Les gratuits : presse au rabais, concurrence déloyale et mauvais

Transcription

Les gratuits : presse au rabais, concurrence déloyale et mauvais
Mémoire de fin d’études présenté par Sophie ALLARD
Directeur : M. Olivier Baisnée
Les gratuits : presse au
rabais, concurrence
déloyale et mauvais
journalistes ?
Etude empirique de 20 Minutes Toulouse
Année universitaire 2009-2010
Cinquième année
du diplôme de l’IEP
2 ter, rue des Puits Creusés
31000 Toulouse
R EMERCIEMENTS
Je remercie en premier lieu mon directeur de mémoire, Olivier Baisnée, pour l’aide
qu’il m’a apportée dans la définition de mon sujet, mais aussi pour les cours de sociologie du
journalisme qu’il a dispensés à l’IEP qui ont été l’occasion pour moi d’approfondir la vision
sociologique de ce microcosme social.
Je tiens également à remercier la rédaction toulousaine du 20 Minutes, Hélène Ménal
et Béatrice Colin qui sont à l’origine de mon intérêt pour le milieu journalistique. A la fois
leur professionnalisme lors de mon stage, ainsi que leurs réponses à mes entretiens et
questions m’ont permis de mener à bien mon projet d’étude.
Enfin, je souhaite remercier toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont pu
participer à ce mémoire.
AVERTISSEMENT
L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les
mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteure.
SOMMAIRE
Remerciements ..................................................................................................................
Avertissement ....................................................................................................................
Sommaire………………………………………………………………………………….
Chapitre introductif ........................................................................................................ 1
I
Présentation et justification du thème de recherche .................................... 2
II
Présentation de 20 Minutes ......................................................................... 7
III
Problématique............................................................................................ 12
Chapitre 1....................................................................................................................... 15
Le secteur journalistique français ............................................................................... 15
I
Socio-histoire du journalisme français ...................................................... 16
II
La crise de la presse et la problématique des gratuits en France ............... 22
Chapitre 2....................................................................................................................... 34
Les effets structurels du système économique de la presse gratuite ......................... 34
I)
Le modèle économique ............................................................................. 35
II)
Des contraintes en termes de contenu et d’organisation ........................... 41
III)
Modes de légitimation et position des journalistes ................................... 50
Chapitre 3....................................................................................................................... 54
Travail journalistique et réception du produit : étude empirique de 20 Minutes Toulouse
......................................................................................................................................... 54
I)
Recherche et choix de l’information à traiter ............................................ 55
II)
Le traitement des sujets ............................................................................. 61
III)
Lectorat et réception : enquête .................................................................. 64
Conclusion ...................................................................................................................... 79
Annexes ............................................................................................................................ I
Bibliographie............................................................................................................XXIX
Mots clefs ...............................................................................................................XXXIII
Table des matières………………………………………………………….……XXXIV
CHAPITRE INTRODUCTIF
Dans ce premier chapitre, il s’agira en premier lieu de présenter le thème de recherche
choisi, la presse gratuite en général et 20 Minutes Toulouse en particulier, tout en justifiant ce
choix. Ensuite, préalablement à toute analyse, nous décrirons la démarche sociologique mise
en œuvre afin d’obtenir les résultats présentés dans cette étude. Après une présentation de
l’entreprise 20 Minutes, nous détaillerons la problématique, les hypothèses de travail ainsi le
plan de ce mémoire.
1
I
P RESENTATION ET JUSTIFICATION DU THEME DE
RECHERCHE
L’ OBJET DE LA RECHERCHE :
A)
20
M INUTES
T OULOUSE
Ce mémoire traite de la presse gratuite au travers de l’étude de l’un des quotidiens
gratuits d’information générale à déclination locale les plus anciens de la ville de Toulouse,
20 Minutes.
Plusieurs axes et questionnements ont guidé ce travail de réflexion :
-
La presse gratuite a-t-elle une part de responsabilité dans la crise de la presse
payante ?
-
Le mode de financement de 20 Minutes influence-t-il le contenu rédactionnel et
l’organisation du travail des journalistes ?
-
Quelle est la place de la publicité dans les pages de ce quotidien gratuit ?
-
Le travail des journalistes du quotidien 20 Minutes est-il comparable à celui des
autres journalistes de titres payants ?
-
Comment et par qui ce journal est-il lu ?
Il s’agira en effet d’analyser les manières de faire dans cette rédaction. Comment est
construit un article ? Comment se fait la recherche d’informations ? Y’a-t-il un type de
traitement des sujets spécifique à la presse gratuite ? Le financement par la publicité a-t-il des
conséquences sur le choix et le traitement des sujets ?
20 Minutes est entièrement financé par la vente d’espaces publicitaires, ce qui induit
un prix nul pour l’acquisition de ce bien par le lecteur. Quels est donc le modèle économique
qui sous tend et rend possible une telle situation ? Ce modèle économique met-il en danger les
autres titres de presse payante ?
D’autre part, je souhaite également aborder le rapport aux sources de l’information. Il
s’agit ici de se poser la question des moyens mobilisés afin d’obtenir une information. Quelle
technique est employée par cette rédaction de presse gratuite à Toulouse, se distingue-t-elle
2
des techniques utilisées dans la presse payante ? Les réseaux sociaux, les sources
institutionnelles ou institutionnalisées, les dépêches d’agence, les articles d’autres journaux,
les « bruits de couloirs », l’investigation, sont autant de manières d’avoir accès à des
informations qui font le journal. Lesquelles sont les plus mobilisées par ces journalistes ?
Enfin, je souhaite également aborder la question du lectorat. Dans quelle mesure peutil être influencé par cette gratuité ? Qu’est-ce qui pousse le lecteur à lire un gratuit, 20
Minutes en particulier ? Les lecteurs de la presse gratuite lisent-t-ils aussi des titres payants,
utilisent-ils d’autres sources d’information ? Que lisent-ils exactement au sein des ces
journaux ?
Cependant, pour réfléchir à toutes ces questions, il est impératif de situer d’abord les
journalistes et le titre pour lequel ils travaillent dans le champ journalistique et dans les
champs connexes, c'est-à-dire les champs économique et politique. Ainsi, nous nous
attacherons à observer le type de hiérarchisation interne aux rédactions, les rapports
entretenus avec les collègues d’autres titres payants, les possibilités de carrière et la mobilité
des journalistes issus de la presse gratuite. Nous verrons aussi quels moyens met en œuvre
cette rédaction de presse gratuite afin de légitimer à la fois son travail aux yeux de ses pairs et
de leurs titres respectifs.
B) P OURQUOI ?
Le choix de mon sujet de mémoire s’est porté directement le domaine journalistique
car je porte à ce milieu un intérêt particulier, tant du point de vue sociologique que
professionnel.
La presse gratuite est largement dénigrée par le lectorat de titres payants,
particulièrement par les milieux intellectuels et journalistiques classiques. Elle a les
caractéristiques de la « basse culture » pour reprendre les termes des Cultural Studies : son
public est important, elle n’est pas vecteur de profits de distinction, la fraction dominante de
la société n’est pas la seule lectrice et le marché est donc large pour un produit qui n’a pas de
coût de production très élevé et qui ne demande pas une lecture ou une interprétation
esthétique. Dans les amphithéâtres, on le lit ouvertement « pour les mot-fléchés », « pour
l’horoscope », « pour les sorties » ou « pour le programme télé de la soirée », c’est-à-dire
pour un contenu somme toute assez éloigné de la production journalistique en tant que telle.
3
Cette production journalistique est d’ailleurs aussi ouvertement dépréciée que la partie loisir
et divertissement est appréciée. On accuse la partie rédactionnelle des journaux gratuits
comme Métro ou 20 Minutes de s’inspirer trop largement des dépêches d’agences, de ne faire
que de la reprise d’information sans aucune analyse et de faire trop souvent la place au
conventionnalisme. Pour autant, 20 Minutes est depuis 2007 le quotidien le plus lu en France.
Dans une étude de lectorat, réalisée sur l’année 2008-2009 par l’institut de sondage TNSSofres, 20 Minutes devançait ainsi Métro avec plus de 2 745 000 lecteurs par jour contre
2 534 000, et L’Equipe prenait la troisième place avec 2 400 000 lecteurs par jour1.
Tableau mis à disposition sur le site 20 Minutes Médias
Si les sondages ne permettent pas de mettre à jour les pratiques de lecture et donc de
savoir si le journal est vraiment lu ou pas, cela permet tout de même de donner un ordre
d’idée de la pénétration des quotidiens gratuits dans la population française.
Il est donc indéniable qu’un grand nombre d’individus feuillète quotidiennement l’un
des deux quotidiens gratuits, 20 Minutes ou Métro, qui pourtant, selon certains individus, sont
de véritables représentants de « la presse au rabais » que l’on se doit de « mettre à la
poubelle ». Mais est-ce vraiment le cas, le caractère gratuit est-il vraiment le seul intérêt de
ces publications ?
1
Etude EPIC 2008.
4
Durant plus de quatre mois, d’octobre 2007 à février 2008, j’ai pu découvrir lors d’un
stage le fonctionnement interne de la rédaction toulousaine du 20 Minutes. Je m’y suis rendue
avec quantité d’a priori concernant la médiocrité du contenu publié. Mais ce stage a en réalité
été l’occasion de mettre un premier pas dans le milieu journalistique, et m’a poussée à
m’intéresser de plus près aux pratiques qui ont cours dans ce champ d’activité. Beaucoup de
mes préjugés sont tombés tandis que je me suis heurtée aux réalités du travail dans cette
rédaction.
Le fait d’avoir travaillé dans une rédaction de presse gratuite, d’avoir côtoyé des
journalistes de presse payante lors de différents stages et entretiens sociologiques, des
journalistes de presse gratuite, des lecteurs de tous types de journaux et de souhaiter travailler
plus tard dans le milieu journalistique, m’ont poussée à vouloir analyser de plus près le monde
de la presse gratuite du point de vue local et toulousain.
C) Q UELLE DEMARCHE SOCIOLOGIQUE ?
Comme expliqué ci-dessus, j’ai réalisé un stage de quatre mois au sein de la rédaction
toulousaine du 20 Minutes qui m’a permis d’appréhender le type de travail fourni par des
journalistes de presse gratuite. Parallèlement, j’ai aussi rencontré des journalistes de divers
titres régionaux ou nationaux avec lesquels j’ai pu avoir des discussions au sujet du
journalisme et de la presse gratuite.
Je souhaite donc mobiliser dans un premier temps les ressources que j’ai pu accumuler
lors de ma troisième année de mobilité professionnelle à l’IEP de Toulouse. Je m’appuierais
donc sur mon expérience personnelle dans une rédaction de presse gratuite et sur les relations
que j’ai pu observer sur le terrain entre journalistes issus de milieux différents. D’autre part,
ce mémoire a aussi été l’occasion de rencontrer divers journalistes ou responsables de
rédactions, pour réaliser des entretiens sociologiques me permettant de mieux analyser les
pratiques journalistiques. Trois de ces entretiens figurent en annexe : celui avec Yann Bouffin,
celui avec les deux journalistes du 20 Minutes Toulouse ainsi que celui avec Sylviane
Beaudois, car ce sont les plus parlants et les plus complets.
En effet, Yann Bouffin est rédacteur en chef de La Dépêche du Midi depuis deux ans
(il était reporter pour ce même journal depuis 1998), il a commencé à la radio sur Paris puis a
été journaliste à Libération. Avant de travailler à La Dépêche du Midi, il était rédacteur en
5
chef des Clefs de l’Actualité. De son côté, Sylviane Beaudois a commencé sa carrière de
journaliste il y a environ 30 ans, à Paris en presse économique. Elle a travaillé à la Tribune
puis à Milan Presse à Toulouse. De 2000 à 2002, elle s’occupait du titre Tout Toulouse pour
Le Monde, puis, de 2002 à 2006, elle est revenue à Paris pour être journaliste au Monde. Elle
enseigne à l’IEP de Toulouse dans le parcours journalisme depuis 2004 et s’occupe du journal
Satiricon. Elle est également présidente de l’AJT (Association des journalistes de Toulouse).
Béatrice Colin et Hélène Ménal sont les deux journalistes en poste à 20 Minutes Toulouse.
Elles ont toutes les deux une licence d’histoire et sont toutes les deux diplômées de l’EJT
(Ecole de Journalisme de Toulouse). Elles ont ensuite travaillé à la Dépêche du Midi et à
Dépêche Mag, avant d’être embauchées à 20 Minutes Toulouse dès la création du journal dans
la Ville rose en 2004.
Par ailleurs, j’ai poursuivi cette observation du milieu de la production d’information
par deux autres stages à Dépêche Mag, au pôle économique et au pôle magazine. Me trouvant
dans les locaux de La Dépêche du Midi, j’ai pu également rencontrer des journalistes de
presse quotidienne régionale et discuter avec eux du sujet de mon mémoire. Les piges que j’ai
réalisées, à Toulouse Mag et pour le magazine Elle m’ont aussi permis de peaufiner ma
connaissance professionnelle et mon analyse sociologique du champ journalistique.
Ensuite, j’ai réalisé des enquêtes de lectorat, quantitatives et qualitatives qui me
permettront d’analyser les pratiques de lectures s’agissant du 20 Minutes.
La publicité étant une des caractéristiques des titres de presse gratuite, je m’attarderai
aussi à étudier le volume et les tarifs des publicités contenues dans le 20 Minutes dans une
perspective comparative.
6
II
P RESENTATION DE 20 M INUTES
A) E N F RANCE
20 Minutes est un quotidien gratuit qui existe en France, en Espagne et en Suisse où il
a été lancé en 1999. 10 ans plus tard, en 2009, le journal existait en 30 éditions papier, les
trois pays confondus.
Le Président de 20 Minutes France est Pierre-Jean Bozo. Le capital de ce quotidien est
détenu à 50% par le groupe Ouest-France (par le biais de ses filiales Spir Communication et
Sofiouest qui détiennent un quart du capital chacune) et à 50% par le groupe norvégien
Schibsted.
Le format du 20 Minutes est le « demi-berlinois ». Le journal est donc à peine plus
grand qu’un A4 et est également agrafé, pour faciliter la lecture. Ceci s’explique par son mode
de distribution : il est le plus souvent mis à la disposition des usagers des transports en
commun. On retrouve ici deux outils marketing : le chrono marketing et le géomarketing. Le
chrono marketing permet d’optimiser les horaires de distribution en fonction des objectifs de
ciblage : les gratuits ne sont distribués que cinq jours sur sept de 7h à 10h. Le géomarketing
est quant à lui un outil d’optimisation dans la sélection des points de distribution. Le choix de
ces emplacements résulte des conclusions d’études sociodémographiques afin d’être en
adéquation avec la cible visée par les gratuits.
Les actualités sont principalement développées par 85 journalistes en contrat et au
total 120, pigistes, photographes et correspondants étrangers compris. On dénombre
aujourd’hui huit éditions qui correspondent selon 20 Minutes à « huit agglomérations
majeures, prioritaires en termes de bassin de population et d’activité économique »2. Ces
villes sont les suivantes :
-
Paris (édition lancée en mars 2002) ;
-
Lille, Marseille et Lyon (éditions lancées en février 2004) ;
-
Bordeaux et Toulouse (éditions lancées en septembre 2004) ;
-
Strasbourg (édition lancée en septembre 2005).
2
Site commercial de 20 Minutes : 20 Minutes Media – Distribution.
7
L’organisation de cette entreprise est décentralisée, c'est-à-dire que chaque antenne
locale est détachée mais dépendante du siège de la rédaction à Paris. La rédaction parisienne a
pour charge de vérifier les sujets des articles et leur contenu. Les journalistes des « locales »
sont généralement trois par rédaction (deux journalistes généralistes et un journaliste sportif).
Ils sont partiellement indépendants dans le sens où aucune personne physique ne les supervise
sur leur lieu de travail. Ceci leur permet de gérer leur quotidien de la façon dont ils le
souhaitent et d’être continuellement à proximité des sources3 d’informations tout en
connaissant bien le terrain. En contrepartie, la hiérarchie peut intervenir à tout moment pour
imposer un sujet sans connaissance préalable du terrain. Nous reviendrons sur ce point quand
nous évoquerons l’organisation de 20 Minutes.
Le journal est également disponible en version électronique sur le site Internet
20minutes.fr depuis mars 2007, qui figure en cinquième position des sites français
d’information4. Reprenant la plupart des articles de la version papier, ce site propose un suivi
en continu de l’actualité alimenté par des dépêches et des articles ainsi que des compléments
multimédia au journal (diaporamas, sons, vidéos, liens…). Par ailleurs, il permet également la
participation du lecteur qui a la possibilité de réagir sur les sujets développés par de simples
commentaires ou par la création de blogs.
B) A T OULOUSE
La rédaction toulousaine du quotidien 20 Minutes est composée de deux journalistes
(la partie sportive étant prise en charge par un journaliste de La Dépêche du Midi). Elles
travaillent la plupart du temps de 9h00 le matin à 21h30 le soir et se relaient un weekend sur
deux. Elles sont parfois secondées par des pigistes. Cependant, cette possibilité reste très
limitée car l’enveloppe mensuelle dédiée à ce type d’externalisation a été drastiquement
réduite depuis 2007. La Direction a cependant récemment accepté de faciliter le travail des
journalistes en leur allouant des moyens supplémentaires. Rappelons qu’en 2008, 20 Minutes
France a dégagé un résultat opérationnel positif pour la première fois de son histoire, les
3
Le terme de « source » est mal adapté à la signification qu’il recouvre car il présuppose que
l’information est unidirectionnelle, or, le journaliste ne peut obtenir que l’information qu’on lui donne mais il
peut aussi provoquer le processus et la « source » peut aussi livrer des informations en fonction des luttes
internes au champ auquel elle appartient. Pour autant, pour plus de simplicité, nous utiliserons tout de même ce
mot pour désigner ce type d’agents (individus ou organisations).
4
Résultats d’août 2007 de l’institut de mesures d’audience Nielsen Net Ratings
8
bénéfices enregistrés par le quotidien ayant compensé les pertes des activités internet 5. Forte
de ce succès, la direction de 20 Minutes a pris la décision d’embaucher deux photographes
pigistes par rédaction début 20106.
L’organisation du travail au sein de la rédaction toulousaine obéit à certaines routines
intégrées par le personnel. La journée commence avec la revue de presse. Un tour des
quotidiens locaux (Métro et La Dépêche du Midi) couplé au visionnage des journaux télévisés
(TLT, France 3), permet aux journalistes de voir quelles informations ont été traitées et de
quelle manière. Rapidement, il est possible de se rendre compte si la rédaction a fait « un
ratage » ou pas. Ensuite, l’équipe rédactionnelle passe à la consultation des mails, contenant
des communiqués de presse et les fils d’actualité de l’AFP, puis des fax. Avec l’agenda, ceuxci constituent une banque de données d’informations nécessaire et d’un volume important.
Avec les informations collectées antérieurement et les mails du jour, le « menu du jour » est
élaboré sur la base du « pré-menu » établi la veille. En cours de journée, ce « menu » peut
évoluer à l’initiative des journalistes toulousaines ou de la rédaction parisienne qui se réserve
le droit de supprimer ou de commander un article sur un sujet précis, parfois au dernier
moment. L’équipe de Toulouse se rend alors sur les différents lieux de reportage et passe les
appels téléphoniques nécessaires à l’écriture des articles. En fin d’après-midi, elles
commencent à rédiger les papiers qui seront publiés le lendemain après une relecture
minutieuse de la part des secrétaires de rédaction basés à Paris. Enfin, les pages relues et
éditées en format PDF sont renvoyées à leurs auteurs respectifs pour une dernière vérification
puis envoyées à l’imprimeur.
Selon l’entreprise, à Toulouse, 42 800 exemplaires7 de ce quotidien sont distribués
chaque jour.
5
Voir le blog de Jean-Marc Morandini : http://www.jeanmarcmorandini.com/article-23859-13h38-20minutes-rentable-pour-la-premiere-fois-en-2008.html
6
L’embauche des photographes fait actuellement débat à 20 Minutes car les photographes devraient
accepter une clause d’exclusivité qui leur ferait perdre une grande partie de leurs revenus actuels.
7
Statistiques de l’OJD, mai 2008.
9
Source : site commercial de 20 Minutes : 20 Minutes Média.
L’édition de Toulouse est organisée comme suit, elle varie entre une vingtaine et une
trentaine de pages selon la période de la semaine et le volume des encarts publicitaires :
-
Une « une » adaptable à l’actualité locale ;
-
Trois pages « Grand Toulouse » dédiées à l’actualité de la ville et de ses environs.
Cette partie est rédigée par les journalistes de la rédaction toulousaine et a été
augmentée d’une page au courant du mois de novembre 2008 ;
-
Deux à quatre pages « France » pour les informations nationales ;
-
Une à deux pages « Monde » ;
-
Une page « Economie » (parfois, cette rubrique est absente) ;
-
Deux pages « Emploi » pour les petites annonces d’entreprises ;
-
Une à deux pages « Culture » (parfois cette rubrique est absente);
-
Une page « Guide Toulouse » où sont développées par La Dépêche du Midi les
activités culturelles de l’agglomération ;
-
Une page « Pause » avec les mots fléchés, le sudoku et l’horoscope ;
10
-
Une page « Programme TV » ;
-
Une page « High-tech » ou « Net » ;
-
Une page « People » ;
-
Une page « Shopping » (parfois, cette rubrique est absente) ;
-
Une page « Cinéma » (uniquement le mercredi) ;
-
Une page « Revue de presse » (uniquement le jeudi) ;
-
Une à deux pages sur la « TV » ou les « Médias » ;
-
Une page « Immobilier » (parfois, cette rubrique est absente) ;
-
Une page « Toulouse Sport » rédigée par un journaliste de La Dépêche du Midi ;
-
Une à deux pages nationales « Sport ».
Il faut cependant remarquer que le rubriquage est assez strict pour la partie qui
concerne les informations (locales, nationales, internationales, économiques et sportives)
tandis que la dernière partie est plus souple, des rubriques apparaissant ou disparaissant selon
les éditions. En effet, les pages « High-tech », « Net » ou « Médias » ne sont, par exemple, pas
forcément éditées tous les jours. Il arrive aussi qu’une des rubriques disparaisse pendant
plusieurs semaines et réapparaisse ensuite, souvent après que la direction a reçu des plaintes
de la part de lecteurs.
11
III
A) L ES
P ROBLEMATIQUE
GRATUITS
:
PRESSE
AU
RABAIS ,
JOURNALISTES ET CONCURRENCE DELOYALE
MAUVAIS
?
L’apparition des quotidiens gratuits ne s’est pas faite en France sans douleurs. Dès leur
mise sur le marché, ces journaux ont dû faire face aux réticences de certains et à l’agressivité
de ceux qui se sont vus anéantis par ce qu’ils ont appelé une « concurrence déloyale ». De
plus, ces quotidiens entrent sur le marché à un moment où tout le secteur de la presse traverse
une période difficile. Depuis 1980, les signaux d’alarme se sont multipliés pour les quotidiens
Français ; cette année là, seuls Le Figaro et Les Echos ne sont pas déficitaires. La presse
quotidienne payante subit une lourde crise du lectorat accompagnée d’une baisse des recettes
publicitaires qui devient actuellement inquiétante pour le maintien de certains titres. Plusieurs
journaux se retrouvent dans une situation critique où les recettes dues aux ventes et à la
publicité ne suffisent plus à couvrir la masse salariale.
Parallèlement, les quotidiens gratuits souffrent d’une bien mauvaise réputation. On les
taxe souvent d’être « faits de reprises de dépêches d’agence » et de ne « jamais faire de
reportages », ou de proposer un « contenu médiocre sans aucune analyse, sans mise en
perspective ». En définitive, les gratuits sont souvent vus comme des journaux « d’amateurs »
en proie aux intérêts privés des annonceurs qui les financent. Cependant, au-delà des
nombreuses critiques faites à ce type de presse, ces quotidiens n’en restent pas moins un
moyen d’information pour des millions de lecteurs français, comme nous avons pu le
constater plus haut.
Dès lors, on peut se demander si les reproches formulées à l’égard des quotidiens
gratuits, 20 Minutes en particulier, sont justifiées par l’analyse sociologique. Il s’agira donc de
comprendre dans quelle mesure un contenu journalistique peut être produit pour un journal
qui ne se vend qu’aux annonceurs. Parallèlement, nous tenterons de comprendre en quoi la
gratuité peut influencer la réception de ce type de produit par le lectorat.
12
B) H YPOTHESES DE DEPART
Voici les hypothèses de départ qui ont guidé mon travail de recherche :
-
Une expérience de quatre mois dans l’antenne locale d’un quotidien gratuit 20 Minutes
permet de lever le voile sur des suspicions parfois infondées. Ainsi, il semblerait que
les journalistes qui travaillent à la production de ce journal travaillent de façon assez
semblable à celle de leurs confrères à la production de l’information. Leur activité, du
moins au niveau local, resterait celle d’un journaliste de presse quotidienne régionale.
-
Cependant, les journalistes de presse quotidienne gratuite semblent aussi être rejetés
par leurs confrères de titres payants car ils sont considérés comme non légitimes,
tandis que le journal auquel ils appartiennent fait figure de repoussoir. Les journalistes
qui travaillent dans des gratuits doivent donc trouver des façons de se légitimer et de
légitimer le support pour lequel ils travaillent.
-
D’autre part, les critiques de la profession correspondraient notamment à une crainte
de la part des journalistes de la presse payante de voir fuir leur lectorat vers ces
nouveaux titres gratuits. Il semble néanmoins difficile de rendre responsables les
quotidiens gratuits d’information de la crise de la presse, si ce n’est par la prise de
parts de marché publicitaire.
-
Par ailleurs, le fort pourcentage de pages de publicité et le mode de financement du
journal ne semble pas être pas synonyme d’une instrumentalisation de la part des
annonceurs. Les détracteurs de ce type de presse paraissent donc se tromper lorsqu’ils
pensent qu’un ou plusieurs annonceurs peuvent faire pression sur la rédaction pour la
publication ou la non publication d’une information guidée par des intérêts privés.
-
Enfin, la gratuité semble avoir un effet sur le lectorat et les pratiques de lectures
diffèrent de celles que l’on observe dans la presse payante et le journal n’est pas
forcément lu dans une optique informationnelle.
Nous tenterons de voir si ces cinq hypothèses sont vérifiées par l’analyse.
13
C) P LAN
Nous nous proposons donc ici de construire la réflexion autour d’un thème précis qui
se dégage à la fois de l’expérience personnelle, des lectures effectuées en vue de mieux
comprendre le secteur journalistique, ainsi que des différents entretiens réalisés. Il s’agira
donc de mettre en perspective les problématiques posées par la presse gratuite en s’appuyant
sur des recherches sociologiques et des expériences personnelles au sein de ce type de presse.
Le choix ici s’explique par la nécessité de revenir sur certains des aspects qui constituent le
contexte dans lequel évolue la presse en général.
Pour bien cerner les enjeux de ce secteur d’activité, le contexte et le milieu dans
lesquels évoluent les journalistes, il semble nécessaire de bien définir le secteur. En effet, en
se basant sur les travaux de sociologie et d’histoire du journalisme, nous nous attacherons
dans une première partie à présenter ce secteur tout en mettant en perspective les gratuits et la
crise de la presse écrite en France.
Ensuite, il s’agira de revenir sur l’influence du système économique de la presse
gratuite d’information. Même si le journalisme de presse gratuite ne semble pas être un
« nouveau journalisme » différent de celui de la presse payante, il est nécessaire préciser qu’il
existe des particularités inhérentes à la gratuité de ce quotidien. Ainsi, son contenu diffère tout
de même de celui de ses confrères de la PQR8, tout comme l’organisation du travail dans les
rédactions et le mode de légitimation des journalistes. Le support et l’organisation de
l’entreprise induisent donc certaines particularités qu’il faut à juste titre souligner.
Enfin, l’observation participante et les différents entretiens réalisés permettront de
rendre compte du travail fourni par les journalistes de 20 Minutes en prenant en considération
les contraintes structurelles qui pèsent sur ces salariés. Il s’agira également dans cette partie
empirique de voir comment est reçu le journal gratuit par les lecteurs, et quel type de
reproches sont faits au quotidien de la part des lecteurs particuliers et non de la profession
journalistique.
