Examen 2007 - Télécom ParisTech

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Examen 2007 - Télécom ParisTech
Mastère Management et Nouvelles Technologies
Economie d’Internet 2007-2008
Examen
Mardi 18 décembre 2007.
Durée : 2h
Avec documents – sans PC portable
Consigne générale : Cet examen est constitué d’une étude de cas. Vous fournirez des réponses
courtes mais argumentées aux questions posées.
***
Cas "La numérisation de l’écrit"
Comme d’autres secteurs économiques, le secteur de l’édition (que nous définirons comme
l’ensemble des activités économiques ayant pour objet la création et la diffusion d’écrits : quotidiens,
magazines, ouvrages de fiction, ouvrages techniques, éducatifs…) connaît des mutations dues au
processus de numérisation.
L’objet de ce cas est d’analyser certains aspects de la numérisation de l’écrit et les stratégies de
quelques acteurs face à cette numérisation.
1. L’écrit : un bien informationnel ?
L’écrit peut-il être considéré comme un « bien informationnel » ? Expliquez.
2. Les effets de la numérisation sur la structure des coûts : le cas de la presse (voir
document 1).
En partant du document 1, identifiez et discutez (brièvement) les effets de la numérisation sur la
chaîne de valeur de la presse. Cette analyse s’applique-t-elle aux autres domaines de l’écrit
(ouvrages de fiction, ouvrages éducatifs…) ?
3. Le Kindle et l’avenir du livre
En novembre dernier, Amazon a lancé aux Etats-Unis un lecteur de livre électronique (e-book)
1
sous la marque « Kindle » et au prix de 399$ . Le Kindle (voir les documents 2 et 3 pour plus de
détails) utilise une technologie intitulée E Ink, qui permet d’offrir une qualité visuelle proche d’un
vrai livre (en papier). Le contenu, disponible au format propriétaire AZW, peut être acheté sur
Amazon.com facilement, grâce à la fonctionnalité d’accès sans-fil à Internet du Kindle.
a. La dématérialisation de l’écrit ne date pas du Kindle. Quel segment du marché vise
Amazon.com ? (cf. document 4). A votre avis, quels sont les facteurs de succès pour
le Kindle ?
b. Comment le Kindle pourrait-il modifier « la façon dont les lecteurs lisent, les auteurs
écrivent et les éditeurs éditent » ? (cf. document 4) En particulier, comment
comprenez-vous la déclaration de Ben Vershbow, directeur associé de l’Institute for
the Future of the Book, selon lequel « l’idée de l’auteur va changer et devenir plus un
processus qu’un produit ».
c. Comment jugez-vous la stratégie tarifaire d’Amazon.com pour le contenu (voir
documents 3 et 5) ? Certains observateurs s’interrogent sur la possibilité d’un
financement publicitaire. Quels seraient les avantages et inconvénients de chaque
type de financement (vente de contenus vs publicité) pour une entreprise comme
Amazon.com ?
1
Le Kindle n’est pour l’instant disponible qu’aux Etats-Unis.
2
d. Le format propriétaire du Kindle (le format AZW) ne permettra pas aux
consommateurs de prêter ou donner leurs « livres » électroniques. Jeff Bezos indique
que c’est pour cela qu’il est juste que ces livres Kindle soient moins chers que les
livres normaux. Comment analysez cette stratégie de protection du contenu (voir
aussi le document 6) ?
e. Google vs. Amazon. Parallèlement à Kindle, Google poursuit son projet « Google
Book Search » (cf. document 7). Quelles sont les forces et faiblesses du projet
Google Book Search comparé au projet Kindle ?
f. Kindle vs iPhone. Commentez la phrase suivante (document 8) : “Low-cost laptops
and smart phones, such as Apple’s iPhone, coupled with a rich array of online
content, may have already made Bezos’ $399 device obsolete.”
g. Selon Chris Anderson, l’auteur de la longue traine (the long tail), le problème de
l’industrie du livre n’est pas l’impression de livres ou la création (l’écriture), mais le fait
que trop peu de gens lisent des livres – selon une étude, seulement 57% des
américains en 2004 lisaient au moins 1 livre par an. A votre avis, la numérisation
pourrait-elle permettre de résoudre ce problème ?
h. Vous l’aurez noté, ces initiatives sont très américaines. Représentent-elles une
menace pour la culture française ? Quelle devrait être une bonne politique publique
pour la culture écrite à l’heure du numérique ?
***
Documents
2
Document 1 : La structure de coût de la presse
L’industrie de la presse doit faire face à d’importants coûts fixes, que le rapport Loridant de 2004
(Rapport d’information de la Commission des Finances et du Sénat sur le fonds d’aide à la
modernisation de la presse, Juillet 2004) évaluait à 60% des coûts totaux. On peut distinguer :
- Les coûts de production intellectuelle : entre 15 et 25% des coûts totaux
- Les coûts d’impression : entre 25 et 35% des coûts totaux. La fabrication d’un journal papier
nécessite d’importants moyens, à la fois humains et matériels. Même si l’informatisation a
permis de réduire ces dépenses, les équipements nécessitent des investissements encore
lourds. De plus, ce coût est dépendant des fluctuations du cours du papier.
