6- Dr_ Tarak Baccouche
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6- Dr_ Tarak Baccouche
Le consortium immobilier Le consortium immobilier Submitted By Dr. Tarak Baccouche Maître-assistant, IMC for Islamic Sharia and Law, Dubai, UAE Colloque International de L’université des Emirats Quand le bâtiment va, tout va. Cette devise qui a fait ses preuves dans le monde des affaires - comme vient le rappeler, avec éclat, la dernière crise financière mondiale- à son propre revers : lorsque le secteur du bâtiment est en crise, tous les autres secteurs se trouvent fragilisés. Pour preuve, le succès flagrant de Dubaï -comme plate forme et centre financier international- tire sa renommée du succès de l’immobilier dans l’Emirat. Ce succès a eu un coup de frein du fait de la crise immobilière qui secoue la planète Finances. Il faut ici rappeler que la crise financière actuelle est tout d’abord la crise de l’immobilier et ses produits financiers (marche hypothécaire, crédit immobilier, leasing immobilier …) qui s’est propagée au reste des secteurs financiers. C’est dire que le droit n’est pas insensible au domaine de l’immobilier. Il a très tôt manifesté son intérêt à tout ce que lui touche, de près comme de loin. On peut citer l’exemple du droit de la propriété qui a été considérée, avec le ‘contrat’ et ‘la famille’, comme les piliers du droit civil, en général, et français en particulier(1). Or le recours aux notions de propriété et de contrat, à propos, d’un projet immobilier d’envergure, international de préférence, ne peut que susciter l’intérêt du juriste. En effet, ces notions, dans le domaine de l’immobilier, donne un nouvel (1) J. Carbonnier, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10 ème éd., Paris 2001. 117 Dr. Tarak Baccouche éclairage sur le nouveau rôle dévolu au contrat, et sur les mutations même du concept de propriété(2). Pour s’en tenir à la seule notion du contrat, on peut observer qu’ à coté du contrat lien, il y a tout lieu de reconnaitre une valeur patrimoniale au contrat, pris en tant qu’objet de transactions. C’est le contrat bien. Mais le contrat peut revêtir une autre forme ; il peut servir de structure à un groupement de professionnels exerçant dans un secteur déterminé, comme en atteste les contrats de distribution. Le contrat-cadre est, en l’occurrence, une structure choisie par des partenaires cherchant à régir l’ensemble de leurs futures commandes. Ce genre de contrats s’analyse certes comme un lien entre les différents contractants, mais aussi et surtout comme une structure adaptée à une collaboration continue entre les parties contractantes. Ce nouveau visage du contrat trouve dans les contrats de coopération une application intéressante. Le consortium immobilier lorsqu’il est (2) 118 A titre d’exemple, les droits positifs français et tunisien reconnaissent la propriété à temps partagé (V. en droit français les articles L. 121-60 à L. 121-76 Code de la consommation Loi fr. n° 98-566 du 8 juillet 1998 portant transposition de la directive 94-47 CE concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers ; V. aussi en droit tunisien l’art. 2 al. 1er , L. no 2008-33 du 13mai 2008, relative à l’hébergement touristique à temps partagé, J. O. R. T., no 40, 2008, p. 1493. ) et la vente en l’état futur d’achèvement ( V. par ex. La V.E.F.A est régie par la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 modifiée ainsi que par les articles L. 261-1 et suivants et R. 261-1 et suivants du Code de la Construction et de l'Habitation. D’après l’art. 261-1 CCH, « Ainsi qu'il est dit à l'article 1601-3 du code civil la vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. Le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l'ouvrage jusqu'à la réception des travaux ». Le consortium immobilier international notamment, est le terrain d’élection idéal pour traduire ce nouvel aspect du contrat. Citons un exemple pour mieux saisir l’idée(3). Le Lesotho entend pour plus de 30 milliards de dollars US construire un énorme barrage (185 mètres de haut, 700 de long, 60 de large), un lac de retenue de 2 milliards de m3 sur une surface de 36 km, 3 tunnels de 82 km pour acheminer l’eau à Johannesburg, six barrages dont un barrage de reprise, une usine hydrocarbure, des stations électriques, une route d’accès de 60 Km, un village pour les travailleurs, une école, une clinique … La réalisation de ce méga projet doit s’étaler sur une période de 26 ans ( du 1986 a 2010). Or pareille réalisation ne saurait, par la force des choses, être accomplie par une seule entreprise. La constitution du consortium répond à cette contrainte. Le contrat, en tant qu’outil de coopération, fournit la structure idéale pour régir la complexité des rapports, parfois conflictuels, des différents intervenants dans l’opération de construction. On est passé du contrat lien au contrat structure servant à coordonner des opérations de nature juridiques fort différentes, complexes et faisant intervenir des partenaires de nationalité différentes. Cet aspect structurel du contrat mérite l’attention et justifie notre intérêt à ce genre bien particulier d’accord (I). A cela s’ajoute le foisonnement d’obligations originales que ce contrat-structure ferait naître et que, très souvent, ne sont pas réductibles aux obligations de droit commun. La chose ne doit pas surprendre surtout avec la présence des contractants de nationalités différentes et, partant, de cultures juridiques différentes. Dès lors, les rapports de droit auxquels donnera lieu l’accord de consortium, en tant que structure, méritent, eux aussi, l’attention (II). I / Structures On entend par ‘consortium’ ou encore ‘groupement momentané d’entreprises’, « l’accord de coopération temporaire, de nature exclusivement contractuelle, conclu entre deux ou plusieurs personnes physique ou morales qui s’engagent, chacune en ce qui la concerne, à (3) L’exemple est tiré du JurisClasseur- Distribution, fasc. 1830. Ingénierie et transfert de maîtrise industrielle- Réalisation, no 141, infine. 119 Dr. Tarak Baccouche exécuter des prestations distinctes en vue de la réalisation d’une opération commune »(4). Cet accord temporaire de coopération va incontestablement marquer la structure standard (1) du consortium qu’il convient de la distinguer des structures dérivées (2). 1 / Structure standard Le consortium se présente ordinairement comme un groupement momentané d’entreprises. Cette première définition du consortium gagnerait à être précisée. On s’attellera à esquisser les caractéristiques du consortium à travers l’étude des différents groupements avec lesquels il présente des indéniables ressemblances. On peut approcher le consortium par deux voies. Il est un groupement momentané d’entreprises, mais de nature contractuelle. Consortium et Groupe : on a coutume de définir le consortium comme étant un groupement d’entreprise et d’aussitôt ajouter que ce groupement momentané ne jouit pas de personnalité morale. En effet, un consortium est un rassemblement d’entreprises opérant, souvent mais pas exclusivement, dans le domaine du bâtiment qui soumet ensemble une offre, ou plus exactement répondent ensemble à un appel d’offre international, d’une certaine envergure. Ces entreprises pour d’évidents besoins d’opportunité s’accordent à proposer une offre ‘commune’ pour remporter un marché dont elles seraient incapables d’emporter si elles avaient fait isolement leur proposition. L’utilité du montage est triple. -. Avantages. Tout d’abord, l’existence d’un groupement permet de réduire les frais et, par conséquent, de présenter une meilleure offre. Les membres du groupement seront mis à contribution pour les dépenses communes et ils pourraient profiter de l’économie d’échelle qui s’ensuivrait. Ils ont donc manifestement intérêt à s’unir, ne ce serait ce que le temps du projet, pour proposer la meilleure offre. (4) 120 Chenut ( Ch-H.), Les raisons de constituer un groupement d’entreprises en exécution d’un contrat de partenariat public-privé », JCP ( E ), no 29, 2002, 2125, V. aussi du même auteur, Le contrat de consortium, LGDJ, Bib. dr. priv., tome 390, Paris 2003, nos 32 et suiv. , p. 20 et suiv. Le consortium immobilier Ensuite, l’ampleur du projet incline à la constitution de consortium. Sans crainte d’excès, on parle souvent de méga projet. Pensons, rien que dans le domaine de l’immobilier, à la construction des aireports, des barrages, des plates formes pétroliers, des centrales nucléaires, ou des villes entières(5). D’autres consortiums de type financier ou même industriel peuvent également être cités(6). Ces gros oeuvres, nécessitent, de facto, l’intervention de plusieurs entreprises. Car aucune d’elle ne serait en mesure de s’acquitter de la tâche. Il y donc nécessite de fait à ce que toutes les entreprises intéressées se mettent d’accord pour remporter le marché. Enfin, le maître d’ouvrage (le commanditaire du projet si l’on veut), préfère et, le plus souvent, impose la constitution de consortium. La constitution d’un ensemble d’entreprise est pour lui un gage de faisabilité, puisque, par hypothèse, l’ampleur des travaux commandés, dépasse de loin les capacités d’une seule entreprise. Par ailleurs, il lui est nettement plus facile de négocier avec une structure d’entreprises dotée d’un représentant que de négocier avec chacune d’entre elles. Le maître d’ouvrage saura limiter les effets d’une éventuelle défaillance d’un membre du consortium. Le plus souvent, par convention expresse, les membres du consortium sont a minima tenus solidairement envers le maître d’ouvrage. Or, que les entreprises soumissionnaires soient forcées de se constituer en consortium ou souhaitent pour raisons d’opportunité juridiques(7) ou financières(8) notamment, de former un groupement, il ne reste pas moins certain que le fait de faire un certain parcours ensemble (5) (6) (7) (8) Faut citer ici le projet émirati de la construction d’une ville écologique non loin de la capitale. Mais les consortiums industriels existent. A ce propos, on utilement citer le consortium Airbus Industrie, d’autres sont financiers (pool bancaire : par exp., les banques françaises BNP-Paribas, Société Générale et Crédit Lyonnais, liés aux groupes énergétiques nationaux EDFGDF et Total Fina Elf – sont présentes dans les pools finançant la plupart des projets internationaux de ces derniers). Dans l’hypothèse par exemple où la loi nationale du maître d’ouvrage impose la participation d’entreprises locales dans la réalisation du marché, ou que cette participation soit de jure obligatoire du fait que la loi nationale du maître de l’ouvrage réserve la réalisation de certaines activités aux seuls nationaux. Ainsi, pour limiter les risques financiers, une entreprise se met avec une autre pour ne pas courir trop des risques sur un seul et même marché. 121 Dr. Tarak Baccouche rapproche sensiblement le consortium des groupements du droit des sociétés. Consortium et groupe de sociétés. Il y a tout d’abord un rapprochement possible entre le Consortium et le groupe des sociétés. L’un et l’autre sont dépourvus de personnalité morale. Les deux entités sont, en outre, composées d’entités juridiquement autonomes(9). Enfin, il peut arriver que les membres de l’une ou l’autre entité soit solidairement tenus des dettes d’un membre défaillant. Ces similitudes ne doivent pas, pour autant, abuser sur leurs différences. Structurellement, il y a une différence de taille entre les deux entités. En matière de groupe des sociétés, la société mère détient une participation dans la filiale de laquelle dépendent la nature et l’ampleur du contrôle qu’elle exerce sur cette dernière (la filiale). La solidarité à laquelle serait tenue la société mère ou une autre filiale appartenant au même groupe tient du degré du contrôle exercé et de sa nature. La structure du pouvoir est hiérarchique. A la tête de cette structure, se trouve une holding qui détient et gère des participations dans d’autres sociétés (filiales) qui, à leurs tour, détiennent des participations dans d’autres sociétés (sous filiales)(10) et ainsi de suite … . Dubaï World constitue un parfait exemple en ce sens. Or, force est de constater que l’ensemble de ses sociétés est verticalement uni : de haut (la holding) en bas (les sociétés) en passant par les filiales, il y a, à tout le moins, une communauté de contrôle financier. Certes, ces liens financiers ne vont pas jusqu'à faire perdre aux sociétés du groupe leur autonomie juridique, mais il n’en est pas moins que le groupe poursuit une même stratégie de développement sous la houlette, donc sous le contrôle, de la société mère. Par le jeu des prises de participation, tous les membres du groupe sont interdépendants. Cette interdépendance puise (9) (10) 122 Théoriquement, rien ne s’oppose à ce qu’un consortium puisse comporter des entreprisses n’ayant pas la forme sociétaire. Mais, la réalité est tout autre : l’importance des tâches nécessiterait des capitaux financiers importants que seule une structure sociétaire pourrait offrir. En principe, les participations réciproques sont permises mais dans des conditions de seuils bien stricts par craintes de fictivité du capital. Le consortium immobilier dans l’élément financier, et est synonyme de contrôle. Le sens des liens qui tiennent les membres du groupe est vertical, fondé sur un rapport de contrôle, donc sur un rapport de domination financière(11). Or, rien de tel pour le Consortium. Le groupement est en l’occurrence constitué d’entreprises complètement indépendantes et traitant d’égal à égal. L’entreprise pilote n’exerce aucun pouvoir sur les autres membres du consortium. Bien au contraire, considérée comme leur mandataire commun, elle leur doit des comptes (l’obligation de rendre compte). C’est qu’ici la structure est horizontale. Le consortium est avant tout un contrat qui officialise un accord entre des partenaires libres et égaux juridiquement, unis par et dans un même negotium. C’est qu’au fond l’élément juridique - et non pas financier- qui rapproche, lie et tient l’ensemble. Au niveau le plus élémentaire, le contrat de consortium peut se présenter comme une série des contrats de co-traitance lié les uns aux autres, de sorte que les uns s’enchaînent et s’imbriquent aux autres. Certains sont le préalable nécessaire, les autres le complément obligé. Ces contrats ne se conçoivent pas sans les autres et tous forment les éléments indispensables du puzzle puisqu’ils participent à la réalisation de la même œuvre(12). Toujours dans le même ordre d’idées, mais dans un sens différent, il est utile de souligner que les membres du consortium ne sont pas actionnaires dans une même et unique structure; ils sont simplement partenaires. Or les deux situations sont radicalement différentes. Lorsque plusieurs entreprises se mettent d’accord pour constituer un consortium, elles n’entendent pas, stricto sensu, réaliser une œuvre commune, ni même partager les bénéfices qui pourraient résulter de leur coopération. Elles cherchent seulement à rendre faisable conjointement ce qui leur était (11) (12) Cette domination ne provient pas du pourcentage de la participation dans le capital, mais de l’extrême fragmentation du capital entre un nombre impressionnant des actionnaires. Ainsi, la détention de 10 % du capital suffit largement à conférer le contrôle d’une société cotée en bourse. Cf. avec TEYSSIE (B.), Les groupes de contrats, LGDJ 1975, p. 75 qui retient la notion de groupe du moment où les contrats conclus: “ participent à la réalisation d’un même objectif ». 