La rationalisation du travail dans la crise : le cas de Pôle emploi

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La rationalisation du travail dans la crise : le cas de Pôle emploi
La rationalisation du travail dans la crise : le cas de
Pôle emploi
Jean-Marie Pillon∗1
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Centre d’études de l’emploi (CEE) – Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Ministère de
l’Enseignement supérieur et Recherche – ”Le Descartes I” 29 promenade Michel Simon 93166
Noisy-le-Grand cedex, France
Résumé
Cette communication s’interroge sur les capacités de l’Etat à s’acquitter de ses missions
envers les chômeurs dans un double contexte de crise de l’emploi et de crise des finances
publiques.
Depuis 2009, le service public de l’emploi (SPE) français est organisé autour d’un organisme
public unique de 50 000 salariés/agents, Pôle emploi, fusion des services d’indemnisation et
de placement, en charge de près de 5 000 000 de chômeurs. La gouvernance de Pôle emploi,
est effectuée à distance par l’Etat au moyen d’objectifs chiffrés. Ces objectifs ” politiques ”
sont déclinés à chaque échelon de l’établissement pour contrôler les résultats des 912 agences
locales au moyen d’un contrat annuel de performance. Les indicateurs de performance utilisés
sont les suivants :
- Le nombre d’entretiens de conseil
- Le nombre de placements
- Le nombre de prestations délivrées
Ainsi, lorsque Pôle emploi, l’organisme fusionnant l’ANPE et les Assedic, ouvre ses portes,
en janvier 2009, il est taillé pour une économie en croissance où les offres d’emploi se multiplient et où les demandeurs d’emploi sont de moins en moins nombreux. En fait, le taux de
chômage progresse de 30 % et ne cessera de monter jusqu’au mois d’août 2013. Les guichets
de l’institution sont pris d’assaut, d’autant qu’au cours de cette année 2009, dans le but
d’ajuster les agents de cette nouvelle entité à la nouvelle stratégie, une part importante du
personnel est en formation. Les agents sont en nombre plus faible que les effectifs théoriques
alors même que la charge de travail augmente très fortement.
Au cours de l’année 2009 et suivantes, les conseillers Pôle emploi, puis leur encadrement
de proximité, suivi par les gestionnaires intermédiaires (départementaux et régionaux) et
l’encadrement national vont progressivement mettre en place ou promouvoir des façons de
gérer le flux et d’absorber ce choc exogène.
Ainsi, à la suite de cette crise, le réel de l’activité si l’on peut dire se désolidarise progressivement de l’image qui en est donné dans les tableaux de bord et dans les statistiques
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Intervenant
sciencesconf.org:jist2016:78000
opérationnelles utilisées pour l’aide à la décision du haut management. L’encadrement intermédiaire et les opérateurs gèrent la crise pendant que la direction générale recherche à
augmenter ses marges de manœuvre auprès de la tutelle politique.
Dans la perspective d’une sociologie du travail attentive aux usages des dispositifs métrologiques
de quantification, nous montrerons comment les salariés de Pôle emploi (quelque soit leur
échelon), ont d’une part pris la mesure de cette crise au moyen des dispositifs de rationalisation (qui décrivaient le caractère irréaliste des tâches à réaliser) et d’autre part ont élaborer
des modalités de réponse à la crise du travail en mobilisant les outils de rationalisation dont
ils disposaient. En montrant comment les agents de Pôle emploi sont parvenus à surmonter
la crise économique déclenchée en 2008 sans que le nombre de chômeurs ne baisse, nous
ouvriront une réflexion sur la notion d’efficacité de l’Etat et sa mesure.

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