Entraves au diagnostic de la tuberculose de l`enfant : étude qualitative

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Entraves au diagnostic de la tuberculose de l`enfant : étude qualitative
INT J TUBERC LUNG DIS 19(10):1144–1152
© 2015 The Union
Entraves au diagnostic de la tuberculose de l'enfant : étude
qualitative
S. S. Chiang,*† S. Roche,‡ C. Contreras,§ V. Alarcón,¶ H. del Castillo,# M. C. Becerra,†§** L. Lecca§
*Section of Infectious Diseases, Department of Pediatrics, Baylor College of Medicine, Houston, Texas, †Department of Global Health
and Social Medicine, Harvard Medical School, Boston, ‡Boston University School of Public Health, Boston, Massachusetts, USA;
§
Socios En Salud Sucursal Peru (Partners In Health), Lima, ¶Estrategia Sanitaria Nacional de Prevención y Control de Tuberculosis,
Ministerio de Salud, Lima, #Instituto Nacional de Salud del Niño, Lima, Peru; **Division of Global Health Equity, Brigham and Women’s
Hospital, Boston, Massachusetts, USA
____________________________________________________________________________RÉSUMÉ
CONTEXTE : En 2012, le Programme National Tuberculose (PNT) du Pérou a déclaré que les enfants de 0‒14 ans représentaient
7,9% de l’incidence de la tuberculose (TB) dans le pays. Cette estimation est probablement sous-évaluée en raison d’un diagnostic
insuffisant de la TB de l’enfant.
OBJECTIF : Identifier les obstacles au diagnostic de la TB de l’enfant à Lima, Pérou.
SCHÉMA : Grâce à des guides semi-structurés, les animateurs ont réalisé des entretiens approfondis avec quatre administrateurs
du PNT et cinq pneumologues spécialisés dans la TB et 10 groupes focaux avec 53 soignants de premier niveau, des travailleurs de
santé communautaire (HCW) et les parents et/ou responsables des enfants atteints de TB. Deux auteurs ont réalisé indépendamment
une analyse thématique inductive et identifié des thèmes émergents.
RÉSULTATS : Les participants ont identifié cinq obstacles au diagnostic de la TB de l'enfant : l’ignorance et la stigmatisation dans
les communautés, une investigation insuffisante des sujets contacts, un accès limité aux tests de diagnostic, un personnel des centre
de santé insuffisamment formé, et la pénurie de prestataires.
CONCLUSION : Les efforts récents visant à augmenter la détection de la TB de l'enfant ont été centrés sur l’élaboration de techniques nouvelles. Cependant, nos résultats montrent que de nombreux obstacles au diagnostic sont enracinés dans des problèmes
socioéconomiques et liés au système de santé. Parmi les solutions potentielles, on peut envisager la mise en œuvre de campagnes
multimédia et d’éducation sanitaire des communautés afin de réduire l’ignorance et la stigmatisation, de donner la priorité à l’investigation des contacts dans les foyers à haut risque et de former des prestataires de santé de niveau primaire et des HCW pour
reconnaître et évaluer la TB de l'enfant.
MOTS CLÉS : groupe focale ; entretiens approfondis ; problèmes socioéconomiques ; stigmatisation ; formation des travailleurs de santé
___________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________
EN 2012, le Programme National Tuberculose (TB) (PNT)
du Pérou a déclaré que les enfants âgés de 0–14 ans représentaient 7,9% de l'incidence de la TB, qui était de 95 pour
100 000 personnes-années (pa).1,2 Ce chiffre est probablement sous-estimé en raison du sous-diagnostic de la TB
chez l'enfant. Les experts en TB de l'enfant ont longtemps
affirmé que les notifications des cas pédiatriques dans les
pays à revenu faible et moyen (LMIC) comme le Pérou
sous-estimaient le poids réel de la maladie.3–6 Il y a deux
éléments en faveur de cette déclaration. D'abord, la proportion de cas chez les enfants est directement corrélée à l'incidence de la TB. Les données émanant de régions à incidence élevée dotées d'une surveillance rigoureuse montrent
que les cas de TB chez l'enfant représentent 15–39% du total des cas de TB.7–9 En contraste, les Etats-Unis ont rapporté en 2011 une incidence de TB de 3,4 /100 000 pa et
ont attribué 6% des cas aux enfants.10 Comme le Pérou a
une incidence de TB 28 fois plus élevée, il est improbable
que les enfants ne constituent que 7,9% des cas. Deuxièmement, des études de modélisation récentes ont conclu indépendamment que l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) sous-estimait d'au moins 30% la charge mondiale
des cas de TB de l'enfant.1,11,12 L'OMS a dérivé son estimation annuelle à partir des notifications de cas et l'a ajustée
au sous-diagnostic et à la sous-déclaration ; cependant, le
même facteur de correction a été utilisé pour les adultes et
les enfants. Les études de modélisation ont, par contre, fait
des ajustements adaptés aux défis spécifiques supplémentaires du diagnostic de la maladie chez l'enfant.
