L`IMPORTATION PARALLÈLE: UNE SOLUTION «CANADIENNE» L

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L`IMPORTATION PARALLÈLE: UNE SOLUTION «CANADIENNE» L
L'IMPORTATION PARALLÈLE: UNE SOLUTION «CANADIENNE»
par
François M. Grenier*
LEGER ROBIC RICHARD, avocats
ROBIC, agents de brevets et de marques de commerce
Centre CDP Capital
1001 Square-Victoria – Bloc E - 8e étage
Montréal (Québec) H2Z 2B7
Tél: 514-987-6242 - Fax: 514-845-7874
[email protected] – www.robic.ca
L'importation parallèle n'est pas un phénomène nouveau. Toutefois, dans un
marché mondial caractérisé par la facilité avec laquelle les biens circulent et
deviennent internationalement connus, les problèmes causés par cette
pratique sont plus sérieux.
Définition de "importation parallèle"
Les marchandises faisant l'objet d'importation parallèle sont des
marchandises qui sont importées et distribuées au Canada sans le
consentement du propriétaire de la marque de commerce que portent ces
marchandises, de leur importateur ou distributeur autorisé, et originent d'une
source ayant un lien quelconque avec le titulaire des droits de propriété
intellectuelle attachés à ces marchandises. En anglais, on appelle ces
marchandises "grey market goods" et le terme "grey" est utilisé puisque les
marchandises en question sont mises en marché et acquises à l'étranger de
façon légitime alors que certains doutes subsistent quant à la légitimité de
leur importation au Canada sans qu'il y ait usurpation de droits de propriété
intellectuelle locaux. Les expressions "importation parallèle", "grey goods" et
"grey marketing" ont commencé à être utilisés il y a déjà quelques années et
ces expressions sont toujours valables aujourd'hui. Après les jugements
récents de la Cour fédérale du Canada, section de première instance, dans
les affaires NINTENDO et EDAN FOODS qui seront discutées ci-après, une
solution consistante semble vouloir se développer.
© LEGER ROBIC RICHARD / ROBIC, 1993.
* Avocat, François M. Grenier est l’un des associés principaux du Cabinet d’avocats LEGER
ROBIC, RICHARD, s.e.n.c. et du Cabinet d’agents de brevets et de marques ROBIC, s.e.n.c.
Ce document a été préparé dans le d'une présentation générale donnée dans le cadre
d'un cours de formation permanente du 1993-05-04 de l'Association du barreau canadien: il
ne prétend donc pas exposer l'état complet du droit. Publication 101.
L'importation parallèle, au niveau juridique, cause un intéressant dilemme.
Les produits qui intéressent les importateurs parallèles sont ceux qui peuvent
être achetés sur le marché mondial à des prix substantiellement plus bas que
ceux auxquels ces mêmes produits sont offerts sur le marché domestique par
le titulaire des droits de propriété intellectuelle ou son distributeur autorisé,
lequel jouit d'un quasi monopole. Des prix inférieurs sont évidemment plus
intéressants pour les consommateurs et ainsi, l'importateur parallèle jouira
d'un niveau de ventes élevé alors que le distributeur "légitime" des biens,
n'étant plus concurrenciel, se verra acculé à la faillite. De la perspective du
consommateur et pour ceux qui croient en la libre concurrence, une situation
d'importation parallèle est paradisiaque.
Toutefois, vu de la perspective du titulaire des droits de propriété
intellectuelle, des prix plus élevés peuvent être parfaitement justifiés, par
exemple, par des coûts fixes plus élevés au Canada, un service après-vente
dispendieux, l'établissement d'un réseau de distribution important pour couvrir
l'ensemble du territoire, ou encore l'obligation de respecter la législation et la
réglementation locale. Une fois le réseau de distribution bien établi, il est
souvent embarrassant et coûteux pour le titulaire des droits de propriété
intellectuelle de souffrir la compétition par l'offre de ses propres produits à un
coût inférieur, possiblement en raison de composantes et d'emballages
différents.
Ainsi, de la perspective du titulaire de la propriété intellectuelle et ses
avocats, une situation d'importation parallèle, c'est l'enfer. Tenter de prévenir
par des procédures judiciaires l'importation parallèle cause et causera
toujours des problèmes: les produits sont tout à fait légitimes, il y a absence
de copie.
