bilans radiologiques

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bilans radiologiques
« QUEL EST L’INTERET DES BILANS RADIOLOGIQUES ? »
Jean-Marc BETSCH
Docteur Vétérinaire
Depuis une trentaine d’années, le vétérinaire est habitué à pratiquer des bilans radiologiques
dans le cadre de la visite d’achat du cheval de selle. La nouveauté, c’est la réalisation de
bilans dans toutes les disciplines (selle, trotteur, galopeur) puis leur réalisation à des moments
différents de la vie du cheval. Bilan de dépistage chez le poulain, bilan avant les ventes
publiques de yearlings, bilan après les ventes, bilan pré-opératoire, bilan lors de la carrière de
reproducteur. Il ne manque plus qu’un bilan radiologique en fin vie et ce sera complet ! Tout
est toujours une question d’objectif : un bilan pour quoi faire ? Essayons de nous y retrouver.
APPORTS ET LIMITES DE LA RADIO.
La radiographie permet de mettre en évidence les anomalies osseuses. Aucun des tissus mous
entourant les articulations n’est visible (tendon, ligaments, muscles, nerfs, etc.) et le cartilage
articulaire comme le cartilage de croissance restent radio-transparents. En effet, ceux-ci ne
sont pas suffisamment minéralisés ou « ossifiés » pour apparaître sur le cliché. Il s’agit d’un
point particulièrement important à retenir : la radiographie ne permet pas d’évaluer les
articulations dans leur totalité. Schématiquement l’os représente le parpaing du mur et le
cartilage est son enduit. Cet enduit cicatrise très peu et ne cesse de s’user au cours de la
carrière sportive (processus d’arthrose).
Depuis quelques années, la pathologie « ostéochondrose » est de plus en plus fréquente chez
les chevaux boiteux comme chez les chevaux sains. Il s’agit d’une maladie du cartilage et de
son os « sous-chondral », un peu comme une fissure ou un défaut de contact entre le cartilage
(enduit) et l’os (parpaing) qui s’aggrave au fur et à mesure de la vie du cheval. Pour que cette
anomalie apparaisse, il faut qu’il y ait une prédisposition génétique au départ (la fissure) puis
que d’autres facteurs s’y ajoutent : excès ou carences alimentaires, poids et croissance
excessifs, puis efforts articulaires répétés. Toutes les races ne sont pas touchées de la même
façon : prévalence d’environ 45 % chez les trotteurs, 30% chez les chevaux de Selle et moins
de 10% chez les Pur sang.
Pour évaluer une articulation, il faut l’observer sous plusieurs angles car on passe d’une
structure anatomique en 3 dimensions à un cliché radio en 2 dimensions. Sur le film tout est
superposé donc si l’on veut dépister une anomalie dont on ne connaît pas l’emplacement à
l’avance, il faut au moins 4 vues de l’articulation pour ne pas passer à côté. Dans certains cas
on pratique même une radio de l’articulation en flexion pour mieux faire ressortir des parties
cachées entre les os (boulet ou genou par exemple). Quand il s’agit d’un bilan préventif ou de
dépistage, la situation est très différente : on connaît à l’avance l’emplacement « classique »
des anomalies et cela articulation par articulation. On radiographie alors chaque articulation
selon des angles appropriés : vue oblique pour le jarret, vue de face pour le genou, profil pour
le boulet, par exemple.
LES RADIOS DE LA VISITE D’ACHAT
Lors de la visite d’achat, l’acheteur demande à son vétérinaire de faire un état des lieux du
cheval qu’il souhaite acheter. Cet état des lieux peut être plus ou moins poussé et l’acheteur
précise au vétérinaire quelles articulations il souhaite radiographier. Il peut s’agir
d’articulations douteuses lors de l’examen de l’appareil locomoteur ou d’articulations pour
lesquelles on veut s’assurer de l’absence de lésions d’ostéochondrose par exemple. On tient
également compte de la race du cheval et de son utilisation sportive puisque les articulations
les plus sollicités dépendront de ces deux facteurs. Si l’on réalise des radios ciblées sur une
articulation douteuse (défaut d’aplomb, molette, synovite, engorgement), plusieurs clichés
seront nécessaires mais si l’on fait du dépistage, une ou deux vues peuvent suffire puisque
l’on sait par avance là ou les lésions ont le plus de chances de se trouver.
LE BILAN RADIOLOGIQUE DU POULAIN
Chez le poulain sous la mère la radiographie est essentiellement utilisée pour le diagnostic des
défauts d’aplombs, de boiterie, ou lorsqu’une articulation pose problème (épanchement,
arthrite, ostéomyélite). Lors de défaut d’aplomb, les radiographies doivent être réalisées très
tôt pour mettre rapidement en place un traitement conservateur (exercice, maréchalerie),
médical, ou chirurgical. Pour un boulet en varus par exemple (cagneux) il faut opérer au cours
du premier mois de vie si l’on veut avoir une chance de le « redresser » correctement.
