da-me - EPFL

Transcription

da-me - EPFL
JOHANN WATZKE
ÉNONCÉ THÉORIQUE DE MASTER
ÉQUIPE DE SUIVI :
MONIQUE RUZICKA-ROSSIER
JEFFREY HUANG
TREVOR PATT
2012|2013
SAR|EPFL
Table des matières
Introduction
Tokyo, un milieu propice
Un regard occidental
Introduction à Tokyo
Les marques de l’histoire
Éléments de l’essence de Tokyo
Question de l’exportabilité
Intelligences urbaines
1
3
5
7
11
15
41
43
Les Petits Hybrides
Sur les traces de l’Atelier Bow-Wow
L’étude urbaine
L’architecture anonyme de Tokyo
Regards croisés sur des hybrides da-me
Hybrides da-me, partie 1
Hybrides da-me, partie 2
Hybrides da-me, partie 3
L’enseignement des da-me
49
49
51
57
61
67
119
183
201
Les Grands Hybrides
Les hybrides dans l’histoire
les grandes familles d’hybrides
Stratégies des grands hybrides
Petits versus Grands hybrides
211
212
214
217
219
Conclusions
221
NOTES
225
ICONOGRAPHIE
228
BIBLIOGRAPHIE
229
Introduction
Ce travail de Master en Architecture propose d’utiliser la ville de
Lausanne comme champ de recherche. Cette ville suisse, comme
la plupart des agglomérations urbaines, est en pleine mutation.
L’enjeu actuel est sa densification intelligente du tissu urbain en
accord avec l’évolution rapide de la société locale et globale. Sur ce
problème de fond, le regard va être porté sur une autre ville comme
source de solutions différentes : Tokyo. L’archipel nippon a toujours
fasciné l’occident et sa capitale en particulier. C’est une mégalopole
qui a dépassé le stade de la ville. Elle compte aujourd’hui parmi les
zones urbaines les plus denses du monde. Son évolution organique
ayant subie la mondialisation différemment du reste du monde peut
se révéler être une source d’intelligences urbaines uniques. Les
contraintes de la vie dans un milieu si dense ont forcé les Japonais à
faire preuve de beaucoup d’ingéniosité.
Cette étude va se concentrer sur des solutions à l’échelle de
l’architecture. En effet un certains nombres de cas étranges, des
hybrides apparus librement dans le chaos urbain de Tokyo, ont déjà
été relevés par des architectes japonais. Ce sont ces observations
locales qui vont guider ce travail. Il s’agira d’apprendre de ces
mutations du tissu de Tokyo, pour intervenir de manière différente à
Lausanne.
Cet exercice commença en Août 2012 par un voyage au Japon. C’est
par la marche dans la ville de Tokyo que des exemples particuliers
de la dynamique urbaine de la ville ont pu être observé en personne.
De retour en Suisse, la suite du travail consiste en une lecture de ces
bâtiments relevés en s’appuyant sur les travaux des architectes les
ayant découverts en premier lieu et sur une lecture de leur contexte
urbain à travers le regard d’autre théoriciens.
Cet énoncé théorique se structure en trois parties : La première jette
un oeil général sur la ville de Tokyo pour en relever les dynamiques
urbaines et culturelles qui nous permettront de mieux comprendre
les exemples observés ; La seconde partie est le résultat de la lecture
de ces bâtiments hybrides typiques de Tokyo dont on va chercher à
extraire les principes importants ; La troisième partie va s’intéresser
de manière plus générale à la notion d’hybride et sa signification en
architecture pour pouvoir replacer les cas de Tokyo.
1
2
FOUND IN TOKYO
Tokyo, un milieu propice
Le choix de Tokyo
Le regard de cette étude s’est porté sur la ville japonaise et en
particulier la mégalopole de Tokyo. En effet celle-ci est plus en accord
avec les nouvelles visions du monde : son évolution s’est mieux
adaptée à la société contemporaine (qui a évoluée rapidement), par
rapport aux villes européennes1.
La ville européenne, donc la ville suisse, dans le contexte du
développement durable, se voit affectée par les enjeux de la
densité.. L’objectif est la ville compacte. Autrefois, la ville médiévale
en était un bon exemple. Aujourd’hui, depuis le développement
de la ville bourgeoise et industrielle, la ville s’est étendue. Des
besoins hygiénistes et fonctionnalistes ont divisés la ville en zones
spécialisées, séparant ainsi les fonctions. Le développement des
transports a permis cet étalement vu qu’il n’était plus nécessaire de
pouvoir accéder aux différents endroits clés de la ville à pieds. De plus
l’accès à la propriété privée, la sphère privée, un besoin d’espace
vert, ont pris leur place dans la planification urbaine, et ont ainsi étalé
la ville dans la banlieue. Une ville qui s’en retrouve aujourd’hui très
diluée et distendue. Elle n’a pas plus la même densité et la même
vivacité que les ville compactes d’autrefois2.
Le voyage fut tout d’abord motivé par la ville de Tokyo elle-même,
avant de s’élargir à ses architectures particulière.
Au premier abord, cette ville provoque à la fois confusion et fascination.
C’est une ville extrêmement dense et pourtant au contraire des
nouvelles villes dans le reste de l’Asie, elle n’a longtemps pas utilisé
de gratte-ciels pour atteindre cette intensité urbaine. C’est pour y
trouver d’autres manières de faire par rapport au modèle américain,
que l’on tourne notre regard sur cette ville atypique.
3
4
FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE
Un regard occidental
Le regard de l’Ouest sur l’Est au cours de l’histoire
Au moment des premiers contacts avec le Japon au XVIIe siècle, les
européens furent étonnés de trouver les villes japonaises plus grandes
et plus nombreuses que celles de l’Ouest. Concernant la qualité de
vie, les différences étaient frappantes : les villes japonaises étaient
beaucoup plus propres et l’hygiène générale y était bien meilleure.
Ces villes s’étendaient déjà beaucoup. La plupart des constructions
étaient d’apparence plus éphémère que les bâtisses de pierre de
l’Europe. Il n’y avait aucun grand bâtiment, monument ou façade
majestueuse. Ces villes étaient considérées comme monotone,
mornes et sans substance.
Au départ seuls les jardins attirèrent le regard des occidentaux. On
peut en constater l’influence dans le paysagisme de l’époque.
Par la suite, quand des architectes comme Gropius, Taut et Wright, à
travers les idéaux du Modernisme, se mirent à décrire l’architecture
traditionnelle japonaise avec respect et admiration, le regard de
l’occident se tourna à nouveau vers l’archipel nippon.
Dans l’autre sens, les architectes japonais découvrirent l’architecture
européenne et américaine et s’en inspirèrent beaucoup pendant
l’essor du pays à l’ère de Meiji (1869-1912). Ce fut une ère de crise pour
le pays qui luttait contre l’importation de la modernité occidentale et
un désir de conserver son identité et sa culture ancestrale.
Pourtant pour les visiteurs occidentaux, la ville japonaise restait
un milieu urbain étrange sans place publiques, trottoirs, espaces
civiques, parcs et grandes vues baroques sur des monuments. Elle
était ainsi toujours considérée comme moins urbaine, malgré son
apparente densité et vivacité3.
De nos jours, le discours sur la ville japonaise n’est plus négatif. On
en célèbre maintenant l’énergie, la vitalité, l’efficacité ainsi que sa
sophistication technologique4.
5
6
FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE
7
Introduction à Tokyo
Une source d’inspiration pour la ville future
Tokyo est véritablement une forêt vierge urbaine, dont la biodiversité
ayant évolué de manière atypique lui permet d’arriver à des solutions
architecturales et urbaines uniques pour une urbanisation très dense.
Ce sont ces intelligences architecturales et leur contexte urbain que
ce travail cherche à observer afin d’en apprendre des stratégies pour
intervenir différemment dans le cadre de la densification urbaine
suisse.
La suite de cette partie va s’intéresser, à travers un regard occidental
sur la capitale japonaise, à relever les éléments historiques, culturels,
urbanistiques et architecturaux permettant d’arriver à un tel milieu
urbain.
Ces premières pistes de compréhension de la ville et de sa dynamique
vont permettre d’éclairer les dynamiques de l’architecture relevée
par la suite.
Situation
La capitale nipponne se trouve sur l’île principale du Japon, Honshu.
Elle concentre les pouvoirs politique, religieux et économique du pays.
C’est l’une des plus grandes mégalopoles du monde ayant dépassé
le stade de simple ville. Elle est composée de 23 arrondissements.
Chacun possède sa propre municipalité et fonctionne comme une
petite ville. Ceux-ci rassemblent plus de 8 millions d’habitants sur
une surface de 617 km2. Ce qui équivaut à une densité de proche de
14 000 hab/km2.
Tokyo est 4 fois plus grande que la plus grande ville de Suisse,
Zürich, et le Grand Tokyo en compte 16 fois plus d’habitants. Pourtant
Tokyo est considérée comme ayant un niveau de vie très élevé5. En
comparaison, l’agglomération lausannoise compte 23 fois moins
d’habitants que la capitale japonaise. La densité de la capitale du
canton de Vaud est 4 fois moins dense que la capitale japonaise , avec
une densité approximative de 3 000 hab/km2.
Les villes suisses et la capitale japonaise ont vécu la mondialisation
différemment. Le niveau économique et social est équivalent à Tokyo
et Zürich. Les deux villes viennent de pays très développés. Elles
possèdent chacune des infrastructure efficaces et un haut degré de
mobilité. De même, elle comptent toutes les deux parmi les villes les
plus chères du monde.
Il serait pourtant futile de les comparer directement. Il serait encore
moins productif de comparer directement Lausanne à Tokyo. Chacune
de ces villes ont des cultures et une histoire très différentes. On ne
cherchera donc pas la comparaison, car il serait impensable d’essayer
de transformer les agglomérations suisses en Tokyo.
Sources statistiques : http://www.
vd.ch/themes/territoire/amenagement/
observatoire-du-territoire/population/
densite-de-population/
et
http://
fr.wikipedia.org/wiki/Tokyo
8
FOUND IN TOKYO
L’idée est de relever les intelligences urbaines et architecturales
qui pourront nous donner de nouvelles pistes pour développer et
densifier une ville suisse comme Lausanne au niveau architectural
en accord avec son propre tissu urbain.
Philippe Pons écrit au sujet de Tokyo pour Le Monde6 :
« Tokyo est une flaque urbaine avec une multitude de maisons
individuelles ou de petits immeubles formant un lacis de ruelles
entre les grands axes. (...) L’un des charmes de Tokyo est de passer
constamment de l’espace de voisinage du quartier-village à celui de
la mégalopole. Contrairement à d’autres villes asiatiques qui tendent
à désespérément se ressembler dans leur verticalité de béton, d’acier
et de verre, Tokyo avait conservé, vaille que vaille, une vie au ras du
quartier où se façonnent mutuellement forme urbaine et lien social. »
C’est ce milieu unique à la situation de Tokyo qui a généré des
architectures hybrides auxquelles nous nous intéressons pour ce
travail.
La suite de cette partie cherche à présenter les éléments historiques
ayant marqués la structure et la formation de la ville de Tokyo.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE
La baie de Tokyo
Adachi
Itabashi
Kita
Nerima
Katsushika
Arakawa
Toshima
Nakano
Bunkyo
Taito
Sumida
Suginami
Shinjuku
Edogawa
Chiyoda
Chuo
Shibuya
Koto
Minato
Setagaya
Meguro
Shinagawa
Ota
Les 23 arrondissements principaux
9
10 FOUND IN TOKYO
Plan d’Edo (Tokyo) du XVIIIe siècle
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 11
Les marques de l’histoire
Tokyo s’est renouvelée complètement de nombreuses fois au cours
du temps. Malgré un tissu urbain en pleine transformation, son passé
est encore visible dans sa structure7.
La capitale du Japon et le siège de l’Empereur était Kyoto avant son
transfert à Edo, l’ancienne Tokyo, à l’ère de Kamakura (1185-1333).
Cette ville a été très influencée par la culture chinoise et on en
retrouve les traces dans son plan orthogonal.
Le changement de capitale se fait au moment d’un changement
de structure politique, le Shogun, chef militaire, prenant le pouvoir.
L’Empereur n’est plus qu’une figure emblématique. Edo devient
la capitale du shogunat Tokugawa. La ville se développe alors en
spirale à partir du château du chef militaire. Celui-ci n’avait pas la
même fonction que les châteaux d’Europe médiévale. C’est un centre
symbolique qui n’est réservé qu’au pouvoir militaire et qui n’entretient
que peu de liens avec le reste de la ville.
À cette époque, la ville fut divisée en secteurs confiés à différents
seigneurs vassaux du Shogun pour les maintenir occupés. Ils
développèrent leurs parties selon leur bon vouloir. Certains mirent en
place des plans orthogonaux ou d’autres laissèrent la ville suivre la
topographie naturelle. La mosaïque composée de tous ces secteurs
différents est encore visible dans les rues principales de la ville
actuelle.
En 1868, le pouvoir est rendu à l’Empereur et celui-ci installe son
palais à la place du château du Shogun. Ce lieu est encore aujourd’hui
la résidence officielle de la famille impériale japonaise.
Tokyo n’a jamais eu de plan directeur historique à grande échelle,
comme l’a eu Kyoto, elle n’est que le résultat de l’agglomération de
ces fragments de son histoire8.
Les éléments de son histoire récente sont aussi importants
pour comprendre son développement organique. Le magazine
d’architecture Archplus en a fait un résumé9 dans sa revue n°208
consacrée à Tokyo, dont les grandes lignes sont retranscrites dans
les paragraphes suivants :
La part de la population japonaise habitant en ville est passée de 18 %
en 1920 à un maximum de 78 % en 1995. Ce taux est redescendu
à 68 % aujourd’hui. La croissance urbaine a surtout eu lieu dans la
mégalopole du Tokaido, allant du Grand Tokyo à Fukuoka au sudouest. Les projets officiels consistaient principalement de projets
d’infrastructure et de grands programmes publics lancés par le
gouvernement. Le développement du pays se fut structuré par les
infrastructures ferroviaires reliant les centres rassemblant les
activités économiques. Ainsi les compagnies de chemin de fer privées
sont à l’origine d’une forte périurbanisation, par l’apparition de villes
satellites non-planifiées le long des lignes de train.
12 FOUND IN TOKYO
Pour lutter contre ce phénomène, en 1968, le Japon se dota de ses
premières lois sur l’aménagement du territoire, qui sont encore
valables aujourd’hui. Celles-ci déterminent les zones construisibles
et les zones protégées.
Des années 1950 aux années 1980, le Japon connaît un essor
économique formidable, où le surplus économique est injecté dans
l’immobilier par le gouvernement. C’est pendant cette période que se
déroulent les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. C’est à l’occasion
cet événement-là que des infrastructures gigantesques d’autoroutes
et de chemins de fers suspendus viennent se superposer à la ville en
se plaçant sur les routes et les rivières, afin de fluidifier d’avantage le
trafic et de dynamiser la ville en pleine croissance.
En 1970, le Premier Ministre japonais voulut développer le Japon de
manière polycentrique et ce sur une grande surface. Ce plan ambitieux
et très coûteux est vite tombé à l’eau à cause de la crise économique.
Celle-ci fut le résultat de l’action conjointe de la dissolution du taux de
change fixe entre le yen japonais et le dollar américain et d’une crise
pétrolière internationale. Le mouvement d’architecture japonais des
Métabolistes et leur Project Japan basé sur ce plan à grande échelle,
fut lui aussi abandonné.
La spéculation immobilière menée par le secteur privé et encouragée
par le gouvernement eu pour conséquence de dérégler les lois de
1968. Le but ayant été de générer le plus de structures efficaces et
de densifier les villes par les entreprises privées. De nombreuses
structures publiques furent privatisées et une grande partie de terres
appartenant au gouvernement se retrouvèrent entre les mains des
spéculateurs.
Après l’éclatement de la bulle spéculative à la fin des années 1980,
cette course folle ralentit. Les disparités économiques et sociales
étaient devenues importantes.
Ce qui eut pour conséquence de favoriser des constructions de plus
en plus petites, un endettement de plus en plus important, et un
étalement urbain toujours plus vaste.
Les héritiers sont forcé à diviser de plus en plus leur terrain, et donc
à construire de plus en plus petit, étant incapable de payer les lourdes
taxes de la loi sur l’héritage. Une partie de la parcelle originale est
vendue pour payer l’héritage.
Ces terrains n’étaient pas très grands à la base car les destructions
de la Seconde Guerre mondiale n’avaient pas effacé les anciennes
limites de propriété. La pauvreté générale après la guerre n’avait pas
permis de racheter des parcelles pour en former des plus grandes.
De plus, une réforme amenée par l’occupation américaine, fragmenta
les terrains agricoles ; l’aristocratie se vit retirer ses grandes
propriétés et chaque paysan prit possession de son propre terrain.
Avec la croissance de la périphérie ces petites terres agricoles furent
progressivement intégrées à l’étalement urbain.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 13
Ainsi le prix élevé de mètre carré et la structure en petites parcelles
formèrent une ville au tissu urbain hétérogène et peu élevé. Des
bâtiments plus hauts se développèrent au contact des nœuds du
réseau de transport, telles les gares.
Après la guerre le Japon devient une démocratie. Le pouvoir est
partagé entre trois pôles : la bureaucratie, le gouvernement et les
grands conglomérats d’entreprises (le triangle de fer). la société
japonaise est peu impliquée dans sa politique. La bureaucratie à
Tokyo est très puissante et les administrations locales sont faibles.
Cependant il y a toujours eu traditionnellement des organisations
de voisinage qui reprennent une partie des fonctions de gestion du
quartier. Elle n’ont jamais eu de pouvoir politique.
Cependant récemment, ces organismes, reprennent activement une
partie de l’effort de planification du quartier.
Avec la fragmentation du plan urbain, l’urbanisation à coups de
grands projets infrastructuraux et la suprématie de la bureaucratie,
les architectes n’ont pas de rôle dans la politique de la ville de Tokyo.
La dernière fois qu’ils étaient impliqués dans la planification à grande
échelle, ce fut pendant l’âge d’or du mouvement Métaboliste dans les
années 1970. Ils proposaient des mégastructures utopiques plaquées
sur la ville habillées de cellules pouvant être changées et renouvelées
pratiquement infiniment.
Pendant près de 40 ans les architectes japonais, menés par
Arata Isozaki (1931-) ne se sont que très peu intéressés à la ville,
abandonnant les derniers vestiges du Métabolisme derrière eux.
La scène architecturale contemporaine au Japon est composée par :
- Des grandes entreprises générales travaillant sur des grands
ouvrages à intérêt public et sur des grands projets de promotion :
- Les stars-architectes du boom des années 1980 ;
- La nouvelle génération de petits bureaux qui doivent se médiatiser
pour rencontrer le succès. Ils travaillent principalement sur des
petits projets et avancent des recherches théoriques à travers des
publications et la scène de l’art. Il y a trois chefs de file de cette jeune
génération travaillant à nouveau sur la ville : Riken Yamamoto, Ryuji
Fujimura et Yoshiharu Tsukamoto. Ce dernier a fondé, en partenariat
avec Momoyo Kaijima, l’Atelier Bow-Wow, dont le travail de recherche
sera la base des observations architecturales de la suite de ce travail
théorique.
14 FOUND IN TOKYO
Les douves du Palais Impérial
Un des maisons de thé de la Villa
Katsura
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 15
Éléments de l’essence de Tokyo
La partie suivante va relever des éléments de l’essence de Tokyo
décrivant une partie de la mentalité et des dynamiques urbaines
ayant permis l’apparition d’architectures uniques.
Absence de centre
Culturellement cette notion est très présente au Japon. La phrase
dans la langue japonaise n’a pas de sujet10.
On retrouve cette notion aussi dans la religion. Avant l’arrivée du
bouddhisme par la Chine et la Corée11, le Japon était traditionnellement
shintoïste. Il s’agit d’une religion animiste comptant une multitude
de divinités. Elle est ancrée dans la terre. C’est la montagne laissée
sauvage qui est le lieu sacré par excellence.
En Europe c’est le contraire, la vie s’organise autour d’un centre
occupé par l’église. La ville traditionnelle au Japon reste au bord du
lieu sacré et ne se développe pas dans la montagne12.
Les divinités sont éparpillées dans la nature13. De la même manière
on retrouve une multitude de sanctuaires shinto parsemés dans la
ville.
Dans l’architecture spirituelle aussi, le centre n’existe pas. Il est laissé
vide car il représente le divin.
Cette notion se transpose dans le tissu urbain. Tokyo n’a pas de centre
à proprement parler. La zone des 10 arrondissements entourés par la
ligne de train Yamanote peut être considérée comme le coeur animé
de la ville. Celle-ci est en fait composée d’une multitude de centres
avec chaque arrondissement.
Le centre physique de Tokyo est occupé par le Palais Impérial. Étant
inaccessible au public, le centre est vide. Autour se sont formés des
espaces ayant leur propre pluricentralité14.
La maison européenne d’autrefois était bâtie autour de l’âtre.
L’architecture traditionnelle japonaise n’a pas de centre fixe. Sa
cheminée, le hibachi, est un élément portatif qui est placé au centre
de la pièce quand il est nécessaire et qui n’est pas présent dans le cas
contraire. Cette tradition continue encore aujourd’hui avec le kotatsu,
une table chauffante que l’on sort en hiver pour se rassembler15.
Les villes japonaises ont une action centripète, allant de la périphérie
vers l’intérieur. Le coeur de la ville reste donc en permanence animé.
Les villes européennes ont une action centrifuge, allant du centre vers
la périphérie. Les centres en Europe fixés dans la pierre, souffrent
un peu de dépeuplement à cause de la rigidité des centres et du
dynamisme projeté vers l’extérieur16.
16 FOUND IN TOKYO
L’avenue de Ginza réservée au
piétons
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 17
Réseaux importants
La ville japonaise a toujours été très marquée par le développement
des technologies et des réseaux de transport. Le développement
urbain a suivi celui des compagnies ferroviaires privées.
Les transports publics à Tokyo comptent parmi les plus efficaces du
monde. Ces lignes ferroviaires sont imposées au tissu urbain de la
ville. Les lignes principales sont la Yamanote Line qui relient les gares
principales dans le coeur de la ville, et la Sobu-Chuo Line qui traverse
la ville d’est en ouest17.
L’importance de ces réseaux se manifeste à toutes les échelles. Des
systèmes de transports publics tentaculaires à l’échelle de la ville aux
petites ruelles permettant l’accès aux maisons individuelles.
Au Japon, les places publiques, à l’image de la piazza italienne,
n’existent pas. Traditionnellement c’est le pont qui fait office de lieu
de rassemblement civique et public. C’est sa position particulière où
de nombreux flux urbains convergent pour traverser une rivière ainsi
que le vide dégagé de part et d’autre au-dessus de l’eau qui en font un
élément clé de la ville traditionnelle18.
Ce sont l’événement et l’usage qui créent le lieu public et non le
contraire. Il s’agit là d’une occupation temporaire. Une fois que la
fonction publique expire, le lieu redevient neutre. Les espaces par
excellence pour cette dynamique, sont les rues. Elles sont fluides
et sont partagées par de nombreux utilisateurs dans le temps.
Par exemple la rue centrale du quartier commercial de Ginza ferme la
circulation automobile le dimanche et réserve la chaussée au piéton.
De même les processions des divers festivals rythmant l’année
occupent périodiquement l’espace public de la rue à Tokyo.
Barrie Shelton dans son ouvrage sur la ville japonaise, Learning from
the Japanese City, explicite l’importance de la rue :
Avec la densité intense de la ville uniquement l’essentiel a sa place à
l’intérieur du bâti. Beaucoup de choses sont alors reléguées à l’espace
de la rue. Il est donc constamment utilisé par de nombreux utilisateurs
différents. Les rues ont une animation qui est caractéristique de l’Asie.
C’est l’usage qui règne sur cet espace.
En Europe les enseignes sont subordonnées à l’esthétique et à la
volonté structurante de la rue. À Tokyo, les enseignes occupent
joyeusement les surfaces, tout comme les habitants utilisent aussi
l’espace libre vertical de la rue pour leurs propres affaires.
Les trottoirs aussi ne sont en général déterminés que par le
comportement des citadins. Une simple ligne blanche donne un guide
pour les piétons. Il n’y a pas de différence de niveau avec la chaussée.
La rue est partagée.
Toutes ces interprétations et ces manifestations des infrastructures
publiques se superposent. L’exemple des autoroutes suspendues en
18 FOUND IN TOKYO
Les toriis du temple Fuji-Inari à Kyoto
La galerie marchande Satake à Taito-ku
est le plus parlant. Le développement fulgurant de la ville dans les
années 1960 a permis aux autorités de la voirie de mettre en place un
réseau monumental occupant l’espace aérien de la ville.
Ces infrastructures sont indépendantes des autres réseaux et
évoluent selon leurs règles en se plaçant sur les espaces que le
gouvernement a réussi à récupérer, c’est-à-dire, les rivières et les
axes routiers existants.
Tokyo voit la coexistence de deux réseaux, l’un est très intégré au tissu
urbain et participe à sa vie, le second est distant n’y étant rattaché
que visuellement. Cela se rajoute au chaos des enseignes abondantes
et de câbles électriques. Ceux-ci sont aussi installés hors terre pour
des raisons de protection para-sismiques.
La juxtaposition de ces réseaux est telle que le pont historique de
Nihonbashi est maintenant sous une autoroute.
Une autre forme que prend souvent la rue au Japon : la galerie
marchande. Elle devient l’équivalent des malls aux Etats-unis. La rue
est en général simplement recouverte d’une structure la protégeant
du mauvais temps. Cela suffit à activer les bâtiments adjacents
pour qu’ils s’ouvrent en une multitude de commerces donnant sous
l’auvent.
Les exemples parisiens de ces galeries sont en général contenues
dans un bloc construit. Dans le cas du Japon, il s’agit d’un élément
structurellement indépendant faisant partie de la route et non du bâti.
On retrouve aussi une version religieuse de cette typologie. La
succession des torii, portails rouges, transforme une rue en un
espace processionnel.
En plus d’activer les usages commerciaux des bâtiments adjacents
les rues d’une certaine taille ont un autre effet sur le tissu urbain.
Dans les zones les plus denses de la ville, les bâtiments de chaque
côté d’une grande route sont construits comme une barrière pare-feu
Le carrefour de Shibuya
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 19
de plus de 10 étages de hauteur. La densité de Tokyo a toujours été un
problème avec les risques d’incendies. Ces hautes structures forme
une enveloppe ignifuge. La substance bâtie plus basse du centre
est le remplissage. Celui-ci garde son atmosphère de village-urbain
avec ses petites ruelles et ses constructions en matériaux moins
résistants19.
Les nœuds du réseau qui étaient traditionnellement des ponts sont
maintenant les grandes gares urbaines. La sortie Hachiko de la gare
Shibuya est un lieu de rencontre prisé des tokyoïtes avec le carrefour
de Shibuya adjacent. C’est une place publique dynamique.
20 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 21
L’impermanence
Le bouddhisme enseigne que toute chose est impermanente et
qu’elle n’a pas de substance. Rien n’est fixé, tout est constamment
en mouvement20.
Le bouddhisme s’installe au Japon avec l’importation de la culture
chinoise à l’époque où Kyoto était la capitale du pays.
Dans un cycle de changement et de renouvellement permanents, des
états opposés ne sont pas mutuellement exclusifs, leur cohabitation
nécessaire est acceptée.
La notion de temporalité est très importante dans les villes japonaises.
En Europe en revanche on célèbre la pérennité et on cherche à
préserver les choses. Peu de bâtiments au Japon sont âgées de
plusieurs siècles. Les rares exemples existants sont des temples
et des châteaux. Même ce genre de monuments historiques sont
régulièrement reconstruits au cours de leur histoire.
L’archipel a subi de très larges destructions au cours de son histoire.
Entre les catastrophes naturelles (typhons, tremblements de terre),
les incendies (l’architecture japonaise a longtemps privilégié le
bois) et les destructions des guerres, la culture japonaise a intégré
avec la mentalité bouddhiste, la notion de la destruction et de la
reconstruction cycliques.
