arrêt du 13 septembre 2010

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arrêt du 13 septembre 2010
L e s f i c h e s d e j u r i s p r u d e n c e d ’ e J u r i s . b e : Im m o b i l i e r – F i s c a l i t é – U r b a n i s m e - C o p r o p r i é t é – C o n s t r u c t i o n
Droit de la responsabilité
Loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurances n° 56
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Cour de cassation (1ère ch.), arrêt du 13 septembre 2010
1. En vertu de l'article 8, alinéa 2, de la loi sur l'assurance terrestre du 25 juin 1992, selon lequel l'assureur peut s'exonérer de
ses obligations pour les cas de faute lourde déterminés dans le contrat, et de l'article 11 de ladite loi, en vertu duquel la
déchéance du droit à la prestation d'assurance pour inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat ne peut être
prévue qu'à condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre, il incombe à l'assureur qui se
prévaut d'une clause contractuelle d'exonération pour faute lourde de prouver le lien de causalité entre la faute lourde déterminée dans le contrat et le sinistre.
II. Les articles 8, alinéa 2, et 11 de la loi sur l'assurance terrestre sont impératifs en faveur de l'assuré (loi sur l'assurance
terrestre, article 3).
III. Peut être invoque pour la première fois en cassation un moyen pris de la violation de dispositions légales qui sont
impératives en faveur du demandeur en cassation.
IV. La clause du contrat d'assurance selon laquelle la compagnie n'assure pas les sinistres causés par un conducteur en état d'intoxication alcoolique punissable « à moins que l'assuré ne démontre qu'il n'y a pas de lien de causalité entre ce cas de faute
lourde et le sinistre ", ne peut avoir aucun effet en tant qu'elle impose à l'assuré la charge de la preuve de l'absence de lien de
causalité entre l'intoxication alcoolique et le sinistre, car elle est incompatible avec les dispositions impératives des articles 8,
alinéa 2, et 11, de la loi sur l'assurance terrestre (Juridat – JT 2010, p. 737)
Arrêt du 13 septembre 2010
La Cour,
(…)
II. Le moyen de cassation.
Le demandeur présente un moyen libellé dans les
termes suivants :
Dispositions légales violées.
- articles 3, 8, alinéa 2, et 11 de la loi du 25 juin 1992
sur le contrat d'assurance terrestre; - articles 6, 1134,
alinéa 1er, et 1315, alinéa 2, du Code civil;
- article 870 du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués.
L'arrêt, par confirmation de la décision du premier juge,
déboute le demandeur de son action contre la
défenderesse, son assureur « dégâts matériels ", en
réparation des dommages encourus par son véhicule à
la suite d'un accident de circulation et le condamne aux
dépens, aux motifs suivants:
« Il est de notoriété publique que l'alcool, même
consommé sans aller jusqu'à l'ivresse, donne à celui qui
en boit davantage d'assurance; il agit également sur la
perception de la réalité, appréhendée de façon parfois
plus confuse, sinon embrumée; il diminue aussi les
réflexes; ainsi, il est tout aussi notoire que
l'automobiliste qui a pris de l'alcool aura, bien souvent,
le pied plus lourd que celui qui n'en a pas bu;
" D'autre part, l'article 4 de la police constitue une
exception à l'obligation contractuelle de prendre en
charge le sinistre; par conséquent, il appartient au
demandeur de prouver que l'accident n'entre pas dans le
cas d'exclusion invoqué par l'assureur; on ne peut
suivre son raisonnement, qui consiste à dire que seule
la vitesse est à l'origine des faits et que ceux-ci se
fussent produits de la même manière s'il n'avait pas
consommé les quelques six verres de vin dont il parla
aux policiers (à supposer qu'il eût dit la vérité, car rien
ne l'y obligeait);
" En effet, et comme rappelé plus haut, la vitesse
résulte d'un choix, plus ou moins conscient, du
conducteur; en estimant que l'intoxication alcoolique
avait certainement contribué à la genèse de l'accident,
le tribunal de police n'a pas recherché la cause de la
cause" de cet accident, ainsi que [le demandeur] le
prétend en termes de conclusions; il a simplement dit
que cet état avait joué un rôle dans la survenance du
sinistre; ceci est d'ailleurs corroboré, outre par les
considérations qui précèdent au sujet du comportement
de quelqu'un qui a bu, par les observations des
policiers, qui rapportèrent que, s'il n'était pas ivre, [le
demandeur] était légèrement sous l'influence de la
boisson, qu'il sentait légèrement l'alcool, que sa bouche
était pâteuse et que son orientation dans l'espace et dans
le temps était moyenne;
» Par conséquent, [le demandeur] ne prouve pas que
son intoxication alcoolique n'est pas à l'origine de
l'accident ».
