Les ouvriers de la dernière heure

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Les ouvriers de la dernière heure
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Aux yeux de Dieu, nous ne sommes pas des anonymes
Lecture de la parabole des ouvriers de la onzième heure (Mt 20, 1-16)
Quand nous nous penchons sur cette parabole, nous nous arrêtons souvent sur l’inégalité des
salaires payés par le maître de la propriété à ceux qu'il a engagés dans sa vigne. Cela se comprend
bien dans la mesure où l'écart est flagrant entre les premiers embauchés, qui ont travaillé pendant
onze heures, et les derniers qui n'ont consacré qu'une heure à la vigne. Nous sommes frappés par la
différence d'approche de Dieu par rapport à nos façons d’agir. Nous réalisons combien la justice, la
logique et la pensée de Dieu ne sont pas semblables aux nôtres. Nous saisissons également le
message et l'appel qui nous sont adressés à nous dépasser, naturellement avec son aide, pour nous
hisser à son niveau. Cet appel est très explicite au chapitre 5 du même évangile où Jésus nous dit
que, si notre justice ne dépasse pas celle des pharisiens, nous n'hériterons pas de son royaume. (Mt
5, 20) Néanmoins, à côté de cet élément, du reste non négligeable, il y a lieu d'en relever d'autres,
susceptibles de nourrir notre foi et d'approfondir notre relation avec Dieu, surtout en cette période
de l’Avent où nous nous préparons au mystère de l’incarnation.
. J'en dégage quatre :
1.
2.
3.
4.
l'initiative et la persévérance du maître ;
la vigne ;
la réaction du maître à l'un des premiers embauchés ;
l'identité de Dieu : fondement de son action et de sa logique.
1. L'initiative et la persévérance du maître
Dans la parabole, Jésus met en exergue l'initiative du maître d'engager ou d'embaucher les gens
pour travailler à sa vigne. Comme si les premiers embauchés étaient en nombre insuffisant et qu'ils
n'allaient pas terminer le travail qu'il leur a confié, il sort de nouveau, pour la énième fois, presqu'à
la fin de la journée pour en embaucher d'autres. Ce qui est étonnant ici, c'est qu'il sait pertinemment
bien qu'en une heure, les derniers n'allaient pas réaliser la même tâche avec autant de rendements
que les premiers qui, disposaient de beaucoup de temps.
De plus, avec les premiers, il a signé un contrat réglant le droit et le devoir de chaque partie, tandis
qu’avec les derniers, tout s'est fait sans préalable, ni disposition légale. La relation établie avec les
premiers est d'ordre contractuel, donc basée sur des formalités administratives ou légales. Nous
pouvons supposer que c’était des personnes lettrées, ayant une certaine qualification. Il se pourrait
également que c’est eux qui ont exigé un contrat de travail, car ils connaissent leurs droits. Il n'en
est pas ainsi de la seconde relation – avec les autres, particulièrement ceux de la dernière heure - où
tout repose sur la confiance. Ces ouvriers ont tout simplement obéi à l'ordre du maître, sans plus.
Sans contrat, c'est comme s'ils avaient accepté ce travail en tant que bénévoles. S’attendaient-ils à
plus que le salaire mérité ? Ils ont suspendu leur sort au jugement du Seigneur et ont été prêts à
accepter tout ce qu’il allait leur proposer.
Enfin, la sollicitude et la compassion du maître à l'égard des derniers qui n'ont été engagés par
personne et sont restés là sans rien faire. Ici également, il y a lieu de supposer que contrairement
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aux premiers, eux étaient illettrés, sans qualification. Quel est cet employeur qui accepterait un
demandeur de travail dont le curriculum vitae serait quasiment vide ? Leurs cris de détresse sont
entendus sans qu'ils soient émis et lancés si fort. Ils représentent les gens sans voix, les va-nu-pieds,
les déshérités, les laissés pour compte, les marginaux, les pécheurs…, bref cette catégorie non
privilégiée de la société, qu'on appelle communément « commun des mortels », les pauvres. À
travers l'Écriture Sainte, plus particulièrement dans le Nouveau Testament, on constate une
sollicitude, non exclusive, du Seigneur à leur égard. Si la société humaine les marginalise, le
Seigneur les inclut dans son plan de salut. Eux aussi ont part à sa vigne.
D'ailleurs, beaucoup d’épisodes bibliques et de paraboles soulignent une telle sollicitude à l’égard
du plus petit – dans tous les sens du terme - dans la société. C’est le cri du peuple d’Israël,
maintenu esclave par l’Égypte, qui a déclenché la compassion de Dieu et le processus de libération.
