Le Service de santé des armées : des savoir

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Le Service de santé des armées : des savoir
VEILLE ET SECURITÉ SANITAIRE
Valérie Denux1, Alain Puidupin2,
Thibaut Provost-Fleury2, Patrick
Causse Le Dorze3, Hervé
Foehrenbach4, Lionel Clerc5,
Jean-Marc Debonne6
1
Officier de liaison du service de sante des
es auprès du ministère en charge de la
arme
Sant
e, Secr
etariat g
eneral des ministères
charg
es des Affaires sociales, 14, Avenue
Duquesne, 75350 Paris 07 SP
2
Adjoints des autorit
es de coordination
direction centrale du service de sante des
arm
ees
3
Chef de cabinet du directeur central du
service de sant
e des armees
Le Service de santé des
armées : des savoir-faire
militaires au service de
la gestion des crises
sanitaires
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4
Autorit
e de coordination « soutien sante
des op
erations »
direction centrale du service de sante des
arm
ees
5
Officier g
en
eral transformation
direction centrale du service de sante des
arm
ees
Directeur central du service de sante des
es, 60, Boulevard du General Martial
arme
Valin, CS 21 623, 75509 Paris cedex 15
6
Tir
es à part : J. Debonne
B
lessés lors d’un accrochage avec des insurgés en Kapisa, dans l’est de
l’Afghanistan, ou dans le massif désertique de l’Adrar des Ifogas au
Mali, malades de retour d’Afrique ou du Moyen Orient, les soldats français
savent que le service de santé des armées (SSA) fait de leur vie son combat.
Le SSA est présent auprès des forces armées « en tous temps, en tous lieux et
en toutes circonstances » depuis plus de trois siècles. De la médicalisation au
plus près des combats à la réhabilitation dans les hôpitaux de métropole,
en passant par le damage control1 et les évacuations médicales, le SSA met
en œuvre une chaîne cohérente et complète qui garantit une prise en charge
optimale des militaires blessés. Les femmes et les hommes du SSA sont ainsi
régulièrement confrontés à des situations sécuritaires difficiles et à des
milieux extrêmes. Leur métier est la pratique de la médecine en situation
exceptionnelle.
Les savoir-faire du SSA, acquis et entretenus dans le cadre de ses missions
opérationnelles, ont été souvent sollicités pour la gestion de crises de natures
très diverses. Le SSA a toujours répondu présent, lors de catastrophes
naturelles comme le tremblement de terre en Haïti en 2010 ou le Tsunami à
Fukushima en 2011, lors de catastrophes humanitaires comme en Jordanie
au profit de nombreux réfugiés et blessés syriens en 2012-2013, ou encore
lors des crises sanitaires liées aux épidémies de chikungunya ou de dengue.
Cette participation à la résilience de la Nation est inscrite dans le Livre Blanc
de la défense et de la sécurité nationale de 2013.
©Ministères Sociaux/DICOM/Jacky d. FRENOY.
Jean-Marc Debonne
En 2014, l’action du SSA dans la gestion des crises sanitaires a pris toute son
ampleur face à l’épidémie à virus Ebola. Celle-ci a mobilisé des ressources
sanitaires sans commune mesure avec les crises précédentes et a nécessité
une action interministérielle où le SSA s’est avéré être un contributeur utile
pour remplir certaines missions. Sa participation s’est déclinée en quatre
types d’actions : implication dans le pilotage de la gestion de crise,
contribution à l’offre de soins, formation et veille sanitaire.
Pour le pilotage, outre la mise en place d’une cellule de crise propre au
ministère de la Défense, des experts du SSA ont été détachés au sein de la
Task force interministérielle Ebola (TFIE), notamment comme chef du pôle
scientifique, ou comme conseiller au sein de la coordination nationale en
Guinée.
DOI: 10.1684/med.2016.85
Au-delà de la prise en charge des deux malades accueillis sur le territoire
national au sein de l’hôpital d’instruction des armées (HIA) Bégin, le SSA a
conçu et mis en œuvre une capacité d’hospitalisation, le centre de traitement
des soignants (CTS) déployé à Conakry, respectant toutes les règles de
biosécurité. Cette unité médicale inédite (« zéro effluent émis ») a pris en
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Damage Control : stratégie en plusieurs temps de prise en charge médico-chirurgicale visant à
contrôler les processus hémorragiques et infectieux pour ensuite entreprendre les réparations
définitives après correction des désordres physiologiques. Cette stratégie s’inscrit dans une chaîne
qui débute dès le lieu de la blessure par des gestes de sauvetage et se poursuit tout au long de sa
prise en charge aux niveaux préhospitalier et hospitalier.