La popularité de l'importation parallèle a considérablement augmentée au
cours des dernières années. Certains auteurs croient que la valeur des
produits ainsi vendus dépassent les 10 milliars de dollars par année en
Amérique du Nord.
Le rôle des droits de propriété intellectuelle afin de prévenir une situation
d'importation parallèle
Les marques de commerce et droits d'auteur peuvent être utilisés pour
prévenir l'importation parallèle et empêcher la circulation libre de produits
portant de telles marques de commerce ou en association avec lesquelles
du matériel protégé par droits d'auteur est utilisé, même si de tels produits
sont légitimes, en autant que la protection légale appropriée existe (la
détermination de l'existence de telle protection dépend d'une combinaison
de faits et de droit).
Au début des années 60, lorsque l'importation parallèle n'était pas aussi
populaire qu'elle l'est actuellement, l'on a cru que la propriété d'une marque
de commerce par une société canadienne, dans tous les cas, suffirait pour
prévenir l'importation parallèle. Dans les cas les plus simples, le propriétaire
de la marque de commerce pourrait prévenir l'importation parallèle de ses
produits en entreprenant des procédures en usurpation de marque de
commerce. Selon l'article 19 de la Loi sur les marques de commerce (1985,
L.R.C., c. T-13), le propriétaire d'un enregistrement de marque de commerce
canadien a le droit exclusif d'utiliser la marque de commerce partout au
Canada en association avec les marchandises pour lesquelles la marque est
enregistrée et ce droit est usurpé par l'usage non autorisé de la même
marque de commerce.
Ainsi, dans l'affaire Remington Rand Limited v. Transworld Metal Company
Limited ([1959-60] 19 Fox P.C., 204), une injonction interlocutoire a été
accordée à la demanderesse considérant le principe ci-haut établi, afin de
prévenir l'importation parallèle au Canada de rasoirs électriques en
provenance des Etats-Unis. Dans cette affaire, la marque de commerce était
enregistrée au nom de la demanderesse, une société canadienne. La
validité de l'enregistrement n'a pas été contestée et les produits n'originaient
pas de la demanderesse, mais plutôt d'une source commune de fabrication
située aux Etats-Unis.
Se fondant sur la notion de la balance des inconvénients, la Cour devait
décider que le consommateur intéressé serait trompé si, se portant acquéreur
d'un rasoir américain, il devait découvrir par la suite que ce rasoir n'avait pas
été vendu et n'était pas garanti par la partie demanderesse au Canada.
Dans un cas tout à fait similaire, Wilkinson Sword (Canada) Limited v. Juda
([1968] 2 Ex.C.R. 137), une injonction avait été refusée, les enregistrements de
marques ayant été déclarés invalides par la Cour en raison du manque de
caractère distinctif associé à ces marques de commerce. Les marques de
commerce "WILKINSON" avaient été utilisées au Canada pendant plus de 40
ans par une société anglaise qui plus tard, les avaient cédées à sa filiale
canadienne en 1965, immédiatement avant qu'une action en usurpation de
marque de commerce soit entreprise contre un importateur parallèle. La
Cour devait conclure que les marques de commerce, lorsque l'action fut
entreprise, identifiaient pour le consommateur canadien une source et une
source unique, à savoir la société anglaise, malgré le transfert de
l'enregistrement effectué en faveur de la société canadienne (voir aussi Ulay
Canada Ltd. v. Calstock Traders Ltd. ([1969-70] 42 Fox P.C. 178).
La même conclusion a prévalu dans l'affaire Brecks Sporting Goods Co. Ltd. v.
Magder ([1976] S.C.R., 527). La Cour Suprême du Canada, confirmant la
Cour fédérale, section d'appel, devait conclure que l'enregistrement de la
marque de commerce "MEPPS", propriété du distributeur canadien des
produits en question, en raison de cessions successives, était invalide en
raison du manque de distinctivité de la marque portée au certificat, cette
dernière étant toujours associée par les consommateurs intéressés au
fabricant des produits, propriétaire original de l'enregistrement.