8
Presse Quotidienne Régionale
14
CHAPITRE 1
L E SECTEUR JOURNALISTIQUE FRANÇAIS
Dans cette première partie, nous nous attacherons à fournir une analyse précise du
secteur journalistique. En effet, il semble nécessaire de revenir tout d’abord sur la
sociohistoire du journalisme français pour mieux saisir les enjeux de la profession. Nous
reviendrons sur la professionnalisation tardive des journalistes puis sur la notion
bourdieusienne de « champ » pour expliquer dans quelle situation et sous quelles contraintes
ces derniers évoluent.
D’autre part, il semble évident de faire un point sur la crise de la presse en France sans
faire l’impasse sur les problématiques posées par l’arrivée des quotidiens gratuits. Ainsi,
comme précisé ci-dessus, ce secteur subit notamment une crise du lectorat sans précédent.
Bien souvent, la presse payante a accusé les gratuits d’être à l’origine de ses problèmes
économiques ou de les avoir grandement amplifiés. Nous verrons donc dans quelle mesure la
presse gratuite vient modifier la situation du secteur.
15
I
S OCIOHISTOIRE DU JOURNALISME FRANÇAIS
A) U NE PROFESSIONNALISATION TARDIVE
Le journalisme « à la française » a longtemps été au confluent de la littérature et de la
politique. Son autonomie s’est construite tardivement, au cours du XXème siècle, avec
l’influence des Anglo-Saxons, plus proches de la simple narration des faits préalablement
collectés. Cette pratique anglo-saxonne est à l’origine de ce qui constitue pour certains
aujourd’hui la norme de référence du métier9.
Plusieurs histoires du journalisme font remonter la première publication de type
journalistique à la Gazette de Renaudot qui est en fait, selon Jean-Marie Charon, « la
première publication officieuse du royaume de France […] qui fut purement et simplement
appropriée par le pouvoir royal » dès 176210. Selon ce dernier, le premier vrai quotidien
français est Le journal de Paris, créé en 1777, mais il y est rarement fait état de faits
politiques. Avec la Révolution Française, la donne change, et la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen est adoptée en 1789, jetant les bases de la toute nouvelle liberté
d’expression et de communication. Entre essor et récession, la liberté de la presse commence
à s’affirmer.
Cependant, comme le précise Erik Neveu, « la compétence des journalistes est
littéraire » et « les titres qui font décoller la presse de masse (La Presse de Girardin en 1839,
Le petit journal de Millaud en 1863) jouent d’un produit d’appel qui est le feuilleton rédigé
par des plumes célèbres »11. De plus, les rédacteurs de journaux ne vivent pas de ce métier,
c’est souvent un passe-temps, ou un instrument de reconnaissance pour briguer les carrières
de la littérature ou de la politique. D’ailleurs, la majorité des titres s’identifient à des
tendances politiques au point que, jusqu’aux débuts de la Vème République, un journaliste
politique est avant tout un porteur d’opinions12.
L’institutionnalisation de l’identité professionnelle des journalistes s’est faite
tardivement en France. La loi de 1881 sur la liberté de la presse permet enfin que s’installent
9
Schudson, 1978 ; Chalaby, 1998
« La presse quotidienne », Jean-Marie Charon, p. 10
11
« Sociologie du journalisme », Erik Neveu, p. 14
12
Darras, 1997
10
16
une diversité et un pluralisme des journaux, mettant fin aux multiples formes de censure que
pouvaient subir les titres. Ce cadre juridique a largement favorisé l’essor de la presse française
et le nombre des journalistes a augmenté de 50% entre 1890 et 1900. Même si la profession se
développe et tente de s’organiser, son institutionnalisation réelle n’interviendra que pendant
l’entre deux guerres. En effet, les journalistes sortent du premier conflit mondial discrédités
puisqu’ils ont servi la propagande officielle durant la guerre. En 1918, la décision est prise de
créer le Syndicat des journalistes et de rédiger une Charte déontologique permettant de
réhabiliter la profession et du même coup d’opérer une hiérarchisation entre les « vrais » (les
adhérents) et les « faux » journalistes. Cette professionnalisation « floue »13 s’achèvera avec le
vote, par le Parlement en 1935, du statut des journalistes qui met en place « la Commission de
la carte d’identité professionnelle », titre remis par les pairs. Les textes législatifs de 1935 et
1936 seront largement repris dans l’actuel code du travail qui stipule que « le journaliste
professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de
sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou
plusieurs agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources »14.
Néanmoins, l’institutionnalisation de la profession reste « floue »15 car l’organisation
corporatiste qu’est le Syndicat des journalistes ne dispose pas de pouvoir de sanction
disciplinaire à l’égard de ses pairs. Par ailleurs, aucun niveau de diplôme n’est officiellement
retenu pour entrer dans la profession.
B) L A NOTION DE CHAMP JOURNALISTIQUE
Il devient pertinent, à ce stade de la réflexion, de développer la théorie bourdieusienne
des champs en l’illustrant avec une expérience dans le domaine de la presse pour mettre à jour
le fonctionnement de ce secteur.
Avec cette notion de champ journalistique, Bourdieu nous invite à penser l’espace du
journalisme comme un univers relativement autonome, structuré par des jeux de rivalité, dont
la limite est une commune adhésion des participants à des enjeux et des valeurs. Dans cet
espace social qui fonctionne comme un marché, des individus ou des groupes sont en
compétition pour l’obtention d’un bien particulier appelé « capital ». Ceci produit un système
13
Ruellan, 2007
Article L761-2 du Code du travail.
15
Ruellan, 2007
14
17
de classement et de hiérarchie des acteurs sociaux qui évoluent au sein du champ grâce à
« l’habitus », un système de dispositions incorporées et spécifique. L’« illusio » est enfin un
système de croyances et de représentations de la fonction exercée.
En effet, bien qu’exerçant à priori la même profession, l’éditorialiste du journal
Libération ne réalise pas le même travail que le rédacteur de la chronique sportive de La
Dépêche du Midi ou que les présentateurs de journaux télévisés (qui ne sont d’ailleurs pas
tous journalistes). Cependant, ils ont en commun le fait d’être tous attachés à l’actualité. Les
journalistes disposent de capitaux, comme le diplôme, la notoriété ou les contacts qu’ils ont
réussi à nouer dans tel ou tel domaine qui leur assurent une collecte d’informations plus aisée.
Ensuite, ils mobilisent un savoir-faire professionnel, « l’habitus », qui varie d’un titre à l’autre
et que le journaliste débutant tente d’intérioriser par la pratique. Enfin, « l’illusio » renvoie à
l’idée que se fait le journaliste de sa propre profession : se représente-t-il son travail comme
celui d’un détective justicier ou comme celui d’un simple rapporteur d’informations ?
Ainsi, ce champ journalistique s’est constitué, selon Bourdieu, au XIXème siècle
autour de l’opposition entre journaux populaires à sensation et journaux intellectuels
proposant des analyses et attachés à affirmer des valeurs d’objectivité. Deux principes de
légitimation opposent ces deux types de publications : les premiers fondent leur
reconnaissance sur le nombre de lecteurs, donc sur le chiffre d’affaires et les seconds sur les
« valeurs » de la profession, donc sur la reconnaissance par les pairs. Pour les journalistes du
20 Minutes, nous aurons l’occasion d’y revenir, la reconnaissance par les pairs ne constitue
pas un principe de légitimation, pour la bonne raison que le support dans lequel ils écrivent est
souvent dénigré par leurs confrères. Par exemple, même si Yann Bouffin, le rédacteur en chef
de La Dépêche du Midi, explique16 « il y en a une [journaliste de 20 Minutes] qui est
considérée comme une nana plutôt sérieuse, plutôt bonne journaliste, je crois que c’est Colin,
j’en sais rien… Peu importe, mais il n’y a pas de dénigrement », il poursuit « Cela dit, c’est
vrai qu’aujourd’hui, pour nous ils n’existent pas vraiment, je veux dire, qu’en conférence de
rédaction, on ne parle jamais des articles de 20 Minutes. Ils ont dû, depuis qu’ils existent,
nous mettre au sac une fois, deux fois, ils ont dû sortir une ou deux fois une info qu’on n’avait
pas. Encore, ce n’était pas un scoop phénoménal ». Nous y reviendrons mais en effet, ce ne
sont pas les journalistes qui sont dénigrés mais vraiment le support. Ainsi, Sylviane
Beaudois17 nous confie « Que ce soit 20 Minutes ou Métro, surtout 20 Minutes, on s’aperçoit
16
17
Voir entretien de Yann Bouffin dans l’annexe p. XIII
Voir entretien avec Sylviane Beaudois en annexe p. VIII
18
qu’il y a un effort de donner de l’info locale. On va dire, ce sont les moins médiocres,
attention, ce n’est pas une critique, hein. Je pense que leurs moyens sont très limités, c’est
souvent du travail d’après dépêches ou d’après communiqués, mais il n’y a pas qu’eux qui
font ça. » Elle ajoute un peu plus loin « Ce sont des gens qui font leur travail correctement,
l’édition nationale n’est pas mal faite. Est-ce qu’ils ont la possibilité de faire leur travail
comme ils le voudraient ? De l’extérieur, c’est tout à fait correct mais je ne connais pas leurs
conditions de travail, s’il y a des pressions… Ils ne font pas de reportages ».
Leur travail est par ailleurs apparenté à un « journalisme de marché », eut égard au
poids des recettes publicitaires dans le fonctionnement de l’entreprise (100%), la légitimation
se fait donc par l’audience. La Direction de 20 Minutes tente cependant de contrecarrer ce
système de légitimation et a mis en place une charte déontologique 18 très stricte sur laquelle
nous reviendrons. A cela s’oppose structurellement le « pôle intellectuel » du champ où « la
reconnaissance par les pairs constitue tant un élément d’identité professionnelle qu’un
capital collectivement détenu et valorisé par les rédactions », explique Erik Neveu dans son
ouvrage « Sociologie du journalisme »
19
. Cela est cependant le cas pour les équipes du
« Canard Enchaîné » (0% de recettes publicitaires) ou pour celles d’ « Alternatives
Economiques » (10%). La distance aux sources est, selon Erik Neveu, plus aisément obtenue
dans le journalisme intellectuel car cela suppose « des investissements contraires à la visée de
maximisation du profit : équipes rédactionnelles étoffées et stables, services de
documentation autonomes, budgets d’enquêtes ». Or le financement publicitaire impose
généralement des dépenses de fonctionnement les plus faibles possibles et privilégie la
flexibilité.
D’autres oppositions sont également visibles entre différents services d’une même
publication. Les services considérés comme « nobles » comme l’économie peuvent prétendre
à une supériorité par rapport au service des sports par exemple. De la même manière, des
journaux établis de longue date peuvent mobiliser tout un héritage de ressources afin de
décrédibiliser les nouveaux entrants, c’est par exemple le cas de La Dépêche du Midi,
avantagée par son histoire et son ancienneté par rapport à 20 Minutes. Le lectorat du journal
peut également jouer sur le prestige d’une publication, c’est d’ailleurs cela qui rapproche le
champ journalistique du champ économique. Le Monde par exemple, met en valeur le profil
de ses lecteurs : sur le site internet du Monde Pub, plate-forme d’information pour les
18
19
Voir annexe p. XXI
Erik Neveu, « Sociologie du journalisme », p. 40-41
19
annonceurs, on trouve la formule « le profil de lectorat d’un quotidien haut de gamme ». Ce
lectorat mixte à tendance masculine se compose de 43% d’actifs PCS+, de 71% de lecteurs
ayant fait des études supérieures, de 39% de lecteurs ayant un revenu supérieur à 42K€, de
68% d’urbains d’une moyenne de 46 ans20. La cible qualifiée de « premium », est un
argument marketing pour attirer les annonceurs mais sert également le prestige du titre. A ce
sujet, 20 Minutes tente également de se mettre en avant en invoquant la qualité de son
lectorat, dans des termes assez similaires à ceux du Monde. On trouve sur le site 20 Minutes
Média les affirmations suivantes : « n°2 presse quotidienne sur les Hauts Revenus, 491 000
lecteurs Premium Easy » et « n°2 presse quotidienne sur les Cadres & Dirigeants, 358 000
lecteurs Premium Activ »21. Nous reviendrons sur ce sujet plus loin dans le développement.
Par ailleurs, pour Bourdieu, « dans la logique spécifique d’un champ orienté vers la
production de ce bien hautement périssable que sont les nouvelles, la concurrence pour la
clientèle tend à prendre la forme d’une concurrence pour la priorité »22, c'est-à-dire pour le
« scoop ». Cette concurrence pour le « scoop » a deux conséquences principales. Tout
d’abord, cela favorise une sorte « d’amnésie permanente »23 due à l’exaltation de la
nouveauté. Ensuite, cela incite à exercer une surveillance continue des concurrents à la fois
pour profiter de leurs erreurs mais également pour vérifier que l’on n’a pas manqué un sujet
dont il est impossible de ne pas parler ou pour reprendre une information. Ce cycle de
l’information, qui consiste en la vérification de ce qu’ont fait ou pas les autres médias, aboutit
à l’uniformisation de l’offre d’information. Ainsi, au 20 Minutes, il est de mise de regarder les
journaux télévisés régionaux de France 3 ou de TLT et d’éplucher les quotidiens tels que
Métro ou La Dépêche du Midi pour vérifier que l’on n’a commis aucun « ratage », ou pour
reprendre une information importante qui aurait échappé à la rédaction. C’est également le cas
dans d’autres titres, au sein du mensuel Toulouse Mag par exemple, qui obéit certes à un autre
rythme, la reprise d’informations est monnaie courante. Si UFC Que Choisir décide, par
exemple, de traiter le sujet du manque de conseil et des prix élevés dans les pharmacies dans
son numéro de septembre 2009, cela donne la puce à l’oreille de la rédaction de Toulouse
Mag qui sort à son tour dans le numéro d’octobre 2009 une enquête sur les prix et les conseils
dans les pharmacies toulousaines. Tous les matins, les rédactions organisent des conférences
de rédaction lors desquelles une revue de presse est effectuée, et des sujets sont repris, parfois
20
Voir Le Monde Pub : http://www.mondepub.fr/etudes.php
Voir 20 Minutes Média : http://www.20minutes-media.com/spip.php?rubrique7
22
Pierre Bourdieu, « Sur la télévision », p.85
23
Ibid. p.86
21
20
tels quels, parfois sous un autre angle. Très souvent, l’actualité n’est faite que de reprises
d’informations, si bien que la concurrence aboutit paradoxalement à l’uniformisation de
l’offre d’information.
Enfin, il faut préciser que la logique économique à l’œuvre dans le champ
journalistique a beaucoup d’influence sur le champ culturel puisque, par les critiques et la
promotion de certaines productions, les médias dominants et fonctionnant selon une logique
de marché orientent le choix du public et des éditeurs vers des produits généralement « plus
vendables ». Cette relative autonomie du champ médiatique s’observe également à l’égard du
champ politique, les deux étant intimement liés. En effet, le pôle politique détient souvent le
monopole de l’information légitime via les « sources officielles » et par sa capacité à définir
l’ordre du jour. A Toulouse, par exemple, cette ingérence déguisée du pouvoir politique peut
s’illustrer par la multiplication des événements mettant en valeur la Mairie et le Maire de
l’époque Jean-Luc Moudenc en période de campagne électorale. Lors des dernières élections
municipales, il était aisé pour le pouvoir en place de déterminer l’agenda des journalistes en
créant des événements à ne pas manquer et capables de mettre en valeur son activité. Ce fut le
cas avec les multiples inaugurations, actions municipales type Toulouse 2013, et autres mises
en place de services, comme VélôToulouse, organisées dès le mois de novembre 2007 par la
Mairie de Toulouse. Au niveau national, cette propension du politique à peser sur l’agenda
journalistique peut être illustrée par la sur médiatisation de l’actuel président de la République
dont les nombreux déplacements et allocutions sont systématiquement couverts. En
contrepartie, le pôle journalistique influence les agents politiques à « se soumettre à la
pression des attentes et des exigences du plus grand nombre, parfois passionnelles et
irréfléchies, et souvent constituées en revendications mobilisatrices par l’expression qu’elles
reçoivent dans la presse » qui détient « le monopole de l’expression légitime de l’opinion
publique’ »24. Ainsi, selon Bourdieu, le champ journalistique, sous l’emprise des logiques
commerciales, exerce une pression sur le champ politique qui est alors tenté d’user de
procédés démagogiques.
24
Ibid. p.93
21
II
L A CRISE DE LA PRESSE ET LA PROBLEMATIQUE
DES GRATUITS EN
F RANCE
A) L E CONTEXTE : LA CRISE DE LA PRESSE PAYANTE
La presse quotidienne d’information générale et politique payante est actuellement en
crise. Tous les spécialistes s’accordent à le dire, nous ne sommes plus à l’âge d’or où les
Français étaient les plus gros consommateurs de quotidiens au monde. Depuis le début des
années 1980, ces quotidiens ont multiplié les signaux d’alarme. Aujourd’hui, moins de 160
journaux sont diffusés en France pour 1 000 habitants contre plus de 620 en Norvège et près
de 650 au Japon25. En 1967, selon l’INSEE, 59,7% des Français de plus de 14 ans lisaient
régulièrement un quotidien. D’après une étude du même organisme datant de décembre 2000,
72% des Français de 15 ans et plus ne lisent jamais de quotidiens nationaux, contre 37% pour
la presse régionale.
Au premier abord, on est tenté de penser que les journaux les plus touchés sont les
quotidiens nationaux, compte tenu de la proximité qu’entretiennent les journaux locaux avec
le lecteur. Cependant, selon les statistiques de l’OJD26, sur la période 1996-2006, c’est la
presse quotidienne régionale qui souffre le plus de cette crise et qui a perdu le plus de
lecteurs.
25
26
Source : World association of Newspaper
Association pour le contrôle de la diffusion des médias
22
Tableau 1 : Evolution de la diffusion payée de la Presse Quotidienne
Nationale (PQN) en France
Source : OJD
Tableau 2 : Evolution de la diffusion payée de la Presse Quotidienne
Régionale (PQR) en France
Source : OJD
Selon le Rapport officiel du Sénat « La presse quotidienne d’information : chronique
d’une mort annoncée »27, plus d’un Français sur deux ne lit pas de quotidiens et la quasitotalité des foyers est équipée de plusieurs postes de radio, d’au moins un téléviseur et parfois
d’une connexion Internet à haut débit, ce qui induit une concurrence difficile pour la presse
française.
Les causes avancées de cette crise sont complexes : fuite des recettes publicitaires,
concurrence par Internet, la radio, la télévision ou encore par les quotidiens gratuits. Des
27
Rapport d'information n° 13 (2007-2008) de M. Louis de BROISSIA, fait au nom de la commission
des affaires culturelles, déposé le 4 octobre 2007, disponible sur la page : http://www.senat.fr/rap/r07-013/r07013_mono.html
23
responsabilités peuvent aussi être recherchées du côté des syndicats, des éditeurs, des
pouvoirs publics mais également du côté des journalistes eux-mêmes.
En premier lieu, force est de constater qu’à côté de la baisse du lectorat et de la
désaffection du public comme source de financement, les recettes publicitaires diminuent
drastiquement. En effet, les annonceurs sont de plus en plus attirés vers d’autres médias plus
rentables à leurs yeux. Le marché n’est pas extensible, et les nouveaux entrants captent une
part significative des publicités. Cela a tout d’abord pour conséquence la baisse du nombre de
publicités mais également la diminution du prix de l’encart publicitaire, qui obéit à la loi de
l’offre et de la demande. Pour attirer les annonceurs, des quotidiens gratuits ont même publié
des publicités gratuitement, ce qui induit encore une fois une baisse des prix. Seule la presse
payante locale semble avoir réussi à échapper à ce phénomène (alors même que le lectorat est
en baisse), le support étant plus attrayant pour les annonceurs qui trouvent un avantage à être
physiquement proches des consommateurs potentiels.
Par ailleurs, selon Natalie Sonnac et Patrick Le Floc28, depuis 2001 et l’éclatement de
la bulle Internet, de nombreux annonceurs ont réduit leurs budgets de communication. En
2004, l’investissement avait repris en France, le marché publicitaire français se situait dans la
moyenne des marchés européens. La crise économique en cours est venue modifier en
profondeur la relance du marché publicitaire français, si bien que quantité de titres ont dû
revoir à la baisse le nombre de pages de leurs éditions pour pallier la diminution drastique de
leurs revenus publicitaires.
Ainsi, la presse quotidienne payante d’information politique et générale est victime
d’un effet de ciseau provoqué par la contraction de ses recettes et le maintien de coûts fixes
élevés. Ce sont principalement les coûts du papier, de l’impression et plus marginalement
ceux engendrés par la distribution qui posent problème. Le prix du papier journal a été orienté
à la hausse de façon constante depuis 2002 pour atteindre plus de 670 $ la tonne en juin 2006,
soit près de 200 $ de plus en quatre années, d’après les études menées par l’INSEE. Du côté
de l’impression, les responsabilités sont, selon le Sénat, à rechercher auprès du Syndicat du
Livre qui pratique des « coûts de fabrication trop élevés, [une] organisation du travail
improductive » avec des « effectifs pléthoriques à rémunération confortable »29.
28
29
« Economie de la presse », Paris 2005
Ibid.
24
Cependant, les éditeurs ont aussi leur part de responsabilité. Pour le groupe de travail
du Sénat sur la crise de la presse30, ils auraient « manqué de discernement en matière de
diffusion, manqué de courage en matière éditoriale » et feraient preuve d’un « individualisme
exacerbé [ainsi que d’une] obsession du court terme ». Et les pouvoirs publics ne sont pas en
reste. Toujours selon le groupe de travail du Sénat, ils n’ont pas réussi à définir « une
stratégie cohérente et efficace destinée à préserver un média indispensable à l’information
des citoyens et à la diffusion des courants de pensées et d’opinions ».
Par ailleurs, le métier même de journaliste semble avoir changé. A la fois la perception
que s’en fait le public et la représentation que s’en font les intéressés ont évolué avec le
temps. La profession est de plus en plus précarisée et les journalistes doivent lutter pour
conserver une indépendance mise à mal par de nombreuses pressions, notamment de la part
des grands groupes financiers. La précarisation de ce secteur professionnel se traduit par une
réduction drastique des dépenses de fonctionnement, ce qui a pour conséquence une absence
de réelles enquêtes journalistiques mais également l’augmentation du recours aux pigistes.
Extérieurs à l’entreprise, ils sont plus facilement corvéables et n’ont généralement pas leur
mot à dire sur le contenu, le choix et l’angle des papiers qui leur sont commandés. Sur les 37
000 journalistes en activité dans notre pays, la proportion de pigistes est passée en trente ans
d’un dixième à un cinquième de l’effectif global. Cette recherche constante de rentabilité
maximale affecte aussi la crédibilité du public vis-à-vis des journalistes. Les « affaires »
comme le charnier de Timisoara ou encore Outreau ont mis à jour les difficultés de la presse
écrite et le changement même du métier de journaliste. Le journaliste n’est plus celui qui
instaure une relation civique avec le lecteur, c’est un vulgarisateur qui divertit un public ciblé
et qui entérine souvent des informations sans avoir eu le temps de les vérifier correctement.
B) M ODIFICATION DE LA SITUATION DU SECTEUR
Nous avons bien vu que les gratuits ne sont pas la seule et unique cause de la crise de
la presse quotidienne d’information générale et politique, contrairement à ce qu’affirmaient
certains journaux il y a quelques années : « Les gratuits attaquent », « Méfiez-vous des
contrefaçons », « Journaux gratuits : ceux qui nous ont trahis ». Certains journalistes
mécontents sont même allés jusqu’à molester les étudiants distribuant des exemplaires gratuits
30
Rapport d'information n° 13 (2007-2008) de M. Louis de BROISSIA, fait au nom de la commission
des affaires culturelles, déposé le 4 octobre 2007, disponible sur la page : http://www.senat.fr/rap/r07-013/r07013_mono.html
25
aux sorties de bouches de métro. La grogne des quotidiens payants semble s’être affaiblie, en
témoigne un article du Monde daté du 25 avril 2002 : « L’arrivée des gratuits d’information
n’a pas d’impact vraiment tangible sur les quotidiens payants » (entre-temps, la direction
avait trouvé un accord avec 20 Minutes).
Cependant, leur arrivée sur le marché de la presse française fait naître de multiples
interrogations et vient modifier la situation du secteur. Tout d’abord, cela écarte les idées
fausses selon lesquelles les Français se désintéresseraient totalement de la presse écrite. Enfin,
ils remettent en cause les canons de la presse écrite, les formats et les styles rédactionnels.
Le succès rencontré par les quotidiens gratuits prouve que les Français ne dénigrent
pas totalement la presse écrite. Le lectorat est attiré par le concept présenté par les gratuits. En
effet, l’information développée se veut neutre, succincte, gratuite et peut être consommée
dans un laps de temps relativement court qui correspond généralement à la durée passée dans
les transports. Il n’y a pas vraiment d’orientation éditoriale, comme le précise Yvon Mézou31,
directeur de la rédaction de 20 Minutes dans un entretien : « notre ligne éditoriale est d’être
un journal ouvert à tout le monde, on est aussi un journal citoyen avec des valeurs, c'est-àdire que l’on sait donner notre opinion sur des sujets extrêmes comme par exemple le fait que
Le Pen ait été au 2ème tour aux élections présidentielles, mais globalement, on donne des
chiffres, des faits, on observe, on rapporte et on laisse au lecteur son libre arbitre. C’est du
journalisme factuel, un journal grand public et populaire ».
Il faut aussi remarquer qu’il n’y a pas non plus d’ « édito » en début de publication à la
façon des autres journaux. Ceci permet de toucher le public le plus large possible. Cette
conception de l’information peut être illustrée par les propos tenus par Pierre-Jean Bozo, le
président de 20 Minutes France, devant le groupe de travail du Sénat sur la crise de la
presse32 : « nous faisons du « hard news », c'est-à-dire des faits sans commentaires, avec une
information brute, des chiffres, des faits et un visuel. Nous ne prenons pas position
politiquement, nous laissons le lecteur se forger son opinion à partir des faits ». Même si la
neutralité est de mise, on sait par ailleurs que l’objectivité journalistique est un leurre, une
utopie, car ne serait-ce que dans le choix des sujets et la mise en valeur de tel ou tel angle, le
31
Yvon Mézou est directeur de la rédaction de 20 Minutes depuis le 27 juillet 2009. Il a commencé son
parcours journalistique en 1977 par une dizaine d’année de reportage, desk, infirmation régionale informations
internationales, courses hippiques, etc. avant de gérer un département géographique dans un quotidien régional
puis d’être rédacteur en chef d’un quotidien Bourguignon. Il a ensuite été rédacteur en chef du quotidien
Aujourd’hui en France.
32
Ibid
26
journaliste ne peut s’affranchir de sa subjectivité. Par ailleurs, si cette neutralité est
revendiquée, on peut se demander si c’est une bonne chose ou s’il ne vaut pas mieux avoir
une presse pluraliste d’opinions et politiquement identifiable pour justement mettre en
perspective différentes idées et les opposer ainsi dans un débat public constructif.
D’autre part, la cible visée par les journaux gratuits, dont nous parlions plus haut, est
jeune, citadine et active. C’est pour cela que les exemplaires sont majoritairement distribués
dans les transports en commun et dans les campus universitaires. Ce mode de distribution
n’est pas sans poser de problème et est révélateur des nouvelles habitudes des
consommateurs. Les individus se déplacent moins et attendent de plus en plus passivement
d’avoir accès gratuitement à l’information. Que ce soit sous la forme des gratuits, par Internet,
ou par la télévision, les coûts engendrés par le déplacement sont moindres voire nuls. Ceci
induit une forte concurrence pour les journaux distribués en kiosque. En effet, en interrogeant
un passant qui prend le 20 Minutes à la sortie du Métro, on retrouve une réponse qui justifie
cette affirmation. Nicolas, étudiant en troisième année de Licence de Génie Civil, n’achète
pas le journal car il n’en a « pas le temps ». Ce mode et ce circuit de distribution mettent
également les titres payants en difficulté car les horaires sont adaptés aux habitudes des
lecteurs : le matin dans les transports, cela les informe tout en les occupant. On peut encore
citer Nicolas, selon qui « Avec le 20 Minutes, c’est mieux parce qu’on le lit quand on n’a rien
d’autre à faire, en pause, dans les transports, ça n’empiète pas sur le temps qu’on passe avec
nos proches ».
