Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine, où en

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Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine, où en
Association Française pour le Nommage Internet en Coopération
chargée de l’attribution des noms de domaine Internet en .fr
« Contrefaçon de marques
et usurpation de noms de domaine,
où en est la jurisprudence ? »
Actes de la Conférence-débat
à l’initiative de l’AFNIC
Salon des Entrepreneurs
vendredi 2 février 2001
9h30 – 11h
Animation : Jérôme Colombain
Pages
Introduction : Jérôme Colombain
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Intervenants :
Jacques Bessy – directeur de la Propriété Intellectuelle – LVMH Fashion Group
3
Laurent Chemla – associé – GANDI.net
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Jean-Yves Babonneau – directeur général – AFNIC
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Alain Bensoussan – avocat spécialisé dans le droit de l’Internet –
CABINET ALAIN BENSOUSSAN – arbitre auprès de l’ICANN
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Dominique Rosenthal-Rolland – vice-présidente de la seconde chambre civile –
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de Nanterre
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Questions
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Contacts Presse :
Marine Chantreau : 01 39 63 52 14
Claude Titina :
06 14 09 79 17
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Introduction par Jérôme Colombain
« Plus de 30 millions de noms de domaine enregistrés depuis 10 ans.
18 millions de .com, 3 millions de .net, 2 millions de .org, 122 341 .fr, bien que ces chiffres ne représentent pas la
pénétration d’Internet dans tous les pays. Vous aurez l’occasion de le comprendre à travers les différentes
interventions. Le .fr est le 8ème en Europe (d’après le site de l’AFNIC), les plus nombreux étant le .de
(l’Allemagne) suivi de très près par .uk (la Grande Bretagne).
Le prestigieux dotcom est le plus connu mais c’est aussi celui qui pose le plus de problèmes, de saturation
d’abord (on dit qu’il n’y a quasiment plus de noms de domaine disponibles en .net, .com, .org), il paraît que tous
les mots du vocabulaire anglo-saxons ont été enregistrés que ce soit des noms communs, propres, composés, etc…
L’ICANN vient d’entériner la création de 7 nouveaux domaines, des TLD (top level domains) qui sont .info, .biz,
.name, .pro, .aero, .museum, .coop ; histoire d’élargir la palette mais ces domaines ne sont pas encore en service
aujourd’hui.
Autre problème lié aux .com, .org, .net, outre la saturation, c’est le fameux cybersquatting, puisque pour obtenir
ce type de domaine, c’est la règle du premier arrivé, premier servi. Il suffit d’aller consulter les sites spécialisés sur
Internet et qui que vous soyez, une entreprise, un particulier, une organisation non gouvernementale, vous avez le
droit de réserver un nom de domaine, pourvu qu’il n’ait pas été encore pris, c’est comme cela que quelques stars
comme Isabelle Adjani, Alain Delon, Madonna, Julia Roberts, se sont fait piquer leur domaine… Que se passe t-il
dans ce cas là ? Les personnes, organismes qui estiment qu’on leur a volé leur nom de domaine vont se plaindre
devant l’OMPI, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, qui a enregistré en l’an 2000, 1840 plaintes
au niveau mondial, donc c’est à la fois beaucoup et pas beaucoup et il faut savoir qu’une majorité de ces plaintes a
abouti à des transferts c'est à dire qu'on leur a rendu leur domaine car on a estimé qu'il était plus légitime que
Madonna ait son nom Madonna.com. On a estimé que ces personnes qui avaient déposé ces noms de domaine le
faisaient dans l’espoir de les revendre très chers aux intéressés. Cela a marché pendant une certaine période mais ce
que vont nous confirmer nos intervenants, c’est que cela marche beaucoup moins bien aujourd’hui.
Face à cela, le .fr continue son petit bonhomme de chemin… Le .fr c’est la France, celui qui définit
géographiquement les sites Internet hébergés en France ou liés à une activité 100% française. Mais on lui reproche
souvent, sa complexité… Contrairement au point .com, il est très difficile d’avoir et d’acheter un .fr ; .fr tout court,
vous devez être une entreprise, fournir un certain nombre de documents alors qu’il suffit de sortir sa carte bancaire
pour acheter un .com sur Internet. Pour un .fr, c’est beaucoup plus complexe. Si vous êtes particulier, pas question
d’avoir un .fr, vous aurez droit à un .nom. fr, ce n’est pas toujours simple non plus. Il y a des tas de déclinaisons du
.fr, j’ai découvert aeroport.fr, aix-en-provence.barreau.fr, cela part d’un bon sentiment, c’est le domaine des
avocats d’Aix en Provence…J’ai vu qu’il n’y en avait qu’un seul… On a parfois reproché à l’AFNIC, qui gère les
domaines en .fr, une vision un peu administrative des choses, voire un peu informatique des choses avec cette
notion d’arborescence, l’AFNIC est issue de l’INRIA, est ce que cela vient de là ? On aura l’occasion d’en
reparler…
Mais malgré ces pseudo-inconvénients dont je viens de parler, il faut reconnaître que sur le .fr, il y a beaucoup
moins de litiges et de problèmes de cybersquatting, de problèmes de saturation qu’avec les autres noms de
domaine. En résumé, on pourrait dire que le .com, c’est la facilité mais la fragilité, et le .fr, c’est la complexité,
mais la sécurité ».
« Je vous présente les intervenants :
• Alain Bensoussan, avocat, du CABINET ALAIN BENSOUSSAN, spécialiste du droit de l’Internet, que nous
entendrons à propos du contexte légal de ces noms de domaine,
• Dominique Rosenthal-Rolland, vice-présidente de la seconde chambre civile, du TGI de Nanterre, donc 2
juristes que l’on entendra vers la fin des interventions,
• Jacques Bessy, directeur du département Propriété Intellectuelle du Groupe LVMH,
• Laurent Chemla, qui dirige une registrar, GANDI, une société qui enregistre les noms de domaine pour les
particuliers ou les entreprises,
• et Jean-Yves Babonneau qui est le directeur général de l’AFNIC. »
« Je vais donner la parole à Jacques Bessy, qui est un utilisateur final. Pour le compte des nombreuses entreprises
que vous représentez, vous avez déposé dans le monde entier de nombreux noms de domaine pour toutes les
marques du Groupe LVMH et vous avez été victime plusieurs fois de cyber-squatters et il faut dire que l’industrie
du luxe est habituée à la contrefaçon…, vous allez nous faire part de votre analyse… »
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Jacques Bessy : « Une petite précision, je suis modestement le directeur de la Propriété Intellectuelle de LVMH
Fashion Group, société créée récemment, qui regroupe toute la mode / maroquinerie du groupe LVMH (Louis
Vuitton, Berlutti, Celine, Christian Lacroix, Fendi, Kenzo, Givenchy, Loewe, Marc Jacobs, Emilio Pucci, Thomas
Pink et StéphanoBi) ».
« On se trouve attaqué et même pillé dès l’instant que l’on a compris que dans la mode, il y a deux moteurs, la
création et la communication, on vend aussi de l’image et Internet est l’outil par excellence de la communication
moderne de la globalisation…
1. les CCTLD, les Country Code Top Level Domains
Il y a autant de pays et autant de situations différentes… Sur le .fr, je n’ai rien à dire. En tant que titulaire de
marques, je suis pour la sécurité. Le .fr devrait être pris en exemple par de très nombreux pays…
Pour donner deux anecdotes :
vuitton.to, c’était un nom de domaine qui a été cyberpiraté. C'est vuitton.tonga, et vuitton.cc, c’est coco
islands et personne n’a besoin d’un atlas pour savoir où se trouvent le Royaume de Tonga et les Iles Coco…
On a réussi à les récupérer… Et j’ai lu dans le magazine Challenges, fin 99 ; que le Royaume de Tonga a une
spécialité : la vente des adresses Internet et que la famille Royale de Tonga a des intérêts dans l’affaire.
Notre réaction : Jamais de rachat. On n’a jamais racheté un seul nom de domaine. Ensuite le nom de
domaine, c’est une simple adresse. Est-il utile de posséder cette adresse dans son portefeuille ? Car pour un
groupe comme le nôtre, on récupère des noms de domaine, on engrange un portefeuille de noms de domaine, et
il faut bien sûr au bout d’un an ou deux, renouveler la cotisation et cela peut croître à l’infini sans aucune
utilité.