Toutes les décisions ci-haut mentionnées sont relatives à des marques de
commerce connues internationalement. Dans tous les cas, la marque était
propriété de la société canadienne s'occupant de la distribution des produits
au Canada sur une base exclusive et dans tous les cas où la validité du
certificat d'enregistrement protégeant la marque de commerce a été
soulevée, l'enregistrement a été déclaré invalide ou sa validité a été mise en
doute. Dans tous les cas, la Cour devait conclure que la marque était
toujours associée par le public consommateur au Canada avec le fabricant
étranger, titulaire original de l'enregistrement.
Cette situation rendait la vie extrêmement difficile pour des distributeurs
exclusifs protégés par contrat, même dans les cas où ils étaient titulaires de
l'enregistrement.
Il doit être compris que normalement, un distributeur exclusif n'a aucun droit
ou intérêt dans les marques de commerce ou matériel faisant l'objet de droits
d'auteur associés aux produits qu'il distribue. L'engagement financier et
administratif de ces distributeurs est substantiel puisqu'ils ont l'obligation de
maintenir une force de vente et de produire du matériel promotionnel au
Canada, etc., des dépenses que les importateurs parallèles n'ont pas à
supporter. En fait, ces distributeurs exclusifs étaient extrêmement vulnérables
aux importateurs parallèles qui bénéficiaient de la publicité canadienne et
mondiale faite pour les produits en question.
Etre propriétaire de l'enregistrement d'une marque de commerce étant
insuffisant, d'autres moyens originaux ont dû être développés pour protéger
les marchés locaux. Un distributeur autorisé a tenté de supporter son
intervention devant les tribunaux sur la théorie de la concurrence déloyale et
le délit de substitution (passing-off) pour empêcher l'importation parallèle
lorsque les faits démontraient que le public pouvait être trompé en
acquérant un produit en pensant que celui-ci était mis en marché par un
distributeur autorisé avec tous les avantages se rattachant à ce produit alors
que ce n'était pas le cas. Ceci a été qualifié de l'époque de l'action en
usurpation ayant des ramifications étendues (extended passing-off action).
En 1984, dans l'affaire SEIKO, la Cour Suprême du Canada a limité le droit
d'action des distributeurs autorisés à l'encontre des importateurs parallèles.
Tout d'abord, la Cour a réitéré que la règle était la concurrence libre et a
décidé que toute tentative de restreindre l'importation parallèle serait
influencée par la doctrine de l'extinction des droits ou, en d'autres mots,
qu'existait au Canada le droit de revendre des biens acquis légalement sur le
marché mondial. Récemment, d'autres décisions ont été rendues sur le sujet
et seront discutées ci-après.
La décision dans l'affaire SEIKO
Seiko Time Canada Ltd. était le distributeur exclusif au Canada des montres
"SEIKO", sans être propriétaire enregistré ou usager autorisé de la marque de
commerce "SEIKO". Les montres étaient fabriquées par K. Hattori & Company
Limited au Japon, le titulaire enregistré de la marque de commerce "SEIKO".
Le produit était mis en vente à travers le monde par le biais d'un réseau de
distribution composé de distributeurs et de revendeurs autorisés par contrat.
Seiko Time Canada Ltd. était un distributeur autorisé des montres "SEIKO" et
était mandaté pour choisir les revendeurs au Canada, donner le service
après-vente et respecter la garantie du fabricant.
La défenderesse,
Consumer Distributing Co. Ltd., n'était pas un revendeur autorisé de montres
"SEIKO".
Les produits vendus par les deux compagnies étaient identiques. La seule
différence se situait au niveau du livret de garantie joint aux montres vendues
par Consumer Distributing, lequel était destiné au marché américain et
stipulait que la garantie ne serait valide que si dûment remplie par un
revendeur autorisé. La demanderesse requérait l'émission d'une injonction
permanente afin d'interdire à la défenderesse de publiciser ou de vendre des
montres "SEIKO" au Canada ou, alternativement, une injonction permanente
pour empêcher la défenderesse de se faire passer pour un revendeur Seiko
en vendant des montres "SEIKO" comme étant garanties internationalement.
La demanderesse réclamait également des dommages.