Dans son rapport sur la crise de la presse, le Sénat émet à ce propos des suggestions
intéressantes. Selon le groupe de travail, la crise de la presse serait en fait « une crise du
contenu » et il serait dès lors nécessaire d’opérer « une véritable réflexion en matière
éditoriale afin que les titres éveillent à nouveau chez le lecteur potentiel l’envie d’acheter ».
La commission sénatoriale propose donc entre autres de « renouveler l’offre éditoriale afin de
rompre avec le catastrophisme, l’élitisme, la partialité voire l’impersonnalité trop souvent
reprochés aux quotidiens français ».
Par ailleurs, le « crédit temps » à consacrer à la presse, selon l’expression d’Anne
Baret33, est aujourd’hui très limité, d’autant plus que la lecture est une activité exclusive qui
impose une grande attention et une certaine concentration. Il s’agit donc de capter un lecteur
33
« L’impact de la presse gratuite : nouvelle donne économique et changement sociologique ? », Anne
Baret, p.61
27
qui n’a pas beaucoup de temps pour lire et dont la culture évolue vers un zapping et une
véritable consommation d’information dans un laps de temps très réduit. Or, la presse gratuite
s’adresse en particulier aux individus pendant leur temps de transport, moment inexploité par
les médias si ce n’est par la radio dans certains types de transport et propose un panorama
d’information. La presse payante, impose quant à elle un temps de lecture conséquent, mal
adapté pour la plupart des individus. Anne Baret explique ainsi que l’ « un des problèmes de
la presse en général est l’évolution des comportements avec le phénomène de zapping : la
population peut consulter différents médias, à n’importe quel moment de la journée, et
préfère prendre l’essentiel, et approfondir les point qui l’intéressent, notamment en ce qui
concerne les informations »34.
C) U NE CONCURRENCE DELOYALE ?
Les gratuits sont assez mal vus et beaucoup de journalistes estiment qu’ils instaurent
une difficile concurrence sur le marché de la presse écrite, en témoignent les remarques de
Sylviane Beaudois et de Yann Bouffin. Pour la première, « l’arrivée de la presse gratuite a
été perçue comme une menace. On comprend mal la position des pouvoir publics, parce
qu’au niveau des journaux papier, on a laissé faire un dumping hallucinant. Les gratuits sont
distribués à la sortie du métro ou même devant des kiosques à journaux. C’est comme si
quelqu’un se postait devant un magasin et donnait les produits que l’autre vend, c’est
inacceptable ! C’est de la concurrence illégale. Or, les patrons de presse sont restés
immobiles par rapport à ça et beaucoup impriment les gratuits. » Selon le second, « la presse
écrite payante […] a été confronté à un phénomène unique dans les lois de marché, c’est que
un jour nous nous sommes retrouvés face à des journaux qui étaient gratuits. C’est comme si
vous vendiez des salades et que un jour quelqu’un les offre à l’étal d’à côté, donc voilà… »
Ces deux personnes estiment donc que les titres payants sont en concurrence avec les gratuits
du point de vue du lectorat. Mais est-ce vraiment le cas ? Peut-on substituer la lecture du
Monde, du Figaro, de Libération ou encore de La Dépêche du Midi avec la lecture de 20
Minutes ou de Métro ?
Pour trancher cette question, on peut s’appuyer sur l’ouvrage d’Anne Baret,
« L’impact
de
la
presse
gratuite :
nouvelle
donne
économique
et
changement
34
« L’impact de la presse gratuite : nouvelle donne économique et changement sociologique ? », Anne
Baret, p.98-99
28
sociologique ? ». Selon elle, il n’y a pas de substitution. Voici comment elle représente
schématiquement les deux types de presse35 :
Presse gratuite
Presse payante
Gratuité
Prix élevé (notamment pour les quotidiens)
Ecriture neutre (les gratuits font des études pour
Ecriture avec prise de position, opinion
s’assurer de leur neutralité)
Articles courts, brèves, compacité
Articles longs
Découpage d’un article en plusieurs sous-articles Grands articles (un sujet est souvent traité en une
(6 ou 7 sur un sujet) pour être plus accessible)
partie ou deux)
Pas de commentaires
Commentaires
Va chercher le lecteur, met le titre dans la main
Démarche volontaire du lecteur
Ainsi, Anne Baret souligne qu’il n’y a « pas de substitution possible » entre
« l’information brute, basique » et « l’analyse de l’actualité »36. Cela est d’ailleurs souligné
par les personnes interviewées. Concernant le contenu rédactionnel, Hélène Ménal et Béatrice
Colin37 ont le sentiment de donner « la même info que Libé et Le Monde en beaucoup plus
synthétique et avec moins d'analyse », ce qui revient à dire que l’information brute, phare,
donnée est identique. Elles pensent concurrencer seulement La Dépêche du Midi, mais « à la
marge », car les moyens de cette dernière entreprise de presse sont largement supérieurs aux
leurs. Elles rajoutent également qu’on « ne va pas renoncer à Libé parce qu'on lit 20
Minutes » et considèrent donc ne pas être responsables de la crise de la presse payante et ne
pas « piquer » des lecteurs aux titres payants. Les autres journalistes de presse payante
interrogés (Sylviane Beaudois, Yan Bouffin, Emmanuel Haillot) s’accordent aussi pour dire
que le contenu des gratuits est différent, même s’ils considèrent 20 Minutes comme un
concurrent. Yann Bouffin affirme que lors de la sortie de 20 Minutes, La Dépêche du Midi a
perdu 2% de son lectorat, puis que le nombre de lecteurs est finalement remonté, le gratuit n’a
donc pas eu, à Toulouse, de répercution importante sur le principal quotidien payant régional.
Le produit est donc différent. 20 Minutes et La Dépêche du Midi par exemple ne proposent
pas le même contenu, et les individus qui ne lisent que 20 Minutes n’auraient pour la plupart
pas acheté un autre quotidien si le gratuit ne leur avait pas été distribué.
35
« L’impact de la presse gratuite : nouvelle donne économique et changement sociologique ? », Anne
Baret, p.45
36
37
Ibid
Entretien disponible en annexe p. IV
29
Par ailleurs, Sylviane Beaudois et Yann Bouffin estiment également que la gratuité
modifie le comportement des lecteurs. Yann Bouffin s’indigne : « Alors, après qu’est-ce que
ça (les gratuits) a eu comme conséquences ? D’abord d’habituer le public à se dire que
finalement, l’info était gratuite, l’Internet est venu parachever cette sensation, c’est
dramatique pour le modèle économique de la presse écrite, c’est entre autres un facteur
aggravant de la crise de la presse écrite qui était déjà en crise avant l’apparition des
gratuits ». Sylviane Beaudois ajoute que la gratuité « dévalorise l’information ». Cependant,
on peut par exemple se demander si l’individu, lorsqu’il écoute la radio, regarde les chaînes
publiques, ou navigue sur le web, a conscience de payer pour cela. D’un autre côté, les
chaînes de télévision privées ne sont-elles pas basées sur le même modèle que les journaux
gratuits ? C'est-à-dire composé de sociétés cotées en bourses et financées par les recettes
publicitaires ?
Néanmoins, comme nous l’avons vu, la désaffection du public pour la presse payante
ne date pas de l’apparition des gratuits et la situation est très différente dans d’autres pays. Les
problèmes rencontrés par la presse écrite payante pourraient par contre être imputés à la
presse gratuite dans le sens où cette dernière pourrait participer à la fuite des recettes
publicitaires au vu du nombre de publicités contenues dans leurs pages ainsi que de
l’attractivité pour les annonceurs en termes de lectorat.
Ci –après, un graphique disponible sur le site de 20 Minutes Médias permet d’analyser
de plus près le tarif des publicités pratiqué par différents titres de presse.
30
38
20 Minutes s’affiche donc expressément comme le « 4ème titre le moins cher de la
presse quotidienne » (sans mentionner ni ses sources, ni le premier titre le moins cher). En
recherchant les tarifs des publicités commerciales sur Internet, on retrouve les valeurs
suivantes : 117 000€ la pleine page de publicité commerciale nationale dans le 20 Minutes
(janvier 2010) contre 105 000€ en moyenne pour une page pleine dans Le Monde (janvier
2010), et 31 073€ (avril 2010) en moyenne pour une page pleine toutes éditions dans La
Dépêche du Midi. Ramenés à l’audience, 2 745 000 lecteurs pour 20 Minutes, 1 790 000 pour
Le Monde39, et 757 000 pour La Dépêche du Midi40, les tarifs de 20 Minutes sont en effet les
moins chers. En ce sens, on peut donc considérer que du côté de la vente d’espaces
publicitaires, 20 Minutes peut constituer un concurrent pour les titres payants car, d’une
certaine manière, tout nouvel entrant est un danger potentiel pour le devenir d’un autre titre
puisqu’il risque de prendre des parts de marché et donc du chiffre d’affaires. Marc Dubois,
directeur de la publicité à La Dépêche du Midi affirme néanmoins qu’il n’y eu aucune baisse
du tarif des publicités en septembre 2004, lors de l’arrivée de 20 Minutes Toulouse sur le
marché.
38
Voir
site
Internet
20
media.com/pdf/2009/20Minlesincontournables0909.pdf
39
Etude Epic 08/09
40
Etude Epic cumulée 07/09
Minutes
Média :
http://www.20minutes-
31
Force est de constater que la nature des publicités dans les journaux gratuits
d’information diffère de celle des journaux payants. Anne Baret 41 explique ainsi que cette
concurrence du point de vue des revenus publicitaires est à nuancer. Selon elle, « bien que
l’apparition d’une presse gratuite s’appuyant à 100% sur les recettes publicitaires semble
mettre en péril la santé de certains titres, ou du moins semble prendre des parts de marché
publicitaire, cette concurrence n’est valable que pour le marché national et parisien », car les
annonceurs nationaux et internationaux représentent 90% du chiffre d’affaires des gratuits.
Par ailleurs, les gratuits « cherchent à attirer des budgets publicitaires différents, plus
proches de la radio ou de l’affichage »42, ou de la publicité événementielle (distribution
d’échantillons). De plus, « la nouveauté autorisée par ce type de support est de proposer des
formats de publicité originaux avec notamment la couverture comme page publicitaire. Ce
genre de format que ne se permet pas la presse payante a convaincu des annonceurs qui
déplacent leur budget affichage ou créent un budget spécifique. »43 Cela permet de
comprendre que les gratuits ne concurrencent pas la presse locale et régionale du point de vue
des recettes publicitaires et ne sont pas non plus des concurrents directs des titres payants, pas
plus que les autres médias (affichage, Internet, TV, radio, cinéma) qui engrangent une grande
partie des recettes.
Comme précisé ci-dessus, et en accord avec différents experts du secteur, l’apparition
des gratuits n’est pas l’explication de la crise de la presse dans notre pays. 53% des
journalistes pensent d’ailleurs que l’apparition des gratuits représente une chance dans
l’évolution de leur métier44. D’autres Etats ne vivent pas cette crise alors que les gratuits y
sont distribués depuis longtemps (comme en Norvège, par exemple). Par ailleurs, les gratuits
ont montré qu’une nouvelle approche éditoriale pouvait séduire un lectorat en voie de
disparition, en utilisant des techniques marketings auparavant réprouvées et en identifiant
clairement la cible visée. Ce concept a permis d’attirer vers le média écrit des individus qui
n’avaient auparavant jamais ouvert un journal, bien que le contenu d’un gratuit soit à
plusieurs égards bien différent de celui des payants. En ce sens, 20 Minutes se targue d’avoir
l’exclusivité sur la majeure partie de ses lecteurs. On trouve en effet sur le site 20 Minutes
Médias la formulation suivante : « 20 Minutes reste le titre de presse quotidienne qui
41
« L’impact de la presse gratuite : nouvelle donne économique et changement sociologique ? », Anne
Baret, p. 43 et 44
42
Ibid
43
Ibid
44
Baromètre CSA/Les assises du journalisme, « Le moral et le jugement des journalistes sur leur métier
et leur profession », février 2007
32
rassemble le plus de lecteurs exclusifs. 1 531 000 lecteurs de 20 Minutes ne lisent pas la
presse quotidienne payante, soit 7 lecteurs sur 10 »45 (par contre, nous l’avons constaté dans
notre enquête de lectorat réalisée à Toulouse, plus de 80% des personnes interrogées lisent
aussi Métro). Dans une certaine mesure, les quotidiens gratuits permettent à tous d’avoir accès
à l’information. Certains pensent que la lecture du 20 Minutes peut constituer un tremplin vers
la lecture d’autres titres d’information pour approfondir un thème particulier ou que les
lecteurs du gratuit se tourneront à terme vers des titres proposant une information plus
complète, moins édulcorée.
.
45
Voir 20 Minutes Média : http://www.20minutes-media.com/spip.php?rubrique7
33
CHAPITRE 2
L ES EFFETS STRUCTURELS DU SYSTEME
ECONOMIQUE DE LA PRESSE GRATUITE
Il existe certaines particularités inhérentes à la gratuité du journal 20 Minutes.
L’équipe rédactionnelle reste réduite, comparée à celles des quotidiens régionaux payants, les
articles sont moins nombreux et plus courts, la forme étant en grande partie déterminée, non
par la nature des encarts publicitaires, mais par la place qu’ils prennent dans les pages
réservées à l’actualité. Il s’agit donc, dans cette partie, de voir en quoi le journal reste
différent de ses homologues payants.
34
I)
L E MODELE ECONOMIQUE
Le fait que le journal 20 Minutes soit gratuitement distribué introduit forcément une
différence importante par rapport à d’autres journaux payants. En effet, se pose la question
des modes de financement, si le lecteur ne paie pas le produit, c’est donc que la publicité est
sa seule source de financement.
Il est donc à ce stade nécessaire de faire le point sur le modèle économique de la
presse payante pour mieux comprendre le fonctionnement des titres de presse écrite,
notamment de 20 Minutes.
A) L E MODELE ECONOMIQUE DE LA PRESSE ECRITE
Le modèle économique de la presse écrite obéit à deux caractéristiques essentielles.
Elles correspondent d’une part aux spécificités du produit de presse et d’autre part à son mode
de financement.
En effet, un journal ou un magazine est vendu deux fois : le contenu médiatique
(articles, rubriquage, photographies, maquette) est vendu aux lecteurs, et le contenu
publicitaire est vendu aux annonceurs. Les encarts publicitaires que l’on trouve dans la presse
sont issus d’un contrat de vente entre les éditeurs et les annonceurs qui désirent faire la
promotion de leurs biens et/ou services auprès de consommateurs potentiels lecteurs du titre
en question. Comme rappelé plus haut, exception faite des rares journaux dont les recettes
proviennent uniquement de la vente aux lecteurs et des dons que ces derniers font à la société
éditrice (Charlie Hebdo, le Canard Enchaîné, etc.), et des journaux gratuits, une publication de
presse est donc vendue deux fois.
Les travaux de Jean Gabszewicz46, Natalie Sonnac47 et Jérôme Vicente48, permettent
de mieux comprendre ce type de marché, appelé en sciences économiques le « two-sided
market ». C’est donc un marché dual qui met en relation deux opérateurs distincts par le biais
d’un intermédiaire commun : la plate-forme. L’intermédiaire offre donc un bien et/ou service
à deux demandeurs. Dans le cas de la presse, cette plate-forme correspond au support média,
46
« L’industrie des médias », Jean Gabszewicz et Natalie Sonnac, 2006
« Economie de la presse », Natalie Sonnac et Patrick Le Floch, 2000
48
Cours sur l’économie de la connaissance à Sciences-Po Toulouse, 2009
47
35
qui met en relation des annonceurs et des lecteurs. C’est le même cas dans une agence
immobilière qui met en relation un vendeur ou un loueur avec un acheteur ou un locataire.
Dans le cas d’un « two-sided market », les demandes des opérateurs sont interdépendantes,
c'est-à-dire que le bien ou service n’offrira d’intérêt pour l’un que s’il est utilisé par l’autre, et
réciproquement.
Ces interactions sont sources d’effets de réseau. On parle d’effet de réseau simple
lorsque la satisfaction des consommateurs qui achètent le bien vendu dépend du nombre
d’individus qui le consomment aussi. Par exemple, si j’utilise un téléphone portable, ma
satisfaction liée à cette utilisation augmente avec le nombre de consommateurs de cette même
technologie, parce que je peux communiquer avec un nombre d’individus de plus en plus
important. Dans le cas de la presse écrite, il existe un effet de réseau croisé : « la satisfaction
d’un consommateur pour un bien vendu sur un marché dépend de la taille de la demande
pour un autre bien sur un marché différent et vice-versa »49. En fait, le marché de la presse
peut être considéré comme un ensemble de plateformes (qui correspondent aux différents
supports de presse) où coexistent des effets de réseau croisés entre médias et annonceurs d’un
côté et entre médias et consommateurs d’un autre côté (voir schéma suivant50).
Marché de médias
(prix du titre)
Editeurs
Marché publicitaire
(prix de l’encart)
Lecteurs
Annonceurs
L’utilité dépend du contenu
médiatique et du volume
publicitaire
L’utilité dépend de la taille du
lectorat et de la cible
Le two sided market
Il est aisé de comprendre que l’intérêt du lecteur dépend du contenu du média, c'est-àdire du type et de la qualité des articles, des informations, de l’originalité, etc. Mais sa
satisfaction dépend aussi du volume de publicité contenu dans les pages du titre qu’il
feuillette. Pour les titres de PQR par exemple, l’effet peut être positif dans le cas où la
publicité fournit des informations utiles, notamment avec les petites annonces ou les
49
50
« Economie de la presse », Natalie Sonnac et Patrick Le Floch, 2000, page 26
Ibid. page 27
36
informations judiciaires. D’un autre côté s’il y a trop d’encarts publicitaires dans un magazine
à notre goût, et que nous sommes particulièrement hostiles à la publicité, nous pouvons
choisir de fuir la publication.
Finalement, si la publicité est approuvée, une augmentation de son volume peut
conduire à une augmentation du nombre de lecteurs mais si elle est désapprouvée, elle peut
conduire à une baisse du nombre de lecteurs et donc à une diminution des recettes
publicitaires.
Par ailleurs, le fait que le journal soit vendu deux fois a pour conséquence qu’il peut
être vendu à un prix inférieur à son coût de production, puisque la publicité peut combler la
part de financement manquante. Si bien que « la publicité compense la perte supportée par la
vente d’information »51. On peut ici utilement citer Girardin qui, dès 1836, écrivait à propos
de son journal « tandis que l’abonnement doit payer le papier, l’impression et la distribution,
la publicité paiera la rédaction et l’administration et fournira le bénéfice du journal ».
L’évolution du journal Le Monde peut venir illustrer ces propos. En 1969, son prix de
vente couvrait 94% des couts de productions, tandis qu’en 2002, il n’en couvrait plus que
75%, le reste étant pris en charge par la publicité. Le choix de l’éditeur de privilégier l’un ou
l’autre des modes de financement aura un impact à la fois sur l’équilibre du journal et sur les
stratégies éditoriales. Ainsi, l’augmentation du volume de publicité peut permettre une baisse
du prix de vente et une augmentation de l’audience. Parallèlement, un prix de vente inférieur
au coût de production peut s’avérer fatal à une publication si le nombre de lecteurs est trop
élevé.
Enfin, à l’arbitrage en termes de modes de financements, on doit également rajouter le
mode de fonctionnement en termes d’économies d’échelles. Les titres de PQR et de PQN
réalisent d’énormes économies en investissant dans des rotatives, en vendant plusieurs
éditions départementales avec certains contenus similaires, en éditant des suppléments ou
toutes autres sortes de contenus permettant de rentabiliser l’achat des machines.
51
Ibid. page 29
37
B) L E MODELE ECONOMIQUE DE LA PRESSE GRATUITE
D ’ INFORMATION
A défaut d’économies d’échelle liées à l’acquisition d’une rotative, les gratuits
réalisent des économies par d’autres moyens et financent leur publication différemment des
titres payants.
Economiquement parlant, la presse gratuite d’information se rapproche d’un bien
public pur : un bien indivisible et non excluable. En effet, à la différence des titres de presse
écrite, personne ne peut être exclu de sa consommation en raison de son prix, puisqu’il est
nul. Cela rapproche la presse gratuite d’information de la télévision ou de la radio pour
lesquels les individus ne paient pas une émission en particulier et n’ont pas l’impression de
payer pour le service en question. Ce principe de non exclusion atteint tout de même ses
limites puisque les services marketing des quotidiens gratuits choisissent par avance leur
cible, les lieux et horaires de distribution, si bien qu’il peut être difficile pour quelqu’un qui
habite le Gers d’avoir accès à ce journal sans avoir par exemple accès à Internet. Par ailleurs,
comme le tirage est limité, il existe là aussi une certaine rivalité entre les consommateurs.
Cependant, quoi qu’il en soit, la caractéristique des journaux gratuits du point de vue
économique, c’est qu’ils ne sont vendus qu’une seule fois. Cela ne change pas pour autant le
principe du two-sided market défini plus haut, puisque « l’utilité pour un annonceur dépend
de la taille du lectorat, et l’utilité des lecteurs dépend du contenu médiatique du titre et du
volume publicitaire »52. Même s’il n’y a pas de relation marchande entre le lecteur et
l’éditeur, on ne change donc pas le schéma général qui repose sur le principe d’externalité et
de réseau croisé.
La vente d’espaces publicitaires aux annonceurs est donc fonction de la cible du
journal et réciproquement. On trouve donc par exemple comme précisé précédemment sur le
site Internet de 20 Minutes Médias le type de cible que le journal veut mettre en exergue pour
attirer les publicitaires.
52
Ibid. page 32
38
Extrait du site Internet 20 Minutes Média, onglet Audience53
Il est étonnant de constater que Le Monde et 20 Minutes mettent en valeur les mêmes
cibles et se prévalent donc d’un lectorat assez similaire. Ainsi, sur le site Le Monde Pub, on
trouve ce type de présentation Power Point à destination des annonceurs :
53
http://www.20minutes-media.com/spip.php?rubrique7
39
Extraits du site Le Monde Pub, onglet Etudes54
Alors que 20 Minutes « talonne » Le Monde pour les lecteurs « premium », c’est Le
Monde qui « talonne les gratuits sur la cible CSP+ ». Rappelons tout de même que si la
comparaison avec Le Monde prend du sens pour expliquer le fonctionnement de la vente
d’espaces publicitaires, il ne faut pas pour autant perdre de vue que les deux titres ne sont pas
en concurrence du point de vue des lecteurs. Même si leurs cibles en viennent à se recouper,
un lecteur assidu du Monde ne changera pas de journal pour 20 Minutes, pour la simple raison
que le type d’information est différent et que leur traitement n’est pas effectué de la même
façon. Si les cibles marketing mises en avant pas les deux titres sont assez similaires, c’est
tout d’abord parce qu’elles sont urbaines, et donc potentiellement touchées par la distribution
du 20 Minutes, qui fournit aussi une information locale.
Du point de vue de la publicité, 20 Minutes et Le Monde se considèrent donc comme
concurrents, même s’ils ne le sont pas vraiment du point de vue des annonceurs, et mettent en
valeur les tarifs pratiqués pour leurs supports.
54
http://www.mondepub.fr/etudes.php
40
II)
D ES CONTRAINTES EN TERMES DE CONTENU ET
D ’ ORGANISATION
Les routines de travail assimilées par les journalistes du 20 Minutes sont identiques
sinon très proches de celles intégrées par le personnel d’autres titres payants. Cependant, le
fonctionnement des rédactions reste différent, en témoigne par exemple le coût de production
d’un exemplaire de journal en 2002 : avec 1,60€, ce coût est six fois plus élevé au Monde qu’à
20 Minutes avec 0,24€55. Le format du journal, son caractère gratuit, le nombre restreint de
salariés dans l’entreprise, impliquent donc forcément un contenu différent de celui des
journaux payants.
Outre la place importante dédiée aux informations « people », aux pages de loisirs
contenant l’horoscope et les mots fléchés, que l’on retrouve beaucoup dans la presse gratuite,
un peu moins dans la presse payante, nous nous intéresserons ici davantage aux aspects ayant
un rapport avec la rédaction toulousaine.
A) U N
FORMAT
REDUIT
POUR
UNE
EQUIPE
REDACTIONNELLE RESTREINTE
On reproche généralement à la presse gratuite sa légèreté, ses lacunes, son manque
d’analyse et ses choix éditoriaux tournés vers une logique commerciale. Il est certain que le
format de 20 Minutes est différent de celui de la plupart des quotidiens payants : c’est un
format réduit qui n’est habituellement pas utilisé par la presse quotidienne.
Les illustrations ci-dessous sont parlantes : La surface du Monde est deux fois
supérieure à celle du 20 Minutes. Le premier quotidien mesure 47 x 32 centimètres (format
berlinois) pour une trentaine de pages en moyenne alors que le second mesure 32 x 23,5
centimètres (format demi-berlinois) pour une vingtaine de pages en moyenne. En raison du
nombre de pages de chacun des deux quotidiens, la surface du Monde est trois fois plus
importante que celle du 20 Minutes.
55
« Economie de la presse », Natalie Sonnac et Patrick Le Floch, 2000, page 30
41
C’est tout d’abord un choix éditorial, la cible du journal est pressée, active. Les
lecteurs doivent pouvoir le lire facilement le matin dans les transports en commun. Or, selon
un sondage TNS/Sofres publié en juin 2007, les Français passent en moyenne 43 minutes par
jour dans les trains, les bus, les métros et les tramways. Par ailleurs, diverses études ont pu
constater que la durée moyenne de lecture d’un quotidien régional est de 25 minutes. Le
format est donc tributaire de la politique éditoriale et du lectorat qui est visé : un format court
pour des lecteurs qui n’ont pas le temps de lire un journal lourd. Dans cette même optique, le
20 Minutes est agrafé, pour pouvoir être lu plus facilement. Il faut également remarquer que
ce quotidien cesse de paraître le weekend et pendant les vacances scolaires d’été et de Noël.
Ceci est encore une marque de la gratuité puisque les annonceurs n’ont aucun intérêt à investir
42
si le lectorat du journal ne peut pas le réceptionner en allant travailler. On peut considérer que
l’on atteint là la limite entre la mission d’information décrite dans la charte de déontologie et
l’impératif de rentabilité fixé par les actionnaires.
Ce format est aussi la marque de la gratuité de 20 Minutes. Le journal n’est pas
financé par la vente en kiosque ou par les abonnements mais par la vente d’espaces
publicitaires. Pour obtenir une rentabilité maximale, la Direction emploie donc une équipe
rédactionnelle réduite (deux personnes pour les 3 pages Toulouse et au total 85 journalistes)
qui ne pourrait assumer à elle seule le travail réalisé par les journalistes du Monde, par
exemple, qui sont beaucoup plus nombreux (275). La comparaison prend également son sens
avec La Dépêche du Midi où travaillent 40 journalistes et des centaines de correspondants. La
stratégie marketing déployée par 20 Minutes a porté ses fruits puisque le quotidien gratuit a
été rentable pour la première fois de son histoire en 2007 avec un excédent brut d’exploitation
de 0,4 millions d’euros selon Pierre-Jean Bozo56.
Par ailleurs, cette recherche de rentabilité se traduit aussi par le profil généraliste des
journalistes employés. Ils ne sont effectivement pas spécialistes de chroniques judiciaire,
sociale ou économique mais sont susceptibles de traiter n’importe quel sujet qui rentre dans le
cadre de la têtière de page dont ils ont la charge. Cela ne signifie pas que chacun n’a pas son
domaine de prédilection. Celui qui suit habituellement l’actualité d’une entreprise ou un
certain dossier judiciaire en assurera généralement la couverture lorsque l’actualité le permet.
Bien que le format du journal 20 Minutes soit plus réduit, il est faux d’opposer presse
payante et presse gratuite en invoquant l’argument du nombre d’articles contenus dans ces
deux types de journaux. En effet, bien plus que le nombre d’articles, c’est la surface moyenne
des informations qui permet de faire apparaître une différence entre Le Monde ou La Dépêche
du Midi par exemple et 20 Minutes ou Métro.