123 Dr. Tarak Baccouche impossible de réaliser isolement. Leur rassemblement est de pure circonstance(13). Il ne relève aucune intention de s’unir (affectio societatis) comme en atteste l’économie de l’accord lui-même. En réalité, un consortium est un accord de conjoncture, conclu pour durer le temps d’un projet. Il est enserré dans des limites temporelles bien précises. Par ce fait, il est momentané. Ce deuxième caractère le différencie manifestement du groupe des sociétés qui, lui, au contraire, a vocation de durer bien plus longtemps. Cette divergence, faut –il le rappeler, tient aux raisons profondes qui ont présidé au choix des deux structures respectives. Il en va différemment en matière de groupe des contrats. Consortium et groupe des contrats. On entend par groupe des contacts les seuls ‘ensembles contractuels indivisibles’ tels que définis par une jurisprudence française bien acquise(14). Aux termes d’un célèbre arrêt (13) (14) 124 Mais il arrive que certains consortiums industriels soient créés pour durer (par exp. consortium Airbus Industrie). En réalité, la structure s’explique mieux par le droit des sociétés, que le droit des contrats. La structure, faussement dénommée consortium, s’apparente mieux une partnership qu’à un consortium proprement dit. V. tout particulièrement l’arrêt de principe rendu par la 1ére Ch. civ. de la Cour de cass. fr., le 13 nov. 2003 ( D. 2004, p. 657, note I. Najjar). Cette décision vient couronner une construction prétorienne retenant le ‘groupe contractuel indivisible’ et qui a commencé avec un arrêt rendu par la 1ére chambre civile le 3 déc. 1996, JCP (E) 1997, II, 961, p 134 136 ( rejet du pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel qui a conclu l’existence d’un ensemble indivisible des statuts d’une association et les contrats de panonceau, cf. avec la jurisprudence Sedri (Civ. 1ere juill. 1997) et C A d’Aix en Provence, 8 ème ch. B., 13 fév. 1998, JCP ( G.), 1998, II, n 10213, pp. 22652269, groupe de contrats indivisibles à durée identique et dont l’exécution est simultanée; la résolution du contrat de prestation de service entraîne la résiliation du contrat de location du matériel). A notre connaissance, cette décision a admis pour la première fois la notion doctrinale des ‘groupes des contrats’ (V. la très remarquable et remarquée thèse de Mr B. TEYSSIÉ, Les groupes de contrats, préface de J.-M. MOUSSERON, Paris, L.G.D.J., 1975. Et l’idée de faire son chemin en doctrine, V. NÉRET (J.), Le sous-contrat, préface de P. CATALA, Paris, LGDJ. 1979, et plus récemment V. les travaux de Bacache-Gibeili ( M.), La relativité des conventions et les groupes de contrats, LGDJ 1996 ; Fories (P-A), Groupes de contrats et ensembles contractuels – Quelques observations en droit positif, LGDJ, coll. Contrats et patrimoine, 1ère éd., Paris 2006) et qui ont, depuis lors, suivis (not. Com. fr., 15 janv. 2002, et 3ème Civ., 26 mars 2003, 1er civ. 13 juin 2006 cassation partielle, D. 2007, p. Le consortium immobilier rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation française, « les conventions interdépendantes conclues en vue de la même opération économique formaient un ensemble contractuel indivisible »(15) . Et la Cour de droit de confirmer l’arrêt de la cour d’appel qui a prononcé la condamnation des différentes sociétés in solidum pour rupture abusive des conventions conclues entre elles et un ‘agent de vente’. La Cour d’appel avait, en effet, relevé que chaque groupe de contrats signés par les mêmes parties tendait à la même fin. Le raisonnement des juges du fond avait été suivi par la Cour de cassation, alors que le pourvoi leur reprochait de déduire l’existence d’un groupe pour des contrats irréductibles les uns aux autres de part leur nature juridique, objets et rémunérations. Il abonde, en ce sens, en avançant: « que les gestionnaires du contrat d’administration et du mandat de vente soient les mêmes personnes ne pouvant avoir pour effet nécessaire de les rendre indissociables »(16). -. Intérêts. Pour la question qui nous occupe, cet état de la jurisprudence est doublement intéressant. (15) (16) 277, note J. Ghestin). Les décisions ultérieures ont cristallisé la notion de groupe de contrats indivisibles, V. par exp. en ce sens : Com., 5 juin 2007, Bull. civ. , IV, n 156 : « Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la réalisation des contrats de location et de maintenance n’entraîne pas, lorsque ces contrats constituent un ensemble contractuel complexe et indivisible, la résolution du contrat de vente mais seulement sa caducité, l’acquéreur devant restituer le bien vendu et le vendeur son prix, sauf à diminuer celui-ci d’une indemnité correspondant à la dépréciation subie par la chose en raison de l’utilisation que l’acquéreur en a faite et à tenir compte du préjudice subi par l’acquéreur par suite de l’anéantissement de cet ensemble contractuel, la cour … a violé» … et, en dernier lieu, Com. fr. , 13 fév. 2007, arrêt n 227, pourvoi no 05.17407, « Mais attendu qu'ayant retenu que les quatre contrats litigieux étaient interdépendants, dans la mesure où ils poursuivaient tous le même but et n'avaient aucun sens indépendamment les uns des autres, les prestations de maintenance et de formation ne se concevant pas sans les licences sur lesquelles elles portaient et l'acquisition de ces licences par la société Faurecia n'ayant aucune raison d'être si le contrat de mise en oeuvre n'était pas exécuté, la cour d’appel n'avait pas à relever que la société Oracle en était informée, dès lors que cette société avait elle-même conclu les quatre contrats concernés ; qu’ainsi l’arrêt n’encourt aucun des griefs formulés au moyen ; que ce dernier n’est pas fondé ». Com. 13 nov. 2003, préc. Com. 13 février 2003, préc. 125 Dr. Tarak Baccouche Tout d’abord, il n’est plus nécessaire, sur le plan strictement conceptuel, pour qu’il y ait chaîne ou ensemble contractuel que la cause ou l’objet des différents contrats soient identiques. Il suffit, et seulement suffit, qu’il y ait interdépendance entre les différents contrats. Autrement dit, il suffit que toutes les conventions soient conclues en vue de la même opération économique formant ainsi un ensemble contractuel indivisible. L’interdépendance suffit donc amplement sans qu’il y ait besoin d’une parfaite identité d’objet ou de cause, comme l’enseignait jadis une doctrine ancienne des plus autorisée(17). D’après cette nouvelle définition, le ou les accords du consortium se déclinent facilement en un ensemble des contrats concourant au même objectif et, partant, formant un ensemble contractuel indivisible(18). Cela est d’autant plus vrai que cet ensemble est grosso modo formé par des contrats ayant, souvent, la même nature juridique (des contrats d’entreprises), même si les obligations et les rapports peuvent sensiblement varier d’un contractant à un autre dans le même accord de consortium. A la vérité, un consortium immobilier se présente comme un accord renformant dans un seul ou plusieurs instrumentum une succession d’obligations reparties entre les membres du consortium. Le negotium, par contre, est unique. Tous les membres du consortium ont conscience qu’ils concourent ensemble, et non pas dans un ordre dispersé, à la réalisation d’une œuvre commune(19). (17) (18) (19) 126 V. en ce sens précis B. TEYSSIE, Les groupes de contrats, LGDJ 1975, p. 75. Cela provient du fait que la démonstration a été essentiellement administrée à partir des textes de loi reconnaissant exceptionnellement une action directe à certains souscontrat (sous -location, sous -traitance et en matière de substitution de mandataire ‘sous mandat’). L’état du droit positif permettait alors de déduire des groupes des contrats formés par l’identité de la cause ou d’objet. Mais, par des touches successives, la jurisprudence a étendu progressivement le domaine de la notion de groupe en se contentant de leur interdépendance. Il semble aujourd’hui que la construction prétorienne qui a vu le jour a atteint un degré de maturité juridique qui permet de la considérer comme telle. Cf. avec TEYSSIE, thèse précitée, p. 75 qui retient la notion de groupe du moment où les contrats conclus: “ participent à la réalisation d’un même objectif » Mutatis mutandis, la situation ne va sans présenter, en matière de propriété littéraire, des analogies indéniables avec l’oeuvre de collaboration. Là aussi on a pu conclure à l’existence d’ensemble, à l’instar de l’ensemble journalistique (V. dans ce sens, Le consortium immobilier -. Exemple. L’exemple du consortium franco-allemand qui à construit a Abu Dhabi, en 1985, une station de traitement du gaz clés en mains refermant notamment une station de compression de gaz ainsi que la construction d’une raffinerie et d’un réseau de pipeline de quelques 245 km et des unités de déshydratation, de dégazolinage et d’extraction de souffre est, à cet égard, édifiant(20). Il est certain en l’occurrence que tous les contrats conclus n’ont pas la même nature juridique, ni même, a fortiori, le même régime. Certains sont des contrats d’entreprise tels les contrats relatifs au génie civil au sens très large (bâtiment, l’électricité, charpente métallique, air conditionné, système de sécurité, …). D’autres sont des contrats de fourniture d’équipements clés en mains (fourniture des stations et d’unités), qui opéreront, entre autre, un transfert de savoir faire (Know-how) et un transfert de propriété, d’autres encore sont des contrat de recherche, de coopération et de développement (conception de nouvelles méthode de traitement déshydratation, de dessalinement, d’économie d’énergie, utilisation de nouveaux brevets inventés spécialement pour les besoins du projet …). Le tout est coiffé par un contrat de mandat permettant au chef de file de représenter les membres auprès du maître de l’ouvrage et vis-à-vis des tiers. Il est, dès lors, évident que le recours à la notion d’ensemble contractuel indivisible permet à bien d’égards de surmonter les difficultés nées de la nature juridique irréductible de certains contrats aux autres. On Thoumyre (L.), L’ensemble journalistique : entre le collectif et la collaboration, Cahiers de propriété intellectuelle, vol. 12, n 2, février 2000, pp. 421 et suiv.; cf. avec Cass. (1 ère Ch. Civ.), 15 mars 2005, n 567, pourvoi no 03-14820, inédit, (pour un ensemble architectural) (20) Il s’agit du complexe Zakum qui s’est vu, pour 370 millions de dollars, élargi par la fourniture des nouveaux équipements clés en mains par la société Technip, en collaboration avec NPCC (National Petrolum Construction Company), relatifs à des installations de traitement et de compression de gaz. La nouvelle station sera reliée à la plate-forme existante par un pont. Elle comportera, en outre, une nouvelle unité de déshydratation de gaz au triéthylène glycol, une unité de refroidissement d'air et un système de récupération des vapeurs. Les installations devraient être remises courant janvier 2010. 127 Dr. Tarak Baccouche est en effet bien loin du schéma classique d’un ensemble composé forcement et uniquement des contrats de cotraitance (V. supra, n). C’est bien là manifestement le grand mérite de cette jurisprudence qui a su forger, à partir de la notion de ‘groupe contractuel indivisible’, une notion qui permet d’appréhender ce tout juridique à travers un concept unique sans dénaturer les caractéristiques propres aux éléments composant ce même tout. La notion ainsi développée par la jurisprudence française permettra de déterminer une partie du régime juridique appliqué aux membres du consortium, sans exclure par là même le régime appliqué à chaque membre du fait de la nature des liens qui l’unissent au maître de l’ouvrage. L’obligation de renégocier les termes du contrat ou l’obligation de coopération incombant aux différents membres du consortium, par exemple, s’explique manifestement par l’existence d’un ensemble contractuel indivisible. Mais le recours à la notion n’exclut pas, loin s’en faut, l’existence d’autres obligations spécifiques pesant sur chaque membre ès qualité ou du fait de ses engagements pris envers le maître d’ouvrage. L’obligation de rendre compte incombant au chef de file, ou celle de former du personnel, d’entretenir le matériel technique fourni pesant sur le fournisseur d’équipements puise respectivement dans le contrat de mandat et/ou de fourniture d’équipement. Ensuite, et sur le plan strictement technique, la notion d’ensemble contractuel permet au juge, dans une hypothèse d’un recours en responsabilité, d’apprécier globalement, donc dans son ensemble, les conditions de réalisation du marche et d’exécution des prestations promises. On peut ajouter, dans le même sens d’idées, que la réception fractionnée de certains éléments du marché ne vaut pas réception du tout. L’exception d’inexécution est, en outre, opposable même à l’encontre d’un membre non défaillant(21). -. Limites. Néanmoins, la notion ‘d’ensemble contractuel indivisible’ a ses propres limites. (21) 128 Cf. en droit fr. Com. 15 oct. 1996, RJDA 1997, no 1(rendu en matière de systèmes informatiques). Le consortium immobilier Deux écueils restreignent sensiblement le recours à la notion de groupe contractuel indivisible pour qualifier le consortium. En premier lieu, il est téméraire de considérer, sans abstraction majeure, que les différents engagements des membres du consortium sont toujours intredependants, et partant, indivisibles. Car si la condition d’interdépendance paraît être remplie pour les tâches, prestations et lots de travaux concomitants ou successifs, elle est, par contre, difficilement concevable pour les lots des travaux non connexes, c’est-à-dire ceux qui ne postulent pas la réalisation préalable de certains travaux. Certains lots de travaux qui ne sont pas forcements liés ou imbriqués dans l’ensemble, sont parfaitement détachables et, par conséquent, divisibles. L’exemple suivant éclairera le propos. Les travaux de construction suivent normalement les études du terrain et les travaux de terrassement. Par ailleurs, les travaux d’électricité, d’air conditionné et de sécurité sont souvent lies et se succèdent. Ils précèdent, en principe, les travaux relatifs à l’équipement lourd (gros équipements, matériel d’exploitation, systèmes informatiques …). Ceux-ci viennent normalement avant les travaux relatifs à la production (installation des unités de production). Mais cette présentation peut varier. Ainsi, il n’est pas exclu, pour d’évidentes raisons d’opportunité ou d’économie, de renverser le court normal de la réalisation des travaux. Car s’il est aisé de présumer objectivement l’interdépendance des différentes taches dévolues aux membres du consortium, il n’est pas réellement toujours ainsi. Les lots d’un méga projet n’ont pas tous la même importance, et ne portent pas sur les mêmes objets. Le plus souvent, ils sont objectivement distincts et séparés les uns des autres. Parler d’interdépendance, dans ces conditions, méconnaît la réalité et dénature outrageusement l’objet des engagements pris par les membres du consortium. Pour reprendre notre exemple, il est bien difficile d’imaginer une quelconque interdépendance entre les travaux de terrassement et ceux lies à la climatisation ; entre ces derniers et ceux relatifs à la fourniture d’équipements, par exemple. C’est que chaque lot du marché peut être matériellement séparé du reste de l’ensemble. Dans le projet émirati 129 Dr. Tarak Baccouche Zakum (en cours de réalisation), rien n’empêche pour des contraintes de délais, ou de performance, voire pour des raisons de coût, de monter les installations et les unités de productions avant de procéder aux travaux de génie civil par exemple, de réaliser