Freiburg im Breisgau
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Freiburg im Breisgau
ADEME/Energie-Cités Politiques de déplacement favorisant la marche à pied en ville La marche à pied en ville 2002-2003 Freiburg im Breisgau (DE) Le développement des déplacements à pied est parfois un véritable objectif que se fixent certains responsables d’autorités locales dans leur quête de villes moins polluantes, moins bruyantes, plus économes en espace et en énergie. Avec le développement des déplacements à vélo et en transports publics, c’est certainement l’un des moyens les plus efficaces pour tendre vers des villes où il fait bon vivre, volonté partagée par une proportion croissante de nos concitoyens. Si la marche à pied est généralement considérée comme un mode de déplacement "récréatif" (promenades, loisirs, tourisme, etc.) et à la portée du plus grand nombre, parvenir à lui conférer le statut de véritable mode de déplacement dans la ville (pensée et développée depuis des années pour être au service de la voiture) n’est pas simple. Elle demande volonté politique, courage, force de conviction et opiniâtreté pour les responsables d’autorités locales, intérêt, compétence et sens du dialogue pour les techniciens, patience et raison pour les piétons. A Freiburg im Breisgau, ces « ingrédients » ont pu être réunis. Qu’en est-il exactement ? Quels enseignements peut-on tirer et quelles perspectives peut-on dégager à la lumière de cette expérience ? ASPECTS GENERAUX Freiburg, 200 000 habitants, est située sur la Dreisam au pied de la Forêt-Noire et au cœur du pays de Brisgau. Elle est également à équidistance (une heure de route) de Strasbourg en France et de Bâle en Suisse. Ville universitaire (30 000 étudiants) mais aussi important centre industriel, commercial et touristique, la ville jouit de la réputation de capitale écologique de l’Allemagne. En effet, malgré les destructions liées à la seconde guerre mondiale (près de 80% de la ville), une croissance démographique forte (doublement de la population depuis 1945) et son rôle de moteur économique d’une région de 600 000 habitants, elle a su préserver son architecture et sa qualité de vie grâce à une prise en compte précoce des enjeux environnementaux et urbanistiques . POLITIQUE GLOBALE DES DEPLACEMENTS L’existence d’une interconnexion entre le développement urbain, les transports et l’environnement est apparue très vite à Freiburg im Breisgau. De fait, dès 1969, le Plan Général des Déplacements, tout en donnant encore la priorité aux voitures, comprenait déjà des mesures qui allaient dans le sens d’une protection de l’environnement. En effet, un premier plan d’aménagement de pistes cyclables a été lancé en 1971 et en 1973, la décision de transformer tout le centre ville en zone piétonne ainsi que d’améliorer et d’accroître le réseau de transports collectifs (tramways principalement mais bus également) a été prise. Afin de ne pas porter atteinte au commerce, il est possible de livrer ceux-ci à certaines heures et une compagnie de livraison utilise même un camion hybride (fonctionnant au diesel hors ville et à l’électricité à l’intérieur) pour approvisionner ses clients. 1 ADEME/Energie-Cités Politiques de déplacement favorisant la marche à pied en ville 2002-2003 Une politique restrictive au niveau des parkings autour du centre ville a aussi été mise en place : seuls les résidents bénéficient d’un «pass » les autorisant à se garer, ce qui a permis de réduire sensiblement le « trafic destiné à trouver une place de parking ». Progressivement, la vitesse dans tous les quartiers résidentiels a été réduite à 30 km/h. Dès 1979, un Plan des Déplacements donnant une importance égale aux différents modes de transport (piétons, vélos, transports collectifs et véhicules motorisés individuels) a été adopté et depuis, le but reste le même : consacrer un tiers du réseau de transport aux modes de déplacement non-polluants, un tiers aux transports collectifs (principalement le tramway), un tiers aux véhicules individuels motorisés. En 1984, Freiburg fut également la première grande ville allemande à introduire une carte mensuelle de transport transférable : il s’agit d’un coupon d’un montant d’environ 19,5 € permettant de circuler de manière illimitée pendant un mois sur tout le réseau de transports collectifs de la ville et que l’on peut céder àune tierce personne. Ce coupon a été remplacé en 1991 par une carte régionale de transport : pour un montant d’environ 33,7 €, il est désormais possible d’accéder sans limites à tous les transports collectifs régionaux et urbains (trains, bus, tramways, etc.). Cela concerne près de 600 000 habitants sur une superficie de 2 211 km2 avec un réseau de transport d’environ 2 400 km. Ce coupon est toujours transférable et un seul suffit pour les déplacements de toute la famille les dimanches et les jours fériés. Cette démarche s’inscrit dans le nouveau Plan des Déplacements voté en 1989, dont