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APPLICATIONS DES TECHNIQUES DE RÉALITÉ VIRTUELLE À LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE Didier Le Gall et Philippe Allain L'Esprit du temps | Champ psychosomatique 2001/2 - no 22 pages 25 à 38 ISSN 1266-5371 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-champ-psychosomatique-2001-2-page-25.htm Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Le Gall Didier et Allain Philippe , « Applications des techniques de réalité virtuelle à la neuropsychologie clinique » , Champ psychosomatique, 2001/2 no 22, p. 25-38. DOI : 10.3917/cpsy.022.0025 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour L'Esprit du temps. © L'Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Applications des techniques de réalité virtuelle à la neuropsychologie clinique Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps L es possibilités technologiques offertes par la réalité virtuelle permettent de créer des environnements dynamiques, multimodaux et tridimensionnels, à l’intérieur desquels toutes les réponses cognitivo-comportementales peuvent être enregistrées. Elles offrent également des possibilités d’évaluation et de réhabilitation qui ne peuvent pas être mises en œuvre avec les outils classiques de la neuropsychologie. Un nombre croissant de laboratoires développe des programmes de recherche afin d’étudier ces différentes perspectives et les travaux exploratoires publiés sont encourageants. Ces études peuvent en particulier faire progresser notre capacité à comprendre, mesurer et traiter les perturbations habituellement retrouvées chez des patients porteurs de dysfonctionnements émanant de souffrances du système nerveux central (par exemple, traumatismes crâniens, accidents vasculaires cérébraux, maladies neuro-dégénératives, troubles du développement ou de l’apprentissage). Dès à présent, des applications qui s’intéressent à différentes composantes du système cognitif en l’occurrence l’attention, les fonctions exécutives, la mémoire et les habiletés spatiales, sont développées et testées (Pugnetti et al., 1998; Rizzo et al., 1998; Brooks Didier Le Gall, Psychologue, Unité de Neuropsychologie, Département de Neurologie, CHU - Professeur en neuropsychologie, UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines, Université d’Angers, 11 Boulevard Lavoisier, 49045 Angers cedex Philippe Allain, Psychologue, Unité de Neuropsychologie, Département de Neurologie, CHU, 49033 Angers cedex 01 Champ Psychosomatique, 2001, n° 22, 25-38. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps Didier Le Gall et Philippe Allain CHAMP PSYCHOSOMATIQUE et al., 1999 ; Gamberini, 2000; Myers et Bierig, 2000 ; McGee et al., 2000). Des scénarios plus fonctionnels sont construits pour tester et entraîner des activités de la vie quotidienne (Gourlay et al., 2000) telles que traverser la rue (Strickland, 1996), conduire une voiture (Liu et al., 1999), préparer un repas (Christiansen et al., 1998), utiliser les transports publics (Mowafi et Pollack, 1995), faire des courses au supermarché (Cromby et al., 1996), ou utiliser un fauteuil roulant (Inman et al., 1997). Autrement dit, comme le simulateur de vol peut être utilisé pour tester ou entraîner les capacités à piloter un avion, les environnements virtuels peuvent être développés pour présenter des stimulations qui mobilisent les capacités cognitives et le comportement chez des sujets normaux ou des malades cérébro-lésés et ce dans deux principales applications : soit comme outil d’évaluation, soit comme d’outil d’entraînement et de réhabilitation (Rizzo et al., 2000). Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps OUTIL D’ÉVALUATION En neuropsychologie, l’évaluation remplit plusieurs fonctions. En pratique clinique, elle sert au diagnostic et permet de recueillir des données sur les troubles et les capacités cognitives qui demeurent fonctionnelles chez tel ou tel malade. Elle fournit également des informations pour construire une stratégie de rééducation et des mesures de l’efficacité du traitement. Par ailleurs, elle participe au recueil des informations utiles à la compréhension du fonctionnement cérébral par l’examen attentif des séquelles intellectuelles et comportementales consécutives à une lésion cérébrale. Actuellement, l’évaluation neuropsychologique s’organise selon deux modalités complémentaires. D’une part, elle cherche à spécifier les composantes, ou sous-composantes, cognitives altérées (ou épargnées) par la maladie (raisonnement abstrait, résolution de problème, activités langagières ou spatiales, mémoire, fonctions exécutives, capacités gestuelles ou encore attention). D’autre part, l’évaluation neurospsychologique cherche à définir et à mesurer des capacités fonctionnelles, révélatrices du processus d’intégration de différents composantes cognitives, telles qu’elles se