Développement d`une méthode de dosage de la plombémie par

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Développement d`une méthode de dosage de la plombémie par
abc
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Ann Biol Clin 2003, 61 : 667-72
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Développement d’une méthode de dosage
de la plombémie par chronopotentiométrie
H.
F.
G.
P.
E.
Mathieu1, 2
Le Moigne2
Panteix3
Derache2
Jouzier2
1
Laboratoire Bioffice, Bordeaux
[email protected]
2
Laboratoire de biochimie fondamentale
et clinique, UFR de pharmacie, Université
Victor Segalen, 146, rue Léo Saignat
33067 Bordeaux cedex
3
Laboratoire Marcel Mérieux, Lyon
Résumé. Une méthode de dosage de la plombémie par chronopotentiométrie
avec le Tracelab PSU 22 de Radiometer a été étudiée. Une défécation préalable
du sang total par un mélange d’acides chlorhydrique et perchlorique permet, en
éliminant l’hémoglobine, d’obtenir le même signal pour la même concentration de plomb dans des échantillons différents. L’utilisation d’une gamme
étalon est donc possible avec un gain de temps important. La sensibilité et la
précision de la méthode ont été améliorées en optimisant le temps d’équilibration. Le temps d’analyse est de 3 minutes. La limite de détection est de
0,006 µM/L. Le coefficient de variation est de 3,6 % pour une concentration de
1,351 µM/L et 6 % pour 0,203 µM/L. Les résultats de 66 dosages effectués par
cette méthode ont été comparés à ceux de l’absorption atomique électrothermique (R = 0,991). Plus souple et plus économique, la chronopotentiométrie paraît bien adaptée aux besoins des laboratoires de biologie clinique.
Mots clés : plomb, sang, chronopotentiométrie
Summary. A potentiometric stripping analysis method for blood lead determination, using Radiometer Tracelab PSU 22, has been investigated. Hemoglobin precipitation by chlorhydric and perchloric acids mixture allows to obtain
the same signal for the same lead concentrations in aqueous standards and
various blood samples. Thus it is possible to use a time saving calibration
procedure. Equilibration time increase improved method sensitivity and precision. The analysis time was 3 minutes per sample. The detection limit was
0,006 µM/L. The relative standard deviation was 3.6% for 1.351 µM/L and 6%
for 0.203 µM/L. The results of 66 determinations obtained by this method and
by graphite furnace atomic absorption spectrometry were compared
(R = 0.991). Potentiometric stripping analysis is less expensive and very convenient for clinical laboratories.
Article reçu le 10 mars 2003,
accepté le 6 mai 2003
Key words: lead, blood, potentiometric stripping analysis
La spectrométrie par absorption atomique généralement
employée pour le dosage de la plombémie est une technique lourde, onéreuse en termes de coût d’investissement et
de frais de fonctionnement. Au-dessous d’un certain nombre de dosages (environ 200 par mois) l’investissement
n’est pas rentable. Or, les laboratoires de biologie médicale sont souvent confrontés à cette demande et amenés à
effectuer le prélèvement ; le dosage doit ensuite être rapidement réalisé, dans les 3 ou 4 jours, car, même en conservant le sang à 4 °C, des microcoagulations susceptibles de
fausser la mesure peuvent se produire. Le but de ce travail
Tirés à part : H. Mathieu
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003
était le choix et l’étude d’une méthode de dosage de la
plombémie, simple et précise, qui, en fonction de son prix
de revient, autorise aussi bien la réalisation d’un dosage
isolé que celle de séries importantes. À côté des méthodes
spectrométriques, une autre famille de méthodes, en plein
développement, s’appuie sur des mesures électrochimiques. Dans cette catégorie, le dosage par chronopotentiométrie (potentiometric stripping analysis ou PSA)
dont le principe a été précisé par Jagner [1] a paru répondre à notre demande : l’appareillage est trois fois moins
onéreux qu’un spectromètre par absorption atomique et
les frais de fonctionnement sont minimes. La mise au
point d’une telle technique a donc été étudiée avec l’appa667
article original
reil de série Tracelab commercialisé par la société Radiometer. Elle nous a permis d’effectuer les dosages du
Contrôle national de qualité.
est proportionnel à la quantité de plomb fixée sur la cathode et donc à sa concentration dans la solution. Le choix
du potentiel d’électrolyse et surtout le fait de mesurer le
temps de stripping au niveau du potentiel d’oxydoréduction du plomb assurent la spécificité de la méthode.
