Cahier Art thérapie
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Cahier Art thérapie
S’ouvrir à l’art comme moyen d’intervention en travail social. Par Marie-Joël Lalonde sous la direction de Lucie Fréchette Note sur les auteures Marie-Joël Lalonde termine une maîtrise en travail social à l’UQO. Lucie Fréchette, docteure en psychologie, est professeure au Département de travail social et des sciences sociales de l’Université du Québec en Outaouais. Elle est coordonnatrice du Centre d’étude et de recherche en intervention sociale (CÉRIS) et dirige l’Alliance de recherche université-communauté/ Innovation sociale et développement des communautés (ARUC-ISDC). Série : Recherches, numéro 45 ISBN : 978-2-89251-364-6 Mai 2009 1 TABLE DES MATIÈRES L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL…………………………………………..……. 1 L’ART ET LA RELATION D’AIDE: REPÈRES HISTORIQUES CONTEMPORAINS………………. 1 QUELQUES DÉFINITIONS…………………………………………………………………………... 3 CRÉATIVITÉ, PRODUCTION ARTISTIQUE ET RELATION D’AIDE……………………………… 4 1) L’image……………………………………………………………………. 5 2) La spontanéité…………………………………………………………….. 5 3) Le produit créé……………………………………………………………. 5 4) La permanence……………………………………………………………. 5 5) L’espace………………………..………………………………………….. 5 6) L’énergie créative et physique…………………………………………… 6 DES APPLICATIONS ICI ET AILLEURS……………………………………………………………. 6 Programme Vincent et Moi, Centre hospitalier Robert Giffard à Québec (CHRG) ……………………………………………………………………………... 7 Le centre Les Impatients à Montréal…………………………………………… 7 Le LAB en Outaouais ……………………………………………………………... 8 L’art en centre de jour pour personne en perte d’autonomie, l’exemple du centre de jour Berthiaume du Tremblay…………………………………… 9 Et bien d’autres... ………………………………………………………………….. 9 EN CONCLUSION, DES PISTES POUR L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL……... 10 Bibliographie………………………………………………………………………………. 11 i dans le but de soulager, de transformer et de guérir. Elle rappelle la croyance voulant que l’art puisse être magique, qu’il produise des changements ou transforme les gens et les circonstances font en sorte que l’art est aussi considéré comme pouvant être thérapeutique. Ainsi, les shamans, précurseurs des psychiatres et psychologues, ont utilisé des images et des symboles pour exorciser le mal et guérir le corps, l’âme et l’esprit. Le rôle des shamans est intimement lié à l’art-thérapie. Ils avaient recours à l’art comme moyen principal pour accélérer la guérison et la convalescence et ce, exprimé sous de multiples formes, sur les vêtements, dans les rituels au cœur des cérémonies de spiritisme, etc. L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL Chez les humains, le besoin de « faire de l’art » est aussi naturel que le langage ou l’interaction sociale. Tout au long de l’histoire de l’humanité, tant les peuples primitifs que plusieurs autres sociétés ont eu recours à l’art pour créer de la magie, pour se protéger, pour prévenir les maladies et pour enclencher la guérison. L’art a accompagné l’expression des tensions des individus et des sociétés au cours des siècles tout comme il participait de leur résolution. Notre texte veut réfléchir sur l’utilisation de l’art dans le contexte contemporain de l’exercice du travail social lui aussi centré sur les tensions des individus et des sociétés dans le monde d’aujourd’hui. À notre époque, l’art dans le domaine de l’intervention a pris du galon jusqu’à en tirer une méthode d’intervention que l’on nomme art -thérapie. Quelques repères historiques retracent cette évolution. Les intervenants sociaux doivent constamment s’ajuster, se remettre en question, voir les choses différemment et surtout trouver de nouvelles solutions à de nouveaux problèmes chez les individus, les familles et les sociétés. Les solutions traditionnelles ne sont plus aussi pertinentes et applicables qu’autrefois. Nouveaux besoins et nouvelles réalités exigent un renouvellement constant de l’intervention sociale. C’est dans cette optique que notre réflexion pose la question de l’utilisation de l’art en intervention sociale. Ce texte est inspiré d’un stage en intervention explorant l’art et d’un essai ensuite produit dans le cadre de la maîtrise en travail social de l’UQO sous la direction de Lucie Fréchette. Dans le domaine de l’intervention en santé mentale, l’art est utilisé à des fins d’interprétation depuis déjà près de 200 ans (Ress, 2002). MacGregor (1989), dans son volume The Discovery of the Art of the Insane, ira même jusqu’à dépeindre la relation entre art et thérapie, art et psychologie en remontant jusqu’au dix-huitième siècle (Vick, 2003). Mais, c’est aux États-Unis dans les années 40, avec Naumbrug, une pionnière de l’art-thérapie, que l’association entre les termes art et thérapie commence à être utilisée couramment, désignant ainsi une forme de psychothérapie qui plaçait côte à côte l’art et la thérapie comme modalité centrale de l’intervention (Vick, 2003). Coleman et Farris-Dufrene (1996) mentionnent qu’en 1958, la thérapeute et artiste Hanna Yaxa Kwiatkowska a été l’une des premières artthérapeutes à introduire le domaine de l’artthérapie comme sujet d’étude dans un centre de recherche de santé mentale aux États-Unis. De plus, elle a intégré la famille dans ses recherches sur les bienfaits de l’art-thérapie. L’ART ET LA RELATION D’AIDE : REPÈRES HISTORIQUES CONTEMPORAINS Aussi bien dans