Les matériaux de constructions n’ont jamais cherché à lutter contre
le périssement. Les bâtiments étaient conçu pour être facilement
détruits par l’homme en cas d’incendie pour éviter qu’il ne se
propage. Le climat subtropical n’est pas non plus tendre avec le bois
de construction. La permanence de l’architecture est plutôt liée à
l’essence des choses21.
Au Japon, au contraire de l’occident, on ne cherche pas à se protéger
des forces destructrices de la nature, on vit avec, on accepte les
destructions et on reconstruit. Cela fait partie du cycle de la vie22.
Le sanctuaire d’Ise en est un bon exemple. Il est reconstruit tous
les vingt ans à l’identique en alternance sur deux sites adjacents. Il
symbolise ainsi l’impermanence et le renouveau.
On peut le comparer à la cathédrale de Lausanne, dont on remplace
régulièrement les pierres. Celles-ci étant faites de molasse s’usent
très vite au contact des intempéries. On cherche à préserver ce
monument et sa forme originale. Le sanctuaire d’Ise est volontaire
détruit et reconstruit. Son essence est la même, le bâtiment se
déplace.
Cette temporalité se retrouve dans l’utilisation des réseaux de la ville
japonaise en temps que place publique. C’est l’événement temporaire
qui crée le lieu et unit les gens, et non son architecture23.
22 FOUND IN TOKYO
Aujourd’hui le renouvellement de la substance construite urbaine
continue dans un rythme régulier. La ville est redécouverte à chaque
visite. De part sa nature organique, la perte d’une de ces cellule n’est
pas catastrophique pour la ville japonaise, vu qu’elle se régénère en
permanence24.
La durée de vie moyenne d’un bâtiment à Tokyo est d’environ une
trentaine d’année. En Europe les constructions vivent en moyenne
plus du double. Cela veut dire que depuis la reconstruction suivant
la Seconde Guerre mondiale, trois générations de maisons ont été
construites puis démolies. Elles sont visibles dans le tissu urbain
de Tokyo. Plus la génération est récente plus la parcelle est petite à
cause des problèmes liés aux taxes d’héritages et plus les voitures
sont intégrées à leur architecture25.
Le mouvement Métaboliste dans les années précédant la crise
économique immobilière, a beaucoup travaillé avec cette notion de
l’impermanence. Son idéal mêlait permanence et renouvellement. En
utilisant une métaphore biologique, les architectes de ce mouvement
construisaient leur architecture autour d’un noyau structurel
permanent habillé de cellules. Cette seconde couche est flexible et
renouvelable26.
L’architecte japonais Yoshinobu Ashihara, qualifie Tokyo de « villeamibe ». Elle prolifère en rampant et se modifie incessamment. Cela
la dote d’une grande résistance et d’une grande vitalité27.
C’est cette particularité de la ville de Tokyo rendant son tissu urbain
extrêmement flexible, qui lui permet de générer des structures
insolites. Elles feront l’objet d’une analyse dans la suite de ce travail.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 23
Le bâtiment principal du Sanctuaire d’Ise
Les deux sites s’alternant pour accueillir
le Sanctuaire d’Ise
24 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 25
Horizontalité et verticalité
La langue japonaise nous donne de nouveau un indice sur sa culture,
sa ville et son architecture :
En occident, les enfants apprennent à écrire sur des lignes de guidage.
Au Japon, ils apprennent à écrire sur une grille de carrés.
L’écriture japonaise est faite de surfaces, dont l’assemblage peut se
faire dans plusieurs directions et peut toujours rester lisible.
Nos langues latines se lisent sur une ligne, généralement de gauche à
droite. La structure d’une phrase est très codifiée et rigide.
Au Japon, l’assemblage des caractères est plus libre et permet
d’omettre beaucoup d’éléments de la phrase tout en restant
compréhensible28.
Ainsi, le Japon a tendance à penser en terme de surface, l’occident en
terme de ligne29.
Le système d’adresse est révélateur de cette conception des choses.
La ville se divise en arrondissements (ku). Eux-mêmes sont divisés en
secteurs (machi). Ceux-ci sont à leur tour subdivisés en blocs (chome).
Au sein de chaque bloc, les bâtiments sont numérotés du plus ancien
au plus récent30.
Ainsi les rues ne sont généralement pas nommées. Ce système peut
paraître chaotique venant d’une culture où la rue détermine le dessin
de la ville et son organisation en y numérotant, en série, le bâti.
L’architecture traditionnelle japonaise est une architecture de
plancher (bois). Celle de l’Europe a toujours privilégié le mur (pierre).
Entrer dans une habitation japonais c’est monter sur une plate-forme
en se déchaussant. C’est par le sol que l’on différencie l’intérieur de
l’extérieur. En occident on passe le seuil d’une porte, un percement
dans un mur.
Les cloisons verticales en papier de riz ne sont là que pour couper
la vue. Ce ne sont pas des limites opaques. Elles laissent passer les
sons, les odeurs et la lumière31.
L’habitation japonaise se développe à l’horizontale. Son module de
base le tatami est horizontal et peut potentiellement se multiplier à
l’infini.
Les murs occidentaux accentuent la verticalité. L’exemple
extrême en est la cathédrale gothique, faite de pure verticalité
vers le divin. Les grands vitraux sont tournés vers le ciel.
L’habitation japonaise oriente le regard vers son jardin qui en général
l’encercle et lui permet de s’isoler de la rue. Les cloisons amovibles
n’offrant pas beaucoup de séparation32.
Le manque de définition en plan de la maison traditionnelle japonaise,
parle aussi de l’importance de la flexibilité des espaces. Les cloisons
peuvent être bougées ou enlevées. On déroule le futon pour dormir
et on le range la journée, il n’y a pas de distinction de chambre et de
salon. Ce genre d’utilisation de l’espace intérieur est encore dans la
26 FOUND IN TOKYO
mentalité japonaise contemporaine. Elle est d’ailleurs très utile dans
le milieu très dense de Tokyo. Le gens y vivent avec très peu d’espace
habitable (26 m2 par personne, contre 54 m2 à Zürich). Donc il est
important qu’il puisse être exploiter pour le plus d’usage possible33.
Cette conception de l’habitat est très importante pour la ville du futur,
le modèle du logement bourgeois en enfilade de pièces à usage prédéterminés n’est plus aussi efficace de nos jours.
Tokyo est une nappe épaisse. Elle s’étalement en long et en large,
mais n’exploite vraiment la verticalité que depuis récemment. Les
avancées des technologies de constructions ont permis d’élever les
bâtiments tout en conservant des normes para-sismiques élevées.
la notion de monumentalité a longtemps été discrète dans l’urbain
japonais. Seuls les temples dépassaient légèrement de l’immense
nappe horizontale de la ville. Aujourd’hui même avec l’exploration
de la verticalité avec des gratte-ciels hérités de Manhattan, la
monumentalité n’est pas mise en scène, comme le sont les
architectures célèbres de Paris dans les lignes de vue des grands
boulevards34.
La ville de Tokyo possède une autre sorte de monumentalité. Elle est
involontaire. Il s’agit de ses gigantesques infrastructures qui flottent
au-dessus de la ville. Elle est mise en valeur inconsciemment. Momoyo
Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto comparent les tours de ventilation
des autoroutes souterraines aux obélisques parisiens.
La présence imposante de ces infrastructure n’est le résultat d’une
approche cherchant uniquement l’efficacité et la sécurité. Il en résulte
une monumentalité incontrôlé représentant bien la modernité de
Tokyo35.
L’intelligence du pragmatisme tokyoïte tient de l’exploitation de
l’épaisseur de cette nappe urbaine.
En effet beaucoup de petits bâtiments sont utilisés sur plusieurs
étages. Ceux-ci sont colonisés par des activités diverses. Il en résulte
un mélange vertical de programmes publics et privés. Les bâtiments
ne fonctionnent pas comme en Europe où l’étage au contact de
l’espace public devient commercial et les étages supérieurs sont
automatiquement dédiés au travail ou au logement. À Tokyo, on
retrouve potentiellement n’importe quoi à chaque étage, que ce
soit en sous-sol ou au-dessus du niveau de la rue. Les circulations
verticales indiquent clairement les différentes activités accessibles
aux différents étages.
Ces bâtiments deviennent ainsi des rues verticales ; les escaliers ou
les ascenseurs devenant une extension de l’espace public36.
De la même manière l’information colonise toutes les surfaces
verticales disponibles communiquant ainsi le contenu du bâtiment.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 27
Un autre aspect important de l’horizontale japonaise se trouve dans
l’importance de la parcelle :
Comme il a été noté précédemment, beaucoup de zones urbaines
héritent leurs tracés historiques du dessin de la topographie et de
son découpage en rizières, au moment où ces terres agricoles ont été
englouties dans la ville.
La prévalence de la surface se retrouve aussi à la verticale. Beaucoup
de toitures servent de parcelles surélevées à d’autres bâtiments.
Escaliers et ascenseurs permettent d’exploiter efficacement ces
espaces urbains souvent moins utilisés en Europe37.
Cette surface horizontale vide et son potentiel de construction vaut
plus dans la ville de Tokyo, que les bâtiments qui se trouvent dessus38.
Une bonne partie du travail de l’architecte se passe sur la recherche
et l’évaluation des terrains à Tokyo
28 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 29
Contenu versus contenant
En Europe, l’attention est principalement portée sur le contenant
et sa forme. L’objet, son arrangement, sa disposition, ainsi que sa
composition esthétique sont les plus grandes pré-occupations.
Au Japon, c’est plutôt le contenu qui reçoit le plus d’emphase. La ville
est pleine d’informations, d’activités et d’animations. La profusion des
signes, lumières et enseignes recouvrant presque entièrement les
bâtiments de certains quartiers en sont un bon exemple.
Le bâtiment n’est pas important, c’est son contenu, souvent
commercial qui est annoncé par les signes qui recouvrent la façade.
Les néons modernes de Tokyo, ne sont que l’évolution naturelle des
bannières et des enseignes en bambou de l’époque d’Edo39.
La maison traditionnelle japonaise reflète aussi cet aspect de la
mentalité japonaise dans son arrangement. La vue de l’intérieur est
privilégiée. Elle s’étend horizontalement et guide le regard vers le
jardin. Elle n’est pas pensée pour être vue depuis l’extérieur.
En occident, c’est depuis la rue que l’on apprécie une architecture.
C’est pourquoi les bâtiments au Japon ne craignent pas de recouvrir
leurs façades d’enseignes40.
Les villes européennes se caractérisent pas l’aspect extérieur de
leurs architectures. Elles n’ont pas le droit d’être détruites, elles
représentent la ville.
Le sentiment japonais est différent, la notion d’éphémère y est bien
plus présente. On s’attache d’avantage à l’essence des choses qu’à
leur réalité matérielle41.
Il s’agit là d’une des nombreuses contradictions de la société japonaise
qui la rend si riche.
D’un côté la notion traditionnelle de l’impermanence leur fait se
concentrer sur l’essence des choses.
D’un autre côté la société contemporaine est très capitaliste et orientée
sur la consommation de biens. Un héritage de la mondialisation et de
leur économie fulgurante d’après-guerre.
Intérieur d’une maison de thé de la Villa
Katsura
30 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 31
Fragmentation et hétérogénéité
La ville japonaise a une dimension démocratique et humaine
indéniable. Il n’y a pas de plans généraux déterminant la ville à grande
échelle imposant ainsi une volonté unique sur un grand ensemble
urbain42.
Le paysage urbain japonais est un mélange décentralisé d’activités,
d’objets et de signes. Il y a une énorme variété de parcelles de
tailles et de formes différentes, recouvertes de construction d’une
égale variété. On y voit la cohabitation d’architectures célèbres et
de bâtisses anonymes sans aucune hiérarchie, les deux se fondent
également dans la masse43.
L’hétérogénéité très forte de ces milieux urbains devient la qualité
unificatrice de la ville. Tous les bâtiments sont uniques mais ils
utilisent des techniques de constructions et de sécurité parasismiques similaires44. Cela les unifie pour former la substance
reconnaissable de Tokyo.
Les lois sur la construction réglementent fortement la fragmentation
des bâtiments. La proximité est régulée pour limiter les dommages
occasionnés lors de catastrophes naturelles, tels des tremblements
de terre. Pour conserver une grande densité les distances aux limites
sont très petites, pour l’ordre contigu est inexistant. Chaque bâtiment
est indépendant des autres45.
On assiste à une micro-parcellisation du paysage urbain.
La fragmentation des parcelles est encore amplifiée par les taxes sur
l’héritage qui poussent les gens à diviser génération après génération
les terres héritées. Près de 35 % des parcelles à Tokyo ont une surface
de moins de 100 m2. Le nombre de bâtiments ne cesse d’augmenter,
et leur taille diminue46.
Chaque individu à Tokyo vit en moyenne avec 26 m2 de surface
habitable, contre 54 m2 par personne en moyenne en Suisse47.
Les petits espaces résultant d’un tel processus sont tout de même
d’une grande qualité. Ce phénomène existe depuis longtemps à Tokyo
et l’architecture s’y est adaptée. Une partie de l’esthétique japonaise
ne fonctionne que dans la petitesse. Exemple : bonsaï, la cérémonie
du thé48.
La multitude des petites maisons dans le tissu urbain de Tokyo,
laisse une grande liberté à l’architecture japonaise. Étant noyées
dans la masse hétérogène des minuscules habitations, elles peuvent
exprimer toute l’ingéniosité et l’imagination des concepteurs et des
clients49.
Ces petites habitations ont tout de même leurs limitations. Elles sont
généralement d’une grande flexibilité, permettant d’accommoder
la plupart des activités du logement. Elles sont équivalentes à des
32 FOUND IN TOKYO
chambres à coucher et ne possèdent généralement pas les capacités
à créer des connexions sociales à la manière des grands living-rooms
occidentaux. Ces espaces sont transposés dans la ville.
Ces lieux sociaux forment ainsi les quartier très animés de la ville qui
reprennent une partie des fonctions sociales que la maison n’a pas la
place de loger. Ainsi la ville est à l’image de la maison50.
Cela a aussi pour effet de transformer la ruelle. Elle n’a pas la même
signification qu’en Europe. Les habitants avec les associations
de quartier prennent plus de responsabilité envers ces espaces
extérieurs. Ils font partie de l’extension de leur habitat. La proximité
très forte due à la densité ne permettant pas une intimité absolue, une
communauté plus forte à l’image d’un petit village urbain est créée.
Ce sont les ruelles qui font le liant entre les habitants. Elles évoluent
avec les transformations du tissu urbain. Elles apparaissent et
disparaissent avec les bâtiments51.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 33
34 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 35
Limite floue
La fragmentation de l’espace habité entre la ville et l’intérieur participe
à la notion de contour flou au Japon.
Même si les lois de la construction définissent clairement où se
situent les limites du bâti physique, celles entre privé et public sont
plus confuses.
Dans la maison traditionnelle, la limite privé-public est un dégradé
dans l’espace et non la ligne claire d’un mur comme en occident.
Le public vient de la rue et à travers le jardin et pénètre plus ou
moins profondément en fonction de l’attribution des espaces et la
disposition des cloisons en papier. Le seuil n’est pas aussi défini que
dans l’architecture de mur de l’occident52.
Aujourd’hui la densité est bien plus élevée qu’à l’époque de cette
architecture traditionnelle. Les limites sont devenue plus fines avec
la réduction de l’espace horizontal. Il a tendance à se déplier sur les
surfaces empilées formant la petite maison contemporaine.
Le dynamisme organique de la ville contribue à la notion de limite
floue avec la périphérie dont le pourtour est constamment en
changement53.
La notion de limite au Japon n’est pas aussi claire de celle de la figure
sur le fond, comme la pensée de la Gestalt. C’est un contour plus
organique54. Comme le bord de l’eau sur une plage, la limite mer-terre
change avec les marées et la disposition du sable est transformée à
chaque vague.
Ainsi la limite du bâti est de cette nature au Japon. Généralement
les hauteurs des auvents ne sont pas les mêmes et les bâtiments ne
sont pas alignés. À chaque nouvelle reconstruction le découpage de
l’espace de la rue change d’aspect. Celle-ci est rendue encore plus
complexe avec la multitude d’objets qui peuplent la couche limitrophe.
Enseignes, néons, poteaux, lignes électriques, plantes, participent
tous à la confusion des contours du bâti55.
Cette deuxième couche ajoutée sur les façade des bâtiments, est
typique des villes asiatiques et de leurs quartiers commerçants. Le
paysage urbain japonais est plutôt défini par cette seconde enveloppe
que par la couche primaire des façades comme dans les villes
européennes56.
La ville est rendue plus difficile à lire par cette deuxième enveloppe.
Les volumes bâtis sont difficiles à discerner dans certaines zones de
la ville car les affichages ont tendance à en modifier les proportions57.
36 FOUND IN TOKYO
Terrain de sport adjacent au cimetière
d’Aoyama
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 37
Coexistence
La fragmentation physique du bâti, les différentes cultures importées
au Japon (bouddhisme chinois, modernité occidentale) et le danger
permanent d’une géographie soumise aux caprices des mouvements
tectoniques, ont eu pour conséquence d’implanter dans la mentalité
japonaise un sens de la cohabitation et de la coexistence très fort.
En Europe un mouvement intellectuel en remplace un autre ; la
culture s’est développée de manière séquentielle.
Au Japon, les différentes manières de pensées s’accumulent. Comme
il a été noté précédemment, dans la notion de cycle perpétuel dans le
bouddhisme, la coexistence d’états opposés n’est pas exclue.
Le Japon a su préserver sa culture tout en intégrant la modernité
occidentale lors de la période de restauration de l’ère de Meiji.
Technologie et tradition sont toujours mélangées aujourd’hui au
Japon. Le renouvellement constant de la ville fait que la majorité de
ses constructions utilisent des technologies contemporaines, mais
la mentalité culturelle demeure58. On retrouve encore des maisons
traditionnelles à proximité des plus récentes.
Cette coexistence est possible par une grande introspection des
éléments. De même la culture japonaise privilégie la partie plutôt que
l’ensemble. Ce dernier est formé par le collage des morceaux et non
par un grand dessin unificateur59.
L’infrastructure fonctionne aussi de cette manière : Les grands
réseaux suspendus cohabitent avec les petites rues au niveau du sol.
Ils s’ignorent mutuellement. Ils sont intégrés par leur juxtaposition60.
Au niveau humain, la population a grandi avec la proximité. La
coexistence est plus facile dans le contexte culturel japonais.
La sphère privée et la notion de limite des Japonais, ont évolué en
flexibilité pour s’adapter temporairement aux différentes situations
de cohabitations denses de la ville. Cette coexistence est facilitée
par des moyens externes d’introversion liés à l’architecture ou à
l’électronique61.
38 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 39
Échelles de la ville
L’architecte japonais Yoshinobu Ashihara (1918-2003), parle d’un
ordre caché de Tokyo. Le chaos n’est qu’une apparence. La ville est un
organisme dynamique et flexible.
Il fait un parallèle entre la théorie des fractals du mathématicien
Benoît Mandelbrot (1924-2010) et l’ordre de la ville de Tokyo62.
Le chaos est ainsi en réalité organisé. Les fractals introduisent la
notion que les phénomènes similaires et non-identiques se répètent à
différentes échelles. Il y a ainsi autant une similarité entre les parties
et le tout, qu’entre les parties de même échelle63.
C’est une structure ordonnée mais peu contraignante qui tolère une
certaine souplesse de ses parties et donc du tout, pour répondre aux
changements de l’environnement64.
La ville de Tokyo est un ensemble d’agrégations cellulaires que l’on
retrouve de l’échelle de la petite parcelle à celle des arrondissements.
40 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 41
Question de l’exportabilité
L’observation d’une ville et d’une architecture si différentes de celles
de l’Europe pose la question de l’exportabilité. Peut-on prendre des
éléments d’une autre culture et les importer dans nos villes ?
La transposition ne peut se faire directement. Il serait impensable
de transformer Lausanne en Tokyo. Les différences culturelles
et les habitudes de la ville empêcheraient d’utiliser des typologies
japonaises directement dans notre milieu urbain.
C’est l’essence des phénomène qui est utilisable. Dans l’optique de
la densification de nos villes, quels sont les moments clés et les
problèmes que nous allons rencontrer ? Tokyo a déjà trouvé ses
propres solutions.
Elles peuvent nous donner des pistes pour transformer notre propre
environnement en ressources.
Hors de leur contexte, les architectures de Tokyo perdent leur sens.
C’est le processus et l’attitude envers l’espace urbain et l’architecture
qui sont à traduire dans le contexte de nos villes65.
La culture est une différence importante. Dans son livre, l’Éloge
de l’Ombre, Junichiro Tanizaki (1886-1965), parle de l’esthétique
japonaise se basant essentiellement sur les ombres, en y opposant la
culture européenne basée sur la lumière. Les conditions particulières,
climatiques et historiques, ont amené les Japonais à vivre avec
l’ombre, les catastrophes naturelles, le manque de place. Et donc
leur architecture et leur culture se sont construites en y intégrant ces
conditions.
Ce n’est pas le cas de la notre. Les éléments de l’architecture
japonaise ayant évolués dans ses contraintes ne fonctionneraient pas
dans nos villes.
« Quelle peut être l’origine d’une différence aussi radicale dans les goûts
? Tout bien pesé, c’est parce que nous autres Orientaux, nous cherchons
à nous accommoder des limites qui nous sont imposées que nous nous
sommes de tout temps contentés de notre condition présente; nous
n’éprouvons par conséquent nulle répulsion à l’égard de ce qui est
obscur, nous nous y résignons comme à l’inévitable : si la lumière est
pauvre, eh bien, qu’elle le soit ! Mieux, nous nous enfonçons avec délice
dans les ténèbres et nous leur découvrons une beauté qui leur est propre.
Les Occidentaux par contre, toujours à l’affût du progrès, s’agitent
sans cesse à la poursuite d’un état meilleur que le présent. Toujours à
la recherche d’une clarté plus vive, ils se sont évertués, passant de la
bougie à la lampe à pétrole, du pétrole au bec de gaz, du gaz à l’éclairage
électrique, à traquer le moindre recoin, l’ultime refuge de l’ombre. »66
De nombreuses conditions urbaines et architecturales très intenses
seraient aussi difficilement transposables à cause de notre relation
à l’espace public. Ce domaine a toujours été associé à une certaine
insécurité en occident. C’est un milieu hostile. Au Japon, le taux
42 FOUND IN TOKYO
de criminalité est très bas, cela permet l’exploitation agréable
d’espaces qui seraient jugés problématiques chez nous. En ce sens la
densification doit s’adapter à ces conditions de vie chez nous et donc
doit évoluer un peu différemment du modèle japonais.
La Tower House (1966) de Takamitsu
Azuma. Un exemple de gestion de la
petitesse.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 43
Intelligences urbaines
De quels éléments de cette ville pouvons nous tirer un enseignement
afin de placer notre architecture dans une ville évoluant rapidement?
La partie suivante va énoncer quelques principes émergeant de Tokyo
pouvant nous amener à regarder nos villes d’une manière différente
et à y penser l’architecture de manière plus adaptée à la densification.
Tous les phénomènes et les éléments culturels vus précédemment
participent à la dynamique particulière de l’espace urbain de Tokyo.
Cette ville est comparable à un nuage : les contours sont troubles ;
elle n’a pas de centre ; elle est incomplète et indéterminée ; elle se
forme et se reforme constamment67.
Les architectes japonais travaillent avec les principes liés aux
éléments relevés précédemment. Leurs projets sont dynamiques,
fluides et coexistent librement avec le reste du tissu urbain68. L’enjeu
pour notre architecture est de pouvoir agir comme une intelligence
environnementale utilisant tous les outils nécessaires hérités du
Japon et ceux propres à nos contrées.
Il y a pas mal d’avantages au manque de définition et au flou urbain
de la capitale japonaise. Le fait devoir vivre dans un territoire très
condensé est déjà une grande contrainte pour l’architecture. Le
libéralisme vis-à-vis de la construction permet l’apparition d’une
intelligence architecturale répondant aux problèmes de la densité.
La politique de fixer toutes les lignes de l’architecture et l’empêcher
de changer une fois qu’elle est terminée a l’inconvénient de ne pas
pouvoir s’adapter efficacement aux changements technologiques et
sociaux d’une société toujours en mouvement69.
Une plus grande liberté permettrait peut-être une plus grande qualité
et une expérimentation plus libre des intelligences locales. Seulement
la pression du contexte est moins forte au niveau purement technique
en Suisse et cherche principalement à unifier esthétiquement.
En effet la notion de temporalité semble plus adaptée à une société
qui évolue avec l’essor des réseaux médiatiques du futur70.
Nos constructions actuelles poussent la création de blocs lourds
demandant beaucoup d’investissements. Ceux-ci vont former le
paysage urbain pendant de longues décennies.
Pour pouvoir s’adapter plus rapidement aux exigences du
développement durable, une relation plus cyclique, semblable au
renouvellement urbain rapide de Tokyo, serait peut-être une bonne
solution71.
Les petites parcelles et par conséquent les petits bâtiments illustrent
l’importance du contexte. Les orientations que prennent ces
bâtiments, du fait de la proximité intense, doivent être délicatement
gérées. Yoshiharu Tsukamoto fait une analogie avec le mobilier pour
44 FOUND IN TOKYO
illustrer ce problème : On ne peut pas se détendre sur un sofa qui
regarde les pieds de la table de la salle à manger72.
L’importance du contenu est aussi un élément intéressant de
l’architecture japonaise. Yoshinobu Ashihara, apprécie beaucoup
l’architecte finlandais Alvar Aalto (1898-1976) qui travaillait de
manière assez organique. Il décrit le travail d’Alto comme étant une
agrégation des éléments de contenu nécessaires, au contraire d’une
architecture sculpturale qui favorise la forme extérieure en sacrifiant
l’intérieur. C’est une architecture qui est très environnementale :
L’architecture d’Aalto a besoin de ses forêts pour exister, à l’instar
de la Villa Katsura à Kyoto qui a besoin de ses jardins pour exister
pleinement73.
L’architecture urbaine de Tokyo possède ces qualités tout en étant
complètement indépendante de son contexte. C’est un des nombreux
paradoxes japonais. C’est l’environnement urbain qui donne les
contraintes de la mise en place de l’architecture. Le capitalisme
moderne du Japon avec son pragmatisme centré sur le contenu rend
ensuite l’architecture insensible au reste. Elle est une composition
pragmatique de contenus. C’est dans le cadre de ce processus que
des hybrides étranges apparaissent dans Tokyo. On s’intéressera à
quelques uns de ces exemples dans la partie suivante.
La présence importante des réseaux de transports dans la capitale
nippone a forcé son architecture à s’adapter aux différents flux
urbains.
On peut constater dans les nouvelles générations de maison,
une intégration plus efficace des voitures. De même les parkings,
parsemés dans toute la ville, sont des structures très développées, ne
cherchant pas à cacher les véhicules mais à les gérer efficacement74.
Ils deviennent des monuments à l’efficacité de l’ingénierie.
Notre attitude envers ce genre de flux peut aussi apprendre du Japon,
au lieu de lutter contre, il faudrait travailler avec.
la petitesse n’est pas perçue comme simplement la réduction de ce
qui est plus grand, comme c’est le cas en Europe. La petitesse est une
plus grande densité dans les relations des éléments qui structurent
le tout. L’architecte suisse Christian Kerez (1962-) en se penchant sur
cette notion, met en opposition les qualité de petitesse d’un cockpit
d’avion où tout est plus intense, à la petitesse d’une armoire, où
les dimensions sont simplement réduites par rapport à un modèle
original75.
Pour densifier nos architectures, il faudra que notre conception de la
petitesse change aussi.
La taille d’une ville ne veut pas nécessairement dire grande échelle.
Tokyo est constituée d’une granulosité très fine avec ses multitudes de
petites parcelles. Dans certains cas extrêmes elles n’ont que quelques
mètres de large. Cela amène la densification des voies de circulation
et à un espace public de rue très vivant, ce qui rend la densité viable.