La stratégie que nous avons adoptée, c’est que lorsque derrière cette adresse, il n’y a pas de sites qui
fonctionnent réellement, on se contente, d’une lettre de mise en demeure, on essaye de négocier à l’amiable
et de se faire restituer éventuellement la propriété ou de le faire annuler et on s’en tient là. On surveille. Le
jour où il se passe quelque chose, on avise.
2. Les GTLD, Generic Top Level Domain (.com, .net, .org)
Pour une société globale comme la nôtre, c’est plus sérieux car ce sont des adresses universelles, à partir de
n’importe quel pays, on pourra rentrer sur des sites .com, .net, .org sans compter les 7 nouveaux noms de
domaine qui vont bientôt fonctionner.
Quelques anecdotes : La naïveté, vuitton.net. A l’époque, la procédure d’arbitrage l’OMPI n’était pas encore
en place, donc nous avons assigné devant le Tribunal de Paris, une jeune japonaise qui a appelé en larmes la
filiale du Japon en disant « je fais ce que vous voulez ». Comme les japonais font beaucoup de bien à Vuitton ,
je n’ai pas eu le cœur à lui faire du mal. On en est resté là et elle nous a rendu son nom de domaine. La
combinazione, c’est un italien qui avait déposé evuitton.com, la juridiction italienne nous a restitué ce nom de
domaine. Les liaisons dangereuses, c’est louisvuittongucci.com, ça existe, c’est en Corée, cela ne fonctionne
pas. La trahison (on n’est jamais trahi que par les siens), de temps en temps on trouve un employé qui vous dit,
j’ai déposé le nom de domaine x, pour vous rendre service. On a eu l’exemple de quelqu’un dont le Groupe a
racheté ses participations dans une petite start up américaine qui avait déposé : groupearnault.com etc… La
luxure, vuittonmassage.com, ça existe…, c’était déposé par un thailandais.
Nos réactions : judiciaires souvent avec assignation devant le TGI de Paris, on en a fait aussi en Italie… C’est
plus long, c’est coûteux. Je citerai le cas de la France où quand on se bat sur des .com, sur des noms
génériques, l’attitude des Tribunaux est très contrastée y compris dans une même juridiction. Si vous allez
dans une action au fond, ou devant le juge des référés, vous n’avez pas du tout la même attitude des
juridictions et des magistrats. Il y a des tribunaux qui manifestent des réticences à ordonner le transfert.. or on
sait que lorsque n’importe quel tribunal ordonne le transfert, NSI (Network Solutions Inc), qui reste le
gestionnaire principal des noms de domaine en .com notamment, transfère immédiatement le nom de domaine
or en France on se trouve face à des juridictions qui hésitent à le faire, on vous dit : cela dépasse le pouvoir du
juge, ce n’est pas prévu par les textes, cela dépasse la territorialité de ma décision.Cela conduit à ce que les
anglo-saxons appellent du forum shopping, c’est à dire que les titulaires de droit vont choisir leur juge.Ce
n’est pas compliqué, puisque l’Internet est accessible dans tous les coins du monde et de France notamment et
bien, vous faîtes un constat dans le ressort d’un tribunal où vous savez qu’il y a un « bon » juge. Mes avocats
m’ont dit qu’il y a fréquemment des constats dans les Hauts de Seine car on sait qu’il y a par exemple une viceprésidente à Nanterre qui est très efficace sur ce plan là…
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Ensuite, il y a la procédure d’arbitrage (UDRP : Uniform Disput Resolution Policy). Cela coûte 1000 dollars
us plus les honoraires des avocats. Vous avez le choix entre 1 ou 3 arbitres etc…Cela fonctionne bien. Dire
que cela a tout résolu, non. Ce matin j’avais encore un e-mail au bureau me signalant le cas
financialrevue.com. La revue australienne qui réclamait le transfert d’un nom de domaine acheté par une
société a échoué dans son action parce que les arbitres ont dit qu’il ne suffisait pas d’enregistrer un nom de
domaine pour démontrer la mauvaise foi du titulaire. Il fallait que celui ci ait l’intention en particulier de le
revendre à celui qui possède la marque ou qui utilise une enseigne portant le même nom que ce nom de
domaine, donc on est encore loin d’avoir tout résolu.
3. Un mot sur la contrefaçon de marque, on y viendra forcément car les noms de domaine, ce sont des adresses
et puis derrière on passe au contenu même du site.
Internet oui, outil exceptionnel de communication mais c’est aussi un vecteur de criminalité, drogue, arme,
pédophilie et autres… et puis violation des droits de propriété intellectuelle. Elles sont multiples depuis le
droit à l’image, la violation du droit des marques. Le problème c’est d’évaluer l’impact réel de la violation
(car Internet c’est éphémère). On se trouve face à des ventes de contrefaçons qui s’opèrent deux manières.
Des sites indépendants, par exemple : fakegift.com (toujours en activité) et dont le titulaire avait de multiples
alias. Il a été arrêté par le FBI la semaine dernière grâce à l’action d’un autre groupe du luxe (Richemont),
qui a monté un dossier. Ce monsieur gagnait un demi-million de dollars par mois. Il avait un certain nombre
de sites liés à faKegift.com dans de nombreux pays et c’était un vrai trafic.
Vous avez aussi des sites organisant des ventes aux enchères (je ne cite pas de noms). Cela permet d’écouler
beaucoup de contrefaçons…
Il y a 2 problèmes récurrents. A qui appartient la charge de surveiller le web ? Les organisateurs de ces
ventes disent : je suis prêt à coopérer avec vous mais surveillez et dites ce qui ne va pas et je fais. Mais si on
surveille en permanence ces sites, c’est du temps, de l’argent. Ce sont des gens qui ne font que cela. Est-ce à
nous de le faire ? nous disons non, c’est à ces personnes qui l’organisent d’avoir un business propre. Il se
pose le problème de la responsabilité de l’organisateur. On part dans de grandes discussions… Aux EtatsUnis, Il y a une possibilité de contributory liability ou vicarious liability, une responsabilité de voisinage ou de
complicité en quelque sorte. En France, on se trouve dans une situation curieuse. On a une loi du 1er août qui a
modifié la loi sur la liberté de communication et dont un article a été annulé par le Conseil Constitutionnel. La
première version était : les personnes physiques ou morales qui assurent à titre gratuit ou onéreux le
stockage… ne sont pénalement ou civilement responsables que si ayant été saisies par une autorité judiciaire,
elles n’ont pas agi promptement pour empêcher l’accès à ce contenu ou si ayant été saisies par un tiers
estimant que le contenu qu’elles hébergent est illicite ou lui cause un préjudice, elles n’ont pas procédé aux
diligences appropriées… L’alinéa concernant le tiers a été annulé par le Conseil Constitutionnel car cela
renvoyait à une responsabilité pénale qui ne peut être mise en œuvre que par une autorité judiciaire… Le
raisonnement est indiscutable. Le problème est que l’on se trouve face à un vide juridique et que la question est
la suivante (j’ai eu des réponses très diverses). Le principe de la responsabilité générale pour faute (article
1382) perdure t-il ? Ou est-ce que cette loi spéciale déroge à la loi générale (article 1382 du code civil). Si
c’est le cas, cela veut dire que pour mettre en jeu la responsabilité d’un fournisseur de services, il faut d’abord
s’adresser au juge, qui va donner une injonction à ce service-provider et s’il n’intervient pas, sa responsabilité
pourra être mise en jeu. On imagine ainsi la lourdeur du système.
Conclusion : Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, le droit c’est l’expression de cette conscience.
Internet pose le problème de la validité et de l’applicabilité des décisions au-delà des frontières. Il y aura
certainement des progrès à faire…. dans le millénaire qui vient… »
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« Laurent Chemla, fondateur de GANDI.NET, c’est un registrar, une société d’enregistrement de noms de
domaine sur Internet. Je dirai que vous êtes le poil à gratter dans cette rencontre de ce matin d’abord parce que
vous ne proposez pas l’enregistrement de noms de domaine en .fr (vous allez nous dire pourquoi), or cette
rencontre est organisée par l’AFNIC… Vous allez aussi nous expliquer comment vous faîtes pour proposer
l’enregistrement de noms de domaine 4 fois moins chers que partout ailleurs… et puis vous allez nous parler de
l’histoire de GANDI. »
Laurent Chemla :
« J’ai envie de démarrer par une maxime en disant que «dans un état de droit, tout ce qui n’est pas interdit est
autorisé. ».
