themroc - Devildead

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THEMROC
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Titre original : THEMROC
Année : 1973
Nationalité : France
Acteurs : Michel Piccoli, Béatrice Romand, Marilù Tolo, Jean Aron, Paul Barrault, Romain Bouteille,
Stéphane Bouy, Coluche, Patrick Dewaere, Henri Guybet, Miou-Miou, Francesca Romana Coluzzi & Jeanne
Herviale
Réalisateur : Claude Faraldo
Scénario : Claude Faraldo
Musique : Harald Maury
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Themroc (Michel Piccoli) est un peintre en bâtiment vivant
avec sa mère et sa sœur dans un petit appartement. Tous les
matins, il brave la cohue des longs trajets en transport en
commun pour pointer mécaniquement à l´usine, où l´attend un
travail répétitif et absurde. Alors qu´il surprend son patron en
train de flirter avec sa secrétaire, Themroc se prend une fenêtre
au visage. La figure maculée de sang, l´ouvrier docile sent
gronder en lui un sentiment de révolte primaire et compulsif.
En abandonnant le langage pour des hurlements, Themroc
revient à l´état d´animal, bien décidé à reconquérir sa position
de dominant à l´intérieur d´une société qui n´a cessé de le
museler.
Daté de 1973, THEMROC est une curiosité déconcertante à
la croisée de la fable surréaliste et de l´anarchisme
révolutionnaire. C´est alors le troisième long-métrage de
Claude Faraldo, un ancien livreur de vin qui décida de tout
plaquer du jour au lendemain pour se réfugier dans une carrière
artistique. Ses origines prolétariennes seront bien entendu le
ciment d´une œuvre majoritairement engagée, comme en
témoigne son dernier film en date MERCI POUR LE GESTE
en 2000 qui raconte le parcours d´un sans domicile fixe.
THEMROC est l´adaptation d´une pièce de théâtre de
Faraldo, «Doux Mais Troglodytes», soit l´une des premières
œuvres qu´il ait montées après sa reconversion. Film
confidentiel, THEMROC bénéficie quand bien même d´un
casting incroyablement riche : Michel Piccoli, Béatrice Romand
(révélée par Eric Rohmer), Coluche, Patrick Dewaere, Romain
Bouteille, Miou-Miou, Popeck, Henri Guybet et bien d´autres
têtes bien connues du cinéma français dans des doubles voire
triples rôles. Nous sommes alors en pleine époque du «Café de
la gare», et Faraldo a la riche idée de recruter ses membres
pour la grande majorité des rôles secondaires.
Sans dialogues dans ses vingt premières minutes,
THEMROC choisit d´abord d´emprunter la voix de la satire
sociale en décrivant le travail en usine du personnage principal.
Themroc et les autres ouvriers sont majoritairement assigné à
la repeinte quotidienne de la grille d´entrée de l´établissement.
En rang d´oignon, les hommes s´occupent chacun d´un barreau
ou deux de chaque côté de la grille. Car l´équipe de peintres est
scindée en deux : ceux qui travaillent du côté intérieur, et ceux
qui travaillent du côté extérieur. La hiérarchie de l´usine est
bien entendu en conséquence avec le sous-chef du côté
intérieur, le sous-chef du côté extérieur, le chef des deux souschefs et enfin le grand patron (qui passe le plus clair de son
temps à faire des avances malhonnêtes à sa secrétaire).
Amusante bien que très naïve, cette vision satirique du
monde du travail n´est heureusement que le point de départ du
film. THEMROC se recentre en effet très vite sur la
transformation du personnage principal en bête sauvage. Pas
d´effets spéciaux bien sûr, mais un parti pris encore plus
audacieux : la mutation par le langage. En effet, les personnages
de THEMROC parlent une langue imaginaire, un espèce de
yaourt guttural laissé à l´improvisation du comédien. Un choix
déjà déconcertant, que Faraldo justifie par l´envie de rendre son
histoire universelle. Il s´agit peut-être plus concrètement de
rendre le glissement animal de Themroc plus coulant, en
troquant des borborygmes dissonants (soit la «langue» du film)
en hurlements et grognements.
