Maladie coronaire chez l hémodialysé
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Maladie coronaire chez l hémodialysé
D O S S I E R Maladie coronaire chez l’hémodialysé ● C. Le Feuvre* CARACTÉRISTIQUES DE L’ATHÉROSCLÉROSE CHEZ L’HÉMODIALYSÉ Points forts ■ L’athérosclérose est responsable de la moitié des décès chez l’hémodialysé. La survie 5 ans après infarctus n’est que de 10 %. ■ L’ischémie myocardique est constatée en l’absence de sténose coronaire chez 30 % des hémodialysés, et peut se compliquer de fibrillation ventriculaire. ■ Une atteinte myocardique est très fréquente et d’origine multifactorielle (ischémie, HVG, fibrose). ■ La recherche d’une ischémie myocardique doit être sys- Épidémiologie L’espérance de vie est très diminuée chez les patients en dialyse pour insuffisance rénale chronique. Le taux de mortalité globale à 5 ans est de 73 % dans le registre United States Renal Data System (USRDS) portant sur 627 983 patients dialysés aux ÉtatsUnis (1). La mortalité à 5 ans augmente avec l’âge. Elle passe de 35 % avant 20 ans à 90 % après 75 ans (figure 1). Le diabète est également un facteur pronostique majeur : la mortalité annuelle passe de 10 % chez un patient non diabétique de moins de 44 ans à 40 % chez un patient diabétique de plus de 65 ans. La moitié des décès chez l’hémodialysé sont d’origine cardiovasculaire, par mort subite ou insuffisance cardiaque (30 %), infarctus (15 %) ou accident vasculaire cérébral (5 %). Le risque de décès cardiaque est vingt fois plus élevé chez un hémodialysé que chez un patient non dialysé du même âge. tématique avant transplantation rénale chez les patients à risque intermédiaire ou élevé d’athérosclérose. ■ Les résultats obtenus après angioplastie coronaire sont encourageants lorsque les lésions sont accessibles au stent. ■ Le pontage coronaire améliore les symptômes au prix d’une mortalité opératoire et à 2 ans de respectivement 14 % et 50 %. % survie 100 75 < 20 ans 50 20-44 ans 45-64 ans 25 65-74 ans Mots-clés : Hémodialyse - Angioplastie - Pontage coronaire. > 75 ans 0 L es complications cardiovasculaires représentent la principale cause de mortalité chez l’hémodialysé. L’athérosclérose est responsable de la moitié des décès (1), et 50 % des décès cardiaques sont liés à une cardiopathie ischémique (2). Nous aborderons dans cet article les caractéristiques de la maladie coronaire chez l’hémodialysé, son diagnostic, en particulier avant transplantation rénale, et son traitement. * Clinique cardiologique, hôpital Necker, Paris. 20 1 2 3 4 5 ans Figure 1. Pronostic des patients hémodialysés (registre multicentrique de l’USRDS, 1994 Annual Report). L’infarctus du myocarde est particulièrement dramatique chez l’hémodialysé. Un infarctus est survenu chez 34 189 patients parmi les 627 983 patients dialysés aux États-Unis entre 1977 et 1995 (3). Les taux de survie à 1, 5 et 10 ans n’étaient que de 41 %, 10 % et 3 % (figure 2). La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000 D % décès mortalité globale 100 % 75 % mortalité cardiaque 50 % 25 % 0 2 4 6 8 10 ans Figure 2. Mortalité post-infarctus chez l’hémodialysé (registre multicentrique USRDS, 34 189 patients). Mécanisme Cette surmortalité cardiaque chez l’hémodialysé a fait proposer en 1974 par Lindner la théorie de l’athéromatose accélérée (4). Dans cette série portant sur 41 patients dialysés, la survie à 6,5 ans n’était que de 44 %, l’athérosclérose étant responsable de 61 % des décès (4). La forte prévalence de l’athérosclérose coronaire chez l’hémodialysé a également été confirmée par plusieurs études autopsiques et angiographiques, atteignant 86 %, dont 60 % de sténose significative dans la série d’Ansari (5). Le rôle délétère des membranes de dialyse n’a cependant pas été confirmé : l’incidence des événements cardiovasculaires n’est pas corrélée de manière indépendante à la durée de dialyse (6), et la moitié des patients présentent une maladie coronaire avant le début de la dialyse (7). La forte prévalence de la maladie coronaire chez l’hémodialysé semble secondaire à la présence plus fréquente de facteurs de risque d’athérosclérose. C’est le cas de l’hypertension artérielle et du diabète, facteurs de risque communs à l’insuffisance rénale