Pourquoi faire s`exprimer les jeunes ?
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Pourquoi faire s`exprimer les jeunes ?
Pourquoi faire s’exprimer les jeunes ? sur les technologies d’Information et de Communication L’adolescence étant une période de grands changements (corporels et psychologiques), la réflexion du jeune va se centrer sur « qui il est » et sa relation aux autres, mais peu sur la gestion de ses actes quotidiens. Le domaine des TIC (technologies d’information et de communication) étant récent, il n’est pas (ou peu) abordé et interrogé par les adultes, souvent mal à l’aise avec ce sujet qu’ils ne maîtrisent pas. Au mieux, ils se contenteront de donner des conseils qui ne seront pas toujours entendus par le jeune. Des rationalités qui s’opposent Les jeunes vont opposer leurs propres priorités aux conseils donnés par les adultes et décider de les retenir ou non en fonction de la légitimité qu’ils leur accordent. Il semble par exemple que les conseils liés à la prévention de la pédophilie soient intégrés par les jeunes car le risque identifié est reconnu par eux comme important (ils le citent le plus souvent comme principal risque d’Internet). Le plus souvent, ils veilleront donc à ne pas donner de renseignements sur leur vie privée lors de leur utilisation d’Internet (nom, numéro de téléphone, adresse, etc…). Mais dans de nombreux domaines liés aux TIC, les jeunes ont des rationalités qui leur sont propres et qui s’opposent aux discours ou conseils des parents et des professionnels. Par exemple : Les parents et les professionnels vont rappeler qu’il est interdit de mettre des photos sur un blog en raison de la loi sur le droit à l’image. Le jeune va considérer que ça ne le concerne pas puisque ce sont principalement des photos de copains et qu’il pense souvent que son blog n’est fréquenté que par eux. Les parents vont dire à leur enfant qu’il passe trop de temps sur MSN, qu’il perd du temps. Mais l’intérêt du jeune est centré sur ses copains qui ont une place primordiale dans sa vie (avec ce que ça représente en termes de construction de l’identité…), et il ne peut donc pas considérer que c’est une perte de temps. Face à cette critique, au lieu de s’interroger sur le temps effectivement passé sur MSN, il va souvent considérer que ses parents sont d’une autre génération qui ne peut pas comprendre. Les parents vont s’opposer au fait que leur enfant reçoive des SMS pendant la nuit car cela trouble son sommeil. Les jeunes vont considérer que 10 mn de sommeil en moins n’ont jamais fait mourir quelqu’un. Les conseils des adultes vont donc souvent être occultés par les jeunes, au vu de leurs propres priorités. Parler pour mieux comprendre La parole permet aux jeunes d’exprimer leurs points de vue, leurs expériences, leurs opinions, leurs représentations. Elle n’est possible que dans un cadre « protégé » où des règles de non‐jugement et de respect de la parole ont été fixées, et où l’animateur est convaincu des potentiels et ressources des jeunes présents. Cette parole va permettre de construire et déconstruire des pensées qui semblent cohérentes tant qu’elles ne sont pas formulées : elle entraîne une rupture d’équilibre. Exemple issu d’une rencontre avec des jeunes sur l’usage de MSN : La discussion s’était centrée sur le fait que les parents critiquent le temps passé sur MSN. Les échanges se sont orientés sur toutes les astuces que les jeunes mettaient en œuvre pour contourner les interdictions, avec quelques remarques moqueuses sur le fait que leurs parents n’y connaissant rien, ils étaient incapables de contrôler leur activité. Ils abondaient également sur le fait qu’ils faisaient d’autres activités en même temps, et donc ne « perdaient pas de temps ». L’animatrice a alors demandé aux jeunes combien de temps leur prenait cette pratique dans la journée, les amenant ainsi à réfléchir à leur consommation réelle. Des discussions animées ont suivi, le décompte du temps passé sur MSN entraînant des réflexions sur les inconvénients de cette pratique : Le frein que cette occupation peut représenter à la mise en œuvre d’autres activités : « J’avais envie de faire plein de choses et puis… la journée était finie » La « dépendance » à cet outil : Certains jeunes ont fait part de leur difficulté à s’absenter de MSN, de peur de rater quelqu’un ou des informations sur la vie du groupe. L’inintérêt des échanges sur MSN à certains moments Autre exemple concernant les blogs : Le débat s’était porté sur les photos et les commentaires mis sur les blogs. L’animatrice a interrogé les jeunes pour savoir s’ils avaient déjà été blessés par des contenus de blogs les concernant. Cette question a suscité un temps de réflexion, mais il s’est avéré que c’était le cas de plusieurs d’entre eux, même s’il ne s’agissait en l’occurrence pas de propos injurieux ou d’attaque directe mais plutôt de remarques ironiques ou de photos ne les présentant pas à leur avantage. Les échanges entre eux leur ont montré que ce qui, pour eux, paraissait anodin, pouvait blesser un autre jeune. Ces échanges ont permis aux jeunes de s’interroger réellement sur leur façon d’utiliser les TIC, d’en mesurer les avantages et les inconvénients. Ces temps d’expression et d’échange représentent un préalable incontournable pour envisager une modification de leurs pratiques. En effet, pourquoi les jeunes changeraient‐ ils leur façon de faire s’ils n’en voient pas l’intérêt… Comprendre pour faire des choix éclairés La parole rend conscient et permet aux jeunes d’élargir la vision et la compréhension qu’ils peuvent avoir de leur rapport aux TIC. Elle concrétise les contradictions, et leur permet ainsi de les concilier pour opérer les choix qui seront les plus pertinents pour leur équilibre général de vie. En effet, une fois les représentations des jeunes ébranlées, ceux‐ci vont construire collectivement, au fil des échanges, une nouvelle perception de l’usage des TIC, pouvant amener à un mode d’utilisation plus adapté, prenant en compte des préoccupations tant individuelles que collectives. Autres effets d’un outil d’expression L’utilisation d’un outil d’expression permet donc au jeune de prendre conscience de ses actes, et donc de pouvoir agir de façon éclairée. Mais cela développe également les effets positifs que l’on retrouve dans tout travail de groupe, et qui vont bien au‐delà de l’usage des TIC : La capacité d’être en relation avec autrui La création de lien social la valorisation de l’image de soi et des autres le développement des compétences psychosociales Texte de référence : Horizon pluriel n°10 : « le travail de groupe en éducation pour la santé » oct/nov 2005