Cahier Art thérapie

Transcription

Cahier Art thérapie
S’ouvrir à l’art comme moyen d’intervention
en travail social.
Par Marie-Joël Lalonde
sous la direction de Lucie Fréchette
Note sur les auteures
Marie-Joël Lalonde termine une maîtrise en travail social à l’UQO.
Lucie Fréchette, docteure en psychologie, est professeure au Département de travail social et des
sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais. Elle est coordonnatrice du Centre d’étude et
de recherche en intervention sociale (CÉRIS) et dirige l’Alliance de recherche université-communauté/
Innovation sociale et développement des communautés (ARUC-ISDC).
Série : Recherches, numéro 45
ISBN : 978-2-89251-364-6
Mai 2009
1
TABLE DES MATIÈRES
L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL…………………………………………..……. 1
L’ART ET LA RELATION D’AIDE: REPÈRES HISTORIQUES CONTEMPORAINS………………. 1
QUELQUES DÉFINITIONS…………………………………………………………………………... 3
CRÉATIVITÉ, PRODUCTION ARTISTIQUE ET RELATION D’AIDE……………………………… 4
1) L’image……………………………………………………………………. 5
2) La spontanéité…………………………………………………………….. 5
3) Le produit créé……………………………………………………………. 5
4) La permanence……………………………………………………………. 5
5) L’espace………………………..………………………………………….. 5
6) L’énergie créative et physique…………………………………………… 6
DES APPLICATIONS ICI ET AILLEURS……………………………………………………………. 6
Programme Vincent et Moi, Centre hospitalier Robert Giffard à Québec
(CHRG) ……………………………………………………………………………... 7
Le centre Les Impatients à Montréal…………………………………………… 7
Le LAB en Outaouais ……………………………………………………………... 8
L’art en centre de jour pour personne en perte d’autonomie, l’exemple
du centre de jour Berthiaume du Tremblay…………………………………… 9
Et bien d’autres... ………………………………………………………………….. 9
EN CONCLUSION, DES PISTES POUR L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL……... 10
Bibliographie………………………………………………………………………………. 11
i
dans le but de soulager, de transformer et de
guérir. Elle rappelle la croyance voulant que
l’art puisse être magique, qu’il produise des
changements ou transforme les gens et les
circonstances font en sorte que l’art est aussi
considéré comme pouvant être thérapeutique.
Ainsi, les shamans, précurseurs des psychiatres
et psychologues, ont utilisé des images et des
symboles pour exorciser le mal et guérir le
corps, l’âme et l’esprit. Le rôle des shamans est
intimement lié à l’art-thérapie. Ils avaient
recours à l’art comme moyen principal pour
accélérer la guérison et la convalescence et ce,
exprimé sous de multiples formes, sur les
vêtements, dans les rituels au cœur des
cérémonies de spiritisme, etc.
L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL
Chez les humains, le besoin de « faire de l’art »
est aussi naturel que le langage ou l’interaction
sociale.
Tout au long de l’histoire de
l’humanité, tant les peuples primitifs que
plusieurs autres sociétés ont eu recours à l’art
pour créer de la magie, pour se protéger, pour
prévenir les maladies et pour enclencher la
guérison. L’art a accompagné l’expression des
tensions des individus et des sociétés au cours
des siècles tout comme il participait de leur
résolution. Notre texte veut réfléchir sur
l’utilisation de l’art dans le contexte
contemporain de l’exercice du travail social lui
aussi centré sur les tensions des individus et des
sociétés dans le monde d’aujourd’hui.
À notre époque, l’art dans le domaine de
l’intervention a pris du galon jusqu’à en tirer
une méthode d’intervention que l’on nomme art
-thérapie.
Quelques repères historiques
retracent cette évolution.
Les intervenants sociaux doivent constamment
s’ajuster, se remettre en question, voir les
choses différemment et surtout trouver de
nouvelles solutions à de nouveaux problèmes
chez les individus, les familles et les sociétés.
Les solutions traditionnelles ne sont plus aussi
pertinentes
et
applicables
qu’autrefois.
Nouveaux besoins et nouvelles réalités exigent
un renouvellement constant de l’intervention
sociale. C’est dans cette optique que notre
réflexion pose la question de l’utilisation de
l’art en intervention sociale. Ce texte est inspiré
d’un stage en intervention explorant l’art et
d’un essai ensuite produit dans le cadre de la
maîtrise en travail social de l’UQO sous la
direction de Lucie Fréchette.
Dans le domaine de l’intervention en santé
mentale, l’art est utilisé à des fins
d’interprétation depuis déjà près de 200 ans
(Ress, 2002). MacGregor (1989), dans son
volume The Discovery of the Art of the Insane,
ira même jusqu’à dépeindre la relation entre art
et thérapie, art et psychologie en remontant
jusqu’au dix-huitième siècle (Vick, 2003).
Mais, c’est aux États-Unis dans les années 40,
avec Naumbrug, une pionnière de l’art-thérapie,
que l’association entre les termes art et thérapie
commence à être utilisée couramment,
désignant ainsi une forme de psychothérapie qui
plaçait côte à côte l’art et la thérapie comme
modalité centrale de l’intervention (Vick, 2003).
Coleman et Farris-Dufrene (1996) mentionnent
qu’en 1958, la thérapeute et artiste Hanna Yaxa
Kwiatkowska a été l’une des premières artthérapeutes à introduire le domaine de l’artthérapie comme sujet d’étude dans un centre de
recherche de santé mentale aux États-Unis. De
plus, elle a intégré la famille dans ses recherches
sur les bienfaits de l’art-thérapie.