L’Éternel dit : J’ai vu la souffrance de de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu les cris que
lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. (Ex3 7) La parabole de la miséricorde
du Père, montre clairement sa compassion à l'égard du fils cadet. Pour le Père, en s'éloignant de Lui,
son fils s'était égaré, perdu, voire avait trouvé la mort. Revenir auprès de Lui, était perçu comme le
retour à la vie. « Ton frère qui était mort, le voilà revenu à la vie ». (Luc 15, 24) N'est-ce pas là une
raison suffisante pour se réjouir ? Cela n'a malheureusement pas enchanté le fils aîné. Jésus ne s'est
pas gêné de pactiser avec les pécheurs, de côtoyer les prostituées. Il a fustigé l'attitude formaliste et
légaliste des pharisiens et des scribes, qui sont passés indifférents et insensibles devant leur
compatriote gisant, et a donné en exemple un Samaritain qui, par sa bonté, s'est révélé le prochain
de l'infortuné. (Luc 10, 25-37) Il a plusieurs fois décrié le ritualisme de la pratique juive.
Cependant, entre les premiers embauchés et les derniers, il y en a eu d'autres, qui, d'après le récit, se
tenaient sur la place, sans rien faire. Cette insistance de la parabole sur les initiatives du maître – il
sortit de nouveau à neuf heures du matin, puis à midi, puis à trois heures…-, porte à croire qu'il ne
tolère pas de voir les gens oisifs, sans rien faire ; car, dans sa vigne, il y a toujours du travail. C'est
dans ce sens que nous pouvons comprendre la dureté avec laquelle il a traité le troisième serviteur
de la parabole des talents qui s'est révélé oisif, indolent, sans initiative, manquant de courage,
peureux. Aussi, plutôt que de prendre le risque de fructifier l'unique don qu'il a reçu, il a préféré
l'enterrer. (Mt 25, 24-30) Quel gâchis pour l'humanité qui aurait pu en profiter puisque le Seigneur
ne donne ses dons que pour être mis au service de la communauté.
Cette persévérance du Seigneur à embaucher, sans tenir compte de la qualification des recrues, fait
également penser à la parabole du semeur où celui-ci sème à tout vent, sans tenir compte de
l'endroit où les graines tombent. Dans cette parabole, le semeur sort également pour semer comme
le maître sort, lui aussi, pour embaucher. Les graines ratées, qui n'ont pas produit des fruits
escomptés, ne l'ont pas empêché de continuer son œuvre dans l'espoir et la confiance qu'il y en aura
qui tomberont sur la bonne terre et donneront des fruits même inattendus. (Mt 13, 1-9) Dans la
parabole des ouvriers de la dernière heure, c'est la confiance qui meut tant le maître que les seconds
et derniers employés. Enfin, cette insistance montre que le travail de et dans sa vigne lui tient à
cœur non seulement pour offrir un emploi aux désœuvrés mais pour ce qu'il y a à accomplir. Aussi
est-il important de se pencher sur ce que représente la vigne pour lui.
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2. La vigne
Il convient de noter que le thème de la vigne est présent tant dans l'Ancien que dans le Nouveau
Testament. Il y est fait allusion 176 fois. C'est dire toute l'importance allégorique de ce thème aux
yeux des écrivains sacrés et de Jésus. Mais remontons d'abord au premier Testament. Dès que le
Seigneur a renouvelé son alliance à Noé, en façonnant un monde épris de paix, celui-ci planta une
vigne et en bu le vin. La vigne se présentait donc déjà à l'époque de Noé comme signe de paix et de
joie. (Genèse 9, 20). Elle est aussi le signe de bénédiction et Israël en a fait son symbole. « Israël
était une vigne luxuriante, qui donnait bien son fruit. Plus son fruit se multipliait, plus il a multiplié
les autels ; plus son pays devenait riche, plus riches il a fait les stèles." (Osée 10, 1). Elle est
également signe de la fidélité du peuple au Seigneur, traduit par l'abondance de fruits qu’il produit.
Elle y est encore présentée comme un don de Dieu. Dans la terre promise, Israël avait trouvé une
ville bien construite et des vignes déjà plantées. Il n'avait qu'à s'abreuver de ses jus. (Dt 6, 10- 11)
Dans le livre de l'Exode, c'est le souci des pauvres, qui est lié aux fruits de la vendange. Ils ne
devaient pas être oubliés. Le prophète Isaïe interprète la vigne comme la maison d'Israël, le peuple
de Dieu. De même que la vigne doit produire du fruit, de même, le peuple de Dieu doit aussi en
produire de bons. Sirach, le sage, compare la vigne à la sagesse personnifiée du Seigneur lui-même.