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 45
Beaucoup de quartiers à Tokyo ont l’intimité d’un village.
La qualité urbaine de cette ville est fondée sur l’agglomération de
bâtiments modernes, de qualité et d’âges différents construits
densément les uns contre les autres. Les ruelles étroites
ainsi créées sont des lieux de vie où beaucoup d’activités
se déroulent. On atteint un sentiment de ville médiévale.
La ville gagnerait à retrouver un peu de cette qualité76.
* Il s’agit de la « Pet Architecture » une
architecture apparaissant spontanément
dans le milieu urbain. Elle a été
surnommée ainsi, car ses dimensions
réduites en font les animaux de compagnie
de l’architecture de la ville.
La densité demande de la flexibilité, comme l’habitat traditionnel
japonais l’a toujours démontré. Cela demande une certaine relâche
des services de régulation de l’architecture. Tokyo est un bon exemple
de grandes intelligences s’étant développées naturellement sans
entraves77.
Une autre conséquence de la forte densité est l’importance des
interstices. La substance bâtie est tellement rapprochée et l’espace est
tellement précieux que le moindre espace libre devient intéressant78.
Il nous faut commencer à accorder plus d’importance à ces espaces
intermédiaires dans nos villes, pour ne pas perdre des opportunités
d’intensifier l’espace urbain.
Le travail de recherche urbaine de l’Atelier Bow-Wow sur la ville de
Tokyo a relevé un certain nombre d’intelligences vernaculaires de la
ville dans l’exploitation de ce genre d’espaces résiduels*.
Ces architectures « pygmées » sont les produits dérivés de la
production urbaine de Tokyo. Ils s’adaptent parfaitement aux
interstices libres du tissu urbain. Le voyage à Tokyo a permis d’en
rencontrer par hasard en chemin et d’être témoin de cette ingéniosité
d’une architecture typique de Tokyo79.
Une piste cyclable descendant
colimaçon d’une route suspendue
en
46 FOUND IN TOKYO
TOKYO, UN MILIEU PROPICE 47
Nous pouvons nous inspirer de ces attitudes et ces sensibilités pour
reconnaître notre propre contexte avec ses forces et ses faiblesses.
Ces nouvelles sensibilités amènent des approches dont les techniques
sont plus disposées à fragmenter, fracturer, décentrer, éparpiller,
stratifier, superposer et coller.
Elles s’éloignent de la notion de perfection et de consistance d’une
chose entière et complète. Ces notions-là sont moins pertinentes dans
notre monde contemporain chaotique et changeant très rapidement80.
Le milieu plus libéral de Tokyo a permis à ses habitants de créer leur
propre environnement de manière atypique.
Comme dans le Jazz, où les musiciens peuvent improviser librement,
la ville est pleine de performances potentielles. Une telle diversité
rend une société riche et résiliente81. Ce sont des qualités que nous
devons chercher à atteindre.
Ce travail ne va pas chercher à changer l’urbanisme de la ville suisse à
grande échelle. Il s’agira de travailler la densité à travers l’architecture
en utilisant des processus issus du tissu urbain de Tokyo.
La partie suivante va se pencher sur une recherche théorique
effectuée par la jeune génération d’architectes japonais sur leur
ville. Elle relève des exemples d’hybrides vernaculaires urbains
utilisant toutes les particularités du contexte de Tokyo en y créant des
événements particuliers dans la dramaturgie de la ville.
Page de gauche et ci-dessous :
Magasin de sceaux, n°56 des exemples de
Pet Architecture.
48 FOUND IN TOKYO
Maison et Atelier de Bow-Wow
Les Petits Hybrides
Sur les traces de l’Atelier Bow-Wow
Le travail théorique et pratique du duo d’architectes japonais Momoyo
Kaijima (1969-) et Yoshiharu Tsukamoto (1965-) et de leur bureau,
l’Atelier Bow-Wow, a toujours été une grande source d’inspiration.
C’est leur premier ouvrage de recherche urbaine, Made in Tokyo,
qui constitue la base de ce travail théorique. Ce livre guida aussi la
visite de Tokyo et l’observation de ses intelligences architecturales
indigènes. Il fut essentiel de trouver ces exemples sur-place et de
pouvoir les apprécier dans leur contexte pour mieux les comprendre.
Présentation succincte
L’Atelier Bow-Wow fut fondé en 1992 par Momoyo Kaijima et Yoshiharu
Tsukamoto. Ils appartiennent à une génération d’architectes n’ayant
pas exercés dans la période prospère précédant l’explosion de la
bulle spéculative des années 1980. La récession économique des
années 1990 ayant beaucoup diminué les nouvelles constructions
et les projets publics à grande échelle, ils se sont concentrés sur
la conception de petites maisons pour des clients privés, comme la
plupart de leurs contemporains1.
Parallèlement à une architecture de grande qualité, ils ont une
production théorique, urbaine et architecturale importante au
sein de l’atelier, ainsi qu’avec les laboratoires universitaires qu’ils
dirigent2. Ils participent, par ailleurs, à beaucoup d’expositions
artistiques internationales avec toutes sortes d’installations, allant
d’interventions spatiales à du mobilier, interrogeant les relations de
l’espace public de la ville et de leurs usagers3.
49
50 FOUND IN TOKYO
Leur approche théorique
L’historien de l’architecture japonais, Terunobu Fujimori (1946-),
a défini le travail de l’Atelier Bow-Wow en tant qu’architecture de
relations et non d’espace4. Ils définissent eux-mêmes leur pensée
architecturale comme une étude des comportements, qu’ils nomment
Behaviorology*.
Ils en définissent trois catégories : la vie humaine, la nature et
l’environnement construit5. Leur recherche se fait sur les usages et
l’intelligence du bâti intégré à son contexte, ainsi que sur les relations
que les gens et les phénomènes naturels ont entre eux, avec leurs
pairs et leurs contextes.
L’échelle du temps est essentielle. Ces comportements sont des
cycles répétitifs. Chaque catégorie a son propre intervalle de temps.
Les comportements du vent, de la chaleur ou de la lumière peuvent
être examinés dans l’espace d’un jour. En revanche, ceux des êtres
humains sont observables au quotidien, les comportements sociaux
associés à une plus grande collectivité s’étendent sur l’année. Dans
le même ordre d’idées, la catégorie du bâti, dans son environnement
urbain, ne peut être comprise que sur une période de trente à
cinquante ans6.
La Behaviorology étudie ces phénomènes à travers les tendances
typologiques, motifs, influences et transformation dans le temps.
Dès lors, en suivant cette manière de penser, l’architecture devient
l’art de synthèse de ces rythmes disparates et complexes au sein du
bâti7. La forme devant s’adapter au comportement, permet à celui-ci
d’apparaître et de s’exercer en accord avec sa nature.
Ces recherches prennent forme dans la production architecturale
de l’Atelier Bow-Wow. Une fois matérialisés ces concepts sont de
nouveau étudiés pour être par la suite appliqué dans le prochain
projet. C’est par ce processus de feed-back que leur architecture
progresse. Ils empruntent cette manière de procéder à la méthode
de transduction développée par le philosophe et sociologue français
Henri Lefebvre (1901-1991)8.
Si la médiatisation n’a cessé de rapprocher l’architecture des arts
visuels, d’après l’approche de Kaijima et Tsukamoto elle serait plutôt
proche des arts basés sur la performance tels que le théâtre ou la
musique9.
*Littéralement : “comportement-o-logie”
La méthode transductive empruntée à
Lefebvre
LES PETITS HYBRIDES 51
L’étude urbaine
Les débuts de l’arpentage
En 1991, Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto découvrirent un
restaurant de spaghettis logé sous un centre d’entraînement au
baseball. Ces deux activités ont toujours été relativement courantes
dans une ville japonaise comme Tokyo, c’est leur association qui attira
leur curiosité. Ces deux programmes n’étaient pas traditionnellement
complémentaires et n’avaient pas de raison de se combiner. Ce
bâtiment leur inspira, comme ils le disent, à la fois suspicion et
excitation10. Un sentiment ambigu typique pour Tokyo et ses nombreux
paradoxes. Cette rencontre marqua le début de leur arpentage de la
ville à la recherche d’autre spécimens aussi étranges.
Chronologie de la conception de Made in Tokyo
Ainsi commença leur première recherche urbaine par l’observation.
Ce travail leur servit de prototype pour leurs travaux théoriques
et pratiques suivants. Après quelques années de catalogage ces
architectures particulières furent présentées pour la première fois
par L’Atelier Bow-Wow en 1996, lors d’une exposition organisée par
Arata Isozaki (1931-). Par la suite, tout en continuant leurs recherches,
le travail fut exposé à d’autres reprises sous des formes relativement
variées, des expositions au Japon, en Suisse, à la Biennale de Venise,
des t-shirts et surtout un site internet en 1998. À travers ce dernier le
catalogue fut diffusé plus efficacement et prit d’avantage d’ampleur.
Le public pouvait participer en y soumettant des exemples trouvés
dans leur quotidien. Le travail culmina par la publication du livre
Made in Tokyo en 200111.
Cet ouvrage rassemble, sous une forme inspirée du guide touristique,
70 bâtiments curieux éparpillés dans la ville. Il s’agit d’un format qui
est souvent utilisé pour décrire de nombreux aspects de Tokyo et il
s’adapte donc à la nature labyrinthique de la ville. Le guide leur a aussi
semblé idéal car il ne requiert ni début ni conclusion clairs, à l’image
même de la ville, constamment en construction et reconstruction12.
Par sa forme de guide, ce livre encourage le public à lire la ville
contemporaine en commençant par l’échelle du quotidien et à
participer, en suivant leur exemple13. À cette fin, les auteurs ont aussi
rendu l’ouvrage bilingue pour les visiteurs étrangers14.
52 FOUND IN TOKYO
Couverture enveloppante du livre Made
in Tokyo rassemblant tous les exemples
dans une ville fictive
LES PETITS HYBRIDES 53
54 FOUND IN TOKYO
Chaque exemple est décrit par : une
ou plusieurs photographies ; une
axonométrie simplifiant et schématisant
les différents éléments de la volumétrie
et leurs relations ; un petit plan-masse
; de courtes phrases décrivant les
particularités de chaque bâtiment ;
un surnom relevant l’excentricité des
associations.
LES PETITS HYBRIDES 55
Le regard de l’étranger
Dans un article s’intéressant aux recherches théoriques de l’Atelier
Bow-Wow, le sociologue japonais Yoshikazu Nango (1979-), cite la
théorie du philosophe allemand, Georg Simmel (1858-1918), énonçant
que le regard de l’étranger est plus libre que celui de la personne
locale. Il peut étudier une situation sans préjugés et émettre un
jugement basé sur des notions objectives et universelles. Ses actions
ne sont limitées ni par coutumes ni par allégeances15. Il affirme par la
suite que Yoshiharu Tsukamoto, ayant étudié à l’École d’Architecture à
Paris en 1987, et Momoyo Kaijima, ayant étudié à L’École Polytechnique
Fédérale de Zürich en 1997, possèdent ce regard de l’étranger. Regard
qu’ils utilisent pour se défamiliariser de leur champ d’étude de Tokyo,
afin d’y trouver de nouvelles perspectives.
Une méthodologie héritée
Cette méthodologie de l’arpentage de la ville, n’est pas seulement
venue par le recul culturel qu’ils sont capables d’exercer sur leur lieu
de vie, elle est ancrée dans l’histoire de l’architecture japonaise.
Depuis les années 1868, les architectes japonais s’efforcèrent d’unifier
esthétiquement le chaos de Tokyo, sans jamais rencontrer de succès.
L’architecte Wajiro Kon (1888-1973), adopta une autre attitude.
Immédiatement après le grand tremblement de terre de Kanto en
1923, il arpenta les ruines et commença à effectuer des relevés des
abris temporaires érigés par les rescapés. C’est l’ingéniosité naturelle
dont la population faisait preuve pour survivre dans des conditions
difficiles qui le fascina. À partir de cet événement il se dévoua à la
Kokengaku ou Modernology*, un domaine d’étude qu’il développa
en poursuivant ses observations sur le quotidien, entamées par ses
premiers dessins lors de la catastrophe naturelle.
En 1968, un groupe composé principalement d’artistes, la Rojo
Kansatsu Gakkai ou Roadway Observation Society**, reprit le flambeau
de Kon, et observa à leur tour les curiosités négligées du quotidien de
la ville japonaise, principalement au moyen de photographies.
C’est en 1990, une fois que les activités de la Rojo aient progressivement
décliné, que cette méthodologie refit surface avec les activités
de l’Atelier Bow-Wow. Il reprit le flambeau de l’observation pleine
d’humour de curiosités ignorées par l’architecture, sans le regard
nostalgique de la Rojo, en y appliquant aussi une représentation
analytique rigoureuse par l’axonométrie, augmentée par la
photographie et le texte16.
Kaijima et Tsukamoto furent les premiers de cette tradition de
la Modernology de Kon à employer leurs recherches dans leur
production architecturale, chose que les générations précédentes
s’étaient refusées17.
Le format de guide employé pour publier ces observations rentre
parfaitement dans cette ligne de pensée. Il permet en effet au lecteur
* Un néologisme inventé par Wajiro Kon.
** Elle fut fondée par Genpei Akasegawa
(1937-), un peintre de l’avant-garde,
Terunobu
Fujimori,
historien
de
l’architecture et Shinbo Minami (1947-),
illustrateur.
56 FOUND IN TOKYO
LES PETITS HYBRIDES 57
de suivre leur exemple, et de participer à la découverte de la ville par
la marche. Ils continuent d’ailleurs toujours à enrichir leur travail de
leur regard averti sur la ville avec la génération future, les étudiants
de leurs laboratoires universitaires.
L’architecture anonyme de Tokyo
La chasse aux insectes
Dans leur recueil d’essais, Echo of Space / Space of Echo (2009),
Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto comparent leur travail de
Made in Tokyo à la chasse aux insectes, une activité estivale populaire
pour les enfants.
L’essence de cette chasse ne tient pas pour eux dans la capture
efficace de petites bêtes, mais dans l’expérience d’unité temporelle et
spatiale avec l’environnement.
Ils sont fascinés par l’interdépendance de l’insecte et de son milieu
naturel. C’est ce genre d’intelligence développée par la nature
lors son évolution, que l’Atelier Bow-Wow a cherché dans le vaste
écosystème de Tokyo. En continuant avec l’analogie à la biodiversité,
Ils citent aussi le travail de Bernard Rudofsky (1905-1988), qui met
en opposition l’architecture Moderne, abstraite et déshumanisée, et
l’architecture vernaculaire s’adaptant avec une intelligence issue des
circonstances du lieu.
C’est en poursuivant dans l’idée du modèle biologique qu’ils sont
arrivés à l’appellation Unité Environnementale. Ce terme décrit un
bâtiment hybride et intégré qui n’est complet qu’une fois assimilé aux
infrastructures environnantes. Un morceau d’écologie urbaine qui
dépend de réseaux plus larges que lui-même. Ce genre de structure
appartient à une catégorie intermédiaire entre l’architecture et la ville.
Ce genre d’intelligence urbaine est utile pour développer des
stratégies architecturales, de même que la connaissance de la
biologie des insectes est utile pour le collectionneur de coléoptères18.
58 FOUND IN TOKYO
Da-me
Si l’on ouvre un magazine d’architecture aujourd’hui, on y trouvera
de nombreux exemples de réalisations ou de projets célèbres
internationaux. À travers une photographie très léchée, ces bâtiments
poussent l’image d’une architecture qui ne peut être atteinte dans notre
environnement quotidien. D’autre part cette même médiatisation,
qui présentait positivement l’architecture japonaise traditionnelle,
détourne son regard du chaos de la ville contemporaine de Tokyo.
L’Atelier Bow-Wow s’est donné comme objectif de transformer les
bâtiments laids en ressources, plutôt que de les rejeter. Ceux-ci sont
les témoins de la situation réelle de la ville19.
Contrairement à l’Europe qui préserve ses constructions vieilles de
plusieurs centaines d’années, la majorité de la substance bâtie de
Tokyo a été reconstruite dans les dernières décennies en utilisant des
technologies contemporaines. Ces techniques ont permis l’apparition
de compositions spatiales et fonctionnelles impudentes*, comme ces
Unités Environnementales découvertes en 1991 par l’Atelier Bow-Wow.
Les bâtiments qui attirèrent le regard de Kaijima et Tsukamoto, furent
ceux qui répondaient avec franchise et honnêteté à leur environnement
et à leurs besoins programmatiques, sans soucis d’esthétique ou de
forme architecturale. Le duo qualifia ces constructions d’Architecture
« da-me », qui veut dire littéralement « pas-bonne » en japonais. Un
surnom à la fois péjoratif et affectueux20.
La définition de da-me est vague depuis le départ. Chaque exemple
a fait l’objet de débats pour son inclusion dans ce catalogue. Dans le
but d’observer la ville de Tokyo, ils se concentrèrent sur ces bâtisses
anonymes et sans beauté apparente. Ils les considérèrent comme
étant plus révélatrices du tissu urbain que les édifices dessinés par
des architectes. En les collectionnant la nature de Tokyo pourrait
devenir plus claire.
« We thought that although these buildings are not explained by the city
of Tokyo, they do explain what Tokyo is. »21
Comme leur surnom le dit, ces exemples ne sont pas des édifices
nobles, tels que des bibliothèques ou des musées. Ce sont des
constructions de second rang, tels des parkings, des centres sportifs,
ou des hybrides appartenant à plusieurs catégories à la fois. Elles ne
font pas non plus la distinction entre architecture et infrastructure.
Néanmoins, il est bon de noter que ces bâtiments n’ont pas une once
de graisse, comme le disent les deux architectes22. L’essentiel est
construit de manière pragmatique, sans répondre au-delà du strict
minimum au contexte culturel ou historique. Dans une ville dense et
surpeuplée comme Tokyo, où les intérêts pratiques sont importants,
ce genre de solution directe et économiquement efficiente est
indispensable.
En choisissant comme critères majeurs la relations des éléments
*
Traduction
du
mot
anglais
Shamelessness, terme employé par les
auteurs dans Made in Tokyo.
LES PETITS HYBRIDES 59
entre eux et leurs usages, Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto
ont essayé de regarder ces objets sans idée ou catégorisation préconçues. Leur regard se voulait neutre, en considérant le tout de la
manière la plus égale possible, en éliminant les discriminations entre
haute et basse culture, beauté et laideur, bon et mauvais23.
Cette absence de jugement de valeur est important car les hybrides
relevés, eux non plus ne font pas de distinctions. Que ce soit des
structures d’ingénierie civile, des toitures, des murs ou l’espace
dégagé entre deux bâtiments, tout ce qui est accessible est incorporé.
Ces éléments infrastructurels de l’environnement, par leur intégration
dans une architecture da-me, prennent un second rôle et transcendent
ainsi leur fonction originelle. Inversement, la magnifique architecture
des architectes conserve les distinctions entre catégories, rationalise
les structures physiques, pousse des usages pré-conçus sur cette
structure et tente d’être indépendante et autonome24.
60 FOUND IN TOKYO
Regards croisés sur hybrides da-me
La suite du voyage se déroula, guide en main, en marchant dans
le dédale de Tokyo à la recherche d’exemples relevés par Momoyo
Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto. La partie qui suit est le résultat d’un
regard croisé entre les observations de l’Atelier Bow-Wow et une
lecture de ces mêmes bâtiments, effectuée sur place, dans le but d’en
extraire des intelligences architecturales utilisables par la suite.
La mégalopole japonaise est gigantesque. Il serait impossible
de l’étudier en entier. Des exemples ont été répertoriés au cours
d’explorations de la ville et de rencontres fortuites.
Un certain nombre ont disparus depuis le début de ce processus
en 1991. Aujourd’hui même, certains exemples publiés ont disparu
ou ont été transformés. Kaijima et Tsukamoto ne cherchent pas à
préserver ces constructions comme des monuments, leur durée de
vie n’est déterminée que par leur usage. Ce sont de simples solutions
répondant à l’état du contexte urbain au moment de leurs réalisations.
Elles ne répondent qu’au présent. Comme la ville ne cesse de changer,
elles naissent et meurent avec elle25.
Les exemples vus pendant le voyage ont été choisi comme
représentant le mieux certaines stratégies architecturales qui vont
être mises en valeur dans la suite du travail. D’autre part, à cause
de l’immensité de Tokyo, un certain nombre d’exemples ont été omis
pour des raisons de temps et de distance.
Il y a malgré tout trop d’exceptions pour pouvoir déduire chaque
exemple relevé de manière certaine de la structure urbaine. De
même, si l’on essaye de réduire l’architecture da-me en une typologie,
l’on perdrait la nature bâtarde de ces différents éléments26.
En revanche cette indétermination, issue de la mentalité japonaise,
permet une interprétation plus libre des scénarios relationnels des
parties composant un hybride et la ville.
Tableau explicatif des trois ordres
LES PETITS HYBRIDES 61
De la nature de ces hybrides
En regardant la nature de ces bâtiments de plus près, il est possible
de dégager des familles d’écologies urbaines.
L’Atelier Bow-Wow emploie plusieurs termes pour qualifier ces
exemples : Hybride, Unité Environnementale, Écologie urbaine,
Écosystèmes Compactes27.
Tous ces qualificatifs mettent en avant l’idée de percevoir ces
bâtiments comme des compositions de parties qui entrent en relation
entre elles et en relation avec le contexte urbain.
Dans cette famille ont retrouve :
- Des juxtapositions inattendues de fonctions quand des structures
appartenant à des catégories autres que l’architecture pure se
mélangent;
- La coexistence de fonctions sans lien en un même bâtiment;
- Des activités complémentaires réparties sur plusieurs structures
et bâtiments différents adjacents;
- L’emballage d’une écologie insolite en une structure unique30.
On/Off
Dans ces différentes variantes d’hybrides, c’est la relation des parties
composant ces ensembles qui en détermine la nature.
Le duo d’architectes a devisé un système de définition de ces
architectures da-me selon ces rapports.
Il se base sur trois ordres : Catégorie, Structure et Usage.
Dans l’ensemble des bâtiments qu’ils ont étudiés, chacun de ces
ordres peut avoir deux états.
Il est soit On, allumé, c’est-à-dire que les différentes parties
composant le bâtiment sont de même catégorie, partagent une
structure commune ou participent à un même usage, selon l’ordre
activé.
Dans l’autre cas possible, cette relation est Off, éteinte. Cela veut
dire que les composants sont de catégories différentes, qu’ils sont
structurellement indépendants ou qu’ils engendrent des activités
différentes.
Ce système semble montrer un point important de l’existence et de
la nature des da-me; tous les exemples répertoriés comportent au
moins un aspect Off. À la différence des oeuvres de haute architecture
qui sont entièrement On.
L’activation systématique de ces trois ordres limite la production
architecturale à 1 solution possible et peut être néfaste pour notre
paysage mental. Cependant si l’on permet à au moins un des aspects
de s’éteindre, les possibilités de variantes augmentent jusqu’à 8*.
Kaijima et Tsukamoto en parle comme d’une libération pour les
concepteurs28.
*2x2x2=8
62 FOUND IN TOKYO
La fin de la ségrégation des catégories
La notion de catégorie, telle qu’elle est utilisée dans Made in Tokyo,
sous-entend des constructions qui ne relèvent pas de l’architecture à
proprement parler. Ils ont distingué :
- Architecture
- Infrastructure
- Structures commerciales (ex : affichage, enseignes)
- Volumes sportifs (ex : terrain de sport entouré d’un filet)
- Surfaces, sols et murs construits (ex : cimetière, mur de
soutènement)
Ces catégories émergent selon des intentions et des conditions variées,
tels que des opportunités économiques locales, des connexions à des
réseaux de transport à grande échelle, un lieu spirituel historique ou
selon divers besoins sociaux.
Leur apparition non-coordonnée dans le paysage urbain génère
des synergies accidentelles qui ont été placées dans la famille
des architectures da-me. Tout comme pour les bâtiments, l’atelier
Bow-Wow porte un regard neutre et ne fait pas de distinction de
valeur entre les catégories citées, il n’y a pas de hiérarchie ou de
subordination. Elles sont toutes employées de façon pragmatique
selon les opportunités qu’elles présentent.
C’est un effet secondaire de la modernisation à grande vitesse du
Japon29.
Enveloppe fluide
Comme vu précédemment dans la partie Tokyo du travail, la majorité
des limites entre bâti et espace public possèdent une seconde couche,
souvent de catégorie commerciale, qui rend le contour des choses
flou. Les notions de façade et d’enveloppe, dans ces hybrides, sont
tout aussi fluides, si ce n’est plus. Les limites distinctes entre privé et
public, avant et arrière sont floues et se modifient à chaque altération
de la composition de ces écologies urbaines30.
Relations au contexte
On peut distinguer deux types de relations au contexte.
Le premier type se rapporte au contexte physique. Les hybrides se lient
directement ou indirectement avec les objets de leur environnement.
Le second type questionne les typologies que l’hybride trouve dans
son contexte immédiat et la manière dont il se lie avec les types
composants l’existant adjacent. Les hybrides auront soit tendance à
se baser sur ce qui se fait dans le quartier, ou il aura plutôt un effet
transformateur sur les bâtiments alentours et leur typologie31.
LES PETITS HYBRIDES 63
Fils conducteurs de la visite guidée
La situation extrêmement dense de Tokyo l’a amenée à développer
toute sortes de réseaux de transports et d’accès pour pouvoir irriguer
la masse urbaine jusqu’au plus petit élément. Ces infrastructures
ont des formes allant d’autoroutes suspendues tentaculaires se
déplaçant dans l’espace aérien urbain, à de petites ruelles piétonnes
entre maisons à l’échelle d’un village. La société urbaine japonaise a
donc toujours vécu dans un milieu très marqué par ces réseaux.
Il est fascinant de s’intéresser aux hybrides da-me qui ont une
relation particulière avec ces installations. Nous pouvons apprendre
de la manière dont ils interagissent et exploitent des opportunités
générées par une infrastructure planifiée presque indépendamment
de la ville.
Les véhicules sur route et sur rail, sont assimilés dans cette ville à une
autre espèce d’habitants. Ils ont leur propre lieu de repos, de transit,
d’arrêt, d’entretien, etc. Avec le coût de la vie à Tokyo, un parking est
plus rentable qu’un logement. De même l’efficacité des transports
publics est primordiale au bon fonctionnement du tissu urbain, tel un
organisme alimenté en sang.
Les hybrides qui vont principalement nous intéresser dans la suite de
ce travail, vont être ceux qui prennent en compte ces autres espèces
de citadins.
Certains hybrides sont composés uniquement autour des véhicules et
les personnes n’y ont une place que minoritaire.
D’autres hybrides interagissent directement ou indirectement avec
les structures de transits.
D’autres encore, incorporent des dérivés de la logistique telles des
structures de stationnement.
On peut appeler ces exemples qui vont être vus plus en détails,
des hybridations logistiques. Leur premier point commun sera
l’appropriation et l’utilisation des infrastructures.
La logistique n’est pas la seule catégorie que ces hybridations
manipulent, mais c’est certainement la plus présente. Elle a permis
de rassembler des exemples variés présentant des familles
d’hybridations différentes. Les derniers exemples vont rassembler
des hybrides moins concernés par la logistique mais illustrant des
compositions instructives.
La ville européenne, et ainsi la ville suisse, ont au cours de leur
développement mis en place une ségrégation très forte des différentes
fonctions avec la venue de l’industrialisation. Des plans directeurs
délimitant des zones d’activités déterminent jusqu’à aujourd’hui où
peuvent se placer les activités nécessaires au fonctionnement de la
société. Cette pensée prônant l’hygiène et l’efficacité industrielle en
rapprochant les éléments complémentaires, a eu pour conséquence
de limiter fortement l’apparition spontanée d’hybrides tels qu’on peut
les observer à Tokyo. Les tracés régulateurs de nos villes sont nos
64 FOUND IN TOKYO
infrastructures routières.
Ce sont des lignes infranchissables la plupart du temps.
