les besoins des personnes autistes et de leurs
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les besoins des personnes autistes et de leurs
AUTISME-EUROPE : LES BESOINS DES PERSONNES AUTISTES ET DE LEURS FAMILLES novembre 2001 L'autisme est un trouble chronique du développement, variant de modéré à sévère et résultant de toutes façons en un handicap important et permanent. Pour venir en aide à l'enfant autiste et à sa famille, les services médicaux et sociaux doivent fournir un effort particulier. 1 - L'autisme est différent des autres handicaps les caractéristiques même de l'autisme engendrent un stress supplémentaire pour les parents et rendent la vie de famille très difficile. Les familles laissées seules devant le défi d'élever un enfant autiste sont dès le début victimes de désespoir et d'exténuation en raison des idées fausses sur l'autisme, du manque de services spécialisés et surtout de l'impossibilité d’envisager l'avenir de leur enfant. 2 - L'autisme est un trouble permanent. Ceci signifie que les personnes atteintes d’autisme ont besoin • de protection à différents niveaux d'aide, • de services spécialisés en autisme tout au long de leur vie et • de possibilités de mener une vie adulte indépendante hors de la famille. 1 - LES BESOINS SPECIFIQUES LIES AUX CARACTERISTIQUES DE L’AUTISME PROBLEMES D´INTERACTION SOCIALE L'indifférence réelle ou apparente de l'enfant autiste envers ses parents, qui vouent déjà amour et dévotion à ce petit être humain souvent très mignon, est une véritable tragédie émotionnelle. Les parents se sentent rejetés par cet enfant qui ne leur répond pas et pourtant ils ne veulent pas l'abandonner. Le sentiment de responsabilité qu'ils éprouvent envers cet enfant livré à lui-même sans défense dans ce monde et dont ils ne tardent pas à comprendre la souffrance, les pousse à chercher de l'aide dans toutes les directions, souvent sans parvenir à traduire l'affection de l'enfant en participation émotionnelle à la vie de famille ni l'amener à acquérir des compétences sociales. PROBLEMES DE COMMUNICATION Les parents remarquent rapidement les problèmes de communication de leur enfant, mais essaient souvent de se rassurer en se raccrochant aux paroles de consolation de leurs amis ou à l'avis se voulant réconfortant de professionnels incompétents ("Chaque enfant se développe à son rythme… Votre enfant n'a rien, c'est vous qui devriez vous faire soigner pour anxiété…"). Les parents sont bouleversés de ne pas parvenir à éduquer leur enfant et cela empoisonne les relations familiales. 1 PROBLEMES DE COMPORTEMENT La vie avec un enfant autiste est très dure. La vie de famille est vite perturbée par les problèmes de comportement de l'enfant autiste 1 , spécialement si l'enfant développe une attitude agressive ou s'automutile. Souvent une hyperactivité et des troubles du sommeil ou de l'alimentation aggravent les problèmes de comportement. Les vacances n'existent pas, tomber malade devient un luxe, se reposer est impossible, les parents sont submergés par la fatigue. Les relations familiales sont tendues, les frères et sœurs sont ou se sentent négligés de ce fait. La famille vit dans une situation de stress chronique qui mine l’endurance des parents et les conduit souvent au divorce, laissant à l’un d’entre eux, le plus souvent la mère, la charge d'élever seule ses enfants, avec tout ce que cela implique. ISOLEMENT Souvent les familles doivent aussi faire face aux jugements, aux critiques et à l'intolérance des voisins, amis et parents, alors qu'ils auraient au contraire tellement besoin de solidarité et de soutien. La peur et l'anxiété qu'engendre le comportement étrange et bizarre de la personne autiste, la honte d'être considérés comme des parents incapables et le sentiment de ne pas être à la hauteur peut conduire les parents à s'enfermer chez eux avec leur enfant et à abandonner leur rôle d'éducateurs, menant ainsi l'enfant au chaos et la famille à l'isolation sociale. Les résultats de l'incompréhension sociale sont encore plus dévastateurs lorsque l'enfant est rejeté des institutions en raison de ses problèmes de comportement ou du manque de services spécialisés. Trop d'enfants autistes se voient en effet refuser le droit qu’a chaque enfant de développer au mieux ses potentialités. Les parents doivent souvent s'excuser du handicap de leur enfant et mendier comme une faveur ce qui est un droit acquis pour les autres : le droit à l’éducation. La mère est souvent obligée d'abandonner son travail en raison du manque d'aide qualifiée et se retrouve, peu à peu, emprisonnée dans une relation exclusive avec son enfant autiste. Cependant l'amour et la tendresse des parents ne suffisent pas et surtout ne doivent servir à personne pour priver leurs enfants du droit à des services adéquats en dehors de la famille. INCERTITUDE FACE A L´AVENIR Trop d'enfants et d'adolescents autistes sont exclus du monde de l'éducation, et même de l'éducation spécialisée. Ils ne reçoivent ni aide ni soin en dehors de leur famille. Les effets de ce manque de services adaptés s’aggravent à l'adolescence et à l'âge adulte. L'absence d'espoir d'une vie adulte digne et convenable peut rapidement changer le stress de la famille en désespoir et nombre de parents de personnes autistes ont espéré pouvoir survivre à son enfant pour ne pas le laisser seul. Les autres parents sont très anxieux pour le futur. Ceci accroît le sentiment de culpabilité et d'impuissance des parents. Les familles laissées sans aucun soutien de services spécialisés peuvent même parfois constituer un risque réel pour la vie de la personne autiste. 