Dans le Nouveau Testament, outre les paraboles où Jésus recourt à la symbolique de la vigne, c'est
plus l'évangile de saint Jean qui nous en donne le sens. D'abord, il en parle dans le contexte de
l'alliance pour montrer qu'il est venu en inaugurer, nouer, sceller une nouvelle entre Dieu et nous.
(Jean 3). Plus loin au chapitre 15, il s'identifie à la vigne et présente son père comme le vigneron.
Le peuple est assimilé au sarment. Ici la métaphore souligne plus l'unité, la relation intime, donc
l'alliance qui doit exister entre Dieu, son Fils et nous. Enfin au chapitre 13, lors du repas d'alliance
qu'il a pris avec ses apôtres, Jésus transgresse le sens propre du fruit de la vigne – le vin – pour le
situer dans le contexte de l'amour total où il - le vin - se transmue en son sang versé sur la croix, où
le don total de la vie devient le signe palpable de l'alliance : il n'y a pas de plus grand amour que de
donner sa vie à ceux que l'on aime.
Toute cette analyse montre clairement que selon le contexte, la vigne représente le Seigneur luimême, ou Jésus, ou encore le peuple d'Israël, ou le peuple de la nouvelle alliance ou enfin, le monde
dans lequel vit ce peuple. L'allusion y est faite pour montrer que le produit de la vigne est succulent
et qu'on attend tant d'Israël que de tout autre peuple d'en produire également les mêmes qui soient
excellents. Ces fruits ne sont rien d’autre que l'amour, la justice, la bonté, la miséricorde, la paix, la
joie, la vérité… Enfin, cette production est conditionnée par la fidélité à Dieu, à sa parole, à son
Fils. Ainsi, celui qui demeure en eux porte et portera beaucoup de fruits.
L'on comprend, dès lors, le souci et la sollicitude du Seigneur qui sortit plusieurs fois pour
embaucher. Personne ne doit se tourner les pouces à longueur de journée, sans travailler dans la
vigne du Seigneur, comme si tout est déjà fait. Tant que l’humanité et les humains existeront, on
n’achèvera jamais la mission de planter, de semer l'amour, la justice, la paix, la vérité, la
miséricorde dans leurs cœurs. La tâche est ardue mais indispensable. D'elle, dépend le salut de
l'humanité. Voilà pourquoi elle est dévolue et incombe à tous et à chacun. S'y dérober, c'est
s'exposer à être comme ce serviteur bon à rien de la parabole des talents - à qui allusion a été faite
ci-dessus - qui s'est comporté comme s'il n'avait reçu aucun don. Pour le Seigneur, cette tâche n'a
pas d'âge. Aussi a-t-il embauché à la première, la deuxième, la troisième heure … Cependant, celui
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qui sème l'amour même pendant une heure ne récoltera que l'amour comme celui qui en a planté
pendant vingt heures. Gagner l'amour, c'est gagner la plénitude de la vie et cela ne s'évalue pas sur
mesure, ni sur base de critères humains. L'amour demeure l'amour. C'est ce que le Père
miséricordieux s'est efforcé de faire comprendre à son fils aîné, jaloux et furieux pour l’accueil
solennel et festif réservé à son frère à l’occasion de son retour. C'est également ce que le maître s'est
évertué à faire comprendre à l'un des premiers embauchés.
3. Les premiers embauchés
Suite à ce qu'ils ont perçu comme injuste, les ouvriers se sont mis à critiquer le propriétaire de la
vigne. Le texte ne dit pas si c'était de manière criante ou discrète. Néanmoins, le propriétaire n'y est
pas resté indifférent. Ce qui est étonnant, c'est qu'il ne répond pas à tous ; mais à l'un d'eux. Il y a
lieu de se demander pourquoi il a préféré s'adresser à l'un d'eux et pas à tous. Et pourquoi, il ne lui a
pas parlé en tant que porte-parole du groupe mais comme à la seule personne avec qui il a conclu un
marché. « Mon ami, je ne te cause aucun tort. Tu as convenu avec moi de travailler pour une
pièce…. ».
Trois conclusions s'imposent.
