Validité des transactions et quittances en contexte de cessation d

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Validité des transactions et quittances en contexte de cessation d
MARS 2008
Actualités – Emploi et travail
Validité des transactions et quittances en
contexte de cessation d’emploi : attention
aux signatures rapides
La Commission des relations du travail du Québec (ci-après, la « CRT ») et la
Cour d’appel du Québec ont récemment rendu des décisions portant sur la
validité de transactions et quittances intervenues avec des salariés
relativement à la cessation de leur emploi. On y confirme d’une part la
possibilité pour l’employeur d’obtenir une renonciation du salarié à le
poursuivre pour obtenir un délai-congé raisonnable postérieurement à la
cessation d’emploi et d’autre part, l’importance de laisser le temps au salarié
de prendre en considération les documents à signer.
La plainte d’une salariée contre son employeur est déclarée
recevable, malgré la quittance signée lors de la cessation
d’emploi
La CRT a récemment déclaré recevable la plainte d’une salariée à l’encontre
d’une pratique interdite en vertu de la Loi sur les normes du travail à la suite
de son congédiement et ce, malgré le fait que cette dernière avait signé une
quittance par laquelle elle renonçait à tout recours à l’encontre de son
employeuri.
La salariée, atteinte de la maladie de Crohn, était chimiste-formulatrice dans
une compagnie de produits cosmétiques. À l’occasion d’une récidive de sa
maladie, elle doit s’absenter du travail sous la recommandation de son médecin
traitant. Convoquée pour remettre le certificat médical attestant de son absence
en personne, l’employeur lui demande comment elle se sent. Elle affirme être
victime de douleurs et consommer un dérivé de la morphine afin de la soulager.
On lui explique ensuite que le but de cette rencontre est en fait de lui annoncer
son congédiement pour des motifs de rendement insuffisant.
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canadien de l’année »
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Bulletin rédigé par des
membres du groupe emploi et
travail de Stikeman Elliott
On lui remet une lettre de terminaison d’emploi qui explique les modalités
offertes par son employeur ainsi qu’un document de Transaction, Reçu et
Quittance (ci-après, la « Transaction ») qu’on lui demande de signer. La
salariée signe les documents, pressée de quitter les lieux en raison de son
malaise physique. La rencontre ne dure qu’environ 15 minutes.
La salariée affirme qu’elle était dans l’incapacité de lire et de comprendre le
document, car elle ne se sentait pas bien. L’employeur soutient pour sa part
qu’il a pris la peine de lui expliquer les conséquences de la signature du
document en question.
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Environ une heure et quinze minutes plus tard, la salariée contacte son employeur pour lui indiquer qu’elle revient
sur sa signature et qu’elle refuse les modalités de terminaison d’emploi proposées. Elle dépose ensuite une
plainte pour pratique interdite à l’encontre de son congédiement. L’employeur oppose la Transaction à la
recevabilité de la plainte.
La CRT rejette l’objection de l’employeur et déclare la plainte recevable. Pour elle, le fait le plus important est que
la plaignante n’a pas pris connaissance du document de Transaction avant de le signer. La CRT retient
également le court laps de temps entre le moment de la signature et la répudiation de cette signature. La CRT
constate qu’en raison de la consommation de médicaments, la salariée n’était pas en mesure « d’entendre et
d’assimiler » le contenu de la Transaction. La CRT considère que la plaignante a soulevé un doute sur sa
capacité de contracter et qu'il appartenait donc à l'employeur de prouver que la plaignante était capable de
contracter. Elle considère que l’employeur ne s’est pas déchargé de ce fardeau et que, bien que ce dernier avait
soulevé l’absence de preuve médicale par la plaignante sur son incapacité de conclure la Transaction, il aurait pu
faire une expertise contemporaine à la signature de la Transaction, ayant été au courant de la répudiation de la
signature de la salariée le même jour que cette signature.
La CRT entendra éventuellement la plainte sur le fond.
En vertu du Code civil du Québec, un consentement à contracter doit être donné par une personne qui est apte à
s’obliger. Une transaction étant un contrat au sens du Code civil du Québec, la signature d’un tel document par une
personne inapte à s’obliger vicie son consentement et peut, comme dans la présente affaire, lui être inopposable.
La Cour d’appel confirme qu’un salarié peut renoncer à un délai-congé raisonnable
postérieurement à sa cessation d’emploi
La Cour d'appel du Québec a récemment affirmé qu'on ne pouvait prétendre à l'invalidité d'une transaction si
cette transaction est intervenue en toute connaissance de cause postérieurement à la cessation d'emploiii.
L’article 2092 du Code civil du Québec prévoit qu’un salarié ne peut renoncer à un délai-congé raisonnable en cas
de congédiement sans motif sérieux. Ainsi, une disposition d’un contrat d’emploi prévoyant un préavis de cessation
d’emploi ne peut empêcher un salarié de réclamer un délai-congé supérieur lors de sa cessation d’emploi sans motif
sérieux, si le montant stipulé dans le contrat d’emploi n’est pas raisonnable. En matière de transaction et quittance
signées après la fin d’emploi, certains tribunaux ont par le passé invoqué l’article 2092 du Code civil du Québec afin
d’invalider de telles quittances si le montant négocié lors de la fin de l’emploi n’était pas raisonnable.
La Cour d'appel affirme maintenant que l’article 2092 du Code civil du Québec est une disposition d'ordre public
économique de protection à laquelle il est possible de renoncer, postérieurement à l'acquisition du droit. Un
salarié ne peut donc tenter de faire invalider une transaction signée après la cessation d'emploi au motif qu’il croit
que le délai-congé n’était pas raisonnable.
Nous nous réjouissons de cette décision de la Cour d’appel qui respecte le principe de la liberté contractuelle des
parties et empêche une remise en question perpétuelle de tout règlement à l’amiable. ■
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Bonadkar c. Groupe Marcelle inc., 2007 QCCRT 0442
Betanzos c. Premium Sound ‘N’ Picture Inc., 2007 QCCA 1629
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