En Cour Suprême de l'Ontario [50 C.P.R. (2d) 147], il fut déterminé que le
produit "SEIKO" comprenait la montre elle-même, le livre d'instructions, le
service au point de vente, la garantie correctement complétée par le
revendeur autorisé ainsi que le service après-vente. Les montres vendues par
Consumer Distributing étaient annoncées et vendues comme étant des
produits "SEIKO". La partie défenderesse était donc coupable d'avoir trompé
le public puisqu'elle offrait seulement l'une des quatre composantes du
"produit".
La Cour Suprême de l'Ontario devait également conclure que l'action de
Common Law en "passing-off" s'appliquait à la présente affaire pour de
nombreuses raisons; il y a fausses représentations publiques faites par le
commerçant dans le cours normal des affaires à des clients potentiels, ces
fausses représentations étant susceptibles de créer un dommage à
l'entreprise ou à l'achalandage d'un autre commerçant, lequel a entrepris les
procédures.
Le juge devait accorder, entre autres, une injonction
permanente enjoignant la défenderesse de cesser toute publicité et vente
de montes "SEIKO" au Canada et devait accorder 5 000 $ de dommages à la
partie demanderesse.
Consumer Distributing en a appelé de ce jugement [60 C.P.R. (2d) 222].
L'appel a été rejeté, la Cour d'appel devant conclure que les motifs du juge
de première instance étaient bien fondés et en particulier, que le produit
vendu par la demanderesse n'était pas simplement une montre.
L'affaire devait finalement aboutir devant la Cour Suprême du Canada [10
D.L.R. (4th) 161]. M. le Juge Estey, au nom de la Cour, devait conclure que la
conduite de la partie défenderesse ne pouvait équivaloir à un délit de
substitution (passing-off) tel que ce concept est connu au Canada, pour
plusieurs raisons:
a)
Premièrement, des éléments tels que le service au point de vente et le
service après-vente offert par Seiko Time Canada Ltd. par ses
revendeurs autorisés ne pouvaient être inclus dans la définition de
"produit". La partie défenderesse vendait précisément la même
montre, en provenance de la même source que celle de la
demanderesse.
b)
Restreindre l'importation parallèle de produits légitimes pourrait être
perçu comme un restriction au droit de la libre concurrence dans le
marché et aurait les conséquences suivantes:
.
le public se verrait nier le droit d'acheter une montre "SEIKO"
même en sachant que celle-ci n'était pas supportée par la
garantie du manufacturier;
.
un monopole serait établi, similaire à celui que concède un
brevet d'invention, sauf que ce monopole serait pour une
période de temps illimitée.
c)
Toute tentative de restreindre l'importation parallèle au moyen d'une
marque de commerce doit être influencée par la doctrine de
l'extinction des droits. Une fois que les biens légitimes sont vendus
n'importe où au monde, il ne peut y avoir de restriction sur leur transfert
en faisant valoir des droits de propriété intellectuelle.
d)
Pour invoquer la doctrine du délit de substitution (passing-off), il doit y
avoir fausse représentation ou déception pour le public en raison de la
vente de biens provenant d'un marché parallèle. Dans l'affaire SEIKO, il
n'y avait aucune fausse représentation puisque la partie défenderesse
s'était vu ordonné d'avertir le public par des avis dûment affichés aux
points de vente à l'effet que Consumer Distributing n'était pas un
revendeur autorisé et que les montres qu'elle vendait n'étaient pas
garanties internationalement par Seiko Time Canada.
e)
La définition étendue de l'action en délit de substitution (passing-off) ne
s'appliquait pas puisque les montres vendues par Consumer Distributing
n'étaient pas faussement décrites, tant Seiko Time Canada que
Consumer Distributing donnant aux acheteurs une forme de garantie
et, dans les deux cas, la marque "SEIKO" distinguait les produits de tout
autre.
L'appel fut accueilli et l'injonction permanente fut annulée. Cependant, la
Cour devait noter que Seiko Time Canada n'avait aucunement tenté de faire
valoir des droits découlant d'une marque de commerce enregistrée au nom
de K. Hattori & Company ou des droits en tant qu'usager autorisé de cette
marque.