l’infrastructure portuaire avant d’entamer la construction des unités de production. Il en ressort que l’interdépendance qui vaut entre les phases d’un même lot de travaux (génie civil : bâtiment, charpente métallique, câblerie …) n’est pas toujours avérée relativement aux autres lots (génie civil, équipements lourds, systèmes de gestion et de contrôle, unité de production …). Dès lors, il est particulièrement risqué de concevoir une sorte d’interdépendance entre des lots parfaitement distincts et pouvant être facilement isolés du reste de l’ensemble. Il s’ensuit qu’en matière de consortium, l’interdépendance n’est pas de fait mais de droit. Elle ne résulte pas de ‘la nature de l’affaire’, mais un effet de la volonté des parties contractantes. Aussi, le contrat du consortium ne doit t-il pas prévoir une clause expresse d’indivisibilité ou, à tout le moins, d’interdépendance entre les différents intervenants. C’est qu’en l’occurrence, et à l’opposé de l’ensemble contractuel indivisible, l’interdépendance ne coule pas source. Elle doit contractuellement être stipulée; faute de quoi, le juge ne saurait systématiquement la déduire(22). La deuxième limite a trait à la réception de la notion par les ordres juridiques étrangers. Il est fort possible, en effet, que cette notion de conception française ne soit pas transposable aux droits étrangers (droit du maitre d’ouvrage, par exemple, ou celui du juge du for). Le risque que cette notion soit méconnue par le juge du for ou même par la juridiction arbitrale reste réel. Cela est d’autant vrai que les droit des ‘pays émergents’, à fort potentiel de croissance, ne reconnaissent pas la notion, du moins telle qu’a été forgée par la jurisprudence française. La chose est bien vraie pour les droits du pays du Moyen Orient et notamment les droits (22) 130 Ainsi il est arrivé au juge français de ne pas retenir, pour les systèmes informatiques, une indivisibilité de fait entre la fourniture d’un équipement informatique et un logiciel d’application (V. Com. fr. 22 janv. 1991, Dr. informatique et télécoms 1993/2, p. 40, note F. Dupuis- Toubol, cité par Le Tourneau et Cadiet, ouv. préc., no 5475, p. 1058. Le consortium immobilier des pays du Golf. Là aussi des fortes réserves pèsent sur la qualification du consortium en un ensemble contractuel indivisible. Il en va, à peu près de même, pour la qualification du consortium en joint venture. Consortium et joint venture(23). Théoriquement, il y a bon nombre de points en communs entre le consortium et la joint venture. Le deux formules postulent la coopération et supposent un vif intuitu personae entre leurs membres. Tous deux prévoient des organes communs de gestion, de coordination et de représentation. Les deux structures font, par ailleurs, peser sur leurs membres des obligations similaires : une obligation mutuelle de renseignement et d’assistance, une autre relative à l’échange des données et d’informations, une obligation de confidentialité, pour ne citer que des exemples. Les différends nés entres les membres sont, le plus souvent, portés devant une juridiction arbitrale après avoir été soumis à un mode alternatif de résolution des litiges (médiation, conciliation, transaction …). Et pourtant, il y a tout lieu des les bien distinguer. Une joint venture est, comme son nom paraît l’indiquer, une société (corporation)(24) supposant des apports incombant sur ces membres et jouissant de la personnalité morale et destinée à durer. Or rien de telle, pour le consortium, qui demeure pour l’essentiel un contrat sui generis conclu en vue d’une coopération temporaire entre ses membres. En l’occurrence, le contrat de consortium régit, en dehors de toute réglementation spéciale, les rapports momentanés d’un groupe d’entreprises. Dans les deux montages, il y a les membres qui se choisissent intuitu personae, sauf qu’en matière (23) (24) Sur l’ensemble de la question, V. par exp. Pironon ( V.), Les joint ventures : contribution à l’étude juridique d’un instrument de coopération internationale, thèse, préface de Mr Fouchard ( Ph.), coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses, éd. Dalloz, Paris 2004. Jointe venture est un anglicisme qui se réfère l’aventure commune, ce qui suppose la volonté de partager le risque commun. Par contre, le terme consortium renvoie à l’accord scellant le sort des partenaires, il met davantage l’accent sur l’identité des liens. Il a donné le terme ‘consorts’ (pl.) qui suppose le lien du mariage (cf. avec prince consort).Or le mariage s’apparente davantage au contrat qu’à la société. 131 Dr. Tarak Baccouche de joint venture l’intuitu personae tient à l’affectio societatis(25) alors qu’en matière de consortium elle se réduit à une simple intuitu firmae. Ainsi, pour mieux rendre compte de cette dernière différence, la solidarité, qui est de droit entre associés dans une joint venture, ne vaut, pour les membres du consortium, que dans la mesure où elle été stipulée, donc, conventionnellement consentie. Ceux-ci ne sont, en principe, tenus que d’une obligation conjointe dans l’hypothèse ou leurs obligations seraient indivisibles. De surcroit, le recours à la jointe venture postule l’existence d’un ensemble entrepreunarial opérant dans des domaines similaires permettant à ces membres d’évaluer les risques auxquels ils seront exposés vis-à-vis du maître d’ouvrage. Cela suppose une synergie entre les domaines d’activité des différentes entreprises formant la joint venture, voire même, leur possible intégration. Tout autre est la nature de la coopération de type consortiale. Elle ne suppose pas l’intégration d’activité, les membres n’entendent pas s’associe mais simplement coopérer le temps d’un projet. Leur coopération n’est pas pérenne. De là, ils cherchent, autant que faire se peut, à limiter les risques du métier de chacun des consorts et n’assumer que les risques inhérents à leurs lots de travaux. Pas moins que la solidarité, l’intégration entre les différents partenaires n’est pas le propre de l’accord du consortium. La question se présente dans des termes comparables en matière de GIE. Consortium et G.I.E. Le caractère momentané du consortium le rapproche certainement du GIE, et a fortiori, du GEIE(26). (25) (26) 132 Peu importe, à cet égard, que la joint venture prenne la forme d’une ‘joint entreprise’, ‘d’equity joint venture’, de ‘partnerships’, de ‘limitedliability partnerships’ ou la forme d’une ‘filiale commune’ ou même une ‘société en participation’. V. le Règlement (CEE), n 2137/1985 du conseil, du 25 juill. 1985, relatif à l’institution d’un groupement européen économique, entre en vigueur le 03/08/ 1985, et la L. fr. no 09-377 du 13 juin 1989 JO fr. 15 juin 1989, p. 7440 et arrêté du 20 juin 1989 J. O. fr. 30 juin p. 8101). V. aussi les articles 869 à 885 de l’Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique du Traité de l’OHADA (l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires africain-). Le consortium immobilier Par ailleurs, tout comme le consortium, le GIE est structure regroupant plusieurs entreprises oeuvrant ensemble en vue de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité(27). En règle générale, le GIE ne vise pas à réaliser des bénéfices pour lui-même, même si lui arrive d’en faire (alinéa 2 de l’article L. 251-1 du Code de commerce fr., art. 442 C. soc com. tun). L’objectif premier présidant à sa constitution reste le développement de l’activité de ses membres et non pas le partage des bénéfices ; ceux-ci -lorsqu’ils existent ne doivent pas être recherchés pour eux-mêmes et devraient être repartis entre les membres du GIE, en principe au prorata de leurs engagements financiers. C’est autant dire, là aussi, que les membres du GIE ne sont pas animés par l’affectio societatis(28). Celle-ci n’étant pas du propre du GIE et ce dernier peut être constitué sans capital (V. par ex. 441 C. soc comm. tun.)(29) . Ainsi, chaque membre entend bien demeurer le seul maître des risques liés à ses activités propres. C’est qu’en définitive, et contrairement à une doctrine traditionnelle, le GIE reste une structure intermédiaire entre l’association et la société, avec cette emprunte contractuelle, fortement présente et qui imprègne tout son régime de gestion et d’administration, notamment(30). Là aussi, la ressemblance entre le consortium et le GIE est saisissante(31). A l’image du consortium aussi, le GIE doit être constitué pour une période déterminée pour la réalisation des ses objectifs(32). Cette période (27) (28) (29) (30) (31) (32) V. par ex. L’art. 251- 1 al. 2 C. com. fr., V. sur l’ensemble de la question, La loi du 13 juin 1989 sur le groupement français et le groupement d’intérêt économique, Guyon ( Y.), ALD 1989, p. 169 et suiv., et du même auteur, Les obstacles juridiques au développement des GIE, Rev. soc. 1978, p. 25. Cf. par exp. avec Ripert et Roblot, ‘Traité élémentaire – Droit commercial – Commerçants – Actes de commerce – Fonds de commerce-Sociétés commerciales’, LGDJ, 8ème éd., PARIS 1974, no 282 1. Il va de soi que l’absence des apports permettra d’économiser les droits de l’enregistrement (calculés ad valorem) Ripert et Roblot, locus op. cit . Au point que certains assimilent volontiers le GEIE au consortium. Mais certaines législations nationales peuvent prévoir le contraire. Telle est notamment le cas au Maroc (V. art. 1er de la loi marocaine no 13 – 97(Bulletin officiel n° 4678 du 14 hija 1419 (1er avril 1999) Dahir n° 1-99-12 du 18 chaoual 1419 (5 février 1999) portant promulgation de la loi n° 13-97 relative aux 133 Dr. Tarak Baccouche est tributaire des intérêts qui unissent ses membres. Le groupement est tout d’abord un groupement d’intérêt, d’où d’ailleurs son appellation. Ces intérêts sont par essence conjoncturels, et partant limités dans le temps et dans l’espace. La coopération des membres du GIE est, tout d’abord, circonscrite dans l’espace : elle est cantonnée à la réalisation d’un objectif précis. De et par ce fait, les membres du GIE retrouvent, à l’instar des membres du consortium, leur liberté d’actions en dehors des objectifs fixés dans l’accord. La coopération est, ensuite, limitée dans le temps ; la constitution d’un GIE tient à l’objectif à atteindre et a lui seul. Son économie, les moyens financiers mis à sa disposition, la nature des entreprises le constituant(33), font du GIE une structure d’opportunité. Comme le consortium, Le GIE porte en germe son caractère éphémère. -. Spécificités. Mais, contrairement au consortium, le GIE jouit de la personnalité morale. Cette personnalité lui assure un minimum de durabilité. Par contre, cette personnalité est absente en matière de consortium. L’accord du consortium est formé ‘sur le tas’, pour un besoin ponctuel, celui de remporter un marché qu’aucune entreprise ne serait en mesure d’honorer toute seule. En matière de consortium, le contrat restant le seul lien de droit unissant les membres du groupement. Un consortium n’est donc pas tenu aux formalités d’inscription et de publicité incombant aux groupements sociétaires. Cette singularité rapproche sensiblement le consortium des sociétés dépourvues de personnalités morales (société en participation, société de fait, créée de fait, et la partnership). De surcroit, les membres du GIE sont de jure solidairement et indéfiniment tenus des dettes du groupement envers les tiers(34). Dès lors, (33) (34) 134 groupements d'intérêt économique) qui prévoit que la durée peut être déterminée ou indéterminée. Il faut ici dire que les entreprises constituant le GIE peuvent être des entreprises individuelles ou sociétés de nature civile ou commerciale. La solidarité de jure des membres du GIE est retenue par tous les ordres juridiques qu’on a pu consulter. V. par ex. l’art. 449 CSC tun . Cela s’explique vraisemblablement par le fait que toutes ces législations n’ont fait que reprendre l’institution de droit français qui prévoit la solidarité. La solidarité joue de droit sauf clause contraire insérée dans le contrat conclu par le GIE avec un créancier déterminé (V. en ce sens, l’article 4 de l’ordonnance du 23 sept. 1967). La solution Le consortium immobilier l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du GIE entraînera l’ouverture de la même procédure à l’encontre de chacun de ses membres. La solution est relativement nuancée en matière de consortium, puisque la question de la solidarité est entièrement laissée à la volonté des parties contractantes. Elle relève du domaine de la convention(35), même si en pratique le maître d’ouvrage la stipule souvent. Au fond, le consortium doit être regardé comme étant est le produit de la volonté des parties contractantes. Le droit positif ne l’appréhende que sous cet angle, donc en tant qu’ensemble des volontés contractantes. Ces volontés vont jusqu’à concevoir les organes de coordination et de représentation du consortium, même s’ils restent incontestablement d’origine contractuelle, et empruntent certains traits aux règles du droit des sociétés (règle de l’unanimité faute de prévisions dans l’acte constitutif, inopposabilité des limitations contractuelles du représentant du groupement vis-à-vis des tiers contactant avec le groupement, obligation de poursuivre le paiement contre le GIE avant de poursuivre ses membres, partage des bénéfices éventuellement réalisés, partage du boni de liquidation, identité des cause de dissolution du GIE avec celle des sociétés de personne, possibilité d’émettre des parts d’obligations, possibilité du groupement d’acquérir la propriété commerciale si son objet est commercial …). Comparé au consortium, le GIE se présente comme une structure régie par la législation nationale, voire même par le droit européen (GEIE) ou régional (Acte Uniforme de OHADA), assujetti à des procédures de constitution et de publicité lourdes, coûteuses et non sans conséquences sur le plan fiscal, même si la volonté des ses membres occupe une place privilégiée dans la manière de le gérer et de l’administrer. Le consortium, lui, est un accord de volonté, qui s’appuie sur la seule volonté des ses membres qui doivent tout prévoir dans l’accord de constitution. Cela est d’autant plus vrai que très souvent ses membres (35) inverse vaut en matière de consortium puisque la solidarité n’est pas de droit et c’est souvent le maître d’ouvrage qui la stipule (V. supra). Et la Cour d’appel de Paris de tenir la responsabilité personnelle du membre du consortium qui a négocié et signé directement avec le maître de l’ouvrage, CA Paris21 janv. 1975, Journal des agrées 1975, 247. 