manifestent dans les activités quotidiennes. Cette évaluation porte la plupart du temps sur les capacités de travail, la prépa- Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps 26 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps ration des repas, l’utilisation des moyens de transport, la gestion des finances personnelles, la capacité à faire des tâches domestiques. L’évaluation neuropsychologique, qu’elle soit centrée sur la dimension cognitive ou fonctionnelle, repose généralement sur deux critères : la fidélité et la validité des épreuves. La fidélité correspond à la capacité pour un test de fournir des résultats équivalents d’une passation à l’autre. Quant à la validité, elle concerne la capacité d’un test à mesurer ce qu’il est censé mesurer. La fidélité d’un résultat est un problème important que l’on rencontre dans les épreuves papier-crayon. C’est, par exemple, une donnée constante pour des tâches dites attentionnelles. Cette absence de stabilité des résultats peut être imputée à la diversité des examinateurs, des conditions d’examen (bruits de fond, lumière, etc.) ou à la qualité des stimuli présentés au patient, voire aux erreurs de correction des épreuves. Le recours à la technologie permet de construire des situations virtuelles dont tous les paramètres sont à la fois calculés et contrôlables ce qui, d’un point de vue psychométrique, permet de limiter les sources d’erreur par une meilleure maîtrise des variables étudiées et de disposer d’une présentation standard de l’épreuve. Il est souvent délicat d’attester de la validité des épreuves car de nombreux tests mettent en jeu de multiples composants cognitifs de sorte qu’il est parfois bien difficile d’appréhender sur quel domaine cognitif portait spécifiquement l’évaluation. La validité des outils peut également être améliorée dans la mesure où il est possible d’analyser des paramètres difficiles à appréhender dans les tâches papier-crayon : certains temps de latence ou de réponse, les types de stratégie engagés, le champ visuel privilégié, les types de stimulations privilégiées, etc. Cette amélioration des conditions d’application des tests permet de penser qu’il est possible de discriminer des désordres plus subtils. Par ailleurs, la validité écologique des tests papier-crayon (c’est-à-dire leur ressemblance avec les situations de vie réelle) utilisés lors de l’évaluation neuropsychologique traditionnelle est souvent discutée. Il en est de même pour des tests informatisés. En effet, il est toujours difficile de dire avec certitude comment se positionne, par rapport à une performance 27 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps APPLICATIONS À LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE CHAMP PSYCHOSOMATIQUE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps complexe réalisée dans un environnement quotidien, le résultat à une tâche d’évaluation cognitive usuelle. Les scénarios créés par la technologie d’images virtuelles permettent de s’approcher des situations de la vie quotidienne et donc d’améliorer la validité écologique de l’évaluation. Dans cette perspective, la complexité des stimuli rencontrés dans les contextes naturels peut être recrée tout en maintenant un contrôle expérimental rigoureux. Par exemple, on peut fort bien simuler un apprentissage dans un environnement réel, par exemple déambuler dans une maison pour faire un apprentissage d’objets ou de trajet. Une telle démarche pourrait avoir une meilleure pertinence clinique mais aussi des implications directes dans la mise au point de stratégies fonctionnelles dans la réhabilitation cognitive. Plus encore, pour évaluer différentes composantes cognitives (par exemple planification, différents niveaux de mémoire), il y aurait avantage par rapport aux tâches papiercrayon à recourir à cette technologie (Pugnetti et al., 1995 ; Attree et al., 1996 ; Pugnetti et al., 1998 ; Mendozzi et al., 1998). Lors du symposium consacré à la réalité virtuelle, pour la réunion d’Hiver de l’International Neuropsychological Society qui s’est tenue à Boston en février 1999, B. Wilson soulignait en particulier l’intérêt de cette technologie pour l’évaluation de patients cérébro-lésés porteurs de troubles des fonctions exécutives. Ces fonctions exécutives peuvent être définies comme des fonctions de direction qui permettent à un sujet d’appréhender la nature du problème posé, d’envisager les stratégies de résolution, de contrôler la réalisation et la pertinence du résultat obtenu. En clinique neuropsychologique, ces fonctions sont souvent déficitaires (en fait, chez tous les patients présentant une souffrance des lobes frontaux). Wilson indiquait que cette démarche permettait de simuler des situations proches des situations de vie quotidienne, d’apprécier les capacités du malade à planifier son activité dans un cadre peu contraignant, ainsi que les