L’ART ET LA RELATION D’AIDE : REPÈRES
HISTORIQUES CONTEMPORAINS
Aussi bien dans les sociétés contemporaines que
dans les sociétés pré-littéraires, l’art est utilisé
symboliquement pour guérir et apporter un bien
-être physique et mental. Malchiodi (2007)
précise que les mandalas des Tibétains, cercles
dans lesquels une peinture de sable est réalisée,
constituaient le point central d’une prière pour
soulager la souffrance; le peuple Navajo lui
combinait d’une façon spécifique pour chaque
type de maladie, chants, danses et peintures de
sable. Dans ces deux exemples, la peinture sur
sable est une représentation symbolique réalisée
Toujours aux États-Unis, mais dans les années
70, Edith Kramer a apporté une définition de
l’art-thérapie qui diffère de celle présentée par
1
méthodes anciennes de guérison. Selon lui, rien
n’égale l’utilisation de l’art pour susciter
l’expression de soi et de ses émotions. Le
concept est intéressant par sa référence à l’art
comme une médecine en soi, capable de
contribuer au mieux-être psychique de
l’individu par son influence thérapeutique.
Naumbrug. Kramer considère plutôt que l’art
en soi est thérapeutique et qu’il n’est pas
nécessaire de le jumeler à une thérapie verbale
pour obtenir un cheminement thérapeutique
valable et concluant, comme le suggérait
Naumburg. De fait, Kramer croit plutôt au
processus créatif comme tel et non à la finalité
du processus de création décrit par Coleman et
Farris-Dufrene (1996). Selon Kramer, l’artthérapie a comme fonction première de
favoriser l’émergence du soi, de développer un
sens de l’identité et de favoriser l’évolution de
l’être en général. Une des fonctions principales
de l’art-thérapie est d’envisager l’art comme un
adjuvant au développement de l’organisation
psychique de l’individu qui évite le recours aux
divers mécanismes de défense lorsque l’individu
est sous pression ou aux prises avec une
difficulté qui le dépasse. Perçue sous cet angle,
l’art-thérapie devient un complément fort
intéressant et presque essentiel à la
psychothérapie, mais ne peut cependant pas la
remplacer.
Dans un autre domaine sociosanitaire, on sait
qu’Elizabeth
Kübler-Ross
(1926-2004),
psychiatre et psychologue, a été au milieu du
XXe siècle l’une des premières à utiliser le
dessin spontané dans sa pratique auprès des
patients en soins palliatifs et leur famille. Par
contre, c’est à l’artiste Adrian Hill que l’on
attribue la paternité de l’art-thérapie en GrandeBretagne; il s’est plus particulièrement intéressé
à l’utilisation de l’art auprès de personnes
gravement malades (Malchiodi, 2007).
L’association des arts thérapeutes du Québec
expose un résumé de l’origine de l’art thérapie
en la reliant au début des années 1900 lorsque
les psychiatres s’interrogèrent sur la relation
possible entre l’œuvre produite réalisée par le
patient et sa maladie. Puis les enseignants en art
plastique observèrent « que les dessins libres et
spontanés des enfants constituaient une sorte
d’autobiographie qui communiquait des
messages significatifs au niveau émotionnel et
symbolique. Ce sont ces deux domaines
d’intérêt qui furent à l’origine de la création
d’une discipline distincte, l’art-thérapie dans les
années 30. La fondation de l’art-thérapie au
Canada est l’œuvre de quatre figures
pionnières : Marie Revai, de Montréal, et Martin
Fischer de l’Ontario, Irne Dewdney et Selwyn
Dewdney. » (site de l’AATQ).
En 1975, Ulman réalise une synthèse des
approches psychanalytiques de Naumbrug et
Kramer. Comme Kramer, elle met l’emphase
sur la qualité curative du processus de création.
Elle définit le processus d’intervention artistique
comme une possibilité additionnelle fournie à la
personne pour se réaliser, autant comme
individu que comme être social, pour être en
mesure de faire le point sur elle-même et son
environnement.
De son côté, Wadeson (1980), qui adopte une
approche
humaniste,
existentialiste
et
phénoménologique,
s’est
particulièrement
penché sur l’approche de la psychothérapie par
l’art. Elle voit la psychothérapie comme une
approche éducationnelle pour aider les gens à
mieux vivre et à grandir affectivement. Pour
elle, le processus éducationnel veut supporter
l’individu et non traiter simplement une
maladie. La démarche et le pourquoi de la
démarche sont intimement reliés et nécessaires
aux processus de développement et de guérison
En effet, au Canada, on reconnaît généralement
que l’art-thérapie connaît ses débuts au XXe
siècle au milieu des années 50 avec le couple
Dewdney en Ontario, lui psychiatre et elle artthérapeute, qui ont œuvré dans le milieu
institutionnel psychiatrique. Puis, en 1972,
Martin Fisher de Toronto fonde le Toronto Art
Therapy Institution alors que Marie Revai de
Montréal développait l’art-thérapie au Allen
Memorial Institute. Ces professionnels ont
grandement participé au développement de la
McNiff (1981), dans une perspective inspiré de
Jung conçoit que l’art-thérapie s’inspire des
2
développement de la personne
vers un aller-mieux… » (Klein,
2001 p.126.).
discipline au Canada par leur engagement
personnel et professionnel dans les milieux
institutionnels (Ress, 2002). Aujourd’hui, l’artthérapie est enseigné dans des universités
canadiennes qui offrent des programmes
d’études de deuxième cycle qui mènent à
l’accréditation
professionnelle
de
cette
discipline. De façon à faire progresser la
profession, l’Association Canadienne d’Art
Thérapie a été fondée en 1977 tandis que
l’Association des Art Thérapeutes du Québec
(Quebec Art Therapy Association) a été fondée
en 1983.