Les exemples d’architecture da-me qui vont être présentés par la suite
sont en majorité des compositions ignorant ce genre de distinctions
et de limites. Le pragmatisme de ces bâtiments les pousse à exploiter
le moindre espace libre que ce soit sur une parcelle au sens habituel
du terme ou dans les recoins libres de l’infrastructure.
En premier lieu il s’agira de présenter les tactiques formelles avec
lesquelles, ces hybrides s’approprient l’espace et combinent leurs
composants.
En second lieu, les synergies volontaires et involontaires (on/
off) apparaissant avec ses hybridations seront regardées pour
comprendre ce qui les rend si particuliers.
Ce afin de reconsidérer notre infrastructure sous un autre oeil, une
fois de retour en Suisse. Ces hybrides nous donnerons des pistes pour
trouver des opportunités dans les ponts et les routes de Lausanne.
De même les techniques de composition, souvent très simples et
efficaces, que ces hybrides utilisent pourront aussi nous éclairer
sur de nouveaux mélanges intégrant des catégories d’usagers
généralement isolés les uns des autres.
Ces présentations d’hybrides qui vont suivre, vont se structurer de la
manière suivante :
Une première double page présentant l’hybride avec les illustrations
produites par l’Atelier Bow-Wow dans leur livre Made in Tokyo.
Le chiffre suivant le titre en anglais donné au bâtiment par les
architectes japonais correspond à sa numérotation dans leur livre.
Les trois ordres décrivant l’hybridation seront aussi indiqués sur la
première page.
La partie suivante sera composée de photographie prises pendant
le voyage, de dessins schématiques décryptant les relations de la
composition et un texte qui soulignera les aspects suivants :
- Le genre de composition;
- Les différentes catégories utilisées;
- Les tactiques formelles employées par les compositions;
- Le jeu des échelles;
- Les différentes relations au contexte;
- L’appartenance au public ou privé;
- Les temporalités de l’hybride.
Les exemples seront classés en trois parties : Hybrides logistiques
en relation directe avec l’infrastructure, hybrides logistiques utilisant
des dérivés de l’infrastructure et des hybrides montrant quelques
autres techniques intéressantes.
Chaque exemple reste très particulier. Chacun apporte son propre
enseignement en plus d’illustrer les principes généraux. Un retour
sur les notions extraites de ces exemples suivra cette visite des
hybrides da-me.
Page de droite : carte de localisation des
architectures da-me de Made in Tokyo
LES PETITS HYBRIDES 65
66 FOUND IN TOKYO
LES PETITS HYBRIDES 67
Hybrides da-me, partie 1
Hybrides interagissant avec les éléments principaux de l’infrastructure.
68 FOUND IN TOKYO
electric passage (02)
(passage électrique)
Site : Sotokanda, Chiyoda-ku
Programmes : pont ferroviaire, galerie marchande
Catégorie :
Structure :
Usage :
20201
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 69
20202
20203
20204
70 FOUND IN TOKYO
Cet hybride se trouve en plein milieu du quartier d’Akihabara dans
le nord-est du palais impérial. Ce district est célèbre comme étant
la Mecque de la culture du Manga* et comme étant un haut lieu du
commerce de l’électronique, d’où son surnom Akihabara Electric Town.
* Manga : Bande-dessinées et films
d’animation japonais.
Dans le prolongement de la ligne de train Sobu depuis la gare
d’Akihabara, les chemins de fers prennent la forme d’un pont
ferroviaire, sur l’espace de trois blocs dans la grille urbaine
(figure 20204).
Sa structure touche le sol en une succession d’arcades. Deux ponts
traversant deux grands carrefours marquent chaque extrémité de
l’hybride (figure 20205).
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure de transit - pont ferroviaire
B architecture commerciale - magasins d’électronique
Seule la structure est partagée.
L’usage n’est pas partagé.
Forme
La partie B utilise l’espace résiduel sous la partie A.
Cet espace sous l’infrastructure a été colonisés par des structures
commerciales.
20205 Premier pont entre la gare et
l’hybride
LES PETITS HYBRIDES 71
Le rythme de la structure de la ligne de chemin de fer donne les
dimensions des petits magasins. Ils ont tous un maximum de 3 étages
(figure 20202).
20206 Coupe transversale schématique
Échelles
A - échelle urbaine
Elle appartient au large réseau ferroviaire composant le système de
transports publics de Tokyo.
B - échelle humaine
Comme le reste du tissu local, cette partie consiste en de petits
commerces à échelle humaine.
Relation au contexte typologique
La ligne ferroviaire, qui comme la plupart des tentacules du réseau
de transport public de Tokyo n’a une relation que très indirecte
avec le reste du tissu urbain, prend une forme plus marquée avec
ses arcades. Elle intervient dans la substance bâtie en égalisant
les dimensions des commerces qu’elle contient. Chose rare pour
Tokyo. Cette structure est relativement respectée par les magasins,
l’enveloppe d’enseignes commerciales ne touchent pas aux piliers
des arcades, ce qui permet de lire la présence du train dans le bâti.
Les structures commerciales qui peuplent les espaces sousrail, sont de même nature que les magasins composant la majeur
partie de la substance du quartier. Les dimensions de la typologie
sont transformées et rythmées par l’encadrement des arcades
(figure 20209).
Relation au contexte physique
Le plan de ce quartier est une grille assez claire.
Les commerces n’occupent l’espace sous les arches qu’en
correspondance aux autres blocs du quartier. Certaines arches
sont libérées pour le passage des ruelles structurant le district
(figure 20208).
Ces petits magasins d’électronique, de part leur activité lucrative,
entretiennent une forte relation avec l’espace public pour des intérêts
privés (figure 20206).
L’infrastructure ferroviaire n’est pas en rapport avec l’espace public
humain ou routier.
Vraisemblablement à cause de la petitesse des magasins, ceux-ci
sont mono-orientés et ne présentent une façade ouverte que du côté
nord (figures 20212 et 20213).
Domaines
A - infrastructure privée
B - surfaces commerciales privées ouverte au public
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Au vu de l’utilisation de la structure par les commerces, ceux-ci sont
probablement arrivés après les rails. Si l’on compare les photographies
20207 Ruelle nord
72 FOUND IN TOKYO
de Made in Tokyo (20303) et celle prise en 2012 (20210) du passage
centrale de l’hybride, le magasin faisant l’angle a changé. En vingt
ans l’électronique vendue a beaucoup changé. Il est possible que
ces magasins changent de propriétaire et de spécialité au cours des
années ; la structure des arcades gardant ses dimensions constantes
dans le temps.
Utilisation intermittente :
Les deux catégories d’usage de l’hybride sont privées et donc ont un
rythme de vie défini par les horaires de fonctionnement des trains et
les heures d’ouvertures des magasins.
Cet hybride est un bon exemple d’espaces résiduels générés par une
infrastructure superposée de manière forte sur la ville, exploités par
les intérêts commerciaux d’un quartier.
L’impression d’unité vient du rythme et de la fonction structurante
des arcades. Leur déconnexion au niveau de l’usage et de la catégorie
des composants en fait une architecture da-me. Cela devient un
événement urbain particulier dans le chaos général des façades
commerciales très variées.
20208 Ruelle traversant l’hybride,
marquant par la même occasion un joint
de dilatation dans le pont ferroviaire.
20209 Dernier magasin avant le second
pont terminant l’hybride.
20210 Façade commerciale, ruelle nord.
LES PETITS HYBRIDES 73
20211 Transition entre l’hybride et le
deuxième pont. Retour à des bâtiments
non-encadrés.
20213 Façades arrières, ruelle sud.
74 FOUND IN TOKYO
highway department store (03)
(autoroute grand magasin)
Site : Yurakucho, Chiyoda-ku / Ginza, Chuo-ku
Programmes : autoroute suspendue, surface commerciale, poste de
douane, rampe d’accès parking
Catégorie :
Structure :
Usage :
20301
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 75
20302
20303
20304
76 FOUND IN TOKYO
En bordure du quartier chic de Ginza, la zone de shopping la plus
chère du monde, une autoroute suspendue serpente sur les traces de
ce qui fut autrefois la rivière Shiodome32.
On y retrouve aussi des grands magasins sinueux avec l’infrastructure.
Cet hybride est un autre exemple de l’exploitation ingénieuse et
nécessaire des espaces dégagés par l’infrastructure aérienne
gigantesque de Tokyo.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure de transit - autoroute suspendue
B architecture commerciale - grands magasins
Seule la structure est partagée.
L’usage n’est pas partagé.
Forme
La partie B utilise l’espace résiduel sous la partie A.
L’espace sous l’infrastructure clos est desservi par une rue intérieure
à la surface commerciale accessible aux extrémités.
Contrairement à l’exemple précédent (electric passage) la structure
supérieure ne contraint que la largeur du bâtiment en-dessous.
L’espace intérieur de ce dernier est régi par sa propre logique hérité
de l’aspect linéaire de l’autoroute.
20305 Vue de l’hybride depuis le carrefour
sud sur l’avenue Harumi Dori
LES PETITS HYBRIDES 77
20306 Vue de l’entrée ouest du deuxième
grand magasin.
20307 Coupe transversale schématique.
Échelles
A - échelle urbaine
L’autoroute métropolitaine suspendue fait partie d’un réseau routier
très vaste superposé à Tokyo. Comme beaucoup d’infrastructures de
ce genre, elle suit le tracé d’une rivière et ne se souci que peu du tissu
urbain alentour.
À cet endroit-là, la chaussée est élargie par la présence d’un péage
connecté à une sortie d’autoroute donnant accès à un parking
souterrain.
B - échelle ruelle, humaine
Les boutiques dans les grands magasins sous l’autoroute sont petites
en taille. Elles sont organisées des deux côtés d’une rue intérieure
structurant l’espace commercial, la largeur de l’autoroute à cet
endroit le permettant. Chaque petit magasin est à échelle humaine,
mais l’espace de distribution a une échelle un peu plus urbaine. Une
version réduite pour piétons de l’autoroute au-dessus (figures 20310,
20311 et 20313).
20308 Vue orientée ouest de la façade
nord du premier grand magasin.
Relation au contexte typologique
Comme c’est le cas souvent avec ce genre de superstructures de
transit à Tokyo l’autoroute est son propre système. C’est une rivière
de bitume remplaçant une vraie rivière.
Les grands magasins sont des activités très courantes dans ce
quartier. Chaque espace, valant très cher, est exploité comme surface
commerciale. Au contraire du tissu très fragmenté en petites parcelles
aux alentours, ici les espaces clos de l’hybride sont longitudinaux et
sinueux suivant les courbes de son système structurel. Les autres
grands magasins du district sont très élancés, superposant le
plus d’étages possibles. Dans le cas présent, soumis à la forme de
l’infrastructure, les surfaces commerciales sont très étalées. Elles
ne sont coupées que par les routes traversantes et la largeur de
l’autoroute.
20309 Plan d’orientation du l’étage
supérieur du deuxième grand magasin.
78 FOUND IN TOKYO
20310 Vue intérieure du deuxième grand
magasin.
Relation au contexte physique
Les usagers de l’autoroute n’ont qu’une relation visuelle distante avec
les hauts bâtiments de l’environnement.
L’autoroute elle-même possède une sortie avec une mince rampe
pour accéder à un parking souterrain à la sortie du péage.
Les façades des magasins communiquent peu de l’espace public. C’est
souvent le cas avec ce genre de programme concentrant le regard
vers les surfaces commerciales à l’intérieur (figure 20308). De plus
une couche de végétation ornementale sépare le trottoir de l’hybride
(figure 20309). Cette avenue au sud du bâtiment est aménagée de
manière très généreuse pour une rue tokyoïte. Elle rappelle plutôt des
grandes avenues commerciales européennes.
Domaines
A - infrastructure publique
B - surfaces commerciales privées ouvertes au public
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Les apparences des bâtiments composant l’hybride sont bien intégrés
avec l’autoroute. Il n’est pas évident de déduire un ordre séquentiel
dans la réalisation de cet hybride. On peut supposer qu’en regardant
la manière de plaquer les grands axes de communication sur le tissu
urbain de Tokyo, l’infrastructure précède les bâtiments commerciaux.
Différences d’utilisations :
L’autoroute est ouverte en permanence.
Les magasins ont des horaires d’ouverture fixés par les propriétaires.
Cet exemple, comme le précédent, sont deux exemples de stratégies
d’hybridation assez courantes dans le tissu urbain. La place étant
limitée, l’espace résiduel d’une activité tend à être vite utilisée, surtout
20311 Plan d’orientation du l’étage
inférieur du deuxième grand magasin.
LES PETITS HYBRIDES 79
20312 Vue de l’entrée ouest du deuxième
grand magasin depuis l’entrée du
magasin précédent.
dans un quartier aussi financièrement intéressant que Ginza.
Dans cet hybride, les composants ne sont rassemblés que par
l’utilisation d’une structure commune. Ils ne possèdent pas de
relation au niveau catégorie ou usage (off). Pourtant ils se valident
mutuellement : l’espace commercial dépend de l’autoroute pour sa
structure ; l’autoroute dépend des grands magasins pour sanctionner
sa présence dans une zone de commerce intense33.
20313 Plan d’orientation du l’étage
supérieur du deuxième grand magasin.
80 FOUND IN TOKYO
expressway patrol building (10)
(bâtiment de la patrouille d’autoroute)
Site : Roppongi, Minato-ku
Programmes : bureaux, logement d’entreprise, parking de la
patrouille, rampe d’accès d’autoroute
Catégorie :
Structure :
Usage :
21001
OFF
OFF
ON
LES PETITS HYBRIDES 81
21002
21003
21004
82 FOUND IN TOKYO
Cet hybride, dans le quartier de Roppongi, a la particularité d’être le
seul type bâtiment à avoir son propre accès à l’autoroute suspendue.
L’Atelier Bow-Wow a relevé un autre bâtiment de la patrouille
autoroutière à Gokokuji, étant le seul autre exemple à avoir un accès
directe à l’infrastructure.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, pour un usage commun :
A - infrastructure de transit - autoroute suspendue
B - infrastructure privée - rampe d’accès et parking de la patrouille
C - architecture - bureaux
D - architecture - logements de la compagnie
Ces parties ne sont pas arrangées selon un partage d’une structure
commune. La partie A n’est reliée aux autres que par le parking de
la partie B. Ces deux parties infrastructurales sont à l’usage des
véhicules de la patrouille.
Les deux autres parties forment le bâtiment dans lequel passe la
rampe. Ceux-ci sont à l’usage des employés du service de la patrouille.
Forme
Le bâtiment est implanté dans une parcelle classique du quartier.
À la manière de la plupart des immeuble dans une ville dense comme
Tokyo, les programmes s’empilent. Dans ce cas là, les parties C et D
suivent ce principe.
21005 Vue du carrefour au nord du
bâtiment.
LES PETITS HYBRIDES 83
Elles sont traversées par la rampe d’accès qui dépasse de la parcelle
pour se greffer sur l’autoroute passant entre les blocs.
C’est le seul élément qui dépasse de cette composition et qui relie le
tout au réseau de transport supérieur.
Échelles
A - échelle urbaine
L’autoroute fait partie du réseau suspendu de Tokyo.
B - échelle infrastructurale
La rampe et sa partie parking, étant dédiées à l’usage automobile, sont
de dimensions correspondantes. Elle forme la circulation verticale et
le logement d’une des espèces participant à l’usage de cet hybride.
C - échelle humaine
La partie bureau se trouve sous le niveau de la passerelle d’accès. Elle
est en relation directe avec le trottoir entourant la base du bâtiment.
D - échelle bâtie locale
L’immeuble dépassant le niveau de l’autoroute est légèrement plus
imposant que les autres bâtiments des environs immédiats, mais il
reste dans les dimensions de ce qui se retrouve autour du carrefour.
Relation au contexte typologique
Cet hybride emprunte deux éléments conventionnels que l’on retrouve
à cet endroit. La rampe d’accès fait partie du langage et des formes
associées à l’infrastructure de transport. Elle a été intériorisée à
21006 Vue du bâtiment depuis le côté est
de l’autoroute.
84 FOUND IN TOKYO
l’hybride pour en réserver l’usage aux services de sécurité autoroutier.
Le reste de l’immeuble fonctionne sur la base de volumes
architecturaux classiques de logements et de bureaux superposés.
La déformation typologique par rapport à un bâtiment usuel se passe
quand la rampe traverse et restructure la composition interne de
l’hybride.
Relation au contexte physique
Appartenant aux services métropolitains autoroutiers, cet hybride
possède un accès unique et direct à l’axe routier suspendu. Cette
rampe, qui sort des limites parcellaires pour rejoindre un grand
réseau de transport, forme aussi un auvent à l’entrée de l’immeuble.
L’immeuble est détaché de ses voisins comme il est d’usage dans
Tokyo. Il donne accès à sa partie bureau au niveau du trottoir
directement sous la passerelle.
21007 Coupe schématique de la rampe de
l’accès à l’autoroute.
Domaines
A - infrastructure publique
B - infrastructure privée
C - architecture privée
D - architecture privée
Les véhicules dans l’hybride ont un accès privé à une structure
publique à travers une passerelle surplombant la voie publique. Ce
petit morceau de route sert aussi de parking privé suspendu.
Temporalités
Hybridation simultanée :
Les services de patrouilles sont essentiels au bon fonctionnement
d’un système de transport aussi grand que l’autoroute métropolitaine
de Tokyo. Il est donc nécessaire qu’ils possèdent un accès direct
et rapide à la route surélevée. Cet organe de régulation s’est très
probablement formé en parallèle du système d’autoroute à Roppongi.
Usage simultané :
21008 Vue du bâtiment depuis le nord
LES PETITS HYBRIDES 85
21009 Vue de la passerelle d’accès depuis
le nord.
21010 Vue du début de la rampe d’accès
depuis le trottoir sous la passerelle.
Étant un élément essentiel du fonctionnement du système autoroutier,
cet hybride fonctionne donc probablement en permanence comme la
route surélevée. La présence de logements pour la patrouille ainsi que
leurs bureaux, en fait un écosystème complet dédié à cette activité.
Cet hybride étant un petit organe de régulation dans le vaste système
de transit de Tokyo, il combine plusieurs fonctions essentielles au
bon fonctionnement de la patrouille. Il met en lien les deux espèces
principales utilisant l’espace urbain, les véhicules et les êtres
humains. Sa situation de bâtiment implanté sur parcelle le rend
structurellement indépendant de l’infrastructure suspendue. C’est
son morceau d’autoroute privé qui en fait un écosystème compact
relié à un réseau bien plus vaste que lui-même.
21011 Vue de la circulation verticale pour
les humains depuis le nord.
86 FOUND IN TOKYO
graveyard tunnel (32)
(cimetière tunnel)
Site : Sendagaya, Shibuya-ku
Programmes : cimetière, tunnel routier, route
Catégorie :
Structure :
Usage :
23201
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 87
23202
23203
23204
88 FOUND IN TOKYO
23205 Vue depuis le carrefour ouest.
Cet hybride est la rencontre d’une ligne et d’une surface. Dans le
quartier de Sendagaya, à l’ouest du palais de l’empereur, un axe
routier important traverse un monticule sur lequel est perché un
temple bouddhiste et son cimetière. Le tunnel routier traverse en plein
cimetière. Cet événement urbain a été surnommé tunnel fantôme34.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure de transit - route à quatre voies
B sol construit - cimetière bouddhiste
Forme
Cet hybride est composé de deux programmes de surfaces utilisées
en volume par des espèces différentes.
Il s’agit d’une simple superposition. Aucune des deux parties
n’entretien relation avec l’autre. Le cimetière n’est pas visible depuis
la route, le contraire est aussi valable.
Seule la structure du tunnel est partagée. Elle remplace le morceau
de colline enlevé par le passage de la route. Ils n’ont pas d’autre
relation directe. Même l’accès au cimetière est clairement séparé de
la route (figure 23207).
Échelles
LES PETITS HYBRIDES 89
23206 Côté ouest du tunnel.
A - échelle urbaine
La route, comme les infrastructures importantes, fait partie d’un
réseau de transport de très grande échelle.
B - échelle humaine
Le cimetière appartient au petit temple aménagé sur la colline nontraversée par la route, le cimetière est un espace en général renfermé
sur lui-même pour permettre aux vivants de s’y recueillir.
Relation au contexte typologique
Les deux parties sont issues de catégories dont les codes et les
apparences sont relativement fixées.
D’un côté, la route est un travail d’ingénierie civile très réglementé pour
gérer le trafic et sa sécurité. De l’autre côté les traditions bouddhistes
structurent le temple et son cimetière, ainsi que l’atmosphère sacrée
qui doit y régner.
Relation au contexte physique
La route, comme la plupart des infrastructures, remplit son rôle sans
se soucier du contexte urbain, en traversant les obstacles sur son
chemin, telles les collines.
Le cimetière placé sur le tunnel possède des parois opaques
suffisamment élevées pour isoler le cimetière du contexte de la route.
Seuls les bâtiment alentours dépassent et permettent de placer
90 FOUND IN TOKYO
23207 Côté est du tunnel et escalier
d’accès à l’entrée du temple sur la droite.
visuellement le cimetière en milieu urbain (figures 23210 et 23211).
Seule la végétation, venant du cimetière par-dessus les murets, est
un indice de sa présence visible depuis la rue (figure 23206).
Domaines
A - infrastructure publique
B - sol construit public
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Le temple et son cimetière ont l’air d’avoir longtemps été là. Celui-ci
s’est sûrement étendu au fil du temps.
La route a dû s’élargir avec l’intensification du trafic routier au cours
des décennies.
La rencontre des deux a été possible par le fait que le cimetière
bouddhiste n’enterre pas ses morts et donc le sol n’est qu’un socle
pour les stèles. La masse de terre a donc pu être enlevée pour
permettre le passage des véhicules. Le temple étant toujours à cet
endroit, le cimetière a continué d’occuper l’espace supérieur.
Utilisation constante :
Ces deux programmes étant publics, ils sont accessibles en
permanence pour des usagers d’espèces différentes.
Cet hybride est un autre exemple de l’utilisation de la place restreinte
à Tokyo. Leur culture permet ce genre de combinaison ingénieuse de
différentes catégories. Ainsi le sacré peur coexister avec le profane
en partageant la même structure par nécessité.
La synergie involontaire (aspects off de l’usage et de la catégorie) en
fait un événement spécial dans la ville.
C’est pourquoi le médium japonais Kizoku Ikeda avait déclaré ce lieu
comme ayant des grandes qualités psychiques35.
23208 Coupe est-ouest schématique.
23209 Coupe nord-sud schématique.
LES PETITS HYBRIDES 91
23210 Vue vers l’est, depuis le cimetière
sur le tunnel.
23211 Vue vers l’est, depuis le cimetière
sur le tunnel. Détail du garde-corps.
92 FOUND IN TOKYO
sports bridge (66)
(pont des sports)
Site : Shibuya, Shibuya-ku
Programmes : court de tennis, tunnel d’autoroute, autoroute
Catégorie :
Structure :
Usage :
26601
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 93
26602
26603
26604
94 FOUND IN TOKYO
Cet hybride se trouve dans le quartier de Shibuya, à l’est du palais
impérial. Il fait partie d’un grand campus universitaire, et comme
l’exemple précédent (graveyard tunnel), il montre l’utilisation de
l’espace libre au-dessus de l’infrastructure.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure de transit - autoroute
B structure sportive - courts de tennis
Forme
Cet hybride est de nouveau un exemple de superposition sur la voie
publique. La largeur de l’infrastructure routière en-dessous permet
l’aménagement de 5 terrains de tennis dans toute leur longueur.
Les deux parties ne sont à nouveau que reliées par la structure.
Échelles
A - échelle urbaine
B - échelle humaine sportive
Relation au contexte typologique
Le tunnel autoroutier est de type classique sans autre particularité
que de procurer une surface exploitable pour les terrains de sports.
Les courts de tennis se placent dans la continuité des installations
sportives du campus. Comme les dimensions des terrains sont
réglementées par le sport, c’est leur disposition sur le pont qui
permet l’apparition d’espaces résiduels utilisés pour traverser d’un
26605 Vue depuis le côté est.
LES PETITS HYBRIDES 95
26606 Vue depuis le côté ouest.
26607 Coupe nord-sud schématique.
côté à l’autre et pour accèder aux courts.
Relation au contexte physique
Ce tunnel se trouve à l’endroit où l’autoroute passe de souterrain à
aérien. Il permet la transition d’un milieu à l’autre.
De même la surface supérieure du pont permet le passage d’un côté
du campus à l’autre, en plus d’être assez large pour accueillir des
structures sportives.
Des grandes parois coupent les vues depuis les terrains. Ceux-ci
ne voient que le ciel et les immeubles alentours. Ces même parois
empêchent les automobilistes de voir les passants et les sportifs.
Domaines
A - infrastructure publique
B - structures sportives et passages privés
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Les deux catégories des parties n’ont pas de lien traditionnel. Il est
donc fort peu probable que la planification routière ait prévu les
terrains de sports. Il s’agit d’une hybridation par la suite, venant de
l’université et ses aménagements extérieurs.
Utilisation à la fois intermittente et constante :
L’infrastructure publique est ouverte en permanence. En revanche les
structures sportives ne sont accessibles qu’aux étudiants pendant
les heures d’ouvertures et quand la météo le permet. Les passages
traversant eux sont ouverts en permanence, seulement aux étudiants.
C’est un hybride aux temporalités différentes.
Un autre exemple d’exploitation de l’espace au-dessus de
l’infrastructure, cette fois-ci pour une utilisation privée. Mais son
emplacement au croisement de deux systèmes rend cet hybride
spécial.
26608 Vue trottoir pour piéton dans le
pont.
96 FOUND IN TOKYO
apartment station (39)
(gare-appartements)
Site : Koya, Matsudo-shi
Programmes : arrêt de train, appartements, garage pour taxi
Catégorie :
Structure :
Usage :
23901
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 97
23902
23903
23904
98 FOUND IN TOKYO
23905 Vue sur la façade est.
Cet hybride se trouve à la limite nord-est du Grand Tokyo dans la
préfecture de Matsudo. Il est glissé entre la ligne de chemin de fer
privée Nagareyama et la rivière Saka.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure de transit - arrêt de train
B architecture - immeuble d’appartements
C infrastructure de stationnement - garage de taxis
Forme
De nouveau la technique de la superposition est utilisée.
L’arrêt de train et le garage cohabitent sur le même plan. Par-dessus
les appartements sont empilés. Le premier balcon des logements
correspond métaphoriquement à l’auvent de la station ferroviaire.
Les rails et la rivière contraignent la largeur de l’hybride.
La troisième contrainte vient de la ligne de train Musashino surélevée
qui croise les autres lignes.
Échelles
A - échelle urbaine, humaine
23906 Vue sur le train à l’arrêt Koya
depuis l’est.
LES PETITS HYBRIDES 99
23907 Vue depuis les rails de la ligne
Nagareyama.
La station de train est en relation directe avec le réseau ferroviaire à
grande échelle, mais est conçue pour l’attente de passagers humains,
donc est à leur échelle. Elle a pratiquement la même hauteur qu’un
étage d’appartement.
B - échelle locale, humaine
L’immeuble n’est pas particulièrement plus haut que les constructions
alentours. Il est certainement plus fin.
C - échelle automobile
L’entrée du garage est petite et discrète, juste ce qu’il faut pour les
véhicules.
Relation au contexte typologique
La station de train, comme la plupart des arrêts sont très élongés,
car ils correspondent au moyen de transport ayant une forme très
allongée. Ici c’est un petit arrêt local sur une ligne de banlieue, la
plate-forme n’est pas aussi grande que le sont celles de gares
centrales comme Shibuya ou Shinjuku. C’est une version réduite qui
correspond à la magnitude de la ligne et à la dimension de l’hybride.
Les appartements sont disposés le long de coursives accessibles par
un ascenseur ou des escaliers de secours collés à l’angle du bâtiment.
Les logements sont petits comme la majorité de ceux de Tokyo. Mais
à cause de la forme du bâtiment ils sont contraints à être disposés en
série horizontalement, plutôt que verticalement, comme c’est le cas
avec des immeubles sur une petite parcelle.