135 Dr. Tarak Baccouche appartiennent à plusieurs ordres juridiques. La chose rappelle, toute proportion gardée, le contrat sans loi du droit international privé qui, par convention expresse, renferme toutes les règles de son application(36). Mieux encore, l’accord ou les accords de consortium se distinguent par la flexibilité des obligations actuelles et futures qu’ils feront naître. On signalera seulement ici que les obligations prises par les membres du consortium peuvent et, très souvent, doivent évoluer dans les temps au gré des contraintes rencontrées dans l’exécution du marché. La construction des gros oeuvres immobilières, notamment, ne se fait pas du jour au lendemain. Entre le temps d’octroi du marché et sa réception, des adaptations et des révisions des accords conclus s’avéreront toujours nécessaires du fait de l’évolution des facteurs exogènes et indogènes liés à la réalisation desdits marchés. Remarquons, pour l’heure, que chaque membre est tenu à une obligation de négocier loyalement et de bonne foi ces révisions nécessaires. Au fond, un accord de consortium est un accord qui comporte en filigrane une part importante d’imprévision. De manière progressive, des nouvelles obligations – qui, au demeurant, étaient simplement latentes, mais guère formellement consenties par les contractants partenairesverront le jour. Cette caractéristique fait manifestement défaut dans un contrat ordinaire du GIE ; son objet est suffisamment défini dès l’abord pour exclure des futures révisions. La définition de l’objet statutaire du GIE participe en effet à en limiter l’extension, sous réserve de la requalification du GIE en societe de fait ou créée de fait. Autrement dit, un consortium est ab initio mieux outillé qu’un GIE pour répondre aux contraintes liées aux mégas marchés de construction. Aussi les entreprises ne préfèrent- elles pas cette structure, plus flexible, et partant plus adaptée, sur le GIE pour l’exécution des travaux de grande envergure. Plus fondamentalement encore, la vraie ligne de démarcation entre le consortium et GIE se situe au niveau de la nature même de leurs activités respectives. Aux termes de l’article L. 251 – 1 du C. de commerce français (36) 136 Dont le contrat de coopération internationale est la figure de proue, V. Mémento Pratique Francis Lefebvre, Droit des affaires, Contrats et droits de l’entreprise, ed. 2000 no3333, pp. 465 et 466. Le consortium immobilier par exemple - mais la formule est reprises par tous les autres ordres juridiques qui ont retenu laformule(37) - l’activité du GIE « doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par apport à celle-ci »(38). L’activité du GIE doit être le prolongement de l’activité de ses membres sans toute fois lui correspondre. Car, à proprement parler, le GIE ne doit pas se substituer à ses membres pour exercer en leurs lieu et place. Son activité doit rester auxiliaire dit le texte et doit, sous peine de nullité du GIE lui-même, le rester. Elle doit également être compatible avec l’activité principale (39) et lui être directement liée. -. Activités respectives. En réalité, l’activité du GIE doit se situer en amont ou en aval à celle des ses membres. Ainsi le GIE est le cadre parfait pour engager en commun des travaux d’études, de prospection, de marketing, ou de publicité. Il en est de même lorsqu’il entend exercer, pour compte de l’ensemble des membres, l’activité d’expertise technique ou financière dans un domaine particulier qui les intéresse directement. La formule peut s’avérer très pratique et de moindre coût lorsqu’elle vise à faciliter l’hébergement de l’activité des membres du GIE(40), ou leur exploitation en commun d’un procédé technique(41), ou encore la gestion en commun de gros équipements (des médecins indépendants exerçant dans (37) (38) (39) (40) (41) V. par exp. L’art. 439 du C.S. C. tun. Cela tient au fait que ce concept de droit français fut adopté, comme tel, par les législations étrangères : tout d’abord, dans le cadre européen (règlement CEE du 25 juill. 1985 préc.), puis, dans les législations nationales de certains pays francophones (Tunisie et Maroc, entre autres) et, finalement, dans l’Acte Uniforme OHADA (regroupant 14 pays africains de l’ouest et du centre). Sur le caractère auxiliaire de l’activité du GIE, V. Com fr. 13 nov. 2003 (cassation), Bull. Joly, no 3, mars 2003, pp. 407 – 413. V. en ce sens Cass. Com., 13 nov. 2003, préc. La Chambre commerciale de la cour de cassation française a censuré l’arrêt de la cour l’appel qui a admis la validité d’un GIE composé des Compagnies d’assurance et exerçant l’activité d’expertise en automobile, au motif « que l’exercice de la profession d’assureur étant incompatible avec celui d’expert en automobile, la seconde ne peut valablement se rattacher à la première et constituer l’auxiliaire de celle-ci. » Le Code fr. de la Route ( art. L. 326- 6) interdit le cumul de deux activités (assurance et expertise). Tel est par exemple l’exploitation des magasins collectifs indépendants. GIE constitué entre des banques pour faciliter l’exploitation en commun des DAB (ATM) ou des cartes de crédit émises par les membres. 137 Dr. Tarak Baccouche une clinique, par ex.), voire même des stocks de produits (achats groupés : centrales d’achats ou de vente, promotions …). En somme, l’activité du GIE doit être le complément nécessaire de l’activité principale visant à la développer et à accroitre son potentiel. Elle s’exerce donc en marge de cette activité, si l’on peut s’exprimer de la sorte. En aucun cas cette activité auxiliaire ne devrait supplanter ou concurrencer l’activité principale de ses membres. Le contraire conduirait immanquablement à requalifier le GIE en societe de fait(42), ce que les membres cherchent absolument à éviter. Car, répétons-le, les parties ne sont pas animés d’une une véritable affectio societatis, leur coopération tient seulement de leur intérêt à développer leur connaissance ou exploitation à propos d’un secteur auxiliaire. Or, en matière de grands projets de construction, pour raisonner sur un exemple concret, ce caractère auxiliaire de l’activité du GIE s’oppose fermement, à ce qu’il puisse opportunément soumissionner pour ce genre des projets. Les travaux que nécessite l’exécution du marché sont d’une ampleur telle qu’il est inconcevable qu’ils puissent relever d’une quelconque activité auxiliaire. Toute la question est là. Les travaux de fourrage d’un tunnel sous la manche, de construction d’un barrage, ou d’une ligne de métro, d’une ville écologique, ou d’un complexe pétrochimique, ou encore d’une île artificielle, pour ne citer que des exemple, sollicitent le concours des plusieurs entreprises et toujours oeuvrant à titre principal. C’est une limite de fait qui surgit ici limitant le recours au GIE pour les mégas projets de construction, notamment. A cela s’ajoute une raison de pur droit. Le GIE ne doit pas se substituer à ses membres, autrement-dit, il ne doit pas les supplanter. Par ricochet, cela réduirait considérablement les GIE candidats aux mégas projets. Car, comme les travaux appellent, par hypothèse, des activités principales, il y a fort à parier qu’il y aurait forcement un fâcheux conflit d’intérêts entre le GIE et l’un – ou plusieurs- de ses membres. -. Exemple. Reprenons notre exemple et illustrons. La construction du Borj Cheikh Kalifa Bin Zayed à Dubaï a nécessité le concours des (42) 138 V. en ce sens Trib. Comm. Paris, 23 fév. 1970, JCP 1970, II, 16335, note Guyon, Rev. Dr. Com. 1970, p. 499, obs. Houin. Le consortium immobilier plusieurs entreprises, de toutes sortes et dans les domaines les plus divers. Une entreprise de terrassement ou de construction, ou encore d’électrification voire même de climatisation ne peut soumissionner si elle n’exerce pas à titre principal ; sinon cela le mettrait en porte à faux – dans l’hypothèse ou elle revêtait la forme d’un GIE - avec certains membres du groupement. La réalisation du marché par l’entreprise GIE - lorsqu’il ne heurte pas la réglementation nationale relative à la répression des ententes ou les concentrations d’entreprises (antitrust)(43) ou les règles d’ordre public d’octroi des marchés publics- reviendrait presque toujours(44) à exécuter une activité principale dévolue en principe aux seuls membres. Il s’agit là manifestement d’un cas de concurrence déloyale qui pourrait même engager la responsabilité du groupement(45). On peut facilement imaginer la suite au regard de la responsabilité indéfinie et solidaire des membres du groupement des dommages imputés au GIE. L’action pénale n’est pas complètement exclue lorsque la concurrence s’accompagne de contre façon, par exemple(46). 2 / Structures dérivées -. Présentation générale. On a jusqu'alors défini, pour des raisons de clarté, les consortiums comme étant des groupements momentanés d’entreprises. Cette definition élémentaire mérite d’être nuancée. Elle ne rend que partiellement compte de la réalité, toujours complexe, des grands projets. Bien souvent en effet, les mégas projets nécessitent non pas un seul consortium mais plusieurs: tout d’abord, un consortium pour la réalisation (43) (44) (45) (46) V. par ex. l’espèce donnant lieu à l’arrêt de la Cour d’appel de Castres ( ch. Civ.), 13 mars 1970, D. S. 1970, p. 358 , note Lavabre ( GIE qui a servi à porter atteinte au libre jeu de la concurrence par l’entente de ses membres). Mais rien n’empêche en effet que des entreprises de bâtiment soumissionnant dans le cadre d’un consortium chargent le GIE des travaux de conception, d’études de terrain (topographie, plans de masse, …) V. sur l’ensemble de la question avec intérêt particulier, Vendeuil ( S.), Groupement d’intérêts économiques et clause statutaire de non concurrence, JCP (E), 1997, I, 364 et suiv. Faut il aussi rappeler que la solution, désormais clairement retenu en droit français, rend le GIE responsable de toutes les infractions – et pas seulement celles incriminées par une loi ou un règlement- commises pour son compte par ses organes ou représentants (L. fr. n 2004-204 du 9 mars 2004) 139 Dr. Tarak Baccouche des travaux, un deuxième pour leurs exploitation, et souvent, un consortium financier pour en assurer le financement et, pour finir, un dernier consortium pour en garantir la bonne fin (consortium des assureurs). Cette multiplication horizontale des consortiums peut se doubler par une ‘pépinièrisation’ verticale, cette fois-ci, des entreprises intervenantes sur un lot particulier du projet. Un ou plusieurs membres du consortium confieront une ou plusieurs tâches a des entreprises de sous traitance. Une entreprise de génie civil, par exemple, se réservera les taches relatives à la construction et sous traitera celles portant sur la climatisation. Aux entreprises contractantes avec le maître d’ouvrage viennent s’ajouter, en l’occurrence, d’autres entreprises qui n’ont pas été contractuellement liées au maître d’ouvrage. Dès lors, le schéma classique se trouve doublement modifié. Pour mieux étudier l’agencement ces structures, il convient de commencer crescendo par présenter la nature des contrats conclus dans un consortium de base. Ordinairement, un consortium est une structure renfermant des contrats de co-traitance. Il faut ici entendre le terme non pas dans son sens strictement juridique, mais dans un sens plutôt technique. Car il est aisé de constater que les contrats conclus avec le maître d’ouvrage ne se réduisent pas, au seul contrat d’entreprise, même si ce dernier demeure le contrat le plus fréquent, et partant, le plus caractéristique de l’ensemble. A coté des contrats d’entreprises, il peut y avoir en effet, des contrats de fourniture d’équipements, des contrats d’assistance technique ou de maintenance, entre autres. Le chef de file, représentant du consortium, est, en outre, tenu dans les termes d’un contrat de mandat(47). D’autres peuvent s’ajouter au gré des contraintes relatives à chaque projet(48). Insistons ici sur le fait que les membres du consortium sont contractuellement liés envers le maître d’ouvrage puisqu’ils ont (47) (48) 140 Ce mandat est, le plus souvent, salarié car non gratuit. Le chef de file reçoit une rémunération pour services rendus. Contrat de recherche et d’études si le terrain à construire présente des difficultés particulières (plate forme pétrolière, tunnel sous marin, île artificielle …). La conception mérite parfois, et à elle seule un consortium spécial. Le consortium immobilier directement traité avec lui. Ce fait est très important, par la suite, pour déduire leurs responsabilités réciproques. Il faut observer, en outre, qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait plusieurs instrumentum ; il suffit qu’il y ait plusieurs negotium. Le dépeçage du contrat du consortium doit constater l’existence de plusieurs engagements pris par plusieurs cotraitants. -. Structure standard. On peut schématiquement, et sous réserve de la nature des différents contrats conclus, et la forme du negotium, présenter la structure standard d’un consortium comme une suite de contrat de cotraitance échafaudée par un contrat de mandat. Structure standard (fig.1) Maître d’ouvrage (M. O.) Chef de file, ou de pool (représentant les membres du consortium auprès du maître d’ouvrage) Mandat Contrat d’entreprise (c1) Contrat d’entreprise (c1) Contrat d’entreprise (c1) Contrat d’entreprise (c1) Contrat d’entreprise (c1) -. Structures dérivées. Cette présentation de base peut varier sensiblement pour les grands ensembles (grands et mégas projet). Ainsi au consortium de réalisation vient s’ajouter en amont un consortium financier et en aval un consortium des assureurs. Des consortiums intermédiaires portant sur des tâches de conception ou d’exploitation peuvent également être imaginés. Mais pour l’essentiel, et à part la complexité liée au nombre d’intervenants, le montage reste le même dans les grands traits. Tous les membres sont contractuellement liés au maître de l’ouvrage et disposent d’une structure commune de représentation. Le JurisClasseur contratsDistribution les présente comme des sous consortiums repartis par tanches 141 Dr. Tarak Baccouche d’activités homogènes(49). La chose ne manque de bon sens dans la mesure où tous ces consortiums sont des montages liant les membres, par secteur ou segment d’activité, au maître de l’ouvrage. Le régime est donc celui de la responsabilité contractuelle. On peut grosso modo présenter les traits caractéristiques de ses sous consortiums de la sorte : Structure dérivée (fig. 2) M.O. Mandatai re(50) (M1) Mandat aire (M2) Mandat Mandat Mandat Sous consortium financier (Sc1) (en amont) c1,c2,c3 +…+cn (49) (50) 142 Sous consortium de conception = (Sc2) 1 2 3 c ,c ,c = +…+cn Mandat aire (M3) Mandat Sous consortium de réalisation = (Sc3) 1 2 3 c ,c ,c +…+cn Mandat aire (M4) Mandat aire (M5) Mandat Sous consortium d’exploitation (Sc4) = c1,c2,c3 +…+cn Sous consortium des assureurs (en (Sc5) aval) = c1,c2,c3 +…+cn Fasc. 1830, V. sous ‘Ingénierie et Transferts de maîtrise industrielle- Réalisation-’ C. 03, 2007, no 146. Les mandataires M1 à M5 sont, en réalité, des sous chef de file (V. fig.1). Ils assument les mêmes missions d’un chef de file ou de pools ordinaires. Le consortium immobilier A son tour, un membre du sous consortium peut confier une partie du marché à un ou plusieurs sous traitants. A priori, ces derniers ne sont pas tenus ex contractu. L’effet relatif du contrat les met à l’abri de tout recours intenté par le maître de l’ouvrage. Res inter alios acta alliis ne que nocere ne que prodesse potest. Mais encore faut-il que le sous-traitant ne soit pas un véritable penitus extranei. A l’évidence, cela suppose que le sous-traitant ne soit pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage. Or, il se peut que le maître d’ouvrage aurait agrée, lors de la constitution du consortium, l’entreprise sous traitante, ou encore l’aurait acquiescé explicitement ou implicitement lors de la réalisation des travaux(51). En l’occurrence, un rapport direct, de nature contractuel, s’établit entre le maitre de l’ouvrage et le sous traitant. -. Action directe. Toutefois, certains ordres juridiques admettent, en dehors de tout agrément du sous-traitant par le maître de l’ouvrage, une action directe que le premier est en droit d’exercer contre le second(52). Et l’on doit, en bonne logique, convenir à l’inverse : le maître d’ouvrage devrait, lui aussi, disposer d’un recours contre le sous-traitant. La responsabilité de ce dernier devrait, bien entendue, être de nature contractuelle. Le droit français, soutenu par une jurisprudence maintenant bien établie, l’admet du moins lorsque il est question de fourniture des biens ou d’équipements. Dans son dernier état, il semble que l’identité du bien transféré (intuitu rei), suffit, pour les contrats translatifs de propriété, à reconnaître au maître d’ouvrage un recours direct contre le sous(51) (52) Il doit en aller toujours ainsi lorsque le marché à un caractère fortement personnel, cf. en droit français avec CA Paris, 7 juill. 