chronique et à l’athérosclérose. Les dyslipidémies sont également très fréquentes en cas d’insuffisance rénale chronique terminale, favorisées par un syndrome néphrotique, ou chez le patient transplanté rénal par une corticothérapie ou un traitement immunosuppresseur. Les anomalies lipidiques les plus fréquemment rencontrées sont : la diminution du HDL et de l’apo A1 et l’augmentation des triglycérides, de l’apo B et de l’Ip (a). L’hyperhomocystéinémie est un facteur de risque indépendant d’athérosclérose, proportionnel au degré de l’insuffisance rénale, et peu diminuée par la dialyse (8). L’insuffisance rénale se complique également d’hyperparathyroïdie secondaire avec hypercalcémie, responsable de calcifications artérielles et valvulaires. La médiacalcose artérielle concerne les coronaires chez un tiers des patients dialysés ; elle est souvent sténosante et responsable d’ischémie myocardique. L’insuffisance rénale chronique terminale est souvent associée à un état d’hypercoagulabilité, avec élévation du fibrinogène, diminution du système fibrinolytique, hyperagrégabilité plaquettaire et activation des systèmes de la coagulation par les membranes d’hémodialyse. Cette hypercoagulabilité augmente le risque d’infarctus du myocarde. La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000 O S S I E R Ischémie myocardique fonctionnelle L’ischémie myocardique, avec ou sans angor, survient en l’absence de sténose coronaire chez 30 % des hémodialysés. L’ischémie myocardique chez l’hémodialysé peut être liée à un déséquilibre entre besoins et apports myocardiques en oxygène. L’augmentation des besoins myocardiques en oxygène peut être secondaire à l’hypertrophie ventriculaire gauche, l’hypertension artérielle, la tachycardie, la fistule artério-veineuse ou l’hypervolémie. La diminution des apports myocardiques en oxygène chez l’hémodialysé est favorisée par l’anémie, l’élévation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche, la diminution du temps diastolique, l’hypotension artérielle pendant les dialyses. De nombreuses études expérimentales chez l’animal ont démontré que l’insuffisance rénale chronique s’accompagne d’anomalies de la microcirculation coronaire, responsables d’ischémie myocardique par le biais d’altérations fonctionnelles (anomalies de production d’endothéline et de NO) et d’altérations organiques (diminution de la densité capillaire, épaississement des parois des artérioles intramyocardiques) (9). L’ischémie myocardique fonctionnelle chez l’hémodialysé peut enfin être liée à des anomalies du métabolisme myocardique, associant une altération de la voie de la glycolyse et de l’oxydation mitochondriale et une diminution de la captation sarcoplasmique de calcium, à l’origine d’une dysfonction diastolique (9). Chez l’hémodialysé, ces anomalies de la microcirculation et du métabolisme myocardique diminuent la tolérance à l’ischémie et augmentent le risque de mort subite par troubles du rythme ventriculaire, même en l’absence de sténose ou de thrombose coronaire. Atteinte myocardique La dysfonction ventriculaire gauche, très fréquente chez l’hémodialysé, est d’étiologie multifactorielle. L’ischémie myocardique est responsable d’anomalies diastoliques puis systoliques ventriculaires gauches. Des épisodes répétés de sidération myocardique peuvent aboutir à une hibernation myocardique, avec dysfonction ventriculaire gauche réversible après traitement de l’ischémie, puis à la nécrose des myocytes avec dysfonction ventriculaire gauche définitive. L’asynergie ventriculaire gauche segmentaire est cependant le plus souvent liée à un infarctus du myocarde par thrombose coronaire sur rupture de plaque athéroscléreuse. L’hypertrophie ventriculaire gauche est très souvent présente après plusieurs années de dialyse. Elle peut être secondaire à l’hypertension artérielle, l’hypervolémie, l’hypertonie sympathique, l’anémie, l’angiotensine II. Cette hypertrophie ventriculaire gauche peut être réversible sous inhibiteurs de l’enzyme de conversion et EPO. Elle diminue la compliance ventriculaire gauche et la réserve coronaire, et augmente le risque de mort subite par troubles du rythme ventriculaire. Cette hypertrophie peut être associée à une dilatation ventriculaire