possibilités qu’il avait de tirer les leçons des erreurs commises. En effet, l’environnement virtuel permet de produire, sans risque pour le patient, tous les résultats possibles de ses erreurs de planification et des décisions prises. Dans ce sens, un travail de Pugnetti et al. (1998, 1999) s’est intéressé à une épreuve virtuelle qui reprend la problématique neuropsychologique du Wisconsin Card Sorting Test (WCST). Ce test constitue une des épreuves les plus sensibles aux désordres Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps 28 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps exécutifs. Les auteurs ont créé un environnement virtuel représentant un bâtiment dans lequel le patient doit utiliser différents indices environnementaux pour se déplacer d’une pièce à l’autre. Pour ce faire, il doit sélectionner correctement la porte qui permet d’accéder à la pièce suivante. Le choix des portes peut varier en fonction de plusieurs critères : couleur, forme et nombre de hublots apparaissant sur les différentes portes représentées dans la pièce. Le patient doit se référer aux critères utilisés précédemment pour choisir telle ou telle porte afin de procéder aux choix suivants (par exemple, la porte à choisir doit être de même couleur que la précédente sinon elle ne s’ouvre pas, ce qui constitue d’ailleurs un renforcement). De temps à autre, le critère pertinent de sélection est modifié ce qui exige du patient qu’il abandonne la procédure jusque là utilisée, qu’il effectue l’analyse des indices disponibles et opte pour un nouveau critère, plus approprié aux exigences de la tâche. En virtuel, la performance est mesurée en termes de nombre et de types d’erreurs, de durée (temps passé dans chaque pièce) et de conduites exploratoires (quelles portes sont observées, dans quel ordre, pendant combien de temps, etc.). Chez les volontaires sains, les résultats montrent une adaptation à la tâche à partir des feed-back positifs ou négatifs, ce qui permet d’évaluer, par exemple, à partir de quel moment la tâche est routinière, sans erreur, c’est-à-dire, selon les auteurs, à partir de quel moment elle cesse d’être une tâche exécutive. La comparaison malades/sujets de contrôle montre que le WCST et la tâche virtuelle partagent les mêmes capacités à différencier les sujets mais les corrélations entre les deux tâches sont faibles ce qui suggère qu’elles testent des fonctions différentes, alors même qu’elles sont conçues sur un principe identique. Dans cette perspective, les auteurs considèrent que la tâche virtuelle est en mesure de mieux mettre en évidence les difficultés des malades qu’au moyen de l’épreuve papier-crayon. Ils suggèrent qu’une pluralité d’activités cognitives sont sollicitées par la situation virtuelle en début d’épreuve quand il est nécessaire de bien intégrer dans la production de routines efficaces, les dimensions perceptivo-motrices et visuospatiales, ainsi que les aspects conceptuels, de mémoire et d’orientation. La détection de ces difficultés d’intégration, dans la mise en œuvre d’une fonction cognitive complexe, est d’une très grande importance pour prédire les capacités des patients en environnement réel. D’autre part, un travail de Mendozi et 29 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps APPLICATIONS À LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE 30 CHAMP PSYCHOSOMATIQUE al. (1998) montre une supériorité de l’épreuve réalité virtuelle (c’est même la seule épreuve exécutive déficitaire) sur les tâches exécutives classiques chez un patient porteur d’un syndrome frontal affectant également les activités de vie quotidienne. Ces résultats accréditent l’hypothèse d’une meilleure validité écologique des évaluations faites en réalité virtuelle. Enfin, il est intéressant de noter que la technique de réalité virtuelle permet d’inclure dans les scénarios des données qui ne sont pas directement disponibles (perceptibles) dans le monde réel. Ceci est particulièrement intéressant pour étudier sur quels marqueurs environnementaux (sur quels indices) le sujet s’appuie pour développer des stratégies de compensation afin d’améliorer son comportement au quotidien. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps Actuellement, il existe différentes manières d’appréhender la prise en charge rééducative des cérébro-lésés en neuropsychologie (de Partz, 1994), mais deux grands courants semblent dominer les pratiques. D’un côté, l’approche fonctionnelle ou globale met l’accent sur un entraînement progressif des comportements observables, des habiletés et des activités de vie quotidienne. Le but poursuivi est d’apprendre au patient, par la pratique effective de routines quotidiennes, comment faire pour surmonter la difficulté en situation. Parfois, les rééducateurs utilisent des prothèses (par exemple une alarme) pour aider le malade à mettre en œuvre certaines procédures. D’un autre côté, la stratégie analytique de restauration des fonctions cognitives se centre sur le réentraînement (ou le contournement) systématique et stratégique d’un processus cognitif déficitaire (par exemple, la mémoire) et cherche à aider le patient à comprendre progressivement, par essais et erreurs, ce qui est à faire pour compenser le ou les troubles. Dans cette démarche, les stimuli sont facilement contrôlables, quantifiables et peuvent être utilisés de façon graduelle. Cependant les différentes méthodes ont été critiquées : manque de généralisation et déficit du transfert des acquisitions dans le monde réel, absence de compréhension des mécanismes cognitifs impliqués dans les stratégies mises en jeu dans les situations de vie quotidienne. En réalité virtuelle, il est possible de générer des applica- Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps OUTIL DE RÉHABILITATION Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps tions qui intègrent simultanément un entraînement de type restauration dans un contexte de réadaptation fonctionnelle écologiquement plus adapté. Un tel environnement permet d’optimiser l’entraînement, la généralisation et le transfert des acquisitions vers le monde réel. La réalité virtuelle permet donc de faire un travail plus spécifique sur l’une ou l’autre des approches rééducatives (Rose et al., 1996; Rizzo et al., 1997; Johnson et al., 1996). Dans un travail récent, Brooks et al. (1999) rapportent une étude de cas démontrant, chez une malade amnésique, une amélioration significative des capacités à retrouver son chemin après avoir bénéficié d’un entraînement en réalité virtuelle. L’étude concerne une malade, victime d’un accident vasculaire cérébral responsable d’un syndrome amnésique, qui présente toujours après deux mois d’hospitalisation de sévères difficultés de mémorisation des trajets à l’intérieur de l’unité de soins dans laquelle elle est prise en charge, y compris pour des trajets très fréquemment empruntés. Préalablement à l’expérience en réalité virtuelle, les observateurs ont essayé de faire réaliser à la malade dix trajets simples qui mettaient tous en jeu des lieux où elle se rendait régulièrement. La première partie de l’entraînement en réalité virtuelle consistait à apprendre deux de ces dix trajets, transposés dans une représentation en trois dimensions de l’unité de soins, par le biais d’un exercice quotidien de 15 minutes. Après trois semaines, la patiente était capable de réaliser ces deux trajets dans le monde réel, ce qu’elle ne pouvait pas faire pour les trajets non entraînés. Afin de vérifier la spécificité de l’entraînement virtuel, dans une seconde partie de l’étude, deux nouveaux trajets ont été entraînés, un utilisant la réalité virtuelle, l’autre la pratique dans le monde réel. Après deux semaines de thérapie, la malade connaissait le trajet entraîné en réalité virtuelle mais elle ne maîtrisait pas le trajet réalisé dans l’environnement réel. Cette acquisition s’est maintenue malgré l’absence d’entraînement complémentaire. Les auteurs attribuent ce succès au fait que la déambulation, et finalement la possibilité de couvrir le trajet, est plus rapide en situation virtuelle que dans l’environnement réel. D’autre part, l’entraînement sous virtuel ne met pas en jeu les distracteurs qui sont habituellement présents dans le réel et susceptibles d’appauvrir l’apprentissage du trajet. Ces résultats sont tout à fait intéressants. D’une manière 31 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps APPLICATIONS À LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE CHAMP PSYCHOSOMATIQUE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps générale, la technique permet de répéter à loisir les situations quelles qu’elles soient, ce qui est évidemment très important puisqu’il y a finalement assez peu de malades qui présentent des troubles de mémoire procédurale. Ceci permet d’envisager l’entraînement des patients à partir de toutes sortes de procédures. Par ailleurs, elle est d’emblée applicable à des malades qui présentent des difficultés motrices associées aux troubles cognitifs, difficultés rapidement rédhibitoires dans l’environnement réel. Enfin, différents critères sont réunis en réalité virtuelle pour une bonne généralisation des entraînements : programmation des tâches vers des performances contrôlées, identification de renforcements naturels, mesures de transfert appropriées, quantité suffisante de répétition des tâches, stimuli communs aux environnements réels et virtuels. Rizzo et al. (1998) rappellent qu’en matière de pilotage d’avion, certains travaux considèrent qu’une heure de simulateur de vol, donc d’entraînement virtuel, fait économiser une demi-heure d’entraînement réel. Ils notent aussi que des études, conduites en particulier dans l’industrie, montrent que l’entraînement dans le virtuel a une meilleure