« Je vais vous raconter tout d’abord pourquoi GANDI existe. GANDI a été créée par 3 activistes qui depuis des
années se battent pour qu’Internet ne soit pas qu’un espace de commerce. On n'a jamais été entièrement dirigé
contre le commerce, simplement notre activité en tant qu’activiste (nous avons monté des associations
d’utilisateurs autour de l’Internet) a consisté à ce que le grand public comprenne de quoi il s’agissait (en
1995) ; ces gens là se disaient : Internet devient de plus en plus marchand c’est bien mais Internet permet la
liberté d’expression des simples citoyens, c’est une nouveauté dans notre société qu’il est important de
défendre. Le jour où l’ICANN est arrivé en disant : maintenant les noms de domaine vont être plus largement
distribués, on va faire de la concurrence or nous le dénoncions depuis très longtemps, depuis 96 déjà. On s’est
dit que plutôt que de le dénoncer de l’extérieur, ce qui en 4 ans n’avait rien donné, il était peut être plus
intelligent de rentrer dans le marché pour le dénoncer et que cette fois ci on nous écouterait. On a créé GANDI
(Gestion et Administration des Noms de domaine sur Internet, c’est vous dire notre imagination !). Une fois
présents, on ne pourrait plus nous dire, vous êtes des jaloux de NSI ou de l’AFNIC ou autre. On a monté une
petite Sarl avec 50 000 F, nous avions déjà des moyens techniques avec nos anciennes sociétés, nos
copinages… On avait suffisamment de moyens pour créer l’entreprise et vendre des noms de domaine tout en
ayant très peu de risques financiers… L’objectif de la rentabilité était très bas. On avait estimé qu’à 500 noms
de domaine par mois vendus minimum, on serait au moins à l’équilibre. Dès qu’on a ouvert, on en a vendu très
vite entre 500 et 700 par jour… Au bout de quelques mois, on avait quelques millions en banque… Au bout
d’un an, on a eu entre 6 et 7 millions de bénéfices la première année. Pour une entreprise qui s’est créée
comme poil à gratter, c’est un peu bizarre. …
On voulait dénoncer le marché de dupes.. Un nom de domaine, ce n’est rien, c’est du vent. Tout ordinateur, tout
serveur sur Internet peut être accédé par son nom de domaine, ou par son adresse. Un nom de domaine n’est
jamais qu’un moyen mnémotechnique pour trouver une adresse sur Internet. Cela va servir à votre
ordinateur à trouver l’adresse de l’ordinateur sur lequel vous voulez vous connecter mais au final, ce qui va
être utilisé c’est un numéro comme un numéro de téléphone, c’est celui de l’ordinateur. C’est un enregistrement
dans une base de données, cela coûte très peu d’argent à mettre en place d’autant plus que ces bases de
données sont nationales ou internationales et les noms sont uniques dans chacune de ces bases de données et
représentent donc quelque chose d’unique soit pour les français soit pour la population de la terre entière et ces
noms là étaient vendus par des entreprises ou par l’AFNIC (dont je ne connais pas le statut) très chers déjà
alors que l’activité d’inscrire une ligne dans une base de données nous semble à nous très peu onéreuse,
d’ailleurs nous faisons toujours des bénéfices, donc cela ne coûte pas cher.
Nous avons voulu dénoncer cela en disant que cela coûte beaucoup trop cher et en demandant pourquoi une
ressource mondiale ou nationale était vendue par une entreprise unique à chacun des niveaux (national ou
mondial) ? pourquoi une entreprise commerciale alors qu’on a là une ressource mondiale unique ? ces
questions, nous les avons posées en créant GANDI et en rentrant dans le marché.
Ensuite, on s’est aperçu que l’on rendait un service non négligeable puisque nous avions énormément de
demandes, et que les gens nous remerciaient en nous disant heureusement que vous êtes là ! On s’est posé
quelques questions et nous avons décidé d’orienter le service vers les particuliers et non pas vers les
entreprises, toujours à partir du principe nous défendons un Internet non marchand (nous ne sommes pas
contre un Internet marchand), car l’Internet offre un espace pour tout le monde. Clairement GANDI ne fait pas
de vente en gros, nous n’avons aucun accord avec des revendeurs auxquels on ferait des tarifs particuliers.
Tout le monde paye le même prix, c’est 12 euros et GANDI restera comme cela et ne bougera pas.
Ensuite on s’est dit, puisque nous fonctionnons bien, on va essayer en conservant cette orientation et ces
blocages envers les revendeurs et en essayant d’empêcher le cybersquatting par d’autres moyens que les prérequis demandés par l’AFNIC par exemple, on va essayer de devenir une autorité plus ou moins incontournable
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et de cette façon pouvoir donner notre avis quand on nous le demande. On fonctionne bien et il n’y a pas de
raison que l’on ne nous écoute pas.
Sur les noms de domaine, il y a toujours eu des problèmes. Je disais tout à l’heure : tout ce qui n’est pas
interdit est autorisé. On vient de nous dire que nous avions environ 30 millions de .com, .net et .org et en face
1840 plaintes… On peut dire il y a un problème, est ce qu’il est grave ? Je me pose la question surtout lorsque
j’entends l’intervenant précédent représentant le Groupe LVMH nous dire, nous avons réussi à chaque fois à
récupérer le nom de domaine. Quel grave problème ? Il faut réguler cela. Soit on va empêcher ces 1840 cas
d’arriver en faisant quoi ? En demandant par exemple comme le fait l’AFNIC une preuve d’identité, mais à
qui ? uniquement aux entreprises ? Pourquoi parce que le problème c’est le vol des noms des entreprises et le
vol des marques. Je veux bien mais tout cela veut dire qu’au final en .fr, il n’y a que les entreprises qui peuvent
s’enregistrer. Le marché est fermé à tous particuliers. Quand on dit que l’on veut défendre Internet, je pose la
question, veut-on faire d’Internet uniquement un marché ou pas ? Pour nous la question se situe vraiment à ce
niveau. Si on ne veut pas fermer le marché aux particuliers (et selon nous c’est clair, si on lui ferme le marché,
le public s’en ira d’Internet et le marché sera bien content d’avoir une galerie marchande vide dans laquelle
plus personne ne viendra se promener…). Nous combattons cela, en appliquant effectivement l’UDRP (Uniform
District Resolution Policy), qui n'est pas un mauvais système. Comme dans la société réelle, quand quelqu’un
abuse d’une liberté, la justice le condamne. Avant même la justice, parce que l’UDRP ne vous empêche pas
d’aller devant les tribunaux, avant d’arriver à l’étape du tribunal, on va voir un arbitre en lui disant : j’estime
qu’untel m’a volé mon domaine et l’arbitre va décider. Il y a 4 possibilités pour qu’il décide de vous rendre
votre domaine. Soit le domaine a été acheté à l’évidence pour vous être revendu, c’est le premier cas. Soit
vous avez enregistré ce domaine là dans le but d’empêcher quelqu’un d’autre d’utiliser la marque, là aussi,
vous serez condamné à rendre le domaine ; soit vous voulez empêcher un concurrent d’utiliser le domaine
pour vendre ses services, si c’est son propre nom, dans ce cas là, vous serez obligé de lui rendre. Et le dernier
cas, vous avez volontairement essayé d’orienter des utilisateurs d’Internet vers vous en contrefaisant la
marque, en essayant d’utiliser un nom plus ou moins proche de vos concurrents et dans ce cas là, vous serez
obligé de rendre votre nom de domaine. Ce sont les 4 cas listés par l’UDRP qui vous permettront dans un .com,
.net ou .org de récupérer votre nom de domaine. A priori pour les 7 nouveaux TLD qui vont être créés, ce sera
le même type de contrat qui va être passé. On voit ce qui se passe, en pratique on a soit une régulation à la .fr
où avant de pouvoir enregistrer votre nom de domaine, vous devez fournir la preuve de qui vous êtes et du fait
que vous disposez déjà d’une marque, c’est très bien, cela empêche simplement toute personne qui n’a pas déjà
un nom d’en avoir un. Dans l’autre cas, toute personne qui invente un nom a le droit de le créer et si il abuse la
justice le condamne et ce qui finalement n’est que ce que l’on vit tous les jours dans toute société de droit.