Un facteur majeur du sous-diagnostic de la TB de l'enfant est sa nature paucibacillaire, qui réduit la sensibilité de
la microscopie de frottis à la recherche de bacilles acidoalcoolo-résistants et de la culture de mycobactéries.13
L'incapacité de la majorité des enfants à expectorer des crachats complique encore le diagnostic. Bien que les efforts
de recherche se soient de plus en plus focalisés sur l'élabo-
______________________________________________________________________________________________________________
Auteur pour correspondance : Silvia S Chiang, Section of Infectious Diseases, Department of Pediatrics, Baylor College of Medicine,
Suite 1120, 1102 Bates Street, Houston, TX 77030, USA. Tel: (+1) 832 824 4330. Fax: (+1) 832 825 4347.
e-mail: [email protected]
[Traduction de l’article : « Barriers to the diagnosis of childhood tuberculosis: a qualitative study » Int J Tuberc Lung Dis 2015; 19(10):
1144–1152. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.15.0178]
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
ration de techniques plus sensibles, aucun nouvel outil n'a
mis en évidence de sensibilité plus grande que la culture.14
En l'absence de confirmation microbiologique, les médecins font un diagnostic clinique à l'aide du test cutané à la
tuberculine (TCT), d'arguments épidémiologiques et de
constatations cliniques et radiographiques. Bien que le diagnostic clinique ait également des limites, des cliniciens expérimentés l'utilisent avec succès depuis des décennies.15–17
Les défis du diagnostic de la TB de l'enfant ont été bien
décrits par des études cliniques et des opinions d'experts.13,15,16,18,19 Cependant, une seule étude a rapporté les
perspectives des prestataires de soins qui sont en première
ligne ou des familles affectées.20 La compréhension des expériences de ces groupes est cruciale pour augmenter la détection des cas. Dans cette étude qualitative, nous avons tenté
d'identifier les obstacles au diagnostic de la TB de l'enfant
auxquels sont confrontés les prestataires de soins de santé
primaire et les familles des patients.
POPULATION DE L'ETUDE ET METHODES
Contexte
El Agustino et La Victoria, deux des 43 districts de Lima, ont
été choisis comme lieu d'étude en raison de leur incidence
élevée de TB, respectivement 224 et 195/100 000 pa (données non publiées, PNT du Pérou), ce qui dépassait l'incidence globale de TB de Lima, qui était en 2012 de 148
/100 000 pa.2 Au Pérou, 78% des patients TB sont soignés à
travers le Ministère de la santé (MS),1 qui gère des centres de
soins de santé primaires communautaires avec des prestataires de soins dédiés du PNT. Les médecins du PNT font le
diagnostic de TB et prescrivent le traitement ; les infirmiers
et les aides-soignants du PNT supervisent le traitement, éduquent les patients, recherchent les contacts et réalisent le
TCT ;21 des travailleurs de santé communautaire (TSC) assistent les infirmiers et les aides-soignants. De nombreux
prestataires de soins du PNT ont également des responsabilités en dehors de la TB comme d'administrer des vaccins.
Au besoin, les médecins du centre de santé réfèrent les patients aux hôpitaux du MS pour consulter un pneumologue
du PNT spécialisé dans la TB.
Méthodes
En juin et juillet 2012, nous avons réalisé 10 discussions en
groupe focal (DGF) avec 53 prestataires de soins de centres
de santé du PNT, des TSC et des parents et/ou des responsables des patients TB âgés de 0–14 ans. Des entretiens approfondis avec quatre administrateurs du PNT et cinq pneumologues ont élargi la perspective des questions déjà explorées pendant les DGF. Nous avons réalisé des entretiens
approfondis à la place des DGF afin de saisir la profondeur
et la diversité de l'expérience professionnelle des informateurs principaux (les administrateurs avaient diverses fonctions au sein du PNT et les pneumologues pratiquaient dans
différents hôpitaux).
Quatre membres péruviens du personnel féminin de Socios En Salud (SES), une organisation non-gouvernementale (ONG) qui collabore avec le PNT du Pérou depuis
1996, ont fait fonction de modérateurs lors des DGF et ont
conduit les entretiens. Les modérateurs avaient une expérience préalable en matière de facilitation des DGF et pas
de relation préalable avec les participants. Après avoir expliqué que le but était de comprendre l'expérience des participants en matière de TB de l'enfant, les modérateurs ont
conduit les sessions grâce à des guides semi-structurés élaborés par les auteurs (Tableau 1).
Nous avons délibérément sélectionné les prestataires de
soins du PNT, les TSC et les parents et/ou responsables
dans les huit centres de santé (sur un total de 16) d'El Agustino et de La Victoria qui ont le nombre de cas pédiatriques
le plus élevé. Le Tableau 2 détaille les critères d'éligibilité
et la composition des DGF. Les informateurs clés pour les
neuf entretiens approfondis ont été choisis parce que leurs
zones de desserte administratives ou cliniques incluaient El
Agustino et/ou La Victoria.
Les modérateurs ont invité les participants des DGF en
personne et les auteurs ont invité les informateurs clés par
téléphone. Sur 64 participants invités aux DGF, 11 (17%)
ont décliné en raison de contraintes de temps. Tous les informateurs clés invités ont participé. En raison des limites
de budget et de personnel, nous n'avons pas pu recourir à
un processus itératif de recueil et d'analyse des données jusqu'au point de saturation. Le nombre et la taille des sessions
ont donc été déterminées a priori en se basant sur des directives préalablement établies.22,23 Les DGF et les entretiens
approfondis ont été réalisés en espagnol, ont duré de 60 à
90 minutes et ont eu lieu dans des salles de conférence privées de SES. Il n'y a pas eu d'entretiens répétés. Les modérateurs ont pris des notes et enregistré toutes les sessions
avec le consentement des participants ; les enregistrements
ont été transcrits in extenso.