efficacité pour la réalisation des tâches en situation réelle que l’utilisation d’un rappel verbal de la procédure. Chez les infirmes moteurs cérébraux et les patients avec déficits développementaux, le transfert au réel a été démontré, par exemple, pour le passage d’un environnement scolaire virtuel à une situation scolaire normale (Rizzo et al., 2000). Dans le même ordre d’idée, un travail de Cromby et al. (1996) signale un transfert positif chez des étudiants handicapés. Après entraînement dans un environnement virtuel représentant un supermarché, les sujets se sont montrés plus efficaces dans leurs déplacements et la sélection des objets à l’intérieur du supermarché réel. Ces sujets étaient d’ailleurs meilleurs que ceux qui avaient suivi un entraînement en environnement réel. Cette question de la généralisation est un enjeu extrêmement important pour l’application des techniques de réalité virtuelle en neuropsychologie car une grande partie de la rééducation cognitive achoppe sur la question du transfert des acquisitions. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps 32 INTÉRÊTS ET LIMITES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps Si on sait que la réalité virtuelle est un outil efficace pour familiariser des sujets sains à différents types de tâches, l’expérience avec des malades cérébro-lésés est encore limitée. Avant de mobiliser cette technologie, une question de fond mérite d’être posée : est-ce que les mêmes objectifs pourraient être atteints en utilisant des approches plus simples et moins coûteuses ? La réponse à cette question dépend des objectifs poursuivis. La technique peut aussi être “rentable” dès lors que le diagnostic est plus précis et le travail rééducatif plus efficace. Au stade actuel du développement de l’outil, la réalité virtuelle permet d’administrer avec précision des stimuli dynamiques, en trois dimensions, tant visuels qu’auditifs (voire tactiles), de façon simultanée et/ou séquentielle, sur lesquels on peut interagir. Nous avons vu que l’on pouvait avantageusement travailler sur la mémoire ou les fonctions exécutives. Il faut d’ailleurs noter que cela se fait en toute sécurité pour le patient, ce qui permet donc d’aller jusqu’au bout de sa “logique” et accessoirement d’interroger la prise de conscience des difficultés et les corrections qu’elle induit. Ceci étant, les situations de raisonnement complexe qui nécessitent de mobiliser des représentations langagières et la mémoire sémantique sont plus difficiles à apprécier car ces différentes dimensions sont susceptibles de participer à la compensation des difficultés qui échappent alors à la situation virtuelle. D’autre part, en réalité virtuelle, on peut recueillir une grande quantité de données mesurables. Une des difficultés, c’est de les analyser utilement pour dégager aussi les stratégies de résolution employées. Il y a ainsi tout un travail à faire pour développer des méthodologies et des outils d’analyse permettant d’obtenir le plus d’informations utiles. L’immersion correspond au sentiment d’être dans un monde virtuel. La navigation concerne les capacités de déplacement dans cet environnement. On peut naviguer dans un environnement virtuel sans y être immergé et il n’est sans doute pas toujours nécessaire d’immerger les sujets pour tirer profit de la technique. Par exemple, il n’est pas utile d’être immergé pour apprendre un itinéraire mais il est indispensable de conduire la navigation sur cet itinéraire. Ainsi, Rose et al. (1999) ont montré que le patient qui pilote le joystick améliore sa performance d’apprentissage, mais pas celui qui le regarde. 33 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps APPLICATIONS À LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE CHAMP PSYCHOSOMATIQUE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps Le système de navigation est donc un élément important en réalité virtuelle. Cette interface doit être le plus possible intuitive et son utilisation ne doit pas nécessiter un apprentissage trop lourd. Cette question est déterminante pour des patients cérébro-lésés qui sont susceptibles d’avoir des problèmes d’adaptation, ce qui constitue une source de distraction et une limite à l’évaluation ou à la rééducation. Ceci pose le problème corollaire de savoir sur quoi les systèmes de navigation amènent les sujets à se focaliser, autrement dit sur quoi se font la mesure et l’apprentissage. Pour reprendre le travail de Rose et al. (1999), le sujet actif apprend bien le trajet ce qui n’est pas le cas du sujet passif qui, par contre, évoque et reconnaît mieux les objets vus sur le trajet. Les applications des techniques de réalité virtuelle à la neuropsychologie restent limitées pour plusieurs raisons. La première est sans doute liée aux coûts d’équipement et de développement. La seconde réside dans le fait que cette technique n’a pas vocation