- Les coûts de distribution : entre 15 et 25%. Ils dépendent du périmètre et des modes de
commercialisation retenus (abonnement ou vente au numéro). Ils prennent en compte
l’acheminement, ainsi que les invendus et les remises pour abonnement.
- Les frais commerciaux : 10%. Ils comprennent les frais liés à la vente d’espace publicitaires,
les frais de régie et de promotion
Document 2 : le Kindle
Le Kindle mesure 19,1 cm de haut, 13,5 cm de large et a une épaisseur de 1,8 cm. Il pèse environ
300 g. La batterie a une durée de vie de deux jours avec la fonctionnalité sans fil (voir plus loin)
activée, et d’une semaine si cette fonctionnalité est désactivée. Elle se recharge en deux heures
environ.
Le Kindle peut contenir environ 200 titres (sans illustrations). Le contenu doit être soit au format
propriétaire du Kindle (le format AZW), soit dans un format non protégé Mobipocket (PRC, MOBI) ou
enfin au format text (txt).
Les utilisateurs peuvent télécharger du contenu sur le magasin Kindle d’Amazon.com. Ce magasin est
accessible à partir d’une connexion sans fil haut débit (3G) sur le réseau EV-DO de Sprint (opérateur
télécom et mobile américain). Ce service (« Whispernet ») est gratuit et sans abonnement.
2
D’après : « Génération gratuit : rôle et enjeux de la numérisation », Thèse professionnelle MNT, A. Ferré,
2006.
3
Le Kindle
Le magasin Kindle d’Amazon.com
Document 3 : l’offre de contenus sur le magasin Kindle
Il y actuellement environ 88,000 livres électroniques disponibles pour le Kindle. Le premier chapitre de
chaque livre est fourni gratuitement. Les nouveautés sont disponibles à des tarifs de l’ordre de 10$.
D’autres types de contenus que des livres sont disponibles pour le Kindle : on peut s’abonner à des
journaux (The Wall Street Journal, Le Monde (!),…), des magazines (Atlantic…), mais aussi à des
blogs contre un abonnement de 1 à 2$ par mois
Document 4 : The Future of Reading
(source : Newsweek, 17 novembre 2007)
"Books are the last bastion of analog," [Jeff Bezos, CEO of Amazon.com] says, in a conference room
overlooking the Seattle skyline. (…) "Music and video have been digital for a long time, and short-form
reading has been digitized, beginning with the early Web. But long-form reading really hasn't." Yet.
This week Bezos is releasing the Amazon Kindle, an electronic device that he hopes will leapfrog over
previous attempts at e-readers and become the turning point in a transformation toward Book 2.0.
That's shorthand for a revolution (already in progress) that will change the way readers read, writers
write and publishers publish.
Document 5 : quelques exemples de livres et une comparaison avec les versions papier
Livre
Prix format papier
Prix format Kindle
$16.77
$6.39
$14.27
$9.99
$9.99
$7.99
Freakonomics
A thousand splendid suns
Wolves of the Calla
4
Document 6 : le format AZW
C’est un format propriétaire. Des utilisateurs de lecteur de ebook concurrents (comme le Sony
Reader) ne pourront pas lire les ebooks achetés sur Amazon.
Le Sony Reader
Document 7 : le projet Google Book Search
En 2004, Google a lancé un projet de création d’une bibliothèque numérique, permettant de réaliser
des recherches en plein texte dans des ouvrages. Par exemple, en tapant « luxe, calme et volupté »,
on tombe sur la page du poème de Baudelaire où se situe ce vers.
Google a déjà scanné un million de livres de bibliothèques partenaires comme l’Université du
Michigan ou la New York Public Library. Google scannerait 3,000 nouveaux livres par jour.
Les ouvrages dans le domaine public peuvent être téléchargés gratuitement au format pdf. Google
devrait bientôt commencer à proposer des accès payants à certaines copies électroniques de livres
qui ne sont pas dans le domaine public. Le modèle d’affaires semblerait être un partage de revenus
avec les éditeurs.
Document 8 : Kindle Versus The iPhone (Brian Caufield, Forbes.com, 19 novembre 2007).
Amazon.com Chief Executive Jeff Bezos has created a reason to switch from bound paper books to
bits — a device with a wireless connection able to download digital books on the go. The problem:
Low-cost laptops and smart phones, such as Apple’s iPhone, coupled with a rich array of online
content, may have already made Bezos’ $399 device obsolete.
(…)
Newsweek’s Levy was able to download a copy of Charles Dickens’ Bleak House from Amazon for
$1.99, but anyone with full Web access can get the same title from Google Book Search for free.
The ability to grab free books online points to the device’s real competition: not paper books but
Internet-friendly laptops, tablet computers and smart phones. The amount of content available online
is growing fast, and devices for accessing the Net are getting better and cheaper quickly. One such
device is already here. It’s called the iPhone.
(…)
Mix Apple’s iTunes content distribution smarts with Google’s vast storehouse of content, and you’ll
have an instant competitor to Kindle — one with a touch interface and the ability to play movies and
music, too.