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Loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre n° 56
Griefs,
III. La décision de la Cour.
L'arrêt n'a pu, pour rejeter l'action du demandeur contre
la défenderesse, faire application de l'article 4 des
conditions générales du contrat conclu entre les parties
stipulant que" la compagnie n'assure pas [ ... ] les
sinistres qui sont causés par un conducteur en état [ ... ]
d'intoxication alcoolique punissable [ ... ], à moins que
l'assuré ne démontre qu'il n'y a pas de lien de causalité
entre ce cas de faute lourde et le sinistre ».
Sur la fin de non-recevoir opposée
au moyen par la défenderesse et déduite de ce qu'il ne
précise pas en quoi le jugement attaqué violerait les
articles 6 et 1134, alinéa 1er, du Code civil,
Cette stipulation qui impose à l'assuré d'établir que son
état d'intoxication alcoolique n'a pas causé l'accident est
nulle ou en tout cas ne peut être prise en considération
car elle est notamment incompatible avec les
dispositions de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat
d'assurance terrestre.
En vertu de l'article 3 de cette loi, les dispositions
inscrites dans celle-ci sont impératives et on ne peut y
déroger par des conventions particulières (cfr aussi sur
ce point l'article 6 du Code civil).
Selon l'article 8, alinéa 2, de ladite loi, l'assureur ne
peut s'exonérer de ses obligations qu'en cas de faute
lourde déterminée expressément et limitativement dans
le contrat.
L'article 11 précise que la déchéance de la garantie en
raison de l'inexécution d'une obligation par l'assuré
suppose que le manquement soit en relation causale
avec la survenance du sinistre.
Il suit de ces dispositions qu'il appartient à l'assureur
qui se prévaut, comme en l'espèce, de la circonstance
que l'assuré conduisait au moment de l'accident en état
d'intoxication alcoolique, faute lourde qui, selon le
contrat entre les parties, exonère l'assureur de la
garantie; de démontrer le lien de causalité entre cette
faute lourde et le sinistre,
Il est de règle en effet que celui qui se prétend libéré
doit justifier le fait qui a produit l'extinction de son
obligation (articles 1315, alinéa 2, du Code civil et 870
du Code judiciaire).
Par conséquent, la décision qui rejette l'action du
demandeur contre la défenderesse au motif que le
demandeur n'établit pas que son intoxication
alcoolique, cause d'exonération de la garantie de
l'assureur, n'est pas à l'origine de l'accident, viole
l'ensemble des dispositions légales visées en tête du
moyen et plus spécialement les articles 1315, alinéa 2,
du Code civil, 8, alinéa 2, et 11 de la loi du 25 juin
1992.
La violation des autres dispositions légales visées au
moyen, si elle était avérée, suffirait à entraîner la
cassation 'du jugement attaqué,
Sur la fin de non-recevoir opposée
au moyen par la défenderesse et déduite du défaut
d'intérêt.
Le jugement attaqué ne considère pas que le lien de
causalité entre l'état d'intoxication alcoolique du
demandeur et le sinistre est établi mais que le
demandeur « ne prouve pas que [cet] état n'est pas à
l'origine de l'accident ».
Sur les autres fins de non-recevoir opposées au moyen
par la défenderesse.
L'examen de ces fins de non-recevoir est indissociable
de celui du mouen.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.
Sur le fondement du moyen
En vertu de l'article 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le
contrat d'assurance terrestre, les dispositions de cette loi
sont impératives sauf lorsque la possibilité d'y déroger
par des conventions particulières résulte de leur
rédaction même.
En vertu de l'article 8, alinéa 2, de cette loi, l'assureur
répond des sinistres causés par la faute, même lourde,
du preneur d'assurance, de l'assuré ou du bénéficiaire;
toutefois, l'assureur peut s'exonérer de ses obligations
pour les cas de faute lourde déterminés expressément et
limitativement dans le contrat.
Conformément à l'article 11 de ladite loi, le contrat
d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou
totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison
de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée
par le contrat et à la condition que le manquement soit
en relation causale avec la survenance du sinistre.
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Loi du 25 juin 1992 sur le contrat d’assurance terrestre n° 56
Il suit de ces dispositions, qui sont impératives en
faveur de l'assuré, que l'assureur qui se prévaut d'une
clause d'exonération au sens de l'article 8, alinéa 2,
précité n'est dispensé de répondre du sinistre que s'il
démontre un lien de causalité entre la faute lourde
déterminée dans le contrat et le sinistre.
Il ressort des pièces auxquelles là Cour peut avoir égard
que l'article 4 des conditions générales du contrat
conclu entre les parties stipule que la défenderesse
n'assure pas les sinistres causés par un conducteur en
état d'intoxication alcoolique punissable « à moins que
l'assuré [ne] démontre qu'il n'y a pas de lien de
causalité entre ce [ ... ] cas de faute lourde et le sinistre
".
Le jugement attaqué qui, se fondant sur cette
stipulation conventionnelle, rejette la demande du
demandeur au motif que celui-ci « ne prouve pas que
son intoxication alcoolique n'est pas à l'origine de
l'accident ", viole les dispositions de la loi du 25 juin
1992 visées au moyen.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs:
La Cour,
Casse le jugement attaqué.