les principaux buts sont de limiter encore plus efficacement les transports individuels motorisés : • en favorisant l’intermodalité entre tous les transports collectifs dans toute la région et entre tous les modes de déplacement (toutes sortes de parking relais : « Park and Ride », « Bike and Ride » et zone de dépose minute « Kiss and Ride »), • en améliorant l’offre de transports collectifs (notamment pour les personnes handicapées), • en donnant la priorité aux transports collectifs lorsqu’ils partagent les mêmes voies que les véhicules individuels motorisés, • en favorisant les modes de déplacement non-polluants (vélo, marche à pied), • en limitant le trafic des non-résidents, • en limitant encore plus drastiquement les places de parking, • en confinant les transports nécessaires en véhicules individuels motorisés sur quelques routes à haute capacité. EXPERIENCE DE FREIBURG IM BREISGAU (DE) Planification La ville de Freiburg im Breisgau s’est toujours efforcée de privilégier les réalisations concrètes et de travailler pas à pas en favorisant les mesures à long terme, le tout s’inscrivant dans une politique cohérente des transports dont les prémices sont à retrouver il y a plus de 30 ans. En ce qui concerne les politiques en faveur des déplacements à pied, trois expériences sont à souligner : la constitution d’une zone piétonnière d’environ 50 hectares et la création de 2 nouveaux quartiers : le quartier de Freiburg Rieselfeld et le quartier de Freiburg Vauban. C’est en 1973 que la décision de transformer tout le centre ville en zone piétonne est intervenue. Celle-ci s’inscrivait logiquement dans la volonté de préserver un patrimoine architectural qui, malgré la destruction de 80 % de la ville lors de la seconde guerre mondiale, avait été reconstitué en partie. Quant au quartier de Rieselfield, il répondait à la croissance démographique de la ville en suivant le programme suivant : • 1988-1991 Préparatifs d’un plan d’urbanisme, en février 92 accord de principe pris par le conseil municipal. • 04/1992 Jury du concours. 2 ADEME/Energie-Cités • • • • • 1993 12/93 07/1996 Dès 09/1996 09/1997 • 2005-2008 Politiques de déplacement favorisant la marche à pied en ville 2002-2003 Ebauche du projet d'urbanisme, avec la participation de la population. Démarrage de la viabilisation et première tranche de construction. Emménagement des premiers habitants dans le nouveau quartier. Ouverture d'un jardin d'enfants suivie d'autres infrastructures (écoles). Ouverture de la ligne de tramway (15 minutes pour se rendre dans le centre ville). Date prévisionnelle à laquelle s'achèvera le dernier projet de construction. Le quartier Vauban fait suite au rachat par la ville en 1994 du terrain (38 hectares) où se situaient des casernes utilisées par l’armée française jusqu’en 1992 afin d’y concevoir un ensemble de 2 000 logements destinés à près de 5 000 habitants. Les premiers projets de construction ont été lancés en 1998 et en 1999, près de 450 logements étaient d’ores et déjà disponibles. Lors de la conception de ces deux nouveaux quartiers, il a été décidé qu’ils devaient s’inscrire dans une logique de développement durable et d’efficacité énergétique (approche haute qualité environnementale). Pour cela, outre la volonté de favoriser les modes de déplacements alternatifs, il a été également décidé d’encourager : • l’énergie photovoltaï que, • la conception de bâtiments à faible consommation d’énergie, • l’utilisation passive de l’énergie solaire avec des constructions orientées au sud, • la cogénération, etc. Aménagements et mesures La zone piétonne de Freiburg constitue avec celle de Nürnberg l’une des plus étendues des villes européennes avec une superficie de 50 hectares et près de 10 km de voies piétonnes. Afin de ne pas la transformer en une sorte de « musée en plein air » ou de simple zone commerciale mais de lui conserver son rôle de zone d’habitation et de vie sociale, elle est particulièrement bien desservie par les transports collectifs. Aucune place de parking n’a été autorisée dans les rues, seuls ceux qui possèdent leur propre garage ont l’autorisation de circuler avec leur véhicule ; les touristes et les clients peuvent toujours se garer dans des parkings au tarif relativement dissuasif de 2 €/h (plus on s’éloigne du centre ville moins le tarif est élevé). Pour éviter tout risque d’accident et pour faciliter la circulation à pied, les nombreux ruisseaux traditionnels qui traversent la vieille ville ont été utilisés comme frontières naturelles entre les voies spécifiquement piétonnes et les couloirs réservés aux transports collectifs. Le trafic en véhicules individuels motorisés a été, quant à lui, dévié sur une route entourant le périmètre préservé mais pour ne pas interrompre les trajets à pied entre les différents quartiers de Freiburg, de nombreuses passerelles et de nombreux passages souterrains permettent de traverser cette route sans encombre. De plus, depuis 1990, dans