1981, JCP (G) 982, II, 19823, note Flécheux, refusant la sous-traitance sans l’accord du donneur d’ordre. Il s’agit des droits français, belge et luxembourgeois (sur la reconnaissance de la notion de groupe des contrats en droit belge, V. les obs. de Mr ETIENNE MONTERO à la Rev. JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES, 2007 / 5, p. 186 et suiv., spéc. p. 192 et suiv.). Notre intérêt porte sur l’action directe dont dispose le maître de l’ouvrage contre le sous traitant et non pas l’action de paiement -qui est bien reconnue par les ordres juridiques et qui permet au sous-traitant d’exercer entre les mains du maître de l’ouvrage une action directe lui réclamant les sommes que lui doit l’entrepreneur principal. Cette action est d’origine légale (V. par ex. en droit fr. L. 31 décembre 1975, art. 12 ; en droit belge 1798 du code civil belge; cf. en droit tunisien avec l’art 28 C. trav.). 143 Dr. Tarak Baccouche traitant(53). Un arrêt rendu le 22 mai 2002 par la chambre commerciale de la Cour de cassation française semble tolérer une action directe exercée par le maitre de l’ouvrage agissant en lieu et place du vendeur intermédiaire(54). (53) 144 La jurisprudence française semble distinguer entre les contrats translatifs de propriété et ceux qui n’opèrent pas ce transfert. Seuls les premiers offrent une actions directes entre les ‘contractants extrêmes, c’est – à –dire le maître de l’ouvrage et le sous traitant. Peu importe, en l’occurrence, que le groupe se réduise à une chaîne homogène (contrat de même nature, V. par ex. Cass. civ. 1 ère 9 octobre 1979, Bull civ., I, n°241, un sous acquéreur contre un fabriquant ; Cass. civ. 1ère, 9 octobre 1979, Rev. Trim. Dr. civ. 1980, 355, note G. DURRY ) ou hétérogène (contrats de nature différente vente – entreprise, Cass. Ass. Plén., 7 février 1986, D. 1986, 293, note A. BENABENT, JCP 86.11.20616. note Malingaud ; le nouveau titulaire du bien ‘jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur’, abstraction faite de la nature juridique des contrats ayant opéré la transmission de la propriété du bien) ou ensemble des contrats ( identité de cause) qui concourent à la même opération économique. V. en ce sens Cass. civ. 1ère, 8 mars 1988, Rev. Trim. Dr. civ. 1988, 541, note J. Mestre ; Cass. civ. 1ère, 21 juin 1988, Rev. Trim. Dr. civ. 1989, 74, note J. MESTRE ; contra Cass. civ. 3ème, 22 juin 1988, JCP 1988, éd. G, II, 21125, note P. JOURDAIN; Cass. civ. 3ème, 31 octobre 1989, Bull. civ., 1989, III, n° 208 ; Cass. civ. 3ème, 6 décembre 1989, Bull. civ., 1989, III, n° 228 ; Cass. civ. 3ème Cass. civ. 3ème, 13 décembre 1989, Bull. civ., 1989, III, n° 236.). Dans un arrêt célèbre, (l’arrêt Besse), fort commenté par la doctrine (Cass. fr. (ass. plén.), 12 juill. 1991, D., 1991, som. 321, obs. J.-L. AUBERT, D., 1992, som. 119, obs. A. BÉNABENT, R.T.D.C., 1991, p. 750, obs. P. JOURDAIN, J.C.P., G, 1991, II, 21743, note G. VINEY, D.S., 1991, I, p. 549, note J. GHESTIN. V. aussi : C. LARROUMET, " L’effet relatif des contrats et la négation de l’existence d’une action en responsabilité nécessairement contractuelle dans les ensembles contractuels ", J.C.P., G, 1991, I, 3531 (article également publié au J.C.P., E, 1991, n° 218, p. 279) ; C. JAMIN, " Une restauration de l’effet relatif du contrat (à propos de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 12 juillet 1991, Besse) », D.S., 1991, chron. XLIX, pp. 257- 264; P. JOURDAIN, « La nature de la responsabilité civile dans les chaînes de contrats après l’arrêt d’assemblée plénière du 12 juillet 1991 ", D.S., 1992, I, chronique XXX, pp. 149-156. Voir aussi G. VINEY,« L’action en responsabilité entre participants à une chaîne de contrats », in Mélanges dédiés à D. Holleaux, Paris, Litec, 1990, p. 398 et suivantes), l’assemblée plénière a mis fin à la divergence entre sa première chambre civile qui admettait une action directe et sa troisième chambre civile qui en déniait l’existence, en décidant que le « sous-traitant n’est pas contractuellement lié avec le maître de l’ouvrage » ; Cass. Civ. 1ère 7 juillet 1992, Bull. civ., I, n°22 : ‘Le sous traitant n'est pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage’ ; … et la 3 ème chambre civile de se plier : V. en ce sens ;Civ 3ème 28 novembre 2001, Bull. civ., III, n°137). Mais une décision de 2002 vient jeter le trouble dans les esprits (Cass. com., 22 mai 2002, D. 2002, somm. 2843, obs. Ph. Le consortium immobilier Il s’ensuit ici que le maitre d’ouvrage exercerait les droits nés sur la tête de son contactant direct. Il est par conséquent tenu dans les mêmes termes et conditions que ce dernier. Les exceptions opposables au vendeur intermédiaire le sont également au maitre de l’ouvrage, et vice versa. A vrai dire, le maitre de l’ouvrage tient ses droits du bien lui-même (propter rem). Ces droits sont des droits réels (in re) car grevés sur le bien et se transfèrent avec lui en quelques mains que ce soit. Ils sont opposables erga omnes, au sous traitant compris. Ces droits sont, aux termes d’une (54) Delebecque ; Rev. Trim. Dr. civ. 2003, p. 94, obs. P. Jourdain : « si le maître de l’ouvrage qui agit contre le sous-traitant exerce l’action que le vendeur intermédiaire lui a transmise avec la propriété de la chose livrée, le sous-traitant, qui n’est pas contractuellement lié au maître, ne peut invoquer les limitations éventuellement prévues dans le contrat principal passé entre le maître de l’ouvrage et le vendeur intermédiaire » (pour contrat d’entreprise avec fourniture de matières). Mais curieusement l’affaire ayant donne lieu à l’arrêt de la chambre Com. fr. du 22 mai 2002, préc., donne à penser que la maître de l’ouvrage pouvait opposer au sous traitant plus d’exceptions il aurait pu opposer à son contractant direct ( l’entreprise principale) ! L’espèce enseigne en effet que la société qatarie Qatar Petrochemical Cy Ltd ( QAPCO) a confié à la société Technip la réalisation d'un complexe pétrochimique (donc un méga projet au sens de cet essai). Cette dernière a commandé auprès de la société Alsthom la fourniture d’un turbo associé à un compresseur qui s’est révélé défectueux. La société Qapco a été reçue pour agir directement contre la société Alsthom alors que cette dernière excipait les limitations de garanties qui prévalaient dans le contrat principal conclu entre Qapco et Technip (entrepreneur principal). La chambre commerciale ne lui a pas donné raison et l’a déboutée de son pourvoi au motif que: ‘si le maître de l'ouvrage qui agit contre le sous-traitant exerce l'action que le vendeur intermédiaire lui a transmise avec la propriété de la chose livrée, le sous-traitant, qui n'est pas lié contractuellement au maître de l'ouvrage, ne peut invoquer les limitations éventuellement prévues dans le contrat principal passé entre le maître de l'ouvrage et le vendeur intermédiaire ; qu'ayant retenu que l'action du sous acquéreur était celle de son auteur, à savoir celle du vendeur intermédiaire contre son vendeur originaire, la cour d'appel a justement décidé que la société Alsthom ne pouvait opposer que la clause limitative de responsabilité figurant dans le contrat qu'elle avait conclu avec la société Technip, vendeur intermédiaire’. La solution semble se justifier par la double limite : le sous-traitant souffre les exceptions nées de son rapport avec l’entrepreneur principal et celles résultant de la convention conclue avec le maître de l’ouvrage. 145 Dr. Tarak Baccouche décision relativement récente, « l’accessoire du droit substantiel transmis » (55). Le droit tunisien n’est pas farouchement opposé au même raisonnement. Ce dernier devrait, en bonne logique, valoir pour les autres droits étrangers, toutes les fois que les raisons qui l’ont commandée demeurent les mêmes. Il devrait en être particulièrement ainsi pour les ordres juridiques de l’Afrique francophone (pays du grand Maghreb et du Traité OHADA not.) et des pays du Golf qui se sont, à degré divers il est vrai, inspirés du droit français. Il y a des fortes chances que, par ailleurs, les arbitres concluent à l’existence d’une action directe en se fondant sur les clause de la convention ou l’indivisibilité de l’ensemble, voire l’interdépendance des contrats conclus entre le sous traitant et l’entrepreneur principal d’une part et entre celui-ci et le maitre d’ouvrage d’autre part. La prudence commande cependant l’insertion d’une clause contractuelle reconnaissant au maitre de l’ouvrage le droit d’agir contre le sous traitant que l’entreprise principale ferait intervenir. Certes, le contenu obligationnel de la clause n’est pas, en vertu de l’effet relatif des conventions, opposable au sous traitant mais elle peut utile à un triple point de vue. 1. Elle révèle l’intention commune du maître de l’ouvrage et celle de l’entreprise principale. Elle aidera donc le juge ou l’arbitre à mieux saisir l’économie du contrat. (55) 146 Cass. fr. civ. 1ère , n° 513, du 27 mars 2007, pourvoi n° 04-20.842, inédit : « Mais attendu que, dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, la clause compromissoire est transmise de façon automatique en tant qu’accessoire du droit d’action, lui-même accessoire du droit substantiel transmis, sans incidence du caractère homogène ou hétérogène de cette chaîne ; la cour d’appel a décidé à bon droit qu’il existait une chaîne de contrats translatifs de propriété et en a justement déduit que la clause compromissoire, contenue au contrat liant les sociétés Amkor et AME, à laquelle la société Anam avait adhéré, avait force obligatoire à l’égard de la société ABS, dès lors que cette clause est transmise en tant qu’accessoire du droit d’action, lui même accessoire du droit substantiel ; que, par ce seul motif, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ». Le consortium immobilier 2. Le maitre de l’ouvrage pourra toujours se retourner contre l’entreprise principale ès qualité de garant des fautes et malfaçons du sous traitant 3. Le sous traitant n’est pas recevable à exercer une action directe sans encourir par là même les effets des contrats liant le maître de l’ouvrage à l’entreprise principale (opposabilité du contrat principal au sous traitant). -. Contrat international de construction. D’autres éléments d’insécurité juridique peuvent surgir du fait de la présence de plusieurs lois potentiellement applicables à l’action directe exercée dans le cadre d’un contrat international de construction. En effet, il n’est point certain que la lex contractus choisie par les parties d’un accord de consortium pour régir leurs rapports soit celle retenue pour gouverner les rapports Entrepreneur principal / sous traitant. Un arrêt récent de la Cour de cassation française, rendu à propos d’une action directe en paiement exercée par le soustraitant contre le maître de l’ouvrage, illustre parfaitement la difficulté(56). L’espèce apprend qu’une entreprise de droit allemand avait conclu avec un maitre d’ouvrage de nationalité française la construction, en France, d’un immeuble à usage industriel. L’entrepreneur a sous-traité le lot tuyauterie à une entreprise de droit français en convenant que le contrat de sous traitance est soumis à la loi allemande. L’entreprise principale a fait l’objet d’une procédure collective de droit allemand et l’entreprise française fut déclarée irrecevable de produire sa créance. Le sous-traitant faisait alors défense au maître de l’ouvrage de payer l’entrepreneur principal et avait exercé l’action directe en paiement. Le maitre de l’ouvrage avait repoussé la demande du sous-traitant sous prétexte que le marché principal et les marches soustraités étaient régis par le droit allemand et qu’il n’avait pas agréé, ès qualité, le sous-traitant. La cour a décidé que la loi française du (56) Cass. fr. Ch. mixte, no 260, 30 nov. 2007, pourvoi no 06-1400606, inédit, Rapport de Mme Monéger Conseiller rapporteur et l’avis de Mr Guérin Avocat général consultable sur : www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambres_mixtes_2740_arret_no_11020.ht ml 147 Dr. Tarak Baccouche 31decembre 1975, autorisant le recours à l’action directe exercée aux fins de paiement, est une loi de police, et donc d’application immédiate(57). Ces genre de difficultés n’est pas à exclure lorsque le juge national du maître d’ouvrage, juge du for, est saisi (songez à l’hypothèse, très plausible en pratique, où le maître de l’ouvrage a imposé sa loi qui ne reconnaît pas pareille action ou encore le fait, mais sans la considérer comme une loi de police). Elles se posent dans des termes analogues pour les actions directes en responsabilité contractuelle, cette fois ci. Il suffit d’imaginer que le droit désigné pour régir le contrat de sous traitance autorise par exemples les clauses limitatives de responsabilités alors que celui du maître d’ouvrage les déclare sans effets. Le juge du for lorsqu’il retient la loi du maitre de l’ouvrage exerçant une action directe, est il fondé à déclarer cette loi comme loi de police ou doit t- il se souscrire à l’opposabilité des limitations statutaires valant dans le rapport entrepreneur principal / sous-traitant ? Une sentence arbitrale rendue avait admis la soumission du contrat de sous traitance au contrat principal(58). La solution ne manque pas de pertinence : elle fait régir la même opération juridique par un même ordre juridique. Elle se justifie, en outre, par le fait que le maître de l’ouvrage, lorsqu’il est poursuivi par une action directe en paiement, serait recevable à demander l’application de la loi qu’il avait choisie. Il en est de même, lorsqu’il poursuit le sous traitant dans les (57) (58) 148 Cass. Ch. mixte, 30 nov. 2007, préc., : « l'arrêt a décidé à bon droit que, s'agissant de la construction d'un immeuble en France, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, en ses dispositions protectrices du sous-traitant, est une loi de police au sens des dispositions combinées de l'article 3 du code civil et des articles 3 et 7 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles », cf. avec Civ. fr. 1ère, 15 juin 1982, D.1983, IR, p.150, note B. Audit (application de la loi française au contrat d'entreprise passé par un maître d’ouvrage français avec un architecte allemand pour une construction en Corse) ; Civ. fr. 3ème, 14 octobre 1992, Bull. civ., III, n° 273 (construction en Algérie d'habitations commandées par un organisme étatique algérien. L'entrepreneur principal, une société française, avait sous traité une partie des travaux à une autre société française qui avait, à son tour, sous-traité le marché. Le sous-traitant s'est retourné contre l'entrepreneur pour obtenir paiement). V. aussi les références citées par Mme Monéger dans son rapport, préc., et par Mr l’Avocat général Guérin dans son Avis , préc. Sentence CCI no 2119 en 1978, Clunet 1979, 997, obs. Derains. Le consortium immobilier termes d’une action directe fondée sur l’existence d’un groupe des contrats : le maître de l’ouvrage est en droit de réclamer l’application du droit régissant le contrat principal, puisque son action tient à ce contrat. Pour ce qui est des accords de consortium lui-même, mais le raisonnement vaut également, pour les grands ensembles faisant état de plusieurs consortium, la situation est toute autre. Lorsqu’il est accessoire à un contrat international, le consortium est un consortium international, mais sans que cela entraine une soumission du contrat de consortium au contrat de principal(59). Là aussi la solution est pleinement justifiée. Les deux contrats n’ont pas forcement le même objet et ne lient pas forcement le mêmes parties. Ils sont juridiquement autonomes et par conséquent parfaitement dépendants. Dès lors, il y a tout lieu d’admettre qu’ils soient soumis à des droits différents. Cela étant dit, les difficultés, liées à la reconnaissance au maitre de l’ouvrage d’une action directe, peuvent facilement être évitées dans l’hypothèse ou le maitre de l’ouvrage aurait explicitement agréé l’entreprise sous traitante. Dans ces conditions, on passerait insensiblement du domaine de la sous traitance vers celui de la co-traitance. Les rapports se trouveraient alors catégoriquement modifiés. II / Les Rapports On peut distinguer deux ordres des rapports. Les rapports entre les membres du consortium et le maître de l’ouvrage, ou encore, rapports inter partes (1) et les rapports de ces derniers avec les tiers (2). 