Conclusion : Je vais dire un mot sur le futur de GANDI. GANDI se bat déjà pour éviter que le .eu soit un
nouveau .fr puisque nous allons avoir bientôt un nouveau .eu pour l’Europe, en disant qu’après tout, les
entreprises aujourd’hui sur Internet n’ont pas d’intérêt à être dans .eu car Internet est un marché mondial et
leur intérêt est de se diriger vers le monde et pas seulement vers l’Europe. .eu, cela servira aux entreprises si on
est dans un système à l’AFNIC pour créer des .com qu’elles avaient déjà, puisque pour s’enregistrer dans un
système à l’AFNIC il faut déjà disposer d’un nom. Si je vends du .eu, j’aurai plein de clients d’entrée. Très bien
mais quel est l’intérêt pour les entreprises ? A mon avis il est nul, puisqu’une entreprise n’a encore une fois pas
d’intérêt à se limiter au marché européen, ni encore une fois faire de la communication sur un .eu alors qu’elle
pourra communiquer sur un .com. L’objectif pour nous, c’est de dire, que l’on a pour une fois une occasion
« unique » d’intéresser les citoyens européens à la construction de cette communauté, profitons en, limitons .eu
aux particuliers et pas aux entreprises.
Sur les autres TLD qui vont être créés, nous sommes intéressés clairement par ceux qui n’ont pas de systèmes
de pré-requis à l’enregistrement, toujours pour les mêmes raisons. Cela interdit aux particuliers de
s’enregistrer de façon simple. Cela interdit aussi aux associations, aux organisations qui n’ont pas toujours un
kbis à montrer pour pouvoir déposer un nom de domaine de s’enregistrer et le simple fait d’avoir ces
vérifications à l’enregistrement va augmenter de façon mécanique l’enregistrement et il va falloir des salariés
pour vérifier les papiers, dans notre objectif et c’est aussi pour cela que nous n’enregistrons pas de .fr, cela
coûte trop cher et nos clients ne veulent pas payer des noms de domaine si chers, ne veulent pas avoir à payer
plusieurs milliers de francs pour un enregistrement dans une base de données et nous ne voulons pas le vendre
à ce prix là. On ne vend pas de .fr, on ne vendra pas de .eu si c’est le cas et on évitera de vendre les nouveaux
TLD qui demandent des pré-requis. »
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Le moment est très à propos de donner la parole à L’AFNIC. Jean-Yves Babonneau, est directeur général
de l’AFNIC, vous êtes un peu le père du déploiement d’Internet en France. En préparant cette rencontre, vous
m’avez dit : « à l’AFNIC, on apprend en marchant », c’est à dire qu’Internet évolue sans cesse et vous êtes
obligés de vous adapter en permanence. Donc l’AFNIC a beaucoup évolué depuis sa création, vos méthodes ont
beaucoup évolué et vous allez nous dire si cela va évoluer encore dans les années qui viennent…
Jean-Yves Babonneau
« En effet on apprend en marchant. Il faut beaucoup d’humilité et de pragmatisme mais une écoute
permanente de l’utilisateur, pas seulement des entreprises mais aussi des citoyens, est indispensable. C’est ce
que nous devions faire et c’est pour cela que nous avons crée l’AFNIC en 1998, après avoir été pendant une
douzaine d’années, seuls sur le chemin de l’Internet à le déployer. Nous avions un message, rappelez vous :
toute personne physique ou morale pouvait adhérer à l’AFNIC et venir se faire entendre.
Un conseil d’administration est là pour décider de ce que sera la Charte, les tarifs, les comportements au
niveau national et international ; sa composition est équilibrée avec une représentation des prestataires, des
utilisateurs, d’un collège international et des représentants des ministères des télécommunications, de
l’industrie et de la recherche. Ne nous confondez pas avec un prestataire. Nous sommes effectivement dans un
monopole de gestion des NIC (Network Information Center) comme NSI, comme tous les autres NIC du monde.
Du fait de notre responsabilité technique essentielle nous n’avons pas le droit d’être dans le secteur
concurrentiel en même temps. C’était l’erreur que faisait NSI, en étant « registrar » et « registry », ce qui lui
permettait d’être en situation totalement de monopole en terme d’achat et de prix.
Il y a actuellement 1172 adhérents à l’AFNIC, dont 1045 prestataires ; il y en a un de plus par jour. Nous
avons 120 000 domaines et le coût moyen de création est de 132 F cette année. Quand vous entendez parler de
1000, 2000, 3000 F ce sont les coûts que l’on peut ressentir derrière un prestataire mais vous devez savoir que
ce n’est pas ce que facture l’AFNIC. Le coût d’adhésion pour ces prestataires est de 2800 à 10000 F. Si vous
voulez diffuser des .com, l’accréditation par l’ICANN coûte des dizaines de milliers de dollars…
Nous sommes une équipe de 35 personnes, réalisons en moyenne 300 enregistrements par jour et avons des
ressources de l’ordre de 22.5 MF. L’âge moyen des collaborateurs est de 31 ans. Je suis un des plus âgés, les
autres sont tous jeunes.
Le nombre de domaines en .fr, 120 000, paraît faible comparé aux 2 millions sous le . de, et presque autant sous
le .uk, mais il ne faut pas confondre le nombre de noms de domaine et la pénétration de l’Internet, cela n’a
rien à voir. Les uns font le commerce des noms de domaine, .de, tout le monde peut l’acheter, il n’y a pas de
contrôle : c’est la même chose qu’un .com. Ce n’est donc pas un vrai .pays. Mais en terme de pénétration et
d’accès aux machines, à 20% près on accède par le .fr ou par le .de au même nombre de machines. 2 attitudes
« commerciales » complètement différentes, donc 2 gestions que l’on peut mettre en opposition ou en relation,
gestion du .fr et gestion du .com. Je ne reviendrai pas sur le .com, premier arrivé, premier servi sans justificatif,
c’est rapide mais il n’y a aucun contrôle, aucune sécurité et la confiance derrière ? on va en parler. Pour la
gestion du .fr, nous nous sommes dit dès 1997, nous techniciens et non pas juristes, que l’arbre de nommage est
une ressource collective. Il doit être géré comme tel à la disposition de l’intérêt général. Ceci a été repris au
niveau international. Nous avons été les premiers à le dire. Il n’existe pas de charte qui ne commence pas par
l’article 1, « c’est une ressource collective qui devra être gérée à but non lucratif » ; je parle d’un NIC
(Network Information Center) ou d’un « registry », pas du registrar.
Concernant l’évolution des procédures en .fr, 2 choses importantes. Comme on est plus lourd, on se soigne.
On a les défauts de ses qualités. Nous allons remédier à nos défauts, bien entendu.
1. L’enregistrement des entreprises dès leur création. Nous devons aller vers les entreprises et pas forcément
les plus grandes (90% des entreprises françaises ne sont pas encore dans l’Internet) : toutes celles qui ne
pourront pas se défendre dans leur nom, ou qui sans le vouloir prendront le nom de quelqu’un d’autre et se
feront ensuite reprendre leur nom, alors qu’elles auront déjà communiqué pendant des semaines ou des
mois… Elles ne peuvent pas se permettre de perdre de l’argent ou du temps. Nous devons donc aller vers
elles, les avertir que l’Internet est un outil fondamental pour se faire voir dans la rue d’à côté comme à
l’autre bout du monde. Nous mettons au point avec les CFE (Centre de Formalités des Entreprises des CCI)
de la Région Parisienne et de Châlon, des procédures qui permettront à toutes les entreprises dès leur
création de pré-enregistrer leur nom de domaine. Elles auront ensuite 15 jours pour choisir leur
prestataire.
2. Mais le plus important, c’est la vérification du Kbis par l’AFNIC. Vous savez effectivement que nous
demandons une pièce d’identité à toute personne qui enregistre un .fr, pas seulement une entreprise. Pour
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une personne physique, c’est sa carte d’identité tout simplement. Mais on demande toujours un papier.
Pourtant nous sommes comme vous, nous n’aimons pas les papiers, nous avons souffert autant que vous.
Comment faire pour maintenir la même qualité sur le .fr sans en avoir la lourdeur ? Dans très peu de
temps, à peu près deux mois, nous ne ferons plus de vérification avec des papiers, nous n’en aurons plus
besoin. Nous accèderons en ligne avec les bases des greffes, c’est à dire les bases officielles de toutes les
entreprises. Avec une seule lettre d’engagement, les entreprises pourront déposer leur nom… Aucune
justification, nous irons chercher directement à la source des justificatifs en ligne parfaitement autorisés.
Il faudra quelques heures pour enregistrer le nom de domaine et effectuer les vérifications en temps réel,
donc ceci est faisable. On peut admettre que la confiance et la rapidité peuvent se faire l’une et l’autre.