Les auteurs du « Défi des quotidiens gratuits » ont réalisé une étude au Québec sur ce
point. Même si cette enquête n’a pas été réalisée en France et ne traite pas du journal 20
Minutes, elle est révélatrice de la tendance de la presse gratuite : les articles sont plus courts
que dans la presse payante.
56
Article des Echos du 30 janvier 2008
43
Ci-dessous, un tableau57 permet donc de rendre compte de cette différence entre Métro
et d’autres quotidiens québécois payants.
Journal
Surface moyenne d’une
Format
information (en cm2)
Métro
61
Tabloïd
Le Journal de Montréal
166
Tabloïd
Le Monde
197
Berlinois
Le Devoir
249
Grand format
La Presse
380
Grand format
Il existe aussi un « style » 20 Minutes. En effet, les articles sont relativement courts,
les papiers sont compris entre 400 pour le plus petit, et 2100 signes pour le plus long.
L’écriture fait appel à des qualités de concision et de synthèse pour aller directement à
l’information la plus importante sans élaguer le propos. Dans cette optique, il n’y a pas de
place pour les articles orientés politiquement, le quotidien se veut neutre et le revendique car
le public visé est très large. Encore une fois, il est nécessaire de préciser qu’un journal ne peut
être neutre ou objectif car le choix de traitement de tel ou tel sujet ainsi que l’angle utilisé est
déjà porteur de la subjectivité de l’agent à l’origine de ces choix.
D’autre part, le temps imparti aux journalistes pour rédiger leurs papiers
(habituellement une journée pour remplir deux pages et demie, parfois sans publicité), ne leur
permet généralement pas de mener des enquêtes poussées. Les journalistes titulaires n’ont
donc pas vraiment la possibilité de se livrer à cet exercice journalistique. Habituellement, ce
sont des pigistes qui sont chargés de faire ce travail.
Un des reproches fait aux journaux gratuits est également le manque d’analyse dans
les articles. Il est vrai que, la place manquant, il n’est pas demandé aux journalistes d’écrire
un article poussé qui comprendrait une analyse fine de tous les points de l’actualité comme
cela peut se faire dans Le Monde par exemple ou dans les rubriques « dossier » des quotidiens
payants. Plus que dans la presse payante, les journalistes de 20 Minutes doivent donc
s’habituer à faire une sélection parfois draconienne de l’information qu’ils souhaitent traiter.
57
« Le défi des quotidiens gratuits », page 92
44
Cela est d’ailleurs parfois « un peu frustrant », confie Hélène Ménal58 qui trouve également
des bons côtés à cette exercice de synthèse : « ça oblige à angler, parfois c'est bien pour le
lecteur et ça permet de se distinguer dans le traitement d'une info » .Mais cela ne signifie pas
non plus faire l’impasse sur des pans importants du sujet en question, il s’agit en effet
seulement de bien choisir l’angle du papier, préalable à tout travail journalistique. Parfois, les
journalistes de 20 Minutes ont la possibilité d’écrire des articles longs qui contiennent des
analyses mais ils ne sont publiés que sur le site Internet du journal (pas de limite physique au
nombre de caractères).
Outre le fait que l’équipe rédactionnelle soit réduite, l’organisation de 20 Minutes
reflète aussi la gratuité du journal. En effet, la rédaction est très décentralisée, comme précisé
en introduction et la rédaction en chef est basée à Paris. Cela induit une certaine autonomie
dans le travail des journalistes mais leur impose également parfois de se plier à des
injonctions très éloignées de leur quotidien. Le travail des journalistes de 20 Minutes est donc
en ce sens différent de celui de ceux de La Dépêche du Midi par exemple. Comme indiqué
dans l’introduction, le menu réalisé par les journalistes du 20 Minutes Toulouse doit être
validé par une personne de la rédaction en chef parisienne, qui peut aussi l’invalider
partiellement et imposer des sujets (très rarement, généralement, l’imposition des sujets se fait
si du point de vue national une actualité est traitée et que la rédaction en chef souhaite avoir
un écho dans toutes les éditions régionales). L’organisation est différente à La Dépêche du
Midi. Yann Bouffin59, rédacteur en chef, explique : « Moi j’ai 10 départements, je valide mais
le boulot n’est pas le même, c’est à dire que les journalistes viennent avec des sujets qu’on
valide ou pas mais d’une manière générale, c’est surtout que je ne valide pas, vous voyez ce
que je veux dire. C’est que s’il y a un sujet qui ne me plait pas ou que je trouve mal foutu, ou
que je ne sens pas, je le dis mais sinon, d’une manière générale, je valide de manière tacite
alors que dans ces rédactions là, ce n’est pas comme ça. Quand il y avait Fillou qui était à 20
Minutes, je le connaissais bien parce que nous avons a travaillé à Libé ensemble, lui et ses
adjoints regardaient tout. Ils validaient tous les sujets y compris ceux de la province, même
s’il n’y avait pas Toulouse, il y avait Lyon, Marseille, je crois, ils validaient tout, les
journalistes proposent des sujets mais tout est validé, ce n’est pas du tout le type de rapport
que nous avons ici. Par exemple, si vous prenez quelque chose comme M6 et le Six Minutes,
[…] à l’époque quand ils ont développé ces stratégies là dans les villes, […] chaque bureau
58
59
Voir l’entretien avec Béatrice Colin et Hélène Ménal en annexe p. IV
Voir entretien en annexes p. XIII
45
avait son rédacteur en chef. Et lui validait le contenu de son Six Minutes et n’en rendait pas
compte à Paris. S’il y avait des problèmes, c’était lui qui rendait des comptes. Alors qu’eux
ne bossent pas comme ça, il n’y a pas de délégation, pas de rédacteur en chef, c’est Paris qui
valide, donc c’est en cela que c’est un boulot sans doute un peu particulier, parce que c’est
quand même… Ils sont certes sur le terrain mais tout est validé à Paris, ce ne sont pas eux qui
valident ». Par soucis de rentabilité, l’organisation est donc bien différente puisqu’il n’existe
pas de responsable de département ou de locale par exemple, la personne qui gère toutes les
locales est le rédacteur en chef adjoint en charge des éditions locales et régionales. Ce
rédacteur en chef adjoint a pour charge de prendre connaissance de tous les sujets que les 24
journalistes locaux ont proposés puis de les présenter au directeur de la rédaction (qui assume
aussi la fonction de rédacteur en chef), en conférence de rédaction tous les matins. Le
directeur de la rédaction valide ou invalide tous les sujets et prend contact, soit lui-même, soit
par l’intermédiaire du rédacteur en chef adjoint, avec les journalistes locaux pour expliquer
leurs choix s’il y a un souci au sujet d’un article.
Ce type d’organisation de la rédaction, tant au niveau de l’imposition de formats
courts, de la charge de travail, de la décentralisation et de l’absence de hiérarchie au niveau
local fait de 20 Minutes une entreprise peu enviable du point de vue des journalistes de
quotidiens payants interrogés.
B) L A PLACE DE LA PUBLICITE
La part de la publicité est la marque la plus forte de la gratuité du journal. En effet,
nous l’avons vu, 20 Minutes est financé à 100% par les recettes publicitaires. Cela a pour
conséquence qu’un fort pourcentage de la surface du journal est occupé par les encarts de
publicité. Dès lors, on peut se demander à juste titre si cette omniprésence publicitaire a pour
pendant une orientation des sujets traités par des intérêts privés.
Tout d’abord, ce qui frappe lorsque l’on ouvre le quotidien 20 Minutes, c’est la
quantité de pages de publicité qu’il contient. Une comparaison entre le ratio
rédactionnel/publicité dans le journal 20 Minutes puis dans Le Monde et La Dépêche du Midi
peut venir utilement illustrer le propos.
46
En additionnant les fractions de pages dédiées à la publicité, au contenu journalistique
(articles et illustrations), aux jeux, météo, bourse et autres annonces dans chacun des trois
quotidiens sur quatre jours, du 27 au 30 avril 2009, on obtient les chiffres suivants :
-
20 Minutes : 11,83 pages de publicité par journal de 28 pages en moyenne
-
Le Monde : 4,67 pages de publicité par journal de 32 pages en moyenne
-
La Dépêche du Midi : 5,2 pages de publicité par journal de 43 pages en moyenne
Ci-après, le résultat graphique exprime cette différence en pourcentage avec prise en
compte de tout ce qui ne constitue pas du contenu journalistique à proprement parler.
Contenu journalistique, publicité et divers dans 20 Minutes Toulouse du 27
au 30 avril 2009
Publicité
Pg TV/bourse
42%
44%
Jeux
Météo
7%
Annonces emploi
1% 3%
Contenu journalistique (articles,
illustrations)
3%
Contenu journalistique, publicité et divers dans La Dépêche du Midi
édition Toulouse du 27 au 30 avril 2009
Publicité
12%
4%
2%
Pg TV et cinéma / bourse
12%
69%
Météo
1%
Annonces/carnets
Jeux
Contenu journalistique (articles,
illustrations)
47
Contenu journalistique, publicité et divers dans Le Monde et ses
suppléments du 26/27 au 30 avril 2009
Publicité
14%
3% 1%
2%
1%
Pg TV et radio / bourse et valeurs
Météo
79%
Annonces emploi et divers / carnets
Jeux
Contenu journalistique (articles,
illustrations)
Il faut également préciser qu’en plus de la part de la publicité, c’est aussi leur nature
qui diffère entre les deux publications, nous avons eu l’occasion de le préciser plus haut. En
effet, les encarts publicitaires du Monde traitent très souvent des propres publications du
groupe (autopromotion), de littérature et de théâtre, on peut remarquer des publicités du même
type dans La Dépêche du Midi. Dans le 20 Minutes, on trouve la plupart du temps des
publicités pour des films de cinéma, des agences de voyages, des opérateurs de téléphonie
mobile, et pour des entreprises ou des événements locaux. Cela s’explique d’une part par le
type de support proposé mais aussi par le lectorat du journal, plus large et plus jeune dans le
cas du 20 Minutes. Les lecteurs du Monde sont à 42% des cadres, des professions libérales ou
des petits patrons et 68% du lectorat a plus de 35 ans60. La Dépêche du Midi, selon Yan
Bouffin, a pour sa part un lectorat plutôt masculin, populaire et âgé. La cible du 20 Minutes
est beaucoup plus large : les jeunes actifs urbains de 36 ans en moyenne, sachant que 35,9 %
des lecteurs sont âgés de 15 à 24 ans61. Tous n’ont pas les mêmes centres d’intérêt, il est donc
nécessaire, dans une optique commerciale, que la réclame puisse trouver une adhésion auprès
de toute cette population.
D’autre part, d’autres médias considérés comme gratuits comme la radio, les sites
Internet mais aussi la télévision, tirent la majeure partie de leur revenu des recettes
publicitaires et ne font pas l’objet de tels jugements. Roland Cayrol remarque ainsi « qu’il fut
un temps où le Figaro était financé à 82% par la publicité. On peut évidemment se demander
s’il y a une différence de nature profonde entre un journal financé à 82% par la publicité et
60
61
Selon les comptes du groupe en 2003, disponibles sur le site http://medias.lemonde.fr
Le Monde du 05/01/2006, article de Pascale Santi
48
un journal financé à 100% par celle-ci. On pourrait, à la limite, se poser la question pour les
journaux financés à 56% par la publicité, ce qui est la moyenne des grands quotidiens
français ». Par ailleurs, comparés aux magazines féminins, pourtant payants, les quotidiens
gratuits d’information ont une proportion de publicité moindre. Par exemple, dans le
magazine Marie Claire de décembre 2009, on trouve 39% de pages de publicité (95 pages sur
246), 3% d’horoscope (7 pages), 31% de contenu journalistique (reportages, photoreportages,
interviews, dossiers, brèves culture, people) et quantité de pages de promotion de produits
cosmétiques et marques en tous genres. De la même manière, les chaînes d’information
continue comme LCI, ITélé ou BFM TV, consacrent pratiquement la moitié du temps
disponible à la publicité.
En tout état de cause, la part de la publicité dans le 20 Minutes étant très importante,
on peut se demander si les intérêts privés n’orientent pas le choix des sujets ou leur traitement.
Or, la publicité apparaît dans ce journal bien plus comme un simple moyen de financement
pour la production du journal que comme une influence éditoriale sur les articles produits par
les journalistes. En effet, ces derniers connaissent évidemment à l’avance la place des encarts
publicitaires, donnée dans le « chemin de fer », mais en ignorent totalement la nature. Lors du
stage effectué à 20 Minutes, les deux journalistes de la locale toulousaine se sont rendues
compte que leur titre avait un partenariat avec le festival « Zoom Arrière » de la
Cinémathèque de Toulouse simplement en regardant la programmation de ce cinéma. Ni ce
dernier, ni le service de la publicité n’en avait informé la rédaction. D’autres entreprises qui
publient des annonces dans le journal demandent aussi parfois de publier « un rédactionnel ».
Or, ce type d’articles publicitaires est refusé par la rédaction. Si une entreprise souhaite
qu’une information concernant un événement qu’elle organise passe dans les pages du
journal, il lui suffit d’envoyer un communiqué de presse et les journalistes décident ensuite si
oui ou non, cette information mérite de paraître dans le journal. De la même manière, il est
arrivé que des publicitaires critiquent un article ou la couverture d’un événement sous prétexte
qu’ils « finançaient » le journal. Ce fut le cas lors de la couverture d’une grève aux Galeries
Lafayette le premier jour des soldes en janvier 2008. La Direction n’a pas vu cela d’un bon
œil et a immédiatement téléphoné à la rédaction toulousaine, arguant que les Galeries
Lafayette étaient « partenaires du journal puisqu’ils le finançaient par leur publicité ».
Cependant, Béatrice Colin a refusé de donner suite à cette demande, mettant en avant le fait
que les annonceurs ne pouvaient en aucun cas déterminer le contenu du journal. Les deux
49
journalistes de 20 Minutes Toulouse expliquent ainsi cette position62 : « En fait, on a un
cloisonnement avec la pub, on n'a pas les commerciaux avec nous, comme ça peut se faire
dans d'autres titres payants, on ne sait même pas quelle pub il va y avoir le lendemain. Quand
on bossait dans des titres payants, on nous disait « tiens, il faudrait faire un article là-dessus,
c'est des gros annonceurs ». Chez nous c'est interdit par la charte déontologique, c'est un
cloisonnement très spécifique à 20 Minutes. J'ai travaillé pour deux journaux payants avant
et il y avait toujours un commercial qui venait nous embêter pour qu'on traite de tel ou tel
sujet ! A la Dépêche; ils le font beaucoup. L'idée de départ pour 20 Minutes, c'est justement
une idée de crédibilité, il faut être irréprochable. Même dans la rubrique High Tech où ça
peut faire un peu pub, ils font très attention à ça, ils essaient d'équilibrer. Un exemple
concret, pour l'ouverture des Portes de Gascogne, on est obligé de citer Carrefour, puisque
c'est eux qui s'implantent mais on appelle aussi Leclerc pour avoir leur avis ». La logique du
don/contre-don, à l’œuvre dans quantité de titres de presse, semble donc épargner les
journalistes du 20 Minutes, mais pourquoi ?
III) M ODES DE LEGITIMATION ET POSITION DES
JOURNALISTES
Du fait des multiples critiques et railleries de la profession vis-à-vis des gratuits, ces
derniers ont un fort besoin de légitimation qui se traduit par des obligations déontologiques
très poussées et par le respect méticuleux de la pluralité des opinions et des thématiques.
A)
U NE CHARTE DEONTOLOGIQUE STRICTE
Tout d’abord, il est essentiel de rappeler que les journalistes du 20 Minutes se doivent
de respecter une charte déontologique très stricte. En effet, comme tous les journalistes, ces
derniers sont soumis au respect de la « Charte des devoirs professionnels des journalistes
français »63, élaborée en 1918 par le Syndicat National des Journalistes puis révisée et
complétée en janvier 1938. Elle précise entre autres qu’un « journaliste digne de ce nom » :
62
63
Voir entretien avec Béatrice Colin et Hélène Ménal en annexe p. IV
Voir annexes p. XXI
50
-
« ne touche pas d'argent dans un service public ou une entreprise privée où sa qualité
de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d'être exploitées » ;
-
« ne commet aucun plagiat, cite les confrères dont il reproduit un texte quelconque » ;
-
« garde le secret professionnel ».
De la même manière, ils doivent respecter la « Déclaration des devoirs et des droits
des journalistes »64, adoptée en 1971 à Munich par les représentants des fédérations de
journalistes de la Communauté européenne, de Suisse, d'Autriche, ainsi que de diverses
organisations internationales de journalistes.
Elle précise notamment qu’un journaliste :
-
ne doit « publier seulement les informations dont l'origine est connue ou les
accompagner, si c'est nécessaire, des réserves qui s'imposent, ne pas supprimer les
informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents » ;
-
doit « rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte » ;
-
ne doit « jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du
propagandiste, n'accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ».
Cependant, un deuxième pan règlementaire vient s’ajouter à cela. La Direction précise
que « les journalistes de la rédaction de 20 Minutes s'engagent à respecter le cadre
déontologique spécifique à l'entreprise » 65. Cette deuxième partie de la Charte s’explique par
un besoin supplémentaire de légitimation de la publication gratuite puisqu’elle est financée
par la publicité. L’entreprise a ainsi voulu justifier et entériner son indépendance vis-à-vis des
annonceurs. On retrouve donc certaines interdictions propres à cette société.
Même si les journalistes peuvent demander des autorisations à la Direction pour
collaborer à d’autres publications ou pour exercer d’autres activités, ces dernières sont
rejetées automatiquement lorsqu’il s’agit de :
« - Collaboration non journalistique (ex. animation de débat pour une entreprise,
collaboration à des dossiers de presse, rédaction de rapports annuels, plaquettes etc.) ;
- Piges pour des journaux de type " consumer magazine " et/ou journaux
d'entreprise. »
64
65
Voir annexes, p. XXI
Voir annexes, p. XXI
51
De la même manière, sont strictement interdits les voyages de presse non
« susceptibles d'apporter un accès à l'information impossible par les biais classiques ». Les
« invitations à déjeuner ou à dîner, [ne sont autorisées] que dans la mesure où celles-ci sont
bien liées à une recherche d'informations et ne peuvent être assimilées à une gratification
luxueuse. Il en va de même des cadeaux de presse pour lesquels il conviendra de faire un
distinguo entre les envois promotionnels courants et les cadeaux dont le caractère
disproportionné visera à s'attirer les faveurs du journaliste ; dans ce dernier cas, les envois
seront systématiquement retournés à l'expéditeur ». Cette règle est d’autant plus observée
pendant la période de Noël et du Nouvel An. En effet, beaucoup d’organismes souhaitent
offrir des cadeaux aux journalistes du 20 Minutes qui doivent poliment décliner l’offre, ce qui
est parfois difficile et peu compréhensible pour des services ou entreprises qui ont pour
habitude un mode de fonctionnement différent avec d’autres journalistes. En effet, dans
d’autres rédactions, les cadeaux de presse et autres voyages de presse sont monnaie courante,
cela apparaît même comme l’un des « avantages du métier ». En témoigne une discussion de
la fin 2009 avec une rédactrice en chef qui m’a confié avec humour que le fait de ne pas
accepter les cadeaux de presse pour les journalistes était « bien dommage car c’est quand
même l’un des avantages principaux du métier ».
Il ressort également qu’en aucun cas, « un journaliste de 20 Minutes ne devra traiter
d'entreprises ou d'entités commerciales dans lesquelles il a des intérêts personnels qu'il
s'agisse d'actions cotées en bourse ou de participations personnelles directes. De la même
façon, le journaliste de 20 Minutes ne pourra traiter d'associations ou d'organisations dont il
est membre »66.
Contrairement à ce qui est souvent reproché aux journaux gratuits, 20 Minutes est
donc un quotidien dont l’indépendance vis-à-vis des intérêts privés est peut-être plus garantie
que dans d’autres publications qui s’en prévalent sans disposer de pareilles obligations
déontologiques.
B) L E RESPECT DE LA PLURALITE
66
Ibid
52
Pour ne pas apparaître comme une publication guidée par de quelconques intérêts
privés, 20 Minutes se doit de rendre compte, peut être plus que les autres quotidiens, de la
pluralité des thèmes et des courants de pensée.
Il est de mise de respecter une certaine équité à l’égard des différents points de vue,
même si cela n’est pas une obligation légale. En effet, pendant la campagne municipale par
exemple, les journalistes mettent un point d’honneur à ne pas renforcer la position de tel ou tel
candidat. Lorsque Jean-Luc Moudenc était Maire de Toulouse, il était aisé pour lui de se
donner plus à voir que l’un de ses autres concurrents. Avant les élections, il participait à un
grand nombre d’inaugurations, ce qui le rendait plus visible dans les médias. La rédaction
toulousaine a donc choisi de relater ces événements sans mettre trop en avant la figure du
candidat soutenu par l’UMP et, même lorsqu’il est présent à des événements que la Mairie a
organisés, les photographes ont pour consigne d’éviter de le photographier par souci d’équité.
Par exemple, lors de l’inauguration de la plaque en l’honneur du résistant étranger
Marcel Langer le 5 février 2008, le candidat soutenu par l’UMP était présent mais il n’est
apparu ni sur la photo ni dans le texte de l’article paru le lendemain dans le 20 Minutes.
Or, certains journaux, soit ouvertement orientés, soit historiquement ancrés d’un côté
ou de l’autre de l’échiquier politique, ou s’affichant comme neutres, omettent consciemment
certaines informations qui ne correspondent pas à leurs opinions. Ainsi, pendant la campagne
électorale de 2008, un journaliste de La Dépêche du Midi m’a confié que dans certaines
localités, ses collègues et lui-même avaient pour instruction de ne pas rapporter les propos de
candidats opposés politiquement aux opinions revendiquées par le journal. Ces pratiques
existent aussi dans d’autres journaux où la contrainte est même parfois intégrée au travail
journalistique. Si le directeur de la publication appartient une organisation particulière
(religion, parti politique, organisation…) certains journalistes ou la rédaction en chef ellemême va refuser les sujets en invoquant ces intérêts privés qui sont souvent contraires à la
mission d’information des journalistes.
Par ailleurs, le rédacteur en chef adjoint chargé de toutes les locales et basé à Paris,
réalise régulièrement une sorte de bilan rédactionnel. Il établit la liste des sujets abordés ainsi
que des personnalités citées au cours des derniers mois pour voir si une certaine pluralité a été
respectée. En fonction des résultats, il demande aux locales d’adapter leurs sujets. Cela
témoigne d’une rigueur très forte en vue de légitimer le support de la part de la Direction de
ce quotidien souvent décrié.
53
CHAPITRE 3
TRAVAIL JOURNALISTIQUE ET RECEPTION
DU PRODUIT
: ETUDE EMPIRIQUE DE 20
M INUTES T OULOUSE
Nous nous attacherons ici à démontrer que le travail du journaliste de 20 Minutes, à
Toulouse, s’apparente à celui de ses confrères de la presse quotidienne régionale et de la
presse en général. On retrouve en effet les routines de travail développées et expliquées dans
les manuels ainsi que dans les ouvrages de sociologie du journalisme. Il s’agit ici de réaliser
une étude comparative des rédactions de 20 Minutes et d’autres quotidiens payants, en
s’appuyant sur l’observation, des entretiens sociologiques et des lectures de manuels et
d’ouvrages de journalisme.
Parallèlement, nous analyserons les pratiques de lecture du gratuit 20 Minutes en se
basant sur l’observation de lecteurs du journal, sur des entretiens et sur des statistiques issues
d’une enquête administrée à des participants anonymes par le biais d’Internet.
54
I)
R ECHERCHE ET CHOIX DE L ’ INFORMATION A
TRAITER
Il s’agit ici de rendre compte du travail de recherche, de choix et de hiérarchisation de
l’information à 20 Minutes Toulouse. Mises à part les spécificités organisationnelles que nous
avons évoquées, il semble que le quotidien du personnel du 20 Minutes toulousain soit assez
similaire à celui des salariés d’autres entreprises de production d’information.
A)
L E CHOIX DES SUJETS
Ainsi, le travail de recherche de l’information s’appuie dans toutes les rédactions sur
les dépêches d’agences, dont celles issues de l’agence française la plus connue, l’AFP, par le
biais d’un fil RSS67 auquel tous les journaux sont abonnés. Mais ce travail de recherche ne se
limite généralement pas à une simple prise en compte des dépêches d’agences paraphrasées en
vue de réaliser un article, c’est le cas à 20 Minutes comme dans toutes les rédactions, y
compris de presse écrite payante.
Ainsi, les journalistes du 20 Minutes Toulouse reçoivent des courriers électroniques,
des fax, des appels téléphoniques et entretiennent des relations étroites avec les acteurs
sociaux et institutionnels locaux. Sur la base des sollicitations réceptionnées par la rédaction,
cette dernière opère des choix. Les mails qui arrivent dans la boîte de réception des
journalistes ne donnent pas tous lieu à la rédaction d’un papier. Il en est ainsi des sollicitations
à but publicitaire ou commercial qui ne peuvent avoir leur place dans les pages d’un quotidien
qui tente de légitimer son indépendance vis-à-vis des annonceurs qui le financent. De cette
manière, il arrive que certains services de communication d’entreprises d’œnologie par
exemple, ou de réparation de vélo, s’adressent au journal pour demander l’écriture d’un article
sur un événement qu’ils souhaitent réaliser dans le but d’obtenir des clients supplémentaires.
Pour les journalistes, il s’agit de repérer assez rapidement les manœuvres commerciales de ce
type d’entreprises et de les distinguer ainsi des informations qui ont leur place pour un
traitement journalistique.
67
Le standard RSS représente un moyen simple d'être tenu informé par mail des nouveaux contenus
d'un site web, sans avoir à le consulter.
55
D’autre part, compte tenu de la masse de sollicitations qui arrivent à la rédaction, il est
impossible qu’elle traite de tout. Le lectorat est en grande partie déterminant concernant le
choix des sujets à « couvrir ». Cela correspond en partie au respect de la « loi de proximité »
enseignée dans les écoles de journalisme et dans les manuels de journalisme. D’une manière
générale, ce qui intéresse le public, ce qui le touche et peut lui être utile, est ce qui est le plus
proche de lui. Ci-après, un schéma résume ce qu’est cette loi. Plus on s’éloigne du « moi »,
moins la personne se sent concernée par les faits d’actualité. Le 20 Minutes, comme les autres
publications, obéit à cette règle instinctivement.
La « loi de la proximité »
Support pédagogique de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille
Il sera en effet plus opportun de rédiger un papier sur les élections municipales dans la
proche agglomération, qui intéressent directement les lecteurs, que sur des incidents minimes
ayant eu lieu à Foix, où le journal n’est pas distribué. De la même manière, on estime que le
lectorat visé sera plus captivé par un papier sur la grève des chauffeurs de taxis et sur les
prévisions du trafic routier, que par un autre qui traiterait de la sortie d’un ouvrage
scientifique le même jour. Comme dans toutes les rédactions, face à la surabondance
d’informations, il est nécessaire d’opérer une sélection parfois sévère car c’est précisément ce
que souhaite le lecteur de la part de son quotidien : que l’on fasse un premier tri. En effet, le
temps dont il dispose est limité pour lire le journal et lorsqu’il le prend ou l’achète, il s’attend
56
à un certain contenu rédactionnel, auquel il est habitué. Le choix des sujets ne se fait donc pas
sans penser au lectorat ou à la politique éditoriale.