1 / Les rapports inter partes Inter partes, les rapports sont dominés par une idée forte : l’interdépendance. Les entreprises formant un consortium sont juridiquement interdépendantes, autrement dit mutuellement liées. Reste à déterminer le sens exact de cette interdépendance et ses limites. Dans son sens commun, l’interdépendance se présente comme l’état dans lequel se trouve un ensemble d’entreprises concourant dans un (59) Sentence CCI, nos 3043 et 3048 en 1978, Clunet 1978. 1000 obs. Derains. 149 Dr. Tarak Baccouche dessein commun pour exécuter un marché tout en entendant rester autonomes. Il en ressort un trait dominant caractérisant le consortium. Toutes les parties contractantes participent à la réalisation de l’oeuvre commune (le marché) toute en restant autonome juridiquement et indépendante quant aux méthodes retenues et la manière de s’y prendre. Au fond, la situation n’est pas sans rappeler la condition des auteurs contribuant à une œuvre de collaboration ; sauf que contrairement au domaine de la construction, l’œuvre relève au domaine de l’esprit(60). En matière de consortium, cette interdépendance postule l’existence de plusieurs obligations recevant des qualifications propres, soumises à une ou plusieurs règles identiques, même si certaines de ces règles sont contraires à celles relevant à telle ou telle des différentes qualification en cause(61). L’interdépendance donne lieu à une obligation générale de collaboration pesant sur l’ensemble des membres du consortium. Cette collaboration est, par endroit, bien particulière et engendre parfois des difficultés spécifiques. L’obligation de collaboration se décline en quatre obligations principales : l’obligation de coopérer(62) (l’obligation de coordonner)(63), (60) (61) (62) (63) 150 Le rapprochement a été fait par la doctrine, à propos de l’ensemble journalistique, V. Thoumyre (L.), « L’ensemble journalistique entre le collectif et la collaboration », Cahiers de propriété intellectuelle, Vol.12, n2, 2000, pp. 421- 448, n 18). Par ailleurs, les contrats successifs de cession des droits d’auteur peuvent être appréhendés à travers la notion de groupe des contrats. C’est la définition que donne le Mémento pratique Francis Lefebvre (Droit des affaires – Contrats et droits de l’entreprise, 8 ème éd. 2000, n 1539, p. 244 V. sur l’ensemble de la question : Arfaoui (B.), L’interprétation arbitrale du contrat de commerce international, thèse, Limoges, 2008, no 284, p. 131 et suiv. et bibliographie citée. ; Picod (Y.), L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat’, JCP (G.), 1988, I, 3318. ; V. plus spécifiquement: Chenut (Ch-H.), Les raisons de constituer un groupement d’entreprises en exécution d’un contrat de partenariat public-privé, JCP (E), no 29, 2006, 2125. Il est de pratique courante d’insérer une ‘clause de management’ qui donne lieu à la création d’un comité de coordination. Sa composition paritaire et le mode de vote (règle de l’unanimité) assurent un traitement égal à tous les membres du consortium. Les décisions sont, en principe, prises à l’unanimité, parfois seules certaines décisions importantes sont soumises à l’unanimité. En cas de partage des voix, la Le consortium immobilier l’obligation d’information réciproque, l’obligation de renégocier, le cas échéant, le contrat de consortium, voire même de résoudre amicalement les différends qui surgissent entre les parties contractantes. Nous les étudions en ce qu’elles ont de specifique. -Coopération–assistance. L’obligation de coopérer suppose une action commune et concertée pour faciliter l’exécution du marché(64). Chaque membre du consortium doit faire tout ce qui relève de son pouvoir afin de s’exécuter conformément aux engagements pris et faciliter aux autres membres de s’exécuter dans les meilleures conditions. Toute défaillance contractuelle ou retard de sa part entraine, du fait de l’interdépendance des différentes obligations, des retards dans l’accomplissement des prestations ultérieures. Dès lors, le maître de l’ouvrage serait en droit d’exciper la défaillance d’un membre ou sa mauvaise exécution ou son retard pour refuser le paiement tant que la prestation faisant défaut n’a pas été accomplie. Il peut utilement invoquer l’obligation conjointe ou solidaire, selon le cas, pour les faire supporter les (64) voix du président est prépondérante. Dans les cas limites, il est fait recours à un tiers, en dehors des membres, un swingman ou umpire dont le rôle est de décider conformément aux intérêts communs du consortium. La coopération dépasse ici largement le strict cadre contractuel. Son objet porte sur la réalisation du marché et les difficultés y afférentes. Sentence CCI no 2433, Clunet 1976, p. 988 et suiv.: « Les parties doivent être parfaitement conscientes que seule une collaboration loyale, totale et constante entre elles pouvaient éventuellement permettre de résoudre, au-delà des difficultés inhérentes à l’exécution de tout contrat les nombreux problèmes résultant de l’extrême complexité dans la formation et l’enchevêtrement des engagements litigieux » . Et d’ajouter « cette obligation de coopération, qu’à juste titre la doctrine moderne retrouve dans la bonne foi qui doit gouverner l’exécution de toute convention s’impose », cf. aussi avec la sentence CCI no 4338, rendue en 1984, (citée par Arfaoui (B.), L’interprétation arbitrale du contrat de commerce international, thèse, Limoges, 2008, no 284, p. 131) et sentence rendue en 1985 citée par Jarvin (S.)L’obligation de coopérer de bonne foi, exemple d’application au plan de l’arbitrage international », in dossiers de l’institut de la CCI, L’apport de la jurisprudence arbitrale 1986, 168 qui a estimé « les parties à un contrat ont le devoir implicite de coordonner leurs efforts pour une coopération et exécution ponctuelle de leurs obligation ; qu’ainsi se multiplient les obligations d’informer, de renseigner, d’assister et de se concerter ». 151 Dr. Tarak Baccouche conséquences de l’inexécution ou de son retard(65). Les membres non défaillants ont donc tout intérêt à pallier la défaillance de leur cocontractant soit en se substituant au membre défaillant lorsque le contrat le prévoit(66), soit en faisant appel aux services d’une entreprise tierce avec l’accord, bien entendu, du maître de l’ouvrage. Cette substitution permet, outre le paiement, l’octroi des emprunts bancaires sur la part du marché déjà accomplie. Il suffit ici de supposer qu’un membre du consortium en manque des finances cherche à se procurer des fonds en nantissant ses droits dans le futur marché. L’organisme financier peut faire dépendre l’octroi des prêts à la réalisation du marché dans son ensemble. Le nantissement serait d’un intérêt fort limité en effet s’il se rapportait exclusivement à la réalisation de la part de l’emprunteur. Cette part n’a de 'valeur vénale' qu’avec la réalisation de l’ensemble du marché. -. Coopération-solidarité. En réalité, le contenu de l’obligation de coopération est pétri de solidarisme contractuel(67). Les membres sont appelés à s’entraider et à se prêter main forte en cas de défaillance de l’un d’eux. La réalisation du marché n’est pas l’affaire privée de chaque membre qui se termine avec l’accomplissement de sa prestation. Elle dépasse le cadre contractuel classique pour épouser une sorte de ‘solidarisme contractuel’(68), forme spécifique d’intuitu contractus. (65) (66) (67) (68) 152 Il est de pratique courante de prévoir dans le contrat que les membres du consortium sont solidairement tenus du paiement de clauses pénales. Les contrats de consortium prévoient souvent une clause de substitution. Le solidarisme contractuel est une forme de fraternité faisant « des partenaires les protagonistes d’une même opération ». « Chaque coopérant est en droit d’attendre et d’exiger de ses partenaires plus de diligence que dans un contrat ordinaire » devait écrire Mr Chenut (Ch-H.), article préc. Selon cette conception, l’exécution du contrat est la charge de deux contractants le créancier de l’obligation doit faciliter cette exécution et ne point la rendre difficile ou impossible. V. en jurisprudence française : Cass. com., 15 janvier 2002, Rev. trim. dr. civ. 2002, 294, obs. réservées J. MESTRE, B. FAGES ; D. 2002, p. 1974, note critique PH. STOFFEL-MUNCK ; JCP 2002, II, 10157, note approb. CH. JAMIN ; D. 2002, somm., p. 2841, note D. MAZEAUD; Cahier Dr. Entreprise 5/2002, p. 28, obs. critiques de D. MAINGUY : le société Mazda a eu tort de demander à ses concessionnaire de faire des efforts financiers ( réduction des marges , participation aux frais de publicité alors qu’elle distribuait les dividendes consistant à ses associés. La chambre commerciale a estimé qu’elle n’avait pas exécuté le contrat de bonne foi et qu’elle avait « abusé de son droit de fixer unilatéralement les conditions générales Le consortium immobilier Aussi chaque membre du consortium et le maître de l’ouvrage sont tenus à l’obligation de minimiser le dommage causé par le membre défaillant. Cette obligation découlant du principe de la bonne foi a été retenue, par les juridictions arbitrales(69), comme principe du commerce international(70), ayant à s’appliquer pour le contrat international de construction(71). L’utile pour tout un chacun prend le dessus sur le juste. En somme, les membres du consortium supportent ensemble la défaillance matérielle (inexécution volontaire ou involontaire) ou juridique (disparition du contactant, son redressement ou liquidation judiciaire) d’un (69) (70) (71) de vente », cf. avec Cass. com., 25 novembre 1998, Rev. trim. dr. civ. 1999, p. 98, obs. J. Mestre: « attendu que les rapports entre l’agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et que le mandant doit mettre l’agent commercial en mesure d’exécuter son mandat ; attendu qu’en se déterminant sans rechercher si, informées des difficultés de M. Chevassus-Marche en raison des ventes parallèles…, les sociétés ont pris des mesures concrètes pour permettre à leur mandataire de pratiquer des prix concurrentiels… la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »; Cass. com., 20 janvier 1998, D. 1998, 413, note CH. JAMIN ; JCP 1999, éd. G, II, 10018, note J.-P. CHAZAL, le contractant doit s’abstenir de causer un déséquilibre contractuel injuste en ne permettant pas l’amortissement des investissements contractuellement engagés. ) V. Sentence CCI, aff. No 5865/ 1989, Clunet 1998, p. 1008, qui reteint que l’obligation de minimiser le dommage est un principe « très généralement reçu dans le commerce international ». Faut- il ici rappeler que cette obligation a, en outre, été reçue dans les principes d’Unidroit ( art. 7.4.8,2) et les Principes du Droit Européen des Contrats ( art. 4. 504, 1,b) et l’art. 77 de la CVIM (Convention de Vienne du 10 avr. 1980 sur la vente internationale des marchandises) qui prévoit : ‘La partie qui invoque la contravention doit prendre les mesures raisonnables, eu égard aux circonstances, pour limiter la perte, y compris le gain manqué, résultant de la convention. Si elle néglige de le faire, la patrie en défaut peut demander une réduction des dommages-intérêts égale au montant de la perte qui aurait dû être évitée’. V. sur l’ensemble des principes de la lex mercatoria en général et sur l’obligation de minimiser le dommage, Osman(F.), Les principes généraux de la lex mercatoria, thèse, préface Loquin ( E. ) , LGDJ. Paris, 1992 ; Dersains (Y.), l’obligation de minimiser le dommage dans la jurisprudence arbitrale, Rev. Dr. Aff. Intern. 1987, p. 380 et suiv. V. en particulier : Level ( P.), L’obligation de minimiser les pertes dans la pratique du contrat international de construction, Rev. Dr. Aff. Intern. , p. 385. 153 Dr. Tarak Baccouche membre du consortium. Ils sont conjointement et, le plus souvent solidairement, tenus envers le maître de l’ouvrage. -. Contrat d’intérêt commun. Ainsi définie, la coopération des membres du consortium donne à penser qu’il s’agit d’un contrat d’intérêt commun. Deux raisons, au moins, militent en ce sens. Il n’est plus à démontrer que l’entreprise pilote (chef de file) représente ses intérêts propres mais aussi ceux du groupement, c’est-a-dire en l’absence de personnalité morale, les intérêts de tout un chacun. D’où la qualification de ce mandat de mandat d’intérêt commun(72). D’où aussi la solidarité des mandants (membre du consortium) des tous les effets du mandat (cf. avec art. 2002, C.civ. fr.). Mais en dehors de cette hypothèse, il faut convenir que l’interdépendance des obligations incombant aux membres du consortium, les a tous ‘forgé’ en une partie plurale, ayant les mêmes intérêts (remporter le marché et le réaliser dans les meilleurs conditions matérielles et financières)(73). Cette identité d’intérêt qui ne signifie nullement l’identité d’objet des prestations respectives paraît, en l’occurrence, suffire pour admettre l’existence d’un contrat d’intérêt commun, du moins pour ce qui concerne la partie plurale(74). L’obligation de coopérer, et d’une manière générale celle de collaborer, peut légitimement être citée en ce sens. (72) (73) (74) 154 V. par exp. en droit français, Cass. 3 ème Civ., 23 oct. 1991, Bull. Civ., III, no 245. Sur cette importante notion de partie plurale, V. avec intérêt particulier la thèse de Mr. le Professeur Remy Cabrillac (Acte juridique conjonctif, thèse, Bib. dr. priv., t. 213, LGDJ 1990, no 319 et suiv.) qui définit la partie plurale comme étant la partie ayant un même et unique intérêt dans un acte collectif conjonctif. Ce dernier est « l’acte par lequel plusieurs personnes sont rassemblées lors de sa formation ou postérieurement, au sein d’une même partie, c’est-à-dire par un même intérêt, défini par rapport à l’objet de l’acte ». La qualification se défend moins pour le maître d’ouvrage, il est vrai. Mais certaines obligations lui incombant (comme celle de bien informer le consortium sur ses besoins et de bien les formuler pour permettre les membres du consortium de bien répondre à ses besoins spécifiques, ou celle de minimiser les pertes, V. infra) n’exclut pas complètement de retenir la même qualification pour le maître d’ouvrage. Le consortium immobilier La coopération sous tend ensuite un devoir d’information peu commun. Cette information est, tout d’abord, mutuelle et s’accompagne, ensuite, d’un devoir de conseil. -. Information réciproque. Les membres et le maître d’ouvrage se doivent mutuellement information sur l’état du chantier, son avancement et les difficultés prévisibles ou rencontrées lors de sa réalisation et, d’une manière