Directrice pédagogue de l’Institut national
d’expression,
de
création,
d’art
et
transformation, Edith Viarmé, précise un
principe directeur de l’art-thérapie
« … ceux qui souhaitent
entreprendre
un
travail
personnel, de s’aider non pas du
langage verbal, mais d’un
langage issu du FAIRE, de la
création, leur création (celle des
participants)… Nous les aidons
à exprimer autre chose et à le
redonner sous forme tactile,
visuelle, plastique… L’artthérapie offre en fait au patient
l’occasion de faire émerger ce
qui est à l’intérieur de lui, qu’il
ne connaît pas forcément et
qu’il ne reconnaîtra pas
forcément dans son travail…
car il entre en contact avec ses
émotions les plus enfouies, des
sentiments le plus souvent
refoulés »
http://
www.psychologies.com/cfml/
articleWeb/c_articleWeb.cfm?
id=1668,
QUELQUES DÉFINITIONS
Afin de bien faire la nuance entre art-thérapie et
l’utilisation de l’art en contexte d’intervention,
il nous paraît important de définir l’art-thérapie
en recourant à divers auteurs. Gardons en
mémoire que l’art-thérapie est un concept récent
associé à divers courants théoriques en
psychologie. L’art-thérapie étant encore une
jeune discipline, elle est encore soumise à des
tensions sémantiques par rapport à sa définition
et son application. Cependant, découvrir quelle
est véritablement la définition de l’art-thérapie
n’est pas notre propos; c’est pourquoi les
éléments descriptifs ou les définitions de l’art
thérapie seront présentés sous forme abrégée
pour donner au lecteur l’idée générale de l’artthérapie et permettre une compréhension
globale de ce moyen d’intervention.
Jean-Pierre Klein, fondateur de la Fondation Art
et Thérapie en France souligne que :
L’association canadienne d’art-thérapie propose
comme définition de la discipline
« La thérapie ajoute à l'art le
projet de transformation de soimême. L'art ajoute à la thérapie
l'ambition de figurer de façon
énigmatique les grands thèmes
de la condition humaine. La
création - acte et résultat - peut
permettre la transformation
profonde du sujet créateur.
L'art-thérapie consiste en un
accompagnement
de
ces
créations dans un parcours
symbolique au service du
L’art-thérapie
combine
processus
créatif
et
psychothérapie et facilite ainsi
l’exploration
de
soi.
L’expression est suscitée grâce
à l’utilisation de l’imagerie, de
la couleur et des formes et ce
processus créatif thérapeutique
permet
l’expression
de
différentes pensées, émotions et
sentiments qui pourraient être
plus difficile à exprimer
autrement. (Traduction libre,
3
le
ou
la
thérapeute.» (www.aatq.org/fr/
arttherapy.php 2007)
http://www.catainfo.ca/faq.php
10 juin 2008).
L’association
américaine
d’art-thérapie
(American Art Therapy Association) précise sur
son site que :
Différentes approches conceptuelles d’un
phénomène encore récent qui laissent croire
qu’il peut pénétrer l’exercice du travail social.
Mais malgré l’intérêt grandissant pour les
thérapies alternatives comme les thérapies par
les arts, une certaine hésitation persiste à
reconnaître ses bénéfices. Certains vont même
jusqu’à dire que l’association art et thérapie
constitue un paradoxe. « La pratique artistique
n’est pas thérapeutique et ce n’est que par un
amalgame que la visée d’expression commune à
ces deux pratiques fait penser que l’art fait du
bien… La visée diffère clairement du travail
artistique en milieu thérapeutique où l’artistique
doit créer et aider à créer… ce qui est
thérapeutique, c’est la globalité de la prise en
charge » (Bibrowski, 2002, p.150).
L’art-thérapie est une profession
bien établie dans le domaine de
la santé mentale qui utilise le
processus
créatif
afin
d’améliorer et d’augmenter le
bien-être
psychologique,
physique et émotionnel des
individus de tous âges. Cette
discipline, qui intègre le
processus créatif ainsi que
l’expression artistique, aide à
résoudre différents conflits et
problèmes,
permet
le
développement des qualités
interpersonnelles, réduit le
niveau de stress, permet
l’augmentation de l’estime de
soi et de la confiance en soi et
finalement, augmente le niveau
de conscience de l’individu
ainsi que sa capacité d’insight.
(Traduction
libre,
http://
www.arttherapy.org/about.html,
janvier 2008).
Toutefois même si l’art utilisé dans des
situations de relation d’aide ne peut révéler tous
les enjeux et les problèmes d’une personne, il
n’en reste pas moins qu’une voie de plus lui est
fourni pour travailler sa situation. Si
l’intervention réussit à aider des gens pour qui
la thérapie conventionnelle ne fonctionne pas,
elle aura ainsi trouvé sa raison d’être. Au-delà
des outils thérapeutiques conventionnels, l’artthérapie introduit une dimension créative
significative dans la relation d’aide.