les sociétés contemporaines que dans les sociétés pré-littéraires, l’art est utilisé symboliquement pour guérir et apporter un bien -être physique et mental. Malchiodi (2007) précise que les mandalas des Tibétains, cercles dans lesquels une peinture de sable est réalisée, constituaient le point central d’une prière pour soulager la souffrance; le peuple Navajo lui combinait d’une façon spécifique pour chaque type de maladie, chants, danses et peintures de sable. Dans ces deux exemples, la peinture sur sable est une représentation symbolique réalisée Toujours aux États-Unis, mais dans les années 70, Edith Kramer a apporté une définition de l’art-thérapie qui diffère de celle présentée par 1 méthodes anciennes de guérison. Selon lui, rien n’égale l’utilisation de l’art pour susciter l’expression de soi et de ses émotions. Le concept est intéressant par sa référence à l’art comme une médecine en soi, capable de contribuer au mieux-être psychique de l’individu par son influence thérapeutique. Naumbrug. Kramer considère plutôt que l’art en soi est thérapeutique et qu’il n’est pas nécessaire de le jumeler à une thérapie verbale pour obtenir un cheminement thérapeutique valable et concluant, comme le suggérait Naumburg. De fait, Kramer croit plutôt au processus créatif comme tel et non à la finalité du processus de création décrit par Coleman et Farris-Dufrene (1996). Selon Kramer, l’artthérapie a comme fonction première de favoriser l’émergence du soi, de développer un sens de l’identité et de favoriser l’évolution de l’être en général. Une des fonctions principales de l’art-thérapie est d’envisager l’art comme un adjuvant au développement de l’organisation psychique de l’individu qui évite le recours aux divers mécanismes de défense lorsque l’individu est sous pression ou aux prises avec une difficulté qui le dépasse. Perçue sous cet angle, l’art-thérapie devient un complément fort intéressant et presque essentiel à la psychothérapie, mais ne peut cependant pas la remplacer. Dans un autre domaine sociosanitaire, on sait qu’Elizabeth Kübler-Ross (1926-2004), psychiatre et psychologue, a été au milieu du XXe siècle l’une des premières à utiliser le dessin spontané dans sa pratique auprès des patients en soins palliatifs et leur famille. Par contre, c’est à l’artiste Adrian Hill que l’on attribue la paternité de l’art-thérapie en GrandeBretagne; il s’est plus particulièrement intéressé à l’utilisation de l’art auprès de personnes gravement malades (Malchiodi, 2007). L’association des arts thérapeutes du Québec expose un résumé de l’origine de l’art thérapie en la reliant au début des années 1900 lorsque les psychiatres s’interrogèrent sur la relation possible entre l’œuvre produite réalisée par le patient et sa maladie. Puis les enseignants en art plastique observèrent « que les dessins libres et spontanés des enfants constituaient une sorte d’autobiographie qui communiquait des messages significatifs au niveau émotionnel et symbolique. Ce sont ces deux domaines d’intérêt qui furent à l’origine de la création d’une discipline distincte, l’art-thérapie dans les années 30. La fondation de l’art-thérapie au Canada est l’œuvre de quatre figures pionnières : Marie Revai, de Montréal, et Martin Fischer de l’Ontario, Irne Dewdney et Selwyn Dewdney. » (site de l’AATQ). En 1975, Ulman réalise une synthèse des approches psychanalytiques de Naumbrug et Kramer. Comme Kramer, elle met l’emphase sur la qualité curative du processus de création. Elle définit le processus d’intervention artistique comme une possibilité additionnelle fournie à la personne pour se réaliser, autant comme individu que comme être social, pour être en mesure de faire le point sur elle-même et son environnement. De son côté, Wadeson (1980), qui adopte une approche humaniste, existentialiste et phénoménologique, s’est particulièrement penché sur l’approche de la psychothérapie par l’art. Elle voit la psychothérapie comme une approche éducationnelle pour aider les gens à mieux vivre et à grandir affectivement. Pour elle, le processus éducationnel veut supporter l’individu et non traiter simplement une maladie. La démarche et le pourquoi de la démarche sont intimement reliés et nécessaires aux processus de développement et de guérison En effet, au Canada, on reconnaît généralement que l’art-thérapie connaît ses débuts au XXe siècle au milieu des années 50 avec le couple Dewdney en Ontario, lui psychiatre et elle artthérapeute, qui ont œuvré dans le milieu institutionnel psychiatrique. Puis, en 1972, Martin Fisher de Toronto fonde le Toronto Art Therapy Institution alors que Marie Revai de Montréal développait l’art-thérapie au Allen Memorial Institute. Ces professionnels ont grandement participé au développement de la McNiff (1981), dans une perspective inspiré de Jung conçoit que l’art-thérapie s’inspire des 2 développement de la personne vers un aller-mieux… » (Klein, 2001 p.126.). discipline au Canada par leur engagement personnel et professionnel dans les milieux institutionnels (Ress, 2002). Aujourd’hui, l’artthérapie est enseigné dans des universités canadiennes qui offrent des programmes d’études de deuxième cycle qui mènent à l’accréditation professionnelle de cette discipline. De façon à faire progresser la profession, l’Association Canadienne d’Art Thérapie a été fondée en 1977 tandis que l’Association des Art Thérapeutes