La première, c'est que, pour le Seigneur, nous ne sommes pas des anonymes. La relation qu'Il
entend nouer avec nous est personnelle. Quand bien même Il nous appelle à l'unité, à la fraternité, à
vivre dans la communauté, Il ne noie pas son amour envers chacun dans l'amour de tous. Il nous
aime tous autant qu'Il aime chacun de manière particulière. En s'adressant à l'un en aparté, il a tout
simplement voulu interpeller, toucher et éclairer sa conscience pour qu'il cesse de récriminer
injustement. Telle est la pédagogie divine. Il travaille le cœur de chacun pour le transformer. Il
entend responsabiliser chacun sur le sens de l'engagement qu'il a pris avec Lui. Si la parole de Dieu
est adressée à toute la communauté, elle est censée parler à chacun puisque c'est à chaque personne
de manière particulière que Dieu envoie ses messages. Dans saint Jean, Jésus ne dit-il pas qu’il
connaît ses brebis et appelle chacune par son nom ? Dans saint Luc, n’affirme-t-il pas qu’il est
venu pour la conversion de chaque pécheur et qu’il est prêt à abandonner les 99 brebis pour se
mettre à la recherche de celle qui s’est égarée jusqu’à ce qu’il la retrouve ? Si nous sommes invités
à vivre notre relation avec le christ dans la communion, néanmoins, elle demeure authentiquement
personnelle.
La deuxième, c'est la réaction en masse. Jésus en a fait une double expérience, tantôt malheureuse,
tantôt heureuse. Malheureuse, notamment lors de son procès. Influencée par les pharisiens et scribes
qui tenaient à tout prix à la condamnation de jésus et à sa mort, la foule a réclamé haut et fort la
libération de Barabbas. Je suis convaincu que la réaction du peuple n’aurait pas été aussi virulente,
voire convaincue, si la demande avait été faite à chacun de manière particulière. Seul, on se
retrouve devant sa conscience. Et là, c'est la vérité qui est censée prendre le dessus. Plus d'une fois
dans le Nouveau Testament, Jésus a dû fuir la foule pour plusieurs raisons. Quand elle devenait
envahissante, le suivant même quand il souhaitait se retirer dans la solitude pour faire l'expérience
du face-à-face avec son Père. Quand elle a voulu l'ériger en roi après la multiplication des pains ou
autres miracles. Quelquefois, elle s'est érigée en obstacle à son action, en empêchant une personne
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de le rencontrer (Zachée, Jaïrus, le chef de la synagogue...)
En revanche, la foule lui donnait l'occasion d'annoncer la bonne nouvelle de son Père. Elle en
brûlait tellement d'envie qu'elle le suivait. C'est elle qui l'a acclamé lors de son entrée solennelle à
Jérusalem. Elle a fait peur aux chefs des prêtres et des scribes quand ils voulaient mettre la main sur
lui. C'est également elle qui l'admirait, s'émerveillait pour ses œuvres. Le moins que nous puissions
dire est qu'elle se révèle très ambivalente et imprévisible. On ne peut pas prévenir sa réaction. Elle
est facilement manipulable. La conscience collective ne constitue pas un critère efficace de
jugement. Par contre, la conscience individuelle l'est, à moins d’être tronquée. Toute la question est
de savoir sur quoi repose la solidité de notre foi.
La troisième procède de la pédagogie de Jésus. À part l'annonce de la bonne nouvelle ou son
enseignement, donné à tous, à part l'acte de la multiplication des pains, on ne voit pas, dans les
évangiles, Jésus accomplir des miracles spectaculaires portant, par exemple, sur une guérison
collective. Certes, il y a eu le cas de dix lépreux qui furent tous purifiés et guéris. Cependant, un
seul (du reste un Samaritain et non un Juif) avait été sauvé, grâce à sa foi. De même, pour les autres
cas. Il a guéri un aveugle précis. Il a rencontré une Samaritaine. Il a accepté l'invitation de Matthieu,
le publicain. Il a accueilli Nicodème. Il a remarqué, au milieu d'une innombrable foule, que son
vêtement était touché par quelqu'un : une femme atteinte de perte de sang.