L’association des art-thérapeutes du Québec,
précise elle aussi sur son site que :
CRÉATIVITÉ, PRODUCTION
RELATION D’AIDE
« L’art-thérapie
est
une
discipline
des
sciences
humaines qui étend le champ de
la
psychothérapie
en
y
englobant l’expression et la
réflexion tant picturale que
verbale. Bien qu’en art-thérapie
la personne puisse aborder le
même type de problèmes que
dans une thérapie verbale
conventionnelle, elle s’engage
toutefois dans le processus
thérapeutique en créant une
œuvre avec le matériel d’arts
plastiques tout en discutant avec
ARTISTIQUE
ET
Comprendre le processus créatif aide à mieux
saisir l’impact que peuvent avoir les arts dans la
pratique et fournit un canevas de plus sur lequel
bâtir nos interventions. La littérature sur la
créativité est vaste. Nous n’explorons ici que
quelques auteurs plus pertinents pour son
utilisation en relation d’aide.
Les nombreux auteurs reconnaissent la plupart
du temps qu’il y a un élément de spontanéité,
une étincelle, un éclair de génie d’où l’idée
créative émerge. Cependant, de l’idée abstraite à
la conception concrète d’un produit, quel qu’il
soit, le facteur temps joue un rôle prépondérant
4
fournissant ainsi des pistes d‘identification
de la souffrance ou des pistes d’identification
de solutions aux problèmes. L’idée est
reprise par Dixon (2000) pour qui l’art est
beaucoup moins menaçant que la parole.
(Sternberg, 1988) L’élément déclencheur de
l’idée créative serait provoqué par un besoin à
combler, un manque à gagner, un problème à
solutionner, un défi à relever. La créativité ne
s’exerce pas instantanément. La première phase
du travail créatif est issue de la perception d’une
carence, d’un problème ou d’un défi qui amorce
une
recherche
de
solution.
Puis,
inconsciemment, le créateur poursuit sa
réflexion ce qui constitue la période
d’incubation, jusqu’à ce que l’illumination ou
l’idée à mettre à l’essai surviennent. Puis la
mise en oeuvre complète le processus. Wallas
(1926) a identifié le processus en quatre étapes :
les phases de préparation, d’incubation,
d’illumination et finalement, de vérification.
2. La spontanéité. La production artistique
utilisant la création spontanée réduit le
recours à des mécanismes de défense et
donne ainsi un meilleur accès à des
dimensions insoupçonnées de la souffrance
ou des ressources des personnes aidées.
3. Le produit créé. La réalisation d’un produit
tangible, ou ce que l’auteur nomme
l’objectification, est un atout majeur dans la
relation d’intervention. Le fait d’obtenir un
produit tangible permet de s’y référer par la
suite et de retracer le cheminement
thérapeutique créatif qui intéresse l’aidant.
De plus, le produit créé est lui-même parti du
processus de changement amorcé par l’aidé.
« Quand les gens s’ouvrent aux suggestions
de l’art, ils changent en même temps qu’ils
voient l’image changer. » (McNiff, 1992
dans Hamel 2000).
Ces quatre phases du processus créatif se
rencontrent autant dans la création artistique,
dans la découverte scientifique que dans la
résolution de problèmes personnels.
En
processus créatif, l’individu tente de solutionner
son problème en essayant de trouver de
nouvelles pistes de solutions, de nouvelles
façons de comprendre la situation ou l’impasse
dans laquelle il se retrouve, ou en changeant la
perception qu’il a de son environnement,
d’autrui et de lui-même.
4. La permanence. Puisque l’on peut revenir
au produit et s’y référer en tout temps, les
pertes de mémoire et la distorsion dans les
messages sont beaucoup moins présents que
dans les situations où l’on communique
verbalement.
L’œuvre réalisée devient
permanente. Une série de produits réalisés
par le même créateur permet aussi de
dégager des constantes et des patrons qui
aideront à l’analyse et au déroulement des
interventions de relation d’aide.
La créativité étant un ingrédient incontournable
dans la production artistique, le lien entre art et
relation d’aide se pose facilement en hypothèse
plausible. La littérature fournit des exemples
étonnants et concrets d’utilisation de l’art auprès
de clientèles diverses qui ont comme
dénominateur commun la recherche d’un bienêtre physique et/ou mental. Mais, pourquoi
utiliser la créativité en intervention ? Quels en
sont les bénéfices ? Wadeson (1980) identifie
six grands bénéfices à l’utilisation de l’art en
intervention psychothérapeutique que nous
synthétisons ici en lien avec quelques autres
auteurs.
5. L’espace. Ici l’auteur est moins convaincant
quand il dit que l’art induit la proximité
spatiale. Par exemple il suggère que dans
une peinture l’on peut d’un seul coup d’œil
identifier le message et en même temps « …
y déceler la proximité et l’éloignement, les
liens et les divisions, les similitudes et les
différences, les émotions, les particularités,
le contexte de la vie familiale, et ce, à
l’infini » (Wadeson, 1980, p.11 – Traduction
libre).
1. L’image. L’expression verbale n’étant pas
facile pour tous, l’art procure l’image
comme outil additionnel d’expression. La
réflexion qui s’amorce au terme de l’exercice
de production picturale peut favoriser et
stimuler la production d’autres images
5
inhibitions, ses peurs, ses angoisses et ainsi
puiser en lui-même les ressources nécessaires
pour créer et s’exprimer. Cette implication
totale de lui-même dans le processus de
créativité constitue la pierre angulaire de la
théorie du Flow.