gauche, secondaire à la surcharge hydrosodée et à la fistule artério-veineuse. La fibrose myocardique complique souvent l’hémodialyse. Cette fibrose serait liée à une activation des cellules interstitielles par les produits avancés de la glycation, avec augmentation de l’expression des PDGF-AB. La responsabilité de la PTH et des 21 D O S S I E R membranes d’hémodialyse a également été évoquée. Cette fibrose myocardique peut être responsable de troubles du rythme ventriculaire et de mort subite. Les toxines urémiques, dont les taux sont élevés dans l’insuffisance rénale chronique, ont un rôle cardiotoxique. C’est le cas des surcharges en mercure, cobalt, phosphore, fer, plomb et lithium. D’autres pathologies associées contribuent également à la cardiomyopathie chez l’hémodialysé. C’est le cas de l’hyperparathyroïdie, responsable de calcifications myocardiques secondaires à l’hypercalcémie, des valvulopathies favorisées également par l’hyperparathyroïdie comme les calcifications de l’anneau mitral et le rétrécissement aortique calcifié, des endocardites, fréquentes chez l’hémodialysé, de l’épanchement péricardique, présent à l’échographie chez plus de la moitié des patients, du diabète et de l’amylose, causes communes d’insuffisance rénale et de cardiomyopathie. Bilan avant transplantation rénale La présence d’une maladie coronaire conditionne le pronostic des patients hémodialysés et doit donc être systématiquement recherchée avant transplantation rénale. La démarche diagnostique est fonction du risque cardiovasculaire (figure 3). 1. Il n’y a pas de contre-indication cardiovasculaire à une transplantation rénale chez les hommes de moins de 40 ans et les femmes de moins de 50 ans, sans facteur de risque d’athérosclérose, sans angor et avec ECG normal (patients à faible risque). 2. À l’inverse, les patients avec angor, antécédent d’infarctus, d’insuffisance cardiaque ou de coronaropathie connue constituent un groupe à risque élevé d’événements cardiovasculaires. Chez ces patients à risque élevé, nous pratiquons systématiquement une coronarographie, et si nécessaire une revascularisation. L’indication de la revascularisation repose sur la documentation de l’ischémie aux explorations isotopiques ou échocardiographiques de stress. Lorsque les sténoses coronaires menacent un territoire myocardique important, la mise en liste pour transplantation rénale n’est possible qu’après revascularisation par pontage ou angioplastie coronaire. Le choix du mode de revascularisation est fonction de l’anatomie coronaire et du risque chirurgical. Lorsque la revascularisation se fait par angioplastie, nous attendons six mois afin d’éliminer une resténose fonctionnelle sur le site dilaté avant de lever la contre-indication cardiovasculaire à la transplantation rénale. En cas de resténose supérieure à 50 % en diamètre responsable d’une ischémie documentée aux explorations non invasives, notre attitude habituelle est de refaire l’angioplastie coronaire et de programmer un nouveau contrôle six mois plus tard. Les patients à risque intermédiaire correspondent, par élimination, aux patients n’appartenant pas aux deux autres groupes. Il s’agit d’hommes de plus de 40 ans ou de femmes de plus de 50 ans, asymptomatiques, avec ECG normal, sans antécédent coronarien connu, avec un ou plusieurs facteurs de risque d’athérosclérose. Ce groupe représente la majorité des patients en attente de transplantation rénale. La recherche d’une ischémie myocardique silencieuse doit être systématique. Elle est particulièrement fréquente chez les diabétiques. L’épreuve d’effort est peu sensible, car le plus souvent sous-maximale chez ces patients présentant fréquemment un déconditionnement physique. L’ECG holter est également très peu sensible dans ce contexte. La recherche d’une ischémie doit faire appel aux explorations isotopiques ou échocardiographiques de stress. Les méthodes les plus utilisées sont la tomoscintigraphie myocardique au thallium 201 après effort ou persantine et l’échocardiographie sous dobutamine. L’absence d’ischémie documentée permet d’inscrire le patient sur une liste de transplantation rénale. Nous réalisons systématiquement une coronarographie en cas d’ischémie signi- Risque faible Risque intermédiaire Recherche d'ischémie par scintigraphie ou échographie de stress Transplantation rénale - + Sténoses non fonctionnelles Risque élevé Coronarographie Sténoses fonctionnelles Revascularisation myocardique Figure 3. Bilan cardiaque avant transplantation rénale : démarche diagnostique adaptée au risque d’athérosclérose. 