De plus, la Cour Suprême du Canada n'a pas fermé la porte, dans tous les
cas, sur la possibilité de réussir avec une action en passing-off pour prévenir
l'importation parallèle. Dans l'affaire SEIKO, la Cour a conclu que le public ne
pouvait être trompé en raison des avis affichés par Consumer Distributing. Le
principe établi dans l'affaire SEIKO a été appliqué dans l'affaire Bergeron c.
Babin [(1988) 17 C.P.R. (3d) 73].
La décision dans l'affaire NINTENDO
Tel que mentionné précédemment, la Cour Suprême du Canada, dans
l'affaire SEIKO, a expressément énoncé qu'il ne s'agissait pas dans cette
affaire d'une situation où quelque droit pouvait découler de l'enregistrement
d'une marque de commerce ou de la nomination d'une société à titre
d'usager autorisé de cette marque de commerce. La Cour fédérale du
Canada, section de première instance, a été appelée à considérer une telle
situation en 1989. Dans l'affaire NINTENDO [(1989) 37 C.P.R. (3d) 358], Mattel
Canada demandait l'émission d'une injonction interlocutoire pour enjoindre
la défenderesse GTS Acquisitions, de cesser toute contrefaçon de la marque
de commerce "NINTENDO". Mattel Canada était usager autorisé des
marques "NINTENDO" et était, contractuellement, distributeur exclusif des
produits "NINTENDO" au Canada. Le propriétaire enregistré de la marque de
commerce "NINTENDO" était une compagnie américaine, le distributeur
exclusif en Amérique du Nord des produits "NINTENDO" fabriqués au Japon
par Nintendo Co. Ltd.
La partie demanderesse avait dépensé au fil des ans, plus de 20 millions de
dollars pour promouvoir ses produits au Canada, offrait une garantie contre
tout défaut et avait un service téléphonique pour répondre à des questions.
La partie défenderesse a commencé en 1989 à importer des cassettes vidéo
en provenance des Etats-Unis pour distribution au Canada. Mattel Canada
entreprit immédiatement une action lorsqu'elle fut informée qu'un marché
parallèle se développait au pays.
Les deux produits étaient identiques et fabriqués par la même compagnie, la
seule différence étant que le produit américain n'était disponible que dans
l'emballage et avec le feuillet d'instructions en langue anglaise seulement. La
garantie sur les produits américains ne pouvait être respectée par Mattel
Canada et cette dernière devait expliquer au public qu'elle ne pouvait être
tenue responsable pour quelque défaut dans le produit américain. Ceci
affectait sa crédibilité et sa capacité d'atteindre les montants de ventes
minimums qu'elle avait garantis contractuellement à Nintendo U.S.
La partie défenderesse, se fondant sur la décision SEIKO, prétendait qu'il ne
pouvait y avoir usurpation de la marque de commerce "NINTENDO" puisque
cette dernière était utilisée en association avec des produits légitimes
provenant des Etats-Unis et mis sur le marché mondial par le titulaire de la
marque.
L'affaire fut entendue par l'honorable Juge Joyal et comme il s'agissait d'une
demande d'injonction interlocutoire, conformément aux règles de la Cour
fédérale, il devait tout d'abord se demander s'il y avait une question sérieuse
en litige. Il devait conclure que l'absence de quelque tromperie pour le
public en raison de la vente de biens légitimes n'était pas un fait suffisant en
soi pour trancher le litige devant lui. Selon l'honorable Juge Joyal, l'affaire
SEIKO laissait la porte ouverte à d'autres considérations si un usager autorisé
ou le titulaire de la marque de commerce était impliqué dans les procédures.
D'autres tests, selon la Cour, devaient être considérés lorsqu'une quelconque
concurrence déloyale était soulevée:
"According to s.-s. 49(3) of the Act [now 59(3)] the permitted use
of a trade mark by a registered user has the same effect for all
purposes of the Act as the use thereof by a registred owner. I
should thing that prima facie, such a provision affords the plaintiff
some protection." [p. 36]
Le Juge Joyal devait ensuite référer au paragraphe 7(e) de la Loi sur les
marques de commerce qui prévoit que nul ne peut adopter une pratique
commerciale contraire aux honnêtes usages industriels et commerciaux
ayant cours au Canada (M. le Juge Joyal ne fit aucune référence à la
décision de la Cour Suprême dans l'affaire McDonald vs Vaport Canada Ltd.