à permettre d’informatiser des tests psychométriques mais bien de créer de nouvelles situations (test et réentraînement). La troisième raison est que pour en dériver des connaissances sur l’organisation des systèmes cognitifs et leurs interactions, il nous faut aussi comprendre les médiations cognitives introduites par l’environnement virtuel. L’expérience en environnement virtuel ne correspond pas à l’expérience que notre organisme connaît en environnement réel, même s’il s’agit d’une action identique. Cette modification de l’expérience physiologique, qui repose essentiellement sur les conflits entre les modalités sensorielles (visuelle, auditive, proprioceptive, vestibulaire), est susceptible de générer un état de malaise dont les symptômes les plus fréquemment rapportés sont : nausées, vomissements, douleurs oculaires, désorientation, ataxie, vertiges. Ceci étant, les données sur la fréquence de ces symptômes sont contradictoires (de 5% à 95% des sujets) et dépendent de facteurs multiples (technologie utilisée, temps d’exposition, expérience antérieure, mouvements actifs ou passifs, etc.). Dans le travail de Pugnetti et al. (1996), une sensation de malaise est rapportée par 14% des sujets immergés et il n’y a pas de différence entre les sujets sains et les malades. Pour les auteurs, seule une immersion progressive en durée et en qualité peut réduire ces effets secondaires. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps 34 CONCLUSION Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps Bien qu’il existe d’importants problèmes, la réalité virtuelle constitue une technologie séduisante. Elle est particulièrement adaptée pour améliorer la validité écologique, ou le niveau de pertinence qu’une épreuve, ou un entraînement, peut avoir en regard du “monde réel”. L’intérêt de cette approche est de créer de nouvelles situations de test et de réhabilitation. A partir d’un développement de paradigmes expérimentaux suffisamment pertinents, les perspectives sont nombreuses y compris, par exemple, en couplant les épreuves sous virtuel et l’imagerie cérébrale fonctionnelle (Aguirre et D’Esposito, 1997). D’autre part, quelles que soient les caractéristiques de l’environnement informatique conçu, un intérêt particulier doit être accordé à l’étude de la manière dont cet environnement est perçu et utilisé par les personnes. En effet, aussi “réalistes” que puissent être ces environnements, ils ne sont que des représentations de la réalité. Quelles relations les individus, et en particulier les patients, peuvent-ils construire entre ces représentations et leur environnement quotidien ? Ces environnements favorisent-ils les raisonnements par cas, comme il est observé en situation ou dans des simulations matérielles de situation (Nunes et al., 1993)? Ces représentations peuvent-elles véritablement servir de médiateur d’une réalité qui pour certains sujets peut être problématique ? Le développement de l’usage d’environnements virtuels à des fins de diagnostic ou de rééducation dépend aussi des réponses que l’on pourra apporter à de telles questions. Enfin, les applications en neuropsychologie de ces technologies nouvelles ne doivent pas masquer l’objectif central de toute démarche clinique qui vise à aider, soulager, soigner et parfois guérir une personne en état de souffrance. La technologie peut être avantageusement mise au service de cet objectif même si le soin est de nature psychologique. Certes la démarche est ici essentiellement objectivante, mais le recours à une technique aussi sophistiquée soit elle ne conduit pas pour autant les neuropsychologues à ignorer la question de l’intersubjectivité qui lie le malade et le thérapeute dès les premières rencontres. 35 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps APPLICATIONS À LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE 36 CHAMP PSYCHOSOMATIQUE Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps AGUIRRE G.K., D’ESPOSITO M. (1997). 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Mots-clés : Réalité virtuelle - Évaluation neuropsychologique - Rééducation neurospychologique - Troubles de la mémoire - Troubles exécutifs. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps In this paper, the main applications of virtual environments in clinical neuropsychology are reviewed. Virtual environment technology appears to be a useful tool for the clinical assessment and rehabilitation of cognitive disorders related to central nervous system dysfunctions. Clinical and experimental data are briefly discussed in order to appreciate usefulness and boundaries of such technological environment. Key-words : Virtual reality - Neurospychological assessment - Cognitive rehabilitation - Memory deficits - Dysexecutive syndrome. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 74.59.127.7 - 02/01/2012 09h07. © L'Esprit du temps SUMMARY