Intempéries en Côte d`Azur

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Intempéries en Côte d`Azur
05/10/2015
Intempéries meurtrières:
"La peur d'être englouti nous rend irrationnel"
Propos recueillis par Jérémie Pham-Lê, publié le 05/10/2015 à 14:11 , mis à jour à 14:20
Les intempéries meurtrières ont fait au moins 19 morts sur la Côte d'Azur.
AFP Photo / Valéry Hache
Avec 19 morts et deux disparus, la catastrophe naturelle qui a frappé la Côte
d'Azur samedi est l'une des plus graves de ces 25 dernières années.
Psychiatre spécialisé dans les crises, Christian Navarre analyse le
comportement des victimes.
"Il faut rester chez soi, ne pas prendre son véhicule. Il faut d'abord penser à sauver sa propre vie." En
déplacement dimanche sur les lieux de la catastrophe, François Hollande n'a pas pointé du doigt
Météo France ou l'urbanisation galopante pour expliquer le lourd bilan des intempéries meurtrières de
la Côte d'Azur. Le chef de l'Etat a toutefois appelé à la responsabilité des citoyens face à ce genre de
situations, rappelant qu'un bon comportement peut sauver une vie.
Car parmi les 19 morts et les deux disparus, plusieurs ont été pris au piège en allant récupérer leur
véhicule. C'est le cas à Mandelieu-la-Napoule, où au moins huit résidents sont morts noyés dans un
parking souterrain. Un comportement qui s'explique par "l'état de sidération" dans lequel ils se
trouvaient, résume le psychiatre Christian Navarre. Auteur de Psy des catastrophes (Editions Imago),
il explique à L'Express pourquoi le stress peut entraîner des actions "irrationnelles".
Comment analyser le comportement des victimes des intempéries?
Christian Navarre - Lors d'un choc psychologique intense, les victimes se retrouvent dans un état de
sidération, de stupeur. Elles éprouvent ce qu'on appelle "la dissociation psychologique". Elles ne
raisonnent plus en terme de logique et adoptent un comportement automatique. Le stress aigu
entraîne une sorte de "court-circuit". Elles sont paralysées par la peur et la surprise. En termes
imagés, on peut comparer cela à un coup physique reçu. Au lieu de raisonner avec des éléments
rationnels, les personnes raisonnent dans l'immédiateté avec les émotions et la peur, ce qui entraîne
parfois des actes inadaptés à la situation.
C'est ce qui expliquerait pourquoi certaines personnes ont tenu à sauver leur véhicule au
détriment de leur vie?
Tout à fait mais c'est un comportement humain qui peut arriver à chacun d'entre nous. Chercher sa
voiture est la chose immédiate qui leur a semblé la plus importante à l'instant T. Mais cela aurait pu
être autre chose. Dans certains cas, comme des incendies, on voit souvent des personnes aller
récupérer des photos, des souvenirs, des papiers ou de l'argent. L'investissement affectif prend le pas
sur le rationnel. Le réflexe entraîne une mise en danger mais c'est quelque chose plus fort que nous.
C'est pour cela que lors d'évacuations où l'on crie "Sortez", certains ne bougent pas.
Il ne faut pas sous-estimer non plus l'influence des autres. Certaines personnes ont pu être tentées
d'aller récupérer leur voiture en imitant l'autre. Il y a un comportement mimétique au sens de mouton
de Panurge. Le stress est collectif. En plus, les faits se sont déroulés la nuit, dans le noir, à un
moment où l'on est désorienté. La pluie induit une forme de peur primitive d'être "englouti", d'étouffer,
qui nous rend irrationnel.
Quelle est la bonne attitude à avoir lors d'une catastrophe naturelle?
Il faut d'abord se mettre en sécurité sur le plan humain et abandonner ce qui est matériel. Pour
reprendre le contrôle de soi, l'idéal est de marquer un temps d'arrêt, de souffler et de respirer pendant
trois minutes même si ce temps semble être une éternité à un moment pareil.
Mais le plus important, c'est l'éducation en amont de la population à ce type de dangers, l'anticipation.
Malheureusement, c'est dans les lieux où il y a déjà eu des catastrophes que les gens sont le mieux
entraînés. On le voit au Japon où dès l'adolescence, on sait comment réagir en cas de séisme ou
dans la région où est passée la tempête Xynthia, où l'on a maintenant l'habitude des inondations.