[(1977) 2 R.C.S., 134], l'affaire dans laquelle l'article 7(e) a été declaré ultra
vires des pouvoirs du Parlement fédéral.)
Le Juge Joyal devait conclure "As in ... the Remington Rand case, supra, the
defendant is selling a product under the plaintiff's trade mark for which
neither leave nor license has been obtained.", le test relatif à l'émission d'une
injonction interlocutoire devant la Cour fédérale avait été satisfait. La
référence dans la citation ci-haut à la marque de commerce de la partie
demanderesse est clairement incorrecte, la partie demanderesse dans
l'affaire NINTENDO n'étant qu'un usager autorisé. Comme nous l'avons vu cihaut dans l'affaire REMINGTON RAND, la partie demanderesse était titulaire
de l'enregistrement au Canada.
Il est extrêmement difficile de réconcilier cette décision avec les décisions
antérieures sur le sujet:
a)
A la page 362 [27 C.P.R. (3d)], le Juge Joyal devait conclure:
"If the action before me were by the owner of the Nintendo mark and if
the only evidence be that the defendant is selling a Nintendo product
covered by the trade mark, there would be no case for the owner. It
would be somewhat ridiculous to assert infringement or passing off
when the defendant is dealing with the owner's own wares. There
cannot be, in such circumstances, any deception."
Plus tard, il devait ajouter:
"According to s.-s. 49(3) of the Act, the permitted use of a trade mark
by a registered user has the same effect for all purposes of the Act as
the use thereof by a registred owner."
Considérant ce qui précède, un usager autorisé ne peut être dans une
meilleure position devant les tribunaux lorsqu'il fait face à un problème
d'importation parallèle, que le titulaire de l'enregistrement. Ayant conclu que
le titulaire enregistré de la marque n'aurait aucun droit d'action si la seule
preuve disponible était celle que la partie défenderesse vendait des produits
NINTENDO légitimes, tels que portés au certificat d'enregistrement, il ne peut y
avoir quelque droit d'action pour un usager autorisé.
L'article 50(3) de la Loi n'a aucune pertinence lorsque la situation sous étude
concerne des produits légitimes vendus par des tiers. Il est tout aussi ridicule
pour un usager autorisé "... to assert infringement or passing off when the
defendant is dealing with the owner's own wares". Les droits d'un usager
autorisé ne peuvent être usurpés si les droits du titulaire de l'enregistrement,
considérant les mêmes faits, ne le sont pas.
b)
Le Juge Joyal n'aurait pas dû accorder l'injonction sur la base de la
concurrence déloyale en l'absence d'une conclusion de faits sur une
quelconque pratique de la partie défenderesse causant de la confusion ou
de la tromperie. L'importation parallèle comme telle, tel qu'en a décidé la
Cour Suprême dans l'affaire SEIKO, ne constitue pas de la concurrence
déloyale.
c)
Le Juge Joyal devait aussi conclure que la Loi sur les marques de
commerce ne peut protéger des activités illégales. Pour être illégale, une
activité doit être contraire à la loi. Le Juge Joyal a basé cette partie de sa
décision sur l'article 7(e) de la Loi, lequel a été déclaré inconstitutionnel en
1977.
Il s'agit bien sûr d'une décision interlocutoire. Les usagers autorisés agissant à
titre de distributeurs exclusifs au Canada ne devraient pas espérer que cette
décision fera jurisprudence et sera ultérieurement suivie lorsque de telles
situations seront considérées au mérite.
La décision dans les affaires HEINZ et NESTLE
Deux décisions sur des requêtes interlocutoires importantes sur le sujet de
l'importation parallèle ont été rendues par la Cour fédérale, section de
première instance, en février et juillet 1991. Les deux décisions concernaient
certaines activités de la partie défenderesse EDAN FOODS SALES INC., un
importateur parallèle. Le jugement dans la première affaire a été rendu le 13
février 1991 (H.G. Heinz Company of Canada Ltd. v. Edan Foods Sales Inc.
[(1991) 35 C.P.R. (3d) 213], un jugement de l'honorable Juge Cullen de la
Cour fédérale du Canada, section de première instance.