1 Ces troubles du comportement sont le plus souvent la conséquence des déficits de communication dont nous venons de parler. Contrairement à une idée reçue, ils ne sont pas une caractéristique de l’autisme et peuvent être réduits par des approches positives. 2 2 - AIDE SPECIFIQUE PLANIFICATION DE LA PRISE EN CHARGE ET COORDINATION DES SERVICES PRESTES Aucune personne autiste ne devrait être privée de la liberté de mener sa vie de manière aussi indépendante que possible. L'avenir des personnes autistes dépend plus du niveau de sensibilisation des parents et des professionnels, de l'adaptation de l'environnement et de l'accès à des services spécialisés tout au long de leur vie que de la sévérité de leur handicap. D'où un besoin de coopération entre les divers services, institutions et familles. Cela exige également un programme politique pour l'autisme afin de créer les services nécessaires pour une prise en charge tout au long de la vie. Les familles doivent pouvoir dès le début avoir accès à un réseau de services spécifiques, rigoureux, flexibles et conséquents et cohérents. Les généralistes et les pédiatres devraient recevoir une formation spécifique afin de leur permettre de détecter les cas potentiels d'autisme. Ils devraient pouvoir ensuite pouvoir les référer à des services spécialisés et assurer le suivi en cas de diagnostic ou de traitement incertains. Les services spécialisés doivent être accessibles et fournir un soutien médical, psychologique et éducatif afin d'offrir dès le début un diagnostic fiable et une évaluation fonctionnelle, ainsi que conseils, formation et soutien à domicile. Ils devraient entreprendre une première évaluation neurologique et psychologique et établir ensuite avec la famille un programme éducatif personnalisé. Si la famille reçoit un diagnostic et une évaluation sans programme éducatif, elle sera tentée de rechercher d’autres solutions qui pourraient être plus ou moins fiables. Les services doivent favoriser l'éducation et l'inclusion sociale en offrant des programmes éducatifs spécialisés et un soutien permanent aux écoles, classes et enseignants. L'éducation spécialisée doit commencer dès que possible dans la prime enfance et se poursuivre à l'adolescence et à l'âge adulte afin de développer puis de maintenir les compétences personnelles et sociales de la personne autiste pour lui permettre de mener et de garder une vie autonome et indépendante. Les adolescents et les adultes doivent continuer à recevoir une formation individualisée dans les domaines fonctionnels tels que la communication, les compétences sociales, les aptitudes professionnelles et comportementales, les loisirs et l'autonomie personnelle. Ils doivent pouvoir accéder à un emploi leur convenant, et bénéficier du soutien d'un conseiller permanent (job coach) et de services compétents en autisme, que ce soit en milieu de travail ordinaire ou protégé. Ils doivent aussi pouvoir mener une vie indépendante dans la communauté et avoir accès à des services résidentiels et des centres de formation afin d'être progressivement préparés à se séparer de leur famille. Un moyen d'y parvenir est d'organiser pour eux des vacances et week-ends hors de la famille dès l'enfance. Les familles, inquiètes face à l'avenir incertain de leur enfant, sont rassurées lorsqu'on leur explique très tôt comment prendre soin de leur enfant au jour le jour et tout au long de sa vie, même si ces programmes initiaux doivent être modifiés plus tard en fonction de l'évolution de l'enfant. Le fait de pouvoir envisager un avenir digne pour leur enfant au sein de leur foyer, ou dans des institutions « accueillantes » pour les personnes autistes, procure aussi un excellent soutien émotionnel aux parents. 