générale, tout renseignement nécessaire ou utile à la bonne exécution du marché(75). Cette obligation d’information due alors même qu’elle n'avait pas été prévue au contrat, tant qu’un comité de coordination n’a pas été (encore ?) créé(76). Elle tient en effet à l’esprit du contrat du consortium et à son économie ce qui fait son originalité. Elle est, en outre, originale: pesant sur des professionnels, elle profiterait, également, à des professionnels. La qualité de la personne créancière de l’obligation de l’information ne doit pas l’atténuer, ou dispenser le débiteur de son devoir d’informer. Le régime de l’obligation se trouve, en l’occurrence, bien différent de celui du droit commun qui fait dépendre son contenu et son intensité de la qualité du créancier de l’obligation. Et pour cause, la qualité du créancier de l’obligation ne doit aucunement décharger le débiteur de l’obligation d’informer. Et vice versa, le débiteur de l’obligation doit, pour pouvoir informer en bonne connaissance de cause, être à son tour bien informé(77). Il doit dès lors se renseigner(78), parfois auprès des tiers et, à son tour, renseigner. Il va sans (75) (76) (77) (78) Sentence CCI, no 5030 en 1992, Clunet 1993, obs. Derains. Cass. fr. 3 ème Civ., 4 juin 1986, Bull. Civ., p. 69 (à propos de l’installation d’un chauffage d’un ensemble immobilier) ; cf. Cass. fr. Com., 25 mai 1993, RJDA 1993, no 897. La jurisprudence française fait peser sur le professionnel l’obligation de se renseigner, V. par ex. Cass. 2 ème Civ., 19 oct. 1994, D. 1995, p. 499, note A. M. Gavard-Gilles jugeant que : « Celui qui a accepté de donner des renseignements a lui-même l’obligation de s’informer pour informer en connaissance de cause » ; Com. 1er déc. 1992, Bull. civ., I, no 391; « tout vendeur d’un matériel doit, afin que la vente soit conclue en connaissance de cause, s’informer des besoins de son acheteur ». Sur l’obligation de se renseigner, V. Sentence CCI, aff. no 1990, rendue en 1972, Clunet 1974, 898, obs. Derains ; la responsabilité du créancier de l’obligation d’information est retenue faute d’avoir « procédé à une étude approfondie de la 155 Dr. Tarak Baccouche dire qu’il incombe au créancier de l’obligation d’information le devoir de collaborer par la formulation de ses besoins en les faisant connaitre au débiteur de l’obligation(79). Par exemple, une entreprise de terrassement doit se renseigner sur la solidité du sol (glissement du sol, excavations…), sur les fluctuations possibles de la nappe phréatique(80). Renseignement pris, elle doit communiquer l’information liée aux données du terrain aux autres membres du consortium dans la mesure où elle peut influer sur la façon d’exécuter leur prestation ou de réévaluer leur coût (compagnie d’assurance) ou leurs études (consortium d’études). Mais le maître d’ouvrage doit aussi bien formuler ses demandes, besoins et exigences pour mettre l’entrepreneur en mesure de répondre le plus fidèlement possible à ses attentes. -. Information et confidentialité. L’obligation d’information ainsi comprise trouve dans l’obligation de confidentialité une limite raisonnable(81). Le membre de consortium ne doit divulguer que les informations utiles ou nécessaires à la bonne exécution par ses compères des leurs prestations ; il lui est strictement interdit de leur communiquer des données spécifiques à un membre ou étrangères à l’objet de leurs prestations. Se trouvent couverts par l’obligation du secret le contrat du consortium lui-même ainsi que toutes les informations relatives au marché. Chaque membre du consortium ainsi que le maître de l’ouvrage doivent (79) (80) (81) 156 situation du marche espagnol … il ne peut s’en prendre qu’à lui-même et dont il ne peut tenir son partenaire pour responsable ». V. En se cens Osman, thèse, préc., p. 145 et suiv. Cf. Cass. fr. 3 ème Civ., 15 juin 1988, JCP (G.) 1988, IV, 297 (un entrepreneur doit se renseigner auprès des services administratifs compétents des fluctuations de la nappe phréatique). Il est de pratique courante d’insérer dans les accords de consortium une obligation de confidentialité pour sauvegarder le secret des affaires lato sensu (plans, brevets, procédés, études, méthodes de marketing, …). Cf. en droit français, avec CA Versailles, 7 nov. 1991, D. 1992, IR, p. 15 9 décision rendue à propos du transfert d’un système informatique sur du nouveau matériel informatique). Le consortium immobilier prudemment gérer le risque informationnel(82), sous peine d’engager leur responsabilité civile. -. Réviser, adapter et renégocier. Le contrat de consortium contient traditionnellement une clause de renégociation imposant à ses membres d’adapter le contrat aux évolutions et contraintes du marché. Très souvent, la renégociation du contrat dans ses clauses, obligations et conditions financières est assurée, entre autres(83), par une clause de hardship (dite aussi clause de sauvegarde ou de dureté). Or cette manière de gérer le risque est bien typique en matière de consortium. On peut lui trouver trois caractéristiques. Tout d’abord, les parties concernées entendent tenir en échec le principe de l’intangibilité du contrat, en envisageant, lors de sa conclusion même, son éventuelle adaptation. L’imprévision, contractuellement appréhendée par les parties contractante fait partie de leur prévision et entre, de ce fait, dans le champ contractuel. Le manquement à l’obligation de renégocier loyalement des modifications à adopter au contrat est source responsabilité contractuelle. Ensuite, et en dehors de toute stipulation contractuelle d’une clause de révision, il est permis de penser que l’esprit du contrat, son économie même, impose aux différentes parties contractantes de renégocier ses (82) (83) V. sur l’ensemble de la question, Martin (L.), Le risque informationnel dans les relations de partenariat – Environnement et acteurs, Cahiers de droit de l’entreprise, no 5, sept. 2008, dossier 43. Il en est particulièrement ainsi dans l’hypothèse où un membre du consortium aurait soustraité une partie de son lot. L’entrepreneur principal doit veiller à ce que le sous traitant respecte le secret des affaires. En cas de manquement à l’obligation de confidentialité, il en répond vis-à-vis des autres membres du consortium. Il faut dire aussi que les parties ont le choix entre toute une panoplie des clauses gérant les risque et aléas relatifs à leurs obligations financières ou à l’exécution de leurs obligations contractuelles. Citons à titre d’exp. La « clause d’échelle mobile », « les clauses d’indexation » , « les clauses de références à une monnaie de compte » et la « clause de hausse et de baisse » pour juguler avec les risques d’inflation et les fluctuations du prix des matières premières et du coût de la main d’œuvre; la « clause du client le plus favorisé » (l’obligation de faire bénéficier le contactant des avantages consentis à des clients ultérieurs) ou de la « first refusal clause » visant à aligner l’offre du bénéficiaire de la clause sur les offres occurrentes. 157 Dr. Tarak Baccouche conditions et clauses. L’hostilité des arbitres(84) à la révision du contrat de commerce international au nom d’une prétentieuse interprétation du principe pacta sunt servenda(85) doit en l’occurrence céder lorsque les éléments qui ont poussé à la conclusion du contrat ont disparu (rebus sic stantibus) laissant, au passage, un déséquilibre flagrant entre les prestations réciproques. Le principe de proportionnalité, admis par plusieurs droits nationaux et qui est reçu par la lex mercatoria à travers l’obligation de minimiser les pertes (V. supra) peut en l’occurrence être envisagé. La chose est d’autant plus vraie que les ordres juridiques hostiles à la notion d’imprévision l’ont positivement accueillie(86). Au fond, il convient d’admettre que le principe d’intangibilité n’a pas lieu de s’appliquer en matière de construction avec la même rigueur que celle jusqu'alors observée pour les contrats du commerce international. La durée des premiers contrats et le haut degré d’aléa inhérent aux seconds contrats doivent inciter à la réserve. Dès lors, il est de bon droit d’infléchir le principe d’intangibilité pour les contrats de longue durée, comme c’est véritablement le cas pour le consortium. On peut ajouter en ce sens un dernier argument. Il n’est pas complètement exclu que le juge, ou l’arbitre, selon le cas, retiennent, à l’instar de l’obligation d’information réciproque, une obligation de renégocier le contrat découlant de l’obligation de coopérer elle-même, sans qu’il soit besoin qu’elle ait été expressément prévue dans le contrat, dès lors que les parties contractantes n’ont pas clairement exprimé le contraire(87). Enfin, les parties tenues à renégocier les termes du contrat assument une obligation de moyens et point de résultat quant à l’issue des négociations. Autrement dit, elles doivent de bonne foi engager des négociations loyales mais sans en garantir le résultat. Elles assument une obligation de résultat quant à leur entrée en pourparlers et encourent, de ce (84) (85) (86) (87) 158 On cite traditionnellement les sentences : CCI, aff. no 2216, 1974, Clunet 1975. 917 ; CCI rendue en 1974, aff. no 1512, Clunet 1974. 905 ; CCI rendue en 1989, aff. no 6281, Clunet 1989, 1114, obs. Aguilar Alvarez et CCI rendue en 1977, aff. no1708, Clunet 1977. 943, obs. Derains. V. en ce sens, Arfaoui (S.), thèse préc., nos 357 p. 172 et suiv. On peut citer en ce sens le droit français qui admet le principe de la proportionnalité. Cf. avec Cass. fr. 3 ème Civ., 4 juin 1986, Bull. Civ., p. 69. Le consortium immobilier fait, une responsabilité contractuelle lorsqu’elles refusent d’engager des négociations (pour trouver une solution loyale aux difficultés rencontrées). Mais elles demeurent tenues à une simple obligation de moyens quant au résultat de la négociation. -. Modes alternatifs de résolution des différends. Habituellement et opportunément, les accords de consortium privilégient les solutions négociées. C’est trait saillant de ce contrat qui s’explique, en grande partie, par l’appartenance de ses membres à des ordres juridiques différents, et donc à des cultures juridiques différentes. Au lieu de privilégier un système des normes au détriment des autres, il est de bonne pratique de recourir aux modes alternatifs de résolution des litiges (l’amiable composition, la conciliation, la médiation et l’arbitrage). Le caractère amiable de résolution des différends peut, et doit, également être regardé comme une suite logique de l’obligation de coopérer (pour le bien et pour le pire … ) pour éviter, en l’occurrence, amicalement le pire, c’est-a-dire éviter que le différend génère en litige. Le plus souvent, c’est une entreprise membre ou un tiers qui se charge de la médiation ou la conciliation voire de l’amiable composition. Outre que la solution fait gagner un temps précieux aux entreprises concernées, elle permet de sauvegarder les secrets du marché, tout en évitant la détérioration de leur confiance réciproque du fait du contentieux. -. Interdépendance (effets). Concrètement, l’interdépendance est pour le consortium ce qu’est l’indivisibilité est pour l’ensemble contractuel. L’interdépendance explique certains traits du régime juridique du consortium. Ainsi, dans une hypothèse d’un recours en responsabilité, le juge doit apprécier les conditions de réalisation du marché et l’exécution des prestations promises in globo. Bien entendu, cette appréciation ne se fait pas en fonction de la réalisation de chaque élément ou segment du marché pris isolement (génie civil, système de sécurité, infrastructure de transport, système de contrôle, système informatique …). La solution a fait ses preuves pour les ensembles informatiques (dits systèmes informatiques)(88) ; et il ya tout lieu de la réitérer, ratio legis, pour le consortium immobilier. (88) CA Paris, 17 nov. 1995, Expertises 1996, p. 160 Cf. avec Trib. Com. Paris, 17 déc. 1999, Expertise 2000, p. 198, cité par Le Tourneau (ph) et Cadiet (L.), Droit de la 159 Dr. Tarak Baccouche Toujours dans le même ordre d’idées, le recours à la notion d’ensemble contractuel indivisible fait dépendre la réception des travaux par le maitre d’ouvrage à la réalisation définitive et complète de l’ensemble des travaux. Une réception fractionnée portant sur un seul ou même sur quelques éléments de l’ensemble est insuffisante ; le tout sauf convention contraire. Et même si, par convention expresse, cette réception a pu avoir lieu, elle ne préjuge en rien les éventuels recours du client après la réception définitive de tout l’ensemble(89). Il doit, par a simili, être de même en matière de consortium. L’interdépendance des différentes obligations des membres du consortium autorise le maître d’ouvrage, poursuivi en paiement, à exciper à l’encontre d’un membre non défaillant l’exception de non exécution opposable, en principe, au seul contractant défaillant. -. Indépendance dans l’interdépendance. Mais l’interdépendance traduite par l’obligation de collaborer (dans tous ses états: obligation de coopérer, d’information réciproque, de renégocier et de résoudre amicalement les différends) ne doit pas faire oublier que le consortium est un groupement indépendant d’entreprises. Chaque entreprise reste personnellement maître de son propre lot et « chaque coopérant est souverain dans l’administration de ses affaires »(90). Elle jouit donc d’une maîtrise complète sur son lot des travaux et demeure la seule à décider de la manière dont elle entend exécuter sa tâche. L’indépendance, toute relative en somme, des entreprises constituant le consortium tire sa raison d’être de deux éléments. -. Justification. Tout d’abord, les membres constituant le consortium n’entendent nullement se constituer en une entité sociétaire. Leur groupement est de nature contractuelle. Leur association est de pure circonstance et ne vaut que pour le marché en vue. Certes le consortium emprunte aux droit des sociétés quelques techniques de gestion (comité de coordination, représentation –tournante du groupement-, règle de la (89) (90) 160 responsabilité et des contrats, coll. Dalloz Action, éd. Dalloz, Paris 2002, n5476, p. 1058. Cf. mais à propos de la réception d’un système informatique, Com. fr., 15 oct. 1991, JCP (E) 1992, I, 141, no 12, obs. de notre professeur A. Lucas et de Mr M. Vivant. Chenut (Ch-H.), article préc. Le consortium immobilier majorité pour les décisions non importantes, inopposabilité des limitations des pouvoirs du représentant du groupement à l’égard des tiers de bonne foi …) mais ces technique visent essentiellement à faciliter aux membres la réalisation de leurs lots respectifs et à partager les frais communs (frais d’études, participation aux dépenses communes …). Elles n’autorisent pas de déduire l’intention de partager les bénéfices et de contribuer aux pertes. Aussi, les membres du consortium doivent particulièrement veiller à dissiper tout risque de confusion entre le groupement ainsi constitué et toute forme de société en insérant dans leur accord toute clause de nature à faire apparaître leur indépendance respective(91). Cette indépendance doit être respectée en fait et de droit. Car, il faut ici rappeler qu’en vertu des principes les plus établis de droit commun, le juge a toute latitude de requalifier la convention des parties pour lui faire endosser la bonne qualification réellement voulue. Il est opportun donc que les parties expriment dans le contrat de consortium leur volonté non équivoque de ne pas constituer une société -de quelque nature que ce soit- et veiller à ne pas se comporter en fait en