6. L’énergie créative et physique. La création
artistique même si le phénomène n’est pas
expliqué, semble éveiller les gens et leur
donner un regain d’énergie. Malchiodi
(2007) va dans la même direction en
indiquant que l’expression par les arts est
une activité énergisante qui rend de bonne
humeur, qui ajoute une touche de couleurs
dans notre vie quotidienne et qui permet le
mieux-être et la croissance personnelle tant
sur le plan psychologique que spirituel. Les
intervenants en travail social pourraient
capitaliser sur ce phénomène pour susciter
une participation accrue à leur intervention.
Ils bénéficieront aussi du fait que par la
réalisation de quelque chose de concret, la
personne se sentira partenaire et responsable
de la démarche thérapeutique.
À la lumière des bénéfices énumérés plus haut
et tel que nous le concevons pour les travailleurs
sociaux, l’art en intervention pourrait être utilisé
comme outil et moyen d’engager un échange
entre l’intervenant et l’aidé et par la suite
permettre d’aborder différents thèmes. Les arts
en travail social peuvent être employés à des
fins non pas uniquement d’interprétation de
l’état de la personne, mais plutôt comme
tremplin qui permet à l’aidé de mettre des mots
sur ce qu’il tente d’exprimer par son œuvre en
plus de favoriser l’établissement d’un lien de
confiance entre l’intervenant et l’aidé. Ainsi, la
création devient à la fois un élément
déclencheur de la communication, un prétexte à
l’expression de soi et un moyen qui favoriserait
l’introspection de façon libre et non menaçante.
Tout en se familiarisant avec des médiums
artistiques, la personne se trouve face à ellemême et en position de poursuivre des objectifs
précis et fixés par sa relation avec le travailleur
social. Ce cheminement vers la meilleure
connaissance de soi s’effectue dans un cadre
formel et informel. Formel par la nature de
l’intervention qui est structurée, guidée par des
buts précis et encadrée, et informel en raison du
cadre artistique qui fait appel à un
environnement dynamique, hors du commun et
permissif.
Finalement, en termes de bénéfices associés à
l’art, il est possible de faire le lien avec la
théorie du Flow de Csikszentmihalyi pour
démontrer l’importance de capitaliser sur les
talents et les compétences dans la vie de tous les
jours. Puiser de façon courante dans ses
ressources internes favorise le développement
d’un
sentiment
d’accomplissement,
d’actualisation de soi, de plaisir, de bien-être et
de motivation à vivre. Csikszentmihalyi,
l’architecte de cette notion de fluidité dans la
créativité, définit la créativité comme une
implication complète dans une activité précise
où tous les mouvements, les actions et les
pensées sont en parfaite symbiose. Il compare
cet état d’être et d’esprit à celui que vit
quelqu’un qui joue du jazz puisque,
complètement absorbé et concentré par jeu
musical. Tout comme Heinly (1997) le propose,
le lien entre l’art, la créativité et la théorie du
Flow se fait naturellement puisque la théorie du
Flow stipule que plus la personne est en
contrôle de ses actions, plus elle a le sentiment
de s’accomplir, de développer et d’utiliser ses
compétences, et globalement de ressentir un
plaisir d’être, de vivre et la joie de
l’épanouissement. C’est dans ce contexte que
l’intensité émotionnelle de la création provoque
une concentration, ou encore stimule la
motivation intrinsèque de l’individu. Celui-ci
fait appel à son Moi pour outrepasser ses
DES APPLICATIONS ICI ET AILLEURS
Même si l’utilisation de l’art en intervention
sociale n’est pas encore répandu au Québec, il
existe quelques pratiques qui sont ou bien des
interventions centrées sur l’art comme
dimension première soutenant l’intervention ou
encore des pratiques utilisant l’art parmi
d’autres
moyens
d’intervention.
Nous
présentons quelques –illustrations des usages
variés de l’art.
6
qui sont soit patients actuels ou anciens patients,
permet une forme de dialogue entre le personnel
et les participants tout à fait singulière. Les
œuvres agissent comme trait d’union entre le
personnel et les personnes souffrantes. Tout
comme le site internet le mentionne l’interaction
et la communication entre les deux groupes s’en
trouvent avantagées. Les membres du personnel
soignant et d’autres personnels du CHRG ont
l’opportunité de mieux comprendre la
population psychiatrisée et de les voir
différemment à travers un regard sur leur œuvre.
Programme Vincent et Moi, Centre
hospitalier Robert Giffard à Québec (CHRG)
Le CHRG fait partie de l’Institut universitaire
en santé mentale de Québec et offre un
programme d’accompagnement artistique
nommé Vincent et moi à la population
psychiatrisée du CHRG et aux gens desservis
dans les points de services en santé mentale de
son territoire. Comme indiqué sur son site
(www.rgiffard.qc.ca/vincent_moi/
prog_daccompagnement_artitisque/
acc_individualise.asp), le CHRG souhaite
« encourager l’expression et la création
d’œuvres témoignant de la singularité de chaque
individu.
Vivre avec un problème de santé mentale au
quotidien n’est pas facile dans notre société
nord-américaine étant donné que la maladie
mentale est encore perçue comme un tabou, le
programme tente de créer des ponts entre la
communauté et les participants.
