Lettre COD 3 juin 2005

Transcription

Lettre COD 3 juin 2005
Numéro 3
C
Juin 2005
D
Les infections
[email protected]
LA LETTRE D’INFORMATION DU
O
COLLÈGE ODONTOLOGIE & DROIT
L E D ROIT APPLIQUÉ À L ’O DONTOLOGIE
nosocomiales reviennent régulièrement sur
le devant de la scène médiatique. Pour les chirurgiens-dentistes, le débat a été
relancé à l’occasion de faits largement relayés dans les médias au sujet d’un
praticien peu scrupuleux, exerçant en méconnaissance des règles d’hygiène les
plus élémentaires. Voici un rappel succinct des règles:
Avant la loi du 4 mars 2002, la jurisprudence avait dégagé une obligation de
« sécurité-résultat » à la charge des établissements et des professionnels de santé. La responsabilité du praticien était donc engagée sans faute, du moment où il
était prouvé que l’infection a été contracté à l’occasion des actes prodigués.
La loi du 4 mars 2002 a maintenu cette règle pour les établissements de santé
(responsabilité sans faute). En revanche, le patient soigné par un praticien libéral et qui se prétend victime d’une infection nosocomiale doit apporter la
preuve de la faute de ce praticien. Mais la loi du 30 décembre 2002 a exclu expressément du champ d'application de la loi du 4 mars 2002 les faits antérieurs
au 5 septembre 2001.
En pratique, les actes litigieux antérieurs à cette date peuvent engager la responsabilité du praticien sans faute.
Rappelons enfin que, dans les litiges devant les tribunaux, la présomption d’une
contamination (dans un hôpital par exemple) se fait en excluant les divers autres risques possibles. Depuis quelques années, les décisions judiciaires citent systématiquement les soins et extractions dentaires comme un risque
potentiel de contamination par l’hépatite C ou par le VIH.
Le Comité de rédaction
Lire en page 2
Impayés: que faire face au patient indélicat?
L’INFORMATION SUR LES RISQUES
Extraction dentaire et perte de chance
L’article
L.1111-2
du Code de la santé publique précise
que « toute personne a droit d'être
informée sur son état de santé. Cette
information porte sur les différentes
investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent,
ainsi que sur les autres solutions
possibles et sur les conséquences
prévisibles en cas de refus. »
Un chirurgien-dentiste a extrait une
dent de sagesse sans informer sa
patiente sur les risques opératoires
de cet acte. Il s’en est suivi une lésion définitive du nerf lingual.
Le risque de lésion de ce nerf, lors
de l'avulsion d'une dent de sagesse,
représente 1 à 4 pour cent des cas
(selon la littérature), ce qui n'est pas
négligeable. Il s'agit donc d'un risque
grave, normalement prévisible, sur
lequel l'information n'a pas été donnée.
La Cour applique alors le principe
de la perte de chance. Le préjudice
résultant du défaut d'information n'est
pas constitué pour l'intégralité du
dommage. Il s'agit de la perte de
chance de refuser l'extraction en
considération du risque. Compte tenu
du faible pourcentage du risque et de
l'absence de nécessité immédiate de
procéder à l’extraction, la perte de
chance de refus a été évaluée par les
magistrats à 50 %.
[Cour d’appel d’Aix-en-Provence,
chambre 10, 4 avril 2005, Juris-data
n° 2005-269957].
ACTUALITÉ
NON AUX
HONORAIRES LIBRES
L’UNCAM
(Union
nationale des caisses d’assurance maladie)
s’est opposée, le 16 juin 2005, à l’ouverture
du secteur II (honoraires libres) aux chirurgiens alors que l’accord conclu en août 2004
prévoyait de leur ouvrir cette option à partir
du 30 juin 2005.
Quelques jours plus tard, c’est la Cour de
cassation qui a mis un terme à la bataille livrée depuis près de trois ans par des associations de médecins spécialistes pour accéder
au secteur II.
Alors que plusieurs juridictions de fond
(TASS et Cours d’appel) avaient favorablement accueilli la demande des médecins, la
Haute juridiction a définitivement clos le
débat, donnant raison aux caisses d’assurance
maladie qui refusent tout nouvel accès au
secteur II.
SUICIDE ET DÉFAUT DE LA
CONCEPTION PROTHÉTIQUE
Plusieurs
expertises médicales
(odontostomatologique, psychiatrique, etc.) ont été
nécessaires pour établir, de manière formelle, les
fautes du chirurgien-dentiste: défaut d'information,
multiples négligences dans les soins prodigués à la
patiente, notamment la conception d'un bridge
monobloc non justifiée au plan clinique.
Compte tenu de la personnalité de la patiente, les
soins dentaires ont eu des conséquences dramatiques: « L'état dépressif de la patiente a été causé
par les souffrances physiques et le déficit esthétique consécutifs aux manquements du praticien. »
La patiente met fin à ses jours quatre mois après
avoir cessé de consulter le chirurgien-dentiste en
cause. Le lien de causalité entre le suicide et les
soins défectueux étant établi pour les juges, ils
engagent par conséquent la responsabilité contractuelle du chirurgien dentiste.
[Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 10,
23 mars 2005, Juris-data n° 2005-269983].
Impayés: que faire face au patient indélicat?
Confrontés à des notes d’honoraires impayées; certains confrères ne connaissent pas les mécanismes de recouvrement, d’autres
rechignent à engager des procédures judiciaires longues et coûteuses. Voici les réponses à leurs questions les plus courantes en
matière d’impayés.
QUESTIONS
1- De quel délai dispose-ton pour réclamer nos honoraires?
2- Peut-on s’adresser aux
sociétés de recouvrement
de créances?
3- Existe-t-il une démarche
simple et peu coûteuse
pour recouvrer ses honoraires impayés?
Modèle de lettre
À adresser au patient avant
de recourir à la procédure
d’injonction de payer.
Objet: règlement des honoraires
Mise en demeure
L.R.A.R.
Madame, Monsieur,
Mon précédent courrier en
date du XX/XX/XX, est
resté sans réponse.
Je vous rappelle que le
montant des honoraires dus
au titre des soins (et prothèses, etc.) prodigués jusqu’au (date du dernier rendez-vous) s’élève à XXX
€uros.
Faute d’un règlement sous
quinzaine du montant total
ci-dessus, je me verrai
contraint de recourir à la
voie contentieuse pour
assurer le paiement des
honoraires que vous me
devez.
<Formule de politesse>
RÉPONSES
1 L’article 2272 du Code civil précise que « … l’action des médecins, chirurgiens, chirurgiensdentistes, sages-femmes et pharmaciens, pour leur visite, opérations et médicaments, se prescrit par
deux ans. » Le recouvrement des honoraires est donc soumis à une prescription biennale dont le délai
commence à courir à la fin du soin ou à la pose de la prothèse.
2 Il existe des sociétés spécialisées dans le recouvrement des créances, mais leur intervention présente un coût non négligeable. Il est généralement calculé en pourcentage (15% à 20% de la somme à
recouvrer). Au-delà du coût, le recours à une société de recouvrement de créances présente deux risques:
- le pourcentage versé par le chirurgien-dentiste à un tiers pourrait représenter un partage d’honoraires prohibé par le Code de déontologie.
- la violation du secret médical pourrait également être soulevée à l’encontre du chirurgien-dentiste.
En effet, les sociétés de recouvrement ne disposent d’aucune prérogative leur donnant accès aux informations couvertes par le secret.
3 L’injonction de payer est une procédure simple, gratuite et qui ne nécessite pas de recourir à
un avocat.
C’est une procédure de recouvrement judiciaire permettant d’obtenir rapidement un titre exécutoire.
Voici comment procéder:
→ Une lettre de rappel est adressée au patient et permet de connaître les raisons du retard, de
pallier parfois un oubli. En l’absence de réponse dans un délai de 2 à 4 semaines, une 2e lettre de rappel
est envoyée en courrier recommandé avec accusé de réception. Elle doit mettre le patient en demeure
de régler les sommes dues dans un délai (15 jours; voir modèle ci-contre).
→ Lorsque le patient ne répond pas à cette mise en demeure dans le délai fixé, une requête en injonction de payer (formulaire disponible au secrétariat du C.O.D.) est adressée au greffe du tribunal
d’instance du lieu de résidence du patient, par simple lettre ou par courrier recommandé. Elle doit comporter:
Les nom, prénom, profession et adresse du chirurgien-dentiste et du patient.
Le montant de la somme due par le patient.
Les pièces justificatives : note d’honoraires détaillant les actes réalisés (soins, prothèses, etc.),
devis signé par le patient, copie de la mise en demeure qui a été adressée au patient par LRAR.
→ La décision du juge: S’il estime la demande justifiée, le juge rend une ordonnance d’injonction
de payer, sans que le praticien ou le patient soient convoqués au tribunal. Ce document est transmis au
praticien par le greffe.
→ Par huissier de justice, le praticien communique cette ordonnance au patient. Cette communication doit être faite dans un délai de 6 mois. C’est le seul moment où la procédure n’est pas gratuite. La
signification par huissier est d’un coût modéré.
→ Le patient dispose d’un mois pour éventuellement contester l’ordonnance du juge (il fait opposition). Sinon, le praticien demande alors l’apposition de la formule exécutoire au greffe dans le délai
d’un mois suivant l’expiration du délai d’opposition. L’ordonnance acquiert alors le caractère d’un
jugement définitif. Le patient doit régler la somme due. Au besoin, il peut y être contraint: l’huissier
sera chargé de faire exécuter l’ordonnance du juge aux frais du patient.
→ Si le patient fait opposition, l’affaire est alors « examinée au fond » par le juge dans une procédure où praticien et patient présentent leurs arguments (échangent leurs mémoires) et sont convoqués à
l’audience de jugement.
Vous pouvez obtenir le formulaire
DEMANDE EN INJONCTION DE PAYER
au secrétariat du C.O.D. à l’adresse:
[email protected]
L A
L E T T R E
C OLLÈGE ODONTOLOGIE & D ROIT
Président du Comité de rédaction: Raymond Blanc
[email protected]
Directeur de la publication: Marc Sabek
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