23908 Passage longeant la rivière
permettant d’accéder à l’entrée des
habitants.
100 FOUND IN TOKYO
23909 Entrée garage des taxis et début
de l’escalier de secours reliant toutes les
coursives distribuant les logements.
23910 L’arrêt de train Koya depuis le nord.
Relation au contexte physique
La station de train et le garage pour taxi, partageant le rez-dechaussée, n’entre en relation qu’avec leur réseau de transport
respectif, les rails à l’est et une petite route au nord.
Les logements se superposent et utilisent toute la longueur du
bâtiment sur les 3 premiers étages. Puis ils se rétractent dès qu’ils
arrivent au niveau de la ligne surélevée de Musashino. Ce qui aménage
une sorte de terrasse en relation avec le pont ferroviaire.
Domaines
A - infrastructure privée ouverte au public
B - logements privés
C - garage privé
Temporalités
Hybridation simultanée :
Tous les composants de ce bâtiment sont logés dans une même
LES PETITS HYBRIDES 101
structure construite. Le tout a donc été réalisé d’un seul geste.
L’importance de l’immobilier ayant certainement rendu la combinaison
de logement et de parking avec l’installation ferroviaire.
Utilisation à la fois intermittente et constante :
Les logements sont, bien entendu, accessibles à toute heure de la
journée et de la nuit par leurs habitants. L’arrêt de train n’est utilisé
que pendant les heures de marches de la ligne ferroviaire. Le garage
n’est pareillement utilisé que pour stationner les taxis quand ils ne
sont pas de service.
23911 la ligne de chemin de fer
Nagareyama depuis une des coursives de
l’immeuble hybride.
23912 la ligne de chemin de fer
Nagareyama depuis les rails, regardant
direction nord.
102 FOUND IN TOKYO
23913 la ligne de chemin de fer Musashino
et sa relation avec les retraits en terrasse
des immeubles adjacents.
23914 Passage sous la ligne Musashino,
traversant
la
ligne
Nagareyama
permettant d’accéder à la station Koya
dans l’hybride.
23915 Le train à l’arrêt Koya depuis les
coursives des logements.
LES PETITS HYBRIDES 103
23916 L’entrée de l’arrêt Koya vue depuis
le sud, sous la ligne Musashino.
Cet exemple combine trois catégories très différentes dédiées à
des espèces tout aussi variées. Le mince espace dégagé entre les
infrastructures et la rivière a pu être utilisé efficacement pour
répondre à différents besoins et différents flux urbains. De la même
manière dont la station de train devient un étage public de l’immeuble,
le petit chemin de béton longeant la rivière devient aussi l’accès à
l’entrée principale des logements. Tous ces usages sont distincts et
fonctionnent selon leur propre rythme interne (off), mais l’enveloppe
et l’utilisation d’un langage constructif minimal pour réaliser toutes
les parties donnent une impression d’ensemble et d’intégration à
l’hybride.
L’échelle de la ligne Nagareyama, petite et proche du sol, participe
beaucoup au charme de ce bâtiment. Une ligne de train plus intense
ne participerait pas à cette atmosphère de quartier de banlieue.
23917 et 23918 Coupes schématiques
longitudinale nord-sud (gauche) et
transversale est-ouest (droite).
104 FOUND IN TOKYO
bridge home (51)
(crèche du pont)
Site : Minami-aoyama, Minato-ku
Programmes : crèche, parc public, pont routier
Catégorie :
Structure :
Usage :
25101
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 105
25102
25103
25104
106 FOUND IN TOKYO
25105 Vue depuis la partie ouest de la
vallée du cimetière d’Aoyama.
Cet hybride n’existe plus. C’est un bon exemple du renouvellement
incessant de Tokyo. Une fois que son utilité a échu ou que les
conditions de sécurités ne sont plus adéquates, on détruit.
L’hybride se trouvait sous un pont routier, dans une vallée divisant le
grand cimetière d’Aoyama en deux.
Genre d’hybride
Il s’agissait d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure de transit - pont routier
B architecture - crèche
Forme
Comme pour l’electric passage et le highway department store, la
tactique formelle employée était celle d’exploiter l’espace résiduel
dégagé par une infrastructure suspendue.
Les piliers du pont servaient de structure porteuse et spatiale aux
bâtiments de la crèche.
Échelles
A - échelle urbaine
Un pont routier appartenant au grand réseau de Tokyo.
B - échelle locale, humaine
L’échelle des bâtiments de l’hybride étaient aussi contraints en
dimension par l’infrastructure supérieure. Ils n’exploitaient pas
LES PETITS HYBRIDES 107
25106 Vue depuis l’ouest en direction de
l’est de la structure du pont routier.
cependant la totalité de la hauteur disponible, ce qui en faisait des
bâtiments assez bas. Le bâti existant n’est pas non plus très haut, un
seul dépasse la hauteur du pont. L’hybride devait donc correspondre
assez bien à l’échelle locale.
Relation au contexte typologique
Il est difficile, en visitant le site où l’hybride existait de savoir à quel
point les typologies de bâtiments étaient déformées par le cadre
structurel de l’infrastructure. On peut supposer que c’était similaire
aux autres exemples analysés employant les mêmes stratégies.
L’Atelier Bow-Wow note dans la fiche décrivant cet hybride que les
bâtiments de la crèche rappelait l’architecture du Corbusier, utilisant
les piliers du pont comme pilotis.
Relation au contexte physique
La situation de cet hybride était idéal dans un contexte urbain dense
comme Tokyo, le cimetière alentour procure un grand espace vert
vallonné. Une atmosphère naturelle très rare en milieu urbain. Une
partie de l’espace était d’ailleurs un petit parc pour les enfants.
Aujourd’hui ces bâtiments ont été démolis et l’espace libéré sert de
parking.
Domaines
A - infrastructure publique
108 FOUND IN TOKYO
B - architecture privée
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Il est parfaitement clair que la construction de la crèche a succédé
à celle du pont qui lui survit aujourd’hui. Ce fut une hybridation
temporaire.
Utilisation à la fois intermittente et constante :
De part le nature publique pour l’infrastructure et privée pour la
crèche les période d’usages étaient variées. L’un est en permanence
accessible et l’autre n’est accessible que par les employés et les
enfants pendant les heures de travail. Deux rythmes différents
superposés physiquement.
C’est le premier exemple visite qui n’existait plus. Cela montre que
le pragmatisme qui est à l’origine de ces hybrides, peut les éliminer
tout aussi vite selon les changements des besoins de la ville et de la
société.
LES PETITS HYBRIDES 109
25107 Vue depuis le sud à l’est du petit
parc.
25108 Vue depuis le nord en direction de
l’ouest de la structure du pont.
110 FOUND IN TOKYO
cine-bridge (04)
(pont-cinéma)
Site : Ginza, Chuo-ku
Programmes : passage souterrain, cinémas, bars, coiffeur, magasins
Catégorie :
Structure :
Usage :
20401
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 111
20402
20403
20404
112 FOUND IN TOKYO
20405 Vue depuis le nord sur l’avenue
Harumi Dori.
Cet hybride se trouve en plein Ginza, un quartier chic, réputé pour
être la zone de shopping la plus importante de Tokyo. Il se trouve à
cheval sur un des axes principaux du quartier, l’avenue Harumi Dori.
Autrefois cette avenue était une des nombreuses rivières découpant
Ginza. Après les bombardements, celle-ci fut remblayée et le pont
Miharabashi devint le Miharabashi Center, l’hybride en question36.
Ce complexe commercial est aussi connu sous le nom de Cine-pathos,
du nom du cinéma occupant la moitié de ses fonctions. C’est un des
derniers exemples d’architecture moderne japonaise. Il fut dessiné
par Kameki Tsuchiura (1897-1996)37 en 1952. Cet architecte japonais
fut l’élève de Frank Lloyd Wright quand il vécu au Japon38.
C’est un passage souterrain reliant deux bâtiments jumeaux de
chaque côté de l’avenue. La ruelle enterrée donne accès à 3 salles de
cinéma, des bars et des restaurants de chaque côté. C’est un vestige
de Ginza des années 1950. Aujourd’hui, cet ensemble est destiné à la
démolition car il ne respecte plus les normes para-sismiques39.
Genre d’hybride
Écosystème compacte de catégories variées, coexistantes :
A infrastructure publique - passage souterrain
B architecture - cinéma
C architecture - restauration
D architecture - commerces
Forme
LES PETITS HYBRIDES 113
20406 Vue depuis le nord sur l’avenue
Harumi Dori.
La ligne de métro Hibiya suit l’avenue Harumi Dori. Les deux arrêts
Ginza et Higashiginza possèdent de nombreuses sorties de part et
d’autre de l’avenue. D’une certaine manière cet hybride participe
aussi à ce réseau de passages tout en étant indépendant du système
de transit métropolitain. Ce passage souterrain est l’inverse d’un pont,
passant en sous-sol. On peut voir que d’après la coupe du pont
d’autrefois, on retrouve la courbe de ses arches dans le passage
central (figure 20407).
Cet hybride exploite l’espace sous l’infrastructure public en allant
creuser sous la voie publique. Les deux bâtiments servants de
portails de chaque côté du passage sont de simples blocs empilés
de deux étages chacun, comportant principalement des commerces
et un coiffeur.
C’est comme un petit bloc urbain avec une seule ruelle centrale que
l’on aurait enterré au passage de l’avenue.
Échelles
Tout ce petit complexe est bien plus petit que les autres constructions
du quartier. Les deux structures dépassant du sol ne font que 2 étages
de haut. Le reste des édifices de l’environnement immédiat comptent
au moins une dizaine d’étages. Le seul point commun entre l’hybride
et les autres, se trouve être la largeur de l’avenue déterminant
l’alignement de tous les bâtiments.
Relation au contexte typologique
20407 Coupe du pont Miharabashi avant
sa destruction pendant les bombardement
de Tokyo pendant la Seconde Guerre
Mondiale.
114 FOUND IN TOKYO
Le passage reprend l’idée du pont habité en remplaçant en sous-sol
l’ancien pont d’avant-guerre. Ce genre de passages est aussi utilisé
en une version plus contemporaine, dans certaines des grandes
stations de métro qui deviennent à la fois des centres commerciaux
et des complexes de transit.
La différence de cet hybride est l’ambiance rétro, ainsi que les
programmes qu’on y retrouve. Ce sont des activités qui amènent les
utilisateurs à rester un certain temps dans ce monde souterrain.
Cet écosystème reprend une typologie semblables aux petites ruelles
que l’on retrouve dans des quartiers où les constructions sont plus
basses et plus anciennes. Un morceau du vieux Tokyo.
Les autres immeubles alentour sont de la famille des gratteciels, comme le reste du quartier, ils comportent des programmes
de divertissement et d’achat. Ils s’organisent majoritairement
verticalement. Au contraire du Miharabashi Center qui est longitudinal.
Pages suivantes :
20408 (haut gauche) façade nord de
l’entrée nord.
20409 (bas gauche) façade sud de l’entrée
nord.
20410 (haut droite) façade sud de l’entrée
sud.
20411 (bas droite) façade nord de l’entrée
sud.
Relation au contexte physique
La différence d’échelle est très visible. Le reste du paysage a beaucoup
changé et grandi en cinquante ans.
La symétrie des deux bâtiments aux extrémités participe aussi à son
aspect atypique. Le reste de la substance construite étant composée
de bâtiment très variés, tous unique en taille, dimension et style.
Étant l’oeuvre d’un architecte moderne, il n’est pas étonnant que ce
complexe ait marqué sa place avec plus de force sur la trame urbaine
locale que les autres hybrides étudiés. En effet les deux bâtiments
jumeaux, formant des parenthèses autour de la rue centrale
détournent la rue perpendiculaire. L’arrière arrondi des deux entrées,
divise cette rue et la fait passer de chaque côté, comme un cours
d’eau, et par-dessous dans le passage souterrain.
Il créé des remous dans les flux urbains. La rue porte la trace d’un
événement spécial, mais ce n’est qu’en descendant que l’on découvre
ce monde à part.
Domaines
A - infrastructure publique
B - architecture privée ouverte au public à but lucratif
C - architecture privée ouverte au public à but lucratif
D - architecture privée ouverte au public à but lucratif
Temporalités
Hybridation simultanée :
Le bâtiment on le sait, a été planifié d’un seul geste par l’architecte
Tsuchiura. Donc l’hybride est un système complet réalisé en une fois.
Les propriétaires ont peut-être changé au fil du temps, mais
l’hybridation est toujours la même et fonctionne comme à l’origine.
Utilisations temporaires et à la fois constantes :
Le passage public, sert constamment à traverser la rue. Les
commerces, les lieux de restaurations et le cinéma ont leur propre
rythme. C’est une petite rue commerçante cachée en sous-sol.
Cet hybride est un exemple vraiment spécial avec beaucoup d’histoire.
20412 Coupe schématique transversale.
LES PETITS HYBRIDES 115
20413 Ruelle souterraine. Cinémas à
droite. Bars à saké à gauche.
C’est le deuxième passage souterrain encore existant, le plus vieux
du Japon40.
Il est l’exemple d’un petit morceau de ville, d’une autre époque,
préservé dans un lieu isolé par le changement de niveau du reste de
la ville. Le cinéma Pathos qui occupe la moitié de l’espace souterrain
est un cinéma connu à Tokyo pour être spécialisé dans les films d’art
et de films hollywoodien datant du début du XXe siècle.
Cet hybridation est intéressante dans son utilisation du concept de
passage souterrain, une technique beaucoup utilisée par le métro de
Tokyo. Sa particularité est d’en faire un espace public unique et non
simplement d’être un lieu de passage efficace.
C’est le dernier exemple de cette série d’architecture da-me
interrogeant la infrastructure routière et ferroviaire directement.
20414 Entrée d’un bar.
20415 Entrée d’un bar.
20416 Entrée de la salle cinéma 1.
20417 Coupe schématique dans l’axe du
passage.
116 FOUND IN TOKYO
LES PETITS HYBRIDES 117
118 FOUND IN TOKYO
LES PETITS HYBRIDES 119
Hybrides da-me, partie 2
Hybrides interagissant avec des dérivés de l’infrastructure.
120 FOUND IN TOKYO
park on park (12)
(parc sur parking)
Site : Shibuya jingumae, Shibuya-ku
Programmes : parc publique, parking
Catégorie :
Structure :
Usage :
21201
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 121
21202
21203
21204
122 FOUND IN TOKYO
Cet hybride se trouve tout près de la gare centrale de Shibuya, un
des cœurs du système de transit de Tokyo. Il s’agit d’un parc public
servant de toiture à un parking.
Ce parc, nommé Miyashita, a été créé en 1948 par la municipalité
entre la Ligne Yamanote provenant de la gare de Shibuya et l’avenue
Meiji Dori. En 1960, avec l’essor économique et la prolifération des
voitures, le parc fut surélevé et l’espace ainsi dégagé fut transformé
en parking couvert.
Dans les années 1990, au moment où l’Atelier Bow-Wow s’y intéresse,
ce parc était perçu par la population un peu comme une cicatrice
dans le paysage urbain. Il s’agit essentiellement d’un terrain sauvage
peuplé par des sans abris. Voilà l’hybride tel qu’il a été relevé dans
Made in Tokyo.
Autour de 2008, des plans ont été dressés pour rénover ce parc. C’est
d’ailleurs l’Atelier Bow-Wow qui a reçu le mandat. Il y a eu toute une
controverse autour de ce projet. Il fut financé par l’entreprise Nike.
Cela amena beaucoup de protestations. Le projet était de nettoyer le
parc et d’installer toutes sortes de structures sportives qui pourraient
être louées par les usagers. Une partie de la population locale protesta
que le parc était vendu au consumérisme et qu’il ne deviendrait qu’un
lieu de consommation et non plus un espace public accessible par
tous.
Lors de la visite de cet hybride en 2012, le projet était terminé et le
parc, ainsi que le parking, était utilisés. Le projet avait l’air d’avoir
réussi, car il semblait plein de vie. La plus grosse protestation fut
contre le changement du nom pour y inclure le nom de l’entreprise
Nike. Ce fut abandonné après un compromis avec les manifestants41.
Genre d’hybride
Écosystème compact de catégories variées, coexistantes
A sol construit - parc public
B structures sportives - installations Nike
C infrastructure de stationnement - parking couvert
D infrastructure piétonne - passerelles
Forme
La première tactique formelle employée est la superposition.
C’est le principe mis en place dans les années 1960. On dédouble la
surface de la parcelle pour y gagner la place d’y mettre un parking.
La deuxième tactique est celle de connecter le parc, à travers des
passerelles, escaliers et un ascenseur, aux divers surfaces piétonnes
dans ce croisement routier important.
La troisième tactique, apparue au moment de la rénovation, est
l’exploitation de la surface supérieure du parc pour y installer des
structures sportives pour diversifier et dynamiser l’aménagement du
parc.
Échelles
A - échelle locale, humaine
Le parc placé sur l’espace résiduel entre une route et des chemins de
LES PETITS HYBRIDES 123
fers, correspond bien à la morphologie d’espaces que l’on retrouve
souvent dans Tokyo. Il opère malgré tout une rupture d’échelle entre
son plateau longitudinal, sa végétation et ses installations sportives
et les bâtiments très hauts et minces de ce quartier d’affaire autour
de la gare.
B - échelle humaine
Les structures sportives ajoutées par la suite, sont de petites tailles
car le plan très élancé du parc ne permet pas d’occuper des surfaces
très larges. Ces installations sont à l’échelle du parc. On y retrouve
des programmes faciles à compacter, comme un mur de grimpe ou
skatepark.
C - Le parc a beau être étroit au sens paysager et urbain du terme, il
reste que le parking est relativement profond à l’échelle d’une voiture.
Il ne possède qu’une voie centrale et donc les employés du parking
doivent garer les voitures en file indienne pour parquer efficacement
les véhicules.
D - échelle urbaine, humaine
Ce genre de passerelles piétonnes urbaines permettant de traverser
de grands axes routiers sont très courant des les villes asiatiques
comme Tokyo. Elles correspondent à l’échelle de l’infrastructure
locale.
Relation au contexte typologique
Ses dimensions déforment la notion classique des parcs qui sont
souvent de dimensions plus équilibrées. Ils sont aussi généralement
bien plus grands. Ce parc est symptomatique d’un contexte urbain
très dense où le moindre espace peut être exploité pour pratiquement
n’importe quel usage.
La typologie du parking s’est adaptée étrangement aux dimensions
de sa couverture, comme noté précédemment dans la partie échelle.
Les places de parc ne sont pas individuelles, se sont des longues
rangées de véhicules que le personnel du parking doit gérer.
Les installations sportives se sont aussi adaptées aux contraintes
d’un parc en forme de mince ruban. Les programmes sont soit
miniaturisés (futsal*) ou sont par nature déformables (skateboard).
Relation au contexte physique
Malgré toute sa végétation, impressionnante si l’on considère que le
tout est surélevé, l’usager du parc est relativement isolé du contexte
urbain. Seul le haut des bâtiments alentours rappelle sa situation
urbaine.
Les installations sportives, comme la végétation n’interagissent
qu’avec l’espace public du parc et ne regardent pas le contexte urbain.
Les passerelles en revanche connectent le parc aux endroits clés du
contexte, enjambant les grands axes routiers. Une passerelle plus
large connecte aussi les deux parties du parc, celui-ci étant traversé
par une route.
Cet hybride est à la fois introverti et extraverti sur le carrefour urbain.
* Futsal : variante de football en salle.
Dans le cas présent, il s’agit d’un terrain
de football réduit avec un sol artificiel dur.
124 FOUND IN TOKYO
Domaines
A - surface publique
B - installations privées en location pour le public à but lucratif
C - parking privé ouvert au public à but lucratif
D - infrastructures piétonnes publiques
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Comme on peut le constater en regardant l’histoire de ce parc,
l’hybridation fut successive. D’abord ce fut un simple champs
aménagé comme parc. Ensuite il fut surélevé pour y amener une
seconde espèce cohabitant avec les usagers du parc. Et enfin, des
installations sportives sont venues intensifier l’utilisation de l’espace
du parc dans ses trois dimensions.
Utilisation à la fois intermittente et constante :
Le parc et les installations sportives sont ouvertes la majeure partie
de la journée. Le parc en revanche est constamment en service. Les
deux couches de l’hybride ont des rythmes de vie différents.
Ce parc hybride a l’histoire mouvementée est passé d’un stade de
monde à part peuplé par les victimes de l’éclatement de la bulle
économique vivant dans la rue à un stade de parc public dynamique
très en harmonie avec son environnement énergique qu’est Shibuya.
Il conserve heureusement un peu de son isolement et de son
atmosphère d’île dans la ville perchée sur un parking.
Seule la structure est partagée activement dans cet hybride. Pourtant,
cet hybride est un bon exemple d’écosystème compact qui s’est
adapté à la réalité économique de son quartier et s’est transformé
tout en renforçant ses qualités d’hybride.
21205 Coupe
schématique.
transversale
est-ouest
LES PETITS HYBRIDES 125
21206 Plan d’orientation du parc.
21207 Vue du carrefour central depuis
passerelle piétonne.
126 FOUND IN TOKYO
21208 Vue depuis passerelle piétonne de
de l’entrée sud du parking.
21209 Passerelle centrale reliant les deux
parties du parc.
LES PETITS HYBRIDES 127
21210 Vue depuis passerelle piétonne
d’un terrain de futsal.
21211 Espace public et installation
privatisée.
128 FOUND IN TOKYO
21212 Installation de skateboard.
21213 Croisement de la route divisant le
parc et de la passerelle centrale.
21214 Passerelle piétonne nord.
LES PETITS HYBRIDES 129
21215 Voie centrale du parking couvert.
21216 Parking par service de voiturier.
Longues rangées de véhicules.
21217 Passerelle piétonne nord.
130 FOUND IN TOKYO
21218 Accès piéton ouest depuis la route
divisant le parc.
21219 Vue sur l’environnement urbain
depuis la partie nord du parc.
LES PETITS HYBRIDES 131
21220 Vue de l’espace public, partie nord
du parc.
21221 Vue direction sud depuis la
passerelle centrale.
132 FOUND IN TOKYO
21222 Mur de grimpe.
21223 Local principal pour la location du
matériel sportif.
21224 Passerelle piétonne atterrissant de
l’autre côté de Meiji Dori.
LES PETITS HYBRIDES 133
21225 Ascenseur du parc.
21226 Logements des sans-abris ont été
déplacés le long du parking sous l’escalier
principal.
134 FOUND IN TOKYO
bus housing (13)
(logement-bus)
Site : Higashi, Shibuya-ku
Programmes : terminal de bus, appartements
Catégorie :
Structure :
Usage :
21301
ON
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 135
21302
21303
21304
136 FOUND IN TOKYO
Cet hybride au sud de Shibuya est une immense barre de logement
partageant sa parcelle avec un terminal de bus.
Genre d’hybride
Il s’agit d’une hybridation de catégories similaires, coexistantes :
A infrastructure d’entretien et de stationnement - terminal de bus
B architecture - barre d’appartements
Forme
Cet hybride revient au schéma déjà vu précédemment comme dans le
cas de l’apartment station. Il s’agit d’une simple superposition.
Les deux composants ont des formes de base très différentes. Les
bus évoluent sur une grande surface plate, les habitants sont empilés
verticalement dans l’immeuble.
Le terminal de bus est une grande surface équipée de plusieurs
service permettant l’entretien des bus. L’élément décisif, faisant le
lien entre les deux composants de l’hybride, se trouve dans le parking
couvert formé par l’immeuble de logement. Il s’agit en somme du
logement des bus. Comme les appartements sont des habitations
pour êtres humains.
Cette structure accueillant les bus au rez-de-chaussée est
dimensionnée pour deux bus par travée. Cette même trame régule les
divisions d’appartements. Il y en a aussi deux pas travée. La structure
est partagée pour la même catégorie d’usage mais pas pour la même
espèce d’usagers.
Échelles
A - échelle urbaine
Il s’agit d’un terminal d’un réseau de bus de Tokyo. On peut supposer
à juste titre qu’il dessert une large zone. Ainsi la surface dédiée à
cette activité n’est pas démesurée si on la regarde sous cet angle-là.
En revanche en la comparant au tissu urbain local, c’est une grande
surface dégagée ce qui en fait une place monumentale sans en être
une.
B - échelle urbaine
La barre de logement est dimensionnée par le terminal de bus,
donc elle est aussi très haute et longue. Comme une grande surface
est dégagée, la distance d’hygiène avec l’existant est large, donc le
bâtiment peut s’élever très haut. Il dépasse donc l’échelle locale.
Relation au contexte typologique
La partie de logement possède la même minceur que n’importe quel
bâtiment de logement l’entourant. Seulement cette typologie de petit
appartement est répétée sur une longue distance. Il s’agit presque
d’un bloc moderniste sur un fond de petits bâtiments dépareillés.
Le reste de l’espace est complètement dimensionné pour les bus, une
espèce relativement rare à Tokyo si on compare les autres formes de
transport public, les piétons et les voitures. Comme il s’agit du terminal,
cela veut dire qu’il n’y a pas d’autres zones de rassemblement de bus
dans les parages. Il s’agit d’une typologie unique à cet endroit-là.
21305 Vue de l’immeuble depuis le sud.
21305 Vue de la circulation verticale des
logements.
LES PETITS HYBRIDES 137
Relation au contexte physique
Le terminal de bus forme une sorte de lac artificiel séparant la barre
de logement du reste du contexte. Il est d’ailleurs longé sur un des
côté par la rivière Shibuya, nécessitant une passerelle pour rejoindre
l’axe routier passant sur le côté ouest du bâtiment.
De même un petit chemin au nord du bâtiment permet d’accéder au
bloc de circulation verticale desservant les logements.
Le programme du terminal s’étale principalement en deux dimensions
sur la surface qui lui est dédiée. Il s’agit d’un lieu technique pour
l’entretien et le stationnement de machine, donc il n’y a aucune
volonté architecturale de dialoguer avec le contexte. Un simple muret
ou un grillage par endroit sépare l’espace public de la zone réservée
au bus.
Domaines
A - infrastructure privée
B - architecture privée
21306 Installations d’entretien des bus.
Temporalités
Hybridation simultanée :
Les deux parties de l’hybride dépendent et sont régulées par une
même structure. On peut donc conclure que les deux usagers ont eu
une influence similaire sur l’hybridation.
Utilisation intermittente :
Les deux composants de cet hybride sont des formes de logement
pour deux espèces différentes cohabitant en milieu urbain. Les
horaires d’utilisation sont relativement similaires. Les gens rentrent
chez eux plus ou moins en même temps que les bus terminent leur
service et rentrent au terminal.
Cet hybride combine des usagers d’espèce différentes qui s’influencent
mutuellement. Au contraire de l’exemple de l’electric passage où la
structure du pont ferroviaire dictait les dimensions des commerces
en-dessous, ici il s’agit du programme du niveau inférieur qui dicte
la croissance de la structure. De même il s’agit des dimensions d’un
véhicule et non d’une infrastructure de transit sur laquelle circule
d’autres moyens de transports.
21307 Coupe
schématique.
transversale
est-ouest
138 FOUND IN TOKYO
21308 Vue de l’hybride depuis la ruelle
derrière les chemins de fer suspendus de
la ligne Toyoko.
21309 Entrée de l’immeuble au nord pour
les habitants.
LES PETITS HYBRIDES 139
21310 Vue de l’hybride depuis le nord.
21310 Vue depuis l’entrée nord du
terminal de bus.
140 FOUND IN TOKYO
21311 Vue de la façade nord de
l’immeuble.
21312 Vue de la passerelle des bus
traversant la rivière Shibuya à l’est du
bâtiment.
21313 Passage reliant la passerelle avec
la zone d’entretien des bus.
LES PETITS HYBRIDES 141
21314 Logement des bus sous les
appartements.
21315 Zone d’entretien des bus avec
parking couvert et non-protégé.