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Matériel et méthodes
Appareillage
L’appareil Tracelab 20 formé du Stand de mesure SAM 20
et de l’unité PSU 22 de Radiometer® (Villeurbanne) a été
employé, en connection avec un micro-ordinateur PackardBell. Le logiciel TAP 2 permet de commander les différentes étapes de l’analyse. Les mesures sont faites dans
des gobelets jetables de 25 mL en polyéthylène (MerckEurolab-Polylabo). Les dosages par spectrométrie par absorption atomique (SAA) ont été effectués en mesure directe sur un appareil Varian 640 Z® qui comporte four
graphite et effet Zeeman.
Réactifs
Acide chlorhydrique 30 % et acide perchlorique 70 %
Supra-pur, eau distillée pour analyses, étalon de plomb
Titrisol® (Merck-Eurolab, Fontenay-sous-Bois) contenant
1 000 mg de plomb, chlorure mercurique ACS (Sigma,
Saint Quentin Fallavier).
Échantillons
Les prélèvements de sang sont effectués sur héparine de
Li ou de Na, conservés à 4 °C, et analysés dans les 3 jours.
Méthode
La mesure chronopotentiométrique utilise une cellule comportant un agitateur et trois électrodes : cathode de carbone vitreux, électrode de référence au calomel, contreélectrode de platine. La cellule est reliée à un appareil
commandé par un ordinateur, le PSU 22, qui permet de
mesurer la variation du potentiel en fonction du temps.
Dans un premier temps, l’électrolyse à – 900 mV d’une
solution de chlorure mercurique permet de déposer sur la
cathode une fine couche de mercure. Ensuite la cellule est
plongée dans la solution à doser : une électrolyse se produit sous un potentiel de – 900 mV, et les ions Pb2 + vont
se décharger sur la cathode ; le plomb Pbo formé s’amalgame au mercure. Quand on coupe le circuit, le potentiel
remonte rapidement : lorsqu’il atteint la valeur du potentiel d’oxydoréduction du plomb, – 470 mV, le plomb cathodique est réoxydé par les substances oxydantes de la
solution (chlorure mercurique et oxygène dissout) et il
revient en solution. Le potentiel reste stable durant le temps
que dure cette réoxydation : ce temps de stripping est
mesuré avec une grande précision grâce à l’ordinateur ; il
668
Préparation de l’électrode
Chaque matin, l’électrode de carbone vitreux est essuyée
avec un papier filtre, puis appuyée pendant 30 secondes
avec un mouvement oscillant sur un coton imbibé d’eau et
de poudre à polir (D709-Radiometer). Elle est ensuite rincée à l’eau distillée. Les électrodes sont alors plongées
dans une solution obtenue en ajoutant 2 mL de solution de
chlorure mercurique (1,086 g/L de chlorure mercurique
dans HCl 1,3 M, ce qui correspond à 800 mg/L de mercure) dans 12 mL d’eau distillée ; cette solution est placée
dans un gobelet en polyéthylène de 25 mL que l’on introduit dans le bécher de 25 mL fourni avec l’appareil : elle
est ainsi protégée de l’atmosphère ambiante. Un potentiel
de – 3 000 mV avec une agitation « stir 5 » est appliqué
durant 10 secondes : les bulles d’hydrogène qui se forment à la surface de la cathode complètent son nettoyage.
Les électrodes sont ensuite rincées à l’eau distillée et plongées à nouveau dans la solution précédente : le dépôt de
mercure sur la cathode est alors réalisé durant 5 min
à – 900 mV et « stir 5 ». Après un rinçage à l’eau distillée,
l’électrode est conditionnée selon le programme indiqué
sur le tableau I, en effectuant 5 mesures consécutives sur
la solution suivante : eau distillée 13,19 mL, HCl 0,48 mL,
HClO4 0,08 mL, solution de chlorure mercurique 0,25 mL.
Le résultat des deux dernières mesures donne le « blanc »
de la technique.
Gamme étalon
La solution mère de plomb est obtenue en diluant à 100 mL
l’étalon Titrisol Merck dans une fiole jaugée en polypropylène, avec HCl 2 N. Sa concentration est de 10 mg/mL
de plomb. La solution de travail est préparée extemporanément par deux dilutions successives au 1/100e avec HCl
2 N. La concentration finale est de 1 µg/mL. Pour obtenir
une gamme étalon, on ajoute successivement à la solution
du « blanc » 20, 30, 50 et 100 µL de la dernière dilution,
en effectuant les mesures. La réponse est linéaire dans
cette plage de concentrations.