B) L A RECHERCHE DES INFORMATIONS ET LE RAPPORT
AUX SOURCES
Cependant, un journal qui accumulerait des informations reçues par mails ou
simplement issues de sollicitations extérieures risquerait de perdre son lectorat. Ce dernier
recherche justement dans les « nouvelles », de la nouveauté, et dans les articles, de
l’originalité. Le journaliste doit donc aller au devant de ces attentes et chercher par lui-même
les informations là où elles se trouvent. C’est en partie pour cette raison que les rédactions
locales entretiennent de bons rapports avec les acteurs sociaux et institutionnels de la ville ou
de l’agglomération. Ainsi, les journalistes du 20 Minutes de Toulouse ont souvent affaire à un
nombre d’interlocuteurs limités. Cette tendance est assez générale dans le milieu
journalistique, remarque Erik Neveu dans son ouvrage « Sociologie du journalisme »68. En
effet, selon lui, « le poids des sources institutionnelles majeures (gouvernement, grandes
entreprises) apparaît considérable grâce à la professionnalisation qui se combine au réflexe
spontané des journalistes de se tourner vers les autorités ». Cela correspond aux concepts de
« définisseurs primaire et secondaire » établi par Stuart Hall qui suggère qu’il existe des
sources qui font autorité de par leur représentativité ou leur statut institutionnel. Erik Neveu
précise cependant que les journalistes peuvent aussi être des définisseurs primaires « en
constituant des faits sociaux en problèmes ou événements », que les définisseurs primaires et
secondaires peuvent changer de statut et qu’une initiative d’un définisseur primaire peut
échouer « au simple motif d’une surcharge d’informations ». Les journalistes ne sont pas
dupes et ils tentent en effet généralement de donner la parole aux individus et organisations
concernées.
Il n’en reste pas moins que les autorités sont une source privilégiée par la plupart des
titres, y compris les payants. Au 20 Minutes Toulouse, les sources sont souvent la Mairie de
Toulouse, la Préfecture, la Police, la Direction de la SNCF ou d’Airbus, les syndicalistes les
plus actifs ou des militants qui assurent un lien avec la presse... La rédaction se tourne vers
68
« Sociologie du journalisme », Erik Neveu, 2004, p.57
57
ces instances afin d’obtenir des informations plus complètes ou pour simplement se
renseigner sur un sujet qui peut faire l’objet d’un article.
Du point de vue des sources d’information, il est indéniable que les deux journalistes
du 20 Minutes Toulouse, journal qui existe depuis 2004, ont de fait plus de difficultés que les
40 journalistes de La Dépêche du Midi. En effet, avec 10 départements couverts, des centaines
de correspondants locaux, une certaine historicité, des réseaux dans lesquels le journal
s’inscrit, etc., il est certain que 20 Minutes est désavantagé. En effet, on retrouve cette idée en
interrogeant un journaliste de La Dépêche du Midi, Emmanuel Haillot. Pour lui, « les gens
pensent Dépêche. Mais ce qui compte ce sont les relations. J'ai tissé un réseau de 50
correspondants et j'ai été obligé d'aller voir les gens, j'ai un carnet d'adresses énorme. Il y a
eu une tuerie pendant que j'étais en vacances dans un petit village, le Maire ne voulait pas
parler aux journalistes mais quand la personne qui me remplaçait a dit qu'elle était de la
Dépêche, ça a marché car je l'avais déjà rencontré. Il y a ce contact qui fait qu'on est connu,
il faut aller au contact des gens mais pas que quand ça va mal ». Du point de vue du carnet
d’adresses, les journalistes de 20 Minutes ont petit à petit réussi s’en constituer un assez
fourni. Par contre, les rédactions étant déconcentrées, elles n’ont pas de services à proprement
parler puisqu’elles ne sont que deux. Les journalistes de La Dépêche du Midi peuvent se
tourner vers leur propre service, un autre service, ou même une autre publication du titre pour
obtenir des informations précises. Ainsi, pour une information sportive, ils pourront se tourner
vers le Midi Olympique, interlocuteur privilégié. Un autre exemple : lors du crash du vol RioParis, un journaliste de La Dépêche du Midi est venu à Toulouse Mag pour savoir si
quelqu’un avait un contact avec un chef de cabine toulousain d’Air France, car il venait
d’apprendre qu’un autre chef de cabine toulousain était dans l’avion. L’un des journalistes de
Toulouse Mag a appelé quelqu’un qu’il avait interviewé un mois avant, et il s’est avéré que
cette personne connaissait intimement la chef de cabine disparue. On comprend bien qu’à
deux, les journalistes de 20 Minutes n’ont d’une part pas ce type de services vers lesquels se
tourner (de par la structure et l’organisation de l’entreprise), et n’ont pas non plus le même
ancrage populaire que La Dépêche du Midi. Cela ne signifie pas non plus qu’aucune relation
ne peut être tissée, il s’agit seulement du fait que le processus est lent, s’inscrit dans la durée
et va de pair avec notoriété et crédibilité.
De plus, 20 Minutes a rencontré des soucis de crédibilité, ce qui a généré des
problèmes avec l’institution judiciaire qui ne souhaitait pas communiquer avec à ses débuts.
Certaines personnes interrogées pour la réalisation d’articles lors de mon stage m’ont
58
également répondu ne pas vouloir « parler aux gratuits » et j’ai parfois dû faire face à des
insultes. Lorsque l’on demande aux journalistes de 20 Minutes Toulouse si elles ont des
difficultés pour l’accès aux sources d’information, voici ce qu’elles répondent : « De moins en
moins, sauf pour l'info faits divers. Les canaux institutionnels, les agences de com, on a les
mêmes. Après, le citoyen qui est victime de quelque chose, il appelle la Dépêche, ils n’ont pas
le réflexe de nous appeler. En plus c'est vrai qu'on ne répond pas à ce genre de demandes.
Par exemple, il y a en ce moment une retraitée qui cherche son mari, elle voulait mettre un
avis de recherche dans le journal mais on ne fait pas ça, bien sûr, on va demander à Paris,
mais ils vont dire non. » Cela correspond à ce que pense Yann Bouffin. Selon lui, « de toute
façon ça diffère [de La Dépêche du Midi], parce que ils doivent avoir un système de collecte
d’informations un peu compliqué, parce que bon c’est bien beau, ils doivent avoir tout le
canal de l’information institutionnelle, officielle, un agenda avec des invitations des trucs
comme ça, pour le reste de l’info ils doivent ramer, quand même, ça ne doit pas être évident
pour eux, à deux en plus, pff ».
Avec leur réseau, certes restreint par rapport à celui de La Dépêche du Midi, les
journalistes du 20 Minutes arrivent à avoir accès aux informations par d’autres sources que les
sources institutionnelles : par d’autres journalistes, par des particuliers ou par des militants par
exemple. Toutefois, il arrive aussi que le journal ne soit pas assez réactif ou que, pour des
raisons pratiques, il n’ait pas accès à l’information dans les temps. Deux cas de figure sont
envisageables :
-
Soit il y a un « ratage », c'est-à-dire qu’une nouvelle est publiée par un quotidien
concurrent (Métro, La Dépêche du Midi, TLT, France 3) sans que l’on ait pu la faire
apparaître dans sa propre publication. Le journal peut alors s’inspirer de cette
information pour rebondir le lendemain dans un autre article tout en ayant pris soin de
la vérifier et de contacter les acteurs concernés. C’est par exemple ce qui s’est passé
plusieurs fois lorsque La Dépêche du Midi a obtenu l’exclusivité pour traiter des sujets
comme la première grève des taxis en 2008 ou encore la présentation en avantpremière de l’Aéro Space Campus (information à laquelle ce quotidien a eu accès un
jour avant la date fixée).
-
Soit l’information parvient à la rédaction par le système AFP Direct, un flux RSS
d’informations auquel sont abonnés tous les journaux. Dans ce cas, il est rapidement
possible de se renseigner à ce sujet et de rédiger un article sans paraphraser la dépêche
d’agence. Il est important de préciser que les dépêches AFP servent aussi à vérifier
59
une information déjà traitée. Mais il est important de préciser que les dépêches
d’agence servent à toutes les rédactions. Sylviane Beaudois, interrogée sur son travail
au Monde déclare « notre premier accès à l’information, ce sont les dépêches
d’agence, évidemment. » Cette phrase est très importante car elle est révélatrice d’un
phénomène : Il est de bon ton de dénoncer l’utilisation massive des dépêches d’agence
par les gratuits alors que tous les journaux les utilisent. Comme j’ai pu m’en rendre
compte pendant mes stages, la dépêche d’agence reçue à la rédaction permet aux
journalistes d’être au courant de ce qui se passe dans la région. Une fois qu’un
événement est signalé, il s’agit pour eux de se rendre sur les lieux, de passer des coups
de téléphone aux personnes concernées puis de confronter les informations obtenues.
Les recopier mot pour mot sans au moins un appel téléphonique pour vérifier
l’information n’aurait aucun intérêt dans un cadre journalistique.
60
II)
L E TRAITEMENT DES SUJETS
L’impératif de tri rempli, les journalistes de presse écrite se doivent de traiter
l’information. Nous aborderons donc ici tout ce qui concerne l’écriture d’un article au sein de
la rédaction toulousaine du 20 Minutes : le contenu comme la forme de l’écrit.
A)
L ES
CARACTERISTIQUES
DE
L ’ ECRITURE
JOURNALISTIQUE
Tout d’abord, il est nécessaire de souligner que certaines des caractéristiques de
l’écriture 20 Minutes sont communes à la plupart des publications. Dans le « Manuel de
journalisme » d’Yves Agnès69, un chapitre entier est dédié à « l’écriture efficace », c'est-àdire « une écriture simple et directe »70 qui doit être employée par les journalistes. L’auteur
met en évidence l’importance d’écrire des « textes humains » avec des mots faisant référence
« aux sens », des mots « extraits de l’univers corporel, personnel et familial », des « citations
de propos », ou encore la « mise en scène de personnes ». Par ailleurs, le jeune journaliste y
est incité à utiliser un vocabulaire simple. Ainsi, pour Yves Agnès, « le lecteur ne s’approprie
aisément le texte que si les mots qu’il contient sont pour lui « en mémoire ». Et comme la
plupart des publications veulent s’adresser au plus grand nombre, les journalistes doivent
éviter l’emploi de certains termes ou prendre des précautions avec eux ». De cette manière,
les mots abstraits, les mots d’origine étrangère non intégrés dans la langue courante, les
néologismes, les archaïsmes, les sigles dont on n’est pas sûr que chaque lecteur en comprenne
la signification, les jargons d’une population non visée par la publication, les mots
scientifiques, le langage recherché voire pédant, les noms propres sans précision de la
fonction de l’individu, les abréviations, sauf si elles font partie du langage courant (une auto,
un prof…), et les mots à sens multiples sont pour lui à proscrire. En définitive, il faut « choisir
des mots courts, des mots simples, et de forme simple (sans préfixes ni suffixes), bien ancrés
dans le vocabulaire courant, la langue usuelle ». L’auteur de ce manuel de journalisme
conseille d’éviter les « répétitions », les « formules creuses », les « pléonasmes », les
« adjectifs ou adverbes censés compléter le mot mais qui, soit n’apportent rien de plus, soit
69
70
Yves Agnès, « Manuel de journalisme », Repères, la Découverte
Ibid page 107
61
tentent de pallier le choix d’un mot faible, qui n’explique pas correctement ou mal l’idée »,
les « locutions alambiquées qui compliquent la phrase (‘revêtir de sa signature’ au lieu de
‘signer’) ». Ce sont autant de réflexes professionnels que les deux journalistes du 20 Minutes
toulousain ont intégré dans leurs routines professionnelles.
L’écriture journalistique classique est donc de mise dans ce quotidien gratuit, malgré
les nombreuses critiques dont il est l’objet : journal simplificateur voire simpliste,
vulgarisation trop poussée…
B) L A VARIETE DES GENRES
L’expression écrite s’inscrit cependant dans une forme, les articles obéissent à des
normes et un journal n’est pas une succession de phrases aléatoirement imprimées. Des
« gabarits » sont à la disposition des journalistes afin qu’ils déterminent l’apparence et la
place que prendront les papiers en fonction de leur importance. Outre cet aspect technique, il
est également nécessaire de choisir le style de l’article : l’écrit sera-t-il un reportage, une
interview, une brève, une page thématique, une enquête, un portrait ou un simple compte
rendu ? Cette diversité a été appréhendée par les concepteurs du journal et a été traduite dans
sa maquette par quelques emplacements dédiés à certains genres.
Les genres journalistiques sont variés et il est important de les maîtriser pour permettre
au lecteur de se divertir en lisant la publication. Ainsi, un même sujet pourra donner lieu à
différents types d’écrits. Quelque soit le genre choisi pour la rédaction de l’article, le
journaliste se doit de déterminer un angle, c'est-à-dire une manière d’aborder le sujet, de le
ramener à un aspect principal bien délimité pour ne pas noyer le lecteur dans une masse
d’informations dont le foisonnement nuirait à la perception du sens, concept utilisé par tous
les titres de presse.
Nous pouvons donc remarquer que les journalistes de ce quotidien gratuit organisent
leur travail de la même manière que ceux qui travaillent dans des rédactions de titres payants.
Ils ont intégré les mêmes réflexes, récoltent des informations de manière assez similaire et
utilisent des genres71 variés pour rendre compte de l’actualité : portraits, reportages, interview,
brèves, synthèses, filets, échos, infographies, comptes-rendus, résumés de documents,
analyses, articles historiques. Ne sont pas présents dans les pages du 20 Minutes les genres
71
27 genres journalistiques sont décrits dans le « Manuel de journalisme » d’Yves Agnès, p. 187-201
62
suivants : nécrologie, revue de presse, table-ronde, micro-trottoir, tribune libre, communiqués,
courrier des lecteurs, bonnes feuilles, éditorial, billet, critique, chronique, dessin de presse.
Cependant, force est de constater que tous les journaux n’utilisent pas tous les genres cités, et
que l’on trouve dans Métro par exemple des micros-trottoirs, des tribunes libres et des
critiques.
Par ailleurs, 20 Minutes a des particularités, liées à son caractère gratuit, qui ne
sauraient être passées sous silence. Il en est ainsi de la question des reportages et enquêtes
poussés. Sylviane Beaudois va jusqu’à dire que 20 Minutes « ne fait pas de reportages », ce
qui est erroné puisque le reportage est, selon Yves Agnès qui le définit dans son « Manuel de
journalisme », « un article ou ensemble d’articles dans lequel un journaliste relate de
manière vivante ce qu’il a vu et entendu […] on appelle communément reporter un
journaliste sur le terrain »72. Or les deux journalistes du 20 Minutes Toulouse passent
énormément de temps à l’extérieur de la rédaction, pour des conférences de presse
évidemment mais également sur le terrain lors d’événements sociaux ou de procès divers. Au
vu des moyens dont dispose la rédaction toulousaine du 20 Minutes, il est cependant
compliqué de mener des enquêtes poussées et de réaliser de longs reportages, c’est pour cette
raison que le plus souvent, ce type d’articles qui imposent un travail assez long est écrit par
des pigistes.
Des contraintes structurelles induisent des particularités quant au travail fourni par les
rédactions de 20 Minutes, comme nous avons pu le constater avec l’exemple de 20 Minutes
Toulouse, tant du point de vue des sources que dans le traitement des sujets. Pour autant, les
confrères des journalistes qui y travaillent reconnaissent leur professionnalisme. En effet,
alors que Yann Bouffin et Sylviane Beaudois dénigrent le support, ils reconnaissent à
plusieurs reprises la qualité de leur travail. Pour Yann Bouffin, « ils ont le sens de la
titraille ». De son côté, Sylviane Beaudois déclare « ce sont des gens qui travaillent
correctement […], ceux qui y travaillent tentent de faire leur travail le mieux possible, il n’y a
pas de honte à travailler pour ce genre de support. ». Yann Bouffin explique même : « à titre
tout à fait personnel, je ne fais aucun distinguo entre un journaliste de presse gratuite, de
presse payante, quelqu’un qui aura eu l’expérience de travailler dans la presse, s’il a un bon
profil, ce ne sera pas une condition où je barrerais d’un trait rouge sa candidature ». Cette
remarque est encore une fois révélatrice du fait que les journalistes de presse gratuite ne sont
72
Yves Agnès, « Manuel de journalisme », p.244
63
pas mal considérés, le problème se situe au niveau du support et non pas au niveau des savoirfaire professionnels. Emmanuel Haillot, journaliste à La Dépêche du Midi explique quant à
lui, au sujet des événements survenus à l’usine Molex et des journalistes de 20 Minutes
Toulouse, qu’il a « trouvé des journalistes qui faisaient le même boulot ».
Les contraintes d’ordre structurel seraient donc responsables du contenu du journal
parfois conçu comme médiocre, sans que le professionnalisme des journalistes du 20 Minutes
ne soit remis en question.
III) L ECTORAT ET RECEPTION : ENQUETE
Nous nous attacherons dans cette partie à analyser la structure du lectorat du journal
20 Minutes ainsi que sa réception par le public. Comment le journal est-il lu ? Par qui ?
Pourquoi ? Où ? Quand ? Qu’est-ce qui est lu exactement ? La règle journalistique des 5W+1
nous guidera donc utilement dans ce travail de sociologie.
Mais avant toute chose, il est nécessaire d’exposer la méthodologie employée pour
aboutir aux résultats présentés.
A)
M ETHODOLOGIE
Pour mener cette analyse, nous nous appuierons sur les résultats rendus disponibles
par le site 20 Minutes Média, eux-mêmes issus des études Epic.
Cependant, cette seule source ne peut permettre d’analyser correctement les pratiques
de lecture du 20 Minutes. Il s’est donc avéré nécessaire de mener une enquête en totale
autonomie auprès de lecteurs et de non lecteurs. J’ai réalisé cette enquête par Internet, grâce
au site SharingData73 qui permet d’administrer gratuitement des questionnaires, pour un
maximum de 30 questions.
J’ai choisi de travailler de cette manière car ce système m’a semblé particulièrement
intéressant car les réponses sont totalement anonymes. Le biais qui peut exister en face à face
dû à la situation enquêteur/enquêté m’a paru être moins important voire même disparaître
73
http://www.satisfactory.fr/
64
avec ce procédé. J’avais à l’origine pensé administrer les questionnaires dans les stations de
métro mais je me suis rapidement rendue compte que les individus étaient très pressés et très
peu disponibles pour répondre à mes questions. Par ailleurs, la plupart des utilisateurs du
métro sont toulousains, alors que le journal est aussi distribué dans d’autres lieux que les
transports en commun et touchent donc d’autres types d’individus qui se déplacent par
exemple en voiture.
Pour administrer mon questionnaire, j’ai envoyé un mail contenant un lien pour aller le
remplir 74 à des listes d’adresses récupérées dans des mailings qui m’avaient été envoyés ainsi
que dans mes propres contacts, en demandant de faire suivre au plus grand nombre possible.
Je suis consciente que cette démarche introduit un biais d’échantillonnage car ce dernier ne
peut pas être vraiment représentatif de la population. Les enquêtés peuvent aussi ne pas
répondre à certaines questions puisqu’ils n’en ont pas vraiment l’obligation, étant donné qu’il
n’y a pas de personne physique devant eux. Néanmoins, avec les réponses obtenues, il est
possible de tirer des statistiques intéressantes qui permettent d’éclairer les pratiques de lecture
du journal 20 Minutes.
Le questionnaire réalisé a été rédigé en plusieurs étapes. Je me suis tout d’abord posée
la question de savoir ce que je souhaitais savoir par rapport à mes hypothèses. Ensuite, j’ai
réalisé un test au sein de ma classe de 4ème année à Sciences-Po Toulouse, ce qui m’a permis
d’améliorer le questionnaire et de peaufiner la rédaction. Lorsque j’ai décidé de l’administrer
par Internet, j’ai encore une fois réétudié les questions. Enfin, quelques discussions avec les
personnes ayant rempli le questionnaire m’ont permis de pousser un peu plus mon analyse.
J’ai également couplé ce questionnaire avec des observations sur le lieu de mes études,
dans le Métro et dans la rue ainsi que par des entretiens pour voir comment le 20 Minutes était
lu.
74
Voir le questionnaire en annexe p. XXVI
65
B) R ESULTATS DE RECHERCHE
Tout d’abord, il est utile de préciser les résultats de l’enquête Epic 2009 pour avoir une
base constituée d’une étude de grande envergure. Le site 20 Minutes Média donne des extraits
de cette étude. Voici quelques chiffres :
-
34% des lecteurs sont issus de CSP+
-
69% sont actifs
-
48% sont des femmes
-
77% ont moins de 50 ans
-
La moyenne d’âge des lecteurs est de 37 ans
-
74% des lecteurs ne lisent aucun autre titre de PQN
-
42% d’entre eux lisent le 20 Minutes dans les transports, 34% au travail et 16% au
domicile
Quelques informations complémentaires m’ont été apportées par un chargé de
marketing de 20 Minutes, Mathieu de Cointet, contacté par téléphone en septembre 2009. Il
s’agit de chiffres nationaux car le service ne dispose pas d’études locales. Les voici :
-
56% des lecteurs lisent aussi Métro, 22% lisent aussi Direct Soir, 35 % lisent aussi
Direct +
-
44,87% des lecteurs se procurent le 20 Minutes par colporteur, 50,38% par présentoir,
4,75% dans leur entreprise ou par portage
-
87% des lecteurs lisent le 20 Minutes au moins 3 fois par semaine
-
La lecture se ferait plutôt le matin
-
Les lecteurs sont attirés par le format pratique, les informations locales et le ton de 20
Minutes
-
Ils reprochent au journal de ne pas être assez chaleureux par rapport à Métro
-
le taux de circulation s’élèverait à 3,5
Dans l’enquête que j’ai réalisée, 46 personnes ont répondu, et une personne a
abandonné à la deuxième question. Toutes les personnes n’ont pas répondu à toutes les
questions tandis que d’autres ont parfois coché deux cases antagonistes, ceci est dû à
l’absence de personne physique face à l’enquêté, comme précisé plus haut. Les résultats
obtenus sont néanmoins tout à fait exploitables.
66
Voici les principales caractéristiques sociologiques de l’échantillon75 :
-
Moyenne d’âge de 30 ans
-
Sexe :
Réponse
Homme
Femme
-
Pourcentage
55,6
44,4
Lieu d’habitation :
Réponse
A Toulouse
En proche banlieue toulousaine
Autre
-
Pourcentage des
répondants
60
33,3
6,7
Catégorie socioprofessionnelle :
Réponse
Agriculteur exploitant
Artisan, commerçant ou chef d'entreprise
Cadres et professions intellectuelles
supérieures
Profession intermédiaire
Employé
Ouvrier
Retraité
Etudiant ou lycéen
Au chômage ou sans emploi
-
Pourcentage des répondants
0
0
26,7
4,4
4,4
0
2,2
62,2
0
Niveau de revenu mensuel :
Réponse
0-750€
750-1000€
1000-1500€
1500-2000€
2000-3000€
3000-4000€
+ de 5000€
Pourcentage des répondants
58,1
4,7
4,7
9,3
20,9
2,3
0
75
Les pourcentages sont indiqués par rapport au nombre de répondants, et non par rapport au nombre de
réponses. L’ordre croissant des pourcentages est le même dans les deux cas mais le nombre de réponses donne
un chiffre pondéré au nombre total de réponses, ce qui rend moins bien compte des pratiques des individus.
67
-
Fréquence de lecture des journaux quotidiens payants :
Réponse
Jamais
Tous les jours
3 à 4 fois par semaine
1 à 2 fois par semaine
2 à 3 fois par mois
Moins souvent
-
Pourcentage des répondants
22,2
11,1
8,9
17,8
26,7
20
Les journaux lus cités sont : Le Monde (48% des lecteurs de quotidiens payants) ;
Libération (44%) ; La Dépêche du Midi (37%) ; Le Canard Enchaîné et l’Humanité
(7% chacun) ; l’Equipe, Aujourd’hui en France, Le Figaro et Marianne (3% chacun).
-
Lecture de magazines :
Réponse
Jamais
Chaque mois
Chaque semaine
Moins souvent
-
Pourcentage des
répondants
11,1
28,9
35,6
33,3
Les magazines lus cités sont très divers : presse généraliste d’information, presse
économique, sportive, people, féminine, masculine, scientifique.
-
Façons de s’informer sur l’actualité :
Réponse
Par la radio
Par la télévision
Par Internet
Par la presse payante
Par la presse gratuite
Vous ne vous informez pas sur l'actualité
-
Pourcentage des répondants
73,3
71,1
77,8
40
68,9
0
Concernant les stations de radio écoutées, les sites Internet d’information ou les
chaînes de télévision, les réponses sont très variées mais on remarque une présence
forte des stations Radio France (50% des répondants citent au moins une des stations).
Le site web de 20 Minutes a été cité par 20% des répondants.
68
-
A propos du type d’information recherché, 33 personnes ont répondu, avec une nette
préférence pour les informations politiques (citées par 64% des répondants), l’actualité
internationale (33%), sociétale (33%), culturelle (30%), sportive (27%), économique
(21%). L’actualité locale ne représente que 12% du type d’actualités citées (au même
niveau que les informations écologiques et environnementales).Moins de 10% des
répondants ont cité les actualités nationales (qui peuvent se confondre avec la
politique et la société), juridiques, technologiques et relatives à la mode.
-
Lecture du 20 Minutes :
Réponse
Oui
Non
Pourcentage
82,2
17,8
On remarque qu’il y a autant d’hommes que de femmes qui ne lisent pas le 20 Minutes
(4 pour chaque sexe sur l’échantillon), leur moyenne d’âge est de 36 ans, ils vivent
majoritairement à Toulouse et en proche banlieue et sont soit cadres et profession
intellectuelle supérieure, soit étudiants, soit retraité (une seule personne est retraitée). Ils ont
tous des niveaux de revenus inférieurs à 3000€, et la moitié d’entre eux a moins de 750€ par
mois. 50% ne lisent jamais de quotidien payant, 13% en lisent tous les jours, 25%, deux à
trois fois par mois, et 13% moins de deux fois par mois. Les quotidiens lus sont Le Monde, La
Dépêche du Midi, Libération et Le Parisien Aujourd’hui en France. 62% des non lecteurs de
20 Minutes lisent un magazine au moins une fois par mois ou une fois par semaine. Seuls 12%
n’en lisent jamais. Les magazines cités sont Le Monde Diplomatique, l’Equipe Magazine,
Elle, Courrier International, Marianne, Alternatives Economiques, Politis et le Nouvel
Observateur. 88% des non lecteurs de 20 Minutes s’informent par la télévision, 50% par la
radio, 63% par Internet. Aucun ne lit la presse gratuite.
-
Lecture d’un autre quotidien gratuit d’information :
Réponse
Oui
Non
Pourcentage des répondants
64,4
35,6
69
-
Autre quotidien gratuit d’information lu, à part 20 Minutes :
Réponse
Métro
Direct
Toulouse
Direct Soir
Autre
-
Pourcentage des répondants
83,3
30
30
0
Mode de procuration du journal 20 Minutes :
Réponse
Par présentoir
Par distributeur
Auprès d'un autre lecteur
-
Lieu où le journal est réceptionné :
Réponse
Bouche de Métro
Lieu de travail
Lieu d'études
Autre
-
Pourcentage des répondants
55,3
18,4
42,1
13,2
Fréquence de lecture :
Réponse
Tous les jours
3 à 4 fois par semaine
1 à 2 fois par semaine
2 à 3 fois par mois
Moins souvent
-
Pourcentage des
répondants
54,3
51,4
37,1
Pourcentage des répondants
5,1
23,1
46,2
20,5
7,7
Moment de la lecture :
Réponse
Matin
Soir
Midi
A n'importe quel moment de la journée
-
Pourcentage des répondants
48,7
2,6
12,8
43,6
Lieu de lecture :
Réponse
Dans les transports
Sur le lieu de travail
Sur le lieu d'études
A la maison
Autre
Pourcentage des répondants
59
17,9
51,3
20,5
5,1
70
-
Temps depuis lequel le 20 Minutes est lu :
Réponse
- d'1 an
1 à 2 ans
2 à 4 ans
+ de 4 ans
-
Pourcentage des répondants
2,6
15,4
51,3
30,8
Rubriques préférées dans le 20 Minutes :
Réponse
Actualité nationale
Actualité locale
Actualité économique
Loisirs
Actualité sportive
Autre
-
Les points forts du journal 20 Minutes :
Réponse
Gratuité
Qualité du contenu éditorial
Rapidité/facilité de lecture
Format pratique
Divertissement
Point de vue global sur
l'actualité
Informations locales
Informations sportives
Informations culturelles
Autre
-
Pourcentage des répondants
56,4
66,7
28,2
41
28,2
12,8
Pourcentage des répondants
86,8
10,5
71,1
52,6
15,8
28,9
28,9
7,9
13,2
5,3
Les points faibles du journal 20 Minutes :
Réponse
Format
Brièveté des informations
Publicité
Faible qualité du contenu rédactionnel
Manque d'analyse et de mise en perspective
Pourcentage des
répondants
2,9
65,7
34,3
48,6
54,3
71
-
Que faire du journal une fois lu ?