142 FOUND IN TOKYO
golf taxi building (14)
(bâtiment golf taxi)
Site : Meguro, Meguro-ku
Programmes : structure d’entrainement au golf, bureau des taxis,
garage d’entretien des taxis, parking pour taxis
Catégorie :
Structure :
Usage :
21401
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 143
21402
21403
21404
144 FOUND IN TOKYO
Cet hybride se trouve sur le bord de la rivière Meguro dans le district
de Meguro, à l’est du palais impérial.
Beaucoup d’installations sportives à Tokyo sont contenues par des
filets de couleur verte. Il s’agit d’une protection nécessaire de l’espace
urbain contre les balles perdues. Quand on regarde le tissu urbain,
on peu repérer ces volumes sportifs sur la ligne d’horizon de la ville.
Cet hybride utilise ce genre de volume et en fait un événement au
bord de la rivière.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A volume sportif - filet pour balles
B structure sportive - stand de golf
C architecture pour véhicules - garage pour taxi
D infrastructure de stationnement - parking pour taxi
Forme
Cet hybride utilise deux tactiques formelles : superposition et
juxtaposition horizontale.
La plus grande moitié de l’hybride est dédié aux véhicules au niveau
inférieur et aux balles de golf au niveau supérieur.
L’autre partie, plus fine, permet au niveau inférieur aux employés de
travailler à l’entretien des taxis et à l’étage supérieur aux sportifs de
s’entraîner au golf. La présence des êtres humains n’est possible que
dans la petite partie. L’autre est réservée aux deux autres espèces
utilisant l’hybride.
Le parking pour taxi est lui-même superposé en deux couches de
structures en acier pour accueillir plus de véhicules de la compagnie.
La catégorie sportive se base en général d’une part sur une surface,
avec des marquages, sur laquelle les sportifs se déplacent, et d’autre
part sur un volume délimité dans l’espace dans lequel évoluent les
différents accessoires employés dans le sport pratiqué.
Dans le cas de cet hybride, le filet vert est la projection de l’espace
des tirs des golfeurs. Cette forme délimite des trajectoires possible
en les arrêtant avant qu’elles ne sortent de la parcelle. La pente du
filet permet aussi de récupérer les balles revenant en roulant vers la
galerie où se trouvent les sportifs.
Échelles
La composition des différentes parties forme un carré parfait en plan,
se pliant légèrement pour suivre la courbe de la route.
Pour la surface qu’elle occupe elle n’est pas très haute. Tout de
même le gigantesque filet vert dépassant de la rangée d’arbre est un
élément non négligeable dans le paysage au long de la rivière.
Faisant face à un grand vide dans l’espace urbain, la forme de l’hybride
s’évase avec le filet pour accommoder les tirs des golfeurs. C’est
relativement sans conséquence directe pour son implantation dans
le contexte, car il n’est pas bordé de ce côté là par des constructions.
21405 Vue depuis le chemin longeant la
rivière, bordé d’un côté par une rangée
d’arbre et de l’autre par le parking pour
taxis.
21406 L’entrée à l’étage supérieur.
LES PETITS HYBRIDES 145
Le front bâti sur la route au nord du bâtiment est de même niveau que
les habitations auquel il fait face. De cette façon le bâtiment est ancré
à l’échelle du tissu urbain.
Relation au contexte typologique
Dans ces environs, on retrouve un nombre assez élevé de structures
sportives aériennes. En général elles emballent le volume au-dessus
de terrains de sports. Dans le cas présent, le volume d’air délimité par
le filet n’est présent que pour récolter les balles de golf tirées depuis
la galerie d’entraînement au-dessus du garage. C’est un espace
virtuel, habité par les balles uniquement.
La proportion d’espace dédié aux humains est très réduite par rapport
à un bâtiment classique avec les même programmes.
La structure en métal du parking ainsi que les locaux du garage
en béton, ne sont pas des typologies rares. Cependant la structure
est relativement étendue. Généralement il s’agit de structures de
stationnement glissées entre deux bâtiments ou un autre espace
résiduel de la même famille. Dans le cas présent cette infrastructure
forme la base de l’hybride.
21407 Coupe est-ouest schématique.
Relation au contexte physique
Le tissu urbain de ce quartier est assez aéré si on le compare avec
une zone plus proche du centre. Il s’y trouve en effet plusieurs parcs
et établissements scolaires. Ces grandes structures ont tendance à
distancer un peu le volume bâti, habituellement fragmenté en une
multitude de petites constructions serrées.
Du coup le volume de l’hybride émergent au-dessus du niveau bâti ne
se confronte pas avec beaucoup de solide. Sachant que cet ensemble
est en grande partie fait de vide mis en cage, il aurait été intéressant
de la mettre plus en relation avec des structures en dur.
Domaines
A - volume inaccessible
B - structure sportive privée ouverte au public à but lucratif
C - architecture privée
D - infrastructure privée
Temporalités
Hybridation simultanée :
Les structures des différentes parties sont toutes aussi différentes
que leur fonction. Chacune des moitiés horizontales de l’ensemble
partagent une même structure. En béton pour la partie humaine et en
acier pour l’autre partie. Il est donc probable que le tout ait été réalisé
d’un seul tenant.
Utilisation intermittente :
Étant un hybride composé de parties privées, les plages horaires de
fonctionnement définissent le rythme de vie de l’ensemble. Sachant
qu’il est partagé entre deux activités sans rapport, les rythmes sont
probablement déphasés.
21408 Entrée des
compagnie de taxi.
bureaux
de
la
146 FOUND IN TOKYO
Le soir le filet est illuminé. Il devient alors un volume vert flottant audessus de l’eau. Son irréalité est encore accentuée pendant la nuit.
Cet hybride est un patchwork de structures dédiées à des usagers de
nature très différentes. Il est partagés en deux activités, elles-mêmes
scindées en deux. Cet ensemble montre la cohabitation possible
d’espèces variées sans notion de hiérarchie. Chacun occupe la place
la plus sensée pour sa nature. La légèreté du tout en fait un objet
spécial au bord de la rivière.
21409 Vue de l’hybride depuis l’autre rive.
21410 Vue de l’hybride depuis la rue
passant à l’est du bâtiment.
LES PETITS HYBRIDES 147
21411 Vue de l’hybride depuis la rue
passant à l’est du bâtiment.
21412 Vue de l’entrée du garage pour
taxis.
148 FOUND IN TOKYO
21413 Vue du parking depuis le bord de la
rivière Meguro.
21414 Parking pour taxis vus depuis le
sud.
LES PETITS HYBRIDES 149
21415 Vue de la galerie d’entraînement
sur les taxis garés.
21416 Vue en direction du nord de la
rivière Meguro.
150 FOUND IN TOKYO
car tower (16)
(tour de voitures)
Site : Higashi-oi, Shinagawa-ku
Programmes : showroom, bureaux, ateliers, parking, garage
Catégorie :
Structure :
Usage :
21601
OFF
ON
ON
LES PETITS HYBRIDES 151
21602
21603
21604
152 FOUND IN TOKYO
Cet hybride est à Shinagawa en bordure de la zone industrielle sur
des polders donnant sur la baie de Tokyo.
C’est une zone encore principalement composée d’immeubles
résidentiels. Plus au sud, les véhicules lourds se multiplient avec la
prolifération des programmes industriels. Ce bâtiment hybride est
déjà un signe avant-coureur de l’ingéniosité industrielle employée
par l’industrie locale pour densifier l’accès, le stockage et le travail
des camions.
Dans le cas présent il ne s’agit encore que d’un garage concessionnaire
d’automobiles pour la marque Nissan. Son langage architectural
rappelle beaucoup la construction pragmatique industrielle.
Genre d’hybride
Écosystème d’activités de catégories différentes, mais d’usages
complémentaires, dans un même emballage :
A architecture - salle d’exposition
B architecture - bureaux
C architecture infrastructurale - atelier de réparation
D infrastructure de stationnement - garage
Forme
Ce bâtiment est composé en deux parties accolées.
La partie officielle, contenant les bureaux et la salle d’exposition des
voitures à vendre, se trouve au bord de la rue Wangan. C’est un petit
volume plein de fenêtres où les humains et les voitures cohabitent.
La deuxième partie est le plus gros volume du bâtiment. Il s’agit des
fonctions de réparation, entretien et stockage des véhicules. Ces
différentes activités toutes au service de la voiture sont empilées les
unes sur les autres.
La particularité de ce bâtiment est d’avoir choisi d’utiliser un outil
de l’infrastructure, la route, comme circulation verticale. En effet
un morceau de chaussée s’envole et s’enroule autour du plus gros
volume. Ainsi les véhicules ont leur propre rampe d’accès donnant à
chaque étage.
La déformation de cette infrastructure autour d’un volume cubique a
forcé la rampe à tourner à angle droit à la fin de chaque façade. Pour
que ce ne soit pas un problème pour les voitures, des miroirs sont
présents à chaque angle (figure 21605).
Cette circulation est aussi proche de la famille de l’escalier que de
celle de la route.
Les surfaces horizontales libres, telles que la toiture du volume
dédié aux véhicules et la toiture des bureaux, étant reliés à la rampe,
servent de parking à ciel ouvert.
Échelles
A et B - ces deux fonctions contenues dans le petit volume donnant
sur la route principale, est à l’échelle humaine. Il est passablement
plus bas que les immeubles alentours.
LES PETITS HYBRIDES 153
C et D - la tour pour voiture, comme le nomme l’Atelier Bow-Wow,
utilise toute la hauteur autorisée par le quartier. Il abrite ses fonctions
dédiées aux voitures dans le volume maximal possible. Son échelle
est en accord avec les immeubles adjacents. Seule la rampe en
spirale l’entourant le dénote.
Relation au contexte typologique
Cet hybride se trouve dans une partie du district de Shinagawa
où l’on retrouve encore beaucoup de bâtiments résidentiels. Il
opère un renversement des proportions entre les deux espèces
principales d’un bâtiment urbain. Dans le cas présent, les véhicules
sont considérablement plus nombreux que les êtres humains.
C’est probablement diamétralement l’inverse des proportions d’un
immeuble de logement.
La typologie de la route est déformée pour devenir une circulation
verticale réservée aux véhicules autour du bâtiment.
Relation au contexte physique
Le petit volume se déforme avec l’axe de la route. La salle d’exposition
s’ouvre directement sur l’espace public pour y attirer des clients.
La chaussée permettant de circuler autour du bloc réservé aux
voitures est clos par un muret, le coupant ainsi du domaine public.
La spirale d’accès aux étages supérieurs agit comme un large balcon
distançant le volume de la façade de l’alignement des autres volumes
du contexte urbain.
Domaines
A - architecture privée ouverte au public à but lucratif
B - architecture privée
C - architecture infrastructurale privée
D - infrastructure privée
Temporalités
Hybridation simultanée :
Cette tour dédiée à la voiture, a été très probablement dessinée et
réalisée en un seul geste. Le volume est clairement défini et son
enveloppe est cohérente.
Utilisation intermittente :
Il s’agit d’une entreprise privée, donc le rythme de vie de cet hybride
est dicté par les heures de travail. Comme tout le bâtiment et ses
différents usages sont tous concentrés sur un travail commun, les
rythmes internes sont tous synchronisés.
Cet exemple est le premier cas de la visite manipulant franchement le
langage de l’infrastructure à des fins privés.
Généralement les parkings superposés au Japon utilisent des
ascenseurs à voiture, mais on peut supposer dans ce cas-là que la
rampe ne devait pas compter dans la surface d’occupation du sol et
donc permettait de maximiser le volume de la tour.
154 FOUND IN TOKYO
Cela génère un événement particulier dans l’espace urbain quand
une autre espèce (les voitures) habitent un volume leur étant dédié
au même niveau que les autres immeubles dédiés aux êtres humains
en utilisant des techniques de l’infrastructure pour arriver à une
architecture basée sur le véhicule.
21605 Miroirs pour virages de la rampe.
21606 Vue depuis le nord dans la ruelle à
l’arrière du bâtiment.
LES PETITS HYBRIDES 155
21607 Vue depuis le sud dans la ruelle à
l’arrière du bâtiment.
21608 Coupe est-ouest schématique.
156 FOUND IN TOKYO
21609 Vue de la façade des bureaux et de
la salle d’exposition depuis l’autre côté de
la route principale.
21610 Circulation du côté sud autour de la
tour pour voiture.
LES PETITS HYBRIDES 157
21610 Vue de l’hybride depuis le sud de la
rue principale.
21611 Circulation du côté nord autour de
la tour pour voiture.
158 FOUND IN TOKYO
double layer petrol station (28)
(double station-service superposée)
Site : Nishishinjuku, Shinjuku-ku
Programmes : station-service, bureaux
Catégorie :
Structure :
Usage :
22801
ON
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 159
22802
22803
22804
160 FOUND IN TOKYO
Cet hybride est en plein coeur du quartier de Shinjuku, un des quartiers
les plus animés de Tokyo, où siège notamment le gouvernement
métropolitain.
Dans cette zone, proche des tours de Kenzo Tange, les axes routiers
sont très divisés. Ils sont alternativement superposés les uns sur les
autres. Il y a moins de carrefours classiques et plus de ponts.
C’est dans une ce des situations de superposition routière que cet
hybride profite pour se greffer sur deux niveaux différents.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A architecture - bureaux
B infrastructure d’entretien - station-service
Forme
Au croisement d’un pont routier et d’une avenue, ce bâtiment
superpose deux stations-service. Celle du niveau inférieur s’oriente
vers l’avenue et celle du niveau supérieur donne sur la route surélevée.
Le troisième niveau de superposition est occupé par les bureaux. Un
programme très courant dans le quartier.
22805 Vue de l’hybride depuis le nord.
Échelles
La double station-service est composée de deux parties de taille
modeste. La zone étant essentiellement peuplée de gratte-ciels, la
plupart des programmes s’organisent verticalement. La stationservice fonctionne alors en accord avec son environnement, au lieu
de s’étaler. Sachant que c’est une activité ciblée sur les véhicules, ces
deux espaces n’ont pas besoin de beaucoup d’hauteur. Cela permet
aux bureaux d’occuper toute la partie supérieure en atteignant la
hauteur maximale autorisée du bloc dans lequel l’hybride se trouve.
Relation au contexte typologique
Typologiquement il s’agit d’une petite tour. L’hybride se fond donc bien
dans la masse construite de son contexte. Seul le dédoublement et la
superposition de la partie service du bâtiment sont une déformation
de la station-service classique.
Relation au contexte physique
C’est justement le contexte construit qui produit cette réaction
de la part de la station-service. Les deux axes routiers bordant la
parcelle de la tour étant à des niveaux différents, et sa situation
étant avantageuse par rapport au reste du quartier, le programme
commercial de service s’est adapté.
Domaines
A - architecture privée
B - infrastructure d’entretien privée ouverte au public à but lucratif
22806 Station-service inférieure.
LES PETITS HYBRIDES 161
Temporalités
Hybridation simultanée :
Pour la réalisation de la double station-service et de l’immeuble
de bureaux par-dessus, il a fallut un effort concerté. En effet les
installations infrastructurelles nécessaires pour les garages ont du
être planifiées dès le départ. On peut donc considérer que cet hybride
est apparu d’un seul coup.
Comme on peut le constater en comparant la photographie prise dans
les années 1990 par l’Atelier Bow-Wow (figure 22803) et celles prises
pendant le voyage en 2012 (figure 22806), on peut que la station a
changé de propriétaire (de Nisseki à Eneos). Son fonctionnement n’a
apparemment pas changé.
Utilisation intermittente :
Les bureaux ont leur propre plages horaires de fonctionnement.
Les deux stations-service aussi. Il est cependant intéressant de
remarquer que les deux stations ont des heures d’ouvertures
différentes d’un étage à l’autre.
Les rythmes au sein de cet hybride sont très variés, même entre les
parties ayant un même usage.
22807 Station-service supérieure.
Cet hybridation est moins complexe que la plupart des autres
exemples. Il s’agit pourtant d’une réaction à un environnement
particulier marqué par la troisième dimension. C’est un bâtiment très
discret qui se conforme bien aux usages architecturaux du quartier.
Pourtant il met en place une tactique simple et efficace pour exploiter
les opportunités et les contraintes de son environnement.
22808 (gauche) Vue de la rue inférieure.
22809 (ci-dessous)
schématique.
Coupe
est-ouest
162 FOUND IN TOKYO
22810 Vue depuis le côté ouest du pont
routier.
22811 Vue sur la station-service
supérieure depuis le côté nord de la rue
supérieure
LES PETITS HYBRIDES 163
22812 Vue sur la partie bureaux depuis le
côté nord-ouest du pont routier.
22813 Vue sur la station-service inférieure
depuis le côté ouest de la rue inférieure.
164 FOUND IN TOKYO
super car school (29)
(super auto-école)
Site : Kanamachi, Katsusika-ku
Programmes : supermarché, auto-école
Catégorie :
Structure :
Usage :
22901
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 165
22902
22903
22904
166 FOUND IN TOKYO
Cet hybride se trouve au nord-est de Tokyo dans le district de
Katsushika. Se trouvant plus dans la périphérie du Grand Tokyo, la
zone est moins dense. On y retrouve quelques surfaces dégagées
servant de parking ou de petites zones industrielles.
Ce bâtiment se retrouve le long d’une des rues principales au nord de
l’arrêt Kanamachi sur la ligne Joban. Il combine une auto-école et son
circuit d’entraînement, avec un vaste supermarché.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A structure commerciale - supermarché
B infrastructure commerciale - circuit d’auto-école
22905 Entrée du supermarché.
Forme
Le site de l’hybride est délimité d’un côté par la courbe d’un chemin
de fer, et les rues du quartier de l’autre côté.
Le bâtiment est le résultat de l’extrusion directe de la forme du site.
Il se compose ensuite par couches. Deux strates de supermarché,
recouvertes en toiture par le circuit de conduite et les bâtiments de
l’auto-école.
Échelles
Autour de la gare, le tissu urbain a une atmosphère de petit village.
Cet hybride par son étalement vaste oppose un front bâti continu aux
multitudes de petites constructions fragmentées en face. C’est un
genre de façade rare à Tokyo. L’échelle de l’hybride est en décalage
avec celle du tissu urbain local. Au niveau de sa hauteur, il reste dans
les normes des constructions locales.
Relation au contexte typologique
Typologiquement, la rupture d’échelle est aussi sensible. Le grand
supermarché sur deux étages est à l’opposé des petits commerces
de quartier qui lui font face.
Un aspect intriguant de l’hybride est l’utilisation de la typologie et du
langage de la chaussée publique sur sa toiture. En effet depuis la rue,
on peut observer des lampadaires éclairant la toiture du bâtiment.
C’est un morceau d’infrastructure privée utilisant les mêmes outils
que l’infrastructure publique.
Relation au contexte physique
Ce complexe commercial s’étend sur une large parcelle, qui a du être
rachetée petit bout par petit bout. On peut observer d’ailleurs dans
son plan masse trois terrains qui n’ont pas pu être rachetés. Ces
petits bâtiments sont maintenant encadrés par la forme de l’hybride
(figure 22904).
L’arrière dégagé n’est pas confronté à des constructions. Tout ce
qu’on y trouve est un parking et un terrain vague. On peut y apprécier
l’étendue de l’hybride. Cette façade, étant libre et visible depuis la
ligne de train Joban, elle est utilisée comme surface d’affichage.
22906 Entrée technique du supermarché.
22907 Rampe d’accès au circuit de l’autoécole.
LES PETITS HYBRIDES 167
Domaines
A - structure commerciale privée
B - infrastructure privée
Temporalités
Hybridation simultanée :
L’infrastructure de la toiture étant assez travaillée, on peut émettre
l’hypothèse que cet hybride a été réalisé d’un seul tenant. Non
seulement le tracé et la présence d’éclairages routiers nous fait dire ça,
mais l’installation de la rampe d’accès et les rampes d’entraînement
au démarrage en côte sont des indices importants.
Utilisation intermittente :
Comme on peut le supposer avec la plupart des hybrides exploités
pour des activités privées, son utilisation n’est pas constante et
correspond à des horaires de travail usuels. Les deux programmes
partageant la même structure et étant de tous les deux de catégories
commerciales travaillent cependant avec des biens différents. Et
donc on peut supposer que leur rythme de fonctionnement de ne sont
pas synchronisés.
22908 Enseigne du supermarché autour
des bureaux de l’auto-école.
Il s’agit de nouveau d’un exemple complètement privé. Son utilisation
de l’infrastructure se fait pour y accommoder la présence et
l’utilisation de véhicules sur sa toiture dans une activité à but lucratif.
Les deux parties composant l’hybride sont introverties. Le
supermarché concentre le regard de ses clients sur ses produits et
l’auto-école concentre le regard de ses élève sur le circuit. Les deux
programmes, partageant la même structure, sont contraints dans
leur dimension par l’étalement du bâtiment.
22909 Coupe
schématique.
transversale
est-ouest
168 FOUND IN TOKYO
22910 Vue sur l’hybride depuis la rue
principale venant de la gare.
22911 (gauche) Vue aérienne de l’hybride,
affichée sur la façade arrière du bâtiment.
22912 Plan d’accès pour les élèves de
l’auto-école.
LES PETITS HYBRIDES 169
22913 Coin nord de l’hybride.
22914 Vue de l’hybride depuis l’autre côté
du terrain vague à l’ouest du bâtiment.
170 FOUND IN TOKYO
car parking office (55)
(bureaux pour véhicules)
Site : Ginza, Chuo-ku
Programmes : bâtiment-parking, restaurant
Catégorie :
Structure :
Usage :
25501
ON
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 171
25502
25503
25504
172 FOUND IN TOKYO
Cette petite tour se trouve en plein Ginza non loin des grands magasins
logés sous l’autoroute. Elle est placée à l’angle d’un des blocs de
la grille orthogonale du quartier. Malgré son apparence, il a servi
principalement de structure de parking avec des restaurants au rezde-chaussée. En Août 2012 cet hybride n’accueille plus de voitures.
Les entrées du parking ont été bouché par de nouveaux restaurants et
autres commerces. Les étages sont probablement désaffectés. Chose
étonnante pour un quartier si attractif que Ginza. Il y a probablement
des plans de rénovation ou de démolition en chemin.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride unitaire abritant deux usages différents dans une
même structure :
A architecture commerciale - restauration
B architecture infrastructurelle - parking dans l’immeuble
Forme
La structure en béton et en acier est uniforme sur l’entier du bâtiment.
Elle soutient de la même manière les étages dédiés aux véhicules que
ceux dédiés aux restaurants.
Fonctionnant comme un immeuble classique, il empile simplement
les planchers, accueillant dans ce cas là deux usages bien différents.
Échelles
L’hybride se fond parfaitement dans le bloc bâti. La trame de sa
façade correspond à celle de ses voisins.
L’autre indice de son hybridation, à part les véhicules que l’on
pourrait entr’apercevoir dans les étages supérieurs, est le cylindre de
l’ascenseur à voiture dépassant de la toiture.
Relation au contexte typologique
Typologiquement c’est un bâtiment tout-à-fait similaire à ceux de son
environnement. Ceux principalement des immeubles comptant entre
6 et 10 étages en moyenne et contenant des bureaux ou des surfaces
commerciales. C’est le cas de cet hybride, sauf que la partie bureau
n’est pas dédiée aux être humains, mais à leur véhicule.
Relation au contexte physique
Son intégration au contexte est évidente. La partie supérieure
du volume du bâtiment comporte un chanfrein suivant l’angle
déterminant la hauteur autorisée des bâtiments depuis la rue. La
trame de la façade et ses matériaux sont urbains et dans le même
registre que la majeure partie des constructions du quartier.
Les restaurants sont placés sur l’angle du bâtiment, leur donnant
ainsi la place la plus avantageuse pour leur activité commerciale.
Domaines
A - architecture privée ouverte au public à but lucratif
B - architecture infrastructurale privée ouverte au public à but lucratif
25505 Vue de la partie restaurant à l’angle
du bâtiment.
LES PETITS HYBRIDES 173
Temporalités
Hybridation simultanée :
Ce bâtiment est une structure cohérente qui a été probablement
construite en un seul geste. Ses deux voisins immédiats ont une
structure de façade très similaire, il est fort possible qu’ils datent de
la même époque, malgré le fait qu’ils appartiennent à des parcelles
différentes.
Utilisation à la fois intermittente et permanente :
Autrefois, le parking devait être accessible en permanence. Aujourd’hui
n’étant plus accessible, seuls les commerces aux étages inférieurs
sont actifs. Ceux-ci continuent leurs ouverture intermittente, comme
la plupart des surfaces commerciales. Les rythmes internes de cet
hybrides dépendent de chaque partie et ne sont pas uniformes.
Voici un hybride bien déguisé dans l’environnement très développé
de Ginza. Il a l’apparence et remplit les fonctions d’un immeuble de
bureaux et de commerces. La grande différence réside dans ses
habitants. Les humains en bas au contact de la ville et les véhicules
aux étages au même niveau que les bureaux et les commerces dans
les bâtiments alentours. L’infrastructure de stationnement est traitée
comme de l’architecture. Il n’y a pas de hiérarchie entre les véhicules
et les gens. Dans un milieu aussi dense que Tokyo, un parking est
pratiquement plus rentable qu’un immeuble de logement. C’est peutêtre l’une des raisons de l’hybridation de ce bâtiment dans un quartier
tel Ginza, où les parcelles valent de l’or.
25506 Le bâtiment suit la trame des
bâtiments voisins, tout en étant d’une
toute autre catégorie.
25507 Coupe est-ouest schématique.
174 FOUND IN TOKYO
25508 Vue sur l’hybride depuis l’hybride
du grand magasin sous l’autoroute.
25509 Façade sud-ouest.
LES PETITS HYBRIDES 175
25510 Façade sur rue l’hybride.
176 FOUND IN TOKYO
vegetable town (59)
(ville de légumes)
Site : Kitashinjuku, Shinjuku-ku
Programmes : marché de légumes en gros, parking, commerces liés
Catégorie :
Structure :
Usage :
25901
OFF
ON
ON
LES PETITS HYBRIDES 177
25902
25903
25904
178 FOUND IN TOKYO
Au nord du district de Shinjuku, au milieu d’un quartier majoritairement
résidentiel, cet hybride s’étend telle une nappe de bitume.
Cette structure est le dernier exemple analysé d’hybride combinant
des dérivés de l’infrastructure. Il est connu sous le nom de Yodobashi,
c’est un marché couvert vendant essentiellement des fruits et des
légumes. Il fut fondé en 1939 par la municipalité de Tokyo. C’est le
troisième plus grand marché de gros de la ville, derrière Tsukiji et
Ota*.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride combinant des catégories différentes participant
à un même usage :
A structure commerciale - marché couvert
B infrastructure de stationnement - parking en toiture
25905 Entrée nord-ouest.
Forme
Ce complexe est le résultat de la déformation de la chaussée sur ce
site pour la dédoubler en formant ainsi un marché couvert par un
grand parking. De nombreuses rampes relient les niveaux à différents
endroits. L’ensemble est ainsi accessible par piétons et véhicules
venant de toutes les directions.
La structure porteuse partagée entre les niveaux est assurée par
des colonnes qui accueillent aussi un système de ventilation pour
éliminer les odeurs des fruits et des légumes crus.
Échelles
Il s’agit d’un grand marché couvert desservant une bonne partie de
l’arrondissement. Sa taille est appropriée à sa fonction. Étant un
des grands marchés de Tokyo, il peut accueillir beaucoup de monde
pendant les périodes de marché. Sa dimension est impressionnante
comparée à la petitesse des bâtiments l’entourant.
Relation au contexte typologique
Cet hybride fait partie d’un réseau plus large de distribution de
denrées alimentaires fraîches. Il ne répond pas à une typologie locale.
En revanche il a depuis le temps eu une grande influence sur les
typologies environnantes. On retrouve maintenant sur la périphérie
de nombreux petits magasins d’emballage et autres nécessités pour
l’activité du marché.
Relation au contexte physique
Le marché est accessible sur chaque côté par un portail. Il est sinon
entouré d’une grande paroi annulant ainsi toute interaction avec son
contexte immédiat. Même le petit temple situé au nord-est du marché
est à l’intérieur des murailles.