Lors du
vernissage et de l’exposition annuelle, les
participants peuvent rencontrer le public et
échanger avec lui. Sur le plan personnel, les
« artistes » peuvent prendre conscience de leurs
forces et de leurs qualités autant dans leurs
œuvres que dans la façon qu’ils ont choisi de les
réaliser. Mais au-delà de tout cela, ils se rendent
compte qu’ils se dévoilent ouvertement au
monde extérieur, qu’ils font face à leur maladie
et qu’ils sont capables de gérer et de faire
différentes activités malgré leur problème de
santé mentale. La valorisation de soi,
l’augmentation de sa propre estime et la
confiance accrue en ses moyens sont ainsi
enrichies.
Il faut préciser que le programme Vincent et moi
n’a pas la prétention de s’inscrire directement
dans la foulée des fondements et principes de
l’art-thérapie, ni un programme d’interprétation
ou d’évaluation de la condition psychologique
du participant. Vincent et moi se présente
comme un programme qui vise à promouvoir les
forces que l’activité artistique déclenche chez la
personne souffrante et à faire émerger l’artiste
insoupçonné en elle.
Les participants
s’engagent à mener à terme une œuvre qu’ils
pourront exposer dans le CHRG. S’ajoutent un
vernissage et une exposition annuelle des
œuvres créées dans le cadre du programme
d’accompagnement artistique. En bref, Vincent
et moi est un programme d’expression de la
créativité qui souhaite démystifier la santé
mentale par l’activité créatrice et artistique.
Vincent et moi propose aux participants une
démarche dans laquelle ils sont maîtres et
responsables de leurs projets, de leurs décisions.
Le programme incite les participants à faire des
choix et ainsi se donner un pouvoir d’influencer
leur vie.
Le centre Les Impatients à Montréal
Créé à Montréal en 1992 et fondé sur les
principes de l’art-thérapie d’art brut (Jean
Dubuffet 1901-1985) et/ou d’art cru (Henri
Barras 1937-2007), le centre Les Impatients fait
figure de pionnier au Québec. Il se présente
avec une double mission. D’une part, il
veut permettre aux personnes connaissant ou
ayant
connu
des
difficultés
d’ordre
psychiatrique d’avoir accès à la thérapie par
l’art. D’autre part, il veut démystifier la maladie
mentale dans la collectivité principalement par
la diffusion des créations et productions
artistique des gens qui le fréquente. Une
Une autre retombée souhaitée par le programme
est de favoriser l’insertion des patients dans la
communauté. L’endroit dédié à la création et à
l’expression des gens souffrant de problème de
santé mentale dans un hôpital donne une couleur
différente et tout à fait particulière à cette
section du centre hospitalier. L’affichage sur les
murs des œuvres réalisées par les participants,
7
précision s’impose pour comprendre ce que l’on
entend par art cru.. Dans son livre De l’art cuit
à l’art cru aux sources de la création, Barras
définit le concept comme étant : « … en somme,
l’authentique voie par laquelle l’artiste et le
créateur passent pour se découvrir eux-mêmes,
pour entrer en contact avec l’autre et pour
magnifier le monde » (Barras, 2007, p.13-14).
L’idée renvoie à des formes variées
d’expression nées de l’impulsion qui entraîne
une personne à s’exprimer par la production
artistique.
Le LAB en Outaouais
Le Lab, laboratoire d’expérimentation, offre
depuis 2002 aux jeunes adultes en situation de
précarité ou en processus d’exclusion une
intervention basée sur les arts. Organisme sans
but lucratif, le Lab vise à « Prévenir la
toxicomanie chez les jeunes en développant
leurs compétences personnelles (estime/
confiance) par le biais de l’expression par les
arts » (Leblanc, 2004, p.1). Il mise surtout sur
la motivation sociale que sur l’intervention
sociale. Par ses activités qui portent sur les arts
au sens large (photographie, peinture, musique,
théâtre, sculpture, lecture, artisanat, etc.) d’une
façon adaptée aux jeunes, le Lab permet à ces
derniers d’identifier leurs forces, d’accroître
leur motivation à se prendre en main et à se
fixer des buts. Le Lab crée un milieu où les
jeunes peuvent s’accomplir dans un cadre nonmenaçant et sans être jugés par l’autorité ou
leurs pairs.
Les Impatients offre des ateliers d’art-thérapie
avec accompagnement par un art-thérapeute,
des ateliers thématiques supervisés par un artiste
ainsi que des ateliers d’expression musicale
offerts par un musicothérapeute. Le centre Les
Impatients est autant un endroit de création
qu’un endroit de diffusion. Tout d’abord de
création parce que toute personne atteinte de
problèmes de santé mentale peut y être référée
et ainsi avoir accès à un lieu d’expression
artistique. Par ailleurs, l’aspect diffusion fait
allusion à l’espace galerie du centre. Dans cet
espace galerie, les visiteurs sont confrontés à
l’univers intérieur des gens atteints de
problèmes de santé mentale et à une foule
d’informations issues de diverses activités
(expositions, lancements, conférences, tables
rondes, projections de courts métrages…) ce
qui les rend, espère-t-on, plus sensibles aux
caractéristiques particulières des maladies
mentales en les démystifiant. Les Impatients
appel à divers médias et formes, un lieu
d’expression et d’interprétation de : «…l’artthérapeutique
et
de
l’art
brut » (www.lesimpatients.ca, consulté le 15
septembre 2008). Mentionnons que le centre a
aussi une fondation et un centre de recherche
depuis 2005.
La fondation s’assure de
conserver les œuvres afin qu’elles soient
facilement accessibles autant pour les artistes,
les muséologues que les psychiatres.). De son
côté, le centre de recherche poursuit à ce jour
différents programmes et d’études, tant sur
l’impact des Impatients dans la vie des
participants que sur des éléments plus
psychiques, comme les psychoses et
l’expérience humaine (www.lesimpatients.ca,
septembre 2008).