du Québec (Quebec Art Therapy Association) a été fondée en 1983. Directrice pédagogue de l’Institut national d’expression, de création, d’art et transformation, Edith Viarmé, précise un principe directeur de l’art-thérapie « … ceux qui souhaitent entreprendre un travail personnel, de s’aider non pas du langage verbal, mais d’un langage issu du FAIRE, de la création, leur création (celle des participants)… Nous les aidons à exprimer autre chose et à le redonner sous forme tactile, visuelle, plastique… L’artthérapie offre en fait au patient l’occasion de faire émerger ce qui est à l’intérieur de lui, qu’il ne connaît pas forcément et qu’il ne reconnaîtra pas forcément dans son travail… car il entre en contact avec ses émotions les plus enfouies, des sentiments le plus souvent refoulés » http:// www.psychologies.com/cfml/ articleWeb/c_articleWeb.cfm? id=1668, QUELQUES DÉFINITIONS Afin de bien faire la nuance entre art-thérapie et l’utilisation de l’art en contexte d’intervention, il nous paraît important de définir l’art-thérapie en recourant à divers auteurs. Gardons en mémoire que l’art-thérapie est un concept récent associé à divers courants théoriques en psychologie. L’art-thérapie étant encore une jeune discipline, elle est encore soumise à des tensions sémantiques par rapport à sa définition et son application. Cependant, découvrir quelle est véritablement la définition de l’art-thérapie n’est pas notre propos; c’est pourquoi les éléments descriptifs ou les définitions de l’art thérapie seront présentés sous forme abrégée pour donner au lecteur l’idée générale de l’artthérapie et permettre une compréhension globale de ce moyen d’intervention. Jean-Pierre Klein, fondateur de la Fondation Art et Thérapie en France souligne que : L’association canadienne d’art-thérapie propose comme définition de la discipline « La thérapie ajoute à l'art le projet de transformation de soimême. L'art ajoute à la thérapie l'ambition de figurer de façon énigmatique les grands thèmes de la condition humaine. La création - acte et résultat - peut permettre la transformation profonde du sujet créateur. L'art-thérapie consiste en un accompagnement de ces créations dans un parcours symbolique au service du L’art-thérapie combine processus créatif et psychothérapie et facilite ainsi l’exploration de soi. L’expression est suscitée grâce à l’utilisation de l’imagerie, de la couleur et des formes et ce processus créatif thérapeutique permet l’expression de différentes pensées, émotions et sentiments qui pourraient être plus difficile à exprimer autrement. (Traduction libre, 3 le ou la thérapeute.» (www.aatq.org/fr/ arttherapy.php 2007) http://www.catainfo.ca/faq.php 10 juin 2008). L’association américaine d’art-thérapie (American Art Therapy Association) précise sur son site que : Différentes approches conceptuelles d’un phénomène encore récent qui laissent croire qu’il peut pénétrer l’exercice du travail social. Mais malgré l’intérêt grandissant pour les thérapies alternatives comme les thérapies par les arts, une certaine hésitation persiste à reconnaître ses bénéfices. Certains vont même jusqu’à dire que l’association art et thérapie constitue un paradoxe. « La pratique artistique n’est pas thérapeutique et ce n’est que par un amalgame que la visée d’expression commune à ces deux pratiques fait penser que l’art fait du bien… La visée diffère clairement du travail artistique en milieu thérapeutique où l’artistique doit créer et aider à créer… ce qui est thérapeutique, c’est la globalité de la prise en charge » (Bibrowski, 2002, p.150). L’art-thérapie est une profession bien établie dans le domaine de la santé mentale qui utilise le processus créatif afin d’améliorer et d’augmenter le bien-être psychologique, physique et émotionnel des individus de tous âges. Cette discipline, qui intègre le processus créatif ainsi que l’expression artistique, aide à résoudre différents conflits et problèmes, permet le développement des qualités interpersonnelles, réduit le niveau de stress, permet l’augmentation de l’estime de soi et de la confiance en soi et finalement, augmente le niveau de conscience de l’individu ainsi que sa capacité d’insight. (Traduction libre, http:// www.arttherapy.org/about.html, janvier 2008). Toutefois même si l’art utilisé dans des situations de relation d’aide ne peut révéler tous les enjeux et les problèmes d’une personne, il n’en reste pas moins qu’une voie de plus lui est fourni pour travailler sa situation. Si l’intervention réussit à aider des gens pour qui la thérapie conventionnelle ne fonctionne pas, elle aura ainsi trouvé sa raison d’être. Au-delà des outils thérapeutiques conventionnels, l’artthérapie introduit une dimension créative significative dans la relation d’aide. L’association des art-thérapeutes du Québec, précise elle aussi sur son site que : CRÉATIVITÉ, PRODUCTION RELATION D’AIDE « L’art-thérapie est une discipline des sciences humaines qui étend le champ de la psychothérapie en y englobant l’expression et la réflexion tant picturale que verbale. Bien qu’en art-thérapie la personne puisse aborder le même type de problèmes que dans une thérapie verbale conventionnelle, elle s’engage toutefois dans le processus thérapeutique en créant une œuvre avec le matériel d’arts plastiques tout en discutant avec ARTISTIQUE ET Comprendre le processus créatif aide à mieux saisir l’impact