Cette structure constituée de grandes surfaces de béton superposées
ne s’élèvent pas beaucoup au-dessus du deuxième niveau. Il est donc
peu imposant en taille. C’est son étalement et son emprise au sol qui
sont hors d’échelle par rapport à son environnement.
*
http://www.shijou.metro.tokyo.jp/
english/market/yodobashi.html
25906 Bâtiments à l’ouest du marché.
LES PETITS HYBRIDES 179
Domaines
A structure commerciale privée
B infrastructure privée
Temporalités
Hybridation simultanée :
Cet hybride est le troisième grand marché aménagé à Tokyo par le
gouvernement. Il a été réalisé comme un ensemble complet en une
fois. À la différence des autres grands marchés situés dans des zones
plus industrielles, la présence de celui-ci dans un milieu résidentiel a
peut-être forcé le projet à employer des tactiques d’hybridation pour
limiter son impact et maximiser la surface à disposition.
Utilisation intermittente :
Il s’agit d’un marché professionnel où les producteurs vendent
directement leurs produits aux distributeurs et restaurateurs de
Tokyo. Il fonctionne comme le fameux marché de Tsukiji, célèbre
pour ses enchères de thon. Le marché de Yodobashi fonctionne donc
avec des horaires particuliers comme tous les lieux d’échange et de
distributions de denrées alimentaires dans Tokyo. Ce n’est pas une
structure publique, mais elle ouvre ses portes lors d’un festival ouvert
au public depuis octobre 201242.
25907 Magasin d’emballages au nord du
marché.
Ce grand marché couvert est le dernier exemple de l’architecture dame utilisant des dérivés de l’infrastructure dans son hybridation.
C’est un espace fluide obtenu par la dilatation, la torsion et la
superposition de la chaussée. Une infrastructure devient une structure
accueillant les véhicules en toiture et les produits alimentaires et les
professionnels en-dessous.
25908 Coupe est-ouest schématique.
180 FOUND IN TOKYO
25909 Face est du marché bordant la
route principale.
25910 Entrée sud.
25911 (ci-contre, haut) Entrée camion est.
25912 (ci-contre, bas) Entrée camion
ouest.
LES PETITS HYBRIDES 181
182 FOUND IN TOKYO
25913 Ruelle longeant le marché au nord.
25914 Petit temple intégré dans l’enceinte
du marché au nord-est.
LES PETITS HYBRIDES 183
Hybrides da-me, partie 3
Autres hybrides interagissant avec autres catégories.
184 FOUND IN TOKYO
ameyoko flying temple (33)
(temple flottant d’Ameyoko)
Site : Ueno, Taito-ku
Programmes : temple, commerces
Catégorie :
Structure :
Usage :
23301
ON
OFF
ON*
LES PETITS HYBRIDES 185
23302
23303
23304
186 FOUND IN TOKYO
Au sud du parc public d’Ueno, la zone d’Ameyoko est une zone de
marché en plein air. Il s’agit de petites ruelles dont les deux côtés
sont remplis de petits étalages. Ces ruelles se trouvent dans une zone
très dense de bâtiments très rapprochés longeant les rails de la ligne
Yamanote.
Le temple bouddhiste Tokudaji se trouve au milieu de cette zone. Il fait
partie de l’hybride.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un petit écosystème urbain :
A architecture religieuse - temple bouddhiste
B architecture commerciale - petits commerces
Forme
Les deux parties sont structurellement indépendantes.
Un sol artificiellement surélevé, soutenu par les commerces, sert de
base pour le temple. Un escalier occupant la largeur d’un commerce
mène au temple depuis la ruelle.
Échelles
Le temple malgré sa petite taille, reste un programme plus large que
les petits étalages donnant sur la rue. Étant isolé par la surélévation
on ne ressent pas un conflit d’échelle.
Relation au contexte typologique
Typologiquement le temple et le commerce sont très différents.
Cependant il était de tradition au Japon pour la rue menant au temple
d’être achalandée de petits magasins proposant toutes sortes de
choses aux pèlerins. Aujourd’hui ce schéma se répète en un sens
dans cet hybride. Les ruelles qu’il faut traverser depuis la gare d’Ueno
pour arriver aux escaliers du temple remplissent ce rôle traditionnel.
Dans cet hybridation les bannières du temples sont mélangées avec
celles des commerces. Une même typologie d’affichage sert aux deux
parties.
Relation au contexte physique
Le temple est peu visible depuis la rue. On ne le découvre vraiment
qu’en se plaçant en face des escaliers. Si on lit le japonais les
bannières indiquent sa présence bien avant.
C’est un endroit spécial, car cet hybride est en quelque sorte un lieu
de recueillement et d’isolement caché dans un contexte toujours très
animé et très peuplé.
D’un autre côté, le temple qualifié de « volant » par l’Atelier Bow-Wow,
a en effet une relation plus directe avec le train passant sur les lignes
de chemins de fer surélevés de l’autre côté de la ruelle.
Domaines
A - architecture publique
B - architecture privée ouverte au public à but lucratif
LES PETITS HYBRIDES 187
Temporalités
Hybridation séquentielle :
Le temple exploite un terrain artificiel formé par les commerces
en-dessous. Il est difficile de savoir qui était là en premier, on peut
simplement déduire que la forme de l’hybride actuel est le résultat
d’un processus par étapes.
Utilisation à la fois permanente et intermittente :
Le marché public que sont les ruelles de ce secteur sont actives que
pendant une certaine partie de la journée. Le parvis du temple depuis
lequel on prie reste ouvert en permanence. L’ambiance y change donc
avec le rythme et les bruits venant du bas.
Cet hybride est une endroit spécial dans une zone très dense de la
ville. Une sorte de petite oasis dans l’agitation du marché d’Ameyoko.
Une simple superposition de catégories similaires et ayant des
usages apparentés résulte en une petite écologie urbaine, héritée
d’une typologie japonaise historique.
188 FOUND IN TOKYO
23305 Ruelle d’Ameyoko longeant les
chemins de fer aériens à gauche et le
temple à droite (vue vers le sud).
23306 Ruelle perpendiculaire menant à
l’escalier du temple sur la droite (vue vers
l’ouest).
LES PETITS HYBRIDES 189
23306 Vue sur la superposition temple,
commerces en-dessous.
190 FOUND IN TOKYO
23307 Escalier d’accès au temple.
23308 Vue sur la ruelle depuis le temple.
LES PETITS HYBRIDES 191
23309 Vue sur le train depuis le temple
(vue vers l’est).
23310 Le parvis du temple.
192 FOUND IN TOKYO
shopping wall/mall (34)
(centre commercial mur)
Site : Parc d’Ueno, Taito-ku
Programmes : magasins, cinéma, parc public
Catégorie :
Structure :
Usage :
23401
OFF
ON
OFF
LES PETITS HYBRIDES 193
23402
23403
23404
194 FOUND IN TOKYO
Cet autre exemple d’hybride n’interagissant pas directement avec de
l’infrastructure est en réalité un mur de soutènement habité.
Il est situé entre une partie du parc d’Ueno formant une colline et
l’espace public devant la station de train et de métro.
L’hybride tel qu’il a été relevé par l’Atelier Bow-Wow il y a vingt ans,
était une vieille structure datant des années 1950. Ce mince centre
commercial a depuis été fermé. Il a depuis été rénové. Le nouveau
bâtiment est composé principalement de restaurants et quelques
commerces. Ces surfaces commerciales occupent trois étages
hors terre, comme dans le bâtiment original, et un nouveau soussol. Son fonctionnement est similaire à l’original, mais la version
contemporaine tout en verre est sûrement plus lucrative que
l’ancienne structure.
Genre d’hybride
Il s’agit d’un hybride de catégories variées, coexistantes :
A architecture commerciale - magasins et restaurants
B sol construit - parc public
Forme
Cet hybride fait partie de la structure du parc. Il retient la colline
tout en procurant une extension de l’espace public sur sa toiture. La
couche commerciale le long du parc procure aussi une circulation
verticale sous la forme d’ascenseurs.
L’espace vertical résiduel de la colline du parc est exploitée par cet
hybride.
Échelles
Un front bâti continu sur une telle longueur pour une hauteur de
bâtiment si basse est une chose rare à Tokyo. Cet hybride est vraiment
la matérialisation commerciale d’un élément structurel du parc.
Son échelle correspond bien à la dimension vaste du parc. Sa finesse
force les restaurants et les commerces à l’intérieur à prendre une
échelle plus humaine.
Relation au contexte typologique
L’espace public au niveau de la gare est entouré par des bâtiments
commerciaux. Un peu plus au sud on retrouve les ruelles du marché
en plein air d’Ameyoko. Cet hybride est l’extension de ce type de
programme jusque sur les flancs du parc. C’est une zone idéale par
sa situation adjacente à la gare d’Ueno.
Relation au contexte physique
Sa relation au contexte construit est claire. Il se trouve dos à la colline
et fait face à un grand carrefour sous la gare. Il s’aligne avec les
autres bâtiments dans la continuité de la limite inférieur du parc. Sa
hauteur est déterminée par l’espace public du parc au-dessus.
LES PETITS HYBRIDES 195
Domaines
A - architecture privée ouverte au public à but lucratif
B - espace public
Temporalités
Hybridation séquentielle :
D’après la situation du bâtiment et son histoire, on peut déduire qu’il
y s’agit d’une hybridation par étape. Le mur de soutènement n’a été
habité par l’hybride qu’après la création du parc.
Utilisation intermittente :
Les espaces commerciaux sont accessibles selon les horaires fixés
par les propriétaires. Le parc en revanche est ouvert en permanence.
L’hybride est activité par différents rythmes tout au long de la journée.
Cet hybride est un bon exemple de reconversion à l’identique d’une
structure dont les tactiques avaient déjà fait leurs preuves.
La plupart des autres hybrides travaillent avec des superpositions,
celui-là a la particularité, à cause de sa situation topographique
particulière de travailler à la fois horizontalement et verticalement.
196 FOUND IN TOKYO
23405 Vue sur l’hybride depuis la rue sous
les rails.
23406 Vue de l’entrée du parc et de l’angle
du bâtiment.
LES PETITS HYBRIDES 197
23407 Vue sur l’hybride depuis la rue sous
les rails.
23408 Bâtiments adjacents à l’hybride.
198 FOUND IN TOKYO
23409 Vue depuis les escaliers du parc
d’Ueno.
23410 (ci-contre) Vue en direction de la
gare d’Ueno.
23411 (ci-contre) Vue depuis le parc sur la
toiture de l’hybride.
23410 Relation de l’hybride aux murs de
soutènement originaux.
LES PETITS HYBRIDES 199
200 FOUND IN TOKYO
LES PETITS HYBRIDES 201
L’enseignement des da-me
Le premier aspect commun à tous les hybrides relevés par l’Atelier
Bow-Wow est leur apparence comique. Momoyo Kaijima et Yoshiharu
Tsukamoto en parlent comme du « sérieux ridicule* » de ces
bâtiments.
Ils les perçoivent comme une libération de tension dans un milieu
aussi dense et confus que Tokyo43.
Le second aspect commun ressenti, vient de leur qualité d’écosystème
locaux. Ils sont souvent utilisés par les habitants locaux et participent
à l’identité du quartier par leur apparence atypique44.
Cela ajoute beaucoup de variété dans un milieu urbain. Ce sont des
qualités à rechercher. Pas constamment, mais quelques cas sont
bons pour la santé mentale.
La plupart des techniques employées, ainsi que les synergies
générées sont involontaires, même pour les exemples dessinés par
un architecte connu. Ces hybrides dépassent la simple somme de
leurs éléments constitutifs.
Leur intelligence vient de leur pragmatisme. Leur qualité vient de
l’écologie complexe des aspects allumés et éteints (on/off) de leur
composition.
Il est bon de noter que la plupart de ces hybrides ont un certain âge.
Quelques constructions, comme le vegetable town (p176), remontent
à la Seconde Guerre Mondiale.
Ils sont issus d’un milieu urbain et économique qui était, dans la
plupart des cas, florissant et probablement plus libre. Il faut espérer
que cette attitude d’hybridation franche n’était pas uniquement liée à
une époque révolue et qu’elle continuera dans la biodiversité de Tokyo.
Même si c’est le cas, cela ne nous empêche pas de nous inspirer de
cette attitude saine et organique de l’architecture locale envers son
contexte urbain.
* Traduction personnelle de « ridiculous
seriousness ».
202 FOUND IN TOKYO
La fin des séparations
La première leçon générale tirée de ces hybrides et du regard de
l’Atelier Bow-Wow est l’abandon des séparations et des distinctions
entre les catégories composant le paysage urbain45.
La distinction la plus forte hérité de la planification moderne se trouve
entre l’infrastructure et l’architecture. Les autres catégories relevées
au début de la partie da-me de ce travail sont aussi dissociées
habituellement.
Le problème que pose cette vision des choses, est le fait ne pas
pouvoir envisager un lieu dans sa totalité avec tous ses composants.
Il serait bénéfique d’abandonner ces séparations si strictes pour
entretenir et régénérer notre environnement. Si les catégories
peuvent être croisées, comme le montre de nombreux exemples
relevés, on démultiplie les outils d’organisation du tissu urbain et de
son architecture.
En regardant les hybrides da-me on est obligé de se libérer de la
sur-définition de l’architecture menant toujours à des édifices
génériques46.
Le potentiel de l’infrastructure
La seconde leçon tirée des exemples présentés est celle de
« l’affordance* » de l’infrastructure. Leur capacité à lire l’infrastructure
existante et à l’exploiter pour leur bénéfice. Un bénéfice qui
devient involontairement mutuel (relation off), les parties valident
réciproquement leur forme et leur place dans le tissu urbain.
Il s’agit peut-être d’espaces que nous utilisons déjà d’une certaine
manière dans nos contrée, mais il est important de le relever :
L’espace sous une infrastructure aérienne (autoroute, chemin de fer,
pont) peut être habité : electric passage (p68), highway department
store (p74), bridge home (p104), cine-bridge (p110).
L’espace au-dessus d’une infrastructure (route, autoroute) peut être
colonisé : graveyard tunnel (p86), sports bridge (p92).
L’hybride peut se rattacher volontairement ou involontairement au
large réseau infrastructurel en se greffant dessus ou en y étant relié
par un composant : expressway patrol building (p80), apartment
station (p96).
L’hybride dépasse ainsi ses propres limites physiques en étant
connecté au reste de la ville par son réseau de transit.
Il permet aussi simplement l’incorporation de fonctions en rapport
direct avec l’utilisation de l’infrastructure, intériorisant une partie de
celle-ci.
* « L’Affordance est la capacité d’un objet à
suggérer sa propre utilisation »47.
Ce terme fut aussi employé par l’Atelier
Bow-Wow dans Made in Tokyo.
LES PETITS HYBRIDES 203
Le bâtiment n’est plus une île entourée de voies de circulation.
L’hybride devient un nœud entre la mosaïque du bâti et la toile
infrastructurelle de la ville. Un événement spécial dans la ville.
Une certaine urbanité logistique s’est développée à Tokyo. En 20
ans (de 1966 à 1988) le nombre de véhicules a été multiplié par
6,25. Par nécessité, les voitures ont pénétré le monde des humains.
Auparavant, la base du confort était la séparation des espaces de
transit et ceux de vie. Aujourd’hui, la densité a contraint le mélange
des deux. Dans ce sens, l’infrastructure s’est introduite dans
l’architecture pour permettre le développement du réseau nécessaire
aux transport. Celui-ci a profondément changé la ville. Ces exemples
d’hybrides reflètent ces changements et condensent avec élégance
ce dynamisme de la ville48.
Nos villes suisses n’ont pas de réseaux si importants, mais il est
nécessaire d’y introduire ce mélange architecture-infrastructure
pour densifier richement nos espaces urbains.
Autres espaces résiduels
La place étant limitée dans une ville dense, il est important de
pouvoir repérer et utiliser efficacement les espaces résiduels de la
production architecturale et urbaine de la ville. Comme il a été noté
précédemment l’infrastructure est une grande source d’opportunités
urbaines.
Les constructions de la ville servent chacune un objectif particulier.
En plus de répondre à une certaine demande, ces structures génèrent
naturellement de l’espace résiduel. Par exemple, les infrastructures
suspendues ont de la place en-dessous.
les autres types de constructions génèrent de grandes surfaces
verticales et horizontales. Ces façades et ces toitures sont très
souvent exploitées dans les hybrides vus précédemment.
Nous avons vue l’ameyoko flying temple (p184) qui utilise la surface
supérieure d’un ensemble de petits commerces, et le shopping mall/
wall (p192) habite un mur de soutènement.
La ville est un mélange de produits principaux, l’architecture et
l’infrastructure, et de produits secondaires, les espaces résiduels49.
Tokyo regorge de ce genres d’espaces. Le projet à Lausanne se fera en
cherchant ses espaces en surplus, oubliés et indéfinis. Les exemples
de l’architecture da-me nous permettent de les lire et d’apprendre à
les utiliser.
204 FOUND IN TOKYO
Déformations et connexions
Le pragmatisme des hybrides les a amené à développer des relations
particulières avec l’espace urbain et l’espace typologique de leur
environnement.
Ils utilisent et manipulent des langages de construction appartenant
à des catégories différentes. Certains hybrides comme le vegetable
town (p176), utilise simplement de la chaussée routière et la déforme
afin de créé tout un marché couvert accueillant des véhicules à tous
les étages pour des raisons pratiques. D’autres encore manipulent la
typologie du parking pour l’intégrer à un immeuble (car parking office,
p170) ou la typologie de la route pour l’enrouler autour d’une tour
dédiée aux voitures (car tower, p150). Les différents composants
de chaque partie s’adaptent à l’hybridation. Le filet pour récolter les
balles de golf correspond à la dimension en plan du parking pour taxi
en-dessous (p142).
Afin d’exploiter efficacement les espaces résiduels, une des tactiques
formelles employées par les hybrides est celle du redimensionnement
automatique de ses composants pour les adapter à la place disponible.
Ainsi les commerces de l’electric passage (p68) sont réduits pour
tenir dans les arches ; les appartements du bus housing (p134)
sont dimensionnés par la longueur des bus ; les grands magasins
sous l’autoroute à Ginza (p74) s’organisent dans la longueur de
l’infrastructure.
Ces hybrides emploient aussi différentes techniques pour se connecter
au reste des flux urbains. Le park on park (p120) déploie un petit
réseau de passerelles piétonnes pour relier tous les trottoirs autour
du carrefour routier ; l’expressway patrol building (p80) possède
sont propre morceau de route le reliant à l’autoroute suspendue ; le
cine-bridge (p110) transforme un pont en passage souterrain habité
; le shopping mall/wall (p192) relie le parc en haut et la rue en bas
avec sa propre circulation verticale dépassant ses étages.
Cohabitations
La vie dans une ville très dense nécessite la cohabitation. À Tokyo,
l’absence de ségrégation des catégories de constructions et d’usagers
est très visible dans les hybrides da-me. Différentes espèces (humains,
véhicules, structures commerciales, volumes sportifs) coexistent et
interagissent par endroits.
Les idéaux de l’immobilier (maison avec jardin proche de la ville)
sont des rêves lointains à Tokyo. Essayer de les atteindre nécessite
une fortune ou bien force les gens à être délocalisés très loin dans la
périphérie du Grand Tokyo50. Nous cherchons aussi de notre côté du
monde à lutter contre ce phénomène. L’habitat urbain s’est adapté à
la situation à Tokyo comme le montre certains hybrides. Les espaces
de vie peuvent ainsi pénétrer dans diverses situations urbaines et
créer de nouvelles relations parmi les composants de la ville. Les
LES PETITS HYBRIDES 205
possibilités de l’habitat urbain augmentent51.
Il peut être mélangé à l’infrastructure comme dans l’apartment
station (p96) ou le bridge home (p104) ; l’habitat urbain peut être
aussi mélangé avec les dérivés de la logistique comme dans le bus
housing (p134) ; ou il peut faire partie d’un écosystème intégrant les
réseaux infrastructurels comme dans le cas de l’expressway patrol
building (p80).
Une autre catégorie importante utilisant l’espace de manière
particulière est l’installation sportive. Ces structures sont très
présentes dans le tissu urbain, autant dans des quartiers d’affaire
que dans des régions plus résidentielles.
L’action humaine transforme et explore l’espace par le sport. La nappe
urbaine de Tokyo s’étalant pratiquement infiniment, il est nécessaire
d’y intégrer ces structures pour le bien-être de la population. La taille
de la ville ne permet pas de dépendre uniquement d’installations qui
seraient en périphérie.
Au lieu de n’intégrer qu’uniquement des salles de fitness et autres
activités sportives d’intérieur, des surfaces extérieures de la ville sont
transformées par ces activités. Elles font partie de l’espace urbain.
Ces hybrides utilisent leurs techniques formelles habituelles pour
convertir des toitures ou des parois en terrains de sports ou mettre
l’espace aérien en cage pour y pratiquer un sport de balle, comme
dans le park on park (p120), le taxi golf building (p142) ou le sports
bridge (p92).
Temporalités
La composition des hybride comporte une notion de temporalité très
forte. Certains hybrides sont l’associations successive de plusieurs
parties au cours du temps. Un espace résiduel se crée, et l’hybridation
se forme par son exploitation et les synergies apparaissant par la
suite. D’autres hybrides sont des compositions réalisées d’un seul
tenant. Les parties constitutives se sont développées en parallèle.
Dans les deux cas, de part leur nature possédant toujours un aspect
éteint (off) dans leur composition, les différentes parties d’un hybride
peuvent avoir des durées de vie différentes. Dans le cas de l’electric
passage (p68), les commerces changent, la structure reste. La
partie parking du car parking office (p170) n’est plus en fonction,
mais l’autre composant l’est toujours.
Parfois l’entier de l’hybride est démoli. Parfois ce n’est qu’une partie
de la composition qui disparaît (bridge home, p104). C’est souvent
parce qu’il n’est plus adapté aux besoins et à la structure de la
société urbaine contemporaine. Dans d’autres cas, où l’hybride est
encore utile mais vétuste, il sera modifié ou rénové : park on park
(p120) et shopping mall/wall (p192).
Ces hybrides ne sont pas des monuments fossilisés, ce sont des êtres
vivants qui apparaissent et disparaissent avec l’évolution de la ville.
Il ne faut donc pas chercher à momifier le tout.
206 FOUND IN TOKYO
Pour pouvoir s’adapter à la société urbaine changeant si rapidement
il faut pouvoir être flexible et pouvoir transformer ce qui n’est plus
adéquat. Par exemple le car parking office (p170) est un hybride à
moitié mort. Il devrait être reconverti ou démoli pour pouvoir servir
à 100 %.
Au cours de leur vie, les différents composants d’un hybride ont
des rythmes d’usage différents, qu’ils soient publics ou privés. Ces
superpositions de ces cadences enrichissent les synergies au sein de
la composition hybride.
Différentes formes de vie publique et de vie privées se mélangent et
cohabitent, comme le mélange de la rue, du parc et du parking dans
le park on park (p120).
La diversité d’un hybride est visible autant dans le temps que sur
sa façade. Celle-ci est en général fluide et honnête. Elle ne cache
pas les composants. Les organes sont tous visibles. On peut ainsi
apprécier la complexité de l’hybride tout en lui laissant la possibilité
de transformer ses composants si nécessaire.
Échelle
Ces hybrides sont issus de la ville elle-même. Leur échelle correspond
parfois à celle de leur environnement, parfois elle dépasse le local car
il est relié à un ordre urbain plus grand.
Dans les deux cas, même pour les tailles plus imposantes, l’hybride
est intégré. Depuis la rue, il est difficile de juger de toute leur taille.
C’est seulement à vol d’oiseau que l’on peut se rendre compte de
l’étalement de certains.
Ce ne sont pas des gratte-ciels. Ils ne dépassent jamais de beaucoup
la hauteur de leurs voisins. Par contre certains ont tendance à
occuper une surface étendue. Ce sont ces emprises au sol qui sont
généralement hors d’échelle dans quelques cas comme le vegetable
town (p176) ou la super car school (p164).
Ils ne présentent jamais les caractéristiques d’un monument. C’est
leur apparence atypique qui les rend visibles et non leurs dimensions
et leur importance dans la ville. Ils sont donc tout-à-fait adaptés au
tissu urbain.
Le jeu des échelles a lieu aussi à l’intérieur de la composition de
l’hybride. Un ensemble que le highway department store (p74), se
calque sur l’échelle immense de l’autoroute suspendue et en même
temps comporte une multitude de petits magasins à l’intérieur. Ce sont
des conditions mixtes émergeant naturellement dans une ville. Les
hybrides intègrent ce genre de relations dans leur fonctionnement52.
Les différentes échelles des différentes parties de la composition
peuvent ainsi interagir avec différents éléments de la ville, eux-même
à des échelles différentes. Par exemple, les petits commerces de
l’electric passage (p68) sont de même échelle que ceux de l’autre
LES PETITS HYBRIDES 207
côté de la rue. Ils partagent une structure avec les chemins de fer
appartenant à un réseau de transport à l’échelle de la ville.
Écosystèmes
En dépit de ces allégations de chaos, le mode de fonctionnement de
Tokyo est fascinant. Il ressemble à la forme non-structurée d’une
forêt tropicale, dans laquelle coexistent de nombreuses variétés de
créatures, ayant chacune leur habitat particulier.
C’est en utilisant cette métaphore biologique que l’Atelier Bow-Wow
définit ces unités environnementales relevées précédemment.
Ils voient ces hybrides sous le regard de l’écologie ; la compréhension
d’une créature vivante en relation avec son milieu de vie.
C’est en marchant au milieu de la réalité urbaine quotidienne que l’on
peut apercevoir des petits écosystèmes, des scènes de la vie urbaine.
L’image de la ville se forme par la superposition de ces observations.
La vision intégrale d’un bâtiment et les divisions catégoriques entre
l’architecture et génie civil perdent leur sens53.
C’est hybrides sont des enchevêtrements complexes de personnes,
de flux, d’éléments environnementaux et de temporalités.
Bernard Rudofsky dans son livre Architecture sans Architectes
relève des exemples de flux naturels matérialisés dans l’architecture
vernaculaire. Les formes de bâtiments sont déterminés par les flux
naturels comme la lumière, les précipitations, etc54.
Ces hybrides agissent de manière similaire, avec des flux urbains
contemporains, tels que les véhicules.
Dans les grands courants composants la ville contemporaine, ces
bâtiments relevés sont des petits remous, où les différentes choses
se rencontrent55.
Si l’on observe ce genre d’écosystèmes, les hybrides prennent une
dimension ludique, au lieu d’être alourdies par la gravité du bâtiment
solitaire.
Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto notent à quel point le
contrôle de l’esthétique et des technologies de la construction ont
limité nos activités. D’un autre côté ce sont ces limitations qui sont à
l’origine des détails comiques de la dramaturgie urbaine56.
Le tissu urbain de Tokyo peut paraître très chaotique, en contrepartie
celui-ci permet une grande liberté dans la production architecturale.
D’où l’émergence naturelle de tels hybrides57.
Notre espace urbain n’est pas aussi organique, il faut donc par l’action
consciente de l’architecte, mettre en place les principes, adaptés à
la ville suisse, menant à ce genre d’écologies urbaines pour enrichir
notre environnement.
208 FOUND IN TOKYO
Les tactiques d’hybridations ne sont pas complexes à la base, c’est la
seconde couche apportée par l’usage, dépassant les limites physiques
du bâtiment, qui transforme l’ensemble en un écosystème viable58.
Comme on a pu le constater avec les hybrides de Tokyo : certains
utilisent les mêmes éléments et établissent des relations différentes,
d’autres utilisent des éléments différents en établissant des relations
similaires. Cette richesse de variation possible participe à la vivacité
d’une ville comme Tokyo.
L’hybride da-me de Tokyo est une composition de contenus et
d’usages et non de contenants.
Pour utiliser cette intelligence architecturale, il faut manipuler
l’architecture et l’infrastructure, comme la base de l’usage et du
comportement. La Behaviorology de Bow-Wow. C’est à travers l’usage
que ces structures prennent leur sens et leur beauté.