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VEILLE ET SECURITÉ SANITAIRE
charge 61 patients dont 26 cas confirmés. Son personnel
était composé de militaires d’active et de réserve du SSA,
renforcés par des personnels de l’EPRUS2 (aujourd’hui
ANSP3). Parallèlement, une capacité de transfert terrestre
et aérien de patients à très haut risque biologique de
transmission par contact a aussi été conçue.
Suite à ces évènements, les directeurs généraux de l’Offre
de soins et de la Santé (DGOS – DGS) ont saisi
conjointement le CNUH5 et le SSA pour qu’ils conçoivent,
ensemble, une formation des équipes pré-hospitalières et
hospitalières civiles à la prise en charge d’un afflux massif
de blessés par armes de guerre.
En termes de formation, des procédures de biosécurité
des activités de soins, de laboratoire et de soutien
logistique ont été intégrées dans des modules d’enseignement au profit du SSA, de l’EPRUS, de la sécurité civile
et de la Croix-Rouge française.
Ainsi, certaines aptitudes du SSA, dont sa réactivité
(permise par sa posture permanente de veille), sa capacité
de réponse intégrée (combinant recherche, formation,
ravitaillement sanitaire, médecine de premier recours et
médecine hospitalière), ou encore sa maîtrise de la
planification et de l’organisation, légitiment sa participation en tant qu’acteur à part entière de la gestion des
crises sanitaires.
Enfin, le centre d’épidémiologie et de santé publique des
armées a fortement contribué aux actions de veille
sanitaire, à la description des scénarios d’évolution
possibles, à l’organisation du suivi du personnel au retour
des zones à risque et à l’expertise internationale.
Cette synergie entre le SSA et les acteurs publics de santé
s’est de nouveau illustrée au moment des attentats de
novembre 2015. Les HIA Begin et Percy ont pris en
charge 18 urgences absolues selon les techniques de
damage control éprouvées en opérations. Sur le terrain,
des techniques de sauvetage au combat ont été mises en
œuvre par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris,
dont la majorité des médecins appartient au SSA. Des
spécialistes militaires de la santé mentale, appuyés par
des équipes de médecins généralistes du service, sont
intervenus très tôt sur le site d’accueil des familles à
l’École Militaire. Parallèlement, le SSA a pu aussi
distribuer très rapidement des contre-mesures NBC4
aux équipes de secours et répondre aux besoins en
produits sanguins, en particulier par le plasma cryodesséché issu de sa recherche. Enfin, encore aujourd’hui,
l’HIA Percy et l’Institution Nationale des Invalides
travaillent à la réhabilitation de certaines des victimes.
Le 2 décembre 2015, à l’École du Val-de-Grâce, lors du
séminaire consacré au retour d’expérience sur l’action de
la France face à l’épidémie à virus Ebola, la ministre en
charge de la Santé a appelé de ses vœux le développement de synergies et la formalisation d’une nouvelle
relation entre le SSA et les acteurs civils de la santé. Le
ministre de la Défense a répondu favorablement à cette
demande qui reflète parfaitement la démarche d’ouverture du SSA vers son environnement, inscrite dans son
nouveau Modèle « SSA 2020 ». Un protocole d’accord
interministériel sera signé très prochainement pour
consacrer cette relation de plus en plus étroite, tant en
situation de crise qu’au quotidien dans les territoires de
santé. Des accords spécifiques entre le SSA et la DGOS, la
DGS ou des agences nationales de santé déclineront
concrètement ce protocole.
Le SSA n’aura donc jamais été aussi proche de la DGS qu’à
l’occasion de ses 60 ans !
~Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun
lien d’intérêt en rapport avec l’article.
2
EPRUS: Etablissement de préparation et de réponse aux urgences
sanitaires.
ANSP : Agence nationale de santé publique.
4
Nucléaire, bactériologique et chimique.
3
5
CNUH : Conseil national de l’urgence hospitalière.
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