Arrêt du 5 février 2003 - Copropriété
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Arrêt du 5 février 2003 - Copropriété
Les fiches ju ridiques de Cop ropri ét é-eJuris : Loyers & Copropri été – Const ruction – Nouvelles technologies Fiche Jurisprudence http://www.copropriete-ejuris.be Droit des biens Les fiches Juridiques de Copropriété-eJuris.be Mitoyenneté : contribuer au frais n° 52 Cour d'appel Bruxelles (2e chambre), Arrêt du 5 février 2003 Siège : M. Fr. Roggen.Avocats : Mes Deutsch (loco N. Dubois), F. Loumaye et R. De Briey. Aux termes de l'article 663 du code civil, chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins. La notion de villes et faubourgs, indépendante des règles et critères propres au droit administratif, dépend notamment de la nature (utilisation commerciale par exemple) et du nombre d'habitations. L'article 663 du code civil vise l'érection d'un mur de nature à séparer les propriétés et à assurer la tranquillité des voisins. Cette disposition est donc fondée sur une présomption d'utilité commune du mur, peu important que l'un des voisins n'entende pas profiter des utilisations possibles de la mitoyenneté Le défaut de consultation préalable du voisin ne permet pas à celui-ci d'exiger la démolition du mur et ne supprime pas davantage le caractère mitoyen du mur. Toutefois, l'absence de consultation implique que ledit voisin ne devra aucune contribution aux frais de construction du mur tant qu'il n'en aura point fait usage et justifiera, dans certains cas, l'attribution de dommages et intérêts sur la base des articles 544 et 1382 du code civil. Tel peut être le cas lorsque le mur à vocation mitoyenne construit se révèle ultérieurement incapable de supporter la surcharge qu'entraîne la construction d'un immeuble voisin. Arrêt du 5 février 2003 (…) Vu le jugement attaqué, prononcé contradictoirement le 31 mars 1999 par le tribunal de première instance de Nivelles; I. Les faits : - Régine M. est propriétaire de l'immeuble situé au n° 18 de la rue Vandervelde à Grez-Doiceau; - Marie-Françoise G. est propriétaire de l'immeuble voisin, situé au n° 20 de la même rue; dans le courant de l'année 1996, elle a confié une mission d'architecture portant sur l'agrandissement de son immeuble à la S.A. Malhomme et Ferauge; - le 11 juin 1996, Marie-Françoise G. a obtenu un permis de bâtir relatif à l'agrandissement projeté; il y est indiqué que le permis est délivré sous réserve des droits civils des tiers; - le chantier a commencé le 27 juin 1996; - le plan d'implantation de l'immeuble à construire indique que le quartier est constitué de nombreuses constructions proches les unes des autres, certaines étant mêmes contiguës à celles situées sur les fonds voisins; - les plans joints au permis de bâtir indiquent qu'un des murs dont Marie-Françoise G. prévoit la construction empiète partiellement sur la limite privative du fonds de Régine M.; - le 1er juillet 1996, Régine M. a rencontré un représentant de la S.C. Malhomme et Ferauge et s'est, à cette occasion, fait remettre une copie des plans relatifs aux travaux entrepris; - le 9 août 1996, Régine M. a fait appel au géomètre Cauderlier qui a réalisé un procès-verbal de mesurage qui atteste que la nouvelle construction empiète sur son fonds, à raison de 12 à 15,6 centimètres sur une profondeur de 8,83 mètres, soit une surface de 1,12 mètres carrés; - fort de ce rapport, l'avocat de Régine M. a écrit le 27 août 1996 aux époux S.-G. pour dénoncer l'empiétement et les inviter à rechercher une solution amiable, à défaut de laquelle sa cliente intenterait une action judiciaire visant à obtenir la démolition du mur et des dommages et intérêts; - Marie-Françoise G. a transmis le courrier à la S.C. Malhomme et Ferauge, en vue d'aplanir le différend; - par courrier du 25 novembre 1996, et suite à ce qu'elle a qualifié de «sérieux incident de mitoyenneté avec sa voisine», Marie-Françoise G. a déchargé la S.A. Malhomme et Ferauge de sa mission; - par courrier du 25 novembre 1996, la S.C. Malhomme et Ferauge a contesté le reproche qui lui était fait, attribuant la responsabilité de l'incident de mitoyenneté à Marie-Françoise G. qui, sur ce point précis, n'aurait pas voulu suivre ses conseils. (…) Les fiches ju ridiques de Cop ropri ét é -eJuris : Loyers & Copropri été – Const ruction – Nouvelles technologies Fiche Jurisprudence http://www.copropriete-ejuris.be Droit des biens Les fiches Juridiques de Copropriété-eJuris.be Mitoyenneté : contribuer au frais n° 52 II. La procédure : III. Discussion Par exploit d'huissier signifié aux époux S.