Les participants ont signé un consentement éclairé
écrit et ont été remboursés de leur frais de trajet vers SES.
Le comité d'éthique du MS (Direction de la santé IV,
Lima Est), l'Université péruvienne Cayetano Heredia,
Lima, Pérou, et la Harvard Medical School, Boston, MA,
Etats-Unis, ont approuvé l'étude.
Analyse des données
Les enregistrements ont été transcrits et téléchargés sur
NVivo version 10 (QSR International, Melbourne, VIC,
Australie). SSC et SR, parlant tous deux couramment l'espagnol, ont analysé indépendamment les données en espagnol à l'aide d'une analyse conventionnelle de contenu, une
approche inductive.24,25 Ces auteurs ont d'abord lu et écouté
les transcriptions afin d'arriver à une compréhension générale des données. En fonction de leurs impressions initiales
de ces données, ils ont élaboré des codes en anglais qui ont
représenté et organisé les concepts exprimés dans le texte.
Les auteurs ont raffiné et finalisé les codes après les avoir
testés sur un échantillon de transcriptions. Ils ont ensuite
codé toutes les transcriptions et identifié les thèmes émergents du même sujet. Pour assurer une fiabilité entre observateurs, les auteurs ont résolu les divergences de codage
chaque étape et abouti à un consensus sur les thèmes émergents. Tous les modérateurs ont revu les résultats et ont
abouti à un accord.
Entraves au diagnostic de la TB de l’enfant
3
Tableau 1 Questions des groupes focaux et des entretiens approfondis
Participants
Pneumologues et
administrateurs
du PNT (EA)
Médecins,
infirmiers et
aides-soignants
travaillant dans
les centres de
santé (DGF)
Travailleurs de
santé
communautaire
(DGF)
Parents de
patients TB
pédiatriques
(DGF)
Questions (traduites en anglais à partir de l'espagnol)*
Quelle est votre opinion générale à propos de la situation de la TB de l'enfant au Pérou?
Pensez-vous que le nombre de cas de TB de l'enfant que le MS a rapporté est exact? Pensez-vous que
le nombre est sous-estimé ou surestimé? Veuillez expliquer.
Pensez-vous qu'il y a suffisamment de ressources pour diagnostiquer les enfants qui ont la TB au Pérou?
Que manque-t-il? Quelle est la procédure d'évaluation pour un enfant avec suspicion de TB?
Quels problèmes avez-vous observé dans le processus diagnostique d'un enfant qui a la TB?
Médecins seulement : Avez-vous déjà eu des doutes au moment de décider si un enfant avait ou non la
TB? Quand c'est le cas, que faites-vous?
Avez-vous déjà prescrit un test de diagnostic de TB pour un enfant qui n'a pas pu être obtenu? Veuillez
expliquer pourquoi le test n'a pas pu être obtenu. Qu'avez-vous fait pour poursuivre l'évaluation du
diagnostic?
Médecins seulement : A quelle fréquence voyez-vous des enfants avec suspicion de TB? Qui vous les a
référés? Pourquoi pensez-vous que les centres de santé ont fait ces références? Avez-vous déjà estimé
qu'une référence n'était pas nécessaire, que le diagnostic aurait pu être fait au centre de santé?
Pensez-vous que les centres de santé du MS ont suffisamment de ressources humaines et de fournitures
pour diagnostiquer la TB de l'enfant? Quelle est votre opinion du niveau actuel de l'investigation des
contacts?
Que feriez-vous pour améliorer le diagnostic de TB de l'enfant?
Avez-vous déjà participé à une session de formation sur la TB de l'enfant? Dans ce cas, quand et où?
Où avez-vous acquis vos connaissances relatives à la TB de l'enfant? Pensez-vous que vos connaissances sont suffisantes pour diagnostiquer les enfants qui ont cette maladie?
Quelles méthodes utilise-t-on dans votre centre de santé pour obtenir un échantillon de crachats d'un
enfant avec suspicion de TB?
Avez-vous déjà prescrit un test de diagnostic de TB pour un enfant qui n'a pas pu être obtenu? Veuillez
expliquer pourquoi le test n'a pas pu être obtenu. Qu'avez-vous fait pour poursuivre l'évaluation du
diagnostic?
Avez-vous déjà référé des enfants avec suspicion de TB à un pneumologue? Pourquoi? Est-il facile de
faire cette référence?
Médecins seulement : Avez-vous déjà eu des doutes au moment de décider si un enfant avait ou non la
TB? Quand c'est le cas, que faites-vous?
Quelles activités dans votre centre de santé sont destinées à rechercher les contacts de patients TB? Y
a-t-il des limitations à la recherche des contacts? Si oui, lesquelles?
Pensez-vous qu'il y a des cas de TB de l'enfant dans votre communauté qui ne sont pas identifiés? Si oui,
pourquoi ces cas ne sont-ils pas identifiés?
Selon vous, comment pourrait-on améliorer la détection de la TB de l'enfant? De quel type de soutien
auriez-vous besoin pour améliorer l'évaluation et le diagnostic de TB de l'enfant dans votre centre de
santé ?
Avez-vous déjà participé à une session de formation sur la TB de l'enfant? Si oui, quand et où?