Juste un point sur l’opération « .nom.fr » destinée aux particuliers. Car c’est vrai, on peut penser que
l’AFNIC s’est occupée des entreprises en priorité. Je ne vous cacherai pas qu’en 1995, nous avons eu l’idée
que l’Internet deviendrait un secteur marchand. Pour des scientifiques qui avaient utilisé Internet pour des
besoins scientifiques, il fallait quand même l’envisager… Nous avons alors décidé de défendre les entreprises
françaises, qui allaient être les premières attaquées ; et nous avons des marques en France que nous devons
défendre. Il a donc été décidé de mettre directement sous le .fr, les entreprises. Ensuite en 1999, ça a été le tour
des particuliers et nous avons créé le suffixe « .nom.fr ». Nous avons fait cette première opération
d’enregistrement gratuit en décembre 2000, où 8500 particuliers ont enregistré leur nom de domaine
personnel. Sachez que c’est le seul domaine qui admet une liste rouge Internet (même principe que celui du
téléphone).
Mais qu’est-ce qu’un espace de confiance ? Cela a une vraie signification pour nous. La société américaine
MEN AND MICE a mesuré la qualité technique des zones DNS dans le monde (pour chaque pays et le .com). Ils
sont venus nous voir en nous disant qu’ils avaient découvert que nous étions les meilleurs. Cela nous fait
plaisir, mais nous sommes encore à 29% de défauts techniques sur la zone .fr contre 72,5% sur la zone .com
d’après leur méthode. La dernière étude datant de novembre 2000, fait état de 80% de défauts.
Où peut-on avoir confiance ? Enquête aux Etats Unis : 6.5% des noms de domaine en. com correspondent
vraiment à une société propriétaire du nom. 86% ont été déposés par d’autres sociétés et 7.5% sont attribués à
des spécialistes de la contrefaçon. Ce sont des chiffres américains.
Le DNS est au cœur de l’Internet. Tout l’Internet est appuyé sur le DNS. Vous n’aurez aucune sécurité si le
DNS n’est pas sûr.
D’autres statistiques françaises, à partir du CAC 40 : 74% des entreprises du CAC 40 ont connu des problèmes
de piratage du nom de domaine, 26% en .com, .org ou .net. 0% en .fr.
Quand on dit que cela s’arrête, je ne comprends pas. Regardez en Grande Bretagne les chiffres de
NETSEARCH depuis 1998, le nombre de sites parodiques aurait cru de 2200%. Les sites de contrefaçons de
1650%. Je connais des entreprises asiatiques qui achètent des dizaines de noms de domaine de sociétés
françaises. Je ne sais pas où cela s’arrête. Il y a des réactions, c’est sûr, mais cela continue.
On ne peut pas penser Internet et mettre des gens dans l’Internet sans qu’ils ne soient visibles et que l’on ne
puisse les retrouver. Dès le départ, nous avons conçu depuis plusieurs années l’idée d’un annuaire
multilingue de type pages jaunes, c’est le seul de l’Internet. Des membres de l’ICANN sont venus nous voir en
Europe et ont crée des liens avec notre site, car c’est le seul annuaire de ce type qui devrait être utilisé par tout
le monde : http//harmonic.nic.fr.
Il permet à n’importe quelle entreprise quelle que soit sa taille ou sa localisation d’être vue avec la même
pertinence. Multinationale à Paris ou PME de 2 personnes dans un coin de la France, elle sera trouvée avec la
même pertinence et en 6 langues. Tout .fr est immédiatement inscrit dans cet annuaire. Annuaire de base
universel. Nous espérons que le .eu le reprendra et que l’Internet utilisera ses principes.
Nous avons créé des outils d’auto-formation à l’Internet, c’est normal que nous mettions nos compétences au
service des utilisateurs qui ne savent pas ce qu’est Internet. Nous avons donc crée deux outils : « initiation à
l’Internet » et « à chacun son site web », qui ont été primés au niveau national et ont été reconnus d’intérêt
pédagogique.
Un point sur le nommage international : notre pays, puisqu’il est représenté à l’intérieur de l’AFNIC par tous
les acteurs de l’Internet qui le veulent, a une présence et une reconnaissance très fortes.
Il faut savoir que le secrétariat du DNSO (c’est le nommage et 90% des problèmes de ICANN) est assuré par
l’AFNIC. Tout ce qui s’échange sur Internet est assuré par un serveur qui se trouve à Rocquencourt. Les
américains veulent le reprendre mais nous nous battons pour que cet outil important reste hors des Etats Unis
car pour l’internationalisation d’Internet, cela nous paraît normal.
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Les CCTLD (les 242 codes pays) qui existent dans le monde, ont un secrétariat qui sera à terme en Thaïlande
(toujours selon le principe d’Internationalisation). Il est assuré conjointement avec L’AFNIC. Cette
proposition a été votée au niveau international et est passée avec 70% des voix.
Concernant le .eu. Tous les utilisateurs de l’AFNIC, comme les CCI, le MEDEF, le CIGREF, le GESTE,
l’ACSEL… de grandes structures qui représentent d’autres structures, disent : c’est une façon de nous valoriser
et d’être plus visibles. Si cela arrange nos entreprises, je ne veux pas savoir si c’est une concurrence ou non du
.fr : il faut que nous le fassions et que nous les y aidions.
« Conclusion : l’arbre de nommage est une ressource collective, une gestion à but non lucratif, neutre par
rapport à tous les prestataires. L’Internet doit être un espace de confiance : demain on construira tous nos
échanges économiques et nos échanges interpersonnels dessus. Donc respect du droit des noms et des
marques, respect des standards techniques de l’Internet. Nous avons un outil technique qui s’appelle
zonecheck et qui est considéré comme un des meilleurs outils de vérification de tous les RFC de l’Internet,
nous l’utilisons et il est applicable par n’importe lequel d’entre vous pour vérifier la qualité de son site, de son
DNS.
D’autre part, nous ne souhaitons pas de création de nouveaux GTLD sans charte et nous nous battons pour
cela. Sur les 7 nouveaux GTLD, il y en aura 4 qui seront charterisés tout de même.
Enfin, nous défendons un référencement équitable, en donnant à tous une même chance de visibilité quels que
soient ses moyens et sa localisation. Nous l’avons fait avec notre annuaire Harmonic. »
« Merci Jean-Yves Babonneau. Je vais donner la parole aux juristes maintenant.
Alain Bensoussan tout d’abord, vous êtes avocat spécialiste du droit de l’Internet, on vous connaît pour
vos prestations à la télévision, la radio, la presse. Vous venez d’écrire un livre sur le sujet, la question des noms
de domaine et vous avez eu à plaider plusieurs affaires liées à ces questions… Vous intervenez également en
tant qu’arbitre auprès de l’ICANN ».
Alain Bensoussan
« Je vous propose un premier voyage dans le contentieux. Il est clair que les noms de domaine ont accéléré les
conflits : ceux-ci sont nombreux, difficiles tant au niveau national qu'international et en augmentation
croissante. Je limiterai mon intervention à une présentation schématique, dans le temps qui m’est imparti, et
vous indiquerai quelques lignes directrices pour éviter les contentieux.
• En premier lieu, il faut choisir entre le « .com », le « .fr », le « .net », ... et tous les autres. Vous devez
définir une stratégie : si vous en sélectionnez un, d'autres risquent de prendre les autres domaines restés
libres ; d'un autre côté, vous vous ruineriez à vouloir enregistrer tous les domaines. Il faut donc choisir la
solution la plus adaptée à vos objectifs.
• En second lieu, il convient de prendre en compte l’aspect marque. A l’origine, il y avait d’un côté les noms
de domaine et de l’autre le droit des marques ; il s’en est suivi un combat, les noms de domaine demandant
à exister en tant que tels. La logique de leur enregistrement était celle que l’on retrouve en droit des
télécoms au niveau satellitaire : premier arrivé, premier déclaré. A côté de ces nouvelles règles, continuait
à exister le droit des marques, système organisé sur le plan international tout comme l’est, dans le cadre de
l’Union internationale des télécommunications, le droit des télécoms. Cette nouvelle réglementation et ce
système ancien se sont trouvés en conflit. On aurait pu penser que les noms de domaine auraient affirmé
leur règle par rapport au droit des marques. En fait, il n’en a rien été, ce sont les marques qui ont dominé
les noms de domaine. Ainsi, lorsqu’il y a un conflit entre une marque et un nom de domaine, la marque
gagne. Il en résulte le principe suivant : la protection du nom de domaine repose avant tout sur
l'existence d'une marque. A défaut, vous courez le risque, en cas de conflit, d’être perdant face à une
marque. C’est ainsi que les marques notoires ont eu gain de cause sur les pirates.