Dans le cas de la ville suisse, il faut y trouver les flux qui vont se
matérialiser dans des nouvelles écologies urbaines inspirées
de Tokyo. Notre contexte est attaché aux choses anciennes. On
préserve volontiers. Il s’agit de construire le neuf avec le vieux. En
considérant la ville à travers le regard écologique de l’Atelier BowWow, c’est l’existant qui va nous informer sur ce qui va venir. Ce sont
les répétitions des typologies, les flux urbains existants qui vont
matérialiser ces nouvelles formes de densification héritées de la ville
japonaise.
209
210 FOUND IN TOKYO
Le Hyperbuilding (1996) de l’OMA à
Bangkok
Les Grands Hybrides
Le terme d’hybride utilisé par l’Atelier Bow-Wow n’est pas innocent.
En biologie, ce mot qualifie le croisement de deux individus de deux
espèces différentes. Il a aussi un usage particulier en architecture. La
suite de ce travail va faire un aparté pour s’intéresser succinctement
à cette notion de manière générale. Il s’agira de voir comment ce type
de stratégie architecturale est habituellement employée et ce qu’elle
veut dire pour les architectes du reste du monde. Afin de placer les
hybrides da-me dans le contexte architectural contemporain.
Il y a deux revues d’architectures qui abordent vraiment ce thème et
qui vont nous permettre d’avoir une vue générale sur la chose.
La première est un pamphlet écrit par l’américain Joseph Fenton
en 1985, intitulé simplement Hybrid Buildings. La seconde source
d’information sur ce type d’architecture est une série de revues,
intitulées HYBRIDS, publiées par l’éditeur espagnol a+t entre 2008 et
2009.
Le premier s’est focalisé sur l’apparition de ce type dans la ville
américaine. Le second a un regard plus international sur l’architecture
contemporaine correspondant à cette catégorie.
Il s’agit d’un type de bâtiment ayant émergé dès les premières villes.
Cependant Il n’est réapparu que récemment dans le discours des
architectes contemporains1.
Définition de base d’une architecture hybride
Un hybride est une structure capable de combiner différents
programmes et capable d’encourager les interactions des différents
espaces et de leurs usages2.
Cette stratégie a été redécouverte en réponse à trois préoccupations
majeures de notre société3 :
- La pénurie de terrain à bâtir et leur coût élevé ;
- Le besoin de densifier pour contribuer au développement durable ;
- Le besoin d’intensifier les usages dans les centres urbains pour
contrecarrer l’action centrifuge de l’étalement urbain en exerçant une
force centripète attirant la population vers le centre.
211
212 FOUND IN TOKYO
Les hybrides dans l’Histoire4
Dès les premières villes de l’Antiquité ce type de bâtiment apparaît.
Les murailles de défense de ces cités définissaient clairement
la limite entre la civilisation et les régions sauvages. Ce besoin de
défense força l’accumulation des bâtiments dans une enceinte close.
Ainsi les structures commencèrent à se rassembler et à s’empiler.
Les lieux de travail, de commerce et de vie se mélangèrent, même si
à l’époque il n’y avait pas beaucoup de distinction spatiale entre des
pièces de fonctions différentes.
Les différentes fonctions n’étaient pas isolées dans différentes zones
de la ville. Elles occupaient la place disponible là où il y en avait.
Ainsi les villes se densifièrent organiquement.
Avec la modification des moyens de transports et l’abandon des murs
de défense, les villes s’étalèrent dans la campagne alentour.
À partir de ce moment-là elle évolua comme une collection de
structures aux fonctions individualisées, parsemées dans le paysage.
L’étalement a permis une baisse du coût de la terre et donc un accès
à la propriété plus facile. Cette baisse de valeur a réduit la nécessité
de maximiser l’usage de la place en la partageant entre plusieurs
fonctions comme dans les villes du Moyen-Âge. Cette stratégie permit
aussi de contrôler plus de terres en recouvrant le plus de surface
possible.
Par la suite, la venue de l’industrialisation et les avancées
technologiques dans les transports, ont donné naissance à la
planification moderne des villes. Les fonctions furent séparées dans
des bâtiments différents et furent regroupés par fonction dans un
zonage stricte de la ville. La morphologie urbaine changea par la
planification fonctionnelle pour assurer le contrôle de l’hygiène, de
la pollution, l’optimisation de la production et afin de réguler les prix
fonciers.
Après cette disparition des conditions nécessaires pour l’apparition
de bâtiments hybrides, Joseph Fenton déclare que c’est en Amérique
qu’il renaissent5.
Avec l’invention de l’ascenseur et le développement de la structure
en acier, les premiers gratte-ciels ont pu apparaître. Grâce à cet outil,
les spéculateurs ont pu construire pour le profit en maximisant les
volumes. Quand il devint impossible de remplir les tours avec un seul
programme, la stratégie de l’hybride refit surface.
En 1916, la New York Zoning Resolution a été instaurée. Elle régula
les hauteurs et la forme du volume des tours construites à New York,
pour permettre un ensoleillement plus hygiénique des structures
voisines et de la rue. En plus de la crise esthétique que cela
provoqua pour les dessinateurs de gratte-ciels, cette réglementation
eut pour conséquence de limiter les mélanges d’usages jugés
fonctionnellement incompatibles et elle désigna certaines zones
comme exclusivement résidentielles. Cela mit un frein à l’évolution
du type hybride6.
LES GRANDS HYBRIDES 213
Après la fin du Modernisme, les implications des programmes sur
la forme architecturale ont commencé à être explorées par des
écrivains et architectes. Le plus célèbre d’entre eux est certainement
Rem Koolhaas. Il a identifié la condition particulière du gratte-ciel
de Manhattan dans son livre Delirious New York (1978). Il relève les
qualités génériques de ceux-ci, leur permettant une combinaison
pratiquement infinie de programmes coexistant à différents étages.
Le Downtown Athletic Club en est l’exemple phare. Il le compare
à un condensateur social constructiviste, capable de générer et
d’intensifier les formes désirables d’interactions humaines.
Koolhaas en a aussi tiré la théorie de la Bigness, la forme ultime de
l’architecture selon lui. Il explora ces thèmes avec son bureau l’OMA.
Ses expériences menèrent à des projets comme le Hyperbuilding
(1996) ou le projet pour le Parc de la Villette (1982)7.
L’intérêt pour l’hybride a repris récemment dans le cadre du boom
de l’immobilier poussé par la croissance économique de la Chine et
du Moyen-Orient. C’est un climat dans lequel les promoteurs sont
enthousiastes à maximiser les volumes et les combinaisons de
programmes multiples. Ils sont intéressés à vendre du « lifestyle* » et
ils imaginent que l’utilisation d’hybridation permettrait de dynamiser
ce qui serait sinon un collage sans vie de fonctions indépendantes.
Ainsi l’opportunité existe pour les architectes contemporains de
défendre l’effacement des distinctions et de développer de nouvelles
combinaisons de programmes. En parallèle de cette spéculation
immobilière, les augmentations de coûts de terrain et de construction,
ainsi que le conservatisme de certaines approches gouvernementales
en terme de dépense pour les infrastructures publiques, ont amené
les institutions civiques à trouver de nouveaux moyens de se loger
et de se financer, à travers l’hybridation du programme culturel ou
civique avec notamment des surfaces commerciales.
* Lifestyle : style de vie
La coupe du Downtown Athletic Club à
New York
214 FOUND IN TOKYO
Les grandes familles d’hybrides
De cette littérature sur les hybrides en architecture on dégage trois
grandes familles. Elles sont liées aux manières dont ces bâtiments
se développent physiquement et à leur rencontre avec le logement.
Hybrides verticaux
Ce sont les premiers hybrides relevés par Fenton dans le tissu
urbain américain. Ce sont les gratte-ciels dont Rem Koolhaas
vante les mérites. Ils sont l’apogée de la modernité, le triomphe de
l’organisation8.
Aujourd’hui c’est la typologie par excellence des développements des
grandes villes d’Asie. Même la promotion à Tokyo est convaincue que
le modèle de Manhattan est celui du futur. On retrouve donc de plus
en plus de tours dans Tokyo. Mais ce n’est rien comparé à la Chine qui
utilise ces bâtiments à outrance. Le Downtown Athletic Club en est
l’exemple historique. Aujourd’hui il prend d’autres formes, comme le
Museum Plaza de REX ou la Scala Tower de BIG.
Hybrides horizontaux
Ces hybrides occupent généralement de très larges surfaces,
s’imposent sur les grilles urbaines, modifient la topographie et
intègrent les réseaux de transports. Au contraire des hybrides
verticaux, les hybrides horizontaux sont d’avantage capables de
se fondre dans le paysage. Certains se séparent pratiquement en
éléments distincts. C’est un type qui recherche moins le statut
emblématique mais plutôt l’invasion du paysage.
Cette forme d’hybride commença aussi à New York, avec Raymond
Hood dans les années 1930. Il proposa de dépasser la parcelle
infranchissable de la grille de Manhattan pour rassembler plusieurs
programmes sous un même toit en développant le complexe
horizontalement et non verticalement9. Depuis, cette idée a eu de
nombreuses incarnations :
- L’hybride horizontal indéterminé du collectif Archizoom ;
- Le « mat building », une forme d’hybride complet se développant sur
plusieurs niveaux intériorisant infrastructure et circulations ;
- Les folies monumentales comme la Plug-In City d’Archigram ou les
mégastructures des Métabolistes japonais ;
- Des hybrides topographiques, créant des paysages artificiels,
l’architecture devenait une géographie habitée. Il s’agissait souvent
de la création de cités entières.
Parmi toutes ces manifestations d’une hybridation se développant
à l’horizontale, les shopping mall américains se voient refuser cette
appellation. Même s’ils cumulent différents programmes, ils ne sont
pas considérés comme des hybrides car ils ne sont pas issus de la
LES GRANDS HYBRIDES 215
pression économique et spatiale des centres urbains10.
Hybrides résidentiels
L’inclusion de programme résidentiel dans les hybrides garanti une
continuité dans l’intensité fonctionnelle de ceux-ci. Ces programmes
sont aussi souvent l’argument de vente par excellence pour les
grands projets hybrides.
Il s’agit pourtant de la fonction la plus compliquée à insérer dans un
hybride. L’équilibre entre privacité et communauté doit être manipulé
délicatement. C’est un mélange nécessaire pour s’adapter à la société
contemporaine11.
Sa condition particulière fait ressembler l’hybride résidentiel à un
autre type historique : le condensateur social. Celui-ci est originaire de
la pensée constructiviste d’après-guerre. Il fut surtout testé en Russie
soviétique. Cette typologie se voulait transformatrice des relations
sociales des citoyens. La plupart des activités de la vie privée s’y
déroulaient dans des lieux communs. Le condensateur social réglait
la vie de ses habitants jusque dans la chambre à coucher.
L’autre différence importante est que le condensateur social est un
projet mis en place par un gouvernement totalitaire. L’hybride est issu
du capitalisme le plus pur12.
Le Museum de Plaza de Rex à Louisville
216 FOUND IN TOKYO
La Scala Tower de BIG à Copenhague
Le Linked Hybrid de Steven Holl à Pékin
LES GRANDS HYBRIDES 217
Stratégies des grands hybrides
Dans son article Hybrid vigour and the art of mixing13, Martin
Musiatowicz définit les grandes stratégies formelles des grands
hybrides :
Monolithe
Un hybride monolithique efface l’expression des programmes
individuels. Cette approche permet la ségrégation de l’image
externe, de la logique structurelle bu bâtiment de ses articulations
programmatiques et spatiales internes.
Ville dans la ville
Des hybrides qui combinent l’entier des programmes offerts par une
ville. Mené par le rythme des nouvelles constructions en Asie et au
Moyen-Orient, d’énormes bâtiments aux limites des centres urbains
comportent souvent une large panoplie de programmes permettant
ainsi une certaine autonomie en réponse à leur délocalisation.
Structures coalescentes
Une seule grande tour ne peut répondre aux exigences structurelles
d’un hybride gigantesque. Cet hybride fusionne plusieurs éléments ou
même plusieurs tours en un seul système. Leur action combinée est
économiquement et structurellement plus efficace.
Indétermination spatiale de la coupe
Précédemment le plan était roi. Maintenant la tendance est à la coupe et
à la modélisation tridimensionnelle. La séparation verticale accordée
par l’empilage des étages est contestée par des chevauchements
et des juxtapositions spatiales croisant les espaces sur plusieurs
niveaux et générant une certaine indétermination programmatique.
Paysages intégrés
Poussés en partie par des incitations gouvernementales et en
partie par des intérêts pour l’espace public, de nombreux hybrides
travaillent avec le domaine public, soit en attirant une partie de la
surface de la ville sur ou à l’intérieur du bâtiment, ou en le distribuant
verticalement à travers l’entier de l’édifice en une série de places
publiques, de jardins ou d’arcades suspendues. L’espace public et le
paysage sont croisés avec d’autres éléments programmatiques du
bâtiment.
218 FOUND IN TOKYO
LES GRANDS HYBRIDES 219
Petits versus Grands hybrides
Ces grands hybrides sont les oeuvres d’architectes connus. Ce sont
très souvent des bâtiments monumentaux. Des constructions qui
illustrent des grands concepts énoncés par leurs créateurs.
Ils n’ont cependant pas l’honnêteté de l’architecture da-me. Ils
sont issus de processus de pensée architecturale. Ils ne sont pas
la matérialisation pragmatique et impudente de flux urbains. Il y a
une grande volonté de contenir les choses dans les grands hybrides.
Intérioriser les synergies pour les présenter dans un monument
gigantesque.
Ces hybrides contemporains sont à l’échelle des villes qui les ont
créés. Des villes comme New York ou Pékin. Des villes verticales où la
Bigness de Rem Koolhaas a sa place.
Dans le contexte de ce travail théorique, dans le but de revenir sur une
ville suisse comme Lausanne, l’échelle est un vrai problème. C’est
une petite ville, particulièrement allergique aux tours. Des complexes
hybrides immenses n’y auraient pas leur place. Les hybrides dame sont bien plus contextuels que les grands hybrides. Ceux-ci sont
victimes de leur Bigness*. Ils sont tellement vastes qu’ils ne peuvent
qu’ignorer l’environnement urbain.
Ce que les deux types d’hybrides ont en commun c’est l’opportunisme
de leur raison d’être.
Dans les deux cas le manque de place et la valeur des parcelles, force
les bâtiments à être économiquement très efficaces.
Certaines stratégies formelles sont aussi similaires. Ce qui différencie
les petits hybrides c’est leur capacité à lier des flux urbains locaux
et à réaliser un événement spécial dans l’espace urbain au niveau
architectural. Ils ne dépassent pas l’échelle de la ville, comme les
grands hybrides. Les petits sont issus d’une ville basse, Tokyo. Donc
leurs processus de création sont plus adaptés à une ville basse
comme Lausanne.
Les grands hybrides sont le résultat de grands concepts. Ainsi, ils
se perdent dans leur propre définition. Les da-me ne cherchent pas
à être l’incarnation d’idéaux. Ce sont de simples outils. L’hybridation
n’est pas une fin en soit. C’est pourquoi les hybrides da-me ont tous
distinctement des aspects de leur hybridation qui sont éteints (off),
comme l’a relevé l’Atelier Bow-Wow. Ce sont les synergies involontaires
et non forcées qui les rendent attrayants et plus réalistes.
Les grands hybrides, comme la plupart des architectures célèbres,
cherchent à devenir des monuments permanents. Les qualités plus
éphémères des hybrides da-me sont plus adaptées au développement
durable. L’utilité d’un composant expire, il peut être remplacé ou
reconverti facilement, car le petit hybride est moins déterminé. Ce
n’est pas un entité complète et finie.
Les petits hybrides expriment ce qu’ils sont de manière plus discrète.
Une humilité assez japonaise qui sied bien à la mentalité suisse.
* « fuck context »14
220 FOUND IN TOKYO
Conclusions
Tokyo est une ville à part. Même pour une ville japonaise elle est
spéciale. Cette mégalopole est d’une grande richesse sur le plan
urbain et le plan architectural. À l’instar de la culture japonaise elle
conserve des aspects de sa tradition tout en étant à la pointe de la
technologie. En comparaison nos villes peuvent paraître enfermées
dans une architecture de pierre figée par l’Histoire. Tokyo n’a en effet
jamais eu aucun problème à renouveler sa substance bâtie, peut-être
à tort. Ce pragmatisme capitaliste presque borné a permis l’apparition
de structures étonnantes ; des mutations du tissu urbain pleines de
ruses pour évoluer dans un milieu très dense aux flux complexes.
Momoyo Kaijima et Yoshiharu Tsukamoto avec leur Atelier BowWow on porté leur regard curieux sur ces bâtiments anonymes que
l’architecture a l’habitude d’ignorer. En puisant dans une histoire de
l’observation de la ville ayant marquée une partie de l’architecture
japonaise, ils se sont embarqués dans des explorations de leur lieu
de vie à la recherches de perles du chaos de Tokyo.
Ce travail a suivi leur exemple. Les petits hybrides purent être visité
en suivant le guide publié par le duo d’architectes japonais. La
découverte d’une ville étrangère par la marche, en y cherchant des
anti-monuments à la gloire de la dynamique organique de Tokyo,
fut une expérience rare et enrichissante. Ne serait-ce que pour
l’apprentissage d’une méthodologie de l’observation de la ville par
les pieds à travers les éléments du quotidien. C’est une attitude très
saine à avoir avant d’intervenir dans une ville.
L’enseignement de l’architecture da-me n’est pas direct. On ne peut
pas importer directement une espèce issue d’un tel milieu en espérant
qu’elle survive dans un tout autre habitat écologique.
L’observation de ces bâtiments a révélé leur nature très contextuelle.
Dans un milieu où toutes les constructions sont uniques et
indépendantes, ces hybrides sont la matérialisation de flux urbains,
héritant à la fois des conditions de leur environnement et des
intentions de leurs créateurs anonymes. Ces écosystèmes compacts
ont été conçus en évitant le moindre effort superflu. Ainsi, les tactiques
formelles qu’ils utilisent sont probablement les plus adaptées.
On peut ainsi considérer qu’elles font partie des outils possibles de
l’hybridation contextuelle urbaine utilisable universellement.
221
222 FOUND IN TOKYO
L’autre leçon importante que nous pouvons retirer de ces lectures,
est la manière dont les hybrides ont su identifier les opportunités du
tissu urbain. La relation particulière aux réseaux de circulation et à
l’infrastructure est un indice important pour le futur de nos villes.
Dans l’enjeu de la densification, il y a celui de l’accès. Un organe
meurt s’il n’est pas approvisionné suffisamment en sang. C’est la
même chose pour le tissu de la ville. Notre densification va devoir
remettre en question la place de l’infrastructure et le jugement qu’on
lui porte. La neutralité du regard de l’Atelier Bow-Wow est un bon
point de départ pour considérer l’entier de la ville et pour ne pas
ignorer des opportunités. Il nous faut aussi apprendre de l’acceptation
de la coexistence d’états contraires et d’usagers différents du milieu
urbain. Au lieu de détourner le regard des voitures, le pragmatisme
les pousse à les intégrer efficacement à leur ville. Et ainsi sans le
vouloir, les mettre en valeur. Les hybrides da-me sont de bons
exemples de cette attitude. Aucune catégorie n’est rejetée. Elles se
mélangent volontiers en s’ignorant parfois préférant la cohabitation
muette, ou en formant des liens d’usage inattendus.
La temporalité est une autre notion que ces hybrides illustrent
parfaitement. Ils ont leur propre durée de vie et ne cherchent pas
à la dépasser. Ils sont durables dans le sens où ils ne dépassent
généralement pas la perte de leur utilité. De plus leur composition
interne est suffisamment flexible pour permettre aux différentes
parties de se régénérer ou de se transformer en accord avec les
nouveaux besoins du contexte urbain et social.
Les grands hybrides, abordés rapidement après les petits, nous parlent
de la question de l’échelle. Lausanne et Tokyo sont très différentes
au niveau taille, comme au niveau densité. Pourtant l’échelle des
choses et la granulosité des deux villes sont assez similaires. Ainsi
les petits hybrides étant nés dans un de ces milieux, exemplifient des
principes plus adaptés à l’échelle de la ville suisse, que les hybrides
monumentaux issus de villes bien plus hautes. L’échelle reste toute
fois quelque chose de fluide. Les architectures da-me s’adaptent en
fonction du besoin de répondre à un ordre supérieur ou en fonction
de son environnement immédiat. Quoi qu’il en soit leur réponse reste
honnête et impudente.
Une qualité intéressante à rechercher dans notre architecture.
La suite de ce travail consistera à considérer la Suisse, Lausanne en
particulier avec un regard teinté des enseignements de Tokyo et de
l’atelier Bow-Wow. Le but étant d’y proposer de la densification locale
par l’architecture en utilisant les leçons des da-me.
À suivre.
CONCLUSION 223
224 FOUND IN TOKYO
NOTES
ANNEXES 225
TOKYO, UN MILIEU PROPICE
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Pons Philippe, La beauté chaotique d’un grand collage architectural en péril, Le Monde, 11 Mais 2002, en ligne, www.lejapon.org/
forum, consulté le 10 janvier 2012
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p112-124
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p110-112
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p112-124
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p94-96
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, pI-XII
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p52-111
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p118-120
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p16-51
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, pI-XII
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p112-124
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p94-96
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p1-15
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Tanizaki Junichiro, Éloge de l’Ombre, Tokyo, Verdier, 1978, p65
226 FOUND IN TOKYO
67
68
69
70
71
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p85
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p102-104
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p213
Tsukamoto Lab & Atelier Bow-Wow, Pet Architecture Guidebook, Tokyo, World Photo Press, 2002
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012, p125-137
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p43-44
LES PETITS HYBRIDES
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p245-255
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p122-129
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p8-15
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p70-72
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p8-15
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p9
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p9
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p7-17
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p18-20
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p7-17
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p18-20
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p321-343
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010, p8-15
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009, p30
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p8
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p9
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p9
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p12
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p10
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p187
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p10
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p14-15
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p213
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p46
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p104
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p104
http://www1.c3-net.ne.jp/hamachan/tetudou-ima-3-1.htm, consulté 10 janvier 2012
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p48
http://www.wrightinjapan.org/eng_wij/e_appentices/tsuchiura_e.html, consulté 10 janvier 2012
http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704026204575267433344670608.html, consulté 10 janvier 2012
http://www.ocada.jp/tokyo/ginza.php, consulté 10 janvier 2012
http://travel.cnn.com/tokyo/play/brawl-over-miyashita-park-shibuya-snares-nike-565070, consulté 10 janvier 2012
http://www.city.shinjuku.lg.jp.e.bs.hp.transer.com/kucho/diary/diary_201210_17.html, consulté 10 janvier 2012
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p184
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p22
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p12
http://fr.wikipedia.org/wiki/Affordance, consulté 10 janvier 2012
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p27
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p30
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p32
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p13
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231
ANNEXES 227
53
54
55
56
57
58
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p36
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p199
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p18
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p36
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p14-15
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p231
LES GRANDS HYBRIDES
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 32, HYBRIDS II. Low-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 32, HYBRIDS II. Low-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008, p20
a+t 33-34, HYBRIDS III. Residential Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2009, p3
a+t 33-34, HYBRIDS III. Residential Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2009, p6
a+t 32, HYBRIDS II. Low-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008, p13-17
Koolhaas Rem, Junkspace, Paris, Payot & Rivages, 2011, p33
228 FOUND IN TOKYO
iconographie
p9
http://fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/61247
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tokyo
p10
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tokyo
p23
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994, p86-87
p46
Tsukamoto Lab & Atelier Bow-Wow, Pet Architecture Guidebook, Tokyo, World Photo Press, 2002, p124
p50
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006, p6
p52-53 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, couverture
p54
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p56-57
p60
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, 15
p65
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p182-183
p68
https://maps.google.com
p69
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p44-45
p74
https://maps.google.com
p75
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p46-47
p80
https://maps.google.com
p81
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p60-61
p86
https://maps.google.com
p87
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p104-105
p92
https://maps.google.com
p93
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p172-173
p96
https://maps.google.com
p97
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p118-119
p104 https://maps.google.com
p105 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p142-143
p110 https://maps.google.com
p111 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p48-49
p113 http://www1.c3-net.ne.jp/hamachan/tetudou-ima-3-1.htm
p120 https://maps.google.com
p121 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p64-65
p134 https://maps.google.com
p135 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p66-67
p142 https://maps.google.com
p143 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p68-69
p150 https://maps.google.com
p151 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p72-73
p158 https://maps.google.com
p159 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p96-97
p164 https://maps.google.com
p165 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p98-99
p170 https://maps.google.com
p171 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p150-151
p176 https://maps.google.com
p177 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p158-159
p184 https://maps.google.com
p185 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p106-107
p192 https://maps.google.com
p193 Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001, p108-109
p210 http://oma.eu/projects/1996/hyperbuilding
p213 http://www.maxgerthel.com/guanxi-or-the-power-of-the-section/
p215 http://www.javierhaddad.com/Museum-Plaza
p216 http://www.archicentral.com/scala-tower-copenhagen-denmark-bjarke-ingels-group-big-8707/
http://www.mimdap.org/?p=79144
bibliographie
ANNEXES 229
Livres :
Kaijima Momoyo & Kuroda Junzo & Tsukamoto Yoshiharu, Made in Tokyo, Tokyo, Kajima Institute Publishing, 2001
Tsukamoto Lab & Atelier Bow-Wow, Pet Architecture Guidebook, Tokyo, World Photo Press, 2002
Atelier Bow-Wow, Echo of Space / Space of Echo, Tokyo, Inax, 2009
Atelier Bow-Wow, The Architectures of Atelier Bow-Wow : Behaviorology, Tokyo, Rizzoli, 2010
Atelier Bow-Wow, Bow-Wow from Post Bubble City, Tokyo, Inax, 2006
Wada Toru, Tokyo Void, Lausanne, EPFL Publishing, 2011
Tanizaki Junichiro, Éloge de l’Ombre, Tokyo, Verdier, 1978
Rudofsky Bernard, Architecture sans Architectes, New York, Chêne, 1977
Ashihara Yoshinobu, The Aesthetic Townscape, London, MIT Press, 1983
Ashihara Yoshinobu, L’Ordre caché - Tokyo, la ville du XXe siècle ?, Paris, Hazan, 1994
Koolhaas Rem, Junkspace, Paris, Payot & Rivages, 2011
Koolhaas Rem, New-York Délire : Un Manifeste rétroactif pour Manhattan, Marseilles, Parenthèses, 2002
Shelton Barrie, Learning From the Japanese City : Looking East in Urban Design, Abingdon, E & FN Spon, 2012
Kon Wajiro, Retrospective, Tokyo, Seigensha Art Publishing, 2011
Fenton Joseph, Pamphlet Architecture n°11 : Hybrid Buildings, New York, Pamphlet Architecture, 1985
Périodiques :
ARCH+ 208, Tokio : Die Stadt Bewohnen, Aachen, ARCH+ Verlag, Août 2012
ARCH+ 180, Convertible City, Aachen, ARCH+ Verlag, Septembre 2006
a+t 31, HYBRIDS I. High-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 32, HYBRIDS II. Low-Rise Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2008
a+t 33-34, HYBRIDS III. Residential Mixed-Use Buildings, Vitoria-Gasteiz, a+t architecture publishers, 2009
Internet :
Pons Philippe, La beauté chaotique d’un grand collage architectural en péril, Le Monde, 11 Mais 2002, en ligne, www.lejapon.org/forum,
consulté le 10 janvier 2012
fr.wikipedia.org, consulté le 10 janvier 2012
REMERCIEMENTS :
Brigitte Watzke
Heribert Watzke
Cécile Watzke
Markus Schaefer
Monique Ruzicka-Rossier
Jeffrey Huang
Trevor Patt
Yoshiki Mishima
Isao Shinohara
Mizuki Imamura
Nathaniel Zuelzke
Peter Ortner
John Sypal

Documents pareils