Heinz Canada demandait l'émission d'une injonction interlocutoire afin
d'empêcher Edan Foods d'usurper les droits rattachés à la marque de
commerce "HEINZ" pour du catchup, en important au Canada du catchup
produit par Heinz U.S., la société mère de Heinz Canada. Les marques de
commerce "HEINZ" avaient été utilisées au Canada par la compagnie
américaine de 1909 à 1940, date à laquelle elles furent cédées à Heinz
Canada, lorsque celle-ci fut incorporée.
Depuis lors, Heinz Canada faisait la promotion de son propre catchup fait au
Canada, conformément aux préférence et goût des consommateurs
canadiens.
canadien.
L'empaquetage était conçu spécifiquement pour le marché
Encore une fois, comme il s'agissait d'une demande d'injonction
interlocutoire, le Juge Cullen n'avait qu'à décider si la demanderesse avait
démontré qu'il y avait une question sérieuse en litige et ensuite considérer les
dommages irréparables et la balance des inconvients.
La Cour devait conclure qu'il y avait une question sérieuse à être décidée, se
fondant sur les articles 19, 20 et 6 de la Loi sur les marques de commerce. La
demanderesse était titulaire d'une marque de commerce enregistrée et une
présomption d'usurpation existe si une personne non autorisée par le titulaire
de la marque utilise celle-ci de façon à créer de la confusion, tel que défini
par l'article 6 de la Loi.
Pour conclure comme il l'a fait, l'honorable Juge Cullen n'avait aucunement
à considérer les arguments traditionnels soulevés par les importateurs
parallèles. Dans sa décision, il a brièvement fait référence aux circonstances
particulières créées par une situation d'importation parallèle et devait
conclure que la présente affaire était tout à fait identique dans les faits à la
situation existant dans le dossier Remington Rand auquel référence a été
faite ci-haut. Il a également cité, avec approbation, l'affaire Mattel Canada
sans toutefois la discuter.
Le deuxième dossier concernait Nestle Enterprises Limited v. Edan Foods Sales
Ltd. [(1991) 37 C.P.R. (3d) 480], une décision de l'honorable Juge Barry Strayer,
en date du 31 juillet 1991. Nestle Enterprises était usager autorisé de la
marque de commerce "NESCAFE" au Canada et a déposé une requête en
injonction interlocutoire fondée sur l'article 7(b) de la Loi sur les marques de
commerce contre la partie défenderesse pour empêcher toute importation
de café instantané appelé "MOUNTAIN BLEND" vendu en association avec la
marque de commerce "NESCAFE" dans un contenant ayant un couvercle
cylindrique, virtuellement identique à ceux utilisés par la demanderesse.
Même si Nestle Enterprises avait allégué dans ses procédures l'usurpation de
ses droits exclusifs lui échéant en vertu de son statut d'usager autorisé des
marques de commerce "NESCAFE", la demande d'injonction n'était fondée
que sur l'article 7 de la Loi (délit de substitution).
Dans ce dossier, l'injonction interlocutoire a été refusée pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, Nestle Enterprises avait laissé s'écouler une période de temps
assez longue avant d'entreprendre ses procédures et ainsi ne pouvait
démontrer qu'elle subissait des dommages irréparables si la partie
défenderesse continuait à vendre le café "MOUNTAIN BLEND" au Canada.
(Cette partie de la décision, non pertinente pour les fins de la présente
discussion, est basée sur la décision de la Cour fédérale d'appel, datée du 8
mai 1991 dans l'affaire Novopharm Ltd. v. Syntex, où il avait été conclu
qu'alléguer l'usurpation d'une marque de commerce enregistrée n'est pas
suffisant en soi pour établir des dommages irréparables. Dans le présent
dossier, la partie demanderesse n'était même pas titulaire enregistré de la
marque de commerce.)
Le Juge Strayer a distingué la décision du Juge Cullen dans l'affaire HEINZ en
raison du fait que dans cette dernière affaire, la partie demanderesse était
titulaire enregistré de la marque de commerce. Il devait aussi conclure que
les étiquettes sur les produits étaient suffisamment différentes pour empêcher
toute confusion. L'honorable Juge Strayer, même s'il devait décider d'une
affaire concernant un usager autorisé, n'a fait aucune référence à la
décision rendue dans le dossier NINTENDO par le Juge Joyal.
