les perforations oeso-gastriques au cours d`intubation tracheale a
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les perforations oeso-gastriques au cours d`intubation tracheale a
LES PERFORATIONS OESO-GASTRIQUES AU COURS D’INTUBATION TRACHEALE A PROPOS D’UN CAS M. FAIK, M. OUDANANE, A. HALHAL, A. TOUNSI. RÉSUMÉ Les auteurs rapportent 1 cas de perforation de l’œsophage et de l’estomac survenue au cours d’intubations trachéales pour anesthésie générale. Le diagnostic a été porté immédiatement après l’incident. Un traitement chirurgical simple a entraîné la guérison. Une revue de littérature a permis de relever les circonstances favorisantes et les éléments du diagnostic précoce pour ne pas passer l’heure de la chirurgie. SUMMARY The authors report a case of perforation the esophagus and gastric followed tracheal intubation for ge n e ra l anesthesia. Early diagnosis and simple surgical procedures recovry obtened. The review of the litterature emphasize circumstances favorable to the production of thèse lesions, and features enabling early diagnosis are dicussed. INTRODUCTION Les perforations digestives par fausse route lors de l’intubation trachéale, mettant en jeu le pronostic vital à très bref échéance sont moins connues. Après Dubost (2) le premier qui a attiré l’attention des anesthésistes et des chirurgiens, de nouveaux cas ont été décrits. Nous rapportons ici 1 cas observé dans notre pratique de chirurgie avec une revue de littérature qui illustre les problèmes diagnostiques et thérapeutiques posés par cet accident redoutable. OBSERVATION Mm. L. 54 ans, sans antécédents notables, devrait se faire opérer pour vésicule lithiasique. Après induction des drogues anesthésiques, l’intubation trachéale semble être délicate avec ou sans mandrin. A la 3ème tentative, apparition C.H.U. Ibn-Sina, Rabat, Maroc Hôpital Avicenne, Service de Chirurgie «C» Médecine du Maghreb 1997 n°61 d’un ballonement abdominal qui s’éxagère à chaque insufflation, avec tympanisme à la percussion, des crépitations audibles évoquant la sonde en intra-oesophagienne, enfin la sonde d’aspiration gastrique qui ramène du sang a fait suspecter une perforation digestive. La sonde tra chéale est rapidement retirée pour être introduite dans la trachée. La laparotomie pratiquée immédiatement découvre une plaie du bord droit de l’oesophage abdominal et de la partie verticale de la petite courbure gastrique de 3 cm de long, la musculeuse est dilacérée, délabrement du nerf vague droit, et un hématome diffus intra-mural de l’estomac. Le traitement chirurgical consiste en une réparation de la paroi oesophagienne et gastrique par du fil à résorption lente, une hémostase soigneuse et une pyloroplastie, enfin la cholécystectomie a été effectuée. La sonde nasogastrique est laissé en place en siphonnage. Le traitement antibiotique est instauré systématiquement. Les suites sont simples et l’alimentation est reprise au 5ème jour post-opératoire. De même les résultats à distance sont favorables. Aucun contrôle radiologique (T.O.G.D.) n’a été jugé nécessaire. DISCUSSION Les perforations oeso-gastriques au cours des tentatives d’intubation trachéale sont une complication rare par rapport au nombre d’intubations effectuées journellement. Mais certainement plus fréquentes qu’on ne le dit parce qu’elles ne sont pas tous publiés. Depuis la description par Dubost en 1970 (5, 6) une trentaine d’observations ont été rapportées. Les circonstances d’intubations trachéales sont les plus souvent pour anesthésie générale, moins fréquement en milieu de réanimation pour détresse cardio-respiratoire, plus rarement pour épreuve fonctionnelle respiratoire à poumon séparés (Carlens) (5). L’âge est variable de 42 à 87 ans avec une moyenne de 50 ans. La prédominance féminine est frappante. (4). LES PERFORATIONS ŒSO-GASTRIQUES… 7 Certains facteurs favorisants peuvent être retenus : l’existence d’un cou court, obésité, la diminution de la mobilité du rachis cervical, limitation de l’ouverture de la bouche. En fait, ces éléments sont inconstants, et les complications semblent plus fréquentes lors d’intubation