A l’inverse, lorsque les radios sont réalisées pour un dépistage de pathologies de type
ostéochondrose (irrégularités, fragments, kystes osseux) il est préférable d’attendre que le
poulain ait au moins 6 à 8 mois. En effet, avant ce stade, les contours osseux articulaires sont
souvent irréguliers et dans certains cas il peut être difficile de différentier une vraie anomalie
d’une variation anatomique. Les anomalies ostéo-cartilagineuses peuvent évoluer jusque vers
12 à 14 mois et certaines peuvent cicatriser en partie. Inversement si aucune anomalie de type
ostéochondrose n’est présente vers cet âge, il est rare qu’elle apparaisse par la suite. Dans
certains rares cas, de petits fragments de cartilage se détachent au cours des premières
semaines de vie mais n’apparaissent sur les clichés que vers l’âge d’un an.
Quand on connaît précocement l’existence d’une lésion, cela présente plusieurs avantages :
gérer le problème plus tôt, limiter l’usure prématurée du cartilage sain autour de la lésion, et
opérer rapidement si nécessaire. La chirurgie par arthroscopie permet désormais de retirer en
routine les fragments de la plupart des articulations. Il est important de distinguer la chirurgie
préventive qui consiste à retirer les fragments avant qu’ils ne puissent poser problème ou pour
des raisons commerciales, et la chirurgie thérapeutique qui fait suite au diagnostic d’un réel
problème locomoteur.
LE BILAN RADIOLOGIQUE DU YEARLING
Le bilan radiologique du yearling avant les ventes se développe de plus en plus depuis
quelques années. En France il st devenu monnaie courante chez le Pur sang après près de 10
ans de retard sur ce qui ce fait aux Etats-Unis. L’objectif est double : tenter de présenter des
poulains aussi sains que possible en ventes publiques et limiter les actions d’annulation de
vente pour vice caché. Il est difficile d’avoir une opinion tranchée sur la place des bilans juste
avant les ventes car les leurs avantages et inconvénients dépendent pour beaucoup de quel
côté de la vente on se place. C’est sans doute une bonne chose de mettre en vente de jeunes
chevaux dont on connaît mieux le statut ostéo-articulaire. C’est un bon moyen pour le vendeur
de jouer la carte de la clarté et c’est un bon moyen pour l’acheteur de savoir ce qu’il achète.
Puisque le vendeur joue le jeu de la clarté il est juste que l’acheteur prenne connaissance des
radiographies, assisté de son vétérinaire. Dans cette situation il est important que la
confidentialité soit la règle c’est à dire que la relation de confiance entre le vétérinaire et son
client acheteur soit respectée. Si l’on n’évitera pas les pratiques douteuses de certains ce n’est
pas une raison pour jeter l’opprobre sur un système qui se modernise.
Une des questions que l’on nous pose régulièrement est le nombre de clichés nécessaire à un
« bon bilan ». La réponse dépend en fait de l’objectif à atteindre et du coût du bilan. Les
anomalies de type ostéochondrose (fragments ou kystes) peuvent toucher toutes les
articulations mais on les retrouve le plus souvent dans les jarrets, les boulets, et les grassets.
Les phalanges et les genoux viennent ensuite. Les anomalies de l’épaule, du coude, des
vertèbres cervicales ou de la hanche restent beaucoup plus rares. De plus au sein d’une
articulation, les lésions de retrouvent souvent aux mêmes endroits (côté interne, externe,
devant, derrière). En établissant un protocole radio on cherche donc à réaliser un nombre de
vues appropriées permettant par exemple de détecter 80 à 90% des anomalies présentes. C’est
ce que l’on obtient en général à l’aide d’un bilan de 14 à 16 clichés . Au delà il faut augmenter
considérablement le nombre de clichés pour se rapprocher du 100% sans jamais l’attendre.
LE BILAN RADIOLOGIQUE PRE-OPERATOIRE
Lors de décision d’une chirurgie orthopédique sur une articulation donnée on réalise souvent
un cliché de la même articulation de l’autre côté car les lésions peuvent être bilatérales. On
peut aussi réaliser un bilan radiologique des autres articulations pour profiter de l’anesthésie
générale et opérer préventivement les autres sites touchés.
LES ARTICULATIONS DU REPRODUCTEUR
L’objectif de la visite d’achat du reproducteur est de s’assurer que l’individu est fertile mais
aussi qu’il ne transmettra pas trop de tares en même temps que son aptitude à l’activité
sportive. Le bilan radiologique du futur étalon permet de faire l’état des lieux d’un mâle qui a
fait la preuve de son aptitude sportive, qui n’a peut être jamais boité, mais qui peut héberger
des lésions d’ ostéochondrose par exemple. Comme cette pathologie est héréditaire, le bilan
radiologique semble logique mais que fait on des mâles possédant de multiples lésions ? A ce
jour aucun critère précis de sélection n’est appliqué dans le domaine des lésions ostéoarticulaires.