• Le troisième élément porte sur les noms génériques. Alors que les noms génériques ne peuvent être
déposés dans le cadre du droit des marques, rien ne s’oppose à leur enregistrement comme nom de
domaine. Néanmoins, ce choix présente des avantages et des inconvénients. Ainsi, lorsque l’on prend
« confiture.com », on est sûr d’être le premier lorsque la recherche s’effectuera sur le mot confiture ; en
revanche, ce terme n’étant pas discriminant, il pourra se retrouver en dernier dans le cadre d’une
recherche plus affinée.
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•
Un quatrième aspect concerne les noms de domaine liés aux métatags. De plus en plus, il est difficile de
retrouver une marque sur le web dans la mesure où les noms de domaine s’en écartent plus ou moins. Ainsi
le GAN, bien connu en tant que marque, l’est moins en tant que nom de domaine. Il a dû en effet s’appeler
« gangroup.com » dans la mesure où le terme GAN a été enregistré comme nom de domaine pour la
Génération des Adorateurs de la Nuit. Ceci complique la recherche car se pose la question de savoir s’il
faut mettre un espace, un point, un tiret pour écrire « gangroup ». D'où l'obligation de faire des recherches
non plus par la marque elle-même, mais par des mots clés à travers des annuaires qui les référencent. Or,
certains sont référencés par rapport à des marques connues. Il en résulte que lorsque l’on tape la marque
en question, ce n’est pas elle qui va apparaître mais le concurrent qui se sera référencé par rapport à cette
marque. Il s’en suit un contentieux important dans une situation de marque saturée laquelle, compte tenu du
caractère mondial de l’internet, suppose une organisation mondiale.
Je vous propose rapidement de regarder le contexte légal, la stratégie à mettre en place, les procédures
existantes et les préjudices parce qu’il n’y a pas de contentieux sans condamnation et que les condamnations
sont de plus en plus lourdes. En matière de noms de domaine, de nombreux litiges peuvent survenir : nom de
domaine contre marque, nom de domaine contre nom de domaine, nom commercial, enseigne, ou nom d’une
personnalité contre nom de domaine, titre d’œuvre contre nom de domaine.
Dans tous ces litiges, les combats peuvent s’inscrire dans des règles différentes, suivant des procédures
différentes et en des lieux différents. Il en découle une véritable stratégie du contentieux.
La contrefaçon de marque peut provenir de l’adresse du site, de la source des pages, du contenu du site luimême. Dans mon ouvrage, « Les arrêts-tendances de l’internet », on retrouve les contentieux des noms de
domaine à travers l’ensemble de ces éléments, que ce soit par identité ou par similitude pour l’adresse, les
sources ou les contenus. Dans le cadre de la procédure, deux voies peuvent être prises :
- les sanctions civiles : radiation de la marque, radiation de l’enregistrement du nom de domaine, interdiction
d’exploiter et publication.
- les sanctions pénales : deux ans de prison, un million de francs d’amende (cinq millions pour les personnes
morales), la fermeture de l’établissement. Dans la plupart des pays du monde, les sanctions sont à peu près
identiques.
Vous pouvez choisir d’attaquer non pas en contrefaçon mais en concurrence déloyale ou parasitisme,
lorsqu’il y a des caractéristiques proches, un reroutage télématique, une imitation de la présentation du site.
Ainsi, dans le cas de la marque « champagnecéréales », le titulaire de la marque a gagné son action à
l’encontre des noms de domaine « champagnecéréales.com » et « champagne-céréales.com ». Si la marque
« champagnecéréales » n’était pas protégée, dans la mesure où il s’agit d'un nom générique, en revanche et du
fait que cette coopérative était suffisamment importante et connue, il a été considéré qu’il existait des points de
contact entre la coopérative agricole et les deux noms de domaine portant sa dénomination sociale : ces
derniers ont été condamnés pour confusion.
En conséquence, et dans le cadre d’une stratégie à mettre en place pour son nom de domaine, il convient
obligatoirement d’avoir une marque nationale et internationale dès lors qu’internet a une vocation mondiale.
Cette marque sera choisie dans les produits et services qui correspondent à votre activité mais, en outre, il
conviendra de la déposer non seulement dans la classe et le service correspondant à votre produit mais
également, si vous souhaitez faire un portail, par exemple concernant des confitures, il conviendra également
de déposer la marque dans la classe et le service informatique et télécommunication. Si votre marque est
connue, il convient de faire attention aux doublons et au concept. A côté des squatters par détournement, il
existe les squatters par identité. Vous pouvez avoir alors intérêt à déposer des marques qui correspondent à une
utilisation erronée de votre propre marque, ce qui évitera ce type d'attaque.
Au niveau national, il sera fait recours aux procédures de référé pour faire cesser le trouble.
Au niveau international, on examinera rapidement deux cas :
- l’affaire SG2/Payline : « Payline » est une marque française, communautaire et considérée comme non
générique. En Allemagne, une société broadcast.de a utilisé la dénomination « Payline » sur son propre site.
Bien évidemment, on pouvait y accéder par métatags. En application de la convention de Bruxelles, qui déclare
que la France est compétente lorsque le dommage a été subi en France, il a été possible de saisir en France le
site allemand et de le faire condamner, alors même qu’il n’utilisait pas directement l’élément de marque ou de
nom de domaine mais, de façon indirecte, par le contenu du site.
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- Si l’on engage une procédure OMPI, il convient de pouvoir démontrer la mauvaise foi de l’adversaire. Il y a
eu ainsi plusieurs décisions aboutissant toutes à des condamnations : sites de parodie de la RATP, sites utilisant
des noms géographiques comme Saint-Tropez ou des grandes marques telles que Jean-Paul Gaultier et
Christian Dior.
En conclusion, je vous donnerai cinq conseils pour tenter d’éviter les contentieux :
1. déposer vos propres marques ;
2. ensuite, et uniquement ensuite, déposer vos noms de domaine ;
3. surveiller les noms de domaine et les métatags ;
4. être en mesure de justifier d’une occupation paisible de vos marques et de vos noms de domaine : garder la
documentation et l’historique en veillant à ce que l’utilisation de la marque soit bien celle qui correspond au
dépôt effectué sinon vous risquez de la perdre ;
5. mettre en place un plan de défense.
Je vais maintenant donner à la parole à Dominique Rosenthal-Rolland. Vous êtes vice-présidente de la
seconde chambre civile du TGI de Nanterre… Vous êtes en première ligne puisque vous avez déjà eu
l’occasion de rendre de nombreuses décisions sur ces problèmes. Nous sommes très heureux de vous recevoir
ici pour que vous puissiez témoigner, analyser la situation et nous dire si l’on est toujours aujourd’hui sur
Internet dans le far-west que l’on décrivait il y a quelques années ou si on commence à y voir un peu plus
clair…
Dominique Rosenthal-Rolland
« Un petit peu plus clair effectivement… Je vais vous parler de la pratique du référé qui est une mesure rapide
et efficace pour faire cesser des actes de contrefaçons de marques dans l’adoption de noms de domaine.
Depuis quelques années, de nombreux conflits sont apparus entre les marques et les noms de domaine. Dans un
premier temps les entreprises ont cédé au chantage et ont racheté les noms de domaine qui avaient été
frauduleusement déposés. Depuis environ 3 ans, les litiges se développent devant les Tribunaux et c’est en
janvier 1999 que la société SFR a été la première à obtenir la condamnation d’une société américaine qui avait
déposé la marque SFR à titre de nom de domaine (sfr.com) et SFR a obtenu la restitution de son nom de
domaine et la somme de 1 million de Francs de dommages et intérêts. Aujourd’hui les décisions se multiplient à
Paris et à Nanterre, surtout Nanterre, j’ai environ 5 affaires par semaine.
Pour obtenir le transfert du nom de domaine, le titulaire de la marque doit procéder soit à un constat
d’huissier, soit à un constat par un agent de l’agence de la protection de programmes. Car c’est ce constat qui
permettra d’établir l’identité du déposant du nom de domaine et permettra au titulaire de la marque de
diligenter une action judiciaire.