Toutes ces rencontres étaient souvent précédées et marquées par une démarche de foi, grâce à
laquelle un miracle s'accomplissait. Le cas de cette femme hémorragique est le plus frappant. Elle
avait constaté que son hémorragie s'était arrêtée juste au moment où elle avait touché la tunique de
Jésus et que Jésus l'avait su. Et pourtant, dans la précipitation et la bousculade, beaucoup avaient
certainement touché cette tunique. Toutefois, leur acte n'avait pas attiré l'attention de Jésus, n'étant
nullement une démarche de foi comme celle qui avait animé l'hémorragique. En revanche, la
démarche et l'intention de foi de cette femme lui valurent un dialogue avec Jésus et une réponse
positive à ses attentes. On remarque la même pédagogie avec Zachée qui s'est également retrouvé
au milieu de la foule. Son désir ardent de voir Jésus n'a pas échappé au regard d'amour de celui-ci.
« Descend vite Zachée, aujourd'hui, j'irai dormir chez toi..» (Luc 19, 1-10) C'est toujours la même
pédagogie que Jésus poursuivait avec ses apôtres. Voulant savoir ce que les gens disaient de lui, il
ne s'est pas contenté de l'opinion des autres et a fini par interroger les apôtres : Et vous, que ditesvous de moi ? Qui suis-je pour vous ?(Mt 16,12)
Comme on peut le constater, la foi est une démarche personnelle, même si elle est vécue et nourrie
dans la communauté. Dieu appelle chacun par son nom et veut nouer avec lui une relation
privilégiée, si pas unique. Ainsi chaque personne devient un signe de la présence de Dieu au monde.
Ce qu'Il fait à chacun, à cause de sa foi, est une leçon donnée à tous de sorte qu'en passant par le
même chemin, on puisse également bénéficier de la même grâce. La démarche de foi signifie aussi
que Dieu n'impose rien aux hommes. Il les laisse librement venir auprès de Lui. Seulement, c'est en
entrant en intimité avec Lui qu'on parvient un tant soit peu à s'intégrer dans sa logique.
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4. La logique de Dieu
Cette parabole est très déroutante pour celui qui fonctionne essentiellement avec les schèmes de
pensée humaine. Toute la différence entre Dieu et les humains se situe à ce niveau -ci : Il est pur et
parfait Amour. Tout son être et son agir sont imbibés et motivés par l'amour de tous et de chacun.
Aussi, là où c'est insupportable, voire impossible et même injuste pour les humains, c'est passable,
voire faisable et possible pour Dieu. Quelques exemples suffisent pour nous éclairer. Sur la croix,
Jésus parvient à faire pardonner ses meurtriers, ce qui, soit dit en passant, se révèle impossible aux
hommes. Au retour du fils prodigue, il organise pour lui une grande fête oubliant totalement sa
responsabilité dans ce qui lui était arrivé. Soit signalé également la révolte du fils aîné. Il accueille
les pécheurs et va même jusqu'à loger chez eux. Les évangélistes ont bien relevé l'attitude des
pharisiens par rapport à cet accueil des pécheurs. Il demande à Pierre de ne pas seulement
pardonner sept fois mais septante sept fois sept fois. Il commence par payer les derniers engagés qui
n'ont travaillé que pendant une heure et leur donne autant qu'il a convenu avec les premiers qui ont
travaillé dix fois plus. Dans son enseignement, il demande qu'on prie aussi pour les ennemis.
Tant de choses susceptibles de défier notre logique mais qui trouvent une place dans l'agir de Dieu,
cela ne peut s'expliquer que par le fait qu'il est AMOUR. Et c'est pour cette raison que la parabole a
été donnée. Jésus compare le royaume de Dieu à ce propriétaire du domaine qui sortit pour engager
les ouvriers dans sa vigne. C'est dire que l'interprétation de cette parabole doit plus porter sur l'être,
la nature et l'agir du propriétaire dont l'action n'est mue que par l'amour. Si nous comprenons la
logique du propriétaire, - première étape – alors, nous sommes invités à l'intégrer dans nos vies et
mœurs - deuxième étape. Cela implique que nous supplantions la dimension et le niveau humains
pour nous hisser, avec sa grâce, à la dimension et au niveau de Dieu. D'où la nécessité de nous
abandonner à Lui. Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, les maçons travaillent en vain. (ps 126)
Voilà pourquoi Il est venu sur terre, a pris notre condition humaine : c’est pour être avec nous,
cheminer avec nous. Il est venu nous révéler le vrai visage de Dieu, sa logique et ses desseins pour
l’humanité entière et pour chacun. Nous préparer à l’accueillir - telle est la période de l’Avent -,
c’est nous disposer à L’écouter et à accomplir sa volonté tout au long de notre vie. Telle est ma
prière pour tous ceux qui attendent la venue du Seigneur dans la foi, l’espérance et l’amour.
Denis KIALUTA LONGANA
Curé.
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