C'est souvent après coup que l'on sait comment ne pas être submergé par la brutalité d'un
événement.
La vigilance orange incite-t-elle à suffisamment à la prudence?
Je ne veux pas faire le procès de Météo France mais de façon générale, toute alerte qui se reproduit
régulièrement tend à diminuer le niveau de réaction. Psychologiquement parlant, une alerte répétitive
finit par perdre son sens et sa valeur informative. On ressent une moindre crainte. Ce qui nous fait
fonctionner en cas de danger, c'est l'hyper vigilance. C'est comme lorsqu'on reçoit un mail avec la
mention "Urgent": au bout d'une certaine fréquence, la notion d'importance nous échappe.
Extrait de la page :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/intemperies-meurtrieres-la-peur-d-etre-englouti-nous-rendirrationnel_1722496.html
06/10/2015
Intempéries sur la Côte d'Azur: « Les
pilleurs ne sont pas tous des délinquants »
INTERVIEW Le psychiatre Christian Navarre analyse le comportement des voleurs
de ce week-end...
A Biot, le 5 octobre 2015, aux abords d'une maison dévastée par les pluies diluviennes. AFP PHOTO
/ JEAN-CHRISTOPHE MAGNENET - AFP
Propos recueillis par Delphine Bancaud - Publié le 05.10.2015 à 16:48 - Mise à jour le 05.10.2015 à 16:48
Des actes sordides en plein drame. Plusieurs personnes ont pillé des supérettes
dévastées lors des intempéries à Cannes ce week-end. Neuf personnes, dont deux vont être
déférées devant les juges, ont été interpellées à la suite. Des « individus sans scrupule »,
selon le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Le psychiatre Christian Navarre, auteur
de Psy des catastrophes (Editions Imago), explique ce phénomène.
Comment expliquer que les pillages surviennent lors de catastrophes ?
C’est un phénomène en effet bien connu, aussi bien dans les pays riches que dans les
pauvres. Ces pillages peuvent ainsi avoir lieu en cas de catastrophe naturelle, de guerre,
d’émeute, de gros accident, voire d’attentat… Ils se produisent dès qu’il y a du désordre et
que l’organisation sociale vole en éclats. Les auteurs de ces actes profitent du chaos pour
les commettre. C’est d’ailleurs pour cela que les policiers sécurisent généralement très vite
les lieux d’un sinistre.
Quel est le profil des pilleurs ?
Il n’y en a pas qu’un, car les pilleurs ne sont pas tous des délinquants ! Certains volent sans
penser à mal, par opportunisme. Ils ramassent un objet qui a été propulsé dans la rue par
une tempête par exemple, en pensant que la personne qui l’a perdu se fera indemniser par
les assurances. C’est comme si la notion de vol se diluait dans l’ambiance chaotique. En
revanche, d’autres ont parfois un casier et sont dénués d’empathie pour les victimes d’une
catastrophe naturelle ou d’un accident. Leur absence de morale les conduit à spolier, comme
ils auraient pu le faire à d’autres occasions. Mais la situation de chaos provoquée par
l’événement dramatique leur donne une liberté d’action dont ils profitent.
>> A lire aussi : Neuf pilleurs « sans scrupules » ont été interpellés, assure
Cazeneuve
L’opinion publique condamne-t-elle fermement ce type de comportement ?
La société est sous le choc et ces pillages s’ajoutent à un précédent drame. L’opinion
publique a donc tendance à condamner plus fortement ce type de vols, dont les auteurs
s’attaquent à des personnes déjà fragilisées. Et les hommes politiques n’hésitent pas à
condamner publiquement ces agissements, car ils sont dans leur rôle de représentation de
l’ordre social et se doivent de rassurer la population.
La justice se montre-t-elle particulièrement sévère avec eux ?
Dans certains pays oui et elle est d’autant plus expéditive dans un contexte de chaos. L’idée
est aussi de dissuader des individus d’imiter un jour les pilleurs…
Extrait de la page :
http://www.20minutes.fr/societe/1702375-20151005-intemperies-cote-azur-pilleurs-tousdelinquants