Réponse
Le gardez
Le jetez
Le laissez là où vous l'avez lu
Le donnez à quelqu'un
Total
-
Consultation du site Internet 20 Minutes.fr :
Réponse
Jamais
De temps en temps
Souvent
Très souvent
Total
-
Pourcentage
2,6
64,1
17,9
15,4
100
Pourcentage des répondants
71,1
21,1
0
7,9
Une seule personne a contacté la rédaction de 20 Minutes Toulouse pour envoyer des
informations culturelles.
72
-
Propositions d’améliorations (retranscription intégrale des 23 réponses obtenues) :
Répondants
anonyme_12
anonyme_14
anonyme_16
anonyme_18
anonyme_20
anonyme_21
anonyme_78
anonyme_81
anonyme_87
anonyme_88
anonyme_91
anonyme_93
anonyme_103
anonyme_104
anonyme_106
anonyme_110
anonyme_111
anonyme_122
anonyme_123
anonyme_125
anonyme_126
anonyme_130
anonyme_131
Réponse
Rien, il est suffisant pour ce que j'en attends
Tout
Enlever la publicité en première page
Tout dépend de ce que le journal souhaite viser comme public.
Mettre quelques articles de qualité avec analyses sur des sujets importants de
l'actualité (nationale ou internationale). (Comme dans le Direct Toulouse, qui
reprend des articles du Monde ou du Courrier International)
Plus de contenu
L'orthographe, la ponctualité de l'information, bref rappel d'information de base sur
certains sujets traités depuis une longue période
L'actualité locale
Pas assez d'actualité sportive.
Dans sa forme actuelle pas mal : bon aperçu, synthèses courtes mais bonnes. Facilité
de lecture.
Mettre plus d'informations sport
La couverture locale
L'esprit critique (je suis aussi une lectrice occasionnelle du Canard enchainé...)
C’est difficile à dire, ce qui me manque dans 20 Minutes ce sont des mises en
perspective solides. Le journal est plutôt adapté à l'usage dans les transports en
commun et je le trouve ailleurs. Toutefois, on pourrait peut-être imaginer des
renvois vers des dossiers plus approfondis sur le site internet (et là en écrivant ceci
j'ai un doute car cela existe peut-être déjà, non?). Un dossier par jour cela pourrait
être une bonne idée. Bon courage pour l'exploitation de l'enquête.
Je donnerais davantage de contenu rédactionnel, mais est ce possible pour un gratuit
?
Les informations locales
Qu'il délaisse l'évènementiel pour augmenter la part de faits concrets et originaux
par rapport aux autres journaux
Contenu, plus de réflexion, moins de pub
Il faudrait des articles de fond, vraiment. Pas que de l'information. Il faudrait des
opinions, des enquêtes.
Le contenu éditorial
Pas grand-chose à améliorer selon moi, c'est un format à part
Images plus petites
La qualité des articles, qu'il y ait 1 ou 2 pages comparables à des journaux
d'actualité
73
-
Remarques sur le journal (retranscription intégrale des 17 réponses) :
Répondants
anonyme_8
anonyme_9
anonyme_14
anonyme_16
anonyme_18
anonyme_21
anonyme_78
anonyme_82
anonyme_87
anonyme_88
anonyme_104
anonyme_106
anonyme_111
anonyme_116
anonyme_123
anonyme_126
anonyme_130
Réponse
Juste une remarque : je ne sais pas si les gens font la différence entre les diverses
presses gratuites. Personnellement, lire Métro, 20 Minutes ou Direct Soir, pour moi
c'est la même chose. Je prends le premier qui me tombe sous la main. Ceci dit, c'est
plus pratique de lire 20 Minutes que Métro dans les transports en commun (format
mieux adapté).
Bon journal, qui surpasse ses concurrents en termes de qualité rédactionnelle, de
mise en page, de format et de ton
C'est la mort de la presse ce genre de canard
Merci
Je ne pense pas que ce journal ait pour vocation de vraiment traiter de façon poussée
l'actualité, à lire simplement à titre informatif sans grandes ambitions, si un thème
nous plait, il faut chercher ailleurs. Cela fait passer le temps dans les transports, et
donne à certains l'illusion d'être informés. - Ce n'est pas un avis négatif, car cela
me semble normal vu que c'est un quotidien gratuit, les moyens doivent manquer
pour aller plus loin dans l'analyse de l'information.
Très pratique, ergonomique, parfait pour s'intéresser à l'actualité rapidement et
constitue donc un tremplin pour s'intéresser à des sujets plus précis via internet par
la suite.
Bien qu'il ne suffise pas pour une prise d'information de fond et une analyse du
contexte etc. (ce n'est pas son objectif) je pense que le 20 Minutes répond
relativement bien à une prise d'information rapide sur les sujets d'actualité. il permet
d'en connaître les titres et quelques bribes d'informations pour ceux traités par les
médias, en général, du pays de distribution
Articles peu objectifs, abondance de sport (foot, rugby). - Orientation politique non
négligeable !
Il révolutionne la presse par sa gratuité.
Présentation agréable. lecture facile. Bon aperçu local.
Voir réponse précédente, et aussi il faudrait travailler sur les encres : on se sent
comme Sartre après la lecture des vieux Libé gras : les mains sales!
Pourquoi ne pas organiser une récupération des journaux pour récupérer le papier ?
Qu'il continue ainsi
J'aimais beaucoup les mots croisés quand j'allais en psycho à la fac du Mirail (...!)
C'est un journal gratuit et le fait que tout le monde ait accès à l'information
gratuitement est très important. Peut-être qu'avec ce journal, les gens sont plus au
fait de l'actualité. Et tant mieux. Par contre, ce n'est pas assez un journal
d'investigation ou d'opinions (quitte à avoir plusieurs opinions dans le journal hein,
vu qu'il s'adresse à tout le monde et pas à un seul type de lectorat, genre lectorat de
gauche pour l'Huma, de droite pour Le Figaro). Du fait de sa gratuité, il touche un
large public. Donc il ne peut pas se permettre d'être trop idéologique. Mais des
articles de fond de tous bords seraient les bienvenus.
Il est bien pour avoir un aperçu rapide de l'actualité mais ne permet pas vraiment la
réflexion (mais pour ça il y a les grands quotidiens nationaux). Parfois la qualité
rédactionnelle laisse à désirer (enfin surtout les unes et les titres d'articles qui ont
des jeux de mots pas franchement drôles parfois même douteux).
Facile d'accès (pour sensibiliser les élèves à l'actualité)
74
C) A NALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
Les informations obtenues par l’enquête de lectorat sur Toulouse ne se recoupent pas
totalement avec celles obtenues en lisant l’enquête Epic 2009 ou même avec les informations
obtenues au service marketing de 20 Minutes.
En effet, la moyenne d’âge de l’enquête de lectorat toulousaine est de 30 ans, contre
37 ans au niveau national, ce qui peut être dû à un biais d’échantillonnage, mais aussi au fait
que Toulouse est la deuxième plus grande ville étudiante de France avec plus de 90 000
étudiants, ce qui a pour conséquence que la population est plus jeune que dans d’autres villes
françaises. Ces deux raisons peuvent aussi expliquer conjointement la forte proportion
d’étudiants ou lycéens dans le pourcentage des répondants ainsi que la grande proportion de
faibles revenus qui va de pair avec le statut des personnes interrogées.
Cependant, les apports les plus intéressants de l’enquête toulousaine sont plutôt ceux
concernant les modes et les raisons de lecture ou de non lecture du 20 Minutes.
Tout d’abord, il est intéressant de remarquer qu’il n’y a pas de relation entre la lecture
ou non de magazine et la lecture ou non du 20 Minutes. Les non lecteurs de 20 Minutes ne
s’informent pas forcément sur l’actualité par la presse payante. Comme les autres personnes
interrogées, ils s’informent aussi par la télévision, la radio et Internet et ne sont pas des
lecteurs réguliers de la presse payante (13% la lisent tous les jours contre 10% chez ceux qui
lisent le 20 Minutes).
Intéressons-nous maintenant exclusivement aux lecteurs du 20 Minutes en nous basant
sur l’enquête de lectorat quantitative réalisée à Toulouse mais aussi sur les différents
entretiens réalisés aux abords des bouches de métro et à l’université.
La plupart des lecteurs du 20 Minutes lisent aussi Métro, contrairement à ce que
Mathieu de Cointet, chargé de marketing à 20 Minutes, affirmait. La lecture d’un quotidien
gratuit ne semble donc pas exclusive, car le prix n’exclut pas la consommation d’un autre
journal, plusieurs de ces titres peuvent donc être lus simultanément. Cependant, on remarque
que les journaux les plus anciens jouissent d’une plus grande notoriété auprès du public
interrogé (Direct Toulouse et Direct Soir ne sont lus que par 30% des lecteurs de 20 Minutes
interrogés).
75
D’autre part, on remarque que les lecteurs sont fidèles au journal 20 Minutes et le
lisent pour leur majorité (82%) depuis plus de 2 ans, sachant que près d’un tiers des personnes
interrogées le lisent depuis plus de 4 ans. Cependant, sur un ci court laps de temps, il est
difficile de parler de réelle fidélité et les enquêtes sur 10 ans sauront nous renseigner de façon
plus probante. Ainsi, on remarque que la lecture du journal s’arrête très souvent lorsque les
lecteurs ne passent plus devant les lieux de distribution. Lorsque les anciens étudiants qui
pourtant lisaient quotidiennement le 20 Minutes trouvent un emploi qui ne leur impose plus de
prendre les transports en commun ou de passer devant un présentoir contenant le quotidien, la
lecture s’arrête. Le 20 Minutes cesse d’être lu au moment même où sa facilité d’acquisition
disparaît. Or, les habitués des quotidiens payants font pour leur part la démarche volontaire
d’aller chercher leur journal en kiosque ou s’y abonnent pour le recevoir tous les jours. Reste
à savoir si 20 Minutes pourrait obtenir des lecteurs supplémentaires dans le cas d’une
proposition d’abonnement à prix réduit. Dans le cas des personnes interrogées, cela paraît peu
probable puisque très peu d’entre eux consultent ou ont consulté le site Internet du 20 Minutes
qui permet pourtant de télécharger les numéros gratuitement. La gratuité a également un autre
effet : généralement, lorsque l’on achète un journal, on le conserve un certains temps puis on
le jette. Dans le cas du 20 Minutes, le journal n’est que très rarement conservé, la plupart du
temps, il est jeté ou laissé à l’endroit de la lecture. On remarque le même phénomène dans les
aéroports lorsque les quotidiens habituellement payants sont distribués gratuitement, ce qui
peut signifier que c’est la gratuité et non le contenu qui pousse à ce type de comportement.
Une autre des spécificités de 20 Minutes est que le journal se lit la plupart du temps
dans les transports en commun. On retrouve ici l’idée que le journal est court, fait pour être
consommé rapidement, pour « passer le temps ». Il est également beaucoup lu sur le lieu des
études, généralement pendant les pauses ou avant l’arrivée des professeurs.
Par ailleurs, la rubrique préférée des lecteurs de ce quotidien est l’actualité locale,
alors même que ce n’est pas ce type d’actualité qui les intéresse le plus de façon générale. Ce
la peut signifier que le 20 Minutes est une source d’information pertinente concernant
l’actualité locale. L’actualité nationale semble aussi être une rubrique importante pour la
plupart des lecteurs interrogés. Dans les amphithéâtres, le 20 Minutes est souvent lu pour sa
rubrique Pause, qui contient l’horoscope et les mots fléchés. Cependant, cette remarque est
issue de l’observation et n’est pas vérifiée dans l’enquête quantitative, cette rubrique n’étant
pas signalée comme l’une des plus intéressantes par les personnes interrogées.
76
Les points forts cités par les lecteurs interrogés sont en premier lieu la gratuité du
quotidien, sa facilité de lecture puis son format. Le lecteur ne prend en effet pas de risque
quand il saisit le 20 Minutes, il sait qu’il ne dépense pas d’argent, il ne se déplace pas pour
l’acquérir, il peut le lire facilement dans un laps de temps bref, il peut également fractionner
sa lecture vu que le contenu est simple et très court.
D’un autre côté, les points faibles du journal sont la brièveté des informations, le
manque d’analyse et de mise en perspective ainsi que la faible qualité du contenu
rédactionnel. La publicité est en quatrième position et est citée par 34,3% des lecteurs. Les
points forts du journal deviennent donc quelque part ses points faibles. Ainsi, la facilité de
lecture, qui recoupe en un sens la brièveté des informations, elle-même responsable du
manque d’analyse et de mise en perspective, se retourne contre le quotidien.
Une information attire également l’attention : très peu de particuliers appellent
directement la rédaction locale de 20 Minutes, alors que La Dépêche du Midi reçoit
continuellement des sollicitations de lecteurs qui souhaitent raconter une histoire particulière
ou commenter un article. Ce quotidien gratuit n’est donc pas un journal populaire qui
remporte l’adhésion des lecteurs au point qu’ils contactent la rédaction pour s’exprimer dans
ou à propos du quotidien.
Enfin, lorsque l’on demande aux lecteurs du 20 Minutes de s’exprimer librement sur le
quotidien, dans les propositions d’amélioration et dans les remarques générales, ou lors
d’entretiens, les commentaires sont plutôt négatifs. On retrouve l’idée que le journal manque
d’analyses, d’enquêtes, de réflexion, d’articles de fond, et qu’il n’est pas comparable à un
quotidien payant. D’un autre côté, les lecteurs interrogés affirment aussi qu’il est « suffisant
pour ce que l’on peut en attendre », qu’il donne seulement un « aperçu » de l’actualité.
Puisqu’il est gratuit, les lecteurs ne s’attendent en effet pas à des analyses approfondies, la
gratuité. Le journal est considéré comme « synthétique », avec « peu de contenu » et « adapté
à l’usage dans les transports ». C’est un format « à part » qui « n’a pas pour vocation de
vraiment traiter de façon poussée l’actualité », il fait « passer le temps dans les transports »
et il ne « suffit pas pour une prise d’informations de fond et une analyse du contexte » car « ce
n’est pas son objectif ».
Certains lecteurs s’accordent à dire que « les synthèses sont courtes mais bonnes » ou
que le journal « surpasse ses concurrents » gratuits et est « parfait pour s’intéresser à
77
l’actualité rapidement ». Une personne va même jusqu’à affirmer que le 20 Minutes permet à
tous d’avoir accès à l’information et que cela est très important.
Le 20 Minutes est donc pour ses lecteurs un journal à part, pris comme un « tremplin »
qui permet de façon rapide d’accéder à l’information comme le permettrait un flash info à la
radio ou sur les chaînes d’information en continu. Les individus interrogés semblent
conscients qu’un quotidien gratuit ne peut pas traiter l’information à la façon des journaux
classiques car les rédactions manquent de moyens et de place pour s’exprimer à la manière de
leurs collègues d’autres titres payants. D’autre part, de par son financement par la publicité et
ses impératifs de rentabilité, le 20 Minutes s’adresse à une cible large et « ne peut donc pas se
permettre d’être trop idéologique » et de laisser des lecteurs de côté.
Ce qui ressort de cette étude de lectorat ainsi que des entretiens réalisés est que 20
Minutes, tout comme ses concurrents gratuits, n’est pas un journal classique que l’ont lit pour
s’informer de façon complète. Un complément semble donc nécessaire aux lecteurs pour
obtenir une vision plus exhaustive et argumentée de l’actualité.
78
CONCLUSION
Plusieurs questionnements nous ont guidés tout au long de ce mémoire de recherche,
dont la problématique principale peut se résumer ainsi « Les gratuits : presse au rabais,
mauvais journalistes et concurrence déloyale ? ». Voici les interrogations majeures qui ont
constitué la trame de ce travail :
-
La presse gratuite a-t-elle une part de responsabilité dans la crise de la presse
payante ?
-
Le mode de financement de 20 Minutes influence-t-il le contenu rédactionnel et
l’organisation du travail des journalistes ?
-
Quelle est la place de la publicité dans les pages de ce quotidien gratuit ?
-
Le travail des journalistes du quotidien 20 Minutes est-il comparable à celui des
autres journalistes de titres payants ?
-
Comment et par qui ce journal est-il lu ?
Afin de répondre de façon satisfaisante à ces questions, nous sommes partis du constat
suivant : 20 Minutes est le quotidien le plus lu en France, pourtant il jouit d’une très faible
notoriété tant de façon interne au champ que de façon externe. Ce qui nous a conduits à nous
demander pourquoi, à nous interroger sur l’intérêt de ce quotidien pour les lecteurs et au
travail des journalistes qui nourrissent son contenu.
La méthodologie de recherche a été constituée de plusieurs démarches. Tout d’abord,
des lectures en sociologie du journalisme ont permis de mieux appréhender le milieu. Ensuite,
une observation participante au sein de la rédaction toulousaine du 20 Minutes a permis
d’étudier les pratiques de ces journalistes. D’autres observations participantes dans la presse
79
payante ont également permis de recouper et de comparer les informations obtenues. D’autre
part, des entretiens avec des journalistes de presse payante et gratuite, avec des rédacteurs en
chef, des enseignants en journalisme, des lecteurs et des non lecteurs du 20 Minutes ont
permis d’obtenir des données pertinentes pour répondre aux questionnements initiaux. Enfin,
une enquête quantitative de lectorat administrée de manière anonyme a été l’occasion de
récolter des informations intéressantes pour mieux comprendre les pratiques ainsi que les
freins à la lecture de ce quotidien gratuit.
Après avoir présenté l’entreprise 20 Minutes en détail, ainsi que la rédaction
toulousaine, nous avons décliné les hypothèses issues des principaux questionnements ayant
guidé ce travail de recherche. Elles ont pour certaines été validées, pour d’autres invalidées.
Les voici, en quelques mots :
-
Les journalistes de presse gratuite travaillent comme ceux de presse payante.
-
Les journalistes de presse gratuite sont rejetés par leurs confrères de titres payants.
-
Les gratuits ne sont pas responsables de la crise de la presse payante concernant la
fuite du lectorat mais peuvent l’être pour la fuite des recettes publicitaires.
-
Les annonceurs du gratuit 20 Minutes ne font pas pression sur les journalistes et
n’ont pas d’influence sur le contenu éditorial.
-
Un journal gratuit n’est pas forcément lu dans une optique informationnelle.
Dans le premier chapitre, nous avons défini le secteur journalistique de façon
théorique et illustrée. Nous avons pu constater que pour 20 Minutes, la reconnaissance par les
pairs ne constitue pas un principe de légitimation mais que cette légitimation se fait plutôt par
l’audience du journal. Le capital dont jouit le 20 Minutes Toulouse en tant que nouvel entrant
est beaucoup moins important que celui dont jouit La Dépêche du Midi, par exemple, qui est
un journal historique. Par ailleurs, on remarque que la notion bourdieusienne de circulation de
l’information, qui aboutit finalement à l’uniformisation de l’offre, se vérifie autant chez les
journaux payants que chez les gratuits puisque l’un des habitus intégrés des professionnels est
justement la veille sur les informations des autres titres et la reprise des thèmes. Ensuite, la
définition du secteur nous a amenés à analyser la crise de la presse payante depuis les années
80, qui se caractérise par d’une part la fuite du lectorat, et d’autre part par la fuite des recettes
publicitaires. Le marché n’étant pas extensible, tout nouvel entrant peut effectivement capter
des parts de marché publicitaire. Pour la presse payante historique, un effet de ciseau
constitué par la contraction des recettes publicitaires et par maintien de coûts fixes élevés
80
aboutit à une situation précaire pour le maintien de certains titres. Mais les gratuits ne sont ni
les seuls, ni les principaux responsables de la crise de la presse qui a commencé bien avant
leur arrivée sur le marché, Internet emmagasinant par exemple une part non négligeable des
investissements publicitaires. Les gratuits et leur succès remettent également en cause les
canons de la presse payante avec un format court, une information facilement et rapidement
« consommable ». Pour reprendre Anne Baret, le « crédit temps » à consacrer à la presse est
aujourd’hui très limité, d’autant plus que la lecture est une activité exclusive qui impose
attention et concentration. Or, la presse gratuite s’adresse à l’individu dans un laps de temps
auparavant inexploité par les titres payants : le temps de transport. Cela va de pair avec
l’évolution des comportements vers un phénomène de zapping, également illustré avec les
chaînes d’information continues, ou encore l’utilisation d’Internet, pour ne mentionner que les
médias ayant rapport avec l’actualité. Enfin lorsque se pose la question de la concurrence
déloyale, se pose également celle de la possibilité de substitution de deux produits, un titre
payant et un titre gratuit. Or, Le Monde, Libération et Le Figaro ne sont pas substituables
avec le 20 Minutes ou Métro, tout simplement parce que leur contenu est très différent. Par
exemple, si je souhaite obtenir une analyse poussée sr la crise en Grèce, je vais lire Le Monde,
si je souhaite avoir des informations sur l’actualité politique à Toulouse, je vais lire La
Dépêche du Midi, par contre, si je souhaite avoir un aperçu succinct de l’actualité nationale ou
internationale, je vais regarder BFMTV ou lire le 20 Minutes.
Dans un second chapitre, nous avons examiné les effets structurels du système
économique de la presse gratuite. Effectivement, ce qui frappe chez les gratuits est leur mode
de financement : la publicité. Les titres payants sont pour leur part vendus deux fois, une fois
aux annonceurs et une fois aux lecteurs, c’est ce que l’on appelle le « two-sided market ».
Pour la presse gratuite, cela est quelque peu différent puisque le journal n’est vendu qu’une
seule fois, aux annonceurs. Cependant, le fonctionnement reste celui du « two-sided market »
car l’utilité de l’annonceur est liée à la taille du lectorat tandis que l’utilité du lectorat dépend
du contenu du média et de son volume publicitaire. Néanmoins, ce financement par la
publicité uniquement impose des contraintes, en termes de contenu et d’organisation, aux
journalistes de presse gratuite. Même si les routines de travail intégrées par les journalistes
des gratuits sont identiques sinon très proches de celles de leurs homologues de titres payants,
le fonctionnement des rédactions est très différent, en témoignent les faibles coûts de
production des journaux gratuits. En effet, le format des gratuits est réduit, ces journaux
cessent de paraître le week-end et pendant les vacances scolaires car les annonceurs n’ont
81
aucun intérêt à investir si le lectorat du journal ne peut le réceptionner en allant travailler. Par
ailleurs, les journalistes employés dans les gratuits sont la plupart du temps des généralistes,
tendance qui s’observe tout de même également dans les titres payants. Les articles des
gratuits restent très courts, les enquêtes ne sont pas poussées par manque de temps et sont
souvent l’œuvre de pigistes. La rédaction est décentralisée, et les sujets sont validés par la
rédaction en chef au siège du journal à Paris. Ce type d’organisation avec imposition de
formats courts, charge de travail accrue et absence de hiérarchie au niveau local fait de 20
Minutes une entreprise peu enviable du point de vue des journalistes de titres payants
interrogés. Malgré la forte proportion de publicité contenue dans les pages du 20 Minutes, il
est nécessaire de préciser que les journalistes ne sont pas influencés par les annonceurs car il
existe un cloisonnement entre la régie publicitaire et la rédaction. Il en va ainsi d’un impératif
de crédibilité, les gratuits doivent être irréprochables car ils ont un fort besoin de légitimation
qui se traduit également par le respect d’une charte déontologique très stricte.
Dans le dernier chapitre de cette étude, nous avons analysé en détail de façon
empirique le travail journalistique fourni par les journalistes du 20 Minutes Toulouse tout en
mettant en parallèle la réception du produit qu’est le journal par le public. Il en ressort que le
travail de recherche et de hiérarchisation de l’information semblent assez similaire chez 20
Minutes Toulouse et chez d’autres journalistes de presse payante. Les routines journalistiques
ont été intégrées de la même façon par les professionnels, ce qui peut s’expliquer entre autres
par le passage par des écoles de journalisme. Parallèlement, le poids des sources
institutionnelles majeures est très important pour les gratuits, mais aussi pour les titres
payants. Cependant, cela est d’autant plus vrai pour 20 Minutes que c’est un journal récent qui
n’a pas les moyens d’avoir un maillage territorial aussi conséquent que La Dépêche du Midi
par exemple. Précisons tout de même que toutes les informations collectées par 20 Minutes ne
sont pas issues de sources institutionnelles, cependant, le journal a rarement des « scoops »
que les autres journaux n’ont pas et obtient très rarement l’exclusivité sur une information.
D’autre part, les gratuits, comme les payants utilisent des genres variés pour s’exprimer dans
leurs colonnes. Néanmoins, à la façon des autres journaux, tous les genres journalistiques ne
sont pas mobilisés. Ainsi, il est difficile voire impossible pour les journalistes du 20 Minutes
de réaliser des enquêtes poussées ou de longs reportages, principalement pour des raisons de
moyens. Des contraintes structurelles induisent donc des particularités du point de vue de
l’accès aux sources de l’information et du traitement des sujets. Les journalistes de presse
payante interrogés s’accordent en ce sens à dire que les journalistes de presse gratuite ne sont
82
pas de mauvais professionnels, mais dénigrent le support. Les particularités du journal
induisent également des pratiques de lecture différentes. Une étude quantitative et qualitative
du lectorat permet de mettre à jour certains usages différents de ceux de la presse payante. En
effet, la lecture d’un quotidien gratuit n’est pas exclusive car le prix n’écarte pas la
consommation d’un autre journal. D’autre part, on peut aussi observer un autre effet de la
gratuité : le journal gratuit est la plupart du temps jeté et très rarement conservé par les
lecteurs. Or, généralement, les individus conservent leur journal payant. Par ailleurs, alors que
les lecteurs de titres payants sont souvent attachés à leur quotidien, la lecture des gratuits
s’arrête la plupart du temps lorsque leur facilité d’acquisition disparaît. Si les lecteurs
attribuent à 20 Minutes les avantages d’être gratuit, facile à lire et d’un format pratique, ils lui
reprochent en même temps sa brièveté, son manque d’analyse, de mise en perspective et la
faible qualité de son contenu rédactionnel. Il en ressort donc que les points forts du journal en
deviennent ses points faibles. Un journal gratuit est effectivement avant tout synthétique, avec
peu de contenu et adapté à l’usage dans les transports. Il ne contient pas d’analyses poussées
car « ce n’est pas sa vocation » précise l’un des lecteurs interrogé, ce qui résulte du manque
de moyens et de la ligne éditorial voulue par la direction de l’entreprise. Les journaux gratuits
comme 20 Minutes ne sont donc pas des journaux classiques que l’on consulte pour
s’informer de manière exhaustive, c’est un tremplin, et un complément reste nécessaire pour
obtenir des éléments complets sur l’actualité. Ceci est également remarquable au sujet des
flashes info radiophoniques ou télévisuels.
En conclusion, nous pouvons donc constater que des contraintes d’ordre structurel
pèsent sur les journalistes de presse gratuite et leur imposent de travailler différemment de
leurs homologues de titres payants. Leur professionnalisme n’est pas remis en cause, à
l’inverse du support de leur prose qui reste mal vu par la plupart des journalistes de presse
payante, à la fois par crainte de la concurrence mais aussi par conscience des impératifs
économiques des titres gratuits. Enfin, il semblerait que les gratuits ne soient pour le moment
pas considérés par les lecteurs comme une source d’information majeure puisque leur lecture
est couplée à la consultation d’autres médias.
A l’issue de ce travail de recherche, des questions restent cependant ouvertes car
l’étude entreprise ne concerne qu’un titre de presse gratuite et qu’une seule localité. Par
ailleurs, le secteur journalistique est en pleine évolution. La crise de la presse, l’arrivée
d’Internet comme nouvelle source d’information, les contraintes économiques qui pèsent sur
la profession tout comme sa précarisation poussent à s’interroger sur le développement futur
83
du secteur. De nouvelles recherches sur la presse gratuite apporteront sans nul doute des
résultats complémentaires car ce type de journaux est assez récent. Des études sur le long
terme dans une perspective pluridisciplinaire au sujet des gratuits pourront sans nul doute
enrichir la recherche en sociologie du journalisme.