Une des grandes forces du Lab, c’est que l’art
devient un moyen de rassemblement, d’échange
et d’ouverture de soi. Au Lab, l’art sert de
levier à l’interaction et incite les gens à
participer, partager, développer un réseau social
et ainsi briser leur isolement, augmenter leur
confiance en soi et créer petit à petit une relation
de confiance avec l’intervenant. Il offre trois
volets d’intervention : individuel, de groupe et
communautaire. Sous l’angle individuel, la
démarche seule, sans participation aux activités
du groupe, sans réseau et focus sur la réalisation
de son projet artistique à son propre rythme. Des
ateliers offerts à des groupes sont aussi une
forme d’intervention où la production artistique
est souvent associées à des interventions
d’information et de prévention. Finalement dans
une perspective plus collective, le lab veut
initier la création de réseaux chez les jeunes
participants, diffusion et exposition d’art pour
permettre aux jeunes de s’identifier à leur milieu
et démontrer qu’ils peuvent être des citoyens à
part entière au sein de leur communauté.
8
L’utilisation de l’art en intervention dépasse nos
frontières et devient un outil de plus dans le
bagage professionnel d’intervenants sociaux
appelés à jouer un rôle en relation d’aide dans
d’autres contextes culturels. Des organisations
comme Médecins sans frontières utilisent de
plus des approches créatives et novatrices afin
de promouvoir la santé mentale et le bien-être
psychologique et physique des victimes
souffrant du syndrome du stress posttraumatique. Leur programme Au-delà des
pansements
compte
une
équipe
multidisciplinaire regroupant psychologues,
intervenants sociaux, artistes, infirmières,
médecins et gens de la communauté affectée
développant des activités pour amener les
victimes à extérioriser ce qu’elles vivent et
susciter l’enclenchement d’un processus de
résilience. L’art dispose d’un langage universel
dans une certaine mesure, ce qui en fait un outil
précieux pour l’interaction en contexte
multiculturel ou en contexte d’aide humanitaire.
L’art en centre de jour pour personne en
perte d’autonomie, l’exemple du centre de
jour Berthiaume du Tremblay
Situé dans le quartier Ahuntsic à Montréal, le
Centre de jour Berthiaume-du-Tremblay se
définit comme : « un milieu de vie dans lequel
on retrouve des programmes d’activités
thérapeutiques et préventives pour des
personnes demeurant chez elles et dont le degré
d’autonomie physique, psychologique ou
sociale risque de perturber leur maintien à
domicile »
(Fondation
Berthiaume-duTremblay, 2006, p.62).
La clientèle du Centre de jour vise les personnes
âgées ou les personnes en perte d’autonomie bio
-psycho-sociale principalement celles du
quartier Ahuntsic sans toutefois s’y limiter.
Parmi les activités offertes aux personnes
fréquentant le centre de jour, on retrouve on des
groupes d’arts plastiques, des groupes d’art
thérapie, des sessions de croissance personnelles
avec outils artistiques, des interventions
individuelles où l’art est proposé comme moyen
de travailler avec des personnes atteintes de
sénilité ou souffrant de la maladie d’Alzeimer.
La musique, la danse, le dessin provoquent
l’imaginaire et l’acte créatif devient acte
thérapeutique. L’art en intervention devient
ainsi catalyseur pour rassembler autour des
victimes des éléments de beauté et de bonheur
et susciter des moments d’espoir, d’entraide et
de partage. Une intervenante active dans ce
programme qui a œuvré au Kosovo, au Congo et
en Indonésie nous a accordé une entrevue où
elle affirme que l’art veut restaurer et rebâtir la
dignité des personnes qui ont vécu des
événements troublants. Elle s’assure de
connaître la culture de l’autre pour insérer dans
ses programmes des éléments culturels connus,
des rythmes, des images et des rituels
sécurisants et rassurants, constituant ainsi un
point d’ancrage pour les victimes de divers
événements engendrant un syndrome de stress
post-traumatique.
Et bien d’autres …
On ne saurait nommer toutes les initiatives qui
voient peu à peu le jour au Québec ou ailleurs
au Canada combinant chacune à leur façon l’art
et l’intervention sociale. Certaines sont plus
connues comme la chorale de l’accueil Bonneau
de Montréal qui a donné sens à la vie
d’itinérants et de personnes marginalisées ou le
programme ou le programme d’art–thérapie de
l’hôpital pour enfant de l’Est ontarien auprès
d’enfants atteints de leucémie. D’autres sont
insérés dans des centres ou programmes pour
des personnes vivant des difficultés de toutes
sortes. On retrouve des interventions à base de
production artistique comme des ateliers de
peinture en milieu carcéral, des sessions de
musique en soins palliatifs, l’usage du dessin et
de l’art dramatique ou de la musique auprès de
jeunes patients atteints de cancer comme le fait
Leucan, des interventions thérapeutiques avec
les victimes d’abus sexuel comme celle
développée par Pifalo ( 2006) .