que peuvent avoir les arts dans la pratique et fournit un canevas de plus sur lequel bâtir nos interventions. La littérature sur la créativité est vaste. Nous n’explorons ici que quelques auteurs plus pertinents pour son utilisation en relation d’aide. Les nombreux auteurs reconnaissent la plupart du temps qu’il y a un élément de spontanéité, une étincelle, un éclair de génie d’où l’idée créative émerge. Cependant, de l’idée abstraite à la conception concrète d’un produit, quel qu’il soit, le facteur temps joue un rôle prépondérant 4 fournissant ainsi des pistes d‘identification de la souffrance ou des pistes d’identification de solutions aux problèmes. L’idée est reprise par Dixon (2000) pour qui l’art est beaucoup moins menaçant que la parole. (Sternberg, 1988) L’élément déclencheur de l’idée créative serait provoqué par un besoin à combler, un manque à gagner, un problème à solutionner, un défi à relever. La créativité ne s’exerce pas instantanément. La première phase du travail créatif est issue de la perception d’une carence, d’un problème ou d’un défi qui amorce une recherche de solution. Puis, inconsciemment, le créateur poursuit sa réflexion ce qui constitue la période d’incubation, jusqu’à ce que l’illumination ou l’idée à mettre à l’essai surviennent. Puis la mise en oeuvre complète le processus. Wallas (1926) a identifié le processus en quatre étapes : les phases de préparation, d’incubation, d’illumination et finalement, de vérification. 2. La spontanéité. La production artistique utilisant la création spontanée réduit le recours à des mécanismes de défense et donne ainsi un meilleur accès à des dimensions insoupçonnées de la souffrance ou des ressources des personnes aidées. 3. Le produit créé. La réalisation d’un produit tangible, ou ce que l’auteur nomme l’objectification, est un atout majeur dans la relation d’intervention. Le fait d’obtenir un produit tangible permet de s’y référer par la suite et de retracer le cheminement thérapeutique créatif qui intéresse l’aidant. De plus, le produit créé est lui-même parti du processus de changement amorcé par l’aidé. « Quand les gens s’ouvrent aux suggestions de l’art, ils changent en même temps qu’ils voient l’image changer. » (McNiff, 1992 dans Hamel 2000). Ces quatre phases du processus créatif se rencontrent autant dans la création artistique, dans la découverte scientifique que dans la résolution de problèmes personnels. En processus créatif, l’individu tente de solutionner son problème en essayant de trouver de nouvelles pistes de solutions, de nouvelles façons de comprendre la situation ou l’impasse dans laquelle il se retrouve, ou en changeant la perception qu’il a de son environnement, d’autrui et de lui-même. 4. La permanence. Puisque l’on peut revenir au produit et s’y référer en tout temps, les pertes de mémoire et la distorsion dans les messages sont beaucoup moins présents que dans les situations où l’on communique verbalement. L’œuvre réalisée devient permanente. Une série de produits réalisés par le même créateur permet aussi de dégager des constantes et des patrons qui aideront à l’analyse et au déroulement des interventions de relation d’aide. La créativité étant un ingrédient incontournable dans la production artistique, le lien entre art et relation d’aide se pose facilement en hypothèse plausible. La littérature fournit des exemples étonnants et concrets d’utilisation de l’art auprès de clientèles diverses qui ont comme dénominateur commun la recherche d’un bienêtre physique et/ou mental. Mais, pourquoi utiliser la créativité en intervention ? Quels en sont les bénéfices ? Wadeson (1980) identifie six grands bénéfices à l’utilisation de l’art en intervention psychothérapeutique que nous synthétisons ici en lien avec quelques autres auteurs. 5. L’espace. Ici l’auteur est moins convaincant quand il dit que l’art induit la proximité spatiale. Par exemple il suggère que dans une peinture l’on peut d’un seul coup d’œil identifier le message et en même temps « … y déceler la proximité et l’éloignement, les liens et les divisions, les similitudes et les différences, les émotions, les particularités, le contexte de la vie familiale, et ce, à l’infini » (Wadeson, 1980, p.11 – Traduction libre). 1. L’image. L’expression verbale n’étant pas facile pour tous, l’art procure l’image comme outil additionnel d’expression. La réflexion qui s’amorce au terme de l’exercice de production picturale peut favoriser et stimuler la production d’autres images 5 inhibitions, ses peurs, ses angoisses et ainsi puiser en lui-même les ressources nécessaires pour créer et s’exprimer. Cette implication totale de lui-même dans le processus de créativité constitue la pierre angulaire de la théorie du Flow. 6. L’énergie créative et physique. La création artistique même si le phénomène n’est pas expliqué, semble éveiller les gens et leur donner un regain d’énergie. Malchiodi (2007) va dans la même direction en indiquant que l’expression par les arts est une activité énergisante qui rend de bonne humeur, qui ajoute une touche de couleurs dans notre vie quotidienne et qui permet le mieux-être et la croissance personnelle tant sur le plan psychologique que spirituel. Les intervenants en travail social pourraient capitaliser sur ce phénomène pour susciter une participation accrue à leur intervention. Ils bénéficieront aussi du fait que par la