en atmosphère d’urgence, et pour les malades agités non coopérants, enfin l’inexpérience ou maladresse de l’opérateur peut être un élément favorisant. (1). La symptomatologie est variable suivant l’organe perforé, et l’évolution dépend de la précocité du diagnostic. En effet une perfo ration de l’oesophage se manifeste par un emphysème sous cutané avant la 6ème heure, ce signe précoce doit être recherché systématiquement après toute intubation «laborieuse». Les autres signes peuvent appa-raître soit au réveil, soit plus tardivement : dysphagie, sialorrhée, des douleurs cervicales. (5). Passé ce stade précoce, le tableau va être dominé par des signes infectieux pleuropulmonaires traduisant l’installation d’une médiastinite. Exceptionnellement, la perforation peut sièger à l’œsop h age abdominal ou à l’estomac (c’est le cas de notre observation) entrainant une péritonite par perforation ou un hémopéritoine par lésion vasculaire gastrique. La confi rm ation diagnostic est basée sur le transit aux hydrosolubles en montrant l’extravasation du contraste. Un transit normal n’élimine pas une plaie si d’autres arguments anamestiques et cliniques le font évoquer. Dans ce cas l’endoscopie peut apporter une aide précieuse au diagnostic, tout d’abord au tube rigide qui seul permet de bien examiner la région du sphincter supérieur de l’oesophage, complétée par une fibroscopie oesogastrique. Elle montre parfois la plaie ou plus souvent des arguments indirects : écchymoses, oedèmes, plaques nécrotiques qui prennent tout leur intérêt associés à la notion d’intubation difficile et à la constatation d’un emphysème sous cutané. (1). Les diagnostics tardifs sont plus fréquents chez les sujets dans le coma ou nécéssitant des manoeuvres de réanimation complexes, et le décès survient dans un état infectieux sévère et d’insuffisance respiratoire aiguë liée à un état séptique et à la médiastinite. (6). L’ i n t e rvention ch ri u rgicale doit être précoce et la vo i e d’abord dépend du siège de la lésion. Suture de la perforation, hémostase, et un drainage. Dans les cas vus tardivement avec abcès volumineux et médiastinite, évacuation de l’abcès et mise en place de deux drains permettant un lavage et drainage. L’anesthésie générale et l’intubation peuvent théoriquement poser de difficiles problèmes chez ce type de malades, mais les diff é rentes techniques d’intubation et la fibroscopie permettent de les résoudre. L’antibiothérapie préventive systématique peut s’adresser en premier lieu aux germes anaérobies, dans un second temps sera adaptée aux germes mis en évidence à l’antibiogramme. L’ hy p e ra l i m e n t ation pare n t é rale ou entérale par sonde nasogastrique est la condition essentielle pour accélérer la guérison chez les maladies dénutris. CONCLUSION Le diagnostic et le traitement précoce permettent d’abaisser la mortalité de ce type d’accident qui peut atteindre 60% après la 24 ème heure. La prévention repose sur une technique d’intubation parfaite et le dépistage des malades exposés lors de la consultation pré-anésthésique. BIBLIOGRAPHIE 1. B. ANDREASSIAN, P. GEHANNO. Perforation de l’œsopha ge au cours d’intubations trachéales (A propos de 6 cas). Ann. O.R.L. Paris, 1982, 99, 35-40. 2. CL. DUBOST. Un accident peu connu de l’anesthésie : la perforation de l’œsopha ge cervical par tentative d’intubation trachéale. Chir. 1970, 96, 268-274. 3. CL. DUBOST. D. KASWIN. Oesophageal perforation during attempted endotracheal intubation. J.Thorac. Cardiovasc. Surg. 1979, 78, 44-51. 4. R. GUILLET. Nouvelle observation de perforation oesophagiènne par intubation tra- chéale au cours d’une anesthésie générale. Chirurgie, 1975, 101, 734-743. 5. M. ROY CAMILLE, F. FEKETE. La perforation oesophagiènne par intubation : une urgence chirurgicale post-opératoire. Nouvelle presse Méd. 1973, 2, 1509-1510. 6. R.H. SMITH. Subcutaneous emphysema as a complication of endo-tracheal intubation. Anesthesiology, 1959, 20, 714-716. 7. E. WEIL. Un nouveau cas de perforation de l’oesophage par tentative d’intubation trachéale. Chir. 1971, 97, 74-76. Médecine du Maghreb 1997 n°61