9
Une mise au point s’impose. Contrairement à la
croyance populaire, les aidés d’une intervention
utilisant l’art ne doivent pas nécessairement être
surdoués pour participer à un processus de
création. L’utilisation de l’art en contexte
d’intervention n’est pas être seulement
l’apanage des gens qui ont déjà des
prédispositions artistiques. Tous peuvent choisir
de s’exprimer au moyen des arts et c’est là
justement le fondement du recours aux diverses
formes que peuvent prendre les outils artistiques
dans l’intervention sociale. Au contraire, en
connaissant trop le médium utilisé, il se pourrait
qu’il y ait obstruction au laisser-aller et à l’élan
même de la créativité. Cependant, ce qui fait
toute la singularité des thérapies de ce genre,
c’est le cheminement créatif lors du processus
d’intervention. Qu’est-ce qui se passe dans la
tête de celui qui crée ? Comment arrive-t-il à
s’exprimer de cette façon? Que veut-il dire ?
D’où lui viennent ses choix de mouvements, de
couleurs, de formes, etc.?
Le produit créé,
principalement avec les arts visuels et
plastiques, permet donc d’entrevoir et de tenter
de comprendre le cheminement de la personne
en plus d’offrir l’opportunité, tant au thérapeute
qu’à l’aidé, de prendre du recul par rapport à ce
qui ressort de l’exercice et ainsi pouvoir
progresser dans la réflexion sur la situation
générale d’une personne et l’aide à lui apporter.
Pour qu’une thérapie par les arts fonctionne
bien, elle doit être mise en œuvre avec
régularité. Cette régularité permettra de
développer chez l’aidé une certaine aisance avec
le médium en plus d’offrir un cheminement qui
se fait de façon continue et sans trop
d’interruptions dans le processus d’intervention
EN
CONCLUSION
DES
PISTES
POUR
L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL
Malgré les liens qu’on peut établir entre l’artthérapie, la psychothérapie et l’intervention
sociale, il importe que le travailleur social
comprenne d’abord les enjeux des relations
interpersonnelles, développe des attitudes
favorisant l’intervention psychosociale (par
exemple, l’empathie, le respect de l’autre,
l’ouverture et l’écoute attentive/active) et
acquiert une bonne méthode de travail dans son
intervention auprès des individus, des groupes
ou des collectivités. C’est sur ce socle
professionnel qu’il pourra ajouter l’art dans son
coffre à outils.
L’art en intervention sociale peut être utilisé
comme outil et moyen d’engager un échange
entre l’intervenant et l’aidé. Nous considérons
que les arts en travail social pourraient être un
tremplin qui incite l’aidé de mettre des mots sur
sa souffrance, ou encore qui lui donne une
occasion de prise de conscience de sa situation
ou de son potentiel par d’autres moyens que la
parole en plus de favoriser l’établissement d’un
lien de confiance entre l’intervenant et l’aidé.
Ainsi, la création deviendrait à la fois un
élément déclencheur de la communication, un
prétexte à l’expression de soi et un moyen qui
favoriserait l’introspection de façon libre et non
menaçante. Tout en se familiarisant avec des
médiums artistiques, la personne se trouve face
à elle-même et en position de poursuivre les
objectifs qu’elle se donne dans le cadre de sa
relation avec le travailleur social.
Ce
cheminement vers une meilleure connaissance
de soi s’effectue à la fois dans un cadre formel
et informel. Formel par la nature de
l’intervention qui est structurée, guidée par des
buts précis et encadrée, et informel en raison du
cadre artistique qui fait appel à un
environnement dynamique, hors du commun,
accueillant et chaleureux. De plus, nous
considérons que le cadre informel permet une
spontanéité qui, dans un cadre plus
conventionnel, est parfois restreinte par
l’obligation du recours à la parole. Les
conventions et les normes sociales inhibent
souvent l’individu et réduisent l’impact de
l’intervention.
Pour résumer notre pensée sur l’utilisation de
l’art en intervention, nous considérons que l’art
peut être utilisé soit comme outil planifié lors
d’une intervention thérapeutique ou simplement
comme moyen d’expression spontané pour
faciliter la communication entre l’intervenant et
l’aidé. L’art peut être aussi utilisé comme
exutoire, comme moyen d’échange social,
comme activité ludique. L’art peut servir de
prétexte au regroupement de gens qui
manifestent des intérêts divergents mais qui par
l’art, se retrouvent pour partager un intérêt
10
commun. L’art devient ainsi un élément
rassembleur et, dans certains cas, un élément
déclencheur de la communication et de
l’expression. Finalement, au cours d’une
intervention,
l’art
peut
faciliter
la
compréhension interpersonnelle en réduisant les
limitations inhérentes au langage parlé. De
façon surprenante, le médium peut être plus
éloquent que la parole. Dans son rapport à
l’art, le travailleur social doit demeurer
rigoureux et ne pas outrepasser ses capacités en
tentant d’interpréter une œuvre sans avoir les
compétences nécessaires. La jonction efficace
entre l’art et l’intervention de relation d’aide
exige une habilitation dans l’analyse de la
symbolique et l’interprétation d’œuvres créées
lors d’interventions utilisant la production
artistique.
L’art a avantage à être exploré comme moyen
d’intervention en travail social. Un déblayage
est déjà fait si l’on considère tout ce qui est
offert comme pistes d’intervention auprès des
individus ou des groupes avec des problèmes
psychosociaux. Notre réflexion s’est située dans
le contexte de l’intervention psychosociale ce
qui ne signifie pas que c’est la seule forme
d’intervention qui puisse profiter du lien entre
l’art et l’intervention; il reste cependant encore
beaucoup à faire pour explorer son utilisation
dans l’intervention auprès de larges groupes, de
collectivités
dans
la
perspective
du
développement
ou
de
l’organisation
communautaire.
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