-G. le 13 octobre 1997, Régine M. a poursuivi leur condamnation à mettre fin à l'usurpation commise sur son bien, par la démolition du mur, sous peine d'une astreinte de trois mille francs, ainsi que leur condamnation à cinq cent mille francs de dommages et intérêts; Quant au fondement de l'appel principal dirigé contre Marie-Françoise G Régine M. sollicitait, en outre, avant dire droit, la désignation d'un expert chargé de quantifier l'empiétement et les moins-values qu'il entraînait; Régine M. a ensuite renoncé à demander la démolition du mur mais a porté, en compensation, sa demande de dommages et intérêts à sept cent cinquante mille francs. Par citation en intervention forcée et garantie du 5 décembre 1997, les époux S.-G. appelèrent la S.C. Malhomme et Ferauge à la cause. Le premier juge : - a déclaré la demande de Régine M. irrecevable à l'égard de Vincent S. et non fondée à l'égard de MarieFrançoise G.; - a déclaré sans objet la demande en intervention forcée dirigée contre la S.C. Malhomme et Ferauge. Régine M. relève appel de cette décision, conclut à sa réformation et réitère sa demande tendant à obtenir la condamnation des époux S.-G. au paiement de sept cent cinquante mille francs à titre de dommages et intérêts ainsi que la désignation d'un expert avant dire droit. Les époux S.-G. forment un appel incident et réclament chacun cinquante mille francs de dommages et intérêts pour action téméraire et vexatoire, à charge de Régine M.; ils demandent également à la cour de prononcer une amende civile pour fol appel, sur la base de l'article 1072bis du code judiciaire. La S.C. Malhomme et Ferauge forme également un appel incident visant à obtenir la condamnation de Régine M. à cinquante mille francs de dommages et intérêts pour action téméraire et vexatoire. Attendu que Marie-Françoise G. conclut au débouté de Régine M.; Qu'en sa qualité de titulaire du droit que lui confère l'article 663 du code civil, elle a toujours entendu maintenir sa construction sur la limite séparative des fonds, tout en contestant l'allocation de dommages et intérêts en faveur de Régine M.; Que l'article 663 du code civil dispose en effet que chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins; Que l'article 663 du code civil suppose la réunion de plusieurs conditions : 1. Attendu que cette disposition s'applique aux villes et faubourgs, par opposition à la notion de campagne; Que la notion de villes et de faubourgs est indépendante des règles et critères propres au droit administratif; Que l'obligation de contribuer à la clôture peut exister dans un quartier champêtre, cette appréciation dépendant de la nature et du nombre des habitations (Martine Burton, Rép. not., tome II, livre VIII, La mitoyenneté, p. 30); Attendu qu'en l'espèce, le plan d'implantation de l'immeuble construit indique que la construction se trouve dans un quartier où les parcelles sont étroites, les constructions nombreuses et proches les unes des autres, certaines joignant même la limite des fonds voisins; Que les photographies versées aux dossiers de Régine M., de Marie-Françoise G. et de la S.C. Malhomme et Ferauge indiquent même que le corps de bâtiment situé à l'arrière de la parcelle de Régine M. est mitoyen à celui de son autre voisin du n° 16 de la rue Vandervelde; Qu'il n'est pas contesté que plusieurs immeubles proches sont utilisés à des fins commerciales (magasins, débits de boissons notamment); Les fiches ju ridiques de Cop ropri ét é-eJuris : Loyers & Copropri été – Const ruction – Nouvelles technologies Fiche