Dosage de la plombémie
Le sang est soumis à une défécation préalable. Dans des
tubes à hémolyse en polystyrène de 5 mL, déposer dans
l’ordre : 1,4 mL eau distillée, 0,6 mL HCl, 0,1 mL HClO4,
0,4 mL sang total. Boucher, mélanger par 5 retournements, centrifuger 5 min à 3 000 tr/min. Préparer aussitôt
la solution de mesure dans un gobelet en polyéthylène :
0,25 mL solution de chlorure mercurique, 2 mL surnaAnn Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003
Dosage de la plombémie
Tableau I. Programmation de la mesure chronopotentiométrique du plomb.
Temps en secondes
5
60
90
variable
1
variable
geant, 11,75 mL eau distillée. Mesurer. Entre deux mesures les électrodes sont rincées à l’eau distillée et placées
durant 30 secondes dans HCl N. L’appareil peut calculer
la plombémie à partir des résultats de la gamme étalon, en
tenant compte des dilutions effectuées. Les mesures sur
sang total ont été effectuées sur la solution suivante : eau
distillée 12,95 mL, HCl 0,48 mL, solution de chlorure mercurique 0,25 mL, sang total 0,32 mL.
Résultats
Stabilité d’une mesure, influence de l’hémoglobine
Dix mesures consécutives sur le même gobelet ont été
effectuées pour deux solutions ayant reçu 0,10 mL de la
solution de travail (100 ng de plomb) et faites à partir du
même sang : la première solution a été préparée selon la
méthode proposée avec défécation préalable, la seconde à
partir de sang total. Les courbes obtenues (figure 1) montrent, pour la solution de sang total, une nette baisse du
signal initial (plus de 50 %) et son augmentation progressive.
Si on opère en solution purement aqueuse ou en présence
de plasma, le signal correspondant à 100 ng de plomb
n’est pas abaissé et reste stable lors de mesures successives. La baisse constatée paraît due à l’oxygène apporté par
l’hémoglobine qui accélère l’oxydation du plomb lors du
stripping. On peut vérifier cela en soumettant à un bullage
d’azote pendant 10 minutes, avant la mesure, une solution
de la gamme ayant reçu 100 ng de plomb, et une autre,
identique, mais contenant, en plus, du sang total. L’azote
chasse l’oxygène dissout et le signal correspondant aux
100 ng de plomb devient alors identique dans les deux
solutions.
Stir
Stir
Stir
Stir
Stir
Stir
Stir
Potentiel en mV
5
5
0
0
0
0
1
– 50
– 900
– 900
0
– 900
0
– 50
sans agitation. La solution testée contient 100 ng de plomb
(figure 2). Le résultat de la mesure apparaît très dépendant
de la durée de cette phase.
Limite de détection
La valeur moyenne du blanc de la mesure (n = 10) est de
0,021 µmole/L ± 0,002. La limite de détection, calculée à
partir de 3 écarts-types, est de 0,006 µM/L ; la limite de
quantification qui fait intervenir 10 écarts-types s’élève à
0,02 µM/L.
Répétabilité. Reproductibilité
Dix dosages ont été effectués sur trois spécimens, dont
deux ont été surchargés en plomb, le même jour avec la
même cathode et sur plusieurs jours avec une cathode
ayant reçu chaque fois un nouveau dépôt de mercure
(tableau II).
Récupération
Douze sangs différents, de plombémie inférieure à
0,5 µmole/L, ont reçu 0,48 µmole/L de plomb. La récupération a été de 99,2 ± 4 %.
140
120
Aire du pic de plomb en ms
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Conditionnement
Électrolyse avec agitation
Équilibration
Stripping
Électrolyse pour mesure du bruit de fond
Stripping
Fin
Vitesse de rotation
100
80
60
40
sang traité par la méthode proposée + 100 ng
plomb. CV = ± 2 %
20
Temps d’équilibration
Le temps d’équilibration correspond à la phase où le potentiel est maintenu mais l’agitation arrêtée pour obtenir un
liquide immobile avant le stripping. L’importance de ce
temps d’équilibration a été étudiée en l’augmentant de
5 sec à 120 sec après une électrolyse de 1 min avec ou
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003
même volume de sang total + 100 ng plomb.
CV = ± 16,5 %
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Mesures successives
Figure 1. Stabilité de la mesure (10 mesures successives sur la
même solution).
669
Comparaison avec la spectrométrie
par absorption atomique
Une comparaison sur 66 dosages de plombémie dont les
valeurs vont de 0,06 à 2,5 µmoles/L a été effectuée avec la
méthode de spectrométrie par absorption atomique
électrothermique. Le coefficient de corrélation est de
0,991. La comparaison graphique a été faite selon la méthode de Bland et Altman [2, 3] (figure 3). Il n’y a pas de
différence systématique entre les résultats des deux méthodes puisque la moyenne des différences est proche de 0.