La diffusion sur Internet étant par nature nationale, sera compétent le Tribunal du lieu où a été établi le
constat d’huissier ou le constat par l’agent de la protection de programmes. La jurisprudence a établi une
distinction entre 2 sortes de marques. Les marques « classiques, ordinaires » et les marques « notoires ou de
renommée
En ce qui concerne les marques « classiques », « ordinaires » :
Leur protection est régie par l’article N16166 du code de la propriété intellectuelle qui prévoit la possibilité
pour le président du Tribunal de prendre en la forme des référés des mesures d’interdiction mettant obstacle à
la poursuite des contrefaçons.
2 conditions sont nécessaires :
L’action au fond doit avoir été introduite après délai et cette action au fond doit apparaître sérieuse.
Comme l’action en contrefaçon suppose la reproduction d’imitation pour des produits et services identiques ou
similaires à ceux désignés dans l’enregistrement. 2 hypothèses doivent être envisagées à partir de ce principe
qui s’appelle le principe de spécialité.
Première hypothèse. Le site contrefaisant est exploité, à ce moment là on peut comparer si le contenu du site
est identique ou similaire au produit ou service visé au dépôt de la marque. Si il y a identité ou similarité, il
sera fait droit à la demande d’interdiction. Par exemple, il a été admis qu’un internaute qui avait déposé le nom
de domaine lasuisse.com, qui est la marque d’une compagnie d’assurances célèbre, l’avait déposé pour
exploiter un site qui dénigrait les produits de cette compagnie d’assurance, il a donc été admis que cet
internaute s’était rendu coupable de contrefaçons de marque. Dans la même hypothèse, une société qui
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s’appelle PERE NOEL qui vend sur Internet des produits et notamment des jeux, a été condamnée pour avoir
déposé le nom de domaine de son concurrent qui vendait également sur le réseau des jeux et des jouets.
Deuxième hypothèse. Le site contrefaisant n’est pas exploité, cela pose un problème car on ne peut pas
comparer le contenu du site. A ce moment là, pour pouvoir être protégé, la marque devra être déposée en
classe 38 qui est la classe liée aux services spécifiques à l’Internet. C’est ainsi que les sociétés LAROUSSE,
LANCOME, SANTE MAGAZINE, HELENA RUBINSTEIN notamment, qui ont déposé leur marque en classe 38,
ont pu obtenir le transfert des noms de domaine qui avaient été enregistrés frauduleusement. Dans le cas
contraire, la marque n’est pas protégée, d’où l’intérêt pour les titulaires de marques à actualiser leurs dépôts
en classe 38.
Si il n’y a pas identité ou similarité de produits ou si il y a un problème sous la validité de la marque, l’action
au fond ne présentera pas un caractère suffisamment sérieux et la marque ne sera pas protégée.
Ainsi une société française, qui s’appelait MAIKO, qui avait pour activité la réalisation de logiciels a été
déboutée de sa demande d’interdiction à l’encontre d’une société néerlandaise qui avait ouvert un site sous le
nom MAIKO car cette société n’exploitait pas de logiciels mais de l’industrie du voyage, donc des activités
complètement différentes.
Les Laboratoires GARNIER, spécialisés en matière de produits cosmétiques et notamment des shampoings, ont
été déboutés de leur demande de restitution du nom de domaine garnier.com car ce nom de domaine avait été
déposé par un monsieur Jacques Garnier, qui n’avait fait qu’utiliser son nom patronymique. Il a été rejeté
également la demande de transfert de la marque LOTO déposée par la Française des Jeux à l’encontre d’une
société qui avait déposé BANANALOTO car le juge des référés a estimé qu’il pouvait y avoir un problème sur le
caractère distinctif de la marque LOTO.
Hier il a été rendu la décision suivante : il était discutable que le nom de domaine, patrimoine.fr pouvait
constituer la contrefaçon d’une marque complexe (patrimoine formation, patrimoine actualités, patrimoine
documentation) car il n’était pas évident que la dénomination était suffisamment distinctive.
En ce qui concerne les marques « notoires ».
Elles bénéficient d’une protection beaucoup plus étendue qui est accordée par l’article N161305 du Code de
la Propriété Intellectuelle car l’emploi d’une marque notoire engage la responsabilité de son auteur, si il est
de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque. Cet article ne relève pas du régime spécifique du
référé – interdiction provisoire des marques dont je viens de vous parler, mais du régime général des référés
prévu par l’article 809 du code de procédure civile. Ainsi sans tenir compte du principe de spécialités, qu’on
applique en matière de marque, le titulaire d’une marque notoire pourra obtenir en référé les mesures
d’interdiction d’usage, le transfert du nom de domaine, même si le nom de domaine ne recouvre pas une
activité identique ou similaire à celle exercée par le propriétaire de la marque. Par ailleurs le demandeur
pourra obtenir un référé ou une provision. Tel a été le cas pour les sociétés RENAULT, CREDIT FONCIER
DE France, L’OREAL, HACHETTE, VICHY, GUY LAROCHE, LANVIN, LA REDOUTE, LES TROIS SUISSES
et ROLAND GARROS. L’action en référé est rapide. Elle entraîne la condamnation du contrefacteur sous
astreinte à transférer le nom de domaine déposé et je vous rappelle que NSI depuis le mois d’août 1999,
s’engage au vu de l’assignation en référé à geler le nom de domaine et au vu de la décision judiciaire à
transférer le nom de domaine au profit du titulaire de la marque. Sur ce point, il faut noter qu’une mesure de
radiation ne représente qu’une interdiction précaire puisqu’elle rend le nom de domaine usurpé vacant au
contraire de la mesure de transfert. La seule mesure de radiation permet l’appropriation immédiate vers un
tiers au préjudice du titulaire victime du nom de domaine. Cette hypothèse s’est déjà produite notamment au
détriment de la société SONY. SONY obtient en référé la radiation d’un nom de domaine illicitement déposé et
au moment où SONY veut l’enregistrer, ce nom de domaine a été récupéré par un tiers. Il a du faire un second
référé. En l’état de la jurisprudence aucune décision judiciaire n’a imposé une mesure de transfert auprès de
l’AFNIC compte tenu de sa charte de nommage qui ne prévoit pas la possibilité de cession d’un nom de
domaine. Non plus en référé mais au fond, le tribunal, outre une mesure de transfert (qu’il confirme)
d’interdiction d’usage, indemnise le préjudice subi par le titulaire de la marque, des dommages et intérêts
substantiels sont attribués, il peut aussi autoriser à titre de réparation complémentaire, la publication de la
décision, soit sur des supports classiques (journaux, revues) mais également sur le réseau Internet, ce qui a été
fait plusieurs fois. »
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DEBAT – QUESTIONS
« Quand il y a un référé, comment fait on pour faire appel et est-il suspensif ? »
Dominique Rosenthal-Rolland : « On peut faire appel mais il n’est pas suspensif parce que pour le référé
classique 809, l’exécution provisoire est de droit. Quand c’est le référé sous l’article N16166 du code de la
propriété intellectuelle, qui concerne la majorité des marques qui ne sont pas notoires, l’exécution provisoire
n’est pas de droit. Il faut absolument demander à votre avocat, que celle ci soit ordonnée. Donc même si il y a
appel, dans ce cas il n’y a pas de problème, ce n’est pas suspensif. »
« Gérant et fondateur de la société GLOBALBOOSTER.com et .fr. Je suis heureux de voir que nous avons dans
la salle deux éminents représentants de GANDI qui gère mon .com et l’AFNIC qui gère le .fr. Tout ce qui a été
dit, a soulevé beaucoup de questions auxquelles j’ai été confronté, il y a quelques mois lors de création de mon
entreprise. Le rapport dépôt de la marque et nom de domaine. Monsieur Bensoussan a dit qu’il fallait d’abord
déposer sa marque puis le nom de domaine. J’ai fait exactement le contraire pour des raisons qui me
paraissaient évidentes. Tout d’abord est-il réellement pertinent de déposer du .fr par rapport à du .com au
niveau commercial ? Au niveau communication, on peut communiquer sur du .fr mais si le.com a été déposé par
une société étrangère, est-il intéressant de déposer globalbooster.fr si le .com a été déposé par quelqu’un