réalisation de quelque chose de concret, la personne se sentira partenaire et responsable de la démarche thérapeutique. À la lumière des bénéfices énumérés plus haut et tel que nous le concevons pour les travailleurs sociaux, l’art en intervention pourrait être utilisé comme outil et moyen d’engager un échange entre l’intervenant et l’aidé et par la suite permettre d’aborder différents thèmes. Les arts en travail social peuvent être employés à des fins non pas uniquement d’interprétation de l’état de la personne, mais plutôt comme tremplin qui permet à l’aidé de mettre des mots sur ce qu’il tente d’exprimer par son œuvre en plus de favoriser l’établissement d’un lien de confiance entre l’intervenant et l’aidé. Ainsi, la création devient à la fois un élément déclencheur de la communication, un prétexte à l’expression de soi et un moyen qui favoriserait l’introspection de façon libre et non menaçante. Tout en se familiarisant avec des médiums artistiques, la personne se trouve face à ellemême et en position de poursuivre des objectifs précis et fixés par sa relation avec le travailleur social. Ce cheminement vers la meilleure connaissance de soi s’effectue dans un cadre formel et informel. Formel par la nature de l’intervention qui est structurée, guidée par des buts précis et encadrée, et informel en raison du cadre artistique qui fait appel à un environnement dynamique, hors du commun et permissif. Finalement, en termes de bénéfices associés à l’art, il est possible de faire le lien avec la théorie du Flow de Csikszentmihalyi pour démontrer l’importance de capitaliser sur les talents et les compétences dans la vie de tous les jours. Puiser de façon courante dans ses ressources internes favorise le développement d’un sentiment d’accomplissement, d’actualisation de soi, de plaisir, de bien-être et de motivation à vivre. Csikszentmihalyi, l’architecte de cette notion de fluidité dans la créativité, définit la créativité comme une implication complète dans une activité précise où tous les mouvements, les actions et les pensées sont en parfaite symbiose. Il compare cet état d’être et d’esprit à celui que vit quelqu’un qui joue du jazz puisque, complètement absorbé et concentré par jeu musical. Tout comme Heinly (1997) le propose, le lien entre l’art, la créativité et la théorie du Flow se fait naturellement puisque la théorie du Flow stipule que plus la personne est en contrôle de ses actions, plus elle a le sentiment de s’accomplir, de développer et d’utiliser ses compétences, et globalement de ressentir un plaisir d’être, de vivre et la joie de l’épanouissement. C’est dans ce contexte que l’intensité émotionnelle de la création provoque une concentration, ou encore stimule la motivation intrinsèque de l’individu. Celui-ci fait appel à son Moi pour outrepasser ses DES APPLICATIONS ICI ET AILLEURS Même si l’utilisation de l’art en intervention sociale n’est pas encore répandu au Québec, il existe quelques pratiques qui sont ou bien des interventions centrées sur l’art comme dimension première soutenant l’intervention ou encore des pratiques utilisant l’art parmi d’autres moyens d’intervention. Nous présentons quelques –illustrations des usages variés de l’art. 6 qui sont soit patients actuels ou anciens patients, permet une forme de dialogue entre le personnel et les participants tout à fait singulière. Les œuvres agissent comme trait d’union entre le personnel et les personnes souffrantes. Tout comme le site internet le mentionne l’interaction et la communication entre les deux groupes s’en trouvent avantagées. Les membres du personnel soignant et d’autres personnels du CHRG ont l’opportunité de mieux comprendre la population psychiatrisée et de les voir différemment à travers un regard sur leur œuvre. Programme Vincent et Moi, Centre hospitalier Robert Giffard à Québec (CHRG) Le CHRG fait partie de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec et offre un programme d’accompagnement artistique nommé Vincent et moi à la population psychiatrisée du CHRG et aux gens desservis dans les points de services en santé mentale de son territoire. Comme indiqué sur son site (www.rgiffard.qc.ca/vincent_moi/ prog_daccompagnement_artitisque/ acc_individualise.asp), le CHRG souhaite « encourager l’expression et la création d’œuvres témoignant de la singularité de chaque individu. Vivre avec un problème de santé mentale au quotidien n’est pas facile dans notre société nord-américaine étant donné que la maladie mentale est encore perçue comme un tabou, le programme tente de créer des ponts entre la communauté et les participants. Lors du vernissage et de l’exposition annuelle, les participants peuvent rencontrer le public et échanger avec lui. Sur le plan personnel, les « artistes » peuvent prendre conscience de leurs forces et de leurs qualités autant dans leurs œuvres que dans la façon qu’ils ont choisi de les réaliser. Mais au-delà de tout cela, ils se rendent compte qu’ils se dévoilent ouvertement au monde extérieur, qu’ils font face à leur maladie et qu’ils sont capables de gérer et de faire différentes activités malgré leur problème de santé mentale. La valorisation de soi, l’augmentation de sa propre estime et la confiance accrue en ses moyens sont ainsi enrichies. Il faut préciser que le programme Vincent et moi n’a pas la prétention de s’inscrire directement dans la foulée des fondements et