L’écart
correspondant
à
la
moyenne
des
différences ± 1,96 SD est de ± 0,147 µM/L pour une
moyenne des dosages de 1,022 µM/L. Le même calcul
statistique a été effectué pour les 40 dosages présentant
des taux faibles, inférieurs à 0,5 µM/L : le coefficient de
corrélation R est de 0,85 et l’écart correspondant à la
moyenne des différences ± 1,96 SD est égal à
± 0,132 µM/L pour une moyenne des résultats de
0,234 µM/L.
Exactitude
Les résultats obtenus au Contrôle national de qualité depuis juillet 2000 confirment l’exactitude de la méthode
(tableau III). Les résultats de l’année 2000 pour les faibles
concentrations indiquaient un surdosage : des modifications de la méthode ont alors été étudiées (augmentation
de la prise d’essai et du temps d’électrolyse) ; elles ont
permis d’accéder à une bonne concordance en 2001 et
2002.
Tableau II. Répétabilité et reproductibilité de la mesure chronopotentiométrique du plomb.
Plombémie en µM/L
Coefficient de variation
Intra-essai
Inter-essai
0,203
0,492
1,351
6%
4,9 %
3,6 %
7,6 %
6,3 %
4,5 %
Discussion
Par rapport aux méthodes déjà publiées, nous avons modifié la préparation de la solution de travail en introduisant
une défécation du sang, et précisé le rôle du temps d’équilibration qui a été nettement allongé. Les auteurs qui ont
appliqué la chronopotentiométrie au dosage de la plombémie effectuent, en général, un dosage direct sur le sang
dilué dans de l’acide chlorhydrique 0,5 N [4, 5] avec parfois une solution modificatrice de matrice [6-8]. Une défécation par HCl 2 N a été proposée pour une méthode
voltamétrique [9] ; elle a été reprise ici mais un petit volume d’acide perchlorique a dû être ajouté pour assurer
l’élimination de protéines interférentes. Cet acide, en faible concentration, ne perturbe pas la mesure. La défécation permet une récupération quantitative du plomb mais
elle a surtout pour but d’éliminer l’hémoglobine et son
oxygène. Cet oxygène diminue le signal obtenu et paraît
être une source d’instabilité. En fonction des concentrations moyennes de l’hémoglobine sanguine, on peut calculer que la quantité d’oxygène apportée par les 0,32 mL
de sang total que nous utilisons est de l’ordre de 10 à
25 µg. Comme le taux d’hémoglobine et son oxygénation
140
0,20
+ 1,96 SD
0,15
120
0,140
0,10
100
0,05
80
60
Mean
0,00
plomb 100 ng. Électrolyse de 1 min
avec " Stir 5 " et temps d' équilibration
variable.
plomb 100 ng. Électrolyse de 1 min
avec " Stir 0 " et temps d' équilibration
variable.
SAA-PSA
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article original
- 0,007
- 0,05
- 0,10
40
- 1,96 SD
- 0,15
- 0,155
20
- 0,20
- 0,25
0
0
20
40
60
80
100
120
140
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
(PSA+SAA)/2. Concentration en µmoles/L (n = 66)
Figure 2. Augmentation du signal en fonction du temps d’équilibration.
670
Figure 3. Comparaison de dosages de plombémie par chronopotentiométrie (PSA) et spectrométrie par absorption atomique
(SAA) selon la méthode de Bland et Altman.
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003
Dosage de la plombémie
Tableau III. Résultats obtenus au Contrôle national de qualité
depuis juillet 2000 (plombémie en µM/L).
Année
2000
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2001
2002
Échantillons
Chronopotentiométrie
Moyenne toutes
techniques
00-700-800-900-1000-1100-1201-0101-0201-0301-0401-0501-0602-0102-0202-0302-04-
1,56
0,28
2,02
0,32
0,69
1,26
0,21
1,62
1,1
0,21
2,29
1,54
1,48
2,15
1,63
0,28
1,64 ± 0,18
0,2 ± 0,04
2,11 ± 0,18
0,18 ± 0,04
0,66 ± 0,05
1,15 ± 0,09
0,17 ± 0,03
1,4 ± 0,11
1 ± 0,09
0,17 ± 0,03
2,16 ± 0,18
1,62 ± 0,16
1,59 ± 0,16
2,27 ± 0,28
1,6 ± 0,17
0,31 ± 0,05
varient d’un sujet à l’autre, voire d’un moment à l’autre,
l’utilisation d’un témoin interne est nécessaire dans les
méthodes directes. Lorsque le sang est préalablement déféqué, le signal n’est pas diminué et reste stable. Une même
quantité de plomb donne un pic de même aire dans différents échantillons de sang ainsi qu’en phase purement
aqueuse. Cela permet de travailler avec une courbe étalon
et apporte un gain de temps appréciable quand les dosages
sont nombreux. La linéarité est effective jusqu’à une plombémie de 3 µM/L.
