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L’alimentation en début de vie:
préparer le terrain pour des
habitudes alimentaires saines
Julie A. Mennella et Alison K. Ventura
Les habitudes alimentaires font partie intégrante de toutes les cultures et puisent leurs origines dans la gestation et la petite enfance.
Ce chapitre décrit les fondements biologiques conduisant aux choix
alimentaires et expose comment la plasticité inhérente aux sens à
l’origine de la perception des saveurs (c’est-à-dire le goût et l’odorat)
interagit avec les expériences précoces lors de l’allaitement maternel
et/ou artificiel et du sevrage.
Ces sens se développent et fonctionnent in utero. Dès le troisième
trimestre, le fœtus peut détecter les saveurs et est sensible à la perception rétro-nasale des odeurs provenant de l’alimentation de la mère
à travers le liquide amniotique. La fréquence des déglutitions fœtales
augmente en réponse à l’introduction de solutions sucrées dans le liquide amniotique et diminue en réponse à l’introduction de solutions
amères et ceci est un des premiers éléments indiquant que notre biologie favorise la consommation de produits au goût sucré et limite celle
de produits au goût amer. Cette préférence pour le sucré et ce dégoût
pour l’intensément amer ou acide s’observent également peu après
la naissance et les préférences pour le sucré et le salé s’accentuent
pendant l’enfance et l’adolescence. Ces réponses innées aux saveurs
pendant l’enfance seraient une caractéristique de l’évolution adaptative. Autrement dit, ces réponses auraient probablement évolué pour
nous encourager à détecter et rejeter ce qui est nuisible (par exemple
les toxines, au goût amer, ou les fruits non mûrs, au goût aigre) et à
rechercher et ingérer ce qui est bénéfique (par exemple des aliments
très énergétiques, au goût sucré et les minéraux essentiels, caractérisés par un goût salé).
Bien qu’il existe des réponses innées aux saveurs, notre biologie
n’est pas nécessairement notre destin. La petite enfance est caractérisée par un degré élevé de plasticité, les jeunes enfants étant prédisposés à découvrir leur monde sensoriel à travers une exposition répétée
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et des modèles sociaux. Le liquide amniotique est le premier facteur
environnemental pour l’apprentissage du goût, puisque la progéniture
en devenir préfèrera les goûts et les odeurs qu’elle aura perçus dans
l’utérus et qui lui ont été transmis par l’alimentation de la mère. Cet
apprentissage des saveurs se poursuit lorsque les bébés perçoivent
les saveurs de l’alimentation de la mère à travers le lait maternel.
L’allaitement maternel présente un avantage lorsque les nourrissons
sont sevrés avec des aliments solides, car ils mangent la plupart des
fruits, légumes et épices dont les goûts ont déjà été testés à travers
le lait maternel. Ce dernier renseigne donc l’enfant sur les aliments
disponibles et consommés dans sa culture et, plus précisément, par
sa mère. A l’opposé des expériences sensorielles riches et variées
des nourrissons allaités au sein, les expériences sensorielles des
bébés nourris avec des laits infantiles sont monotones et n’intègrent
pas les odeurs des aliments provenant de l’alimentation de la mère.
Néanmoins, les bébés apprennent à préférer les saveurs du lait infantile qu’ils reçoivent. Au sevrage, quel que soit le mode d’alimentation
antérieur, les bébés apprennent par l’exposition répétée à un aliment
particulier, ainsi que par l’exposition à la variété. Nous avons aussi
démontré récemment que pendant les premiers mois après la naissance, les nourrissons passent par une «fenêtre sensible» caractérisée
par une acceptation accrue des saveurs qu’ils ont découvertes dans le
lait qu’ils ont bu.
Une compréhension fondamentale des mécanismes du développement et du fonctionnement de la chimie des sens faciliterait
l’élaboration de stratégies fondées sur des données scientifiques pour
améliorer l’alimentation des enfants, car beaucoup de maladies auxquelles notre société moderne est confrontée (telle que l’obésité, le
diabète ou l’hypertension) sont, en partie, la conséquence de mauvais
choix alimentaires. Associée à un comportement alimentaire sain des
parents, l’exposition répétée à une grande variété d’aliments sains
modifiera les préférences alimentaires des enfants et préparera le terrain pour l’adoption d’habitudes alimentaires saines. Aider les parents
à comprendre les phénomènes biologiques orientant les préférences
alimentaires de leurs enfants (tab. 1) et la façon de modifier efficacement ces préférences devraient être une priorité dans la politique de
prévention.
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Tableau 1. Les étapes que les parents peuvent suivre pour promouvoir
des habitudes alimentaires saines chez leurs enfants
Stade de
développement
Intervention
Références
Prénatal
1. Consommer un large éventail
d’aliments sains pendant la grossesse
Les goûts présents dans l’alimentation
de la mère sont transmis au liquide
amniotique et influencent les préférences
gustatives ultérieures; chaque fœtus a une
expérience gustative unique dépendant de
l’alimentation de sa mère
[1–3]
Néonatal
Allaitement
maternel
Allaitement
artificiel
Sevrage
2. Consommer un large éventail
[1, 4, 5]
d’aliments sains pendant la lactation
Le goût du lait maternel reflète
l’alimentation de la mère; chaque enfant
allaité a une expérience gustative unique
dépendant de l’alimentation de sa mère.
Préparer les céréales infantiles avec du
lait maternel afin d’apporter les goûts
familiaux préférés. Proposer au bébé les
aliments qu’a mangé la mère pendant
la grossesse et l’allaitement comme un
continuum de son expérience gustative
(voir les étapes 4 et 5)
3. N’oubliez pas que le lait infantile
[6–8]
représente une expérience gustative
monotone pour l’enfant
Alors que les nourrissons apprennent à
préférer les goûts du lait infantile qu’ils
boivent, ils pourraient avoir plus de
difficultés à accepter les fruits et légumes,
car ils n’auront pas eu la même expérience
gustative que les bébés allaités. Cependant,
les enfants nourris au lait infantile
peuvent apprendre à accepter les aliments
initialement rejetés (voir les étapes 4–6)
4. Proposer les nouveaux aliments à
[4, 7, 9, 10]
plusieurs reprises
Un premier refus d’un aliment n’est pas
synonyme de dégoût et un changement
de l’expression faciale peut intervenir
plus tard que l’acceptation de l’aliment. La
capacité des nourrissons à accepter des
aliments nouveaux augmente après 8–10
présentations de l’aliment (c’est-à-dire après
l’avoir goûté et pas seulement regardé)
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Tableau 1. Continued
Stade de
développement
Enfants d’âge
préscolaire
Intervention
Références
5. Introduire un large éventail d’aliments
sains
Les occasions données au nourrisson de
goûter une variété d’aliments favorise son
envie de goûter de nouveaux aliments. Les
nourrissons habitués à manger différents
fruits acceptent plus facilement de goûter
de nouveaux fruits. De même, les bébés
habitués à manger différents légumes
acceptent plus facilement d’en goûter de
nouveaux
6. Donnez le bon exemple
La probabilité qu’un enfant accepte un
nouvel aliment est plus grande si ses
parents le mangent en comparaison d’un
enfant dont les parents sont simplement
présents ou mangent autre chose. Donc, la
proposition répétée d’une grande variété
de nouveaux aliments associée à un
modèle de consommation de ces aliments
peut avoir pour effet de faire accepter et
aimer ces nouveaux aliments par l’enfant
[9, 10]
[11–14]
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