principes de l’art-thérapie, ni un programme d’interprétation ou d’évaluation de la condition psychologique du participant. Vincent et moi se présente comme un programme qui vise à promouvoir les forces que l’activité artistique déclenche chez la personne souffrante et à faire émerger l’artiste insoupçonné en elle. Les participants s’engagent à mener à terme une œuvre qu’ils pourront exposer dans le CHRG. S’ajoutent un vernissage et une exposition annuelle des œuvres créées dans le cadre du programme d’accompagnement artistique. En bref, Vincent et moi est un programme d’expression de la créativité qui souhaite démystifier la santé mentale par l’activité créatrice et artistique. Vincent et moi propose aux participants une démarche dans laquelle ils sont maîtres et responsables de leurs projets, de leurs décisions. Le programme incite les participants à faire des choix et ainsi se donner un pouvoir d’influencer leur vie. Le centre Les Impatients à Montréal Créé à Montréal en 1992 et fondé sur les principes de l’art-thérapie d’art brut (Jean Dubuffet 1901-1985) et/ou d’art cru (Henri Barras 1937-2007), le centre Les Impatients fait figure de pionnier au Québec. Il se présente avec une double mission. D’une part, il veut permettre aux personnes connaissant ou ayant connu des difficultés d’ordre psychiatrique d’avoir accès à la thérapie par l’art. D’autre part, il veut démystifier la maladie mentale dans la collectivité principalement par la diffusion des créations et productions artistique des gens qui le fréquente. Une Une autre retombée souhaitée par le programme est de favoriser l’insertion des patients dans la communauté. L’endroit dédié à la création et à l’expression des gens souffrant de problème de santé mentale dans un hôpital donne une couleur différente et tout à fait particulière à cette section du centre hospitalier. L’affichage sur les murs des œuvres réalisées par les participants, 7 précision s’impose pour comprendre ce que l’on entend par art cru.. Dans son livre De l’art cuit à l’art cru aux sources de la création, Barras définit le concept comme étant : « … en somme, l’authentique voie par laquelle l’artiste et le créateur passent pour se découvrir eux-mêmes, pour entrer en contact avec l’autre et pour magnifier le monde » (Barras, 2007, p.13-14). L’idée renvoie à des formes variées d’expression nées de l’impulsion qui entraîne une personne à s’exprimer par la production artistique. Le LAB en Outaouais Le Lab, laboratoire d’expérimentation, offre depuis 2002 aux jeunes adultes en situation de précarité ou en processus d’exclusion une intervention basée sur les arts. Organisme sans but lucratif, le Lab vise à « Prévenir la toxicomanie chez les jeunes en développant leurs compétences personnelles (estime/ confiance) par le biais de l’expression par les arts » (Leblanc, 2004, p.1). Il mise surtout sur la motivation sociale que sur l’intervention sociale. Par ses activités qui portent sur les arts au sens large (photographie, peinture, musique, théâtre, sculpture, lecture, artisanat, etc.) d’une façon adaptée aux jeunes, le Lab permet à ces derniers d’identifier leurs forces, d’accroître leur motivation à se prendre en main et à se fixer des buts. Le Lab crée un milieu où les jeunes peuvent s’accomplir dans un cadre nonmenaçant et sans être jugés par l’autorité ou leurs pairs. Les Impatients offre des ateliers d’art-thérapie avec accompagnement par un art-thérapeute, des ateliers thématiques supervisés par un artiste ainsi que des ateliers d’expression musicale offerts par un musicothérapeute. Le centre Les Impatients est autant un endroit de création qu’un endroit de diffusion. Tout d’abord de création parce que toute personne atteinte de problèmes de santé mentale peut y être référée et ainsi avoir accès à un lieu d’expression artistique. Par ailleurs, l’aspect diffusion fait allusion à l’espace galerie du centre. Dans cet espace galerie, les visiteurs sont confrontés à l’univers intérieur des gens atteints de problèmes de santé mentale et à une foule d’informations issues de diverses activités (expositions, lancements, conférences, tables rondes, projections de courts métrages…) ce qui les rend, espère-t-on, plus sensibles aux caractéristiques particulières des maladies mentales en les démystifiant. Les Impatients appel à divers médias et formes, un lieu d’expression et d’interprétation de : «…l’artthérapeutique et de l’art brut » (www.lesimpatients.ca, consulté le 15 septembre 2008). Mentionnons que le centre a aussi une fondation et un centre de recherche depuis 2005. La fondation s’assure de conserver les œuvres afin qu’elles soient facilement accessibles autant pour les artistes, les muséologues que les psychiatres.). De son côté, le centre de recherche poursuit à ce jour différents programmes et d’études, tant sur l’impact des Impatients dans la vie des participants que sur des éléments plus psychiques, comme les psychoses et l’expérience humaine (www.lesimpatients.ca, septembre 2008). Une des grandes forces du Lab, c’est que l’art devient un moyen de rassemblement, d’échange et d’ouverture de soi. Au Lab, l’art sert de levier à l’interaction et incite les gens à participer, partager, développer un réseau social et ainsi briser leur isolement, augmenter leur confiance en soi et créer petit à petit une relation de confiance avec l’intervenant. Il offre trois volets d’intervention : individuel, de groupe et communautaire. Sous l’angle individuel, la démarche seule, sans participation aux activités du groupe, sans réseau et focus sur la réalisation de son projet artistique à son propre rythme. Des ateliers offerts à des groupes sont aussi une forme d’intervention où la production artistique est souvent associées à des interventions d’information et de prévention. Finalement dans une perspective plus collective, le lab veut initier la création de réseaux chez les jeunes participants, diffusion et exposition d’art pour permettre aux jeunes de s’identifier à leur milieu et démontrer qu’ils peuvent être des citoyens à part entière au sein de leur communauté. 