Jurisprudence http://www.copropriete-ejuris.be Droit des biens Les fiches Juridiques de Copropriété-eJuris.be Mitoyenneté : contribuer au frais n° 52 Que l'immeuble de Régine M. se situe donc bien dans un faubourg, au sens de l'article 663 du code civil; Que la première condition est dès lors remplie; Attendu que le manquement à l'obligation de consultation préalable n'a pas davantage pour effet de supprimer le caractère mitoyen du mur construit; 2. Attendu que la construction visée doit être un mur qui occupe la limite commune des fonds voisins; Qu'un tel manquement peut cependant, dans certains cas, justifier une demande de dommages et intérêts (Martine Burton, op. cit., p. 33; Bruxelles, 23 novembre 1966, Res jur. imm., 1968, p. 379); Que ce mur doit être de nature à séparer les propriétés et à assurer la tranquillité des voisins; Que cette caractéristique ne peut être remise en cause au motif que la construction du mur n'a pas été réalisée d'une manière rigoureusement parallèle à la limite séparative des fonds et dépasse de 0,6 millimètre la largeur habituelle des murs à vocation mitoyenne (trente centimètres répartis en parts égales sur les deux fonds), sur une portion de 1,29 mètres; Qu'en outre, l'obligation de voisinage née de l'article 663 du code civil est fondée sur une présomption d'utilité commune du mur; Que, peu importe à cet égard que Régine M. n'entende pas profiter des utilisations possibles de la mitoyenneté, le législateur ayant entendu prévenir les situations conflictuelles entre voisins et régler les questions de mitoyenneté à long terme; Que cette deuxième condition est remplie; 3. Attendu qu'il résulte de l'article 663 du code civil que le voisin a le droit d'être consulté avant le début des travaux; Attendu que la consultation du voisin, dont le futur constructeur souhaite obtenir l'accord sur l'érection d'un mur à vocation mitoyenne, doit être distinguée de l'obtention de cet accord; Que la construction réalisée sans l'accord du voisin ne lui permet en toute hypothèse pas d'en exiger la démolition à titre de sanction (Cass., 13 novembre 1952, Pas., 1953, I, 158); Que la même solution s'impose quand la construction a été réalisée sans consultation préalable du voisin; Que cette solution se justifie par le fait que la démolition n'aurait aucune utilité puisque le constructeur pourrait en toute hypothèse exiger ensuite sa reconstruction en vertu du titre légal qu'il trouve précisément dans l'article 663 du code civil; Attendu que, dès lors qu'elle excipe du droit que lui confère l'article 663 du code civil, la preuve de la consultation préalable de Régine M. appartient à MarieFrançoise G.; Que cette communication n'établit en toute hypothèse pas l'accord de Régine M. sur l'érection du mur sur la limite séparative des fonds; Que Régine M. est, en effet, tierce aux relations contractuelles qui unissaient Marie-Françoise G. à la S.C. Malhomme et Ferauge, rien n'indiquant, en outre, que la S.C. Malhomme et Ferauge ait, à ce stade, été mandatée par le maître de l'ouvrage pour entreprendre une démarche de consultation préalable du voisin concerné par la future construction; Attendu qu'il ne ressort pas davantage du dossier que Marie-Françoise G. ait personnellement pris contact ou consulté Régine M. sur ce point; Attendu que Régine M. soutient s'être intéressée d'une manière générale au projet immobilier de sa voisine dont elle prétend n'avoir perçu les implications qui la concernaient que plus tard, en cours de chantier; Que la mission de mesurage qu'elle a confié à son conseil technique, le géomètre Cauderlier, dès le début du mois d'août 1996, soit un mois après le début du chantier et sa lettre de réaction officielle du 27 août 1996 sont de nature à établir sa bonne foi; Attendu que la preuve de la troisième condition n'est donc pas rapportée; Attendu que l'échange de courriers réalisé au mois de novembre 1996 entre Marie-Françoise G. et la S.C. Malhomme et Ferauge qui s'imputent mutuellement la responsabilité de «l'incident de la mitoyenneté» constitue une présomption