le but, entre autres, de protéger les piétons et les cyclistes, la vitesse est limitée à 30 km/h dans toutes les zones résidentielles et les quartiers entourant le centre ville. Zone piétonne Zone piétonne avec autorisation de livraison de marchandises selon les heures de la journée Trafic autorisé pour les riverains Tout trafic autorisé Passage piéton souterrain Parking Parking réservé aux handicapés 3 ADEME/Energie-Cités Politiques de déplacement favorisant la marche à pied en ville 2002-2003 Le quartier de Rieselfeld a été conçu dès l’origine pour rapprocher les habitants des lieux de travail et des commerces (mixité des fonctions urbaines). L’objectif est de réduire le nombre de déplacements pendulaires et la priorité est donnée dans tous les cas aux piétons. Les voies réservées aux piétons sont sûres et attrayantes et quel que soit l’endroit où l’on se situe, on est jamais à plus de 400 m d’un arrêt de tramway. Comme la majorité des rues sont résidentielles, la vitesse est automatiquement limitée à 30 km/h. Une zone d’habitations comprenant 80 logements a également été construite en respectant le principe du « car-free housing » (aucune place de parking) : les véhicules y sont interdits et les habitants s’engagent à ne pas posséder de véhicules. Le quartier de Vauban va encore plus loin : 130 logements respectent ce principe et 280 autres logements sont « mixtes » : on peut y acheter une place de parking pour 17 385 € auxquels il faut ajouter 25,5 € par mois pour l’entretien. Ces places de parking sont néanmoins situées à 300 m des lieux d’habitation c’est-à-dire à la même distance environ que les arrêts de tramway ou de bus. En plus, ceux qui choisissent de ne pas posséder de véhicules bénéficient gratuitement pendant une année de la carte de transport régionale. Communication et sensibilisation Comme nous avons pu le constater, Freiburg n’a pas mis en place une politique destinée spécifiquement au développement des déplacements à pied, elle a intégré celle-ci dans son Plan Général des Déplacements. La marche est plutôt considérée comme un mode de déplacement à part entière, lequel est intégré dans un concept global et intermodal des déplacements. Il n’y a donc pas de campagnes de communication ou de sensibilisation basées uniquement sur les déplacements à pied. Néanmoins, on retrouve de nombreux dossiers et articles dans le journal communal « StadNachrichten » en faveur des modes de déplacements alternatifs ou expliquant les choix communaux en matière de déplacements. Un document existe cependant : il s’agit du plan de la zone piétonne permettant principalement de trouver les parkings, les places de parking réservées aux personnes handicapées, les passerelles ou les passages piétons souterrains, les arrêts de bus, de tramway ou de taxi. EVALUATION ET PERSPECTIVES La particularité de la ville de Freiburg est d’avoir toujours cherché à favoriser une interconnexion entre les différents modes de déplacements plutôt que de chercher à favoriser tel ou tel mode de déplacement. 30 ans après l’adoption du premier Plan Général des Déplacements, force est de constater que si la marche à pied n’est pas encore comptabilisée en tant que telle dans les études sur la part modale des différents modes de déplacement, la lutte contre le « tout-automobile » a porté ses fruits puisque la part modale des voitures est passée de 60% en 1976 à moins de 45% en 1999. Si l’on prend la population étudiante, la réussite est encore plus flagrante car près de 90% d’entre eux vont à l’Université en transports collectifs, en vélo ou à pied. En été, le pourcentage de ceux qui utilisent un véhicule individuel motorisé (voiture ou motocyclette) ne dépasse pas les 9% et il ne s’élève qu’à 12% en hiver. Les élus municipaux entendent continuer dans les prochaines années à développer tous les modes de déplacements qui permettront de diminuer encore la part modale des véhicules individuels motorisés. Pour cela, il est prévu d’accroître encore le nombre de voies piétonnes et cyclables et d’améliorer la desserte par les transports collectifs. Leur politique étant toujours basée sur l’intermodalité, la construction de nouvelles lignes de tramway est déjà engagée. Elle permettra d’augmenter l’offre de transports collectifs de 50% et lorsqu’elles seront réalisées, 83% des habitants et 80% des lieux de travail seront situés à moins de 600 m d’un arrêt. 4 ADEME/Energie-Cités Politiques de déplacement favorisant la marche à pied en ville POUR ALLER PLUS LOIN Stadt Freiburg im Breisgau Tiefbauamt Verkehrsplannung Frau Harnischfeger Postfach D-79095 Freiburg Tél. : +49 761 201 46 51 Fax : +49 761 201 47 97 E-mail : [email protected] Cette fiche de cas a été réalisée par Energie-Cités grâce à la collaboration des responsables de la Ville de Freiburg im Breisgau et au soutien technique et financier de l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME – Délégation Régionale Franche-Comté). 5 2002-2003