d’autre ? Est ce qu’il arrive qu’un société qui dépose son nom en .fr car elle a été créée en France voit son nom
attaqué par une société américaine en.com qui exercerait les mêmes activités, est ce que l’AFNIC propose des
protections en disant voilà on enregistre votre .fr mais si il y a un contentieux qui se crée à cause d’une société
ayant déposé le .com, tant pis pour vous, on vous retire le .fr ? Ensuite il y a le dépôt de la marque. J’avais bien
voulu effectivement déposer ma marque avant le .com, le problème c’est que le dépôt de la marque en France
n’est pas mondial (il faut déposer sa marque dans beaucoup de pays) et si j’avais déposé ma marque en France
auprès de l’INPI, l’AFNIC m’aurait obligé à avoir une extension .tm.fr ce qui au niveau commercial est
relativement gênant et beaucoup plus gênant que le .com, donc je me suis assuré que le .com était libre, je l’ai
déposé et ensuite j’ai crée ma société et peut être qu’un jour, si je trouve que c’est utile, je déposerai ma
marque. Mais le dépôt de la marque comme le dépôt du .fr ne me donnent pas l’impression de me protéger
véritablement au niveau mondial. Et puis est ce vraiment gênant qu’un contrefacteur, dépose du .tv, .eu ou je ne
sais, finalement pour une petite entreprise qui démarre, se lancer dans le rachat du nom de domaines avec
toutes les extensions, ce n’est pas forcément très utile. »
Jean-Yves Babonneau : « Réponse courte, car vous savez très bien que la gestion du .com et du .fr sont
complètement différentes et dissociées. Nous ne sommes pas responsables de ce qui se passe sous .com. C’est à
vous en tant qu’entreprise de savoir si finalement vous communiquez sous.fr vous êtes gêné par quelqu’un qui
communique sous .com. Si c’est le cas, il faut prendre les deux. L’un n’empêche pas l’autre. »
M° Alain Bensoussan : « Dans ce cas, et si vous n’avez pas peur d’un contentieux, vous pourrez déposer sa
marque puisqu’il n’y a que les marques qui permettent de dominer les noms de domaine. Si vous avez un nom
de domaine en « .com », en « .fr », en « .net », ces trois domaines sont valides sous réserve qu’ils
n’interviennent pas dans la même activité car, dans ce cas, il y aurait concurrence parasitaire ; ces trois noms
doivent donc, sous cette condition, pouvoir normalement vivre ensemble. Dans la mesure où aujourd’hui, il est
tout à fait possible d’avoir le même nom pour des produits différents, le système est celui de la spécialité. Le
seul problème que vous avez alors, c’est que si l’on se rapproche de votre activité, la marque va transcender
les clivages de noms de domaine et empêcher n’importe qui de prendre les noms de domaine correspondant à
cette marque. Ainsi, j’ai déposé la marque « Alain Bensoussan » et mon nom de domaine est donc « alainbensoussan.tm.fr ». Bien évidemment, un squatter a pris un certain nombre de noms de grands cabinets
d’avocats dont « Alain-Bensoussan.com ». Il leur a envoyé une petite lettre en leur disant : j’ai déposé votre
nom en « .com », en conséquence de quoi vous pouvez le racheter et le payer. Personnellement, je lui ai
répondu que j’avais une simple marque communautaire : « Alain Bensoussan » et que s’il ne renonçait pas à
son dépôt il risquait de très fortes sanctions. L’affaire s’est arrêtée très rapidement.
Le « .com » est donc resté libre ainsi que le « .net », le « .tv », ... Ils le resteront car nul ne prendra le risque de
s’inscrire sous la marque « Alain Bensoussan ». J’ai fait un dépôt pour la France, un dépôt communautaire et
j’ai également déposé pour le Japon et les Etats-Unis.
Le droit des marques, c’est la noblesse du nom ; le droit du nom de domaine, c’est la noblesse de l’internet et
il fallait que ces deux noblesses se conjuguent. La marque a un rapport au produit, alors que le nom de
domaine n’est qu’un rapport d’adresse d’accès. »
Conférence AFNIC du 2/2/2001 « Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine, où en est la jurisprudence ? »
copyright afnic – février 2001
Toute reproduction doit mentionner la source ci-dessus.
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Jérôme Colombain : « Conclusion, si vous voulez faire du cybersquatting, attaquez vous à tout le monde sauf à
un cabinet d’avocats ! »
« Monsieur Babonneau, vous avez dit tout à l’heure que l’on pouvait avoir un nom de domaine en .fr que
lorsque la société existe bien, que se passe t-il lorsque celle ci est liquidée. Le nom se trouve t-il
automatiquement libéré ? ou y a t-il une action à entreprendre ?»
Jean-Yves Babonneau : « Non après un certain délai, le nom de domaine va être libéré et être réutilisable par
tout un chacun et ce automatiquement ».
« Une précision, j’ai entendu à l’instant qu’à partir du moment où l’on avait déposé une marque, on avait
obligatoirement un nom de domaine avec le nom de la marque .tm.fr, est ce à dire que l’on ne peut plus utiliser
.fr tout simplement meme si la marque a été déposée avant ?»
Jean-Yves Babonneau : « Non cela veut dire que si votre société s’appelle Dupont et qu’elle a déposé la
marque Dupont, vous pouvez avoir droit, soit au .fr, soit au .tm.fr soit aux deux. »
« Manuel Degret : Conseil en Propriété Industrielle. Considérez vous qu’un nom de domaine puisse constituer
un signe distinctif et par là même, qu’il soit opposable à une marque postérieure ? »
Dominique Rosenthal-Rolland : « Le problème, c’est quelle est la nature juridique d’un nom de domaine ?
C’est un débat qui pourrait prendre des heures. Dans l’immédiat, on n’a pas défini la nature juridique du
nom de domaine. On connaît la nature de la marque, et par conséquent elle prime sur le nom de domaine,
quelle que soit sa nature, dans toutes les hypothèses. »
Alain Bensoussan : « Je suis tout à fait d’accord avec vous, lorsqu’un nom de domaine n’est pas utilisé, la
marque va toujours primer. »
« Emmanuel Dalain, Agaric Hébergement, c’est pour ajouter quelque chose par rapport aux personnes qui
gravitent dans ce salon et qui sont de petites entreprises. Le .fr par rapport au .com, apporte une confiance
pour l’utilisateur, c’est son but sa raison d’être. Le .com, c’est un minimum absolu qu’il faut avoir. Je crois
qu’il y a forcément un Alain Bensoussan dans le monde qui pourrait déposer .com et puis…Le droit des
marques est complexe et rigoureux et c’est très bien mais pour l’utilisateur et pour la PME, c’est très
complexe… C’est un casse tête incroyable dès que l’on veut déposer sa marque en dehors de l’hexagone sauf à
avoir recours à de vrais professionnels comme vous. Le .fr, doit apporter un plus qui est la confiance de
l’utilisateur. Le .fr, cela veut dire, oui il y a une vraie société derrière qui est immatriculée, qui a produit ses
papiers pour ce domaine là. Lorsque vous mettrez votre numéro de carte bleue si c’est un site marchand, ce
n’est pas un mineur au Pakistan, qui a récupéré votre nom… Il y a une différence, la confiance avec le .fr et la
couche de services que peut apporter le .fr. Par rapport, l’AFNIC, personne n’est là pour prendre des décisions
en matière d’attribution de nom de domaine ou quoi que ce soit, ils sont là pour appliquer les décisions de
justice et c’est au juge de décider, mais ce n’est ni à l’AFNIC, ni au registrar de décider à qui peut appartenir
un nom de domaine. »
« Je voudrais revenir sur des notions économiques. Aujourd’hui sur le.fr si l’on veut protéger son parc de
marques, comment doit on se protéger ? le dépôt de .fr est limité en nombre (pas en marques, dit Jean-Yves
Babonneau), en .tm.fr. Quand on a 150 marques en .fr, comment fait on en .fr ? Si vous faites l’acquisition
d’une société, comment fait on ?»
Jean-Yves Babonneau : « C’est vrai que cela rallonge .tm.fr mais c’est très respecté. 5 pays européens
utilisent un .tm.quelque chose. Si vous achetez une autre société, vous avez droit à un autre nom.fr du nom de
cette société, propre à son Kbis, cela ne fait pas pour autant perdre les marques. Sous .fr les noms de domaine,
sont limités à 5 pour une entreprise, ce en accord avec tous les utilisateurs à l’AFNIC. »
Conférence AFNIC du 2/2/2001 « Contrefaçon de marques et usurpation de noms de domaine, où en est la jurisprudence ? »
copyright afnic – février 2001
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