Le retour au stade animal de Themroc n´est pas qu´une
question d´abandon du langage. C´est surtout une question de
pulsions dominatrices. Une fois transformé, l´homme va
assouvir ses instincts parfois les plus bas de manière
immédiate. Avant de quitter son usine, il va se jeter sous le
bureau de la secrétaire de son patron pour un cunnilingus
sauvage. De retour chez lui, il prend sa sœur dont les formes
douces n´ont jamais cessé de le titiller. Reclu dans sa chambre,
il mure la porte et fait un trou dans la façade côté rue. Cette
grotte improvisée sera désormais son antre, sa tanière. Ce
coming out animal fera des émules dans son quartier,
notamment auprès d´une voisine rendue folle par l´aura de
Themroc. Après s´être offerte à lui, elle convainc à coup de
hurlements son mari petit bourgeois de fracasser eux aussi leur
façade.
Comme tout film engagé de son époque, THEMROC ne
milite pas que pour la liberté sexuelle. Il axe le gros de sa
charge contre le refus de l´autorité. Le film fait un portrait
particulièrement violent de la police, montrée comme un
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groupe d´individus enragés à l´idée qu´un dominant brave leur
autorité. Un flic humilié par Themroc va ainsi se venger
gratuitement sur un pauvre adolescent sans défense, défoulant
sa frustration sur plus faible que lui. Plus dur encore, les orgies
à répétition dans la cave de Themroc mettent certains policiers
en émoi, au point que certains vont prendre en otage une jeune
fille (Miou-Miou) pour la violer à tour de rôle. Lorsque la nuit
tombe et que Themroc part chasser, c´est bien évidemment ces
charognards de la police qui deviennent son propre gibier.
L´occasion d´exploser un tabou supplémentaire en montrant un
corps humain rôtir avant d´être dévoré par Themroc et ses
initiés.
Si, plus de 30 ans après sa production, le film de Claude
Faraldo a pris un bon coup de vieux dans sa charge sociale
unidimensionnelle et outrancièrement déterminée par son
époque, son emploi frontal du viol, de l´inceste ou de
l´anthropophagie laisse pantois même aujourd´hui. Ajoutons à
cela une forme venue de Mars (la bande son du film est
uniquement faîte de "AAARRRR" et autre "GGGRRRRrr"), un
Michel Piccoli hyper intense, et l´on obtient une expérience de
cinéma franchement éberluante. THEMROC n´est assurément
pas un grand film, et souffre notamment de récurrentes
longueurs. Mais force est de constater qu´il est difficile de
trouver un film plus fou furieux et rageur que cette étrange
bobine oubliée sur les étagères du cinéma français.
Malgré la somme de noms connus parmi sa distribution,
THEMROC était un film jusqu´à présent très difficile à
visionner. C´est un éditeur allemand qui prend le pari de sortir
le titre dans une édition minimaliste. La qualité technique fait
ce qu´elle peut avec un master parfois un peu abîmé. Rien
d´insurmontable cependant si l´on peut supporter quelques
rayures et un grain un peu trop prononcé. Comme le film est
dans une langue imaginaire, le disque propose uniquement la
piste originale en mono. Bien qu´un peu ronflante, cette piste
est assez percutante pour nous faire profiter des cris de possédé
de Piccoli. Aucun bonus concernant THEMROC n´est présent,
juste une archive de bande-annonces du catalogue de l´éditeur.
L´homme s´est construit une société pour le protéger des
dures lois de la nature. Mais lorsque cette même société
devient inhumaine, c´est un violent retour à la rage animale que
nous propose THEMROC. Certains y verront une comédie
absurde avec des comédiens empêtrés dans un parti pris
linguistique embarrassant. D´autres un essai transgressif où
l´on viole à foison tout en se faisant les dents sur les forces de
l´ordre. Faut-il abandonner des millions d´années d´évolution
pour apprécier THEMROC ? C´est à la bête tapie en chacun de
nous
de
répondre
:
"HHHAAAARRR…
GGGGRREEEEUUuuuuu…
BBBRRROOAAARRGGGHHHH !!!!"
Eric Dinkian
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