8 L’utilisation de l’art en intervention dépasse nos frontières et devient un outil de plus dans le bagage professionnel d’intervenants sociaux appelés à jouer un rôle en relation d’aide dans d’autres contextes culturels. Des organisations comme Médecins sans frontières utilisent de plus des approches créatives et novatrices afin de promouvoir la santé mentale et le bien-être psychologique et physique des victimes souffrant du syndrome du stress posttraumatique. Leur programme Au-delà des pansements compte une équipe multidisciplinaire regroupant psychologues, intervenants sociaux, artistes, infirmières, médecins et gens de la communauté affectée développant des activités pour amener les victimes à extérioriser ce qu’elles vivent et susciter l’enclenchement d’un processus de résilience. L’art dispose d’un langage universel dans une certaine mesure, ce qui en fait un outil précieux pour l’interaction en contexte multiculturel ou en contexte d’aide humanitaire. L’art en centre de jour pour personne en perte d’autonomie, l’exemple du centre de jour Berthiaume du Tremblay Situé dans le quartier Ahuntsic à Montréal, le Centre de jour Berthiaume-du-Tremblay se définit comme : « un milieu de vie dans lequel on retrouve des programmes d’activités thérapeutiques et préventives pour des personnes demeurant chez elles et dont le degré d’autonomie physique, psychologique ou sociale risque de perturber leur maintien à domicile » (Fondation Berthiaume-duTremblay, 2006, p.62). La clientèle du Centre de jour vise les personnes âgées ou les personnes en perte d’autonomie bio -psycho-sociale principalement celles du quartier Ahuntsic sans toutefois s’y limiter. Parmi les activités offertes aux personnes fréquentant le centre de jour, on retrouve on des groupes d’arts plastiques, des groupes d’art thérapie, des sessions de croissance personnelles avec outils artistiques, des interventions individuelles où l’art est proposé comme moyen de travailler avec des personnes atteintes de sénilité ou souffrant de la maladie d’Alzeimer. La musique, la danse, le dessin provoquent l’imaginaire et l’acte créatif devient acte thérapeutique. L’art en intervention devient ainsi catalyseur pour rassembler autour des victimes des éléments de beauté et de bonheur et susciter des moments d’espoir, d’entraide et de partage. Une intervenante active dans ce programme qui a œuvré au Kosovo, au Congo et en Indonésie nous a accordé une entrevue où elle affirme que l’art veut restaurer et rebâtir la dignité des personnes qui ont vécu des événements troublants. Elle s’assure de connaître la culture de l’autre pour insérer dans ses programmes des éléments culturels connus, des rythmes, des images et des rituels sécurisants et rassurants, constituant ainsi un point d’ancrage pour les victimes de divers événements engendrant un syndrome de stress post-traumatique. Et bien d’autres … On ne saurait nommer toutes les initiatives qui voient peu à peu le jour au Québec ou ailleurs au Canada combinant chacune à leur façon l’art et l’intervention sociale. Certaines sont plus connues comme la chorale de l’accueil Bonneau de Montréal qui a donné sens à la vie d’itinérants et de personnes marginalisées ou le programme ou le programme d’art–thérapie de l’hôpital pour enfant de l’Est ontarien auprès d’enfants atteints de leucémie. D’autres sont insérés dans des centres ou programmes pour des personnes vivant des difficultés de toutes sortes. On retrouve des interventions à base de production artistique comme des ateliers de peinture en milieu carcéral, des sessions de musique en soins palliatifs, l’usage du dessin et de l’art dramatique ou de la musique auprès de jeunes patients atteints de cancer comme le fait Leucan, des interventions thérapeutiques avec les victimes d’abus sexuel comme celle développée par Pifalo ( 2006) . 9 Une mise au point s’impose. Contrairement à la croyance populaire, les aidés d’une intervention utilisant l’art ne doivent pas nécessairement être surdoués pour participer à un processus de création. L’utilisation de l’art en contexte d’intervention n’est pas être seulement l’apanage des gens qui ont déjà des prédispositions artistiques. Tous peuvent choisir de s’exprimer au moyen des arts et c’est là justement le fondement du recours aux diverses formes que peuvent prendre les outils artistiques dans l’intervention sociale. Au contraire, en connaissant trop le médium utilisé, il se pourrait qu’il y ait obstruction au laisser-aller et à l’élan même de la créativité. Cependant, ce qui fait toute la singularité des thérapies de ce genre, c’est le cheminement créatif lors du processus d’intervention. Qu’est-ce qui se passe dans la tête