TRANSPORT AERIEN, LE CIEL SERA-T

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TRANSPORT AERIEN, LE CIEL SERA-T
Transport aérien, le ciel sera-t-il assez grand ?
TRANSPORT AERIEN, LE CIEL SERA-T-IL ASSEZ GRAND ?
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Je vais vous montrer aujourd’hui un site, le Flightradar241, qui permet de suivre la trajectoire des avions,
de visualiser le mouvement en temps réel. Ces images nous montrent, par exemple, la côte est des
États-Unis et le Canada, à 17 heures en heure locale. Ces autres images, cette fois, nous emmènent en
Asie de l’Est, il est 11 heures et demie à Pékin. Eh bien, avec de tels mouvements d’avion, évidemment
nous avons eu envie de nous interroger sur l’avenir de ce secteur aérien qui est à la fois en forte
croissance et face à de très nombreux problèmes.
L’aviation civile commerciale a véritablement commencé après la Deuxième Guerre mondiale. Pour relier
Le Havre à New York par bateau, il fallait en 1950 une semaine contre seulement 20 heures pour faire
Paris-New York en avion quadrimoteur, avec escale. En 1960, avec l’arrivée des jets commerciaux, on
passe à 8 heures et, en fait, on en est toujours là aujourd’hui. Réduction du temps de trajet donc, mais
aussi augmentation du nombre de passagers transportés. En 1950, la planète compte 2 milliards et demi
d’habitants et l’avion transporte cette année-là 31 millions de personnes sans compter la Chine et l’URSS.
En 2012, il y a 7 milliards d’habitants et près de 3 milliards de passagers aériens transportés cette annéelà et on estime qu’en 2032 il y aura 8 milliards et demi d’habitants sur la Terre et près de 7 milliards de
passagers transportés selon Airbus, soit un doublement du trafic aérien mondial annuel par rapport à
aujourd’hui. Alors comment peut-on expliquer une telle croissance ? Premier facteur, il y a cette
croissance démographique que nous venons d’évoquer, mais il faut aussi regarder la répartition de la
population par grande région pour 2012 et les estimations pour 2032. Alors, on voit que cette croissance
est tirée avant tout par la région Asie-Pacifique et par le continent africain. C’est donc dans ces régions
que le nombre de passagers devrait le plus augmenter. Deuxième facteur de croissance, la baisse du prix
du transport aérien, calculé en dollars constants2 de 2009. Cette baisse est due notamment aux progrès
techniques qui ont réduit les coûts de construction et d’entretien des avions, à la dérégulation du secteur
dans les années 1980 et à l’apparition de compagnies dites low cost3 proposant moins de prestations,
mais des billets moins chers telles que Southwest Airlines, Ryanair, easyJet, Gol, Air Berlin. Troisième
facteur enfin, les croissances économiques qui entraînent la hausse du pouvoir d’achat. Le nombre de
personnes en mesure d’acheter un billet d’avion augmente. On a, entre 2012 et 2032, un essor important
des classes moyennes au niveau mondial qui va d’ailleurs s’accompagner d’une massification du
tourisme. Et si on regarde la répartition des classes moyennes par région pour ces deux dates, on voit
que la part de l’Asie-Pacifique augmente considérablement dans le total mondial. Donc, en corrélant
croissance économique, prix du billet, croissance démographique, on comprend que le secteur du
transport aérien va croître, mais de manière inégale entre les régions du monde.
Voyons maintenant la répartition des villes qui, en 2012, accueillent le plus de passagers longs courriers.
Elles se trouvent principalement en Amérique du Nord, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie-Pacifique.
Et voici maintenant les prévisions pour 2032. On constate que de nombreux centres aéroportuaires
apparaissent dans les pays dits du Sud et dans les pays émergents comme le Brésil, l’Afrique du Sud,
l’Inde et particulièrement la Chine. Regardez en Chine les aéroports existant en 2010 et maintenant les
nouveaux aéroports qui seront construits d’ici 2020 notamment à l’intérieur du pays. Le gouvernement
chinois souhaite en effet développer cette partie du territoire, en retard par rapport à la Chine côtière et
les aéroports sont un facteur d’attractivité, générateur de tourisme et de développement économique. En
fait, la géographie du transport aérien suit celle de la démographie et de l’économie et parfois même la
précède.