Où avez-vous acquis vos connaissances relatives à la TB de l'enfant? Pensez-vous que vos connaissances sont suffisantes pour diagnostiquer les enfants qui ont cette maladie?
Pensez-vous que la procédure de diagnostic des enfants avec suspicion de TB est la même que pour les
adultes avec suspicion de TB?
Que feriez-vous s'il y avait des enfants vivant dans le même foyer qu'un adulte atteint de TB dans votre
communauté? Pensez-vous que ces enfants sont à risque de contracter la TB? Quand des situations
comme celle-ci surviennent dans votre communauté, est-ce que les enfants se présentent généralement au centre de santé pour une évaluation?
Avez-vous déjà référé des enfants avec suspicion de TB à un pneumologue? Pourquoi? Est-il facile de
faire cette référence?
Pensez-vous que votre centre de santé a suffisamment de ressources humaines et de fournitures pour
diagnostiquer la TB de l'enfant?
Quelles activités dans votre centre de santé sont destinées à rechercher les contacts de patients TB? Y
a-t-il des limitations à la recherche des contacts? Si oui, lesquelles?
Pensez-vous qu'il y a des cas de TB de l'enfant dans votre communauté qui ne sont pas identifiés? Si oui,
pourquoi ces cas ne sont-ils pas identifiés?
Selon vous, comment pourrait-on améliorer la détection de la TB de l'enfant? De quel type de soutien
auriez-vous besoin pour améliorer l'évaluation et le diagnostic de TB de l'enfant dans votre centre de
santé ?
Qui a fait le diagnostic de TB chez votre enfant ? Où votre enfant a-t-il été diagnostiqué?
Qu'avez-vous pensé des soins que votre enfant a reçus dans le centre de santé? Quels spécialistes votre
enfant a-t-il vus et où?
Est-ce que votre enfant a vu un pneumologue dans un hôpital? Qu'avez-vous pensé des soins du spécialiste que votre enfant a reçus?
Il y a de nombreux enfants qui ne se présentent pas au centre de santé pour un bilan de TB jusqu'à ce
qu'ils aient des symptômes graves. A votre avis, quelles sont les raisons de ce délai de consultation au
centre de santé?
* Les questions ont été conçues pour susciter des impressions générales sur les obstacles au diagnostic de la TB de l'enfant et explorer les défis liés au système
de santé. Les questions n'ont pas été prétestées.
EA = entretien approfondi ; TB = tuberculose ; MS = Ministère de la Santé ; DGF = discussion en groupe focal ; PNT = Programme National Tuberculose.
4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Tableau 2 Critères d'éligibilité des groupes focaux et composition
Groupe
focal
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Critères d'éligibilité*
Médecins du PNT travaillant actuellement dans un centre de santé à El Agustino depuis
≥ 3 mois
Médecins du PNT travaillant actuellement dans un centre de santé à La Victoria depuis
≥ 3 mois
Infirmiers du PNT travaillant actuellement dans un centre de santé à El Agustino depuis
≥ 3 mois
Infirmiers du PNT travaillant actuellement dans un centre de santé à La Victoria depuis ≥ 3 mois
Aides-soignants du PNT travaillant actuellement dans un centre de santé à El Agustino depuis
≥ 3 mois
Aides-soignants du PNT travaillant actuellement dans un centre de santé à La Victoria depuis ≥
3 mois
Travailleurs de santé communautaire actuellement actifs à El Agustino avec ≥ 6 mois d'expérience dans les activités de lutte contre la TB
Travailleurs de santé communautaire actuellement actifs à La Victoria avec ≥ 6 mois d'expérience dans les activités de lutte contre la TB
Parents et/ou responsables des enfants qui ont reçu un traitement de TB maladie au cours des
6 derniers mois ; le traitement doit avoir été administré dans un centre de santé à El Agustino
Parents et/ou responsables des enfants qui ont reçu un traitement de TB maladie au cours des
6 derniers mois ; le traitement doit avoir été administré dans un centre de santé à La Victoria
Participants
n
6
Participants
femmes
n (%)
2 (33)
4
1 (25)
7
7 (100)
3
6
3 (100)
5 (83)
6
6 (100)
6
6 (100)
6
6 (100)
4
3 (75)
5
4 (80)
* Nous avons exigé ≥3 mois d'expérience pour le personnel du PNT et ≥6 mois d'expérience pour les travailleurs de santé communautaire pour s'assurer que les
participants avaient suffisamment d'expérience professionnelle pour contribuer aux DGF. L'expérience minimale a été plus longue pour les travailleurs de santé
communautaire parce que, contrairement au personnel, ils ne travaillent pas selon des horaires réguliers. Nous avons recruté les parents ou les responsables
d'enfants récemment traités pour deux raisons. D'abord, les participants se rappellent plus précisément les événements récents et deuxièmement, leurs expériences sont plus susceptibles de refléter les politiques et les pratiques actuelles du PNT. Les critères d'éligibilité pour tous les groupes ont inclus un consentement
éclairé.
PNT = Programme National Tuberculose ; TB = tuberculose ; DGF = discussion en groupe focal.