22 La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000 D ficative aux explorations non invasives, avec si nécessaire une revascularisation myocardique avant transplantation rénale. Dans notre expérience, les explorations isotopiques sont plus sensibles mais moins spécifiques que l’échographie sous dobutamine. Des anomalies scintigraphiques sont observées en l’absence de sténose coronaire significative chez 30 % des patients. Ces anomalies peuvent être secondaires au déséquilibre entre besoins et apports myocardiques en oxygène et à la baisse de la réserve coronaire par anomalies de la microcirculation et du métabolisme myocardique, précédemment décrites. TRAITEMENT MÉDICAL CHEZ LE CORONARIEN HÉMODIALYSÉ La progression de l’athérome coronaire doit être évitée par un traitement intensif des facteurs de risque. Le traitement de l’hypertension artérielle repose préférentiellement sur les bêtabloquants ou les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, en adaptant les doses à la fonction rénale. Une hypertriglycéridémie importante nécessite un régime, du gemfibrozil (Lipur®) et des huiles de poisson (Maxepa®). La correction d’une hypercholestérolémie fait appel au régime, à l’exercice physique modéré et aux statines, sous surveillance biologique en raison de leur métabolisme hépatique. La prévention des calcifications coronaires repose sur le contrôle de l’hyperparathyroïdie. Il est essentiel chez le coronarien hémodialysé de prévenir l’hypotension artérielle pendant les dialyses, de corriger l’anémie en maintenant si nécessaire par EPO une hémoglobine supérieure à 10 g/100 ml, et de prescrire un antiagrégant plaquettaire. L’utilisation des dérivés nitrés est souvent limitée par le risque d’hypotension artérielle. Les autres anti-ischémiques sont habituellement prescrits dans les mêmes indications que chez les patients non hémodialysés, en préférant les médicaments à métabolisme hépatique (propranolol, métoprolol, diltiazem, vérapamil). Une seule étude a comparé de manière prospective le traitement médical et le pontage coronaire chez l’hémodialysé (10). Cette étude a porté sur 26 patients asymptomatiques, diabétiques, dialysés, avec lésions coronaires accessibles à un pontage. L’étude a été prématurément interrompue à 8 mois en raison d’un excès d’événements cardiovasculaires dans le groupe traité médicalement, avec 10 événements dont 4 mortels vs 2 événements non mortels chez les patients pontés (77 % vs 15 %). ANGIOPLASTIE CORONAIRE CHEZ L’HÉMODIALYSÉ Les résultats de l’angioplastie coronaire au ballon étaient très décevants chez l’hémodialysé avant l’ère du stent (tableaux I et II). Les taux de succès primaire étaient plus faibles que chez les nondialysés, avec un risque plus élevé d’infarctus post-procédure et de complications au point de ponction, favorisées par l’hypertension artérielle et les calcifications vasculaires. La mortalité hospitalière était de 5-6 %. L’angioplastie au ballon était considérée comme inefficace, tant sur les symptômes que sur la survie. À 2 ans, un infarctus du myocarde survenait chez 23-28 % des patients, une récidive d’angor chez 67 %, un décès chez 51-53 % (dont deux tiers d’origine cardiaque), et un événement cardiovasculaire chez 75-83 % des patients (tableaux I et II). La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000 O S S I E R Tableau I. Résultats de l’angioplastie au ballon seul chez l’hémodialysé (études monocentriques). Auteurs n Kahn (1990) 17 De Meyer (1991) 11 Reusser (1994) 13 Rinehart (1995) 24 Koyanagi (1996) 20 Chang (1997) 107 Marso (1998) 23 Total 213 Décès Durée Décès (hosp.) (suivi) (suivi) Infarctus Événements et (suivi) revascularisation 18 % 0% 0% 4% 0% 8,7 % 4% 6 mois 2 ans 7 mois 2 ans 5 ans 2 ans 3 ans 41 % 20 % 15 % 49 % 10 % 53 % 63 % 91 % – 30 % 60 % 70 % 38 % 52 % _ 26 % 45 % _ 80 % 83 % _ 6% 2 ans 45 % 49 % 75 % Tableau II. Résultats après pontage ou