de celui qui crée ? Comment arrive-t-il à s’exprimer de cette façon? Que veut-il dire ? D’où lui viennent ses choix de mouvements, de couleurs, de formes, etc.? Le produit créé, principalement avec les arts visuels et plastiques, permet donc d’entrevoir et de tenter de comprendre le cheminement de la personne en plus d’offrir l’opportunité, tant au thérapeute qu’à l’aidé, de prendre du recul par rapport à ce qui ressort de l’exercice et ainsi pouvoir progresser dans la réflexion sur la situation générale d’une personne et l’aide à lui apporter. Pour qu’une thérapie par les arts fonctionne bien, elle doit être mise en œuvre avec régularité. Cette régularité permettra de développer chez l’aidé une certaine aisance avec le médium en plus d’offrir un cheminement qui se fait de façon continue et sans trop d’interruptions dans le processus d’intervention EN CONCLUSION DES PISTES POUR L’UTILISATION DE L’ART EN TRAVAIL SOCIAL Malgré les liens qu’on peut établir entre l’artthérapie, la psychothérapie et l’intervention sociale, il importe que le travailleur social comprenne d’abord les enjeux des relations interpersonnelles, développe des attitudes favorisant l’intervention psychosociale (par exemple, l’empathie, le respect de l’autre, l’ouverture et l’écoute attentive/active) et acquiert une bonne méthode de travail dans son intervention auprès des individus, des groupes ou des collectivités. C’est sur ce socle professionnel qu’il pourra ajouter l’art dans son coffre à outils. L’art en intervention sociale peut être utilisé comme outil et moyen d’engager un échange entre l’intervenant et l’aidé. Nous considérons que les arts en travail social pourraient être un tremplin qui incite l’aidé de mettre des mots sur sa souffrance, ou encore qui lui donne une occasion de prise de conscience de sa situation ou de son potentiel par d’autres moyens que la parole en plus de favoriser l’établissement d’un lien de confiance entre l’intervenant et l’aidé. Ainsi, la création deviendrait à la fois un élément déclencheur de la communication, un prétexte à l’expression de soi et un moyen qui favoriserait l’introspection de façon libre et non menaçante. Tout en se familiarisant avec des médiums artistiques, la personne se trouve face à elle-même et en position de poursuivre les objectifs qu’elle se donne dans le cadre de sa relation avec le travailleur social. Ce cheminement vers une meilleure connaissance de soi s’effectue à la fois dans un cadre formel et informel. Formel par la nature de l’intervention qui est structurée, guidée par des buts précis et encadrée, et informel en raison du cadre artistique qui fait appel à un environnement dynamique, hors du commun, accueillant et chaleureux. De plus, nous considérons que le cadre informel permet une spontanéité qui, dans un cadre plus conventionnel, est parfois restreinte par l’obligation du recours à la parole. Les conventions et les normes sociales inhibent souvent l’individu et réduisent l’impact de l’intervention. Pour résumer notre pensée sur l’utilisation de l’art en intervention, nous considérons que l’art peut être utilisé soit comme outil planifié lors d’une intervention thérapeutique ou simplement comme moyen d’expression spontané pour faciliter la communication entre l’intervenant et l’aidé. L’art peut être aussi utilisé comme exutoire, comme moyen d’échange social, comme activité ludique. L’art peut servir de prétexte au regroupement de gens qui manifestent des intérêts divergents mais qui par l’art, se retrouvent pour partager un intérêt 10 commun. L’art devient ainsi un élément rassembleur et, dans certains cas, un élément déclencheur de la communication et de l’expression. Finalement, au cours d’une intervention, l’art peut faciliter la compréhension interpersonnelle en réduisant les limitations inhérentes au langage parlé. De façon surprenante, le médium peut être plus éloquent que la parole. Dans son rapport à l’art, le travailleur social doit demeurer rigoureux et ne pas outrepasser ses capacités en tentant d’interpréter une œuvre sans avoir les compétences nécessaires. La jonction efficace entre l’art et l’intervention de relation d’aide exige une habilitation dans l’analyse de la symbolique et l’interprétation d’œuvres créées lors d’interventions utilisant la production artistique. L’art a avantage à être exploré comme moyen d’intervention en travail social. Un déblayage est déjà fait si l’on considère tout ce qui est offert comme pistes d’intervention auprès des individus ou des groupes avec des problèmes psychosociaux. Notre réflexion s’est située dans le contexte de l’intervention psychosociale ce qui ne signifie pas que c’est la seule forme d’intervention qui puisse profiter du lien entre l’art et l’intervention; il reste cependant encore beaucoup à faire pour explorer son utilisation dans l’intervention auprès de larges groupes, de collectivités dans la perspective du développement ou de l’organisation communautaire. 11 Klein, J.-P. (2001). L’art-thérapie, Collection Qui suis-je ?. Références Bibrowski, Y. (2002). « De quelques préjugés concernant l’art-thérapie », Pensée plurielle, parole Pratique et réflexions du social, vol. 1, no 4, p. 51-57. Paris, MacGregor, J.M. (1989). The Discovery of the Art of the Insane, Princeton, Princeton University Press. Malchiodi, C.A. (dir.) (2003). 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