associés(92). Ainsi par exemple, chaque entreprise doit faire savoir aux autres membres, mais aussi aux tiers, que les commandes passées concernent ses besoins propres, que la main d’oeuvre recrutée l’est pour l’exécution de son propre lot, que le matériel loué lui profitera seule, a l’exception des autres membres du groupement et au consortium ès qualité(93). -. Obligation de précision. Ensuite et surtout, les membres du consortium doivent spécifier, chacun en ce qui le concerne, la part des travaux qui lui revient. Il faut en l’occurrence que les accords de consortium délimitent avec soin et précision le domaine d’intervention de chaque entreprise. Cette délimitation doit figurer dans l’accord lui-même. Sur le plan théorique, cette délimitation emporte plusieurs conséquences. (91) (92) (93) Mais, il n’en est pas toujours ainsi en jurisprudence. Le juge ne tient parfois pas compte des termes employés comme celui d’associé, V. par exp. CA Poitiers 11 mai 1960, D. 1961, 40. V. Cass. fr. Com., 24 oct.1966, D. 1967, p. 370. Cf. en droit fr. Avec Com., 24 oct. 1966, préc. 161 Dr. Tarak Baccouche -. Renvoi. Elle empêche de reconnaître au contrat de consortium un objet matériellement indivisible. Le contrat de consortium renferme plusieurs objets, à la fois. Il serait particulièrement réducteur des les confondre en un seul objet indivisible. Cette particularité du contrat milite en faveur de l’interdépendance des prestations et non leur indivisibilité (V. supra). -. Obligation de précision, contrat complexe. L’obligation de préciser avec la plus extrême attention dans le contrat de consortium, l’objet des travaux dévolus à chaque entreprise, permet de le distinguer du contrat complexe. Le contrat complexe est un contrat qui suppose l’existence de plusieurs contrats (le plus souvent, un dépôt + entreprise) dont le régime se trouve déterminé par le contrat dominant. Ainsi, par exemple, la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation française a rejeté le pourvoir reprochant à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir condamné une compagnie d’assurance à garantie sans « s’expliquer sur une clause d’exclusion de garantie concernant les biens dont l’assuré est de dépositaire ». La Cambre civile confirme la décision des juges du fond au motif que la responsabilité de l’assuré étant engagée « non au titre d’un contrat de dépôt, mais a l’occasion de l’exécution du contrat d’entreprise qu’… (il) avait consenti »(94). Il faut dire qu’en l’espèce l’accident s’est produit lors du transfert d’un manège en vue de sa réparation dans les locaux de l’assuré. Autrement dit, le dommage s’est produit alors que le réparateur assumait une obligation de garde (contrat de dépôt). Or, force est de constater ici la présence de deux contrats bien distincts (Entreprise+ Dépôt) et que le régime du premier a, en quelque sorte, absorbé le régime du second. De la sorte, l’exclusion de la garantie pour les biens dont l’assuré est dépositaire est inopérante lorsque le dépôt n’est que la suite, ou le préalable, selon le cas, de l’activité assurée(95). (94) (95) 162 Civ. 1ère , 26 janv. 1999, Bull. civ., I, no 28; JCP 2000, II, 10304. V. aussi dans le même sens: Cass. 1 ère Civ. 5 avr. 2005, Rev. dr. civ. 2005, p. 1123, obs. P. Puig ( La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel qui a rejeté la demande de paiement de frais de gardiennage du garagiste faute d’avoir démontré le caractère rémunéré du dépôt. Pour la Cour de cassation, « il appartenait au Le consortium immobilier La question se présente dans des termes bien différents pour le contrat de consortium puisque chaque prestation est bien distincte de l’ensemble des prestations et obéit, de ce fait, à un régime juridique propre. Ainsi les obligations pesant sur l’entreprise de construction, par exemple, ne sauraient interférer avec celles pesant sur l’entreprise exerçant dans l’équipement industriel ou informatique. Et l’on ne saurait raisonnablement songer à admettre l’existence d’un contrat caractéristique (à l’image de l’obligation caractéristique, CVIM). C’est qu’en réalité on peut parfaitement dépecer le contrat et diviser les différentes prestations, sans toucher à l’ensemble. Il y a, rappelons le, interdépendance certes, mais sans que cette interdépendance aille jusqu'à l’indivisibilité de l’ensemble. De surcroit, l’application du contrat de consortium demeure tributaire du contrat principal conclu avec le maître d’ouvrage et, partant, soumis à son régime juridique. D’où la question bien légitime de savoir s’il ne fallait pas qualifier le contrat de consortium de ‘sous-contrat’. -. Consortium et sous-contrat. La caractéristique fondamentale du ‘sous-contrat’ est «l’absence de convention unissant directement les deux extrêmes, le contractant principal et le substitut »(96). La doctrine autorisée cite l’exemple du contrat de sous traitance(97). Or, manifestement, le souscontrat est l’exécution du negotium mais par des substituts, donc par une personne étrangère au contractant initial(98). Le sous traitant ou le sous mandataire(99), par exemple, exécutent une partie du contrat initial conclu entre l’entrepreneur principal et le maître de l’ouvrage ou encore entre le mandant et le mandataire initial. Il s’agit incontestablement d’une fragmentation de l’objet originaire du contrat (sous traitance) ou de sa multiplication (sous mandat dans l’hypothèse de pluralité de sous mandataires) en des ‘sous-contrats’ qui concourent ensemble à la (96) (97) (98) (99) propriétaire du véhicule de rapporter la preuve du caractère gratuit du contrat … a violé »). J. NÉRET, Le sous-contrat, LGDJ, Bib. dr. priv. tome 163, Paris1979, n°28. J. NÉRET, thèse précitée, n°19 , V. aussi le no 148 à propos de la convention de croupier. Ce critère devrait, en principe, suffire pour nuancer le contrat d’application (par référence à un contrat-cadre) du ‘sous contrat’. Qu'il ne faut pas confondre avec le co-mandataire dans l’hypothèse de pluralité des mandats pour la même affaire. 163 Dr. Tarak Baccouche réalisation du contrat principal mais toujours avec des substituts. On peut, dès lors, puiser dans la qualité des contractants et l’objet du contrat du consortium pour le distinguer du sous-contrat. D’une part, les parties du contrat du consortium, les membres, sont directement liées par les termes du contrat. Ils ne sont pas des partiesextrêmes. Il y partie plurale certes, mais toujours contractante; le lien obligationnel se crée directement entre toutes les parties contractantes et l’exécution du contrat peut s’en passer des contrats intermédiaires (souscontrat). La sous traitance n’est pas l’essence du contrat du consortium et l’on peut aisément imaginer un consortium sans sous-traitance. D’autre part, il y a en matière de consortium pluralité d’objets distincts, mais point de fragmentation ou multiplication d’objets telle qu’on l’entend pour le sous-contrat. Cette singularité a fait que des tels objets soient simplement interdépendants dans un contrat de consortium, alors qu’ils sont indivisibles dans un ‘sous-contrat’. Ceci engendre cela, mais ceci est bien différent de cela (V. supra,). -. Réduction du contrat, clause d’exclusion, clause de sortie. Par ailleurs, la définition méticuleuse des prestations de chaque membre du consortium devrait, en principe, et en toute logique, circonscrire la nullité, la résiliation ou la résolution au seul contrat principal. En principe, l’interdépendance n’étant pas l’indivisibilité, elle doit conduire à une réduction du contrat de consortium en le débarrassant de la partie défectueuse dès lors qu’il peut valablement subsister sans elle. C’est qu’en réalité le groupement pourrait survivre, sans trouble majeur, puisque les prestations des différents membres sont bien délimitées. La nullité ou la résiliation ou encore la résolution du contrat principal ne se communique pas au contrat de consortium dans son ensemble. Seule donc la partie concernée est amputée contrairement à la solution qui prévaut pour les ensembles indivisibles. Pour les mêmes raisons, le contrat de consortium renferme souvent une clause d’exclusion d’un membre qui, de part son comportement, nuit à l’intérêt de l’ensemble (concurrence déloyale, divulgation des informations couvertes par le secret d’affaires, manquement répété à l’obligation d’information réciproque, non paiement de sa part dans les 164 Le consortium immobilier dépenses communes …). Il se peut aussi que c’est le membre du groupement qui quitte de son propre gré le groupement. Une clause de sortie (dite aussi clause de divorce) permet d’exaucer ses vœux. Mais il se peut encore que cette sortie soit forcée en raison de l'incapacité financière ou technique du membre à demeurer dans le groupement (impossibilité d’avancer des nouveaux investissements, moyens techniques insuffisants, mains d’œuvre ou cadres manquants…). Or si des telles clauses restent possibles et n’affectent pas structurellement le consortium, c’est parce que les prestations, bien définies, sont parfaitement distinctes (donc divisibles), même si elles restent interdépendantes. -. Obligation de non ingérence. Enfin, l’obligation de spécifier les obligations respectives incombant aux membres a donné, pour corollaire, l’obligation de non ingérence pesant sur chaque membre. Les membres du consortium ne doivent pas s’immiscer des affaires de leurs compères, de la manière d’exécuter leur obligation. Les obligations de coopération, d’assistance et d’information réciproque, notamment, ne doivent pas conduire à une direction de fait des affaires d’autrui. L’accomplissement des ces obligations doit rester dans les limites du raisonnable, c’est-à-dire cantonné aux intérêts légitimes qu’a tout membre à collaborer avec ses partenaires, sans qu’un membre s’arroge le pouvoir de dicter sa conduite aux autres. L’entreprise pilote doit particulièrement veiller à ne pas se comporter en fait ou en apparence comme maître d’affaire (V. infra). Il faut que sa collaboration se justifie amplement par sa qualité de mandataire commun des membres du consortium ou par sa qualité de simple membre (pour l’obligation de coopérer par exemple.). Dans l’hypothèse contraire, elle engage sa responsabilité à l’égard des tiers qui ont, de bonne foi, cru dans l’existence d’une entité commune (societe ou autre forme de groupement, GIE, GEIE, Joint-Venture…). 2 / Les rapports à l’égard des tiers -. Principe. En principe, chaque membre du consortium contracte en son nom et pour ses besoins propres. Il supporte ainsi seul les dettes qu’il a contractées pour les besoins de son commerce. Il doit veiller à ne pas créer de confusion dans l’esprit du tiers sur la portée et /ou la nature de ses engagements. Ceux-ci sont donc éminemment personnels et seule l’entreprise contractante est tenue à les honorer. 165 Dr. Tarak Baccouche -. Exceptions. Mais il arrive parfois qu’un membre du consortium soit contraint d’honorer des dettes qu’il n’a pas directement contractées. On peut, en l’occurrence, distinguer entre trois cas de figure. 1. Le membre du consortium est toujours tenu à payer sa part dans les frais communs(100). Le fait que le contrat soit d’intérêt commun le justifier amplement. Ces dépenses communes ont profité à l’ensemble des membres et, partant, il est juste que tout un chacun paye sa part contributive. Le contrat de consortium prévoit cette participation et en fixe la proportion. 2. De même, tenu solidairement avec ses partenaires, un membre peut être poursuivi en paiement des dommages causés par un autre membre au maître d’ouvrage lorsque ce dernier aurait eu la prudence s’insérer une clause de solidarité. Faute de quoi, les membres seront conjointement tenus des dettes vis-à-vis du maître de l’ouvrage. Dans ce cas, le membre ne répond que des malfaçons affectant sa propre prestation(101). 3. En dehors de ces deux cas de figure, il faut admettre qu’un membre ou plusieurs répondront vis-à-vis des tiers de bonne foi lorsqu’ils auraient crée ou laisse créer une situation apparente (représentation ou societe apparente, solvabilité factice)(102). La théorie de l’apparence(103) permet d’engager la responsabilité du membre qui s’est indument immiscé dans les affaires d’un autre membre. Mais encore faut-il ici que le tiers soit de bonne foi, c’est-à-dire, avoir légitimement cru en la réalité de la situation apparente, chose difficilement concevable eu égard au professionnalisme et l’expérience des tiers sollicitant le bénéfice de l’apparence(104) même si (100) (101) (102) (103) (104) 166 Cass. fr. Civ., 17 juin 1978, G. P.1979, pan, p. 349. Cette solution de principe fut retenue par la Cour d’appel de Paris dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt du 21 janv. 1975, Journal des agrées 1975. 247. Cf. en droit fr. avec Cass. civ. 19 oct. 1959, D. 1960, p. 205 et Com., 24 oct. 1966, préc. Le droit anglo-saxon connaît une notion proche (l’estoppel) qui conduit à des résultats similaires. La récente affaire Dubaï World pose cette question. Les tiers, des banques internationales de renommée, sollicitent la garantie de l’Émirat de Dubaï pour les dettes contractées par la holding. Or rien dans la loi locale de l’Emirat (V. les art. 15 et 16 de la L. no 3 pour l’année 2006, relative à la constitution de Dubaï World ; V. aussi Décr. No 57 pour l’année 2009, portant création de la Commission des litiges relatifs à Dubaï World et les sociétés affiliées) , ni dans les lois fédérales ne laisse Le consortium immobilier l’appréciation de la situation apparente est faite in globo. Le juge se contentera, pour retenir l’apparence et donner suite à la demande du tiers, d’apprécier la situation dans son ensemble et non dans chacun de ses éléments, in specie. Mais le tiers peut intenter le recours sur autre terrain plus sûr, celui de la situation de fait. Il peut toujours compter sur l’existence d’une situation de fait laissant supposer une confusion des patrimoines entre deux ou plusieurs membres du consortium. Son raisonnement tient à ceci ; les membres du consortium ont délibérément confondu leurs patrimoines respectifs au point de ne constituer qu’un seul patrimoine. Et, par conséquent, le tiers est reçu à invoquer cette confusion des patrimoines pour se faire payer sur un patrimoine unique. On doit admettre ici que la bonne foi du tiers est inopérante puisque le tiers ne fait pas état de ce qu’il a cru mais de ce que existe réellement. Le tiers, en l’occurrence, poursuit un masse patrimoniale et non pas des sujets de droit. Patrimoine unique, action unique. Il va de soi que l’appréciation de la situation de fait par le juge sera plus rigoureuse et se fera in concreto, eu égard à chaque élément constituant la situation de fait. Dans le deux hypothèses, celle du recours exercé sur le fondement de l’apparence ou sur celui de la situation de fait, il y a des fortes chances que la procédure collective ouverte à un membre du groupement soit étendue aux autres membres qui n’ont pas su garder suffisamment de distance visà -vis de leur compère et se sont immiscés, d’une manière ou d’une autre, dans ses affaires. Le tiers choisira entre le deux voies de recours sans, pour autant, les cumuler. Même s’il peut opter entre l’une ou l’autre voie, il ne peut, sans illogisme majeur, faire état dans le même recours de la ‘situation de fait’ et la ‘situation apparente’. L’une exclut l’autre. penser que l’Émirat a entendu garantir les dettes de la holding, détenue, il en varie en majorité par le Gouvernement de Dubaï. On voit, à travers cet exemple d’actualité, les enjeux financiers énormes qui s’y attachent (quelques 26 milliards de dollars US). 167