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www.flightradar24.com
Dollar constant (économie) : valeur du dollar après suppression des variations du pouvoir d’achat dans
le temps.
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Compagnies low cost (anglicisme) : compagnies à bas prix.
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Bien, mais alors quelles sont les conséquences de cet essor des pays émergents et en développement sur
ce secteur d’activité qui est à mi-chemin entre l’industrie et le service ? La construction aéronautique est
un marché en pleine croissance : pour le seul transport de passagers, il y avait environ 16 000 avions
civils en service en 2012 et il y en aura 34 000 en 2032 selon les chiffres d’ Airbus. Les deux premiers
constructeurs aéronautiques au monde sont l’européen Airbus qui, en 30 ans, a rattrapé l’américain
Boeing, et ces deux entreprises dominent largement le marché. Ils vont être concurrencés par des
compagnies issues des pays émergents comme le brésilien Embraer et le chinois Comac. Même constat
pour les compagnies aériennes : les compagnies traditionnelles comme Air France, KLM, Lufthansa,
British Airways, American Airlines, United Airlines sont concurrencées par des compagnies issues d’Asie,
surtout de Chine et par les compagnies du Golfe qui offrent des prestations haut de gamme. Dans la
péninsule arabique, le développement de ces compagnies a été largement porté par leurs États d’origine
qui ont très bien tiré parti de leur position géographique, placés à 6 heures de vol de l’Europe et de
l’Afrique et à 9 heures de vol de l’Asie.
Bien, mais curieusement malgré cette très forte croissance de la demande, le secteur aéronautique est
fragile. Alors pourquoi ? Eh bien, plusieurs facteurs jouent là aussi. En premier lieu, la saturation de
l’espace aérien. Retournons voir le site Flightradar24 qui permet de suivre l’essentiel du trafic aérien en
temps réel. Le ciel européen est saturé, ce qui provoque régulièrement des retards. Eurocontrol a estimé
que cette congestion aurait entraîné en 2005 des surcoûts d’environ 6 milliards d’euros pour les
compagnies aériennes et cette saturation ne permet pas aux compagnies d’obtenir de nouveaux
créneaux de décollage et d’atterrissage. Or, selon les estimations d’ Airbus, près de 6000 avions
supplémentaires seront livrés d’ici 2030 aux compagnies européennes pour répondre à la hausse du
nombre de passagers.
Autre défi, les hydrocarbures. Le transport aérien reste totalement dépendant du kérosène qui est un
mélange d’hydrocarbures issus du raffinage du pétrole, or le prix du baril de pétrole a beaucoup
augmenté. Il est passé de 40 dollars en 1980 à près de 100 dollars aujourd’hui, ce qui s’explique
notamment par la hausse de la demande mondiale de pétrole, la diminution des réserves et la
spéculation sur le prix du baril.
Troisième défi maintenant, les pollutions. Un avion émet 118 g de CO 2 par kilomètre parcouru et par
passager, soit presque autant qu’une voiture classique, mais 9 fois plus qu’un TGV. Ce CO2 généré par le
transport aérien n’est pas comptabilisé dans le protocole de Kyoto et l’organisation civile internationale,
qui regroupe presque tous les pays du monde, n’arrive pas à les mettre d’accord sur une réglementation.