RÉSULTATS
Dans l'ensemble, il y a eu un consensus parmi les participants selon lesquels la TB de l'enfant était sous-diagnostiquée au Pérou, même si un pneumologue et deux officiels
du PNT ont estimé que le nombre de cas manqués était
faible. Cinq contraintes majeures au diagnostic ont émergé
des discussions : l'ignorance et la stigmatisation dans la
communauté, une investigation insuffisante des contacts,
un accès limité aux tests de diagnostic, une formation insuffisante de personnel des centres de santé et une pénurie
de prestataires de soins. Les participants ont mentionné le
défi du recueil de crachats et la faible sensibilité de la microscopie de frottis et de la culture ; ces problèmes ont néanmoins suscité moins d'attention que les cinq autres obstacles.
Ignorance et stigmatisation
Les participants ont identifié deux raisons pour lesquelles
les enfants atteints de TB symptomatique sont amenés dans
un service de santé tardivement, voire pas du tout : l'ignorance des parents en matière de TB et la stigmatisation généralisée vis-à-vis des patients tuberculeux dans la communauté. Les parents peuvent ne pas reconnaître les symptômes ou les attribuer à des problèmes mineurs :
[Un autre] obstacle [au diagnostic] est que la mère
n'amène pas l'enfant parce qu'elle ne réalise pas que l'enfant tousse. Parfois [les parents] pensent que [les enfants
qui toussent] ont une allergie ou un rhume. Ils n'envisagent pas l'hypothèse d'une TB. Ils ne pensent pas qu'ils
puissent attraper la TB tant qu'ils mangent bien… (Infirmier, Groupe focal 4).
Cette citation illustre également la croyance répandue
qu'une bonne alimentation immunise contre la TB, et cette
croyance—liée à la classe sociale—amène les familles à dénier leur susceptibilité à la TB. Comme l'a expliqué un infirmier, « Les gens de la classe moyenne ne croient pas que leurs
enfants puissent attraper la tuberculose. Ils disent ‘Comment
mes enfants pourraient-ils attraper la tuberculose s'ils mangent
bien?’ » (Infirmier, Groupe focal 4). Un médecin a évoqué une
famille qui a perdu deux membres de la TB ; les personnes
restantes au foyer ont néanmoins, en dépit de multiples visites
à domicile des travailleurs sociaux, refusé une évaluation
parce qu'ils ne croyaient pas que des membres de leur classe
sociale étaient susceptibles à la TB (Groupe focal 1).
La stigmatisation peut affecter les comportements de recherche de soins même parmi les familles qui reconnaissent
leur vulnérabilité à la TB. Les contacts domiciliaires de patients TB refusent habituellement le TCT « parce qu'ils ont
honte » (Aide-soignant, Groupe focal 5). Quand on a demandé
pourquoi les familles n'amenaient pas leurs enfants symptomatiques pour un bilan, une mère a répondu, « C'est peut-être
parce qu'on a honte à l'idée que ça pourrait être la TB »
(Groupe focal 10). Un père a admis entrer par l'arrière de la
zone du centre de santé dédiée au traitement de la TB pour ne
pas être vu (Groupe focal 10). Bien que toutes les familles
n'aient pas souffert de discrimination liée à la TB, certains parents ont affirmé qu'en raison de la maladie, ils avaient fait
l'objet de regards dédaigneux, de commérages et d'évitement.
Investigation insuffisante des contacts
Les participants ont déclaré avoir peu recours à l'investigation des contacts pour identifier des cas de TB de l'enfant.
Entraves au diagnostic de la TB de l’enfant
Certaines familles refusent le bilan à cause de la stigmatisation ou par déni, mais d'autres ne le font pas pour des raisons logistiques. Un infirmier a déclaré, « Parmi les [contacts] que je signale..... 60% ont un bilan et les 40% restants
n'en ont jamais pour mille et une raisons. Ils n'ont pas le
temps, ils travaillent toute la journée, ils ne peuvent pas
manquer l'école » (Groupe focal 4).
Le personnel du centre de santé effectue des visites à
domicile pour évaluer les contacts qui ne se présentent pas
au centre de santé. Mais ces visites à domicile se heurtent à
plusieurs contraintes : les prestataires de soins doivent
payer eux-mêmes leur moyen de transport et sont parfois
incapables de localiser les familles qui ont déménagé. De
plus, certains membres féminins du personnel ont des
craintes pour leur propre sécurité qui sont exacerbées par la
pénurie de personnel :
Le quartier [autour de mon centre de santé]…est dangereux…Je ne peux pas sortir seule [pour faire des TCT]
…Quand je demande à un collègue de m'accompagner,
cette personne est en train de faire des vaccinations…Je
ne peux pas non plus m'absenter s'il n'y a pas d'autre prestataire du PNT [au centre de santé] …Un infirmier a subi
un vol l'autre jour. (Infirmier, Groupe focal 4)
De fréquentes ruptures de stock de tuberculine sont un
autre obstacle à l'investigation des contacts. Un médecin a
tenté d'y remédier en référant les enfants à un hôpital
proche pour effectuer les TCT, mais les enfants ne sont jamais revenus pour l'interprétation du test (Groupe focal 1).
Accès limité aux tests de diagnostic
Les centres de santé manquent souvent du matériel nécessaire au diagnostic de la TB de l'enfant. En plus des pénuries
de tuberculine, les participants ont déploré un manque
d'équipement de radiographie en état de marche. Les médecins règlent généralement ce problème en envoyant les patients dans des structures privées :
[L'appareil de radiographie] est hors service depuis
près de 3 ans et n'a pas été réparé…Nous sommes soutenus par un [autre] centre de santé qui fait des radios
pulmonaires. Je leur ai demandé une fois, mais une
seule, car la qualité était très médiocre…C'est plus facile de dire au patient d'aller [dans une structure privée] pour la radio (Médecin, Groupe focal 1).