84
ANNEXES
I
L EXIQUE DES TERMES JOURNALISTIQUES
Accroche : petit texte en gras placé dans un article pour inciter à la lecture.
Agenda : planning des événements à couvrir par une équipe rédactionnelle.
Angle : façon d’aborder un sujet, d’en valoriser un aspect particulier.
Appel de une : petit titre en première page qui renvoie à un article du journal.
Bouclage : dernières vérifications avant l’envoi du journal pour l’impression.
Brève : le plus petit des articles.
Chemin de fer : représentation du journal indiquant la place, le nombre et le sujet des
articles et des espaces publicitaires.
Embargo : lorsqu’une information est donnée avec embargo, le journaliste ne doit pas
la publier avant une certaine date et/ou heure.
Erratum : petit texte rectifiant une erreur d’une édition précédente.
Infographie : information sous forme d’illustration.
Lead : attaque d’un article qui condense en peu de place l’essentiel de l’information.
A 20 Minutes, c’est le plus gros article d’une page.
Locale : pages d’informations sur une zone géographique déterminée dans un journal
local ou régional.
Marbre : articles qui n’ont pas pu être publiés et qui sont « en réserve ».
Menu : A 20 Minutes, c’est le descriptif des articles à paraître dans le journal. En
premier lieu, un « pré-menu » est envoyé à la rédaction parisienne l’avant-veille de la
parution. Ensuite, la veille de la parution, un « menu » est envoyé, entérinant la
programmation déjà établie ou la modifiant quelque peu. Enfin, des rectificatifs peuvent être
apportés tout au long de la journée en fonction de l’actualité.
II
Monter un titre ou une information : grossir ce titre ou cette information, on dit
aussi « monter en une » quand le sujet revêt une importance capitale.
Ours : sorte de carte d’identité de la publication qui apparaît toujours à la même place
dans le journal. Dans 20 Minutes, il est publié au bas de la page « Pause ».
PQR : Presse Quotidienne Régionale.
Pigiste : journaliste rémunéré « à la pige », c'est-à-dire à la tâche.
Ratage : information manquée par un journal et publiée par un concurrent.
SR : Secrétaire de Rédaction chargé de la relecture des papiers avant le bouclage.
III
E NTRETIENS
E NTRETIEN
AVEC
DEUX
JOURNALISTES
DU
20
M INUTES , H ELENE M ENAL ET B EATRICE C OLIN , LE 30
JUIN
2009
Ambiance : L'entretien a plus pris la forme d'une discussion que d'un entretien à
proprement parler. Nous avons en effet mangé au restaurant en compagnie d'un autre étudiant
de l'IEP qui avait réalisé une pige pour 20 Minutes Toulouse. Je n'ai pas enregistré l'entretien
car cela aurait pu paraître dérangeant et je me suis efforcée de prendre des notes par rapport
aux propos échangés, notamment en rapport avec les questions contenues dans ma grille
d'entretien préparée au préalable. Le ton était assez amical, complice, puisque je connais ces
deux journalistes pour avoir travaillé avec elles pendant plus de 4 mois.
Eléments de biographie : Béatrice Colin et Hélène Ménal ont toutes les deux une
licence d’histoire et sont toutes les deux diplômées de l’EJT (Ecole de Journalisme de
Toulouse). Elles ont ensuite travaillé à la Dépêche et à Dépêche Mag, avant d’être
embauchées à 20 Minutes Toulouse dès la création du journal dans la Ville rose.
Entretien
Vous faites partie de l'AJT ?
Non, déjà, on n'a pas le temps d'y aller et puis on n'a pas l'esprit corporatiste, parce que
c'est très corporatiste quand même l'AJT. C'est intéressant pour les pigistes et tout ça parce
qu'ils font des conférences sur leurs droits. Mais bon après on connait des gens qui y sont,
Philippe Font de Métro en a été président à un moment.
Qu'est-ce que vous pensez des critiques par rapport à 20 Minutes ?
Lesquelles ?
Ben par exemple, par rapport à l'utilisation de dépêches d'agence, à la critique
comme quoi ce n’est pas du journalisme et tout ça...
Ben tu le sais très bien puisque tu as travaillé avec nous !
IV
Oui justement je voudrais savoir ce que vous en pensez...
On s'en sert pour des brèves ou pour des infos qu'on n'a pas nous mais ça nous alerte
c'est tout. On ne les reprend pas telles quelles, évidemment, on vérifie, on prend même parfois
des angles différents, quitte à rater une partie de l'info pour ne pas les reprendre ! Souvent, les
gens qui tiennent ce type de discours, c'est une posture politique, contre la gratuité et tout ça.
On donne la même info que Libé et Le Monde en beaucoup plus synthétique et avec moins
d'analyse. On est aussi critiqué parce qu'il y a une sorte d'amalgame avec Métro qui n'avait
pas de journalistes au début.
Après, nous, on a travaillé dans du payant avant et on fait le même métier, on vérifie,
on rappelle derrière pour confirmer les chiffres, les lieux... C'est vrai que c'est moins valable
pour le web parce que c'est dans la rapidité, comme beaucoup de sites internet, c'est de l'AFP.
Ensuite, très souvent, ce sont des critiques de la part de gens qui ne nous lisent pas.
Oui et aussi, de toute façon, l'AFP ne produirait pas assez de dépêches pour remplir
nos pages.
Bon, vous m'avez déjà un peu répondu mais... Comment vous considérez votre
travail à la rédaction, c'est différent par rapport à la presse payante ?
Non, c'est pareil, sauf que chez nous, il y a une charte déontologique très stricte, il
faudrait qu'on te la donne...
Oui je l'avais récupérée pendant mon stage...
Oui donc tu sais ce qu'il y a dedans... En fait, on a un cloisonnement avec la pub, on
n'a pas les commerciaux avec nous, comme ça peut se faire dans d'autres titres payants, on ne
sait même pas quelle pub il va y avoir le lendemain. Quand on bossait dans des titres payants,
on nous disait « tiens, il faudrait faire un article là-dessus, c'est des gros annonceurs ». Chez
nous c'est interdit par la charte déontologique, c'est un cloisonnement très spécifique à 20
Minutes. J'ai travaillé pour deux journaux payants avant et il y avait toujours un commercial
qui venait nous emmerder pour qu'on traite de tel ou tel sujet ! A la Dépêche; ils le font
beaucoup. L'idée de départ pour 20 Minutes, c'est justement une idée de crédibilité, il faut
être irréprochable. Même dans la rubrique High Tec où ça peut faire un peu pub, ils font très
attention à ça, ils essaient d'équilibrer. Un exemple concret, pour l'ouverture des Portes de
V
Gascogne, on est obligé de citer Carrefour, puisque c'est eux qui s'implantent mais on appelle
aussi Leclerc pour avoir leur avis.
Par rapport aux critiques, les étudiants, par exemple, s'ils veulent suivre la politique
locale, ce n’est pas Le Monde qui va leur apprendre, par exemple pour la campagne
électorale, les transports à Toulouse... A la limite, on peut concurrencer la Dépêche à la marge
mais pas les nationaux, de toute façon, on ne va pas renoncer à Libé parce qu'on lit 20
Minutes. Les chiffres des enquêtes montrent que la majorité des gens qui lisent 20 Minutes ne
lisaient pas d'autres quotidiens.
Le format court imposé pour les articles, est-ce que ça vous déçoit, qu'est-ce que
vous en pensez ?
Des fois, c'est chiant, mais maintenant, au bout de 5 ans, on a du mal à écrire long.
La semaine dernière, j'ai écrit un papier sur AZF, et je n’ai pas pu caser les réactions,
du coup, j'ai mis ça dans le papier que j'ai fait pour le web. C'est un peu frustrant. Mais bon,
ça oblige à angler, parfois c'est bien pour le lecteur et ça permet de se distinguer dans le
traitement d'une info.
Est-ce que vous avez des difficultés pour accéder aux infos, par rapport à La
Dépêche du Midi par exemple ?
De moins en moins, sauf pour l'info faits divers. Les canaux institutionnels, les
agences de com, on a les mêmes. Après, le citoyen qui est victime de quelque chose, il appelle
la Dépêche, ils n’ont pas le réflexe de nous appeler. En plus c'est vrai qu'on ne répond pas à ce
genre de demandes. Par exemple, il y a en ce moment une retraitée qui cherche son mari, elle
voulait mettre un avis de recherche dans le journal mais on ne fait pas ça, bien sûr, on va
demander à Paris, mais ils vont dire non.
Avant, on avait des problèmes avec l'institution judiciaire mais on a gagné leur
confiance.
Est-ce que les débuts ont été difficiles ?
Non, pas vraiment, on avait déjà les contacts parce qu'on travaillait déjà à Toulouse.
En plus, Métro avait ouvert 6 mois plus tôt donc les gens savaient déjà ce qu'était un gratuit.
VI
Et par rapport aux enseignants chercheurs et à Molex, comment vous avez traité
ces deux sujets ?
Pour Molex, on a eu un communiqué de la direction qui annonçait comme ça un plan
social, personne n'était au courant, ils ont fait une grosse erreur, ils ont pensé que ce serait
mieux de le faire comme ça mais ils ont eu tort. Pour les enseignants chercheurs, on a eu
l'avantage d'avoir Monthubert qui était président du collectif Sauvons la recherche, donc on
l'appelait chaque fois qu'il se passait quelque chose. On n’a pas parlé de toutes les manifs,
c'est assez compliqué, d'autres revendications se greffent dessus...
Vous m'avez déjà un peu répondu mais est-ce que vous avez des contacts avec les
annonceurs, est-ce qu'il y a des tentatives de pression de leur part ?
Ben ça arrive mais on leur explique que la pub c'est une chose et que nous, c'en est une
autre. De toute façon, s'ils prennent de la pub, c'est qu'ils ont un intérêt à le faire. Par exemple,
l'Iseg arrête pas de nous emmerder, on aurait préféré qu'ils ne mettent pas de pub, c'est du
harcèlement ce type ! Ensuite, on sait que parfois la Mairie veut pas nous donner de pub mais
en donne plein à la Dépêche, pour des grosses campagnes, donc on se pose des questions,
pourquoi eux et pas nous ?
Qui sont vos concurrents gratuits, Direct Soir, Métro... ?
Direct Soir, non, y'a pas d'info locale. Métro, on lit tous les matins pour voir ce qu'ils
ont fait. Mais on essaie d'avoir des infos en concurrence avec la Dépêche, même s'ils sont
beaucoup plus nombreux que nous. A Paris, ils ne lisent même pas Métro, ils les méprisent,
ils ont l'impression d'être en concurrence avec le Monde [rires].
Vous comptez rester à 20 Minutes ?
On ne sera pas toujours là, à terme, là, à un moment, on sera épuisées, il faudra qu'on
fasse un truc moins usant. Mais après c'est vrai qu'on aime bien ce rythme, pour le moment ça
nous plait bien.
VII
E NTRETIEN AVEC LA PRESIDENTE DE L ’A SSOCIATION
DES
JOURNALISTES
DE
T OULOUSE ,
S YLVIANE
B EAUDOIS , LE 18 JUIN 2009
Ambiance : L’entretien a eu lieu par téléphone parce que nous n’avons pas réussi à
trouver de créneau nous convenant. La discussion se déroule sur un ton cordial, le
vouvoiement est de mise. Je me sens un peu prise de haut, avec l’impression qu’elle veut
expliquer quelque chose à quelqu’un qui ne connaît strictement rien au journalisme, c’est un
peu gênant.
Eléments de biographie : Elle a commencé sa carrière de journaliste il y a environ 30
ans, à Paris en presse économique. Elle a travaillé à la Tribune puis à Milan Presse à
Toulouse. De 2000 à 2002, elle s’occupait du titre Tout Toulouse pour Le Monde, puis, de
2002 à 2006, elle revient à Paris est journaliste au Monde. Elle enseigne à l’IEP dans le
parcours journalisme depuis 2004 et s’occupe du journal Satiricon. Elle adhère à l’AJT
(Association des journalistes de Toulouse), dont elle est présidente, depuis très longtemps.
Entretien
Quel est votre rôle au sein de l’AJT ?
Je représente l’AJT vis-à-vis des instances locales, je n’ai pas de rôle particulier, je
participe à des réunions, j’écris quelques articles par exemple récemment sur Médiapart j’ai
fait quelque chose sur Hadopi et le droit d’auteur des journalistes. Je m’occupe aussi de la
lettre bimensuelle de l’AJT et parallèlement je prends des initiatives. Il y a des gros
bouleversements dans la presse et il y a eu les états généraux de la presse, nous avons voulu
ouvrir l’association sur la société civile. On ne veut pas se concentrer sur les problèmes des
journalistes mais que ça concerne tout le monde. C’est une profession souvent mal considérée,
rendue responsable des nouvelles, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, mais ça ne date pas
d’aujourd’hui, c’est juste renforcé par le pouvoir politique à cause de la position du président
de la République vis-à-vis des journalistes. C’est vrai qu’il y a beaucoup de dérapages, surtout
au niveau TV, sinon, la majorité fait son travail de façon correcte dans la mesure où on leur
donne les moyens de le faire, en temps et en argent. Le temps, on en a besoin pour faire des
enquêtes, vérifier des infos, faire de la relecture,… Mais, y compris dans les grands
VIII
quotidiens, on se rapporte de plus en plus à des dépêches d’agence. Mais il existe un code
déontologique, vous savez ?
Oui oui je sais.
Parce
que ça, tout le monde l’ignore. Il y a aussi la loi de 1881, qui est très
contraignante au niveau du respect de la vie privée, du droit à l’image… cela évite certains
dérapages. C’est donc un travail relativement encadré. Au niveau de l’AJT, on veut montrer
l’implication des journalistes en tant que citoyens. Quelque part en soutenant les journalistes
dans l’exercice de leur métier. D’ailleurs, nous organisons des rencontres de façon régulière
avec par exemple Edwi Plennel de Médiapart.
Oui je sais.
[Explication et description de la conférence]. On est content parce qu’on a eu 200
personnes qui sont venues s’intéresser et on eu d’autres sujets comme le secret des sources, la
responsabilité pénale du journaliste, la loi Hadopi,…
Du point de vue de votre représentativité sur le paysage toulousain, vous
représentez combien ?
Heu… 1/5 des journalistes de Midi-Pyrénées environ.
Est-ce que des journalistes de 20 Minutes en font partie ?
Oui, oui, il y a Philippe Font par exemple.
Il travaille à Métro…
Ah oui eh bien, il y a des pigistes de 20 Minutes mais pas des salariés à plein temps.
Par exemple, Julie Rimbert, Amandine Rancoule, Martin Venzal…
Heu… je ne sais pas.
Une question un peu plus personnelle, que pensez-vous des journaux gratuits et
de 20 Minutes plus particulièrement ?
Que ce soit 20 Minutes ou Métro, surtout 20 Minutes, on s’aperçoit qu’il y a un effort
de donner de l’info locale. On va dire, ce sont les moins médiocres, attention, ce n’est pas une
critique, hein. Je pense que leurs moyens sont très limités, c’est souvent du travail d’après
IX
dépêches ou d’après communiqués, mais il n’y a pas qu’eux qui font ça. Par rapport à la
gratuité, pour les journaux papiers et internet, on se pose la même problématique : l’info peutelle être gratuite ? Fabriquer de l’information demande un certain nombre de moyens : des
journalistes, des photos, l’impression…, ça représente un coût. Donc on voit mal comment
avoir une info fiable, surtout sur Internet car il n’y a pas forcément des journalistes derrière et
tout un tas de bobards circulent sur les blogs, les forums… Dans la multiplicité des
informations d’internet, il faut faire du tri, c’est ce que font en particulier les journalistes.
Mais comment faire le tri ? C’est assez impossible.
Le modèle gratuit dévalorise l’information, je n’y crois pas du tout ! Si elle est
totalement gratuite, ce n’est pas de l’information, ce n’est pas vérifié, à un moment donné, il
faut bien la payer. Donc dans 20 Minutes, c’est payé par la pub mais sur internet, c’est plus
compliqué, après quand il y a des problèmes de publicité, comme en ce moment, ce modèle ne
marche plus. Par exemple, 20 Minutes a annoncé un plan social parce que le volume de
publicité a diminué de 14%, je crois. Donc ce modèle ne marche pas. Les quotidiens
nationaux sont trop chers, c’est sûr, par contre, sur internet, il y a des sites comme Médiapart
qui sont payants, mais c’est des sommes minimes, tout le monde peut payer, il faut faire
l’effort de payer un minimum.
A côté de ça, l’arrivée de la presse gratuite a été perçue comme une menace. On
comprend mal la position des pouvoir publics, parce que les journaux papier, on a laissé faire
un dumping hallucinant. Les gratuits sont distribués à la sortie du Métro ou même devant des
kiosques à journaux. C’est comme si quelqu’un se postait devant un magasin et donnait les
produits que l’autre vend, c’est inacceptable ! C’est de la concurrence illégale. Or, les patrons
de presse sont restés immobiles par rapport à ça et beaucoup impriment les gratuits. Par
exemple, la radio et la télévision ne sont pas gratuites, on paie la redevance et pour les chaînes
privées, c’est vrai, là, heu… c’est la pub. Pour l’indépendance, il faut que les lecteurs paient
parce que les publicitaires peuvent faire pression.
D’accord, toujours d’un point de vue personnel, que pensez-vous du travail
journalistique fourni par la rédaction toulousaine ?
Ce sont des gens qui font leur travail correctement, l’édition nationale n’est pas mal
faite. Est-ce qu’ils ont la possibilité de faire leur travail comme ils le voudraient ? De
l’extérieur, c’est tout à fait correct mais je ne connais pas leurs conditions de travail, s’il y a
des pressions… Ils ne font pas de reportages.
X
Les deux journalistes de 20 Minutes Toulouse sont toute la journée sur le
terrain…
Oui, bon, très peu… 20 Minutes est le moins mauvais exemple de la presse gratuite car
ils embauchent de vrais journalistes avec un savoir-faire… Mais ils ne sont pas à l’abri plus
que les autres.
Vous qui êtes présidente de l’association des journalistes de Toulouse, vous êtes
bien placée pour connaître les points de vue de vos collègues sur ce type de quotidiens.
Quels sentiments sont la plupart du temps véhiculés par les journalistes toulousains ?
Ceux qui y travaillent tentent de faire leur travail le mieux possible, y’a pas de honte à
travailler pour ce genre de support. L’offre toulousaine est réduite, là où ça pourrait être
intéressant, ce serait d’apporter un plus à la Dépêche. C’est une offre supplémentaire, mais
est-ce que ça apporte un plus à la Dépêche ? Maintenant, je vois mal un journaliste qui dise :
« maintenant on arête tel ou tel titre » mais bon je suis contre cette concurrence déloyale, en
dehors de toute considération en termes de qualité. Si l’info est gratuite, l’offre va diminuer et
ce n’est pas bon pour la démocratie. En fait on regrette un grand hebdo régional qui fasse
concurrence à la Dépêche. Après, les critiques, bon, des jugements de cet ordre là, on ne peut
pas vraiment en parler, ce serait rentrer dans ce qu’on peut reprocher justement. Quand on
trouve un travail là-dedans, on le prend.
Je m’adresse maintenant à la journaliste qui a travaillé au Monde. Pouvez-vous
décrire en quelques mots le travail effectué par un rédacteur de ce type de presse ?
Notre premier accès à l’information, ce sont les dépêches d’agence, évidemment. Le
carnet d’adresses est important aussi : ça peut être des syndicalistes, des politiques, des
institutionnels, des acteurs culturels… Chaque journaliste a son réseau et bénéficie du réseau
dans lequel il travail, parce que les rédactions sont organisées en services. Après ça, il y a les
communiqués dont il faut tenir compte mais il faut aussi faire un tri. Les sources ne sont pas
différentes de celles de tout le monde. Les dépêches d’agence, c’set aussi les photos.
Justement, quel rôle jouent les dépêches d’agence dans le travail journalistique,
habituellement ?
XI
Pour l’étranger, ça a un grand rôle, ils ont des correspondants dans tous les pays, ce
que n’ont pas les autres journaux. Mais en France, parfois, l’Etat envoie des communiqués à
l’AFP pour que ça passe chez tous les journaux, mais l’AFP trie. Il y a les photos aussi.
Du point de vue des sources, il y a aussi les participations des lecteurs.
Oui un exemple typique, Rue 89…
Oui Rue 89, Médiapart, avec des liens vers des blogs…
Pensez-vous qu’il est plus difficile pour un journaliste de presse gratuite d’avoir
accès à des sources pertinentes, institutionnelles ou pas ?
Pas forcément, non, je ne vois pas pourquoi mais c’est sûr que des titres sont
privilégiés : quelqu’un préfère se faire interviewer par le Monde que par 20 Minutes, question
de notoriété.
Les formations en journalisme sont-elles aujourd’hui adaptées à la multiplicité
des supports informationnels ?
On travaille tous pareil ! Il ne faut pas confondre support et fondamentaux de la
profession ! C'est-à-dire comment aller chercher l’information, la vérifier, la mettre en valeur,
comment faire un enquête, un reportage… Quelque soit le support, on doit retrouver ces
fondamentaux. L’objectivité, heu… la neutralité plutôt fait qu’on ne doit pas mélanger le fait
et le commentaire, rapporter la véritable interview, ne pas sortir les choses de leur contexte.
Le reste, c’est de la technique.
XII
E NTRETIEN AVEC LE REDACTEUR EN CHEF DE L A
D EPECHE DU M IDI , Y ANN B OUFFIN , LE 17 MAI 2009
Ambiance : Yann Bouffin me reçoit dans son bureau sur une table ronde différente de
sa table de travail. Je l’ai déjà rencontré une fois lors d’un travail en sociologie sur la
popularité de Nicolas Sarkozy. Il est très sympathique, pas du tout condescendant et ouvert à
toutes les questions.
Eléments de biographie : rédacteur en chef de La Dépêche du Midi depuis un an et
demi (il était reporter pour ce même journal depuis 1998), il a commencé à la radio sur Paris
puis a été journaliste à Libération. Avant de travailler à La Dépêche du Midi, il était rédacteur
en chef des Clefs de l’Actualité. Il n’a pas fait d’école de journalisme.
Entretien
Bonjour, je reviens vers vous car je fais un mémoire sur 20 Minutes et le paysage
journalistique toulousain.
Sur la presse gratuite… Parce qu’il y en a un nouveau là, Direct…
Oui Direct Toulouse mais il n’y a pas de rédaction à Toulouse
Oui les deux seuls avec une rédaction, c’est Métro et 20 Minutes. 20 Minutes
d’ailleurs, nous on leur livre du rédactionnel.
Oui je sais les pages culture et sport, j’ai fait un stage de 4 mois là-bas donc je
sais à peu près comment ça se passe.
Ah d’accord…
Alors en fait je voulais savoir si vous vous considérez comme un concurrent de 20
Minutes Toulouse ?
Disons, moi je vais renverser la question, c’est surtout le fait que la presse écrite
payante, je commence de manière générale, a été confronté à un phénomène unique dans les
lois de marché, un jour on s’est retrouvé face à des journaux qui étaient gratuits. C’est comme
si vous vendiez des salades et qu’un jour quelqu’un les offre à l’étal d’à côté, donc voilà…
Hahahahah ! Voilà le rapport de…, la donne que nous avons eue à subir, la presse écrite, il y a
XIII
maintenant quelques années déjà. Alors, après qu’est-ce que ça a eu comme conséquences ?
D’abord d’habituer le public à se dire que finalement, l’info était gratuite, l’Internet est venu
parachever cette sensation, c’est dramatique pour le modèle économique de la presse écrite,
c’est entre autres un facteur aggravant de la crise de la presse écrite qui était déjà en crise
avant l’apparition des gratuits. Mais en tous cas, le modèle économique fonctionnait quand
même encore. Ca c’est de manière générale, l’approche du lecteur : « l’info est gratuite donc
pourquoi je vais payer pour en avoir ? ».
Bien sûr.
Et deuxièmement donc un phénomène de marché unique, on se retrouve avec des gens
qui donnent de l’info alors que nous on la fabrique, alors qu’on sait très bien que donner de
l’info, ça a un coût, évidemment ça a un coût très cher en plus. Donc voilà dans quoi on a été
confronté. Au niveau de la concurrence pure, de la diffusion…
Heu, en fait moi je ne parle pas de la presse en général, c’est plutôt au niveau de
la Dépêche…
Oui mais, oui mais, heu…
C’est lié.
Je descends du plus large au plus petit, c’est… Tout est lié. Alors, au niveau de la
concurrence pure, les premières expériences de presse gratuite écrite ont été faites à Paris et
ensuite à Lyon. Les nationaux à Paris ont ramassé, notamment on considère aujourd’hui que
la grosse victime de la presse écrite payante par rapport à Métro et 20 Minutes à Paris, c’est
Libé, qu’a perdu un public jeune, citadin qui s’est mis à prendre un journal dans le Métro et
qui donc l’a pas acheté dans un kiosque. Bon, moi j’étais encore à l’époque à Libé, on avait
déjà les premiers chiffres là-dessus. Donc ça c’est le premier truc. Par rapport à La Dépêche
du Midi, vous dire qu’ils ne nous piquent pas des lecteurs serait évidemment un mensonge.
Cela dit, on s’attendait à ce qu’ils nous volent beaucoup de lecteurs et en fait ils ne nous en
ont pas volé beaucoup et même les deux dernières années on a remonté notre audience en
termes de diffusion, de nombre de ventes à Toulouse. Pourquoi ? Parce que ce genre de
presse, autant ils peuvent faire mal à un quotidien national, autant sur un terrain local, ils
n’ont pas et ils n’auront jamais la puissance de frappe qu’on a nous.
Eh oui.
XIV
Je dis La Dépêche mais c’est valable à Sud Ouest, c’est valable à partir du moment où
on a le savoir faire de l’information régionale et de proximité, on a la bonne maîtrise de la
circulation de l’information de proximité. Partant de là, logiquement, on a des chances de
pouvoir s’en sortir. En plus, les lectorats ne sont pas les mêmes, ils se chevauchent très à la
marge, c'est-à-dire que nous avons un lectorat plutôt masculin, âgé, et populaire, et eux ont
plutôt un lectorat jeune, citadin et pas friqué…
Oui, ou friqué, ils ont pas mal de cadres apparemment, mais après sur Toulouse,
il n’y a pas de chiffres donc je ne sais pas.
Eh mais le cadre il va chercher des infos dans La Dépêche qu’il n’a pas, enfin il a
besoin d’infos qui sont dans La Dépêche et qui sont pas là-bas. Voilà, le rapport de
concurrence est là, c'est-à-dire que bon, ils existent, sans doute qu’ils nous privent d’un
renouvellement de jeunes lecteurs. Ce qui est emmerdant, on n’aime pas bien évidemment
mais il y a une partie du jeune lectorat qui s’est mis à lire des gratuits et qui sans cela nous
liraient peut-être de temps en temps. Voilà, le rapport de concurrence est là.
Ok. Est-ce que vous avez eu vent de baisses de vente au moment de la mise sur le
marché de 20 Minutes, donc c’était en 2004.
Heu…. Est-ce qu’en 2004, ils nous ont mis un tir au niveau de la diffusion quand ils
sont sortis ? J’aurais plutôt tendance à dire que oui je pense, oui ça correspond en effet à un
moment où on avait baissé sur l’édition de Toulouse oui 2004-2005, on a repris à partir de
2007-2008.
Et, c’est qui qui est responsable de la diffusion, que je trouve des chiffres ?
Philippe Christophe.
Je lui passerai un petit coup de fil…
Oui vous l’appelez de ma part. Ou on essaiera de l’appeler après.
D’accord. Alors ensuite, c’est à peu près ce que vous me disiez tout à l’heure, estce que vous pensez être avantagé en tant que quotidien d’information payant du point
de vue de vos sources d’information et de votre crédibilité ?
C’est ce que je vous disais tout à l’heure, c’est justement à mon sens la plus-value
qu’on ne cesse de développer, on est en train de travailler sur un gros chantier, une nouvelle
XV
version de La Dépêche 2010-2015, avec une priorité à une information de proximité, sa
valorisation, enfin bon, on est dans tous ces schémas là … C’est notre force et notre
distinction et c’est la force de la marque.