Seule l’Union européenne a décidé l’inclusion du transport aérien dans le marché d’émission de quotas de
CO2, mais elle n’est pas parvenue à l’imposer aux compagnies non européennes qui ont menacé de
boycotter l’espace aérien européen. Alors pour sortir de ces impasses, diverses recherches sont menées :
de nouveaux moteurs consommant moins de pétrole, une optimisation des trajectoires et une légère
diminution des vitesses de croisière, des avions bénéficiant d’un nouvel aérodynamisme construits en
matériaux plus légers, tel le titane, et, à bord, des sièges plus légers et pourquoi pas des stewards plus
légers, l’utilisation d’agrocarburants 4 comme la jatropha 5 , l’utilisation de l’énergie solaire à l’image de
l’avion prototype Solar Impulse équipé de panneaux solaires sur les ailes. Mais évidemment, l’avion
solaire qui transportera plusieurs centaines de passagers n’est pas pour tout de suite. Autre facteur de
fragilité, bien sûr, la vulnérabilité du transport aérien au conflit. On se souvient, bien sûr, de la prise
d’otages du vol d’Air France Paris-Alger en 1994 par un groupe islamiste, des attentats du 11 septembre
2001 à New York et plus récemment de l’avion de la Malaysia Airlines abattu en Ukraine en juillet 2014.
Et pourtant, l’avion reste un moyen de transport très sûr. Regardez cette courbe réalisée à partir des
données de l’Aviation Safety Network. Entre 1945 et aujourd’hui, le nombre d’accidents d’avion a
considérablement baissé, et cela grâce au durcissement des règles de sécurité et aux progrès
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Agrocarburant : carburant à base de végétaux.
* Le jatropha (nom masculin) est un genre de plantes originaire d’Amérique centrale ou du Sud et
utilisé dans la composition de certains agrocarburants.
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technologiques introduits dans l’aviation. Sauf que la technologie ne peut pas tout. En avril 2010, un
volcan islandais entre en éruption, projette des nuages de cendres dans le ciel, ce qui entraîne une
interruption du trafic aérien en Europe. Vous voyez là les pays où l’espace aérien a été totalement fermé,
et ce, pendant plusieurs jours. Cette éruption du volcan a eu un impact négatif sur le secteur aérien,
mais aussi sur le tourisme, le commerce, la productivité des pays concernés. Selon Oxford Economics,
cette éruption aurait entraîné 5 milliards de dollars de perte sur le PIB 6 mondial. Et en même temps, cela
a bien sûr souligné la dépendance des économies et des sociétés actuelles à l’égard du transport aérien
justement, de nombreux trajets ne pouvant pas être réalisés par un autre mode de déplacement.
Alors, l’exemple de ce volcan islandais montre bien notre grande dépendance vis-à-vis de ce mode de
transport sur de très nombreux trajets. L’avion, en fait, n’a pas de concurrent et cette dépendance est
appelée à augmenter encore avec l’essor de nouvelles classes moyennes dans les pays émergés et dans
les pays émergents. Pourtant, ce secteur aérien est face à quatre grandes difficultés. D’abord, la
raréfaction de son principal combustible, le kérosène issu du pétrole ; ensuite les pollutions, à la fois
sonore et émissions de CO2 ; troisièmement l’encombrement du secteur aérien en particulier en Europe ;
et puis en fait, c’est un secteur qui est économiquement assez peu rentable. Par exemple, l’espace aérien
européen est géré selon des échelles nationales, les syndicats de contrôleurs aériens travaillant selon une
logique nationale et corporatiste alors qu’un tel espace devrait évidemment être géré à l’échelle
européenne, voire même communautaire. Ce sont là des gisements d’économie qui pourraient être
beaucoup mieux exploités. Donc à terme, il faut imaginer un très grand nombre d’innovations
technologiques, peut-être même le retour des moteurs à hélices voire des dirigeables, moins rapides,
mais aussi beaucoup moins polluants.
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Alors nous avons repéré trois livres traitant de problématiques d’ordre général : L’année stratégique 2015
aux éditions Armand Collin ; Comprendre le monde en 200 cartes aux éditions Autrement. Et puis, cet
excellent Géorama : Tour du monde en 80 questions aux éditions Robert Laffont.
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PIB (économie) : produit intérieur brut, indice généralement utilisé pour calculer de la richesse d’un
pays.
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