Les médecins ont dit qu'ils envoyaient rarement les patients
dans les hôpitaux du MS pour des radiographies à cause du
long temps d'attente pour le patient et de la paperasserie
imposée à la personne qui réfère. Plus encore, certains prestataires de soins ne savaient pas que les patients TB pouvaient obtenir une radiographie pulmonaire gratuite dans
les structures du MS. Comme les structures privées font
payer les radiographies, les patients repoussent souvent le
rendez-vous ou n'y vont jamais. Un pneumologue a expliqué :
De nombreux patients ne viennent pas à leurs rendez-vous
parce qu'ils n'ont même pas un sol [0,35 $US] pour le
transport, encore moins pour une radiographie pulmonaire et [d'autres] examens (Entretien 6).
5
Les parents ont également affirmé devoir acheter le matériel d'aspiration gastrique, quelquefois avec l'aide d’ONG
ou de groupes communautaires. Selon un travailleur communautaire « Les [familles] sont pauvres. Elles n'ont pas
assez d'argent pour l'aspiration gastrique…nous recueillons
des fonds pour acheter [les fournitures] pour eux parce que
sinon, ils ne viennent pas [faire cet examen] » (Groupe focal 8).
Personnel des centres de santé insuffisamment formé
Même quand les tests diagnostiques sont disponibles, les
prestataires de soins des centres de santé manquent parfois
de formation ou de confiance en eux pour interpréter les
résultats. Un administrateur du PNT s'est dit préoccupé
parce que « tout le monde n'a pas l'expertise nécessaire
pour réaliser et interpréter un TCT correctement » (Entretien 8). De nombreux médecins des centres de santé ont reconnu ne pas être à l'aise pour lire les radiographies pédiatriques. Les infirmiers ont également perçu ce manque de
compétences :
Tous les médecins [des centres de santé]…ne savent pas
lire
une
radiographie
pulmonaire
[pédiatrique]…alors…je rassemble toutes mes radiographies
pulmonaires [pédiatriques]….et je les apporte au Dr. X
[pneumologue]. S'il n'est pas sûr, alors j'appelle le Dr. Y
[deuxième pneumologue] (Groupe focal 3).
En général, les prestataires de soins ont trouvé difficile le
diagnostic de TB de l'enfant, mais aucun participant aux
groupes focaux n'avait assisté à la formation sur la TB de
l'enfant parce que les sessions étaient trop rares. Selon un
médecin, « Les formations TB sont surtout centrées sur les
adultes…nous avons l'habitude de prendre en charge les
adultes, mais soigner les enfants est complètement différent »
(Groupe focal 2).
Pénurie de personnel de santé
Les médecins des centres de santé ne consultent pas régulièrement des pneumologues pour diagnostiquer la TB chez
les adultes, mais comme ils ne sont pas à l'aise en matière
de diagnostic de la TB de l'enfant, ils réfèrent les enfants en
routine (Médecins, Groupes focaux 1 et 2). Cependant, « les
[médecins] qui ont le plus d'expérience de prise en charge de
la TB pédiatrique sont les pneumo-pédiatres et il n'y en a que
20 [au Pérou] » (Administrateur du PNT, Entretien 5). En
plus, tous les pneumo-pédiatres ne voient pas les patients
TB (Infirmiers, Groupes focaux 3 et 4). C'est pourquoi les enfants peuvent être vus par des pneumologues adultes. Enfin le
délai d'attente pour voir un spécialiste peut être de 1 à 2 mois
(Infirmiers et Aides-soignants, Groupes focaux 4 et 5).
Les parents ont évoqué d'autres délais le jour du rendezvous : « A l'hôpital, ils nous font attendre des heures…Parfois il faut aller chercher soi-même le médecin… » (Groupe
focal 9). De plus, les hôpitaux renvoient les patients dont le
formulaire de référence n'est pas correctement rempli ou
qui ne sont pas accompagnés par une personne du centre de
santé qui informe le pneumologue des antécédents du patient et des résultats des tests. Cette dernière exigence est
onéreuse pour le personnel d'un centre de santé surchargé :
6 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
« [Nous] arrivons [à l'hôpital] le matin pour repartir l'aprèsmidi. Mais si [nous] ne sommes pas là, le docteur ne verra
pas le patient » (Infirmier, Groupe focal 3).
A cause de tous ces obstacles, les patients peuvent être
envoyés dans de multiples structures de santé de nombreuses fois avant de bénéficier d'un bilan correct. A la fois
les parents et le personnel ont utilisé le terme d'argot pelotear—qui signifie « Envoyer dans toutes les directions
comme un ballon »—pour décrire comment les patients
sont traités par le système de santé (Groupes focaux 1, 3, et
9).
