Pourquoi la formation professionnelle est-elle indispensable à

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Pourquoi la formation professionnelle est-elle indispensable à
 Pourquoi la formation professionnelle est‐elle indispensable à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité ? Mesdames, messieurs, chers collègues, Pourquoi la formation professionnelle est‐elle indispensable à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité ? La réponse à cette question est assez évidente. Ces dernières années le métier de conducteur d’autobus ou d’autocar a énormément évolué. Alors qu’auparavant il se résumait à conduire en toute sécurité un véhicule d’un point A à un point B, on attend désormais de ce même conducteur qu’il assure l’accueil des clients , qu’il dispose des compétences sociales et de communication voulues pour pouvoir gérer efficacement les incidents relationnels, qu’il conseille l’entreprise, qu’il maîtrise l’électronique et les systèmes informatisés du véhicule. En outre, les exigences législatives ne cessent de se multiplier et de devenir plus complexes. Enfin, et c’est le plus important, autobus et autocars transportent la marchandise la plus précieuse au monde : des hommes, des femmes et des enfants. Si les conducteurs doivent tout naturellement disposer d’aptitudes naturelles, rares seront cependant ceux qui atteindront cet objectif sans un apport extérieur dans un cadre structuré. C’est dans ce but que les instances européennes ont promulgué la Directive 2003/59/CE relative à la qualification initiale et à la formation continue des conducteurs. Il faut reconnaître que l’accueil de la profession n’est pas toujours unanime, et ceci aussi bien dans les rangs des employeurs que dans ceux des travailleurs. La principale cause réside, selon moi, dans le fait que la formation est trop souvent considérée comme un coût alors qu’il s’agit en fait d’un investissement avec un retour sur investissement. En dépit du fait que le conducteur représente le poste essentiel du coût d’exploitation des opérations de transport, les mesures de développement du capital humain ont d’ailleurs été négligées pendant de nombreuses années. La récente entrée en vigueur des dispositions de la Directive 2003/59/CE ne permet cependant pas encore de quantifier exactement le retour sur investissement de ces formations même si les premiers résultats semblent tout à fait prometteurs avec une influence positive sur la sécurité routière, l’image de marque du secteur, la qualité des services et la réduction de la consommation de carburant. Toute aussi importante que la réalité en matière de sécurité routière est la perception de la sécurité de nos véhicules qu’a le public étant donné que toute amélioration dans ce domaine induit une attractivité accrue qui se traduit par une augmentation du nombre de voyageurs qui abandonnent leur voiture individuelle au profit du transport collectif. Une telle approche cadre parfaitement dans la campagne Smart Move initiée par l’IRU et qui a pour but de doubler l’utilisation de l’autobus et de l’autocar d’ici 2020. La sécurité routière mérite par conséquent d’être nettement mise en évidence à l’occasion des prochaines actions Smart Move. Je suis d’ailleurs persuadé qu’une telle approche est de nature à favoriser l’implication des opérateurs et des conducteurs dans la réussite de cette campagne essentielle pour l’avenir du secteur autobus et autocar. Mais revenons à la formation ! Tout aussi important, et même plus important à mes yeux, que « pourquoi » est « comment la formation professionnelle peut contribuer à l’amélioration de l’efficacité et de la qualité ». Il ne faut en effet plus perdre de temps dans d’inutiles discussions sur le bien fondé de cette approche mais plutôt tout mettre en œuvre afin d’atteindre le but recherché. Et, dans ce domaine, il y a encore beaucoup de pain sur la planche. Un des problèmes majeurs de la situation actuelle est que trop souvent le mercantilisme l’emporte sur la concrétisation des buts originaux de la législation. Je reste d’ailleurs persuadé que ces objectifs ne seront atteints qu’en développant et utilisant au maximum les connaissances présentes au sein de notre industrie. Qui peut en effet mieux déterminer les besoins en formation que les personnes impliquées quotidiennement dans la réalité des opérations ? C’est d’ailleurs la solution que nous avons privilégiée dans le secteur car et bus belge où les partenaires sociaux ont créé et développé une asbl pour la formation continue des conducteurs gérée « par et pour le secteur ». Les résultats ne trompent d’ailleurs pas, une écrasante majorité des formations continues étant dispensées via cet organisme reconnu par les instances officielles. Si cette reconnaissance est garante de la qualité de l’institut et de ses formations, la collaboration étroite avec et la reconnaissance par l’Académie