C’est aussi le fait que, enfin, du point de vue, parce que j’imagine que pour vous
c’est beaucoup plus facile d’avoir les infos. C’est ce que j’ai pu voir pendant mon stage.
Bien sûr, on est sur 10 départements, on a des correspondants enfin c’est…
C’est l’historicité du journal…
Voilà tout à fait.
Ensuite, une question plus d’ordre personnel, qu’est ce que vous pensez vous,
globalement, de la presse gratuite d’information ?
Je trouve que Métro ce n’est pas bien, je n’aime pas du tout ce canard, sa maquette, je
n’aime pas, je déteste ce canard, vraiment. Pff, aucun intérêt. 20 Minutes, est plutôt bien fait
mais quand je vous dis ça, je me fais un clin d’œil puisque les mecs qui ont monté 20 Minutes
France sont des anciens de Libération… Hahahahah ! Donc ils se sont largement inspirés de
concepts comme ça city news, donc c’est vrai que c’est plutôt bien fait, ils ont le sens de la
titraille, ils ont le sens de la une. Il y a une mise en scène de la une qui n’est pas mal mais
après sur le fond c’est quand même de l’info extrêmement, enfin, c’est du France Info, du
mauvais France Info imprimé. Je veux dire, c’est très court quoi ! Cela dit voilà, les gens font
de la consommation d’information, donc partant de là c’est un produit gratuit, en 5 minutes,
les gens font le tour du monde ! Alors évidemment ce n’est pas de l’information qui va les
aider dans une démarche de compréhension ou je ne sais pas trop quoi, c’est vraiment du
zapping d’information.
France Info c’est court aussi, pourquoi « du mauvais France Info » ?
Parce que France Info a quand même le temps sur une journée de développer des
sujets, ils développent des sujets, des thématiques, des choses comme ça. Là il n’y a même
pas ça, c’est vraiment du flash info de France Info.
Ensuite, ça c’est un peu plus du point de vue du milieu journalistique toulousain,
qu’est-ce que vous vous pensez du milieu journalistique toulousain, est-ce que déjà vous
XVI
les avez rencontrées celles de Toulouse ? Et est-ce que dans le milieu elles sont bien
considérées ou considérées comme de « fausses » journalistes ?
D’abord je ne les connais pas. Qui c’est ?
Hélène Ménal et Béatrice Colin, deux jeunes femmes.
Colin j’ai dû la croiser déjà… Par contre ici j’ai eu des stagiaires qui on travaillé
comme vous là-bas. Je les connais pas et en plus je suis un mauvais témoin pour vous parce
que je suis journaliste mais je fréquente le moins possible les journalistes à l’extérieur de ma
vie professionnelle. Hahahahahahah !
Pour être tranquille ?...
Oui parce que, en général ça va quoi, je me les fais toute la journée donc après je n’ai
pas envie de les revoir.... Les journalistes parisiens c’est quelque chose mais les journalistes
de province ils ont toujours des attitudes de petits notables… Donc ce n’est pas mon milieu.
J’en connais quelques uns comme ça mais après comment ils sont perçus alors là, je vous
avoue que franchement, à titre tout à fait personnel, je ne fais aucun distinguo entre un
journaliste de presse gratuite, de presse payante, quelqu’un qui aura eu l’expérience de
travailler dans la presse, s’il a un bon profil, ce ne sera pas une condition où je barre d’un trait
rouge sa candidature.
Vous n’avez pas entendu des rumeurs, je sais que des bruits courent, les
journalistes qui travaillent ici, vous n’avez pas eu… C’est un peu délicat comme
question.
Non, non, je pense que déjà ils n’ont pas d’opinion, en général et après je sais, est-ce
que c’est Colin, je ne sais pas, il y en a une qui est assez bien perçue ici.
Elles ont travaillé ici, à Hima Média, quand c’était Portarieu…
A ben c’est ça, voilà c’est peut-être pour ça donc elles sont connues donc je sais qu’il
y en a une qui est considérée comme une nana plutôt sérieuse, plutôt bonne journaliste, je
crois que c’est Colin. Peu importe, mais il n’y a pas de dénigrement. Cela dit, c’est vrai
qu’aujourd’hui, pour nous ils n’existent pas vraiment, en conférence de rédaction, on ne parle
jamais des articles de 20 Minutes. Ils ont dû, depuis qu’ils existent, nous mettre au sac une
XVII
fois, deux fois, ils ont dû sortir une ou deux fois une info qu’on n’avait pas. Encore, ce n’était
pas un scoop phénoménal.
Alors ça c’est plus par rapport au métier de l’encadrement dans le journalisme.
Vous qui avez cette expérience, qu’est-ce que vous pensez de la décentralisation des
rédactions de 20 Minutes ? Qu’est-ce que ça peut avoir comme conséquences ?
Je pense qu’ils travaillent de manière extrêmement centralisée eux aussi. Il y a les
bureaux en province des éditions 20 Minutes et Métro mais c’est formaté au millimètre près
leur boulot. Ils ont des pages, ils doivent les rendre à telle heure, ils ne créent pas les pages, …
C’est vraiment un boulot extrêmement, enfin tout passe par la rédaction à Paris, il n’y a
aucune autonomie, ce n’est pas eux qui choisissent les sujets qu’ils mettent dans les pages.
Si.
Non.
Enfin quand j’y étais…
Mais c’est validé.
Ah oui c’est validé c’est sûr. Et vous vous ne validez pas, par rapport au travail
que vous faites vous ?
Moi j’ai 10 départements, je valide mais le boulot n’est pas le même, c’est à dire que
les journalistes viennent avec des sujets qu’on valide ou pas mais d’une manière générale,
c’est surtout que je ne valide pas, vous voyez ce que je veux dire. C’est que s’il y a un sujet
qui ne me plait pas ou que je trouve mal foutu, ou que je ne sens pas, je le dis mais sinon,
d’une manière générale, je valide de manière tacite alors que dans ces rédactions là, ce n’est
pas comme ça. Quand il y avait Fillou qui était à 20 Minutes, je le connaissais bien parce
qu’on a travaillé à Libé ensemble, lui et ses adjoints regardaient tout. Ils validaient tous les
sujets y compris ceux de la province, même s’il n’y avait pas Toulouse, il y avait Lyon,
Marseille, je crois, ils validaient tout, les mecs proposent des sujets mais tout est validé, ce
n’est pas du tout le type de rapport qu’on a ici. Par exemple, si vous prenez quelque chose
comme M6, il y est toujours ici le décrochage ?
Je crois que non.
XVIII
Ouais, à l’époque quand ils ont développé ces stratégies là avec le Six Minutes, dans
les villes, chaque bureau avait son rédacteur en chef. Et lui validait le contenu de son Six
Minutes et n’en rendait pas compte à Paris. S’il y avait des merdes, c’était lui qui rendait des
comptes. Alors qu’eux ne bossent pas comme ça, il n’y a pas de délégation, pas de rédacteur
en chef, c’est Paris qui valide, donc c’est en cela que c’est un boulot sans doute un peu
particulier… Ils sont certes sur le terrain mais tout est validé à Paris, ce ne sont pas eux qui
valident.
Je reviens dessus parce que je n’ai pas bien saisi, là, comment…
Je vais vous expliquer comment on fonctionne, ici à Toulouse, chaque matin il y a une
conférence de rédaction. Viennent ici à Toulouse, le représentant de la locale, du 31, les
informations générales plus un certain nombre de journalistes. Sont passés en revue les sujets
Toulouse et ceux du premier cahier, dont les événements. A l’issue de cette réunion, j’ai une
autre réunion, on l’appelle le 11 30, où il y a le directeur général de La Dépêche du Midi, moi,
le chef de service du 31, le chef de service du premier cahier et le responsable des
départements. Lui, pendant la conférence de rédaction, il fait la tournée de tous les
départements, il appelle tous les responsables des départements et il prend leurs principaux
sujets et il vient au 11 30 et il nous dit « voilà le 46 fait ci fait ça, le 64 fait ci fait ça… ».
C’est ce que je vous disais, nous c’est de la validation tacite et on ne dit que « oh non, ils ne
vont pas ouvrir avec ça, ça ne le vaut pas ça ne vaut rien ». Voilà, vous voyez ce que je veux
dire on travaille pas du tout de la même manière, je ne valide pas, imaginez s’il fallait que je
valide l’ensemble des pages produites. J’y passerais la vie entière, déjà que j’y passe pas mal
d’heures…
Au niveau des pratiques professionnelles des journalistes, est-ce que vous pensez
qu’à 20 Minutes, ça diffère par rapport à La Dépêche du Midi ? Alors vous m’avez dit
oui…
Oui de toute façon ça diffère, parce qu’ils doivent avoir un système de collecte
d’informations un peu compliqué, parce que bon c’est bien beau, ils doivent avoir tout le
canal de l’information institutionnelle, officielle, un agenda avec des invitations des trucs
comme ça, pour le reste de l’info ils doivent ramer quand même, ça ne doit pas être évident
pour eux, à deux en plus, pff, donc, je pense qu’ils doivent beaucoup piller La Dépêche du
Midi.
XIX
Pas tant que ça en fait.
Enfin s’il y a des infos, moi je vois…
Ah oui, les infos en fait elles les prennent quand elles font la revue de presse du
matin.
Ah oui, ça la revue de presse elles prennent, ça j’ai vu, par exemple, ils avaient le fait
que la prof ait été poignardée, c’est passé à la radio, à l’AFP, donc elles ont dû l’avoir mais…
Par exemple, vous avez eu un truc exactement en même temps qu’elles, c’est le
crash d’un Airbus…
Oui pendant le vol d’essai.
Oui parce qu’il y a le coup des sources, des réseaux d’informateurs et tout ça,
elles les ont aussi, pour le coup ça a marché.
Oui ils doivent avoir leur réseau mais bon je veux dire, c’est quand même… On ne
joue pas dans la même cour. Enfin, ils sont deux journalistes, là il y en a 40, enfin, on n’est
pas dans la même technique journalistique de pêche à l’info.
XX
L A C HARTE DE DEONTOLOGIE DE 20 M INUTES
Cette Charte est extraite du site internet www.20minutes.fr.
C ADRE GENERAL
Les journalistes de la rédaction de 20 Minutes s'engagent à respecter la Charte des
devoirs professionnels des journalistes français, élaborée en 1918 par le Syndicat National des
Journalistes puis révisée et complétée en janvier 1938. Ce texte est reconnu par l'ensemble des
syndicats de journalistes et plus généralement par l'ensemble des journalistes français :
" Un journaliste digne de ce nom,
* prend la responsabilité de tous ses écrits, même anonymes ;
* tient la calomnie, les accusations sans preuves, l'altération des documents, la
déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles ;
* ne reconnaît que la juridiction de ses pairs, souveraine en matière d'honneur
professionnel ;
* n'accepte que des missions compatibles avec la dignité professionnelle ;
* s'interdit d'invoquer un titre ou une qualité imaginaires, d'user de moyens déloyaux
pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque ;
* ne touche pas d'argent dans un service public ou une entreprise privée où sa qualité
de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d'être exploitées ;
* ne signe pas de son nom des articles de réclame commerciale ou financière ;
* ne commet aucun plagiat, cite les confrères dont il reproduit un texte quelconque ;
* ne sollicite pas la place d'un confrère, ni ne provoque son renvoi en offrant de
travailler à des conditions inférieures ;
* garde le secret professionnel ;
* n'use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée ;
XXI
* revendique la liberté de publier honnêtement ses informations ;
* tient le scrupule et le souci de la justice pour des règles premières ;
* ne confond pas son rôle avec celui de policier. "
Les journalistes de la rédaction de 20 Minutes, ainsi que la direction de 20 Minutes
France SAS, s'engagent également à observer strictement, sans dérogation aucune, la
Déclaration des devoirs et des droits des journalistes adoptée en 1971 à Munich par les
représentants des fédérations de journalistes de la Communauté européenne, de Suisse,
d'Autriche, ainsi que de diverses organisations internationales de journalistes.
" Déclaration des devoirs
* respecter la vérité, quelles qu'en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce,
en raison du droit que le public à de connaître ;
* défendre la liberté de l'information, du commentaire et de la critique ;
* publier seulement les informations dont l'origine est connue ou les accompagner, si
c'est nécessaire, des réserves qui s'imposent, ne pas supprimer les informations essentielles et
ne pas altérer les textes et les documents ;
* ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies
et des documents ;
* s'obliger à respecter la vie privée des personnes ;
* rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;
* garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations
obtenues confidentiellement ;
* s'interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement,
ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression
d'une information ;
* ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du
propagandiste, n'accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ;
XXII
* refuser toute pression et n'accepter de directives rédactionnelles que des
responsables de la rédaction. "
" Déclaration des droits
* les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d'information et le
droit d'enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des
affaires publiques et privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en
vertu de motifs clairement exprimés ;
* le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne
générale de son entreprise, telle qu'elle est déterminée par écrit dans son contrat
d'engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par
cette ligne générale ;
* le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer
une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience ;
* l'équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision
importante de nature à affecter la vie de l'entreprise. Elle doit être au moins consultée, avant
décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche,
licenciement, mutation et promotion de journaliste ;
* en considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non
seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant
sa sécurité matérielle et morale ainsi qu'une rémunération correspondant au rôle social qui est
le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique. "
C ADRE SPECIFIQUE A 20 M INUTES
Les journalistes de la rédaction de 20 Minutes s'engagent enfin à respecter le cadre
déontologique spécifique à l'entreprise.
Collaborations extérieures
Les contributions extérieures des journalistes de 20 Minutes (articles, livres, émissions
de TV…) doivent faire l'objet d'une autorisation de la rédaction en chef de 20 Minutes.
XXIII
Elles seront systématiquement rejetées dans les cas suivants :
- Collaboration non journalistique (ex. animation de débat pour une entreprise,
collaboration à des dossiers de presse, rédaction de rapports annuels, plaquettes etc.)
- Piges pour des journaux de type " consumer magazine " et/ou journaux d'entreprise.
- Collaboration à des organes entrant en concurrence avec une des activités de 20
Minutes France quel qu'en soit le support.
Voyages de presse
Par principe, les journalistes de 20 Minutes ne participeront pas à des voyages de
presse. Les seules dérogations concerneront les voyages de presse susceptibles d'apporter un
accès à l'information impossible par les biais classiques (accès à un site d'ordinaire fermé aux
journalistes, déplacement avec une personnalité, etc.). D'une façon générale toute
participation à un voyage de presse doit faire l'objet d'une autorisation de la rédaction en chef
qui en définira les modalités avec le journaliste.
Invitations, cadeaux de presse
Le journaliste de 20 Minutes n'acceptera, dans le cadre de son travail, d'invitations à
déjeuner ou à dîner, que dans la mesure où celles-ci sont bien liées à une recherche
d'informations et ne peuvent être assimilées à une gratification luxueuse. Il en va de même des
cadeaux de presse pour lesquels il conviendra de faire un distinguo entre les envois
promotionnels courants et les cadeaux dont le caractère disproportionné visera à s'attirer les
faveurs du journaliste ; dans ce dernier cas, les envois seront systématiquement retournés à
l'expéditeur.
Services de presse
Si, dans un but professionnel, le journaliste a besoin d'un objet du type livre, cassette
vidéo, CD, DVD, logiciel, il s'assurera qu'ils entrent bien dans la catégorie des services de
presse courants (opérations promotionnelles) et ne s'apparentent pas à une faveur consentie au
journaliste. Dans ce dernier cas, soit il s'assurera que l'article est bien facturé à 20 Minutes,
soit il effectuera une demande de prêt. L'achat comme le prêt doivent êtres approuvés par la
rédaction en chef.
Conflits d'intérêts
XXIV
En aucun cas, un journaliste de 20 Minutes ne devra traiter d'entreprises ou d'entités
commerciales dans lesquelles il a des intérêts personnels qu'il s'agisse d'actions cotées en
bourse ou de participations personnelles directes. De la même façon, le journaliste de 20
Minutes ne pourra traiter d'associations ou d'organisations dont il est membre. D'une façon
générale, le journaliste de 20 Minutes a l'obligation expresse de signaler à la rédaction en chef
toute source de conflit d'intérêt potentiel.
XXV
Q UESTIONNAIRE ADMINISTRE
1) Quel âge avez-vous ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………
2) Vous êtes …
 Une femmeUnhomme
3) Vous vivez…
A Toulouse
Autre : précisez………………………………………………..
4) Précisez votre catégorie socioprofessionnelle :
Agriculteur exploitant
 Artisan, commerçant ou chef d’entreprise
 Cadres et professions intellectuelles supérieures
Employé
 Ouvrier
 Retraité
 Au chômage ou sans emploi
 Profession intermédiaires

 Etudiant ou lycéen
5) Quel est votre niveau de revenu mensuel ?

- de 750€750-1000€

2000-3000€
3000-4000€
1000-1500€
 4000-5000€
1500-2000€
 +de 5000€
6) Lisez-vous des journaux quotidiens payants ?
Jamais
Tous les jours
 3 à 4 fois par semaine
 1 à 2 fois par
semaine
 2 à 3 fois par mois  Moins souvent
7) Si vous lisez des journaux quotidiens veuillez préciser lesquels :
……………………………………………………………………………………………………………………………………
8) Lisez-vous des magazines ?
Jamais
 Chaque semaine
 Chaque mois
 Moins souvent
9) Si vous lisez des magazines, veuillez préciser lesquels :
……………………………………………………………………………………………………………………………………
10) Vous vous informez sur l’actualité…
Par la radio
 Par la télévision
 Ni par la radio, ni par la télévision
11) Si vous écoutez la radio ou que vous regardez la télévision, précisez quelle(s)
chaîne(s) :
XXVI
……………………………………………………………………………………………………………………………………
12) Quel type d’actualité vous intéresse en général ?
…………………………………………………………………………………………………………………………………….
13) Lisez-vous le quotidien 20 Minutes ?
Oui
 Non
14) Lisez-vous un autre quotidien gratuit d’information ?
Oui
 Non
15) Si oui, lequel ?
Métro
 Direct Toulouse
 Direct Soir 
Autre,
précisez :
……………………………………..
Si vous ne lisez pas 20 Minutes, vous pouvez arrêter de répondre à ce questionnaire
16) Comment vous procurez-vous le 20 Minutes ?
Par présentoir
 Par distributeur
Auprès d'un autre lecteur
17) Dans quel lieu précisément ?
 Bouche de Métro  Lieu de travail
 Lieu d’études

Autre,
précisez :…………………………………..
18) A quelle fréquence lisez-vous 20 Minutes ?
Tous les jours
3 fois par mois
 3 à 4 fois par semaine
 1 à 2 fois par semaine
2à
 Moins souvent
19) A quel moment de la journée ?
Matin
 Après-midi
 Soir
 A n’importe quel moment de la
journée
20) Où lisez-vous habituellement le 20 Minutes ?
Dans les transports
 Au travail
 Sur le lieu des études

A
la
maison
Autre, précisez : ……………………………..
21) Depuis combien de temps lisez-vous le 20 Minutes ?
- d’1 an
 1 à 2 ans
 2 à 4 ans
 + de 4 ans
22) Parmi les différents types de rubriques du journal, placez sur une échelle de 1 à 4
celles que vous préférez lire :
Local
 National
 International
 Economique Autre (précisez) :…………...
 Loisirs

Sport
XXVII
23) De votre point de vue, quels sont les points forts de ce journal (4 réponses
maximum) ?
Gratuité  Qualité du contenu rédactionnel 
 Format pratique
Divertissant
Rapidité/facilité
 Vue globale sur l’actualité quotidienne

de
lecture
Informations
locales
 Informations sportives  Informations culturelles
…………………………………..

Autres,
précisez :
24) De votre point de vue, quels sont les points faibles du journal (4 réponses
maximum) ?
Format
 Brièveté des informations  Publicité

Faible
qualité
du
contenu rédactionnel
 Manque d’analyse et de mise en perspective

Autre,
précisez :……………………………………………….
25) Lorsque vous avez fini de lire le journal…
lu
Vous le gardez
Vous le donnez
 Vous le jetez à la poubelle  Vous le laissez là où vous l’avez
26) Vous consultez le site web de 20 Minutes…
Jamais
 De temps en temps
 Souvent
 Très souvent
27) Si vous avez déjà envoyé un mail, un courrier, un fax ou si vous avez déjà
téléphoné à 20 Minutes, précisez à quel sujet et à quelle rédaction :
……………………………………………………………………………………………………………………………………
28) Qu’amélioreriez-vous dans le journal ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………
Avez-vous des remarques à faire sur le journal 20 Minutes ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………………………………………
………………………………………………………………………………………………………………………………………………
Acceptez-vous de laisser vos coordonnées (mail ou téléphone) en vue d’un éventuel
contact ?
……………………………………………………………………………………………………………………………………
MERCI DE VOTRE PARTICIPATION !
XXVIII
B IBLIOGRAPHIE
O UVRAGES
ACCARDO Alain, Journalistes précaires, Agone, 2007
BARET Anne, L'impact de la presse gratuite, nouvelle donne économique et
changement sociologique ?, Connaissances et Savoirs, Paris, 2006
BERNOUX Pierre, La sociologie des organisations, Paris : Seuil, 1990, 382 pages.
BOURDIEU Pierre, Sur la télévision, suivi de L’emprise du journalisme, Paris :
Raisons d’agir, 1996, 95 pages.
CHARON Jean-Marie, La presse quotidienne, Paris : La Découverte, 2005, 122
pages
HIRTZMANN Ludovic et MARTIN François, Montréal-Paris, Le défi des
quotidiens gratuits, Québec : MultiMondes, 2004, 190 pages
LE BOHEC Jacques, Les mythes professionnels des journalistes, L’Harmattan,
2000
LE FLOCH Patrick et SONNAC Natalie, Economie de la presse, La Découverte,
2005
LEGARVE Jean Baptiste, La presse écrite : objets délaissés, L’Harmattan, 2004
MABILON-BONFILS Béatrice et SAADOUN Laurent, Le mémoire de recherche
en sciences sociales, Paris : Ellipses, 252 pages
MARCHIETTI Dominique et RUELLAN Denis, Devenir journaliste. Sociologie
de l’entrée sur le marché du travail, La Documentation Française, 2001
MATTELART Armand, Histoire de la société de l’information, Paris : La
Découverte, Repères, 2006, 122 pages
XXIX
NEVEU Erik, Sociologie du journalisme, Paris : La Découverte, 2004, 123 pages
NEVEU Erik, RUELLAN Denis, RIEFFEL Rémy, Les journalistes spécialisés,
Réseaux n°111, Hermès Science Publications, 2002
RUFFIN François, Les petits soldats du journalisme, Les Arènes, 2003
YVES Agnès, Manuel de journalisme, Ecrire pour le journal, Paris : La
Découverte, 2004, 447 pages
XXX
R APPORTS OFFICIELS
DE BROSSIA Louis, Presse quotidienne d’information : chronique d’une mort
annoncée ? Rapport d’information du Sénat fait au nom de la commission des Affaires
culturelles sur la crise de la presse, 4 octobre 2007, 58 pages.
Baromètre CSA /Les Assises du journalisme, Le moral et le jugement des
journalistes sur leur métier et leur profession, février 2007, 46 pages.
DELBARRE Roger, Développement de la presse gratuite d’information et
mutations de l’espace public, Premiers résultats d’une enquête semi -directive sur les
usages et pratiques d’un échantillon d’un lectorat étudiant , Université Paris 13-LabSic,
Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord, 2006, 11 pages.
S ITES I NTERNET
Site commercial du 20 Minutes : www.20minb2b.com/
Site du journal 20 Minutes : www.20minutes.fr/
Site de Rue 89 : www.rue89.com
Site de l’OJD : www.ojd.com/
Site de l’encyclopédie en ligne Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/
Site du Sénat : www.senat.fr
Site du Conseil supérieur de l’audiovisuel : www.csa.fr/
Site de la Direction du développement des médias : www.ddm.gouv.fr
Site de l’Insee : www.insee.fr
Site d’Acrimed : www.acrimed.org
Site du Nouvel Observateur : www.nouvelobs.com
XXXI
Site de la Direction du Développement des Médias : www.ddm.gouv.fr
Site de l’Observatoire des Médias : www.observatoiredesmedias.com
Site de Médiapart : www.mediapart.fr
XXXII
M OTS CLEFS
Presse gratuite, journalisme, presse quotidienne régionale, routines de travail, sociologie, 20
Minutes, Métro, lectorat, pratiques de lecture, enquête.
XXXIII
TABLE DES MATIERES
Remerciements ..................................................................................................................
Avertissement ....................................................................................................................
Sommaire………………………………………………………………………………….
Chapitre introductif ........................................................................................................ 1
I
II
III
Présentation et justification du thème de recherche .................................... 2
A)
L’objet de la recherche : 20 Minutes Toulouse .................................... 2
B)
Pourquoi ? ............................................................................................ 3
C)
Quelle démarche sociologique ? .......................................................... 5
Présentation de 20 Minutes ......................................................................... 7
A)
En France ............................................................................................. 7
B)
A Toulouse ........................................................................................... 8
Problématique............................................................................................ 12
A)
Les gratuits : presse au rabais, mauvais journalistes et concurrence
déloyale ?
……………………………………………………………………….12
B)
Hypothèses de départ ......................................................................... 13
C)
Plan .................................................................................................... 14
Chapitre 1....................................................................................................................... 15
Le secteur journalistique français ............................................................................... 15
I
II
Socio-histoire du journalisme français ...................................................... 16
A)
Une professionnalisation tardive ........................................................ 16
B)
La notion de champ journalistique ..................................................... 17
La crise de la presse et la problématique des gratuits en France ............... 22
A)
Le contexte : la crise de la presse payante ......................................... 22
B)
Modification de la situation du secteur .............................................. 25
C)
Une concurrence déloyale ? ............................................................... 28
XXXIV
Chapitre 2....................................................................................................................... 34
Les effets structurels du système économique de la presse gratuite ......................... 34
I)
II)
III)
Le modèle économique ............................................................................. 35
A)
Le modèle économique de la presse écrite ........................................ 35
B)
Le modèle économique de la presse gratuite d’information .............. 38
Des contraintes en termes de contenu et d’organisation ........................... 41
A)
Un format réduit pour une équipe rédactionnelle restreinte .............. 41
B)
La place de la publicité ...................................................................... 46
Modes de légitimation et position des journalistes ................................... 50
A)
Une charte déontologique stricte ....................................................... 50
B)
Le respect de la pluralité .................................................................... 52
Chapitre 3....................................................................................................................... 54
Travail journalistique et réception du produit : étude empirique de 20 Minutes Toulouse
......................................................................................................................................... 54
I)
II)
III)
Recherche et choix de l’information à traiter ............................................ 55
A)
Le choix des sujets ............................................................................. 55
B)
La recherche des informations et le rapport aux sources ................... 57
Le traitement des sujets ............................................................................. 61
A)
Les caractéristiques de l’écriture journalistique................................. 61
B)
La variété des genres .......................................................................... 62
Lectorat et réception : enquête .................................................................. 64
A)
Méthodologie ..................................................................................... 64
B)
Résultats de recherche ........................................................................ 66
C)
Analyse et interprétation des résultats ............................................... 75
Conclusion ...................................................................................................................... 79
Annexes ............................................................................................................................ I
Lexique des termes journalistiques .............................................................................. II
Entretiens ……………………………………………………………………………IV
XXXV
Entretien avec deux journalistes du 20 Minutes, Hélène Ménal et Béatrice Colin,
le 30 juin 2009 ......................................................................................................... IV
Entretien avec la présidente de l’Association des journalistes de Toulouse,
Sylviane Beaudois, le 18 juin 2009 ...................................................................... VIII
Entretien avec le rédacteur en chef de La Dépêche du Midi, Yann Bouffin, le 17
mai 2009
…………………………………………………………………….XIII
La Charte de déontologie de 20 Minutes .................................................................. XXI
Cadre général ............................................................................................ XXI
Cadre spécifique à 20 Minutes .............................................................. XXIII
Questionnaire administré ....................................................................................... XXVI
Bibliographie............................................................................................................XXIX
Ouvrages ………………………………………………………………………..XXIX
Rapports officiels .................................................................................................. XXXI
Sites Internet .......................................................................................................... XXXI
Mots clefs ...............................................................................................................XXXIII
Table des matières……………………………………………………………….XXXIV
XXXVI