Les prestataires et parents ont exprimé le besoin de davantage de spécialistes de la TB de l'enfant, mais les contraintes budgétaires du MS font que la perspective d'engager davantage de pneumo-pédiatres est peu probable. Le
MS, qui gère 78% des cas de TB du Pérou,1 ne peut entrer
en compétition avec les salaires des structures privées :
Après un maximum de 11 heures de travail dans ma clinique [privée], je gagne plus que pour mon travail ici à
l'hôpital [du MS] comme médecin chef….La clinique X
a…ouvert plusieurs succursales. A chaque ouverture, ils
recrutent deux pneumologues [qui quittent le MS]…Ils
ont plus de pneumologues que le Ministère [de la
Santé]… (Pneumologue, Entretien 6)
La pénurie de personnel au niveau des soins de santé
primaires affecte aussi négativement le diagnostic de la TB
de l'enfant. Le faible nombre de techniciens en microscopie
de frottis dans les centres de santé entrave la qualité de
l'interprétation des frottis :
« A ce train-là, nous sommes au-delà de ce qu'un technicien
peut faire [correctement]… Les échantillons ne sont pas
traités comme il faut » (Pneumologue, Entretien 2).
La charge de travail excède également la capacité des
médecins, des infirmiers et des aides-soignants du PNT—
surtout s'ils ont d'autres responsabilités en dehors de la TB.
Comme l'a relaté un administrateur du PNT,
Il y a beaucoup de travail et pas seulement pour la TB…Je
demande des informations au centre de santé et on me répond que la personne en charge de la TB est sortie pour
travailler sur une autre campagne…vaccinations….dengue… (Entretien 5)
Les parents se sont plaints des problèmes d'accès aux médecins. Une mère a dit,
A ce jour, le médecin n'a toujours pas examiné ma fille
et…chaque fois que je vais lui parler, elle me dit qu'elle n'a
pas le temps, qu'elle a trop de patients à voir, que [les infirmiers et aides-soignants du PNT] verront ma fille dans
l'après-midi... (Groupe focal 9)
Les travailleurs de santé communautaire essaient de
décharger le personnel des centres de santé d'une partie du
travail, mais les participants ont déclaré que le nombre de
TSC diminuait parce qu'ils ne recevaient plus de primes
de motivation (fournies auparavant par des ONG) pour
leurs efforts. Un médecin a même déclaré « Les TSC viennent au centre de santé…en amenant un parent malade et
on les renvoie…après cela, ils arrêtent leur travail bénévole » (Groupe focal 1).
DISCUSSION
Les expériences décrites dans cette étude illustrent les entraves au processus de diagnostic de la TB de l'enfant à
chaque étape, depuis la recherche des cas au test diagnostique et au bilan clinique. D'autres rapports émanant de
Lima corroborent nos résultats en matière de lacunes de
connaissances sur la TB de l'enfant parmi les prestataires,
de capacités insuffisantes de traitement des crachats, de
coûts supportés par les patients en termes de diagnostic et
de transport, de fréquentes ruptures de stock de fournitures
pour le diagnostic et de stigmatisation de la TB dans la
communauté.26–30 Nous avons trouvé une autre étude qualitative qui s'est penchée sur les défis du diagnostic de la
TB de l'enfant. Dans cette étude, les prestataires de soins de
santé primaires en Tanzanie, comme nos participants, ont
déclaré se sentir insuffisamment formés pour reconnaître et
diagnostiquer la TB de l'enfant.20
Si les participants ont admis les problèmes posés par
le recueil de crachats chez les enfants et la faible sensibilité de la microscopie de frottis et de la culture, ces
questions ont toutefois suscité moins d'attention que les
cinq obstacles principaux identifiés dans cette étude.
Nos résultats rappellent qu'avec une formation correcte
des cliniciens, la TB de l'enfant peut être diagnostiquée
cliniquement et que la majorité des entraves à sa détection sont liées aux caractéristiques socio-économiques
des communautés affectées par la TB et des systèmes de
santé qui les servent. Un test plus sensible pourrait ne
pas être disponible avant des années. Dans l'intervalle,
une éducation des communautés et des améliorations du
système de santé pourraient accroître la détection de
cette maladie.
En premier lieu, des interventions visant à corriger
l'ignorance et la stigmatisation liées à la TB peuvent encourager les communautés à solliciter des soins. La détection
des cas au Pakistan et en Colombie a augmenté grâce à des
annonces multimédia du service public encourageant les
gens ayant une toux prolongée à consulter.31,32 En Ethiopie,
des clubs TB (groupes de soutien pour les patients TB) ont
identifié et référé 69% de tous les nouveaux cas sur une période de 6 mois.33 Cette initiative peu coûteuse, conduite
par la communauté, a réduit la stigmatisation de la TB à la
fois en Ethiopie et au Nicaragua.34,35 Ces interventions et
d'autres, comme le kit de réduction de la stigmatisation de
la TB,36 pourraient être adaptées à la TB de l'enfant et au
contexte du Pérou. Leur efficacité devrait être évaluée avec
des échelles standardisées de connaissance et de stigmatisation afin d'établir de meilleures pratiques.35,37–41
Deuxièmement, il faut renforcer l'investigation des contacts domiciliaires et mettre en œuvre une stratégie de recherche des cas à haut rendement et rentable pour la TB de
l'enfant.15,42–46 Le PNT du Pérou rend obligatoire l'investigation des contacts, mais les contraintes budgétaires limitent sa mise en œuvre.21,47 Le PNT pourrait envisager de
prioriser les foyers à haut risque, comme ceux où vivent un
Entraves au diagnostic de la TB de l’enfant
cas index à frottis de crachats positif, un malade pharmacorésistant ou des enfants âgés de moins de 5 ans.42 D'autres
manières de renforcer l'investigation des contacts incluent
le fait d'améliorer les connaissances des patients index en
matière de TB, ce qui favorise une meilleure adhésion à
l'investigation 48 et d'utiliser des sms pour rappeler aux patients d'amener les membres de leur famille pour un bilan.