3 INFORMATION, FORMATION ET PARTICIPATION A LA PRISE EN CHARGE "Mon enfant ne me regarde pas, il n'obéit pas, il agit comme si nous n'existions pas, il ne semble pas se soucier de nous : Comment devons-nous réagir ?". A cette question, de nombreux professionnels répondent tout simplement « comportez-vous comme des parents ». Mais se comporter comme des parents avec un enfant autiste, ce n'est pas si simple que cela. Les parents doivent recevoir dès que possible des informations précises sur le syndrome autistique afin de leur permettre de mieux comprendre comment faire face aux problèmes spécifiques de leur enfant. Aujourd'hui, avec ce que l'on sait de l'autisme, il est tout à fait inacceptable de culpabiliser la mère comme c’est encore le cas dans certains pays. Les professionnels doivent commencer par libérer les parents de tout sentiment de culpabilité et des idées préconçues sur l'autisme. Lorsque les services n'offrent pas assez d'information dès le début, la famille est forcée de chercher des renseignements ailleurs afin de survivre. Ceci peut l'amener à se tourner vers des solutions parfois dangereuses. Il est essentiel de prévoir la participation active des parents dans le programme éducatif. En effet, la famille joue un rôle fondamental dans l'éducation de ses enfants et aucun parent ne peut accepter d'être relégué à un rôle de spectateur passif dans le développement de son enfant. La participation active de la famille au programme de prise en charge accroît les chances de développement de l'enfant et constitue le meilleur moyen pour soulager les parents de leur sentiment de culpabilité et d'échec. Le programme de prise en charge doit tenir compte de la connaissance approfondie que toute famille a de son enfant, de ses priorités et de son style de vie. Les parents doivent aussi être informés de la qualité et de l'efficacité des diverses approches et services disponibles. Les services doivent fournir aux familles une description claire et détaillée de l'approche générale qu'ils proposent et démontrer sa fiabilité scientifique et son accréditation. Ils doivent aussi fournir des programmes individualisés avec des objectifs concrets et fonctionnels et démontrer leur capacité à les atteindre. SOUTIEN SOCIAL ET EMOTIONNEL Les parents ont un besoin urgent de réponses pratiques au droit de leur enfant d'avoir un diagnostic précoce et une évaluation précise, une éducation et une prise en charge tout au long de sa vie et une vie adulte indépendante. Il faut aider les parents ainsi que les frères et sœurs d'enfants autistes à conserver le style de vie et les contacts sociaux qu'ils avaient avant la naissance de l’enfant. Cela signifie qu'ils doivent avoir accès à des services organisés et du personnel qualifié afin de leur permettre de conserver leur emploi et leurs amis, mais aussi de pouvoir consacrer un peu de temps à leurs autres enfants et leurs proches. On ne doit en effet pas oublier que ces familles ne sont pas épargnées par les problèmes que rencontrent n'importe quelle famille : difficultés financières, maladies, devoirs envers des parents âgés aussi bien qu’envers la fratrie de vivre aussi normalement que possible. Des moments de répit permettent à la famille de recharger ses batteries et de trouver une nouvelle énergie pour faire face aux difficultés de sa vie quotidienne. 4 MEDICAMENTS Bien qu'il n'existe pas à ce jour de médicament spécifique pour l'autisme, des traitements pharmacologiques peuvent soulager certains symptômes et aider à améliorer le bien-être de la personne autiste. Toutefois, ces traitements ne devraient être prescrits qu'après que tous les efforts entrepris pour adapter l'environnement et le programme personnalisé se soient révélés inadaptés cela uniquement dans l'intérêt de la personne autiste. Cela ne concerne évidemment pas les médicaments prescrits pour certains maladies associées à l'autisme ou plus générales. Le service qui prescrit un médicament doit fournir à la famille des informations claires et précises sur ses avantages et effets secondaires et offrir en permanence aux familles et personnel soignant les conseils nécessaires. RECHERCHES SCIENTIFIQUES Les recherches sur les dommages infectieux ou d’origine toxique qui prédisposent à l'autisme sont considérées comme une toute première priorité par les familles. Bien que des parents aient signalé que divers troubles aggravaient les symptômes comportementaux de leurs enfants, par exemple des allergies ou intolérances alimentaires, ou une réaction négative suite à une vaccination, aucune recherche conséquente entreprise à grande échelle dans la population autistique ne permet aujourd'hui de conclure à un lien entre l'autisme et des troubles métaboliques, gastriques ou immunologiques. Il est urgent d'entreprendre des études contrôlées pour identifier les gènes qui prédisposent à l'autisme, l'influence du traumatisme cérébral précoce et le lien entre les profils biologiques, les déficits cognitifs et les types de comportements. Des recherches sont aussi nécessaires dans le domaine de la psychologie et de l'éducation. Il est extrêmement important que nous comprenions mieux les divers processus cognitifs affectés par l'autisme afin de développer des stratégies éducatives mieux adaptées et des programmes plus efficaces. L'élaboration de stratégies et techniques éducatives devraient aussi faire l’objet de recherches appliquées. Compte tenu de la gravité de ce handicap, du grand nombre de services nécessaires et du coût élevé de la prise en charge (tant sur le plan humain que financier), des études contrôlées sont nécessaires pour reconnaître, diffuser et soutenir des traitements psychoéducatifs efficaces et des modèles de prises en charge polyvalents. 5