IRU est un autre élément indispensable pour une approche qualitative irréprochable. Ce réseau international d’experts en formation issus de la profession représente en effet une plateforme d’échanges dont toutes les parties bénéficient et qui, de plus, joue un rôle de pionnier inestimable en étant garante d’une uniformité indispensable. Travailler ensemble est en effet nécessaire pour garantir la qualité de la formation. Or, il faut encore trop souvent constater des différences de niveau considérables dues au fait que la Directive 2003/59/CE introduit la norme de la conduite de qualité sans toutefois en décliner le contenu. A ma connaissance, aucune initiative n’a été prise en dehors de l’Académie IRU pour gommer ces différences et arriver à une situation où la formation, par exemple, en matière de tachygraphe digital est identique qu’elle soit dispensée à Tallinn, Tolède ou Thessalonique. Dans cette optique, l’harmonisation des compétences des instructeurs est un autre volet primordial pour assurer un transfert de compétences optimal vers les conducteurs qui n’est pas défini par la Directive 2003/59/CE avec pour conséquence une absence quasi‐
totale de critères qualitatifs. A souligner cependant qu’un projet financé par la Commission Européenne travaille actuellement à l’établissement de standards garantissant des critères qualitatifs minima. Il s’agit là d’un défi important à relever pour l’avenir du secteur qui ne peut d’ailleurs constituer une opportunité que pour autant qu’il fasse appel à l’expertise déjà accumulée en la matière. Une telle approche est aussi de nature à favoriser l’adhésion massive des conducteurs qui, trop souvent encore, redoutent de devoir retourner sur les bancs de l’école estimant que leur expérience leur permet d’avoir acquis les connaissances requises. La vérité m’oblige cependant à reconnaître que la situation évolue très rapidement pendant les formations où l’expérience du formateur joue un rôle important principalement en raison de la nécessité de devoir s’adapter au niveau d’éducation, de compétence et de confiance de chaque conducteur. L’enthousiasme se remarque d’ailleurs essentiellement au niveau des formations pratiques – n’oublions quand même pas que tous nos personnels ne disposent pas d’un diplôme universitaire – où même les plus expérimentés admettent volontiers avoir acquis des compétences supplémentaires importantes. Au niveau des opérateurs, il faut également reconnaître que l’enthousiasme à l’égard de la formation n’est pas unanime. La réticence en la matière est surtout le fait des petites entreprises avec un nombre restreint de véhicules. Si des problèmes d’organisation pratique aussi bien au niveau de la disponibilité des conducteurs que de la logistique des formations sont des aspects qui méritent d’être pris en considération, les efforts mis en place permettent de résoudre la grande majorité de ces obstacles pratiques. Le principal frein est toutefois d’un tout autre ordre. Deux aspects sont essentiels à ce niveau. Il y a tout d’abord l’aspect financier. Le coût de la formation, le salaire des conducteurs en formation et les frais des personnels de remplacement sont les principaux postes à prendre en considération. Dans un contexte économique où les années de crise ont laissé et laissent encore de profondes traces, certains opérateurs éprouvent encore des réticences à entamer le mouvement. C’est pour vaincre cette hésitation que les partenaires sociaux belges ont conclu des accords en vue de réduire les frais au niveau du coût de la formation et de salaire des conducteurs en formation. De plus, trois consultants sectoriels ont été engagés afin d’assister les entreprises à optimiser leurs plans de formation qu’il s’agisse de formalités administratives, de gestion pratique ou de contenu des cours les mieux adaptés à la réalité de chaque entreprise. Et les résultats sont positifs avec une augmentation constante du volume de formations même si le mouvement doit encore prendre plus d’ampleur. Un autre élément ralentisseur se situe au niveau de la gestion des ressources humaines. En effet, certains opérateurs redoutent de voir les conducteurs formés à leurs frais débauchés par des collègues moins prévoyants confrontés à un retard au niveau de la formation continue. Si un tel phénomène ne peut pas être totalement exclu, il faut cependant le relativiser. En effet, il se présente surtout au cours de la période initiale dans les états membres où la culture de formation doit encore s’implanter de manière plus forte. En outre, cette approche attentiste ne plaide pas en faveur de la manière de travailler des opérateurs concernés et attirer l’attention des conducteurs concernés sur ces manquements peut contrebalancer les arguments financiers avancés pour les débaucher. Il n’empêche que l’élément essentiel pour modifier fondamentalement cette attitude attentiste