Les groupes focaux de la zone de Lima ont indiqué que les
patients TB accepteraient cette dernière approche.49 De
plus, l'ubiquité des téléphones mobiles, présents dans 88,5%
des foyers de Lima en 2013 et le coût très faible de l'envoi de
sms, en augmenteraient la faisabilité et la rentabilité.
Troisièmement, le Pérou devrait renforcer sa politique
nationale garantissant un bilan et une prise en charge gratuits de la TB dans les structures du MS.21,47 Le Pérou a pris
des mesures pour améliorer l'accès à ces services car les
patients devaient précédemment montrer une preuve de
leur assurance santé. Bien que les personnes vivant au niveau du seuil de pauvreté ou en dessous aient eu droit à une
assurance santé gratuite, elles ne pouvaient pas obtenir
cette couverture sans carte d'identité nationale que de nombreux pauvres ne possèdent pas.50 Depuis décembre 2014,
les patients n'ont plus besoin de montrer cette preuve
d'identification nationale ni un document d'assurance santé
pour accéder à la prise en charge de la TB.51 C'est un progrès, mais il faut également davantage de fournitures pour
le diagnostic et des équipements qui fonctionnent.
Quatrièmement, former les prestataires des centres de
santé à la détection de la TB de l'enfant pourrait diminuer
le délai de diagnostic et éviter le coût et les désagréments
de la référence vers un hôpital. Du matériel de référence
accessible et un suivi continu pourraient être un élément
important de la formation. Les notifications des cas de TB
de l'enfant au Bangladesh et au Pakistan ont augmenté
quand la formation des travailleurs de santé a été accompagnée d'un suivi continu et de la distribution de guides de
référence clinique, qui offrent des conseils efficaces adaptés à la pratique médicale sous une forme claire et concise.52,53 En Afrique du Sud, par contre, un cours ponctuel
d'une journée destiné à enseigner l'interprétation des radiographies pulmonaires pédiatriques a eu un succès limité.54
Il faut travailler davantage pour identifier les approches les
plus efficaces de formation des prestataires de soins de
santé primaires à la reconnaissance et à l'évaluation de la
TB de l'enfant.
Enfin, étant donné la pénurie de personnel dans les
centres de santé, les TSC pourraient contribuer à identifier
et évaluer les personnes avec suspicion de TB. Il est de plus
en plus évident que des TSC bien formés améliorent divers
aspects de la santé, notamment l'augmentation de la détection des cas de TB, dans des contextes divers.55–58 Plus encore, les membres de la communauté pourraient être encore
plus efficaces que les prestataires de santé pour référer les
individus ayant des symptômes de TB.33,56 Des expériences
préalables ont montré que les TSC facilitent les programmes à base communautaire de traitement du virus de
l'immunodéficience humaine et de la TB à Lima,57,58 et que
des stratégies pérennes sont nécessaires pour motiver et retenir cette force de travail.
7
Notre étude a quelques limites. Elle a été réalisée dans
un seul endroit et ses résultats ne sont peut-être pas généralisables à d'autres contextes. De plus, nous n'avons pas pu
recueillir et analyser les données de façon continue jusqu'au
point de saturation.59 Nous avons cependant établi le
nombre de sessions a priori et le volume d'informations
nouvelles contenues dans les dernières transcriptions a été
minime. Plus encore, des directives établies au préalable
ont suggéré que la taille de notre échantillon permettrait
d'aboutir au point de saturation des données.60 Enfin, la majorité des participants, sauf dans les groupes focaux de médecins, étaient des femmes (Tableau 2). Le manque de
pères/responsables masculins peut avoir induit une sousappréciation des entraves au diagnostic qui affectent les
hommes plus que les femmes. A titre d'exemple, parce
qu'ils sont fréquemment employés hors de leurs communautés, les hommes rencontrent plus de problèmes liés au
temps de déplacement et aux horaires peu compatibles des
structures de santé.61 Les infirmiers masculins, les aidessoignants et les TSC peuvent également être confrontés à
des obstacles non capturés dans notre étude. Nous croyons
cependant que la distribution des genres des groupes focaux
est représentative des travailleurs locaux et des responsables des soins de santé primaires des enfants.
CONCLUSION
Cette étude qualitative a décrit les obstacles au diagnostic
de la TB de l'enfant auxquels sont confrontés les prestataires de soins de santé primaires et les familles des patients. Nos résultats démontrent que de nombreux obstacles
à la détection de la TB de l'enfant sont liés à des problèmes
socio-économiques et des problèmes du système de santé
qui doivent être résolus en parallèle à des efforts de développement de techniques de diagnostic plus sensibles et appropriées aux contextes.
Remerciements
Les auteurs remercient les participants à l'étude ; les modérateurs S Soto, J Jimenez et K Tintaya ; et les bénévoles de Socios En Salud M Lindeborg, L Ostrer, D Vyas, K Reifler, Y
Leung et N Tyagi. Nous remercions également J Starke et N
Parker VanValkenburgh pour leurs remarques précieuses sur
les versions antérieures de ce manuscrit.
Le financement a été fourni par le David Rockefeller Center for Latin American Studies at Harvard University, Boston,
MA, Etats-Unis.
Conflit d'intérêt : aucun conflit déclaré.
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