angioplastie au ballon seul chez l’hémodialysé (étude multicentrique, USRDS 1978-1994). n Décès initiaux Décès à 2 ans – décès cardiaque – infarctus – événements cardiovasculaires Angioplastie Pontage p 5 473 5,1 % 52,8 % 37 % 28 % 6 798 14,5 % 53,5 % 38,6 % 12 % 0,0001 NS NS 0,05 83,7 % 70 % 0,0001 L’échec de l’angioplastie au ballon s’expliquait en partie par le taux très élevé de resténose, nécessitant une nouvelle revascularisation chez plus de la moitié des patients (tableau III). Plusieurs facteurs augmentent le risque de resténose chez l’hémodialysé. La complexité des lésions coronaires et, en particulier, l’importance des calcifications augmentent le risque de dissection et d’hématome pariétal coronaire avec sténose résiduelle plus importante. Certains auteurs ont rapporté un diamètre coronaire plus petit chez l’hémodialysé, pouvant également faciliter la resténose (12). Ce diamètre pourrait cependant être sous-estimé en raison de la diffusion des lésions coronaires chez l’hémodialysé et de l’absence d’un segment coronaire de référence correspondant au diamètre réel de l’artère. Tableau III. Resténose après angioplastie au ballon seul chez l’hémodialysé (études monocentriques). Auteurs n Dialysés Témoins Kahn (1990) Ahmed (1994) Tabone (1994) Rinehart (1995) Koyanagi (1996) Gradaus (1997) Marso (1998) 15 21 25 24 20 20 23 80 % 47 % 44 % 69 % 70 % 60 % 41 % – – 29 % – – 35 % 11 % Total 148 57 % 25 % 23 D O S S I E R La resténose pourrait également être favorisée par l’activation des systèmes de coagulation par les membranes d’hémodialyse (12). De nombreuses études expérimentales et cliniques ont démontré la responsabilité de l’hypercoagulabilité dans la resténose après angioplastie coronaire (19). L’hyperagrégabilité plaquettaire stimule l’hyperplasie intimale au site dilaté par le biais de la libération de facteurs de croissance. Montalescot et coll. ont rapporté une relation indépendante entre l’élévation du fibrinogène et le risque de resténose après angioplastie coronaire chez l’homme (20). L’angioplastie au ballon était donc considérée par la plupart des auteurs comme inefficace chez l’hémodialysé (6, 15, 16). Toutes ces études avaient cependant été réalisées avant l’ère du stent. Actuellement, l’angioplastie au ballon est complétée par la mise en place d’un stent dans plus de 60 % des procédures. Le bénéfice du stent est parfaitement démontré chez les patients non hémodialysés, permettant d’optimiser le résultat initial, évitant le pontage en urgence en cas de dissection occlusive et diminuant de moitié le risque de resténose (21, 22). Le bénéfice du stent n’a été que très peu étudié chez l’hémodialysé. Dans notre expérience, la possibilité d’optimiser le résultat initial par un stent permet d’obtenir un taux de succès primaire comparable chez les patients hémodialysés et non hémodialysés (23, 24). La dialyse n’augmente pas le taux de nouvelles revascularisations pour resténose intrastent ou pour resténose après résultat stent-like au ballon (25, 26, 27). Le risque de décès cardiaque deux ans après angioplastie reste cependant plus élevé chez les hémodialysés (15 % vs 5 % chez les non-hémodialysés) (28, 29). Cette surmortalité cardiaque est à mettre sur le compte de l’atteinte myocardique, très fréquente dans l’insuffisance rénale chronique. La fibrose myocardique, l’hypertrophie ventriculaire gauche, la baisse de la réserve coronaire peuvent se compliquer de troubles du rythme ventriculaire et de mort subite en l’absence de sténose coronaire et d’infarctus. Nos résultats après stent sont cependant encourageants en comparaison des taux de complications rapportés après angioplastie au ballon seul. Un rapport récent de l’USRDS suggère également le bénéfice du stent après angioplastie chez l’hémodialysé (30). Dans ce rapport, la mortalité après revascularisation a diminué depuis août 1995, date des premières implantations de stent chez l’hémodialysé aux États-Unis. Le taux de mortalité à un an est moins élevé dans le groupe des hémodialysés stentés (tableau IV). Tableau IV. Résultats après pontage, angioplastie au ballon seul et angioplastie avec stent chez l’hémodialysé (étude multicentrique, USRDS 1994-1996). Technique Période n Décès 6 mois Décès 1 an Ballon 1/94-7/95 2 568 20 % 32 % Ballon 8/95-12/96 1 948 20 % 28 % Stent 8/95-12/96 828 13 % 20 % Pontage 1/94-7/95 2 408 22 % 30 % Pontage 8/95-12/96 2 677 20 % 25 % Âge 65/74 ans : RR 1,6 ; diabète : RR 1,2 ; stent : RR 0,7. 