composé de l’ensemble des organismes publics et des acteurs du secteur de l’assurance
australiens38, pourraient à cet égard être utiles. Une coopération à long terme de ce type entre
les services chargés de l’application de la loi et les compagnies d’assurance pourrait profiter à la
lutte contre la criminalité liée aux véhicules automobiles.
38
http://www.carsafe.com.au/about-us, consulté le 26 septembre 2013.
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D’autres initiatives de coopération entre les différentes parties prenantes (sociétés de location,
administrations des douanes, concessionnaires automobiles, services chargés des
immatriculations) auraient certainement des effets similaires.
Il est donc recommandé que des dispositifs de coopération durables soient mis en place entre
les différents acteurs qui sont parties prenantes dans le domaine de la criminalité liée aux
véhicules automobiles.
RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION ENTRE LES SERVICES CHARGÉS DE L’APPLICATION DE LA LOI
Compte tenu de l’importance des frontières eu égard aux mouvements qui s’opèrent dans le
cadre de la criminalité organisée transnationale, leur gestion joue un rôle primordial. Plus encore
que le travail des services nationaux chargés de l’application de la loi, la gestion des frontières
est indispensable pour mettre fin aux flux illicites de véhicules automobiles volés et de pièces
détachées.
Un renforcement de l’échange d’informations et de la coopération entre les différents services
chargés de la gestion des frontières (douanes, immigration) ainsi que les services nationaux
(police routière, services chargés des immatriculations) est donc recommandé.
ANALYSE APPROFONDIE
La réalisation d’une analyse approfondie, à l’échelle mondiale, des itinéraires et des lieux de
transit connus des véhicules automobiles volés est recommandée.
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