Aucune décision au mérite n'a été rendue dans l'un ou l'autre des dossiers
discutés ci-haut. Heinz Canada devrait réussir dans son action. Elle fut
propriétaire de la marque de commerce "HEINZ" au Canada pendant une
période de plus de 50 ans et ses produits sont "canadienisés" (promotion,
publicité, contenant et contenu). Edan Foods aurait de la difficulté à
démontrer que la marque de commerce "HEINZ" n'est pas distinctive des
produits de la compagnie canadienne. Sur cette base, les décisions dans les
affaires Wilkinson Sword et Brecks Sporting Goods peuvent clairement être
distinguées.
La situation dans Nestle Enterprises est clairement différente. Tel que
mentionné en commentant la décision rendue dans NINTENDO, il est difficile
de concevoir comment la Cour pourrait conclure à usurpation des droits
découlant d'un enregistrement à titre d'usager autorisé lorsqu'aucune
usurpation des droits du titulaire de l'enregistrement n'est possible. Les
conclusions en délit de substitution ne peuvent réussir en l'absence de
tromperie par l'importateur parallèle, conformément à la décision de la Cour
Suprême du Canada dans l'affaire SEIKO.
Un sommaire de ce qui précède nous permet de conclure que la seule
solution possible pour prévenir l'importation parallèle au Canada de biens
légitimes réside dans l'établissement rapide d'une opération canadienne
séparée et indépendante, s'occupant exclusivement de la fabrication et de
la distribution des produits dans le territoire canadien et compris comme tels
par les consommateurs canadiens, le tout afin de protéger le caractère
distinctif de la marque de commerce. Dans de telles circonstances,
l'opération canadienne, préférablement dès le début ou aussitôt que
possible lorsque le marché mondial le justifie, devrait devenir titulaire
enregistré de la marque de commerce en déposant une demande
d'enregistrement ou par le biais d'une cession de la marque ainsi que de
l'achalandage qui s'y rattache.
Des contrats de distribution exclusive et d'usager autorisé créeront toujours
des problèmes lorsqu'une intervention directe est nécessaire pour prévenir
l'importation parallèle de produits légalement mis en marché à l'étranger
avec la marque de commerce du titulaire.
Les droits du titulaire de la marque de commerce devraient être reconnus
lorsqu'un quelconque degré d'indépendance à l'égard de la maison mère
étrangère est démontré et qu'un achalandage canadien pour la marque de
commerce existe dans les faits. L'absence de caractère distinctif de la
marque de commerce peut toujours être soulevée et peut être démontrée si
la marque a été récemment cédée, simplement pour permettre à la filiale
canadienne de commencer les procédures et spécifiquement dans le but de
protéger le territoire contre l'importation parallèle.
Conclusion
L'incertitude jurisprudentielle que crée une situation d'importation parallèle
dans un pays tel le Canada où la règle est la libre concurrence et le
monopole l'exception, devrait probablement faire l'objet d'intervention
législative. En l'absence de règles précises, applicables à tous et en toutes
situations, on peut s'attendre à ce que les prochaines décisions, tout comme
les décisions antérieures, soient basées sur une détermination par la Cour de
ce qui lui semble équitable ou inéquitable en raison de faits particuliers et de
telles décisions peuvent donner lieu à des conclusions contradictoires sur le
sujet.
ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de commerce voué
depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la propriété intellectuelle dans tous les
domaines: brevets, dessins industriels et modèles utilitaires; marques de commerce, marques
de certification et appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits
voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies,
pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et
concurrence; licences, franchises et transferts de technologies; commerce électronique,
distribution et droit des affaires; marquage, publicité et étiquetage; poursuite, litige et
arbitrage; vérification diligente et audit; et ce, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. La
maîtrise des intangibles.
ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to the
protection and the valorization of all fields of intellectual property: patents, industrial designs
and utility patents; trademarks, certification marks and indications of origin; copyright and
entertainment law, artists and performers, neighbouring rights; computer, software and
integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets,
know-how, competition and anti-trust; licensing, franchising and technology transfers; ecommerce, distribution and business law; marketing, publicity and labelling; prosecution
litigation and arbitration; due diligence; in Canada and throughout the world. Ideas live
here.
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