Le temps d’équilibration est généralement présenté comme
le temps nécessaire à l’obtention d’une solution « tranquille » avant le stripping. Il est en moyenne de 30 secondes dans les méthodes de dosage de divers métaux proposées par Radiometer. Lorsque l’on fait varier ce temps
entre 5 et 120 secondes, dans nos conditions opératoires,
on obtient un signal progressivement amplifié de façon
importante (figure 2) : il est doublé entre 30 et 90 secondes si une électrolyse avec agitation a été réalisée auparavant. Or, on peut estimer que les courants de convection
ont disparu après 30 secondes et que les concentrations de
l’oxygène dissout et du chlorure mercurique sont constantes autour de la cathode. L’augmentation du signal peut
alors s’expliquer ainsi : durant l’électrolyse avec agitation,
une certaine quantité de plomb réduit a été formée à la
cathode mais les courants liquidiens n’ont pas permis à
tous les atomes de s’amalgamer au mercure ; cela devient
possible quand l’agitation est arrêtée, le potentiel étant
maintenu. Si l’électrolyse préalable est faite sans agitation, le plomb réduit est moins abondant et la fixation
beaucoup moins importante dans ce deuxième temps. Il a
paru logique de ne pas interrompre cette fixation et de
Ann Biol Clin, vol. 61, n° 6, novembre-décembre 2003
prolonger cette étape jusqu’à 90 secondes pour fixer le
maximum de plomb réduit.
La méthode ainsi établie présente des performances proches de celles qui sont annoncées pour la spectrométrie
par absorption atomique électrothermique dans la littérature [10]. La limite de détection est plus basse, la reproductibilité légèrement moins bonne. La comparaison des
résultats obtenus par les deux méthodes montre une
concordance satisfaisante : celle-ci est cependant moins
bonne pour les faibles concentrations. L’écart de
± 0,132 µM/L mesuré dans ces cas doit être confronté à
celui des comparaisons intertechniques et interlaboratoires : le Contrôle national de qualité indique des écarts
admissibles de ± 0,125 µM/L pour une concentration de
0,179 µM/L et de ± 0,135 µM/L pour 0,313 µM/L, alors
que plus de 90 % des participants utilisent la spectrométrie par absorption atomique électrothermique.
Ces écarts relativement importants s’expliquent donc simplement par les difficultés techniques des dosages dans
cette zone sensible. Ils n’ont pratiquement pas d’incidence
sur l’interprétation clinique. La chronopotentiométrie peut
donc être utilisée à la place de la spectrométrie par absorption atomique. La sensibilité de la mesure chronopotentiométrique peut encore être améliorée en augmentant le
temps d’électrolyse : il faut alors augmenter dans les mêmes proportions le temps d’équilibration.
La méthode est manuelle, mais de réalisation facile et
rapide. L’utilisation de gobelets et de tubes jetables évite
des lavages délicats. La préparation de l’appareil et l’étalonnage demandent 30 minutes ; ensuite 20 dosages peuvent être effectués par heure. La cathode revêtue de mercure présente une bonne stabilité qui peut être contrôlée en
mesurant un étalon toutes les 60 minutes. Le coût des
réactifs est faible, de l’ordre de 0,5 euro par dosage. Les
électrodes ne s’usent guère et ont une longue durée de vie.
Le dosage s’effectue à température ordinaire, le matériel
ne souffre pas, c’est une méthode « douce » ; les pannes
électroniques sont rares, l’entretien réduit. D’autres métaux biologiquement intéressants peuvent être dosés par ce
type de méthode, tels que le cuivre, le zinc ou le cadmium.
La chronopotentiométrie paraît donc bien adaptée aux besoins des laboratoires de biologie médicale.
Références
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lead in matrix-matched standards. Clin Chem 1994 ; 40 : 1730-4.
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voltammetric stripping analysis using a dialysis membrane covered film
electrode. Analyst 1994 ; 119 : 1813-8.
672
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