24 PONTAGE CORONAIRE CHEZ L’HÉMODIALYSÉ Les résultats immédiats et à moyen terme du pontage coronaire sont décevants chez l’hémodialysé (11, 14, 16, 31, 32). La mortalité opératoire est de l’ordre de 14 % (tableau V), avec un risque infectieux et hémorragique plus important et une hospitalisation plus longue que chez les patients non hémodialysés. La chirurgie améliore les symptômes mais n’a pas d’effet prouvé sur la survie. Dans le registre de l’USRDS portant sur 6 798 patients hémodialysés et pontés, Herzog et coll. rapportent à 2 ans 53,5 % de décès, le plus souvent d’origine cardiaque, 12 % d’infarctus et 70 % d’événements cardiovasculaires (tableau II, p. 23) (11). Dans ce registre, la mortalité à 2 ans était identique chez les patients pontés et dilatés, mais les événements cardiovasculaires étaient encore plus fréquents chez les patients revascularisés par angioplastie au ballon (83,7 % vs 70 %, p < 0,0001) (11). Ces taux de mortalité sont très supérieurs à ceux rapportés après angioplastie avec stent [15 % à 2 ans dans notre expérience, 20 % à un an dans le registre USRDS (tableau IV)] (30). Il nous semble donc préférable de limiter les indications de revascularisation chirurgicale aux patients avec angor instable ou réfractaire au traitement médical, lésions coronaires diffuses et inaccessibles à l’implantation d’un stent, athérome tritronculaire avec occlusion coronaire chronique sur un tronc principal avec viabilité myocardique en aval, rétrécissement aortique calcifié serré associé, et risque chirurgical acceptable. Tableau V. Résultats après pontage coronaire chez l’hémodialysé (études monocentriques). Auteurs n Décès hosp. Durée suivi Décès suivi Infarctus suivi Batiuk (1991) De Meyer (1991) Owen (1994) Rinehart (1995) Koyanagi (1996) Chang (1997) Opsahl (1998) 25 16 21 60 23 84 39 20 % 11 % 9% – – 14,7 % – 2 ans 2 ans 2 ans 2 ans 5 ans 2 ans 2 ans 30 % 37 % 55 % 34 % 18 % 49 % 9% – – 14 % 11 % 11 % – – Total 253 14 % 2 ans 38 % 12 % CONCLUSION L’espérance de vie est très diminuée chez l’hémodialysé, en raison de la fréquence des accidents cardiovasculaires. Le pontage coronaire améliore les symptômes au prix d’une mortalité opératoire importante. Avant l’ère du stent, l’angioplastie au ballon était considérée comme inefficace, tant sur les symptômes que sur la survie. Cette inefficacité était en partie liée à un taux très élevé de resténose. Ce risque de resténose a diminué de moitié avec le stent. Dans les séries les plus récentes, le risque de décès est plus faible après stenting qu’après pontage coronaire. L’angioplastie est donc la méthode de choix lorsque les lésions sont accessibles à un stent. Le pontage coronaire sera réservé aux hémodialysés avec angor sévère, lésions coronaires non stentables .../... La Lettre du Cardiologue - n° 330 - mai 2000 O S S I E R .../... et risque chirurgical acceptable. Il persiste cependant après revascularisation une mortalité à moyen terme deux à trois fois plus élevée que chez les non-hémodialysés. Cette différence pourrait s’expliquer par la fréquence de l’atteinte myocardique chez l’hémodialysé, source de fibrillation ventriculaire. L’amélioration du pronostic repose sur la stabilisation de l’athérome par la correction intensive des facteurs de risque, et sur le dépistage d’une ischémie myocardique silencieuse par explorations fonctionnelles non invasives. ■ É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. United States Renal Data System. Patient modality and survival. Am J Kidney Dis 1995 ; 26 : S69-S84. 2. United States Renal Data System : causes of death. Annual Data Report. Bethesda, MD, The National Institute of Health, National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Disease, 1995 ; 14 : 79-90. 3. Herzog C.A., Ma J.Z., Collins A.J. Poor long-term survival after acute myocardial infarction among patients on long-term dialysis. N Engl J Med 1998 ; 339 : 799-805. 4. Lindner A., Charra B., Sherrard D., Scribner B. 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