supplémentaire tendant à faire admettre que Régine M. n'a pas été consultée sur le projet d'emplacement du mur; Les fiches ju ridiques de Cop ropri ét é-eJuris : Loyers & Copropri été – Const ruction – Nouvelles technologies Fiche Jurisprudence http://www.copropriete-ejuris.be Droit des biens Les fiches Juridiques de Copropriété-eJuris.be Mitoyenneté : contribuer au frais n° 52 Attendu qu'à défaut pour Marie-Françoise G. d'avoir sollicité l'accord préalable de Régine M. sur la construction du mur, Marie-Françoise G. ne peut exiger de Régine M. aucune contribution aux frais de cette construction tout au moins tant que Régine M. n'en fait pas usage (Cass. fr., 5 décembre 1938, R.T.D.C., 1939, p. 193); Attendu qu'eu égard aux motifs exposés ci-avant, il y a lieu d'examiner la demande de dommages et intérêts dont Régine M. demande l'allocation sur la base des articles 544 et 1382 du code civil. Quant à l'application de l'article 1382 du code civil Attendu qu'en ne consultant pas précisément Régine M. sur son projet d'agrandissement et en la mettant devant le fait accompli, Marie-Françoise G. n'a pas agi en propriétaire avisée; Qu'en s'abstenant de consulter sa voisine sur l'empiétement du mur qu'elle allait faire construire, Marie-Françoise G. ne s'est pas comportée comme tout propriétaire normalement prudent et diligent, placé dans les mêmes circonstances; Que Marie-Françoise G. a donc commis une faute qui engage sa responsabilité quasi délictuelle; Attendu, en revanche, qu'aucune faute ne peut être reprochée à la S.C. Malhomme et Ferauge, dont les plans ont techniquement été réalisés dans le respect des règles de la mitoyenneté; Qu'il n'est pas davantage démontré que l'infime dépassement de la largeur d'une petite partie du mur constatée par le géomètre Cauderlier puisse lui être imputé; Qu'il est vraisemblable que cet empiétement doive être attribué aux corps de métier qui ont travaillé sur le chantier; Que le devoir de contrôle de l'architecte ne le rend, en effet, pas responsable des vices et malfaçons d'exécution qui relèvent de la technique propre et courante des entrepreneurs et des exécutants; Attendu que Régine M. ne prouve cependant pas que la faute de Marie-Françoise G. lui ait causé un dommage puisqu'in fine, le mur pouvait être construit et que Régine M. ne met pas en cause la qualité de la construction érigée; Que la jurisprudence admet, en effet, la responsabilité à base de faute lorsque le mur à vocation mitoyenne construit, se révèle ultérieurement incapable de supporter la surcharge qu'entraîne la construction d'un immeuble voisin (Bruxelles, 28 avril 1965, Res et jur. imm., 1965, p. 53); Qu'en ce qu'elle est basée sur l'article 1382 du code civil, la demande de Régine M. n'est pas fondée. Quant à l'application de l'article 544 du code civil Attendu que Régine M. justifie également sa demande de dommages et intérêts sur la base de l'article 544 du code civil en soutenant que la construction réalisée rompt l'équilibre des fonds voisins; Attendu que, dans sa thèse, l'empiétement du mur construit en partie sur son fonds, prive sa maison et plus précisément sa cuisine de lumière; Que Régine M. reste cependant en défaut de démontrer que l'érection du mur en deçà de la limite séparative des fonds (soit une quinzaine de centimètres plus loin) ne lui aurait pas causé de préjudice; Que Marie-Françoise G. remarque, en outre, pertinemment que ce grief est dénué de pertinence dès lors que le mur a été construit derrière une haie ellemême située sur le fonds de Régine M.; Qu'en raison du caractère touffu de cette haie et de sa hauteur, la construction du mur n'a donc à l'évidence pas altéré de manière sensible la luminosité de la cuisine de Régine M.; Qu'à défaut pour Régine M. de mettre en évidence un trouble qui dépasse les inconvénients normaux du voisinage, sa demande, basée sur l'article 544 du code civil, n'est pas fondée; Attendu qu'eu égard à l'absence de dommage dans le chef de Régine M., sa demande d'expertise est inopportune; Attendu que l'appel principal n'est pas fondé; ...(…)