Passy-Buzenval et la tradition ``lassalienne``
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Passy-Buzenval et la tradition ``lassalienne``
Passy-Buzenval et la tradition ‘’lassalienne’’ (Frères des Écoles Chrétiennes) Parmi tous les établissements d’enseignement catholique de Rueil, PassyBuzenval est le plus important, avec plus de 2000 élèves dont 380 internes, et, depuis quelques années une centaine de filles (au lycée). VDB a rencontré son nouveau directeur, M. Joël LEBRUN. VDB : La première question qui se pose, c’est la sélection : faut-il être catholique pour entrer à Passy ? JL : La loi Debré nous fait l’obligation d’accepter les enfants sans distinction de religion. Mais nous n’avons pas attendu la loi Debré : la tradition lassalienne, depuis St Jean-Baptiste de La Salle qui fonda les Frères des Écoles chrétiennes au XVIIe siècle a toujours été une tradition d’ouverture et d’accueil de tous. VDB : Vous avez donc des élèves non catholiques ? JL : Bien sûr, et de plus en plus : 75% de nos élèves à l’entrée en 6e viennent de l’enseignement public. Même si la majorité est encore baptisée, le pourcentage diminue d’année en année, et les non baptisés représentent dorénavant une forte minorité. Nous avons donc un pourcentage non négligeable de chrétiens de confession réformée ou orthodoxe, des juifs, quelques musulmans, et un nombre croissant d’incroyants. libres de participer ou non à la messe, et aucune pression n’est exercée. Nous avons encore une centaine de professions de foi par an, sur un total de 300 élèves en 6e. Mais il n’y a plus que 70 confirmations (en 3e). La demande de première communion est en revanche en augmentation, du fait que souvent les enfants ne l’ont pas faite dans le primaire. Pour le baptême – trois ou quatre demandes par an – l’autorisation des parents est nécessaire – et malheureusement souvent refusée par l’un des parents. VDB : Avez-vous des élèves portant le voile ou la kippa ? JL : Non le problème ne s’est pas encore posé. J’ai proposé d’inclure dans le règlement de l’établissement l’obligation de la tête nue à l’intérieur des bâtiments. VDB : Pensez-vous qu’un établissement comme Passy respecte la laïcité républicaine ? JL : Je suis très attaché au principe de laïcité. Mais j’ai une vision de la laïcité ouverte : Passy est déjà et doit être plus encore un lieu de dialogue, ou chacun puisse s’exprimer, écouter et respecter l’autre dans sa différence, sans favoriser le communautarisme, ni le relativisme religieux, mais en découvrant les richesses de sa propre religion par la confrontation amicale avec les richesses des autres. Il est essentiel de faire de la religion un espace de dialogue et de respect de l’autre, plutôt qu’une cause de division et d’affrontement. Je pense que c’est la vocation de nos établissements catholiques que de proposer un tel dialogue, et d’éduquer nos jeunes à se situer par rapport aux autres, tout en les respectant profondément. VDB : Et pour les sacrements, comment cela se passe-t-il ? JL : C’est bien sûr une démarche entièrement libre et volontaire. Les élèves sont Sylvie : Je ne pense pas qu’il y ait une façon spécifiquement chrétienne et une façon « laïque » d’enseigner. De plus, il est vrai que les matières scientifiques font moins problème de ce point de vue que l’histoire ou la philo. Je m’efforce cependant de favoriser les contacts, de garder le sens de la justice, d’être attentive aux élèves en difficulté. Mais je ne suis pas la seule, et nombre de mes collègues non chrétiens ont également ce souci. VDB : Êtes-vous reconnue comme chrétienne ? Sylvie : Non. Je ne peux pas m’afficher comme chrétienne. Ce serait incompatible avec le respect de la laïcité. C’est pourquoi j’ai souhaité garder l’anonymat. VDB : En souffrez-vous ? Sylvie : Pas vraiment : le fait de ne pas étaler ses convictions religieuses permet d’avoir des contacts « neutres ». Mais je constate que les musulmans – une grosse minorité dans mon lycée – même s’ils ne s’affichent pas, sont vite « repérés », à la cantine par exemple, même si les problèmes de voile ne se sont jamais posés à Gustave Eiffel. Il y a une certaine tolérance envers eux, alors qu’on ne pense même plus qu’un chrétien pourrait demander un régime spécial pendant le carême. Sylvie : On évite. Il y a déjà la politique pour nous diviser. La religion risquerait d’en rajouter. En fait, c’est un sujet tabou. J’ai un ou deux collègues musulmans. Ils sont très discrets également. Nous avons souvent besoin d’être unis face à des classes parfois difficiles ou contestataires. JL : les parents recherchent « les valeurs », une éducation où la morale et la discipline aient toute leur place, et surtout une attention particulière à l’enfant. Mais les motivations proprement religieuses sont en forte baisse depuis plusieurs années. JL : Oui, nous le précisons d’entrée de jeu : il y a une heure d’enseignement religieux obligatoire par semaine. Mais cela ne pose pas de problème : cet enseignement, donné par des professeurs volontaires et quelques parents, est très ouvert : présentation des textes fondateurs, suivie d’une discussion où chacun peut s’exprimer très librement. Cette heure est souvent précédée d’une courte prière, à laquelle chacun est libre de participer ou non, mais que tous respectent. VDB : Comment vivez-vous votre engagement chrétien dans un lycée public où, bien sûr, il n’est pas question de se présenter ouvertement comme chrétien ? VDB : Parlez-vous « religion » avec des collègues ? VDB : quelles sont les motivations de ces non-catholiques pour entrer à Passy ? VDB : L’enseignement religieux est-il obligatoire ? dans le Public. Puis j’ai enseigné à l’étranger, et là, il n’y a pas de lycées français catholiques. Mais je ne me suis jamais posé la question. Un point de vue ‘’laïque’’ VDB ne s’est pas contenté de rencontrer des établissements d’enseignement cathos. Nous avons voulu demander à une prof dans le Public – le lycée Gustave Eiffel comment elle vivait sa foi dans sa mission d’enseignant. Pour des raisons compréhensibles de discrétion, elle nous a demandé de garder l’anonymat. Laïcité à la française oblige. Sylvie est donc un nom d’emprunt. VDB : Vous êtes-vous jamais posé la question d’enseigner dans un établissement catholique plutôt que dans le Public ? Sylvie : Non, car j’ai fait toutes mes études VDB : Ne regrettez-vous pas que les élèves ni les profs ne puissent parler de religion entre eux, dans la liberté et le respect des convictions de l’autre ? Cela ne serait-il pas une ouverture à la tolérance et au dialogue ? Sylvie : Oui , c’est un peu dommage. En fait, il n’y a que l’aumônerie, je pense, où une telle possibilité de rencontre existe. C’est vrai qu’il y a une grande frilosité devant la question religieuse à l’école. Peutêtre est-ce dû à l’actualité ? Mais il y a quand même des raisons d’espérer : quand nous avons fait trois minutes de silence à la mémoire des victimes de Madrid, il n’y a pas eu la moindre protestation ou réaction négative, de la part des musulmans comme des autres…