est, comme je l’ai déjà évoqué, le fait de ne plus considérer la formation comme un coût mais bien comme un investissement qui engendre des retours pour l’entreprise. Le tout est d’insister haut et fort chaque fois que l’occasion s’en présente sur ce point car ceux qui attendront le dernier moment pour se décider, seront confrontés à des problèmes de capacité de formation. Et ce manque de capacité risque de se traduire, comme pour toute situation où la demande excède l’offre, par une hausse des prix ! Si je supporte sans réserve la formation continue, mon attitude par rapport à la qualification initiale est plus mitigée. En effet, contrairement au but recherché originalement, elle ne facilite pas l’accès à la profession de nouveaux conducteurs. Même si l’attractivité et la professionnalisation du métier de conducteur sont accrues, le coût constitue ici un obstacle essentiel. En effet, les frais doivent ici être supportés, dans la majorité des cas, par le candidat conducteur avant son entrée en service. Si on prend la situation en Belgique, on constate que le secteur recherche annuellement quelque 600 nouveaux conducteurs. La moitié environ provient de la formation professionnelle mise sur pied par le secteur avec les services officiels. Le financement des stages d’une durée minimale de 6 semaines est réparti entre les deux camps et le coût de l’obtention du CAP ne constitue donc pas un handicap supplémentaire pour les stagiaires. La situation est tout à fait différente pour l’autre moitié des candidats qui entrent dans la profession via une auto‐école. La facture a ici plus triplé par rapport à la situation avant 2003/59/CE. Devoir payer plusieurs milliers d’euros pour devenir conducteur rebute plus d’un candidat même si la conduite d’un autobus ou d’un autocar reste le rêve de beaucoup de jeunes. Or, les difficultés pour trouver du personnel qualifié ne sont pas neuves. Il s’agit d’un problème structurel auquel notre secteur travaille activement depuis de nombreuses années. C’est ainsi que la capacité de formation professionnelle en Belgique a augmenté de 50%. Mais la demande de conducteurs ne cesse de croître et la situation ne s’inversera pas à l’avenir. Que du contraire ! La pyramide de l’âge moyen des conducteurs indique en effet une évolution de 45 ans en 2000 à 49 ans en 2009. Au cours de cette même période, la part des plus de 50 ans est passée de 30% à 44% ‐ soit une hausse de près de 50% ‐ tandis que celle des moins de 25 ans continue à tourner autour des 2%. Il est donc évident que les mesures adéquates doivent être prises pour encourager l’entrée de nouveaux conducteurs dans le secteur principalement compte tenu du rôle social important assumé par nos entreprises qui offrent souvent des opportunités d’emploi pour des personnes en rupture plus ou moins longue avec le marché du travail. Il est tout aussi évident que ces mesures doivent prendre en compte les impératifs de sécurité routière mais qu’une adaptation s’impose afin de prendre en considération les problèmes de pénurie de conducteurs d’autant que notre secteur est fortement dépendant à cet égard de la conjoncture économique. X X X En conclusion, je souhaiterais souligner une nouvelle fois l’apport positif de la Directive 2003/59/CE sur l’amélioration de la qualité des services et de la sécurité routière. Je souhaite cependant insister sur la nécessité pour les gouvernements d’œuvrer pour : •
l’uniformisation du niveau de la formation partout en Europe et une orientation vers une approche qualitative et non quantitative ; •
un soutien concret aux instituts de formation accrédités officiellement, tels ceux accrédités par l’Académie IRU, en reconnaissant les diplômes délivrés, prouvant ainsi que ces instituts sont à même de fournir des formations de qualité optimale en parfaite conformité avec les règles et les normes internationales ; •
l’évolution des listes de matières formulées à l’annexe à la Directive 2003/59/CE vers une plus grande diversification des compétences et qualifications ; •
la mise en place d’instruments de financement dans les états membres de l’Union Européenne n’ayant pas encore développé de tels mécanismes. Cela doit se faire notamment par l’adoption de mesures d’incitation financière en faveur des entreprises et des candidats qui postulent pour la première fois et qui sont disposés à acquérir les compétences de base du métier par le biais de formations, et à financer le recyclage de travailleurs plus âgés souhaitant devenir conducteurs ; •
la prise en considération du rôle d’insertion sociale assumé par nos entreprises. J’espère que les décideurs européens auront attentivement pris note de ces points et les transposeront dans les plus brefs délais afin de réellement atteindre les objectifs de la directive. Je vous remercie pour votre attention. Yves Mannaerts, FBAA. 

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